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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/538

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CORRESPONDANCE.

Il y a des contrées entières couvertes de cèdres d’une épaisseur extraordinaire, aussi beaux que ceux du Liban, et des fruitiers sauvages de beaucoup d’espèces différentes.

Si vous êtes curieux, monsieur, de voir des productions de la Sibérie, je vous en enverrai des collections de différentes espèces qui ne sont communes qu’en Sibérie, et rares en tout autre endroit de la terre. Mais une chose qui démontre, je pense, que le monde est un peu plus vieux que nos nourrices ne nous le disent, c’est qu’on trouve dans le nord de la Sibérie, à plusieurs toises sous terre, des ossements d’éléphants, qui, depuis fort longtemps, n’y demeurent plus.

Les savants ont dit que c’était de l’ivoire fossile, plutôt que de convenir de l’antiquité de notre globe ; mais ils ont beau dire, les fossiles ne croissent point en forme d’éléphant très-complet.

Ayant plaidé ainsi devant vous la cause de la Sibérie, je vous laisse le jugement de mon procès, et me retire en vous réitérant les assurances de la plus haute considération, et de l’amitié et de l’estime la plus sincère.

8388. — À CATHERINE II,
impératrice de russie.
À Ferney, 18 octobre.

Madame, je n’écris point par cette poste à Moustapha[1] ; permettez-moi de donner la préférence à Votre Majesté impériale ; il n’y a pas moyen de parler à ce gros cochon, quand on peut s’adresser à l’héroïne du siècle.

J’ai le cœur navré de voir qu’il y a de mes compatriotes parmi ces fous de confédérés. Nos Welches n’ont jamais été trop sages, mais du moins ils passaient pour galants ; et je ne sais rien de si grossier que de porter les armes contre vous : cela est contre toutes les lois de la chevalerie. Il est bien honteux et bien fou qu’une trentaine de blancs-becs de mon pays aient l’impertinence de vous aller faire la guerre, tandis que deux cent mille Tartares quittent Moustapha pour vous servir. Ce sont les Tartares qui sont polis, et les Français sont devenus des Scythes. Daignez observer, madame, que je ne suis point Welche ; je suis Suisse, et si j’étais plus jeune je me ferais Russe.

Votre Majesté impériale m’a bien consolé par sa lettre du 4 septembre ; elle a daigné m’apprendre le véritable état des affaires vers le Danube. La France, ma voisine, retentissait des plus fausses nouvelles ; mais je reste toujours dans ma surprise

  1. Voyez la lettre 8379.