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sur coignassier, celui produit par un pépin de coing, ou un drageon ou bouture du coignassier. Consultez ces mots.

Je ne parlerai pas ici des méthodes de greffer, des conditions du sujet qui fournit la greffe, de celles du sujet qui la reçoit, &c. consultez, le mot greffe ; mais il s’agit de détruire un vieux préjugé qui fait la honte & la ruine de nos jardins.

C’est une grande question de savoir s’il faut greffer sur franc ou sur coignassier. Les marchands d’arbres tiennent pour ce dernier parti, parce que sur le coignassier l’arbre dure moins, & ses branches s’étendent beaucoup moins ; donc, pour un espace donné, il faut fournir un plus grand nombre d’arbres. Voilà le véritable nœud de l’affaire. Les marchands d’arbres & les jardiniers ignorans diront encore qu’il faut un très-grand nombre d’années avant qu’un poirier sur franc donne du fruit, & que l’arbre greffé sur coignassier se hâte de vous faire jouir. Ils ont raison jusqu’à un certain point & même très-fort raison, en supposant la conduite, la taille, & la plantation d’un arbre telles qu’ils les pratiquent ; c’est-à-dire qu’ils croient faire des merveilles & prodigieusement espacer les arbres en espalier s’ils les plantent à douze pieds. Si on a à traiter avec un imbécile propriétaire, l’espace de six pieds sera suffisant. Cet abus ne règne pas dans un seul endroit, je l’ai vu & trop vu suivi dans toutes les provinces.

Comme il n’y a point de règle sans exception, les marchands d’arbres ne manqueront pas de dire, afin de justifier leur prédilection pour le coignassier, est-ce que la royale d’été, l’épine d’hiver, l’ambrette & la mansuette peuvent se greffer sur franc ? Oui, absolument parlant, elles le peuvent, mais elles réussissent mieux sur coignassier ; c’est un fait dont je conviens, & cette exception prouve, au contraire, que les autres espèces réussissent très-bien sur franc ; donc on doit l’employer de préférence, parce qu’il subsiste long-temps & qu’un seul pied doit occuper l’espace que quatre & même six poiriers sur coignassier occuperoient ; enfin, que ce seul arbre bien conduit produira à lui seul beaucoup plus de fruit qu’eux tous ensemble.

N’est-il pas démontré que le franc est plus vigoureux que le coignassier ? Si cela est, pourquoi planter à la même distance l’un & l’autre ? la végétation est inégale entre eux & très-inégale, chacun en convient. Le plus fort doit donc de toute nécessité venir à la longue manger le plus foible, c’est-à-dire occuper là place. Point du tout, le tailleur d’arbres n’entend point cela, il taille chacun à sa place, tant pis pour lui si chaque année il pousse trop vigoureusement. Ce franc ainsi perpétuellement retenu est forcé de pousser sans cesse du bois ; mais du fruit, c’est autre chose ; ce n’est pas sa faute. Pour que le bouton à fruit se forme, il faut que le bois soit au moins de deux ans, & on ne donne pas le temps à cet arbre d’en former ! Le jardinier tout fier prononce hardiment devant son maître, qui n’y entend pas plus que lui, qu’il faut arracher cet arbre, & qu’il ne donnera jamais de fruit. Combien de fois n’ai-je pas entendu de pareils raisonnemens, combien de fois n’ai-je pas vu l’arbre vigoureux & magnifique de virgouleuse, réduit