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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/142

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CORRESPONDANCE.

Du moins une tragédie et un opéra-comique ne font point de mal. J’espère que les Lois de Minos, auxquelles j’ai beaucoup travaillé, mériteront la protection dont vous les honorez, et que cette pièce ne sera point écrite de ce style barbare et vandale qu’on s’est permis si longtemps.

Je parle ici au doyen de notre Académie, qui doit maintenir plus que personne la pureté de notre langue.

L’impératrice de Russie me demandait, il y a quelque temps, s’il y avait deux langues en France. Elle avouait qu’elle n’avait pu entendre ce style abominable qui a fait tant de fracas sur nos théâtres, à la honte de la nation.

J’ai supplié mon héros de me mander s’il pourrait faire donner Pandore, dont on dit que la musique est très-bonne. J’ai toujours[1] un très-joli sujet d’un opéra-comique ou d’un petit opéra galant qui pourrait fournir une fort jolie fête, et qui n’exigerait que très-peu de dépense. Ce dernier mérite plairait beaucoup à M. l’abbé Terray ; mais pourvu que je puisse plaire à mon héros, je ne demande rien à personne.

Je me flatte que Mme de Saint-Julien vous dira à Paris combien vous êtes révéré à Ferney : il faut bien que les dieux reçoivent l’encens des villages.

Recevez aussi, avec votre bonté ordinaire, les tendres respects de ce hibou des Alpes.

8580. — À M. D’ALEMBERT.
13 juillet.

Mon très-cher ami, mon très-illustre philosophe, Mme de Saint-Julien, qui veut bien se charger de ma lettre, me fournit la consolation et la liberté de vous écrire comme je pense.

Vous sentez combien j’ai dû être affligé et indigné de l’aventure des deux académiciens[2]. Vous m’apprenez[3] que celui qui devait être le soutien le plus intrépide de l’Académie[4] en a


  1. Il en a déjà parlé dans la lettre 8558.
  2. Le 6 mars, l’Académie française ayant élu l’abbé Delille, le maréchal de Richelieu proposa, contre l’usage, de procéder aussi à la nomination de l’autre place vacante. Cette seconde place fut donnée à Suard, son protégé ; mais le 9 mars, l’Académie reçut du duc de La Vrillière une lettre qui annonçait que le roi improuvait le choix des deux sujets, l’un comme étant trop jeune ; l’autre comme ayant été renvoyé de la direction de la Gazette pour mécontentement de la cour.
  3. La lettre de d’Alembert est perdue.
  4. Le maréchal de Richelieu.