Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/611

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soutient qu’il faut tirer les semences du Midi ; dans tel autre, du Nord ; ici, de la montagne ; là, de la plaine, etc., etc. Le vrai est que par-tout on les tire du pays voisin le plus fertile, qu’on achète les meilleures, et qu’on peut toujours éviter ce changement en choisissant les plus belles de sa récolte.

Quant aux époques auxquelles le renouvellement des semences doit avoir lieu, dans le cas où on a négligé de choisir, les années précédentes, les plus belles de sa récolte, elles varient selon la nature plus ou moins mauvaise du sol, c’est-à-dire qu’on doit les rapprocher d’autant plus que ce sol est plus stérile.

Je ne parle pas des cas où on change de semences, uniquement parce que celles de sa récolte sont trop mélangées d’ivroie, de nielle, et autres mauvaises graines, car c’est toujours la faute du cultivateur lorsque ses champs ou ses grains ne sont pas nettoyés convenablement.

Si des graines des céréales, on passe à celles des plantes employées dans les arts, on trouve, pour changer les semences, les mêmes motifs, et, de plus, d’autres tirés de l’influence du climat, influence qui agit plus sur elles que sur celles des céréales.

Ainsi la garance, qui est une plante des pays chauds, donne en France des racines d’une couleur d’autant plus foible, qu’il y a plus long-temps qu’on l’y cultive, et on augmente ou rétablit l’intensité de cette couleur en faisant venir des graines de Smyrne.

Un autre fait, três-remarquable, en ce qu’il a lieu par une double cause, c’est celui que présente le lin. Tout le monde sait que cette précieuse plante est également originaire des pays chauds où elle reste courte et fournit une filasse assez grossière, mais qu’elle se cultive facilement dans les pays froids, s’y élève beaucoup et donne une filasse fine. Les habitans de la Flandre, qui ont besoin de la filasse la plus fine et la plus longue pour le fil destiné à la fabrication de leurs dentelles et de leurs batistes, ont reconnu, par une expérience de près de deux siècles, que ce n'est qu’en tirant chaque année leur graine du Nord qu’ils pouvoient se la procurer telle. Aussi appellent-ils lin de fin, celui qui provient directement de la graine venue de Riga, et lin de gros, celui de celle qu’ils ont récoltée chez eux, même la première année de l’exportation. On voit ici que c’est une dégénérescence par régénérescence, si on peut employer cette expression, puisque ce lin n’a diminué de valeur que parce qu’il s’est rapproché de son état naturel en croissant dans un climat plus doux que celui d’où venoit sa graine.

Il faut encore citer la rave, plante qui aime les terres fraîches et légères, et qui dégénère promptement dans les sols chauds et argileux. Aussi est-ce, parmi les objets de culture, un de ceux dont les variétés sont les moins durables lorsqu’on les change de localité ; il faut donc avoir continuellement recours au type originel pour pouvoir les conserver autre part, témoin les navets de Freneuse, les turneps l'Angleterre, etc., etc.

Je pourrois encore rapporter beaucoup d’autres faits analogues à ceux-ci ; mais l’objet de cet article n’est pas de faire un traité des semis. J’ai seulement voulu prouver que la substitution des semences, quelles qu’elles soient, n’est utile que lorsque les plantes auxquelles elles appartiennent ont dégénéré par une cause quelconque, et qu’on peut presque toujours l’éviter, même dans les plus mauvais sols, en choisissant constamment les plus beaux grains de sa propre récolte. (Bosc.)


SUCCESSION DE CULTURES. L’article Alterner peut être regardé comme l'un des plus précieux de ce Dictionnaire ; cependant il n’offre pas le développement complet des motifs sur lesquels ses résultats peuvent être appuyés. En conséquence il faut croire que son auteur devoit lui donner un complément au mot Assolement, qui est le nom propre de la culture alterne ; mais ce mot a été oublié. Je me propose de réparer cette importante omission.

On a vu, au mot Jachères, le peu d’avantages et le grand nombre d’inconvéniens qui sont la suite de ce système de culture. Je supposerai ici qu’on est convaincu, comme moi, de l’absurdité d’un usage qui augmente les dépenses d’exploitation de sa terre en diminuant en même temps les produits, et de la nécessité de l’abandonner dans la majeure partie de la France, pour le remplacer par le système des assolemens, si heureusement pratiqué dans quelques uns de nos départements et en Angleterre, système qui procure, au moins, un revenu tous les ans, en diminuant les dépenses d’exploitation.

Les jachères ne sont point dans la nature. On n’a jamais vu un terrain se dépouiller de toute végétation pour se reposer ; mais le principe des assolemens s’y reconnoît à chaque pas ; il se montre dans les contrées les plus désertes, comme dans les pays les mieux cul-