Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/127

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blème, lequel de ces deux arbres rapportoit ou rapportèrent le plus au propriétaire : dans tout ceci, il n’est question que du noyer destiné à la récolte des noix, & par conséquent planté dans un bon fonds.

D’après cet exposé, le cultivateur doit-il, ou ne doit-il pas arracher tous les noyers plantés dans l’intérieur de ses champs ? Je serois pour l’affirmative ; doit-il supprimer ceux des lisières, des bordures des chemins, & les remplacer par des mûriers ? je ne le crois pas : ces deux sentimens sont susceptibles de beaucoup de modifications qui tiennent à la localité, & que le cultivateur peut infiniment mieux apprécier que moi, qui parle en général.

Il est constant que la Provence, le bas-Dauphiné & le Languedoc ne fournissent pas la vingtième partie de l’huile d’olive que l’on consomme dans le royaume : on est donc forcé de recourir à d’autres huiles que celle des olives. La noix est donc une ressource bien précieuse ; mais l’est-elle si fort qu’on ne puisse s’en passer ? c’est le vrai point de la question : s’il m’est permis d’avoir un avis sur ce sujet, je ne craindrois pas de dire que, si des expériences réitérées & faites avec soin me prouvoient que, pendant l’année des jachères, mes champs étoient susceptibles de produire du colsat, de la navette, du pavot, (voyez ces mots) je préfererois leur culture au produit du noyer : il en résulteroit de grands avantages ; les champs seroient alternés (voyez ce mot essentiel), & la récolte en grain y seroit complette & beaucoup meilleure ; on auroit donc, chaque année, un produit plus considérable que ne le sera jamais celui du champ planté en noyers. Ces assertions paroîtront peut-être des paradoxes aux yeux de ceux qui jugent sans examen, ou qui sont accoutumés, depuis leur tendre enfance, à voir des noyers. Je leur demanderai de ne pas les juger, les condamner sans avoir fait des expériences ; je leur citerai l’exemple de plusieurs grands tenanciers du Beaujolois, &c., qui ont supprimé les noyers, pour suivre la culture des graines à huile, & qui s’en trouvent si bien, que leur exemple gagne de proche en proche. Je ne parle pas d’une suppression totale : il convient, au contraire, de boiser les bords des chemins, de former des avenues, de planter les balmes, & même, s’il se peut, de hasarder des semis de noyers dans les crevasses des rochers ; cet arbre donne un air d’opulence aux campagnes ; il flatte le coup d’œil ; son bois est précieux, mais la culture des grains doit passer avant tout.

Le Flamand, le Picard, l’Artésien, &c. ne cultivent le noyer que pour avoir le plaisir de manger son fruit en cerneaux, ou des noix fraîches ; il le cultive uniquement comme arbre fruitier. Les graines à huile leur suffisent, & l’huile qu’ils en retirent est un gros objet de commerce : ils ont vu que le noyer occupoit un trop grand espace, & que cette étendue de terrain pouvoit être remplie d’une manière bien plus utile. Le climat & le sol s’opposent, à la vérité, à la belle végétation de cet arbre ; la récolte du fruit y est très-casuelle, & si on y plantoit le noyer tardif, afin de prévenir les effets des gelées, la noix n’auroit pas le temps d’y mûrir. Soit par cette raison, ou par