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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/261

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ANNÉE 1770.

parvenir au plus tôt. Je les crois sages ; mais ils n’en seront pas moins persécutés.

Je suis tout glorieux du baiser de Mme Saurin ; elle est bien hardie à cent lieues : elle n’oserait de près. Les pauvres vieillards ne s’attirent pas de telles aubaines. J’ai été heureux pendant quinze jours : j’ai eu M. d’Alembert et M. de Condorcet ; ce sont là de vrais philosophes.

Adieu, vous qui l’êtes ; conservez-moi votre amitié.

8081. — DE FRÉDÉRIC-GUILLAUME[1].
À Potsdam, le 12 novembre.

Je vous admire, monsieur, depuis que je vous lis ; mais je ne songeais pas à vous le dire : vous êtes trop accoutumé à ce sentiment de la part de vos lecteurs. Je ne puis néanmoins résister à l’envie que j’ai de vous remercier de votre dernière brochure : j’ai vu, avec un extrême plaisir, que la même plume qui travaille depuis si longtemps à frapper la superstition et à ramener la tolérance s’occupe aussi à renverser le funeste principe du Système de la Nature.

Personne n’est plus capable que vous, monsieur, de réfuter ce malheureux livre avec succès, de démêler le faux et le monstrueux d’avec les excellentes choses qu’il renferme ; et de montrer combien l’idée d’un Dieu intelligent et bon est nécessaire au bien général de la société et au bonheur particulier de l’homme. Vous l’avez déjà dit dans plusieurs de vos écrits, mais vous ne le direz jamais trop.

Puisque je me suis permis le plaisir de m’entretenir avec vous, souffrez, monsieur, que je vous demande, pour ma seule instruction, si en avançant en âge vous ne trouvez rien à changer à vos idées sur la nature de l’âme. Vos derniers ouvrages ont encore tout le feu, la force, et la beauté de la Henriade. Votre corps a-t-il donc conservé aussi la vigueur qu’il avait lors du poëme de la Ligue ? Je n’aime pas à me perdre dans des raisonnements de métaphysique ; mais je voudrais ne pas mourir tout entier, et qu’un génie tel que le vôtre ne fût pas anéanti.

Je regrette souvent, monsieur, en vous lisant, de n’avoir pas été en âge de profiter des charmes de votre conversation dans le temps que vous étiez ici. Je n’ignore pas combien le feu prince de Prusse, mon père, vous estimait ; je vous prie de croire que j’ai hérité de ses sentiments. J’embrasserai avec plaisir les occasions de vous en donner des preuves, et de vous convaincre combien sincèrement je suis, monsieur, votre très-affectionné ami.

Fédéric-Guillaume, prince de Prusse.
  1. Voyez une note sur la lettre 8032.