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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/183

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année 1772.

neur d’être connu de vous ; il avait épousé une de mes nièces, qui est morte. Il vient à Ferney pour se dissiper ; il y trouve une huguenote fort aimable[1], il l’épouse ; mais comment l’épouse-t-il ? c’est un prêtre luthérien qui le marie avec une calviniste dans un pays étranger.

Vous voyez quels troubles et quels procès peuvent en naître dans les deux familles.

Je suis persuadé que vous avez été témoin de cent aventures aussi bizarres. Puisque vous poussez la bonté et la condescendance jusqu’à vouloir qu’un homme aussi obscur que moi vous dise ce qu’il pense sur un objet si important et si délicat, permettez-moi de vous demander s’il ne serait pas possible de remettre en vigueur et même d’étendre l’arrêt du conseil signé par Louis XIV lui-même, le 15 de septembre 1685, par lequel les protestants pouvaient se marier devant un officier de justice ? Leurs mariages n’avaient pas la dignité d’un sacrement comme les nôtres, mais ils étaient valides ; les enfants étaient légitimes, les familles n’étaient point troublées. On crut, en révoquant cet arrêt, forcer les huguenots à rentrer dans le sein de la religion dominante, on se trompa. Pourquoi ne pas revenir sur ses pas lorsqu’on s’est trompé ? Pourquoi ne pas rétablir l’ordre, lorsque le désordre est si pernicieux, et lorsqu’il est si aisé de donner un état à cent mille familles, sans le moindre risque, sans le moindre embarras, sans exciter le plus léger murmure ? J’ose croire que, si vous êtes l’ami de monsieur le chancelier, vous lui proposerez un moyen qui paraît si facile.

8629. — DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
Potsdam, 16 septembre.

J’ai reçu du patriarche de Ferney des vers charmants[2], à la suite d’un petit ouvrage polémique qui défend les droits de l’humanité contre la tyrannie des bourreaux de conscience. Je m’étonne de retrouver toute la fraîcheur et le coloris de la jeunesse dans les vers que j’ai reçus : oui, je crois que son âme est immortelle, qu’elle pense sans le secours de son corps, et qu’elle nous éclairera encore après avoir quitté sa dépouille mortelle. C’est un beau privilège que celui de l’immortalité bien peu d’êtres dans cet univers en ont joui. Je vous applaudis et vous admire.

  1. Voyez lettre 8467.
  2. Les Stances sur la Saint-Barthélemy avaient été imprimées à la suite des Réflexions philosophiques sur le procès de mademoiselle Camp, qui sont tome XXVIII, page 553.