Rapport de 1990 sur les rectifications orthographiques/10

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6 décembre 1990 Documents administratifs 10.

I.– ANALYSES

I.– ANALYSES

I.1. Le trait d’union

1. Le trait d’union
Le trait d’union a des emplois divers et importants en français :
– des emplois syntaxiques : inversion du pronom sujet (exemple : dit-il), et libre coordination (exemples : la ligne nord-sud, le rapport qualité-prix). Il est utilisé aussi dans l’écriture des nombres, mais, ce qui est difficilement justifiable, seulement pour les numéraux inférieurs à cent (exemple : vingt-trois, mais cent trois) (Voir Règle 1.) ;
– des emplois lexicaux dans des mots composés librement formés (néologismes ou créations stylistiques, exemple : train-train) ou des suites de mots figées (exemples : porte-drapeau, va-nu-pied).
Dans ces emplois, la composition avec trait d’union est en concurrence, d’une part, avec la composition par soudure ou agglutination (exemples : portemanteau, betterave), d’autre part, avec le figement d’expressions dont les termes sont autonomes dans la graphie (exemples : pomme de terre, compte rendu).
Lorsque le mot composé contient un élément savant (c’est-à-dire qui n’est pas un mot autonome : narco-, poly-, etc.), il est généralement soudé (exemple : narcothérapie) ou, moins souvent, il prend le trait d’union (exemple : narco-dollar). Si tous les éléments sont savants, la soudure est obligatoire (exemple : narcolepsie). Dans l’ensemble, il est de plus en plus net qu’on a affaire à un seul mot, quand on va de l’expression figée au composé doté de trait d’union et au mot soudé.
Dans une suite de mots devenue mot composé, le trait d’union apparaît d’ordinaire :
a) lorsque cette suite change de nature grammaticale (exemple : il intervient à propos, il a de l’à-propos). Il s’agit le plus souvent de noms (un ouvre-boîte, un va-et-vient, le non-dit, le tout-à-l’égout, un après-midi, un chez-soi, un sans-gêne). Ces noms peuvent représenter une phrase (exemples : un laissez-passer, un sauve-qui-peut, le qu’en-dira-t-on). Il peut s’agir aussi d’adjectifs (exemple : un décor tape-à-l’œil) ;
b) lorsque le sens (et parfois le genre ou le nombre) du composé est distinct de celui de la suite de mots dont il est formé (exemple : un rouge-gorge qui désigne un oiseau). Il s’agit le plus souvent de noms (un saut-de-lit, un coq-à-l’âne, un pousse-café, un à-coup) dont certains sont des calques de mots empruntés (un gratte-ciel, un franc-maçon) ;
c) lorsque l’un des éléments a vieilli et n’est plus compris (exemples : un rez-de-chaussée, un croc-en-jambe, à vau-l’eau). L’agglutination ou soudure implique d’ordinaire que l’on n’analyse plus les éléments qui constituent le composé dans des mots de formation ancienne (exemples : vinaigre, pissenlit, chienlit, portefeuille, passeport, marchepied, hautbois, plafond), etc. ;
d) lorsque le composé ne respecte pas les règles ordinaires de la morphologie et de la syntaxe, dans des archaïsmes (la grand-rue, un nouveau-né, nu-tête) ou dans des calques d’autres langues (surprise-partie, sud-américain).
On remarque de très nombreuses hésitations dans l’usage du trait d’union et des divergences entre les dictionnaires, ce qui justifie qu’on s’applique à clarifier la question, ce mode de construction étant très productif. On
améliorera donc l’usage du trait d’union en appliquant plus systématiquement les principes que l’on vient de dégager, soit à l’utilisation de ce signe, soit à sa suppression par agglutination ou soudure des mots composés. (Voir Graphies 1, 2, 3 ; Recommandations 1, 2.)

I.2. Les marques du nombre

2. Les marques du nombre
Les hésitations concernant le pluriel de mots composés à l’aide du trait d’union sont nombreuses. Ce problème ne se pose pas quand les termes sont soudés (exemples : un portefeuille, des portefeuilles ; un passeport, des passeports).
Bien que le mot composé ne soit pas une simple suite de mots, les grammairiens de naguère ont essayé de maintenir les règles de variation comme s’il s’agissait de mots autonomes, notamment :
– en établissant des distinctions subtiles : entre des gardes-meubles (hommes) et des garde-meubles (lieux), selon une analyse erronée déjà dénoncée par Littré ; entre un porte-montre si l’objet ne peut recevoir qu’une montre, et un porte-montres s’il peut en recevoir plusieurs ;
– en se contredisant l’un l’autre, voire eux-mêmes, tantôt à propos des singuliers, tantôt à propos des pluriels : un cure-dent, mais un cure-ongles ; des après-midi, mais des après-dîners, etc.
De même que mille-feuille ou millefeuille (les deux graphies sont en usage) ne désigne pas mille (ou beaucoup de) feuilles, mais un gâteau, et ne prend donc pas d’s au singulier, de même le ramasse-miettes ne se réfère pas à des miettes à ramasser, ni à l’acte de les ramasser, mais à un objet unique. Dans un mot de ce type, le premier élément n’est plus un verbe (il ne se conjugue pas) ; l’ensemble ne constitue donc pas une phrase (décrivant un acte), mais un nom composé. Il ne devrait donc pas prendre au singulier la marque du pluriel. À ce nom doit s’appliquer la règle générale d’accord en nombre des noms : pas de marque au singulier, s ou x final au pluriel. (Voir Règle 2.)

I.3. Le tréma et les accents

3. Le tréma et les accents

I.3.1. Le tréma

3.1. Le tréma
Le tréma interdit qu’on prononce deux lettres en un seul son (exemple : lait mais naïf). Il ne pose pas de problème quand il surmonte une voyelle prononcée (exemple : maïs), mais déroute dans les cas où il surmonte une voyelle muette (exemple : aiguë) : il est souhaitable que ces anomalies soient supprimées. De même l’emploi de ce signe doit être étendu aux cas où il permettra d’éviter des prononciations fautives (exemples : gageure, arguer). (Voir Graphies 4, 5.)

I.3.2. L’accent grave ou aigu sur le e

3.2. L’accent grave ou aigu sur le e
L’accent aigu placé sur la lettre e a pour fonction de marquer la prononciation comme « e fermé », l’accent grave comme « e ouvert ». Il est nécessaire de rappeler ici les deux règles fondamentales qui régissent la quasi-totalité des cas :
I.3.2.1. Première règle : la lettre e reçoit l’accent aigu
Première règle :
La lettre e ne reçoit un accent aigu ou grave que si elle est en finale de la syllabe graphique : é/tude mais es/poir, mé/prise mais mer/cure, inté/ressant mais intel/ligent, etc.
Cette règle ne connaît que les exceptions suivantes :