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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/363

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année 1772.

Je crois qu’Algarotti se trompe, s’il dit que les Grecs inventèrent les arts[1]. Ils en perfectionnèrent quelques-uns, et encore assez tard.

Il y avait d’ailleurs un vieux proverbe que les Chaldéens avaient instruit l’Égypte, et que l’Égypte avait enseigné la Grèce.

Les Grecs avaient été civilisés si tard qu’ils furent obligés d’apprendre l’alphabet de Tyr, quand les Phéniciens vinrent commercer chez eux et y bâtir des villes. Ces Grecs se servaient auparavant de l’écriture symbolique des Égyptiens.

Une autre preuve de l’esprit peu inventif des Grecs, c’est que leurs premiers philosophes allaient s’instruire dans l’Inde, et que Pythagore même y apprit la géométrie.

C’est ainsi, madame, que des philosophes étrangers viennent déjà prendre des leçons à Pétersbourg. Le grand homme qui prépara les voies dans lesquelles vous marchez, et qui fut le précurseur de votre gloire, disait avec grande raison que les arts faisaient le tour du monde, et circulaient comme le sang dans nos veines. Votre Majesté impériale paraît aujourd’hui forcée de cultiver l’art de la guerre, mais vous ne négligez point les autres.

Je ne croyais pas, il y a un mois, habiter encore le globe que vous étonnez. Je rends grâce à la nature, qui a peut-être voulu que je vécusse jusqu’au temps où vous serez établie dans la patrie d’Orphée et de Mars, c’est-à-dire dans quelques mois ; mais ne me faites pas attendre plus longtemps. Il faut absolument que je parte pour le néant. Je mourrai en vous conservant le culte que j’ai voué à Votre Majesté impériale. Que l’immortelle Catherine daigne toujours agréer mon profond respect, et conserver ses bontés au vieux malade de Ferney, qui l’idolâtre malgré son respect.

8818. — À M. DIDEROT[2].
À Ferney, 20 avril.

J’ai été bien agréablement surpris, monsieur, en recevant une lettre signée Diderot, lorsque je revenais d’un bord du Styx à l’autre.

Figurez-vous quelle eût été la joie d’un vieux soldat couvert de blessures, si M. de Turenne lui avait écrit. La nature m’a

  1. Voyez lettre 8782.
  2. Voyez la note 2 de la page 331.