Utilisateur:Sicarov/Dictionnaire de la Bible/Tome 5.2.a ROI-SANGSUE

La bibliothèque libre.
Transclusion de travail - Recherche rapide : Touches Ctrl+F
Utilisateur:Sicarov/Dictionnaire de la Bible
(Volume Vp. 1113-1114-1459-1460).

ROI (hébreu : mélék ; chaldéen : mélék ; Septante : βασιλεύς ; Vulgate : rex), le chef suprême d’un peuple ou d’un pays.

I. Le nom de roi dans la Bible.

1o  Le nom de roi est souvent donné, surtout dans les anciens temps, à des hommes dont le pouvoir se restreint au commandement ou à la possession d’une ville ou d’un district. Ainsi en est-il des rois de Sodome, de Gomorrhe, d’Adama, de Séboïm et Ségor, Gen., xiv, 2, de Gérare, Gen., xx, 2, de Jérusalem, d’Haï et de Jéricho, Jos., x, 1, d’Asor, de Madon, d’Achsaph, de Séméron, etc., Jos., xi, 1, 2, et aux différents rois de Chànaan. Jos., xii, 1-24 ; Jud., v, 19.

2o  D’autres rois exercent leur pouvoir sur un territoire plus considérable ou sur des tribus entières. Tels sont les rois des Amalécites, I Reg., xx, 8, des Ammonistes, Jud., xi, 28, des Amorrhéens, Jos., xii, 2, de Basan, Jos., xiii, 30, d’Émath, II Reg., viii, 9, des Iduméens, Gen., .xxxvi, 31 ; des Madianites, Jud., viii, 5, desMoabites, Jos., xxiv, 9, de Sidon, Jer., xxv, 22, de Syrie, Jud., iii, 10, de Tyr, II Reg., v, 11, etc.

3o  A plus forte raison, ce nom convient-il aux chefs des grands états, au roi d’Egypte, Exod., i, 8, 15, 17, désigné habituellement sous le nom de « pharaon », aux rois d’Assyrie, de Chaldée, de Perse, etc. Ceux-ci, pour se distinguer des rois secondaires qui sont souvent leurs vassaux, renforcent leur titre. Le roi de Babylone s’appelle mélék melâkîm, « roi des rois », Ezech., xxvi, 7, c’est-à-dire celui qui tient les autres rois sous sa puissance. Le titre chaldéen de mélék malkayyâ’, qui

signifie la même chose, est attribué au roi de Babylone, Dan., ii, 4, et à celai des Perses. I Esd., vii, 12. Le roi d’Assyrie prend le titre de ham-mélék hag-gâdôl, « le grand roi ». Is., xxxvi, 4. En assyrien, le titre de sarru est supérieur à celui demalku. Les princes babyloniens le prennent, comme on le voit dans le protocole du roi Hammourabi, et même se nomment sarsarrânu ou sarru rabû, titres qui correspondent aux titres hébreux de « roi des rois » ou de « grand roi ».

— 4° Il était naturel que le titre de roi fut attribué à Jéhovah par les écrivains sacrés. Ps. v, 3 ; xliv (xliii), 5 ; i, xviii(lxvii), 25 ; lxxiv (lxxiii), 42 ; lxxxiv (lxxxiii), 4 ; Is ; vi, 5 ; xxxiii, 22 ; xliii, 15 ; Jer., xlviii, 15 ; Zach., xiv, 9. Cf. Lagrange, Etudes sur les religions sémitiques, Paris, 1905, p. 99-109. Dieu est le « grand roi », Ps. xlviii (xlvii), 3 ; Matth, , v, 35, le « roi des rois », I Tim., vi, 15 ; Apoc, xix, 16, le « roi de gloire », Ps. xxiv (xxm), 7-10, le « roi de Jacob », Is., xli, 21, le « roi d’Israël », Deut., xxxiii, 5 ; Is., xliv, 6, le « roi immortel des siècles », I Tim., i, 17, etc. — 5° Le nom de roi est aussi donné quelquefois aux idoles. Am., v, 26 ; Soph., i, 5. Job, xviii, 14, appelle poétiquement la mort le « roi des épouvantements ». — Pour ce qui concerne les rois des différents peuples autres que les Hébreux, voir les articles consacrés à ces rois et à ces peuples. II. Origine de la royauté en Israël. — 1° La prévision de Moïse. — Les nomades n’avaient pas de rois, mais seulement des chefs de tribus ou de familles. Les populations sédentaires étaient, au contraire, ordinairement gouvernées par des rois. Les anciens patriarches s’étaient souvent trouvés en contact avec les rois des districts qu’ils traversaient, et les Hébreux eux-mêmes avaient vécu longtemps en Egypte, sous le régime des pharaons. Ils ne pouvaient songera se donner un roi immédiatement après leur départ de la terre de servitude. Mais le désir d’en mettre un à leur tête ne pouvait manquer de leur venir un jour, quand ils seraient établis en Chanaan. Il était donc tout naturel que Moïse prévît cette éventualité dans sa législation. C’est ce qu’il fit. Deut., xvii, 14-20. D’ailleurs, l’idée de royauté israélite avait déjà été évoquée bien antérieurement, quand Dieu avait prédit à Abraham que de Sara sortiraient « des rois de peuples », Gen., xvii, 16, quand Jacob avait parlé du « sceptre » et du « bâton de commandement » de Juda, Gen., xlix, 10, et que Balaam avait entrevu le sceptre s’élevant d’Israël. Num., xxv, 17. Dans un autre passage, le Deutéronome, xxxviii, 36, fait encore mention du roi que le peuple hébreu aura mis à sa tête. Il n’y a donc pas de raison sérieuse pour attribuer à une époque contemporaine des rois ce que Moïse dit de la royauté future. Il n’impose pas cette institution ; il prévoit seulement qu’un temps viendra où, à l’exemple des peuples de leur entourage, les Hébreux voudront avoir un roi. Il formule donc quelques prescriptions à cet égard. La première concerne le peuple lui-même : il ne pourra se donner pour roi un étranger, mais il prendra un de ses frères, celui que Jéhovah aura choisi. Ainsi sera écarté le péril d’un prince qui entraînerait Israël hors de sa vocation. Trois autres prescriptions regardent le roi lui-même. — 1. Qu’il n’ait pas un grand nombre de chevaux et ainsi n’ait pas l’idée de ramener le peuple en Egypte pour en avoir beaucoup. Cet article n’a pu être libellé qu’à une époque où le peuple tournait encore avec regret ses regards du côté de l’Egypte, comme il fit plusieurs fois au désert. Exod., xiv, 11, 12 ; xvi, 3 ; Num., xi, 5 ; xiv, 3, etc. Pareil regret ne revint jamais aux Hébreux quand ils furent installés en Chanaan. Les chevaux n’étaientguère employés alors que pour /a guerre. En prohiber la multiplication, c’était donc interdire aux futurs rois les expéditions lointaines et les guerres de conquêtes. La Palestine était un pays accidenté et facile à défendre sans le secours des chars. III Reg., xx, 23, 28.

Les rois devaient se contenter d’y maintenir et d’y défendre leur peuple. — 2. Que le roi se garde de multiplier à son usage les femmes, l’argent et l’or. Il ne fallait pas qu’il imitât, sous ce rapport, les excès des princes orientaux, que l’abus des plaisirs rend incapables de bien gouverner. — 3. Le roi copiera le livre de la loi, le méditera assidûment et conformera sa vie aux préceptes divins. Le gouvernement d’Israël ne doit pas cesser d’être une théocratie, et la loi de Jéhovah servira au roi de règle inviolable. — Les prescriptions de Moïse ne portent que sur des points fondamentaux, mais très généraux. Si çepassagedu Deutéronome avait été ajouté à l’époque des rois, on y trouverait certainement beaucoup plus de détails, tels, par exemple, que ceux qui se lisent dans le discours de Samuel sur la royauté. I Reg., viii, 11-17.

2° L’établissement de la royauté.— 1. Pendant trois siècles et demi (de 1453 à 1095), les Hébreux se passèrent de rois. La remarque en est faite à plusieurs reprises dans l’histoiredes Juges, xvii, 6 ; xviii, 1 ; xxi, 24, pour bien montrer que les sauveurs que Dieu suscitait périodiquement au milieu de son peuple n’avaient qu’une mission temporaire ou locale et ne ressemblaient pas aux rois des villes ou des nations environnantes. A cette époque, chacun r aisait ce qui lui semblait bon et personne ne commandait. — 2. Samuel exerça un pouvoir plus régulier et plus durable. I Reg., vii, 15-17. Mais ce pouvoir n’avait pas de caractère militaire, comme il eût été nécessaire pour tenir constamment les ennemis à distance et centraliser contre eux les efforts des tribus. De plus, Samuel devenait vieux et la conduite de ses fils n’était rien moins que recommandable. I Reg., viii, 3-4. C’est alors que le peuple demanda à avoir un roi « comme toutes les nations ». Cf. Deut., xvii, 14. Celte requête déplut à Samuel, probablement pour des raisons qui le touchaient personnellement, comme le donne à supposer la parole de Jéhovah : « Ce n’est pas toi qu’ils rejettent, c’est moi. » I Reg., viii, 7. Il suit de là que, bien que prévue et légitime en soi, la requête impliquait un sentiment dont Dieu avait le droit de se plaindre. Qn comptait moins sur son secours que sur le savoir-faire du roi qui serait Choisi. Ose., xiii, 10-11. Cf. Zschokke, Historia sacra, Vienne, 1888, p. 198. Avant d’accéder au désir du peuple, le prophète eut ordre de lui faire connaître les charges qui pèseraient sur lui par le fait de la royauté. Le peuple aura à fournir au roi des soldats, des serviteurs, des cultivateurs, des ouvriers, des parfumeuses, des cuisinières, des boulangères, puis des terres, des dîmes, des troupeaux, sans compter tout ce que le roi prendra de force. I Reg., viii, 11-18. Telles étaient les charges que les rois voisins imposaient à leurs sujets : telles sont celles que les meilleurs rois, David, par exemple, ne pourront se dispenser de faire peser sur leur peuple. Les Israélites ne s’émurent pas des prédictions de Samuel. Ils persistèrent dans le désir d’avoir un roi pour les gouverner, les conduire à la guerre et mettre ainsi leur nation au même niveau social que les nations d’alentour. Jéhovah ordonna à Samuel d’accéder au désir du peuple. Si, malgré sa répugnance, le prophète n’avait pas tout d’abord opposé un refus formel à la demande des Israélites, c’est vraisemblablement parce que les dispositions, éventuelles réglées par Moïse lui étaient connues. — 2. Ces dispositions supposaient un roi choisi par Jéhovah. Deut., xvii, 15. L’élection du premier roi fut conforme à la prescription mosaïque. Dieu lui-même indiqua Saùl à Samuel, I Reg., ix, 16 ; il prit soin ensuite que le sort désignât publiquement celui qu’il avait choisi. I Reg., x, 20-24. Sans doute, Dieu n’entendait pas désigner ainsi chacun de ceux qui régneraient sur son peuple. H se contentait de choisir le chef de la dynastie qui devait fournir les rois. C’est pourquoi, après le rejet de Saûl, il intervint

de nouveau pour désigner le chef de la dynastie définitive. — 3. Après la proclamation de Saûl, Samuel exposa au peuple la charte de la royauté, qui réglait les droits et les devoirs du roi, et il l’écrivit dans un livre qui fut déposé devant Jéhovah. Cet écrit rappelait probablement les dispositions arrêtées par Moïse et en ajoutait d’autres plus détaillées, comme l’exigeaient les circonstances. La principale recommandation devait concerner la fidélité que le roi et le peuple étaient tenus de garder à Jéhovah, comme l’indique si formellement fe discours d’adiea da prophète. I Reg., xii, 13-17.

III. Avènement du roi. — 1° Choix du roi. — La loi voulait que le roi fût choisi par Jéhovah. Deut., XVII, 15. Il en fut ainsi pour Sàûl, I Reg., ix, 16, et pour David.

I Reg., xvi, 3, 12. Le choix de David ne fut pas seulement personnel ; il porta sur toute sa dynastie, II Reg., vii, 12, 15, 16, qui régna en effet jusqu’à la prise de Jérusalem. Dieu intervint également pour assigner à Jéroboam le royaume schismatique d’Israël, III Reg., xi, 31, et ensuite pour désigner Jéhu. III Reg., xix, 16.

2° Ordre de succession. — Dans le royaume de Juda, le successeur du roi était habituellement son fils aîné. Toutefois cette règle n’avait rien d’absolu. Adonias était bien antérieur par la naissance à Salomon.

II Reg., iii, 4. Cependant David eut pour successeur Salomon, selon la promesse que lui-même avait faite à Bethsabée, III Reg., i, 13, et que Dieu semblait avoir approuvée. II Reg., xii, 24, 25. iioboam assigna aussi la royauté à Abia, qui n’était pas son aîné, II Par., xi, 22, et Joachaz fut préféré par le peuple pour succéder à Josias, à la place de son frère aîné Joakim, qu’on regardait probablement comme trop porté du côté de l’Egypte. IV Reg., xxiii, 34. D’ordinaire, le fds aîné succédait à son père Par., xxi, 3, même quand il était encore en bas âge. IV Reg., xi, 21. Le peuple intervenait parfois pour maintenir cet ordre de succession. IV Reg., xxi, 24 ; xxiii, 30. Vers la fin du royaume de Juda, on voit le pharaon Néchao assurer à Joakim, fils aîné de Josias, la succession de son père, IV Reg., xxiii, 34, et le roi de Babylone établir à la place du roi Joachin son oncle Sédécias. IV Reg, , xxiv, 17. — Dans le royaume d’Israël, l’ordre de succession varie beaucoup. Neuf familles différentes fournissent des rois. Deux d’entre eux sont désignés par des prophètes, Jéroboam 1 et Jéhu. IV Reg., ix, 6. Amri est établi par le peuple.

III Reg., xvi, 16. Six montent sur le trône après l’assassinat de leur prédécesseur, Baasa, III Reg., xv, 26, Zambri, III Reg., xvi, 10, Sellum, IV Reg., xv, 10, Manahem, IV Reg., xv, 14, Phacée, IV Reg., xv, 25, et Osée. IV Reg., xv, 30. Enfin dix, sur dix-neuf, succèdent à leur père. Pour couper court à toute compétition, le nouveau roi prenait soin quelquefois de faire périr toute la famille de son prédécesseur. Ainsi firent Zambri, III Reg., xvi, 11, et Jéhu, IV Reg., x, 11, 17. Dans le royaume de Juda, Athalie, la seule qui ait interrompu quelque temps la succession normale, fit aussi mourir les princes de la famille royale, à l’exception de Joas qui fut soustrait à ses coups. IV Reg., xi, 1, 2. Athalie et six rois d’Israël s’emparèrent donc de la royauté par violence, au lieu de la recevoir par voie régulière.

3° Sacre du roi. — L’onction royale fut donnée à Saûl, I Reg., x, 1, et à David, I Reg., xvi, 13, par Samuel ; à Salomon par le prêtre Sadoc, III Reg., i, 39 ; à Joas par le grand-prêtre Joïada, IV Reg., xi, 12, et à Joachaz sans doute aussi par le grand-prêtre de l’époque.

IV Reg., xxiv, 30. Jéhu fut sacré roi d’Israël par un jeune homme, sur l’ordre d’Élie et d’Elisée. On considérait donc que l’huile d’onction avait, en pareil cas, une vertu par elle-même. Il ne paraît pas que tous les rois de Juda aient été sacrés. On ne recourait à cette cérémonie que dans des circonstances particulières, afin de fonder une nouvelle dynastie, comme il arriva pour

Saûl, David, et pour Jéhu en Israël, d’assurer une succession contestée, comme ce fut le cas de David quand tout Israël le proclama roi, II Reg., v, 3, de Salomon et plus tard de Joachaz, menacé par le pharaon Néchao dans les droits que le peuple lui avait conférés, enlin de rétablir une succession légitime interrompue, comme on fit pour Joas. L’onction était valable pour tous les descendants légitimes du roi, de même que la première onction sacerdotale reçue par les Bis d’Aaron avait suffi pour tous les prêtres de sa descendance. Aussi le nom d’  « oint du Seigneur » pouvait-il être donné à tout prince légitime. Voir Onction, t. iv, col. 1808.

4° Manifestations populaires. — Des marques publiques de satisfaction accompagnent la proclamation de certains rois. Quand Saül est présenté au peuple par Samuel, on crie : « Vive le roi ! » Un cortège d’hommes importants conduisent l’élu à sa maison et on lui offre des présents. I Reg., x, 24-27. Les partisans d’Adonias font un grand festin et crient : « Vive le roi Adonias ! » III Reg., i, 9, 25. Pour déjouer leur complot, Sadoc et Nathan conduisent Salomon à Gihon et le sacrent. On sonne de la trompette, le peuple crie : « Vive le roi Salomon ! » puis on accompagne le nouveau roi en jouant de la (lûte et en poussant des acclamations.

III Reg., i, 38-40. Quand les compagnons de Jéhu apprennent qu’il a reçu l’onction royale, ils se servent de leurs manteaux pour faire un trône au nouveau roi, sonnent de la trompette et crient : « Jéhu est roi ! »

IV Reg., tx, 13. Les démonstrations sont plus éclatantes pour la proclamation de Joas. Celle-ci a lieu danse Temple, au milieu des prêtres, des grands officiers et d’un grand concours de peuple qui témoigne de sa joie. On crie : « Vive le roi ! » et l’on fait retentir les trompettes. IV Reg., xi, 9-14 ; II Par., xxiii, 11-13.

IV. Prérogatives royales. — 1° Insignes de la royauté. — Les rois portaient un riche costume qui les distinguait de leurs sujets. III Reg., xxii, 10. Saûl avait au bras un bracelet. II Reg., i, 10. Au temps des Machabées, les vêtements de pourpre furent, 1e signe de la souveraineté. I Mach., x, 20, 62 ; xi, 58 ; xiv, 43. Un diadème ceignait la tête du roi, II Reg., i, 10 ; IV Reg., xi, 12, et se portait même à la guerre. À ce diadème s’ajoutait une couronne d’or et de pierres précieuses. II Reg., xii, 30 ; Cant., iii, 11 ; Ezech., xxi, 31 ; I Mach., x, 20. Voir Couronne, t. ii, col. 1083. Ézéchiel, xtx, 11, parle d’unsceptre de bois. Le roi de Perse avait un sceptre d’or. Esth., v, 2 ; viii, 4. Le roi Saûltenaitune lance au lieu de sceptre. I Reg., xiii, 22 ; xviii, 10 ; xxit, 6. Voir Sceptre. Les rois possédaient un trône plus ou moins riche. Celui de Salomon était d’ivoire et d’or. III Reg., x, 18-20 ; II Par., ix, 17. Achab et Josaphat avaient le leur. III Reg., xxii, 10. Le roi de Perse possédait aussi le sien. Esth., v, 1. Voir Trône. L’usage des chars fut introduit en Israël par les rois. C’était une prérogative royale d’en posséder. III Reg., i, 5 ; IV Reg., ix, 21 ; x, 15. Voir Char, t. ii, col. 567.

2° Garde du corps. — Saül commence le premier à attacher à son service tout homme « fort et vaillant » qu’il rencontre, I Reg., xiv, 52 ; xxii, 27. David, même avant sa royauté, s’entoure d’hommes qui partagent sa vie d’aventures. lien a autour de lui jusqu’à six cents.

I Reg., xxv, 13, xxx, 1-4. Devenu roi, il prend comme garde du corps les Céréthiens et lesPhéléthiens. IIReg., vm, 18 ; xv, 18, etc. Voir Céréthiens, t. ii, col. 442. Il s’entoure aussi probablement de Géthéens. II Reg., xv, 18-22. Voir Armée chez les Hébreux, t. i, col. 973. Ces gardes se tiennent auprès de Salomon au jour de son sacre. III Reg., ’i, 38. Roboam a des gardes qui prennent le nom de « coureurs ». III Reg., xiv, 28 ;

II Par., xii, 11.Il en est de même de Jéhu.lVReg., x, 25. Athalie a aussi une maison de coureurs. IVReg.jXi, 6. Voir Coureur, t. ii, col. 1080. La garde du corps était trop utile pour qu’aucun roi s’en passât. Cette garde

veillait sur la personne du roi, quand il résidait dans sa demeure, voir Palais, t. iv, col. 1967, et quand il allait au dehors. II Reg., xv, 14.

3° Harem. — La loi recommandait au roi de n’avoir pas un grand nombre de femmes. Deut., xvii, 17. Mais, chez les princes asiatiques, l’importance du harem était une marque de puissance etde richesse. Les rois israélites suivent en cela l’usage de leur temps. Salomon dépasse toutes les bornes et, sous ce rapport, se met au niveau des plus grands monarques asiatiques. Voir Polygamie, col. 511. Le harem faisait partie du domaine royal. Le successeur d’un roi en prenait possession comme des autres biens laissés par son prédécesseur.

II Reg., xii, 8, 11. Cf. Hérodote, iii, 68. Un prétendant au trône croyait établir son droit en prenant publiquement possession du harem de celui qu’il voulait remplacer. Ainsi fit Absalom pour le harem de son père. II Reg., xvi, 22. Adonias, qui avait brigué la royauté au détriment de Salomon, osa demander ensuite qu’on lui accordât pour épouse Abisag, la Sunamite, qui avait fait partie du harem de David. Salomon estima que cette demande équivalait presque à celle de la royauté, et il fit mourir Adonias. III Reg., ii, 13-25.

4° Honneurs royaux. — On témoignait au roi le plus grand respect. David s’incline à terre et se prosterne devant Saûl. I Reg., xxiy, 9. Devant David, Abigaïl descend de son âne et se prosterne à terre. I Reg., xxv, 23. Miphiboseth et Séméï font de même. Il Reg., ix, 6 ; xix, 18. Cf. II Reg., xiv, 4. Salomon lui-même traite sa mère avec le plus grand honneur, se prosterne devant elle, et la fait asseoir sur un trône, bien qu’il doive aussitôt opposer un refus à sa requête. III Reg., ii, 19. En certaines circonstances heureuses, on fait cortège au roi, on l’acclame et on joue des instruments. 1 Reg., xviii, 6 ; IV Reg., ix, 13. Maudire le roi était un crime digne de mort. III Reg., xxi, 10. Le prince qui se conduisait mal était éloigné de la cour. II Reg., xiv, 24, 28. Le respect qu’on leur témoignait n’empêchait pas les rois de se montrer simples et familiers avec leur peuple, II Reg., xix, 8 ; III Reg., xx, 39 ; Jer., xxxviii, 7, et d’avoir tin abord facile. II Reg., xiv, 4 ; xviii, 4 ;

III Reg., iii, 16 ; IV Reg., vi, 26-30 ; viii, 3, etc. Sous ce rapport, les rois israélites ne ressemblaient guère aux autres monarques orientaux, qui s’enfermaient dans leur majesté et n’étaient abordables que pour de rares privilégiés. Cf. Esth., i, 14 ; iv, 11 ; v, 1, 2. Les rois s’honoraient mutuellement en entretenant des rapports d’amitié et en s’envoyant des présents d’un pays à l’autre. II Reg., x, 2 ; III Reg., x, 2 ; IV Reg., xx, 12, etc. — Après leur mort, les rois recevaient les honneurs de la sépulture royale, dans la cité de David, pour les rois de Juda, III Reg., Il, 10 ; xi, 43 ; xiv, 31, etc., et à Samarie pour les rois d’Israël. III Reg., xvi, 28 ; xxii, 37 ; IV Reg., x, 15 ; xiv, 16, etc. L’honneur de la sépulture paternelle fut cependant refusé à l’impie Achaz. II Par., xxviii, 27.0zias, à cause de sa lèpre, fut inhumé dans le champ qui entourait la sépulture royale. II Par., xxvi, 23.

V. Pouvoirs royaux. —1° La théocratie. — 1. Les grands monarques orientaux prétendaient toujours être les représentants directs des dieux. Sous le couvert de cette fiction, ils exerçaient l’autocratie la plus absolue ; Chez les Hébreux, le roi était aussi le mandataire de Dieu ; mais Jéhovah ne s’était pas réservé Un pouvoir fictif. Le roi devait compter avec les volontés formelles de ce puissant suzerain. Jéhovah choisit Saül « pour chef sur son héritage. » I Reg., x, 1. C’est lui qui met le roi en possession de son autorité et de tous ses biens. II Reg., xii, 7, 8. Il est un père pour le roi, et le roi est pour lui un fils. II Reg., vii, 14. Mais le roi doit se souvenir qu’il y a un maître au-dessus île lui, et que sa propre autorité est bornée et soumise à celle de Jéhovah. La loi lui prescrit d’obéir aux ordonnances divines et de ne

pas s’élever au-dessus de ses frères. Deut., xvii, 19, 20. Le code de la royauté, quel qu’il ait été, I Reg., x, 25, définissait certainement les pouvoirs du roi, en regard des prescriptions de la volonté divine. Ce code est vraisemblablement le « témoignage » que Joïada remit à Joas le jour de son sacre. IV Reg., xi, 12 ; II Par., xxiii, 11. D’après Sota, vi, 8, le second jour de la fête des Tabernacles, le roi, assis sur un siège de bois disposé daus le parvis des femmes, lisait au peuple divers passages du Deutéronome, i, 1-vi, 4 ; xi, 13 ; xiv, 22 ; xxvi, 22 ; xvit, 14 ; xxvii, xxviii. — 2. Plus encore que les ordonnances, les faitsmontrerent.ee que Dieu attendait du roi qu’il avait choisi. Saül fut rejeté pour avoir contrevenu deux fois aux prescriptions divines, la première fois en prenant une initiative qui n’appartenait pas au prince, 1 Reg., xm, 9, la seconde fois, en épargnant des ennemis que Jéhovah avait condamnés. I Reg., xv, 26. Saül n’était pas pour Jéhovah « l’homme selon son cœur, s et il ne pouvait rester « le chef dé son peuple. » I Reg., xiii, 14. David eut soin de se régarder comme le serviteur de Jéhovah, II Reg., vii, 19, 25-28, et d’agir en conséquence. Dieu intervint visiblement, quand il se conduisit mal, pour le châtier, Dieu parle à Salomon pour lui recommander la fidélité à tous ses commandements ; à cette condition, dit-il, « je n’abandonnerai pas mon peuple d’Israël. » III Reg., vi, 13. Il renouvelle ses recommandations et ses promesses après la dédicace du Temple, et parle à Salomon en maître qui entend toujours régir son peuple. III Reg., îx, 6-9. Quand le roi en vient à prendre l’exact contre-pied des prescriptions du Deutéronome, Jéhovah partage lui-même son royaume et donne dix tribus à Jéroboam, auquel il promet même une maison stable comme celle de David, s’il lui demeure fidèle. III Reg.. xi, 31-39. Par la suite, Dieu intervient en Juda et en Israël, pour mener les événements qui les intéressent et finalement les faire partir l’un après l’autre en exil. Il domine les rois de son peuple, non pas seulement par son action providentielle, comme il fait pour tous les autres rois du monde, mais par l’exercice direct et manifeste de son autorité souveraine. En somme, le roi n’est que son pouvoir exécutif. Jéhovah a dit à David : « Tu paîtras mon peuple d’Israël.’» II Reg., v, 2 ; I Par., xi, 2. Le roi est le berger de son peuple ; il n’en est pas plus le maître que le berger n’est le maître de son troupeau. Comme le berger, il veille, conduit, défend pour le compte de Jéhovah auquel appartienne peuple élu. Le roi israélite ne peut faire sa volonté qu’autant que sa volonté se conforme aux prescriptions générales de la loi divine et aux prescriptions particulières de son suzerain, le Dieu d’Israël. — 2. Pour exercer effectivement son pouvoir théocratique et signifier ses volontés particulières au cours des événements, Dieu créa chez son peuple un organisme spécial, le prophétisme. Entre autres fonctions le prophète recevait la mission de transmettre aux rois les indications qui lui venaient directement de Jéhovah. Voir Prophète, col. 721. Il était ainsi auprès du roi comme le résident dans nos pays de protectorat. Le prince n’agissait librement que dans des limites déterminées et le prophète intervenait pour prévenir ou corriger les infractions à la volonté du Maître souverain et intimer ses ordres. Ce rôle est rempli par Samuel auprèsde Saûl et de David. Nathan reprend David, II Reg., xii, 7-12, et pourvoit au sacre de Salomon. III Reg., i, 11-40. Ahias annonce à Jéroboam la division du royaume et la part que Dieu lui attribue dans la nouvelle organisation. III Reg., xi, 30-39. Séméï défend à Roboam d’entrer en lutte contre les tribus schismatiques. III Reg., xii, 23-24. Un autre prophète signifie à Jéroboam le sort qui est réservé à sdn institution sacrilège. III Reg., xm, 1-3. De nouveau, le prophète Ahias fait connaître à Jéroboam prévaricateur les malheurs qui fondront sur sa maison. III Reg., xiv, 7-16. Il ne lui reproche que

son abandon de Jéhovah et son culte « d’autres dieux et d’images de fonte. » Bien loin de lui faire un grief du schisme, il rappelle que Dieu même lui a donné le royaume arraché à la famille de David. Il faut conclure de là que la division du royaume en deux eût été conforme au plan divin, si le royaume d’Israël fût demeuré Adèle à Jéhovah. Élie et Elisée sont envoyés au royaume d’Israël, que Jéhovah ne cesse pas de traiter comme une partie de son domaine, et ils emploient tous les moyens, fléaux et miracles, pour faire prévaloir la volonté divine dans la politique des rois. Amos et Osée continuent ensuite leur œuvre. Isaïe commence la sienne en Juda, au milieu du viiie siècle. Michée est suscité à la même époque. Sous le roi Josias, une prophétesse, Holda, indique, de la part de Dieu, les conséquences qu’impose la découverte du livre de la Loi. IV Reg, , xxii, 15-20. Au siècle suivant, Jérémie annonce aux derniers rois de Juda les arrêts divins et s’efforce, mais en vain, de les détourner d’une politique qui les conduit à la catastrophe. Il est donc vrai de dire que les prophètes exercent une mission continuelle auprès des rois, pour maintenir en face d’eux les droits de la volonté de Dieu, redresser les abus, diriger la politique dans ses grandes lignes, surtout aux époques de crise, en un mot servir de contrepoids à un pouvoir royal qui ne fut que trop porté à secouer le joug de Jéhovah. Quelques prêtres seulement, comme Sadoe et Joïada, eurent à exercer une influence sur les rois. Mais le rôle du sacerdoce était surtout rituel ; le prophétisme constituait l’organisme voulu par Dieu pour maintenir effectivement les droits de la théocratie. Si les prophètes apparaissent assez souvent comme des messagers de malheurs, c’est qu’en Juda comme en Israël les prescriptions divines furent presque toujours transgressées.

2° L’administration — 1. Les rois avaient à gouverner leur royaume et à y, établir cet ordre, favorable aux intérêts généraux et particuliers, qui ne pouvait être obtenu à l'époque où « chacun faisait Ce qui lui semblait bon. » Jud., xxi, 24. Le roi Saùl, presque continuellement occupé par ses guerres, puis saisi d’un esprit mauvais, n’eut pas le loisir de s’occuper de l’organisation du pays. Cette organisation ne faisait pourtant pas défaut totalement ; car la Loi avait prévu l’essentiel et elle était obéie. Voir Anciens, 1. 1, col. 554. Lorsque David eut achevé la conquête de tout le pays, il se donna une capitale, Jérusalem, admirablement choisie, par sa situation, pour être d’une défense relativement facile. Il tint à ce que la capitale civile fût en même temps la capitale religieuse. Il y transporta l’Arche et prépara la construction du Temple unique où devait se célébrer magnifiquement le culte de Jéhovah. Il s’occupa d’organiser ce culte, I Par., xvi, 1-42 ; xxm-xxvi, puis mit des fonctionnaires à la tête des différents services civils du royaume II y avait des conseillers, des confidents plus intimes appelés « amis du roi », des intendants et des préposés à toutes les parties du domaine royal. I Par., xxvii, 25-34. Salomon développa cette organisation. Il institua les charges nécessaires au service du nouveau Temple, bâtit des villes, des magasins, des places fortes dans tout le pays, étendit le commerce, créa une flotte, réduisit à un esclavage laborieux les anciens Chananéens qui survivaient en Palestine et leur préposa des inspecteurs. II Par., viii, 3-10. Ces mesures devaient rendre le royaume puissant et prospère. Des causes d’ordre moral en paralysèrent bientôt l’effet. Sous Roboam, le pays se divisa en deux, au grand détriment de Juda et d’Israël. Les rois d’Israël cherchèrent à organiser leur royaume en se rapprochant de leurs voisins de Syrie et en affectant une hostilité presque constante contre leurs frères de Juda. Ainsi Achab laisse établir à Samarie des bazars syriens et lui-même établit des bazars israélites à Damas.

III Reg., xx, 34. Cependant Ochozias tente avec Josaphat, en vue d’une expédition maritime, une alliance qui ne


réussit pas. III Reg., xxii, 50. En Juda, l’administration salomonienne se maintient, bien que restreinte. Plusieursrois apportent une certaine activité dans leur gouvernement. Ils combattent de leur mieux, mais pas toujours avec succès, l’invasion de l’idolâtrie qui, ils le sentent bien, doit amener la ruine de la nation. III Reg., xv, 11-15 ; xxii, 43-45 ; IV Reg., xii, 1-3 ; xviii, 3-4, etc. Joas travaille à assurer le bon emploi des revenus du Temple. IV Reg., xii, 4-16. Ozias multiplie les constructions défensives et les travaux agricoles. II Par., xxvi, 9, 10. Ézéchias renouvelle les rouages vieillis dé l’ancienne administration, prend des mesures énergiques contre l’idolâtrie et cherche même à ramener au culte de Jéhovah les habitants laissés dans le royaume du nord. II Par., xxix, 3-xxxi, 21. Josias fait aussi quelques efforts pour remettre les choses en bon état.

II Par., xxxv, 10-25. Mais bientôt après lui survient la ruine. David et Salomon sont donc les deux grands initiateurs d’une administration rationnelle et puissante qui, immédiatement après eux, s’achemine déjà à la décadence.

3° Le pouvoir militaire. — Sur l’organisation des armées israélites, voir Armée chez les Hébreux, t. i, col. 971. Le roi était naturellement le chef de l’armée. Quand les israélites réclament un roi, c’est surtout pour qu’il marche à leur tête et méfie leurs guerres.

I Reg., viii, 20. Voir Guerre, t. iii, col. 361. Parfois, le roi commande en chef directement ; ainsi font Saûl, David, Achab, III Reg., xx, 14-15, Josaphat, III Reg., xxii, 29-36, etc. Le plus souvent, il confie la direction de la guerre à un ou plusieurs chefs. Le roi peut et doit entreprendre une guerre défensive. II le fait de sa propre initiative. I Reg., xi, 7 ; II Reg., viii, 1-14, etc Mais, quand la guerre est agressive ou que son issue est douteuse, le roi consulte Jéhovah avant de l’entreprendre, I Reg., xiv, 37 ; xxviii, 6 ; II Reg., v, 19, 23 ; ou bien il reçoit, par l’intermédiaire d’un prophète, l’ordre soit d’aller en avant, I Reg., xv, 3, 16 ; III Reg., xx, 28 ; IV Reg, , iii, 18, 19, etc., soit de ne pas engager la guerre. III Reg., xii, 24 ; xxii, 15-28. Parfois, le roi demande au préalable l’avis des anciens. III Reg., xxi, 7. Mais, avec le temps, les rois prennent l’habitude de se passer de tout conseil. Des guerres assez nombreuses sont entreprises sans qu’aucune consultation n’ait précédé. Les rois s’associent les uns avec les autres pour faire la guerre. Asa fait alliance avec le roi de Syrie, à prix d’argent, III Reg., xv, 18-22 ; Josaphat avec Achab, III Reg., xxii, 4, et avec Ochozias, II Par., xx, 35-37 ; Ochozias de Juda avec Joram d’Israël, IV Reg., vin, 28 ; Achaz avec Théglathphalasar, à prix d’argent, IV Reg., xvi, 7-9. Dieu intervient quelquefois pour régler le sort des vaincus, I Reg., xv, 3-33 ; IV Reg., vi, 20-23 ; d’autres fois, le roi dispose d’eux à son gré. IV Reg., vi, 31-34 ; ix, 24, 27 ; xiv, 13, 14, etc.

4° Le pouvoir judiciaire. — Le roi était le juge suprême auquel on s’adressait en dernier ressort ou même en première instance. II Reg., xv, 2-6. Voir Juge, t. iii, col. 1835. De là cette prière de Salomon : ((Accordez à votre serviteur un cœur attentif pour juger votre peuple, pour discerner le bien et le mal. Car qui pourrait juger votre peuple, ce peuple si nombreux ? »

III Reg., iii, 9. Sans doute, « juger » signifie principalement ici « gouverner » ; mais l’administration de la justice suprême était un des devoirs du gouvernement. Le pouvoir du roi était sans appel. Il avait le droit de faire grâce à ceux que la loi condamnait. II Reg., xiv, 11.

II pouvait aussi condamner à mort, sans autre information judiciaire, ceux qu’il jugeait coupables. II Reg., i, 15 ; iv, 12 ; xii, 5 ; III Reg., ii, 25, 29, 46.

5° Les abus de pouvoir. — Les tentatives de despotisme royal trouvaient un obstacle dans l’intervention du peuple, représenté par les anciens, II Reg., v, 3 ;

III Reg., xii, 3, 4 ; IV Reg., xi, 17, etc., et dans celle

V. - 36

des prophètes. Beaucoup de rois néanmoins, et même des meilleurs, abusèrent de leur autorité. La conduite de David à l’égard’d’Urie en est un exemple lamen-Wm

  • . ^^eg., "x, ’VIT ! . ïrtikmwsa *YsVAS*4e sas droits eu

aggravant les impôts et les corvées, pour satisfaire à ses goûts exagérés de constructions et de faste. Roboam ne voulut rien rabattre de la rigueur du gouvernement paternel et il fut cause du schisme. III Reg., xii, 3-19. Achab laissa condamner juridiquement l’innocent Naboth, afin de s’emparer de sa vigne. III Reg., xxi, 8-14. Athalie s’attribua par le crime une royauté à laquelle elle n’avait aucun droit. IV Reg., xi, 1-3— Joas se saisit de tout l’or du Temple pour éloigner Hazaël. IV Reg., xii, 18. Ozias, comme Saùl, voulut s’ingérer dans l’exercice du ministère sacerdotal. I Reg., an, . 9 ; II Par., xxvi, 16-19. Les rois d’Israël et la majeure partie des rois de Juda, à l’exemple de Salbmon, tolérèrent, favorisèrent ou pratiquèrent eux-mêmes l’idolâtrie, ce qui les constituait en opposition formelle avec le statut théocratiqne. Ils s’entouraient de prophètes courtisans, qui approuvaient leurs desseins et secondaient leur politique toute humaine. III Reg., xxii, 12-23 ; 1er., xxiii, 1-32 ; xxvii ; xxviii, etc. Plusieurs s’emportèrent contre les vrais prophètes du Seigneur et les maltraitèrent. Telle fut la conduite d’Achab à l’égard de Michéfe, II Par., xviii, 26, et d’ï.lie, III Reg., xviii, 7-17 ; xix, 2 ; celle de Joakim, qui brûla les prophéties de Jérémie, Jer., xxxvi, 23, etc. L’institution de la royauté Israélite paraît avoir été nécessaire pour assurer la cohésion de la nation et la mettre en état de se défendre contre des agresseurs puissants. Mais les rois d’Israël et de Juda eurent le tort de vouloir donner à leur royauté le caractère et l’indépendance des royautés environnantes. L’exemple de Salomon fut fatal à cet égard. Il entraîna comme conséquences la méconnaissance des conditions de la théocratie et la ruine du royaume lai-même. La protection de Jéhovah devait seule préserver l’existence de ce petit royaume situé au milieu d’empires puissants et hostiles. Cette protection finit par faire défaut, quand les rois et le peuple oublièrent Jéhovah pour mettre leur confiance dans les appuis humains et dans les idoles. C’est à cette prévarication persistante que les auteurs sacrés attribuent la ruine du royaume d’Israël, IV Reg., xvii, 7-23, et celle du royaume de Juda. IV Reg., xxiv, 2-3 VI. Revenu royal. — Il fallait aux rois des ressources considérables pour faire face aux dépenses qui s’imposaient à eux. Sans doute, ils n’avaient pas un budget d’État destiné à subvenir aux dépenses d’intérêt général. Mais l’entretien de leur cour étaitcoûteux. Les ressources leur venaient de différents côtés.

1° Les dons. — Il a toujours été d’usage en Orient que les sujets fissent des présents à leurs princes. Ces dons, volontaires en apparence, n’en sont pas moins de véritables impôts au paiement desquels nul ne peut se dérober. Sitôt que Saùl fut proclamé roi, on lui apporta des présents, et le nouveau prince fut assez habile pour ne pas prendre garde à ceux qui les lui refusaient. Son pouvoir était encore trop peu solide pour se permettre des exigences ou des rigueurs. I Reg., x, 27. Isaï envoya des présents à Saùl par son fils David. I Reg., xvi, 20. On en offrit à David, quand il s’exila de Jérusalem. II Reg., xvii, 28, 29. La coutume devint une institution régulière sous Salomon, auquel chacun offrait annuellement argent, or, vêtements, armes, parfums, chevaux et mulets. III Reg., iv, 21 ; x, 25. Nul doute que ses successeurs n’aient maintenu avec soin cette tradition. Ces présents venaient quelquefois aux rois de la part des princes. étrangers. II Reg., viii, 10-12 ; III Reg., x, 10 ; IV Reg., iii, 4.

2° Le butin. — Les guerres heureuses se terminaient toujours par le partage des dépouilles de l’ennemi. Voir Butin, t. i, col. 1976. Le roi en eut naturellement sa

bonne part. I Reg., xxx, 20. Après la prise de Rabbath, David enleva une couronne d’or du poids d’un talent avec un très grand butin. II Reg., xii, 30. Il faut avouer néanmoins que, par la suite, cette source de revenus ne fut pas très considérable. Les rois eurent plus à payer aux étrangers qu’à recevoir d’eux.

3° Les propriétés foncières. — Samuel avait prévu que les rois deviendraient de grands propriétaires, aux dépens de leurs sujets. I Reg., viii, 14. Déjà David a des champs et des ouvriers qui les cultivent, des vignes, des plantations d’oliviers et de sycomores, de riches prairies où paissent de nombreux troupeaux. I Par., xxvii, 25-31. Plus tard, Ozias possédait aussi de grands troupeaux, dans la plaine et sur la montagne ; des laboureurs et des vigneronscultivaient ses terres. II Par., xxvi, 10. Dans sa description de la Palestine idéale, Ézéchiel, xlv, 7-12, attribue au prince un domaine territorial, qui est son unique source de revenus. Le prophète fait ces remarques significatives : « Ce sera son domaine, sa possession en Israël ; et mes princes n’opprimeront plus mon peuple, ils laisseront le pays à la maison d’Israël… C’en est assez, princes d’Israël ! plus de violences ni de rapines ! » Le prophète ajoute plus loin, en faisant une allusion visible au cas de Naboth : « Le prince ne prendra l’héritage de personne en l’expulsant de sa propriété ; c’est de son propre domaine qu’il donnera un héritage à ses fils. » Ezech., xlvi, 18. Ces remarques indiquent assez de quelle manière s’accrut le domaine royal, surtout sous les princes impies et peu scrupuleux. Les propriétés, une fois acquises, ne sortaient. plus de ce domaine, parce que le propriétaire était en mesure de les défendre.

4° Les impôts. — Voir Impôts, t. iii, col. 852, Cf. I Reg., vm, 15 ; xvii, 25. Le produit des impôts ordinaires restait à la seule disposition du roi pour les dépenses de sa cour, ses constructions, etc. Ces impôts se payaient le plus souvent en nature. Am., v, 11 ; vii, 1. Salomon avait organisé tout un service pour que, chaque mois, un des douze districts palestiniens fournît le nécessaire à l’entretien du roi et de sa maison. III Reg., iv, 7-19. Les provisions de chaque jour étaient considérables. III Reg., iv, 22, 23,

5° Le commerce. — Salomon ne dédaigna pas de chercher dans le trafic une nouvelle source de revenus. III Reg., x, 14, 15, 28, 29. Ses entreprises maritimes tendaient au même but. III Reg., x, 22. Mais ses dépenses étaient telles que, vingt ans après la construction du Temple et du palais, il n’était pas capable de payer à Hiram ses fournitures de matériaux et ses avances.

II fut obligé de lui donner vingt villes en Galilée, ce dont le roi de Tyr se montra peu satisfait. III Reg., ix, 10-14. Josaphat tenta de renouveler les entreprises maritimes de Salomon, mais sans succès. III Reg., xxii, 49. La division du royaume eu deux parties hostiles ne dut pas être favorable aux tentatives commerciales des autres rois.

6° Les corvées. — Les rois faisaient travailler pour leur compte les peuples vaincus. II Reg., xii, 31 ;

III Reg., ix, 20-22. Voir Corvée, t. ii, col. 1032. Sansles traiter absolument comme esclaves, Salomon pressura fortement ses sujets pour l’exécution de ses grands travaux, III Reg., v, 13, comme le montre le mécontentement général à l’avènement de Roboam. III Reg., xii, 4, 14. — Les rois ne disposaient jamais de ressources trop grandes pour satisfaire à leurs besoins ou à leurs caprices. Il leur fallait tout d’abord subvenir à leur entretien et à celui de leur cour, puis faire digne figure à côté des autres rois orientaux, dont le luxe était sans mesure, IV Reg., xx, 13, établir les nombreux fils que leur donnait la polygamie, II Par., xi, 23, avoir des appartements d’hiver et d’été, Jer., xxxvi, 22 ; Am., iii, 15, des palais et des jardins magnifiques, des ustensiles d’or, des chars, des chevaux et tout ce qui constituait

le confort asiatique. III Reg., x, 21, 26, Ce qui aggravait la charge pour le peuple, c’est que les intermédiaires dont le roi était obligé de se servir pour faire rentrer ses revenus résistaient rarement au désir de s’enrichir eux-mêmes, comme ce Sobna qui se préparait un magnifique sépulcre. Is., xxii, 15-17. Ils se croyaient le droit, ainsi qu’il est habituel en Orient, de majorer le taux des redevances, soit pour se couvrir eux-mêmes quand l’impôt ne fendait pas, soit pour s’assurer un bénéfice sérieux. Cf. Jahn, Archssologia biblica, dans le Script. Sacr. cursus complet, de Migne, Paris, 1857, t. ii, col, 958-968.

VII. Fonctionnaires royaux. — 1° Au temps de David, les fonctionnaires sont les suivants : — 1.’al’osrôf hammélék, « le préposé aux trésors du roi », surintendant résidant à la cour ; — 2. le préposé aux trésors dans les champs, les villes, les villages et les tours, probablement chargé de centraliser les redevances qui proviennent des diverses localités et des tours élevées pour protéger les cultures ; — 3. le préposé à la culture des champs ; — 4. le préposé à la culture des vignes ; — 5. le préposé aux provisions de vin dans les vignes, c’est-à-dire probablement aux vendanges ; — 6. le préposé aux plantations d’oliviers et de sycomores dans la Séphéla ; — 7. le préposé à la récolte de l’huile ; — 8. le préposé anx bœufs de Saron ; — 9. le préposé aux bœufs des vallées ; — 10.1e préposé aux chameaux ; — 11. le préposé aux ânes ; — 12. le préposé aux brebis. Ces douze premiers fonctionnaires sont des èârim, npocrrârai, principes, chargés des intérêts financiers du roi. Viennent ensuite ceux qui prennent part au gouvernement proprement dit : — 13. sôferîm, aii[i.60uXot, consiliarii, les conseillers ; — 14. rê’a ham-mélêk, ç&oç toû fiacri-Xêon ; , amicus régis, titre qui paraît être celui d’une fonction officielle, celle de confident ou de conseiller intime ; — 15. iar iâbâ’, àç>x<-<rzp6.rr i —(oç, princeps exercitus, le chef de l’armée. II Par., xxvii, 25-34. Cette dernière fonction était des plus importantes ; mais il y a lieu de penser que celles de grand-bouvier, grandchamelier, grand-ânier, etc., ne l’étaient guère moins, comme celle de connétable chez les anciens rois de France. Enfin, il est encore question sous David d’un archiviste, d’un secrétaire, d’un chef des gardes du corps et des fils du roi, qui ont le titre de kohânîm ou ministres. C’est le sens primitif d’un mot qui a été réservé ensuite pour désigner les prêtres. II Reg., viii, 16-18 ; I Par., xviii, 17.

2° Sous Salomon, le développement des services royaux entraîna l’inslitution de nouvelles charges. Voici celles qui sont énumérées, en dehors des fonctions sacerdotales : 1. soferim, Ypaniiatet ; , scribse, les scribes ou secrétaires ; — 2. ham-mazkir, àva[u|Avvi<TX(i>v, a commentariis, l’archiviste ou historiographe ; — 3.’al has-sebâ’, hii trie Suvâjjiswç, super exercilum, le chef de l’armée ; — 4.’al han-niSsâbîm, im tôv xaôearoc[isvwv, super eos qui assistebant regi, e chef des intendants ou préposés aux redevances ; t— 5. l’ami du roi ou conseiller intime ; — 6.’alhab-bàîf, ocxovrfpo : , preepositus domus, l’intendant du palais ; — 7.’al hammas, éjuI tmv <p<5pcov, super tributa, le surintendant des tributs. Au-dessous de ces fonctionnaires, probablement sous les ordres du nisiàb en chef, étaient placés douze nissâbîm préposes à douze districts palestiniens dont chacun devait fournir les provisions nécessaires à la cour pendant un mois à tour de rôle. III Reg., iv, 2-7. Ces intendants locaux remplaçaient vraisemblablement les préposés chargés par David de s’occuper des champs, des vignes, du bétail, etc. L’organisation de Salomon était plus pratique, parce que chaque intendant n’avait à régir qu’un territoire restreint.

3° Ces différentes charges subirent des modifications après la division du royaume, et l’on ne peut savoir dans quelles conditions elles furent exercées aux diffé rentes époques. Cependant, après Salomon, il est encore fait mention de secrétaires royaux, IV Reg., xii, 10 ; xix, 2 ; xxii, 8 ; Jer., xxxvi, 12 ; d’historiographes, IV Reg., xviii, 18 ; Is., xxxvi, 3, 22 ; d’intendants du palais, IIIReg., xviii, 3 ; Is., xxxvi, 3 ; de conseillers, Is., iii, 3 ; de gouverneurs des provinces, Mrêham-medînôt, III Reg., xx,

14, etc. La charge de « gardien du vestiaire », IV Reg., x, 22, n’était pas une charge royale. Il ne s’agit, dans ce passage, que du vestiaire du temple de Baal. Les rois de Juda et d’Israël s’entouraient d’ailleurs des mêmes sortes de fonctionnaires que les autres souverains. On retrouve les mêmes titres partout. À l’époque évangélique, saint Luc mentionne un intendant d’Hérode, êm-TpdJtoç, procurator, Luc, viii, 3, un trésorier, ènl Tf, < ; yâ&ic, super gazas, de la reine Candace, Act., viii, 27, et un chambellan, lui toO xoiuôvo ; , super cubiculum, du roi Hérode. Act., xii, 20. Voir Ami, t. i, col. 480 ; Archiviste, col. 936 ; Conseiller, t. ri, col. 922 ; Historiographe, t. iii, col. 722 ; Palais, t. iv, col. 1973 ; Scribe, Secrétaire.

VIII. Remarques bibliques au sujet des rois. — Outré les faits historiques, le s auteurs sacrés notent quelques traits qui renseignent sur l’idée qu’on se faisait des rois. — 1 er Leur dépendance de Dieu. — Cette dépendance est naturellement plus accusée dans une théocratie. C’est par Dieu que’les rois régnent. Prov., viii,

15. Il incline leur cœur où il veut. Prov., xxi, 1. Il délie leur baudrier et les ceint d’une corde, Job, xii, 18, c’est-à-dire les abaisse à son gré. Au roi méchant, il dit : Vaurien ! Job, xxxiv, 18. Les rois doivent donc devenir sages et servir Jéhovah avec crainte. Ps. ii, 10-11. — 1° Leur pouvoir. — Les rois dominent leurs sujets. Luc, xxii, 25. Le roi armé pour le combat est redoutable. Job, xv, 24. La colère du roi est une messagère de mort, Prov., xvi, 14 ; elle est comme le rugissement du lion, mais la sérénité de son visage donne la vie et sa faveur est comme la rosée sur l’herbe. Prov., xvi, 15 ; xix, 12 ; xx, 2 ; Is., xxxiii, 17. Le roi juste dissipe tout mal par son regard et le roi sage disperse les méchants. Prov., xx, 8, 26. — 3° Leurs devoirs. — Le roi doit se réjouir de la protection de Dieu et avoir confiance en lui. Ps. xxi (xx), 2, 8. Car ce n’est pas le nombre des soldats qui lui assuré la victoire. Ps. xxxm (xxxii), 16. Il doit recevoir de Dieu le jugement et la justice. Ps. lxxii (lxxi), 2. Il ne faut pas qu’il viole la justice, parce que ses paroles sont des oracles, Prov., xvi, 10, c’est-à-dire des arrêts dont on ne peut appeler. S’il veut assurer la prospérité et la durée de son règne, qu’il ait de la bonté et de la fidélité, Prov., xx, 28 ; qu’il pratique la justice, Prov., xxix, 4 ; qu’il juge fidèlement les pauvres, Prov., xxlx, 14 ; qu’il aime la sagesse, Sap., vi, 20, 25 ; qu’il examine toutes choses, Prov., xxv, 2 ; qu’il ne subisse pas l’influence des méchants, Prov., xxv, 5 ; qu’il se garde des femmes, Prov., xxxi, 3, du viii, Prov., xxxi, 4, et de l’or. Eccli., viii, 3. C’est une abomination pour le roi de faire le mal, Prov., xvi, 12, car Dieu brise les rois au jour de sa colère. Ps. ex (cix), 5. — i° Leur administration. — Le peuple nombreux est la gloire du roi. Prov., XIV, 28. Heureux le peuple dont le roi est de noble race, Kccle., x, 17, car il aura des qualités qui l’aideront à bien gouverner ; mais malheur au pays dont le roi est un enfant, Eccle., x, 16, car il sera mal conduit. Mieux vaut un jeune homme pauvre et sage qu’un roi vieux et insensé. Eccle., iv, 13. Un roi ignorant perd son peuple. Eccli., x, 3. Le roi doit s’entourer de dignes conseillers. Sa faveur va au serviteur intelligent. Prov., xiv, 35. Il aime celui qui parle avec justice et droiture. Prov., xvi, 13. L’homme habile a sa place auprès de lui. Prov., xxii, 29. Celui qui a le cœur pur et la grâce sur les lèvres est désigné pour être 1’  « ami du roi ». Prov., xxii, 11. Le cœur du roi est impénétrable, Prov., xxv, 3, il ne révèle pas ses secrets à tous. Le roi qui donne ses soins à l’agriculture travaille pour l’avantage du

pays, Eccle., v, 8, et pour le sien, puisque beaucoup de ses ressources lui viennent de là. Avant d’engager une guerre, il commence par se rendre compte de l’état de ses forces. Luc, xiv, 31. Les rois célèbrent solennellement les noces de leurs fils, Matth., xxii, 2, mais ils n’exigent pas d’eux le cens ni le tribut. Matth., xvii, 24. Le luxe règne à la cour des rois. Matth., xi, 8 ; Luc, vii, 25. C’est le propre d’un roi débauché et cruel, comme Hérode Àntipas, de promettre la moitié de son royaume à une danseuse et de lui accorder la tête d’un prophète comme Jean-Baptiste. Marc, vi, 22-27. — 5° Devoirs envers le roi. — Il faut craindre, c’est-à-dire révérer Dieu et le roi. Prov., xxiv, 21 ; I Pet., Il, 17. Les Apôtres veulent qu’on lui soit soumis, I Pet., ii, 13, cf. Eccle., viii, 2, et qu’on prie pour lui. I Tim., ii, 2.f)n doit tenir caché le secret du roi, Tob., xii, 7, ne pas prendre des airs superbes devant lui, Prov., xxv, 6, ne pas chercher à paraître sage à ses yeux, ni lui demander un siège d’honneur. Eccli., vii, 4, 5. Il faut éviter de le maudire, même en pensée, car tout finit par se savoir. Eccle., x, 20.

IX. Liste des rois des Hébreux. [Tableau à insérer] ROIS DE TOUTE LA NATION

Saut 1095 (avant J.-C). David 1055. Salomon 1015.

ROIS DE JUDA

ROIS D’ISRAËL

Roboam….

975

958 (960)

955

Jéroboam I…

975 (938)

Nadab

Baasa

954

953 (950)

930

7 jours

930

918 (875)

Josaphat….

914 (877)

Ochozias….

897

896 (855)

Ochosias….

Athalie

Joas

889 (852)

884

883

877 (837)

884 (865)

Joachaz…

856 (815) 840 (798)

Amasias….

838

Jéroboam II…

824 (783)

809

Zacharie…

Mauahem… Phacéia. ….

772 772 771 761 759

Joatham….

757 (750) 741 (744)

729

Ézéchias….

726 (729)

Prise de Samarie.

721

Manassé ….

Joachaz. ….

Joakim

Jéchomas… Sédécias…. Prise de Jérusa 697 (688)

642

640

609

609

598

598

587

Sur les difficultés que présente l’établissemen de la chronologie des rois de Juda et d’Israël, voir Chronologie biblique, t. ii, col. 730-733 ; Pelt, Histoire de l’Ancien Testament, Paris, 1904, t. ii, p. 131-140. Sur

les rois de la famille des llérodes, voir Hérode (Famille ; des), t. iii, col. 638-652.

X. Le roi des Juirs. — Ce titre est un des noms qui désignent le Messie. La royauté du Messie était annoncéepar les prophéties, Ps., ii, 9 ; Is., xxxii, 7 ; Jer., xxiii, 5 ; Mich., iv, 7 ; Zach., IX, 9, et les Juifs attendaient un Messie roi et dominateur. Voir Jésus-Christ, t. iii, , col. 1438, 1439. Aussi, quand les Mages se présentent à Jérusalem en demandant : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? » Hérode s’enquiert aussitôt auprès du sanhédrin du lieu « où le Christ doit naître. » Matth., ii, 2, 4. Dès le début du ministère public, Nathanaël dit à » Jésus : « Tu es le Fils de Dieu, tu es le roi d’Israël, » Joa., i, 49, et, après la multiplication des pains, le& témoins du miracle reconnaissant en lui « le prophète qui doit venir en ce monde, » veulent le proclamer roi-Joa. , vi, 15. À l’entrée triomphale à Jérusalem, on l’appelle le « roi d’Israël ». Joa., xii, 13. C’est pendant la passion surtout que ce titre de « roi des Juifs » est mis en avant ; les ennemis du Sauveur cherchent à l’exploiter contre lui devant Pilate. Ils accusent Jésus de s’être dit le « Christ roi ». Luc, xxiii, 2. Pilate lur, demande alors s’il est « le roi des Juifs », et Jésusrépond que. son royaume n’est pas de ce monde, mais que cependant il est roi pour rendre témoignage à la vérité. Matth., xxvii, 11 ; Marc, xv, 2 ; Luc, xxiii, 3 ; Joa., xviii, 36, 37. Il ne s’agit donc pas d’une royautéde la terre. Pilate ne s’y trompe pas et il déclare qu’il ne trouve dans l’accusé aucun motif de condamnation. Joa., xviii, 38. Il retient cependant le titre de « roi des Juifs ». Il s’en, sert pour désigner Jésus quand il le met en parallèle avec Barabbas, Marc, xv, 9 ; Joa., xviii, 39, et quand il le ramène dehors après la flagellation, Joa., xix, 14, 15 ; il l’inscrit sur le titre de la croix et se refuse à changer sa formule, malgré le mécontentement des Juifs. Matth., xxvii, 37 ; Marc, xv, 26 ; Luc, xxiii, 38 ; Joa., xix, 19-22. Les soldats de la cohorte saluent Jésus de nom de « roi des Juifs ». Matth., xxvii, 29 ; Marc, xv, 18 ; Joa., xix, 3. Enfin, au Calvaire, on évoque encore les titres de « roi des Juifs » et de « roi d’Israël », pour mettre le Sauveur en demeure de les justifier par sa propre délivrance. Matth., xxvir, 42 ; Marc, xv, 32 ; Luc, xxiii, 37. Sur le sens de cette royauté, voir Royaume de Dieu. Il est à remarquer que r de tous les titres donnés à Jésus-Christ, celui de « roi. des Juifs » est le seul que la tradition chrétienne n’aitpas continué à lui donner. Jésus-Christ est le « prince

de la terre. » Apoc, i, 5.
H. Lesêtre.

ROIS (LES QUATRE LIVRES DES).— lisse divisent, d’après leur sujet comme d’après leur origine, en, deux groupes distincts, composés chacun de deux livres, et placés, dans la Bible hébraïque, immédiatement après le livre des Juges, tandis que lés Septante, la Vulgate, etc., les insèrent à la suite du livre de Ruth. — Les Juifs désignent par la dénomination collective de « Samuel », ou, dans le détail, par les titres « premier (livre) de Samuel, second (livre) de Samuel », les écrits que nous nommons « Premier livre des Bois, Second livre des Rois ». Notre troisième et notre quatrième livre des Rois deviennent, dans leur Bible, le premier et lesecond des Meldhîm, c’est-à-dire, des Rois. Saint Jérômea conservé en partie ces noms dans les inscriptions qu’il a placées en tête des quatre livres : Liber primus Samuelis, quem nos primum JRegum dicimusj Libersecundus Samuelis, quem nos secundum Regum dicinus ; Liber Beg uni tertius, secundum Hebrœos primusr Malachim ; Liber Regum quartus, secundum Rebrmos* Malachim secundus.^ — Les deux premiers livres ne. forment en réalité qu’un seul et même écrit ; le troisième et le quatrième en forment un second. Origène, In Ps. i, t. xil, col. 1084| et dans Eusébe, H. E., vi, 65, t. xx, . col. 581, atteste, de concert avec saint Cyrille de Jéru-1129

ROIS (LIVRES DES). I ET II SAMUEL

1130

salem, Catech., iv, 35, t. xxxiii, col. 500, que, de -son temps, ils n’étaient pas séparés l’un de l’autre dans « la Bible hébraïque ; ce qui est encore vrai de toutes les éditions manuscrites de cette Bible. La séparation n’a ^té introduite qu’en 1518 dans les éditions de Venise imprimées par Daniel Bomberg. Mais elle remonte à la « traduction des Septante, ainsi que la division en quatre livres, et c’est de là qu’elle est passée dans les Bibles chrétiennes. En fait, la division en quatre livres n’a pas d’autre raison que la longueur des deux écrits, qui ne pouvaient être contenus chacun dans un seul et même Touleau, voir Livre, t. iv, col. 307, d’après les dimensions ordinaires qu’on leur donnait. — Les livres 1 et II forment un tout suivi : les premières lignes du second se rattachent étroitemen aux dernières lignes du premier, sans la moindre interruption. Il en est de même pour le troisième et le quatrième. — Les titres donnés par les Septante ont leur raison d’être ; mais l’arrangement adopté dans la Bible hébraïque est plus exact, puisque le troisième et le quatrième livre des Rois forment en réalité une œuvre à part, très différente de celle que les Juifs et les protestants désignent par le nom de Samuel. Quant à ce dernier nom, il a été choisi parce que le prophète Samuel nous apparaît, dès le début et pendant un certain temps, comme le personnage principal, et aussi à cause du rôle prépondérant qu’il joua dans l’institution de la royauté israélite, qui forme le fond de la narraion. C’est lui, en effet, qui consacra rois Saül et David.

I. LES DEUX LIVRES DE SAMUEL (I et II Rois). — I.’contenu. — 1° Sujet. — Les deux premiers livres -des Rois exposent la suite de l’histoire des Israélites, depuis la dernière partie de la période des Juges, jusqu’aux dernières années du règne de David. Ils s’occupent d’abord des origines et de l’établissement -définitif de la royauté au sein du peuple théocratique. Pendant quelque temps, les Hébreux sont encore gouvernés par des Juges, Héli, Samuel, les fils de Samuel, -comme sous la période précédente. Divers incidents, qui se groupent autour de la personne de Samuel, excitent peu à peu au cœur du peuple le désir d’avoir ik sa tête un roi proprement dit, comme les nations voisines : Saùl est élu et sacré ; mais bientôt reconnu indigne, devant Dieu et devant les hommes, d’exercer de si hautes fonctions, il est rejeté et David est choisi à sa place. Saül jaloux persécute David et essaie de s’en défaire ; puis Saùl périt dans un combat contre les Philistins, et David ne tarde pas à régner glorieusement sur tout Israël, procurant à ses sujets la force et la gloire, soit au dedans, soit au dehors. — Nos deux livres entrent d’ordinaire dans de longs développements sur les faits qu’ils racontent ; ils nous fournissent une biographie assez complète de Samuel, de Saùl et de David, sans craindre çà et là les répétitions, à la façon des écrivains orientaux. Néanmoins, en quelques endroits le récit prend une forme très abrégée, et on y remarque même des lacunes, l’historien ne s’étant pas proposé de tout dire d’une manière absolue, pas même -de raconter la fin du règne et la mort de David.

2° Division et analyse. Premier livre. — Il entre en matière d’une façon abrupte : un vieillard débilité de corps et d’esprit gouverne les Hébreux, que les Philistins oppriment et humilient. La douce figure du jeune Samuel nous apparaît en même temps comme un contraste, et aussi comme une promesse qui se réalise promptement. Nous passons ensuite à Saùl et à David. Le premier livre s’achève après la mort du grand prophète et du roi maudit ; le second s’occupe exclusivement de David etdesonrègae glorieux. En réunissant les deux livres, on obtient une division très naturelle, en trois parties : 1° histoire de Samuel, I Reg., i-xii ; 2° histoire. de Saûl, I Reg., xiii-xxxi ; 3° histoire de David, II Reg., i-xxiv. — Ces trois parties se subdivisent ains :

Premier livre. —1. Les derniers Juges d’Israël, l, 1-vil, 17. Deux sections : o) La judicature d’Héli et la complète défaite desHéhreux par les Philistins, r, l-iv, 22. Cette triste histoire sert d’introduction à celle de Samuel, dont nous apprenons ici la naissance, la consécration au service du Seigneur dans le sanctuaire de Silo, i, 1-ii, 10, et les premères relations avee Dieu, ii, 11-m, 21, qui annonce par lui les vengeances terribles qu’il tirera de la maison d’Héli. La sentence. divine ne tarde pas à recevoir son exécution : les Israélites sont battus par les Philistins, qui s’emparent de l’Arche ; Héli et ses fils périssent tragiquement, IV, 1-22. — b) Judicature de Samuel, v, 1-vn, 17. Effrayés par les fléaux qui frappaienttoutes celles de leurs villes où ils conduisaient l’Arche de Jéhovah, les Philistins se. décident à la renvoyer sur le territoire d’Israël, v, 1-vi,

12. Elle séjourne successivement à Bethsamès, vi, 1320, et à Cariathiarim, vii, 1. Ramenés par Samuel à leur Dieu, qu’ils avaient gravement offensé, les Israélites infligent à leur tour une grande défaite aux Philistins, vu, 2-14. Suit un sommaire de la judicature de Samuel, viii, 15-17. — 2. Saül roi d’Israël, viii, i-xv, 35. Deux sections : a) Élévation de Saùl à la dignité royale, viii, 1-Xii, 25. Fatigués des malversations des fils de Samuel, qui abusaient de l’autorité que leur père leur avait confiée, les Hébreux expriment au prophète leur vif désir d’être gouvernés par un roi stable, vin, 1-9. Samuel leur expose les graves inconvénients de la royauté, ꝟ. 10-18. Ils insistent, et Dieu lui-même ordonne au prophète d’obtempérer à leur demande, ꝟ. 19-22. L’écrivain sacré décrit alors l’origine de Saùl et ses premières relations avec Samuel, IX, 1-27, puis son onction royale, x, 1-16, et la ratification par le peuple du choix que Dieu avait fait de lui, x, 17-xi, 15. Il raconte ensuite l’abdication de Samuel et ses adieux au peuple, xii, 1-25. — b) Saül reprouvé de Dieu, xiii, 1-xv, 35. Passant sous silence, ainsi qu’on l’admet généralement, un intervalle de plusieurs années, le narrateur nous conduit directement aux causes qui amenèrent la réprobation du roi. Elles se rattachent à deux guerres d’Israël, l’une contre les Philistins, xiii, 1-xrv, 52, l’autre contre les Amalécites, xv, 1-35, et à de graves désobéissances de Saùl aux ordres de Dieu, à l’occasion de ces guerres. — 3. Les dernières années de Saül et les commencements de David, xvi, 1-xxxi,

13. Trois sections : a) David à la cour de Saùl, xvi, 1-xx, 43. Il reçoit l’onction royale et est introduit à la cour, xvi, 1-23. Il s’illustre en triomphant de Goliath, XVII, 1-58. Saùl devieut jaloux de lui et lui tend de secrètes embûches, xviii, 1-30 ; il s’abandonne ensuite à une haine ouverte et essaie plusieurs fois de le faire mourir, xix, 1-xx, 43. — b) David fugitif à travers le désert de Juda, xxi, 1-xxvj, 25. Le texte sacré nous montre le futur roi d’Israël errant çà et là, parmi de nombreux périls, pour se mettre à l’abri des persécutions de Saùl, xxi, 1-xxii, 23, ’et il décrit les soins touchants de la divine Providence pour le sauver, xxiii, 1-xxvi, 25. — c) David exilé chez les Philistins, xxvii, 1-xxxi, 13. C’est la continuation douloureuse de l’épreuve. Nous voyons successivement David réfugié chez les Philistins et Saùl allant consulter la pythonisse d’Endor, xxvii, 1-xxviii, 25 ; David vainqueur des Amalécites, Saül défait par les Philistins et tué sur le champ de bataille, xxrx, 1-xxxi, 13.

Second livre. — Trois parties : — 1. David règne à Hébron, i, 1-iv, 12. Son grand deuil au sujet de la mort de Saül et de Jonathas, 1, 1-27. Il reçoit l’onction royale pour la seconde fois, mais il n’est reconnu que par la tribu de Juda, tandis qu’Isboseth, fils de Saùl, soutenu par Abner, gouverne le reste de la nation, ii, 1-32. Sa famille va croissant et se fortifiant, celle de Saül décroit, m, 1-iv, 12. — 2. David règne à Jérusalem, sur tout le peuple, v, 1-xx, 26. Deux sections : a) Extraits des an

nales royales, décrivant la puissance toujours grandis--sante de David ; v, 1-x, 19. Toutes les tribus le reconnaissent pour roi, v, 1-15. Il sîempare de la citadelle de Sion et fait de Jérusalem sa capitale, v, 6-10. Il se construit un palais, v, 11-16, et livre aux Philistins deux guerres victorieuses, v, 17-25. ^transporte solennellement l’Arche à Sion, VI, 1-23. À l’occasion du désir qu’il avait exprimé de bâtir un temple au Seigneur, il reçoit un brillant oracle, relatif à la perpétuité de son trône, vii, 1-29. Sa puissance continue de se fortifier par une série de guerres heureuses, viii, 1-x, 19. — 6) Le crime de David et ses suites funestes, xi, 1-xx, 26. Le roi adultère et homicide, xi, 1-27. Repris par Nathan, il reconnaît la gravité de sa faute, XII, 1-14. Naissance de Salomon, xii, 15-25. Prise de Rabbath-Ammon, xii, 26-31. Désordres dans la famille royale et inceste d’Amnon ; fratricide d’Absalom, xiii, 1-xiv, 33. Révolte d’Absalom et conséquences désastreuses qu’elle faillit avoir pour David, xv, l-xviii, 5. Défaite et mort du rebelle, xviii, 6-33. David rentre à Jérusalem et dompte une seconde révolte de ses sujets, xix, 1-xx, 26. — 3. Dernières années du règne de David, xxi, 1-xxiv, 25. C’est là une sorte d’appendice, dontvoiciles principaux incidents : a) Ruine de plus en plus complète de la maison de Saùl, xxi, 1-14 ; 6) Quatre expéditions victorieuses contre les Philistins, XXI, 15-22 ;

c) Cantique d’action de grâces de David, xxii, 1-51 ;

d) Ses dernières paroles, xxiii, 1-7 ; e) Liste des héros de David, xxiii, 8-39 ; f) Dénombrement du peuple et peste qu’il occasionna, xxiv ; 1-25.

II. BUT ET IMPORTANCE DES DEUX PREMIERS LIVRES Des ROIS. — 1° Le but est triple, tel qu’on peut l’envisager à la lumière des événements. Il y a d’abord un but très général, qui consiste à raconter la suite de l’histoire des Israélites, en tant qu’ils étaient le peuple de Jéhovah. On peut distinguer aussi un but plus spécial, qui est de démontrer les droits de David et deses descendants au trône d’Israël. Enfin et surtout, un but plus particulier encore est d’attester la fidélité de Dieu à ses anciennes promesses relatives au Messie et d’en décrire l’accomplissement progressif, Autrefois, Gen., xlix, 8-11, le Seigneur avait fait annoncer à la tribu de Juda qu’elle exercerait sur la nation choisie une hégémonie glorieuse, qui devait se transformer un jour et devenir le règne du Messie lui-même. Voici qu’il place réellement un membre de cette tribu sur le trône d’Israël, en affirmant, dans les termes les plus solennels, que le sceptre et la couronne de David seront transmis au dernier et au plus auguste de ses descendants. Cf. II Reg., vii, 12-16. Aussi n’est-il pas surprenant que le nom de Masiah, « Messie », qui deviendra si célèbre, apparaisse pour la première fois dès le commencement du I er livre des Rois, ii, 10. Ii domine tout le reste et lui donne le ton. Voir F. Keil, Die Bûcher Samuelis, 2e édit., Leipzig, 1875, p. 5-8 ; Frz. Delitzsch, Old Testament History of Rédemption, in-12, Edimbourg, 1881, p. 84-94 ; R. Cornely, Introd. specialis in historicos Veteris Testant, libros, in-8°, Paris, 1887, p. 250-253 ; Mgr Meignan, Les Prophéties messianiques contenues dans les deux premiers livres des Mois, in-8°, Paris, 1878. Mais il y a plus encore, puisque, dans ces livres, David nous apparaît, en maint détail de sa vie, comme la figure et le type du futur Messie. Voir David, t. ii, col. 13231324.

2° L’importance dogmatique des deux premiers livres des Rois est tout indiquée par là-même. Leur importance historique est aussi très considérable, attendu qu’ils nous font assister à une période de crise et de formation dans Israël, à’un changement complet dans le mode de son gouvernement. Entre les mains de ses rois, la nation théocratiqué prendra plus d’unité, de consistance et de vigueur, et nous la verrons secouer

victorieusement le joug que lui avaient imposé plusieurs des peuples voisins. Il est un autre point de vue très consolant de cette histoire : en même temps que la royauté sera fondée, Dieu enverra à son peuple une sériepresque ininterrompue de prophètes fidèles, pour régler et contrebalancer l’autorité des rois. Ces prophètes ouvriront autour d’eux des écoles, où la sainteté et la science sacrée seront cultivées de concert ; delà sorte, les représentants de Jéhovah seront multipliés pour le plus grand bien de la nation. Voir Écoles de Pbophètes, t. ii, col. 1567-1570.

/II. auteur et sources. — 1° Auteur. — Il est impossible de résoudre cette question d’une manière certaine, la tradition étant demeurée très imparfaite à son sujet, et nos deux livres ne nous fournissant aucun renseignement sur lequel on puisse étayer une opinion solide. D’après une ancienne tradition juive, Baba bathra, fol. 14, Samuel lui-même aurait été l’auteur des deux livres qui portent son nom dans l’hébreu. Saint Grégoire le Grand a adopté ce sentiment, In libr. I Reg. Expositio, Proœm., iv, t. lxxix, col. 40. Mais le fait n’eût été possible que pour les chap. i-xxiv du I er livre, puisque la mort de Samuel est mentionnée I Reg., xxv, 1. Aussi d’anciens rabbins ont-ils modifié l’opinion du Talmud, en disant que Samuel aurait composé les chap. i-xxiv du I er livre, tandis que tout le reste serait l’œuvre des prophètes Gad et Nathan. Voir L. Wogue, Histoire de la Bible et de l’exégèse biblique, in-8 « , Paris, 1881, p. 26-27 ; K. Budde, Der Kanon des Alten Testaments, in-8°, Giessen, 1900, p. 23-27. C’est ce qu’ont pareillement admis d’assez nombreux commentateurs chrétiens, entre autres Sanchez, Bellarmin, Cornélius a Lapide. L’un des plus récents interprètes de I et II Rois, le P. von Hummelauer, Commentarius in libros Samuelis, in-8°, Paris, 1886, p. 9-24, a même cru pouvoir tracer plus nettement encore la part de chacun des auteurs qui auraient ainsi contribué à composer nos deux livres : l’histoire de Samuel, I Reg*, i-vii, aurait été écrite par ce prophète lui-même ; l’histoire de Saûl, I Reg., viu-xvi, ajoute-t-on, forme un document spécial, dû à la plume soit de Samuel, soit de Gad ; celle de David exilé, I Reg., xvii-xxxi, a certainement Gad pour’auteur à partir du chap. xxv, peut-être aussi le reste de ce récit ; l’histoire du règne de David, II Reg., 1-xx, paraît avoir été composée avant la mort du roi ; elle provientdu prophète Nathan. C’est sans doute aussi Nathan qui a réuni en un seul et même livre sa propre composition et celles de Samuel et de Gad. Les appendices, II Reg., xxi-xxiv, ont été ajoutés un peu plus tard, quoique assez promptement.

Cependant ce ne’sont là que des hypothèses plus ou moins ingénieuses. Comme on l’admet communément aujourd’hui, il est impossible de déterminer l’auteur définitif avec précision. Mais les théories qui, d’une manière ou de l’autre, aboutissent à une pluralité de rédacteurs sont condamnées par un argument irréfutable- : savoir, l’unité de fond et de forme qui règne dans toutes les parties du récit de I et II Samuel. « Si l’on examine de près la manière du narrateur, le style, le lien étroit et perpétuel qui unit tout l’ensemble, la juste disposition des parties entre elles, le but poursuivi et atteint dans le choix des matériaux, on découvrira dans tout le livre une unité qui n’aurait pas pu se rencontrer si trois livres (ou un plus grand nombre encore), écrits par différents auteurs, à différentes époques, avaient été réunis ensuite dans un même corps d’ouvrage. » R. Cornely, Manuel d’Introd. historiq. et a-itiq. à toutes les Saintes Écritures, trad. franc., in-12, Paris, 1907, t. i, p. 359. Voir aussi B. Welte, Einheitlicher Characier der Bûcher Samuelis, dans la Quartalschriftàe Tubingue, 1846, p. 183-215 ; D. Erdmann, Die Bûcher Samuelis, Bielefeld, 1875, p. 6-26 Clair, Les livres des Rois, Paris, 1879, t. i, p. 8-18. $

A défaut du nom de l’auteur, nous pouvons du moins indiquer d’une manière approximative l’époque à laquelle il vivait. Plusieurs petits détails insérés çà et là dans le récit montrent qu’il a écrit un certain temps après les événements racontés. 1° I Reg., IX, 9, il croit devoir expliquer un terme usité à l’époque de Samuel et qui était tombé en désuétude : « Autrefois, dans Israël, tous ceux qui allaient consulter Dieu s’entredisaient : "Venez, allons au Voyant ; car celui qui s’appelle aujourd’hui Prophète, 9’appelait alors le Voyant. » 2° I Reg., xxvii, 6, il dit que la ville de Sicéleg était demeurée au pouvoir « des rois de Juda » jusqu’au moment où il écrivait. Or, le titre de « roi de Juda » ne semble pas avoir été en usage avant le schisme des dix tribus, lorsqu’une distinction fut établie entre les royaumes d’Israël et de Juda : ce trait nous conduirait donc au moins au règne de Roboam (962946 av. J.-C). 3° II Reg, . xiii, 18, l’auteur nous apprend que les princesses royales étaient autrement vêtues du temps de David que du sien ; ce furent sans doute les femmes étrangères introduites à la cour par Salomon qui apportèrent des modes nouvelles. D’autre part, la composition ne saurait dater d’une période de beaucoup postérieure à David et à Salomon, car le style est encore celui de l’âge d’or de la langue hébraïque. Une addition qu’on lit dans les Septante aux passages II Reg., viii, 7, et xiv, 27, et où Roboam est mentionné nommément, semblerait supposer que nos deux livres ont été écrits sous le règne de ce prince, après l’invasion du roi J’Égypte Sésac en Palestine ; mais leur authenticité est douteuse. En fait, de nombreux ëxégétes se décident aujourd’hui en faveur de ce règne, et leur opinion est pour le moins très vraisemblable. Voir F. Keil, Lehrbuch der… Einleitung in das A. T., 2 8 édit., p. 208 ; Erdmann, Die Bûcher Samuelis, p. 37 ; Cornely, lntrod. specialis, p. 270-271 ; F. Vigouroux, Man. bibl., 12e édit., t. ii, p. 85. Plusieurs rationalistes, entre autres Ewald, Thenius, Hævernick, sans parler de quelques protestants orthodoxes, attribuent même la composition à l’époque de David ou de Salomon. D’ailleurs, la plupart des critiques, malgré la fausseté de leurs systèmes par rapport à l’origine des deux premiers livres des Rois, n’hésitent pas à regarder des parties notables de cet écrit comme très anciennes, et à les dater du x » ou du IXe siècle avant notre ère. Voir E. Kœnig, Einleitung in das Alte Test., in-8°, Bonn, 1893, p. 261-263 ; Jewish Encyclopedia, t. xi, p. 12. Il est vrai, comme il sera dit plus bas, qu’ils regardent d’autres nombreux passages comme beaucoup plus récents et qu’ils reculent la composition finale jusqu’après l’exil.

2° Sources. — À ce sujet aussi, on peut faire des conjectures très raisonnables, bien qu’il soit impossible de fournir des détails absolument certains. L’auteur dut avoir à sa disposition, d’une part, des documents écrits, assez abondants et contemporains des faits ; de l’autre, des traditions orales conservées jusqu’à lui. « C’est ainsi seulement que l’on peut s’expliquer la délicatesse de touche, la vivacité dramatique, la finesse des traits biographiques et la fraîcheur incomparable des récits renfermés dans les livres de Samuel. » La Bible annotée, Les livres historiques, t. iii, .Neucbàtel, 1893, p. 184. — Plusieurs des sources écritesauxqûelles l’historien sacré recourut sans doute sont désignées en propres termes au I er livre des Paralipomènes. Il y eut d’abord, d’après I Par., xxix, 29, « le livre de Samuel le Voyant », « le livre du prophète Nathan », et « le livre de Gad le Voyant » ; puis, d’après I Par., xxvii, 24, les « Fastes du roi David » : sortes d’annales dont on ne saurait décrire au juste la nature et l’étendue, mais qui pouvaient inspirer toute confiance, puisqu’elles provenaient d’auteurs contemporains, d’une autorité incontestable. Ces documents paraissent avoir été utilisés à tour de rôle par l’auteur des deux premiers

livres des Rois et par celui du I er des Paralipomènes : on le voit par un certain nombre de passages où ces récits coïncident d’une manière souvent presque littérale. Les suivants méritent une mention à part. Comparez :

I Reg., xxxi, 1-13, et I Par., x, 1-12.

II Reg., Hꝟ. 2-5, et — iii, 1-3.

v, 1-10, et — xi, 1-5.

v, 11-25, et — xiv, 1-17.

vi, 1-11, et — xiii, , 1-14.

vi, 12-23, et — xv, 25-29.

vii, 1-viii, 18, et.— xvii, 1-xvin, 17.

x, 1-xi, l, et — xix, 1-xx, 1.

xii, 26-31, et - xx, 1-3.

xxi, 18-22, et - xx, 4-8.

xxiii, 8-39, et - xxi, 10-47.

xxiv, 1-25, et — xxi, 1-27.

En étudiant ces divers passages, on se rend compte que l’auteur des Paralipomènes n’a pas fait directement d’emprunts à celui des Rois, ou réciproquement, mais qu’ils ont puisé tous deux à des sources communes, très vraisemblablement celles qui ont été marquées ci-dessus. Voir Hummelauer, Comment, in libr. Samuelis, p. 5-6, 16-17. — L’auteur des livres de Samuel noua apprend lui-même, I Re§., , °j, ï.’vl a. emprunté au « livre des Justes », déjà mentionné Jos., x, 13 (voir Justes [Le livre des], t. iii, col. 1873-1875), l’élégie de David sur la mort de Saùl et de Jonathas. Il est fort probable qu’il a transcrit le « cantique du Rocher », II Reg., xxii, 1-51, du premier livre des Psaumes, cf. Ps. xvii. Il a aussi puisé le cantique d’Anne, I Reg., ii, 1-10, et les « dernières paroles de David », II Reg., xxiii, 1-7, dans d’autres documents authentiques. — La tradiiion orale, encore très vivante sur des faits si importants, si récents, lui a pareillement fourni d’abondants matériaux. Ses narrations le prouvent, il existait encore des monuments relatifs à plusieurs des faits racontés, cf. I Reg., vi, 18 ; vii, 12 : des proverbes qui y faisaient allusion, cf. I Reg., x, ll, II Reg., v, 8 ; des noms significatifs donnés aux lieux et aux personnes, cf. I Reg., 1, 20 ; iv, 21 ; vii, 12 ; xxiii, 28 ; II Reg., Il, 16, etc. — De tout cela il s’est servi comme un écrivain intelligent, habile et fidèle.

iv. style. — Le style, comme il a été déjà insinué plus haut, est celui de l’âge d’or de la langue hébraïque. L’auteur de nos deux livres est regardé à juste titre comme l’un des meilleurs prosateurs de la littérature sacrée. « Il n’a point les archaïsmes du Pentateuque ; … il n’a pas non plus ce qu’on a appelé les provincialismes de l’auteur des Juges… ; il est supérieur à celui des Paralipomènes, qui appartient à l’âge de fer, et aussi à l’auteur des troisième et quatrième livres des Rois, chez qui l’on trouve un certain nombre d’aramaïsmes, tandis qu’on n’a pas pu en découvrir plus de six dans les deux livres de Samuel. » F. Vigouroux, Manuel biblique, t. ii, 12e édit., p. 84. — Parmi les expressions qui lui sont propres, il faut mentionner surtout l’appellation Yehôvdh sebd’ôf, « Seigneur des armées », par laquelle il est le premier à désigner le Dieu d’Israël. Il l’emploie dix fois : I Reg., i, 3, 11 ; iv, 4 ; xv, 2 ; xvii, 45 ; II Reg., v, 10 ; vi, 18 ; vii, 8, 26, 27. Elle est devenue fréquente après lui. Citons aussi l’expression nahalaf Yehôvâh, « héritage du Seigneur », pour marquer la nation théocratique, I Reg., xxvi, 19 ; II Reg., xx, 19 et xxi, 3 ; les formules Usée faciat Dominus et hsec addat, IReg., m, 17 ; xiv, 44 ; xx, 13, etc. ; tinnient aures ejus, I Reg.-, m, 11 : le titre nâgîd, « c prince », pour désigner le roi, etc. Voir F. Keil, Lehbruch der Einleitung, p. 174.

V. LES DEUX PREMIERS LIVRES DES ROIS ET CES

néo-critiques. — 1° Exposé des théories principales.

— Le système des documents multiples, des couches

superposées et des rédactions successives, des remaniements nombreux jusqu’à l’agencement définitif, ne pouvait manquer d’être appliqué â ces deux livres, de même qu’il l’avait été au Pentateuque, au livre de Josué et au livre des Juges. Les néo-critiques n’ont pas épargné leur peine pour découvrir ce qu’ils nomment les sources primitives et les éléments secondaires de notre écrit. Le jugement qu’ils portent sur lui est sévère : « C’est une combinaison d’éléments divers et inégaux, une compilation de documents souvent incohérents et contradictoires, dont on ne peut extraire qu’avec de grandes précautions et difficultés les faits dignes d’être acquis à l’histoire. » Maurice Vernes, dans VEncyclopëdie des sciences religieuses de Lichtenberger, t. xi, Paris, 1881, p. 445. « Tels qu’ils ont été conservés dans le canon, les livres de Samuel ne sont évidemment pas l’œuvre d’hommes contemporains des événements racontés. Derrière ces documents on découvre <les traditions variées et contradictoires, que le compilateur, se conformant à la méthode de l’historiographie hébraïque primitive, a incorporées… dans une seule, sans faire aucun effort pour mettre d’accord les différences. » The Jewish Encyclopœdia, t. XI, NewYork, 1905, p. 12. — La dissection du livre de Samuel en fragments plus ou moins nombreux, groupés tardivement, assure-t-on, par des mains assez inhabiles, remonte au début du xixe siècle. Les plus célèbres rationalistes d’alors, tels que Eichhorn, Bertholdt, puis Gramberg, ébauchèrent ce travail. Thenius le compléta dans son commentaire, paru en 1849. Voir de Hummelauer, Comtn. in libr. Samuelis, p. 3. Mais c’est surtout -à Wellhausen età ses études réitérées sur cette question que se rattachent les théories généralement admises aujourd’hui par les néo-critiques. Il fait porter simultanément ses recherches sur les livres des Juges, de Samuel (I et II Reg.) et des Rois (III et IV Reg.), dans lesquels il prétend reconnaître les mêmes errements, la même méthode de remaniements successifs et d’additions contradictoires. À la base du système, il y a cette assertion bien connue : le Pentateuque se compose de trois parties, savoir, le Deutéronome, le Code sacerdotal, et le récit jéhovisle, qui est le plus ancien des trois. Le Deutéronome fut retrouvé, et même probablement composé de toutes pièces, à l’époque du roi Josias, en 621 ; prêtres et prophètes s’entendirent pour lui donner force de loi, et pour restreindre dès lors le culte au temple de Jérusalem. Le Code sacerdotal est plus récent que le Deutéronome et postérieur â l’exil ; il eut pour but de faire accroire aux Juifs que le culte unique, établi en réalité sous le règne de Josias, remontait jusqu’à Moïse. Pendant l’exil de Babylone, les anciens livres historiques, notamment ceux des Juges, de Samuel et des Rois, furent révisés et remaniés, pour qu’ils se trouvassent d’accord avec les pratiques religieuses adoptées depuis Josias. De nombreux détails ont donc été modifiés dans ces livres, tout particulièrement dans ceux de Samuel, sous l’influence et d’après l’esprit du Deutéronome. — Tel est le fondement de la théorie développée par Wellhausen dans les ouvrages qui seront énumérés plus loin (col. 1144). On voit combien il est faux, arbitraire, et par conséquent fragile. Voir Pentateuque, col. 86-107. « L’historiographie deutéronomique i> comme on la nomme, c’est-à-dire la rédaction définitive de « la plus grande partie des écrits historiques d’Israël… sous l’influence de la loi deutéronomique, » se serait prolongée pendant près de deux siècles, entre les années 621 et 433 avant J.-C. « Commencée à la fin de l’indépendance nationale d’Israël, elle contient un jugement porté sur tout le passé du peuple dans la Terre Promise ; son but proprement dit, très visible partout, est de donner un avertissement sérieux à la nation, qui espérait avec certitude son rétablissement, en s’appuyant sur la pa role des prophètes. » C’est donc « à la lumière de la loi deutéronomique » que fut modifiée toute l’ancienne histoire d’Israël. Cette historiographie est « une grande théodicée, qui démontre comment la ruine du peuple de Jéhovah fut une conséquence de la justice divine. » G. Wildeboer, Die Litteralur des Allen Testaments nach der Zeitfolge ihrer Entslehung, trad. du hollandais, in-8°, Gœttingue, 1895, p. 232-242. Cela revient à dire que, sous l’influence du Deutéronome, les idées surnaturelles auraient pénétré après coup dans les livres des Juges, des Rois et de Samuel. Cet aveu explique pourquoi de nombreux passages sont rejetés en détail par les rationalistes.

Il serait sans utilité de suivre un à un, sur ce terrain, tous ceux des néo-critiques qui ont émis quelque théorie plus spéciale au sujet de la composition des livres de Samuel. Ici, comme à propos du Pentateuque et de la plupart des écrits bibliques, nous assisterions à une vraie surenchère, chacun voulant aller plus loin que ses prédécesseurs en fait de négation. C’est ce que montre fort bien le tableau d’ensemble placé par le D r Nowack aux pages xxx-xxxiv de son commentaire des livres de Samuel, composé aussi dans un sens rationaliste. Nous nous contenterons donc de signaler l’analyse des sources de nos deux livres, telle que la donne le D r K. Budde, qui s’est acquis une certaine notoriété sûr ce point ; il ne fait, du reste, que développer la théorie de Wellhaqsen.

Comme ceux qui lïont précédé dans cette voie, il attire d’abord l’attention du lecteur sur trois formules des livres de Samuel, I Reg., vii, 15-17 ; xiv, 47-52 et II Reg., viii, 15-18, qui auraient servi de conclusion à trois documents anciens, consacrés, le premier à Samuel, le second à Saûl, le troisième à David. Elles doivent, dit-il, leur forme actuelle à la « main deutéronomique », par laquelle auraient été amalgamés les documents en question. Des répétitions et même des contradictions assez nombreuses, que nous examinerons en détail (col. 1138), attesteraient aussi l’existence de plusieurs sources écrites, que des compilateurs ou rédacteurs successifs auraient cousues l’une à l’autre, maladroitement, sans remarquer qu’elles ne correspondent plus au même point de vue religieux ou politique. La première de ces sources aurait été simplement remaniée ; les deux autres auraient subi des modifications importantes. La première, qui est postérieure au Deutéronome, présente de grandes affinités avec l’écrit élohiste du Pentateuque que l’on désigne par le sigle E ; la seconde, beaucoup plus ancienne, serait l’œuvre de l’écrivain jéhoviste, J^ Mais, d’un examen plus attentif, il ressort que ces deux documents ont été remaniés plusieurs fois, de façon à produire, d’une part J’jJ 2, et de l’autre E 1, E 2. Le rédacteur qui les a unis sans essayer de les concilier est désigné par les lettres R JE. Après lui vint un dernier rédacteur R", animé de l’esprit deutéronomique. Voici quel serait le résultat final de cette minutieuse enquête :

J -I Reg., ix, l-x, 7, 9-16 ; xi, 1-11, 15 ; xiii, 1-7°, 15>>18 ; xiv, 1-46, 52 ; xvi, 14-23 ; xvrn, 5-6, 11, 20-30 ; xx, 1-10, 18-39, . 22>> ; xxii, 1-4, 6-18, 20-23 ; xxiii, 1-14° ; xxvi ; xxvii ; xxix-xxxi. — Il Reg., 1, 1-4, 11, 12, 17-27 ; n, l-9, lOb, 12-32 ; m ; iv ; v, 1-3, 6-10, 17-25 ; vi ; ix-xi ; xii, 1-9, 13-31 ; xiii, 1-xx, 22.

J2 — I Reg., x, 8 ; xiii, 7M5°, 19-22.

E — I Reg., iv, lMrii, 1 ; xv, 2-34 ; xvii, 1-11, 14-58 ; xvrn, 1-4, 13-19 ; xix, 1, 4-6, 8-17 ; xxi, 1-9 ; xxii, 19 ; xxlii, 19-xxiv, 19 ; xxv ; xxviii. — II Reg., i, 6-10, 13-16, vu.

E 2 — I Reg., i, 1-28 ; ii, 11.-22°, 23-26 ; iii, 1-iv, 1° ; vu, 2-vin, 22 ; x, 17-24’; xii.

Rje _ I Reg., x, 25-27 ; xi, 12-14 ; xv, 1 ; xviil, 2 ; xix, 2, 3, 7 ; . xx, 11-17, 40-42° ; xxii, 10>> ; xxiii, 14M8 ; xxiv, 16, 20-22°. - II Reg., i, 5.

R D — I Reg., xiv, 18° ; vii, . 2 ; xiii, 1 ; xiv, 47-51 ; xxviii, 30. — II Reg., ir, 10% 11 ; v, 4-5 ; vm ; xii, 10-12

Un rédacteur encore plus récent aurait ajouté les passages suivants :

I Reg., iv, 15, 22 ; vi, 11°, 15, 17, 18, 19 ; xi, 8* ; xv, 4 ; xxiv, 14 ; xxx, 50. — II Reg., iii, 30 ; v, 6 b, 7°, 8° ; xv, 24 ; xx, 23-26.

A un dernier remaniement seraient dues les additions qui suivent :

I Reg., ii, 1-10, 22° ; xvi, 1-13 ; xvii, 12-13 ; xix, 18-24 ; xxi, 10-15 ; xxii, 5. — Il Reg., Xiv, 26 ; xxi-xxiv.

Voir Budde, Die Bûcher Sumuelis erklârt, p. x-xxi, et aussi, dans le même sens, quoique avec des nuances assez nombreuses, Nawack, Die Bûcher Samuelis, ûbersetzt und erklârt, p. xiv-xxm ; Cornill, Einleitung m dos A. Test., 2<> édit., 1892, p. 106-121. — Voici quel serait l'âge respectif de ces divers documents ou remaniements : la partie la plus ancienne, J 1 et J2, remonte au IXe siècle avant notre ère ; E 1 appartient probablement au viii c siècle ; E 3, sinon au vme siècle, du moins au commencement du vue ; R JÉ date d’une époque plus tardive du VIIe siècle (avant la réforme de Josias, en 621) ; les autres rédactions sont plus récentes, et datent de l’exil, ou même d’une période postérieure à l’exil.

2° Réfutation du système des néo-critiques. — 1. D’une manière générale, nous dirons d’abord qu’exposer de telles théories, c’est en grande partie les réfuter. Il faut tout le parti pris, toute la hardiesse du rationalisme, pour croire qu'à environ trente siècles ^'intervalle, on puisse être capable de déterminer, verset par verset, dans un écrit dont le style est bien caractérisé (col. 1134), des diversités, et même de simples nuances, qui trahiraient des auteurs très distincts, séparés les uns des autres par des centaines d’années et par les sentiments religieux les plus divers. Aussi, ceux qui présentent ces théories sur les livres de Samuel s’appuient-ils le plus souvent sur des preuves purement subjectives et arbitraires, et de là viennent les divergences considérables d’appréciation qui régnent entre eux, soit pour la nature et le nombre des documents primitifs, soit pour celui des compilateurs et rédacteurs, soit pour l'époque des uns et des autres. Lorsqu’ils veulent parler sincèrement, ils reconnaissent, avec le D r G. Wildeboer, Die Litteratur des A. Testant., p. 53, que la plupart de leurs jugements ne reposent que sur des hypothèses ; avec le D r Stade, Encyclopssdia biblica de Cheyne, t. iv, col. 4279-4280, qu’un grand nombre des assertions des néo-critiques touchant l’origine des livres de Samuel sont inexactes ; avec le D r Budde lui-même, Die Bûcher Samuelis, p. xviii, qu’en voulant trop préciser sur ce point, on commet des actes d’audace entièrement subjectifs. Ils trouvent que l’histoire de la composition de ces écrits est « très compliquée », Stade, Lc, col. 4274. Voir aussi E. Reuss, op. cit., p. 87. Mais ils sont euxmêmes responsables de cette complication, qui n’existait pas avant eux.

2. Si nous passons à l’examen des preuves principales sur lesquelles les néo-critiques appuient leur théorie, nous, verrons qu’elles sont aisées à réfuter. — a) Il y a d’abord les trois formules qui ont été mentionnées, plus haut (col. 1136) : I Reg., vii, 15-17 ; xiv, 47-52 ; II Reg., vm, 15-18. À la suite de Thenius et de Wellhausén, on a vii, dans ces sommaires de la judicature de Samuel, du règne de Saùl et du règne de David, des traces d’une compilation tardive. Elles auraient servi de conclusion à trois documents distincts, et le rédacteur les aurait insérées dans son œuvre avec les passages qu’elles achevaient. — Mais l’hypothèse est toute gratuiteCes formules, en effet, ne mettent fin en réalité ni au rôle de Samuel, ni aux règnes des deux premiers rois israélites. L’auteur des livres de Samuel, qui place volontiers des formules générales au commencement des

nouveaux règnes, cf. I Reg., xiii, 1 ; II Reg., ii, 10-11 ; v, 4-5, en emploie d’autres pour marquer la conclusion de quelque période importante du régne. Ainsi, ouire celles qui ont été notées plus haut, nous mentionnerons II Reg., iii, 1-5 ; v, 12-16 ; xx, 19-26. Pourquoi les néo-critiques demeurentils muets sur ces dernières ? Simplement parce qu’elles n’ont rien qui favorise leur système. Les autres ne l'étayent pas davantage. « Ces données sous forme de résumé trahissent une méthode, une idée intentionnelle, et ne portent point en elles le cachet de la compilation. Elles servent donc uniquement à terminer, ou, si l’on veut, à arrondir chacune des périodes et forment comme des points de repère, sans porter préjudice à la liaison des parties et sans briser l’unité de composition. » P. Clair, Les livres des Rois, p. 14. Voir F. Kei], Lehrbuch der Einleitung in die Schriften des AU. Test, , 2e édit., p. 167-168.

6) Les répétitions fréquentes que l’on rencontre dans nos deux livres prouveraient aussi jusqu'à l'évidence, nous dit-on, l’origine diverse des passages où elles se rencontrent. — Il est vrai qu’il en existe plusieurs : par exemple, la double mention de la mort de Samuel, I Reg., xxv, 1, et xxviii, S ; les détails relatifs à la famille de David, I Reg., xvi, 1-13, etxvii, 12-21, etc. Mais elles ne sont pas inconciliables avec l’unité du livre, et elles sont conformes au genre des écrivains orientaux. Les néo-critiques les signalent avec éclat, dans l’intérêt de leur thèse. Bien plus, ils affectent de prendre pour des répétitions, pour des « doublets », comme ils disent, un certain nombre de faits entre lesquels il existe sans doute une certaine ressemblance, mais qui présentent des circonstances très différentes de temps, de lieu, etc. Examinés de près, les prétendus « doublets » sont le récit d'événements très distincts. I Reg., xm, 13-14, il s’agit de la réprobation de la maison de Saùl, et plus loin, xv, 10-11, de la réprobation personnelle du roi. I Reg., x, 10^12, il est question de l’origine du proverbe Num et Saul inter prophetas 1 tandis que plus bas, xix, 23-24, l'écrivain sacré mentionne la confirmation de ce même proverbe. L’hébreu marque mieux cette nuance, et suppose l’existence antérieure de l’adage. Au premier passage, nous lisons : Fuit in proverbium ; au second : « C’est pourquoi ils disent : Est-ce que Saûl… 1 ? » Par deux fois, Saiil tente de transpercer David de sa lance, I Reg., xviii, 10, et xix, 9. Or, nous apprenons I Reg., xx, 33, que le roi avait recours à ce geste haineux, lorsqu’il était sous l’empire de sa passion mauvaise. Deux fois aussi, les habitants de Ziph trahirent David en indiquant à son ennemi le lieu de son refuge, I Reg., xxiii, 10, et xxvi, 1 ; deux fois, David dut aller chercher un abri chez les Philistins, I Reg., xxi, 10-15, et xxvii, 1-7 ; deux fois, d’abord dans une caverne, puis dans le camp royal, il épargna généreusement la vie de Saûl, I Reg., xxiv, 5-8, et xxvi, 7-25. Mais pourquoi ces divers faits ne se seraient-ils pas renouvelés, dès lors que les mêmes causes persévéraient : chez Saûl, sa haine intense ; chez les habitants de Ziph, le désir de nuire à David ; chez celui-ci, sa grandeur d'âme ; par rapport aux Philistins, la proxi.mïté de leurs frontières. II Reg., viii, 11-12, on mentionne brièvement les résultats de la guerre avec les Ammonites ; x, 1-25, on expose tout au long cette guerre, qui servit d’occasion au grand crime de David. Concluons avec le D r (protestant) Strack, Einleitung in das Alte Testant., 4e édit., in-8°, Munich, 1895, p. 67 : « L’assertion d’après laquelle, dans ces cas, il n’aurait existé réellement qu’un incident unique, le rédacteur s'étant laissé induire en erreur par les divers ornements qu’aurait surajoutés la tradition, n’est nullement démontrée ; » ou plutôt, c’est le contraire qui est démontré par une élude impartiale des textes. Voir F. Keil, Lehrbuch der Einleitung in die Schrifteri des A. T., 2e édit., p. 172-174.

3. Les néo-critiques sont allés plus loin, et ont prétendu découvrir dans, les livres de Samuel des contradictions véritables, qui démontreraient encore mieux leur thèse relative à l’origine de ces écrits. Cette autre affirmation ne résiste pas non plus à l’examen sérieux des faits. Les soi-disant contradictions concernent Samuel, l’origine de la royauté chez les Hébreux, l’introduction de David à la cour de Saûl, la mort de ce dernier, la prise de Sion par David, enfin le géant Goliath.

— à) Les récits relatifs au prophète Samuel seraient deux fois contradictoires. En premier lieu, d’après I Reg., vii, 15, il exerça « durant tous les jours de sa vie » les fonctions de juge en Israël, et pourtant nous le voyons, I Reg., viii, 1, cf. xii, 2, déléguer son autorité à ses fils. Mais cette difficulté s’explique au moyen d’une distinction fort simple : Samuel, devenu vieux, cessa de rendre des jugements et d’exercer certaines prérogatives de sa charge, trop fatigantes pour lui ; mais il ne se démit jamais entièrement de son autorité de juge, et il n’en avait d’ailleurs pas le droit, puisqu’elle lui avait été déléguée par Dieu lui-même. I Reg., viii, 4, après qu’il a été question de son remplacement partiel par ses fils, nous voyons le peuple s’adresser à lui pour avoir un roi. Même sous le règne de Saûl, il conserva son autorité suprême, que le roi ne songea nullement à contester. Cf. I Reg., xv, 2-34. David aussi recourut à lui comme à un guide officiellement institué par Dieu. I Reg., xix, 18, etc. On objecte aussi que, d’après IReg., XV, 35, à partir de tel instant, « Samuel ne vit plus Saül jusqu’au jour de sa mort, » tandis qu’il est dit plus tard, I Reg., xix, 24, à propos de Saül : « Il prophétisa… devant Samuel. » Ici encore, la conciliation est aisée : le premier trait signifie que le prophète cessa d’aller visiter le roi ; le second annonce simplement qu’il le rencontra d’une façon accidentelle.

— 6) Les rationalistes trouvent deux autres contradictions dans les récits relatifs à l’institution de la royauté. Les raisons pour lesquelles les Hébreux désirèrent et demandèrent un roi suivant notre livre leur paraissent inconciliables : d’une part, la cupidité des fils de Samuel, I Reg., viii, 3-5 ; de l’autre, les craintes que les Ammonites inspiraient au peuple, I Reg., xii, 1213. Mais en quoi ces motifs s’excluent-ils ? Ils se complètent mutuellement, au contraire, et le narrateur n’était pas tenu de les indiquer en même temps. Autre objection sur le même événement : I Reg., x, 1, nous apprenons que Saül reçut l’onction royale des mains de Samuel, sur l’ordre direct du Seigneur ; d’après I Reg., x, 20, 25, il futélu par le sort et ensuite reconnu par le peuple. Mais il n’existe pas d’opposition réelle entre les deux faits : Dieu désigna d’abord Saül en secret à son prophète, qui lui conféra l’onction sainte ; ^ette onction secrète ne pouvant suffire pour donner une autorité publique au nouveau roi, il fallait une révélation extérieure et solennelle de la volonté divine, et l’élection par le sort la fournit. — c) La difficulté tirée de la présentation de David à la cour royale est plus sérieuse. Nos adversaires affirment qu’elle est racontée dans le I er livre des Rois sous deux formes tellement différentes, d’abord xvi, 14-23, puis xvii, 1-xvin, 5, qu’il n’est pas possible de faire concorder les récits : preuve, ajoute-t-on, qu’ils ont été empruntés à des sources différentes, que le rédacteur a maladroitement réunies. Voici les détails de l’objection : « Quand Samuel arrive à Bethléhem (pour sacrer David), l’historien nous fait connaître le père et les frères de David, IReg., xvi, 113, et, un peu plus loin, il les présente de nouveau au lecteur, comme s’il n’en avait jamais encore parlé. I Reg., xvii, 12-15. Avant la guerre, Saül fait de David, qui est très brave, son écuyer, I Reg., xvi, 21, et, au moment de la guerre, nous voyons David gardant son troupeau, et n’allant au camp que par hasard, afin d’apporter des vivres à ses frères. I Reg., xvii, 17. Mais

ce qui est plus extraordinaire encore, Saül qui, avant d’aller combattre les Philistins, avait choisi David comme écuyer et le connaissait très bien, ainsi que son père, I Reg., xvi, 18-22, ne sait pas quel est ce jeune homme qui terrasse Goliath. I Reg., xvii, 15-16. » F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 5e édit., Paris, 1902, t. iv, p. 495-496. Telles sont les antilogies apparentes de la narration. Le même auteur nous en donne la solution, ibid., p. 496-498. Après avoir fait remarquer très justement qu’un narrateur européen aurait ordonné son récit d’une autre manière que l’écrivain israélile, lequel a compliqué visiblement les faits par les répétitions chères à sa race, il reprend : « Les deux récits dont nous nous occupons ne sont pas d’ailleurs complètement indépendants. L’historien ne parle pas la seconde fois des frères de David comme s’ils nous étaient totalement inconnus, et, au sujet de David lui-même, il a soin de rappeler qu’il l’avait déjà fait connaître à ses lecteurs : David, dit-il, le fils de cet homme d’Éphrata (dont il a été déjà parlé, explique justement la Vulgate), de Bethléhem de Juda. I Reg., xvii, 12. Mais comment, insiste-t-on, Saül peut-il ignorer qui est David, puisqu’il avait fait demander à son père de le lui laisser comme écuyer, I Reg., xvi, 19-22, et comment Abner n’en sait-il pas plus long que son maître ? La réponse est facile, et il y a longtemps qu’elle a été donnée par saint Ephrem. Le roi connaissait suffisamment le berger de Bethléhem pour l’attacher à sa personne, en qualité d’écuyer et de musicien ; mais le courage de David l’étonné et fait qu’il s’intéresse davantage à lui ; de plus, ayant promis sa fille au vainqueur de Goliath, il désire des informations plus précises sur la parenté de celui qui peut devenir son gendre, et c’est pour ce motif qu’il charge Abner de s’en occuper, I Reg., xvii, 55-57… Nous n’avons donc ici aucune contradiction réelle. » Il est remarquable, en effet, que, dans le texte sacré, IReg., xvii, 53-56, Saûl ne demande pas qui était personnellement David, mais de qui il était fils, à quelle famille il appartenait. Ajoutons que Saül avait plusieurs écuyers, selon l’usage d’alors, cf. II Reg., xviii, 15, de sorte que David, après avoir distrait pendant quelque temps le roi par son talent de harpiste, était ensuite retourné à la maison paternelle, où il se trouvait lorsque la guerre fut déclarée. On a allégué aussi que les passages I Reg., xvii, 12-31 et xvii, 56-xvin, 5, qui donnent le plus lieu à la difficulté proposée, sont supprimés dans la version des Septante ; ce qui prouverait que les traducteurs d’Alexandrie ne croyaient pas à la possibilité d’établir une conciliation entre I Reg., xvi, 18-22, et xv, 55-58. Mais cette omission ne démontre rien par elle-même, car la Bible des Septante présente d’autres nombreux exemples de suppressions, d’additions, de transpositions, etc. D’ailleurs, si le Cad. Vaticanus ne contient pas les versets en question, d’autres manuscrits les renferment, et les anciens interprètes grecs, entre autres Théodoret de Cyr, lntrod. in I Reg., t. lxxx, col. 567-568, s’efforçaient déjà d’harmoniser les deux récits. Voir aussi Procope de Gaza, Comm. in libr. 1 Reg., t. lxxxvii, col. 1109. — d) Si les narrations relatives à la mort de Saûl, I Reg., xxxi, 2-6, et II Reg., i, 2-12, sont réellement contradictoires, la faute n’en retombe pas sur l’écrivain sacré, qui donne la véritable version au premier des passages indiqués, mais sur l’Amalécite qui fit à David un récit mensonger, pour se faire bien venir de lui. Voir Théodoret, l. c, t. lxxx, col. 598. — e) Il est dit, I Reg., xvii, 54, que David porta la tête de Goliath à Jérusalem, puis, assez longtemps après, II Reg., v, 9, qu’il s’empara de la citadelle de Sion. Mais ouest la contradiction ? Sans doute, les Jébuséens demeurèrent longtemps les maîtres de la citadelle ; mais la ville, c’est-à-dire Jérusalem, était déjà au pouvoir des Hébreux, qui l’habitaient en paix. — f) S’il

est parlé, IIReg., xxi, 19, d’un géant philistin nommé Goliath, tué par un habitant de Bethléhem, cela ne suppose nullement deux récits qui se contrediraient. D’après I Par., XX, 5, le second héros philistin était le frère du géant mis à mort par David (t. iii, col. 269). — Sur ces divers points, voir Himpel, Ueber Widersprùche und verschiedene Quellen der Bûcher Samuelis, dans la Tûbinger Quartalschrift, 1874, p. 71-126, 237, 281 ; Keil, Lehrbuch der Einleitung, p. 167-171 ; Clair, Les Livres des Mois, t. i, p. 18-29 ; Cornely, Introductio specialis in historicos Vet. Testam. libros, in-8°, Paris, 1887, p. 260-272.

V7. LA VÉRACITÉ ET L’AUTORITÉ DES LIVRES DE SA-MUEL. — De ce qui vient d’être dit, il résulte que les néo-critiques en attaquent sur bien des points l’exactitude et le caractère historique. D’ailleurs, ils affirment en termes exprès qu’en beaucoup d’endroits, surtout dans les passages qui mentionnent quelque intervention surnaturelle, le récit n’a pour base que des légendes populaires. Hugo Winckler, entre autres, Geschichte IsræU in Einzeldarstellungen, in-8°, Leipzig, 1900, t. ii, p. 147-152, prétend que la plus grande partie de nos deux livres est légendaire. D’après Nowack aussi, Die Bûcher Samuelis ûbersetzt und erklàrt, p. xiv-xxiii, les chap. i-m du premier livre sont de l’idylle, non de l’histoire ; dans les chap. ix etx, on remarque de nombreux embellissements poétiques, beaucoup de détails qui ont reçu « une forme idyllique » ; dans les chap. vii, viii, xii, etc., souvent la narration n’a rien de réel, mais a été inventée à plaisir. Etc. "Wellhausen, Prolêgomena zur Gesch. IsræU, 5e édit., p. 247-275, prétend de même qu’  « il n’y a pas un mot de vrai » dans tel et tel récit ; il mentionne en particulier, p. 266, a la légende du combat entre le jeune berger et Goliath, I Reg., xvii, 1-xvIn, 5. » À travers le livre entier les « tendances » seraient visibles, et elles auraient corrompu l’esprit des récits. Aussi, dans son ouvrage Die isrælitische und jûdische Geschichte, in-8°, 2e édit., Berlin, 1895, p. 51-64, le même auteur supprime-t-il un nombre considérable d’événements racontés par les deux premiers livres des Rois. Voir aussi Maurice Vernes, dans V Encyclopédie des sciences religieuses, t. xi, p. 445. Néanmoins, les écrivains rationalistes les plus avancés sont obligés de reconnaître que d’autres passages, également nombreux, présentent toutes les garanties désirables de véracité et qu’on ne saurait nier leur caractère visiblement historique. Ils admirent tout spécialement, dans le second livre, les chap. ixxx, où « tout le monde reconnaît qne nous avons une source historique de premier ordre. » Nowack, l. c, p. xxit. D’après Kuenen, Histor.-crit. Onderzoek, 2e édit., t. i, p. 380, ces chapitres, et d’autres passages encore, sont « l’œuvre d’un auteur bien informé, » qui ne fait pas intervenir à tout instant la divinité. Le D r Kautzsch ajoute, Abriss der Geschichte des alttestamenll. Schrifttums, Fribourg-en-Brisgau, 1897, p. 21, que ce document fait partie de « ce que nous possédons de plus complet, de plus fidèle, de plus parfait sur le domaine de l’histoire Israélite, bien plus, sur celui de l’histoire ancienne en général. ».^

A coup sûr, le critique catholique ne peut être que de leur avis lorsqu’ils font un éloge si mérité des passages en question ; mais il applique à tout le contenu des deux livres ce qu’ils ne consentent à accepter qu’à propos de fragments isolés. Nous dirons donc que la véracité des livres de Samuel est attestée de toutes manières. — 1° Elle l’est d’abord par les preuves internes : vie et simplicité des récits ; minutie des détails, qui sont d’ailleurs toujours conformes aux mœurs de l’époque ; exactitude parfaite de la topographie ; sincérité manifeste et candeur touchante du narrateur, qui demeure étranger à tout esprit de parti.

H raconte avec une entière franchise les égarements des acteurs les plus vénérés de cette histoire, aussi bien que leurs plus belles actions : « Sacerdoce, prophétisme, royauté, tout ce qui est élevé en Israël, passe, comme le peuple lui-même, sous le niveau impartial du jugement divin. » La Bible annotée, Les livres prophétiques, t. In, Neuchâtel, 1893, p. 185. David n’est pas plus épargné que les autres sous ce rapport, et l’histoire de son double crime est exposée dans tous ses détails, avec les châtiments terribles qu’elle lui attira. Les caractères des divers personnages sont décrits aussi avec une vérité psychologique très frappante. Nous voyons se dresser vivants devant nous Héli, avec son singulier mélange de faiblesse et de piété ; Samuel avec sa gravité sereine, sa mâle décision, sa grandeur ; Saûl, d’abord aimé de Dieu, puis devenant insupportable et se livrant à toute la fougne de sa passion ; David, aimable, juste, habile, prudent, aux sentiments pleins de naturel, etc. Les acteurs secondaires, Abner, Jonathas, Joab, etc., sont aussi très bien dépeints. — 2° La véracité de ces deux livres est également attestée par le dehors, c’est-à-dire par d’autres passages de la Bible qui leur confèrent une autorité en quelque sorte divine. Jérémie fait plusieurs fois allusion à leur contenu : cf. Jer., ii, 37, et II Reg., xiii, 19 ; Jer., xv, 1, et I Reg., xii, 19-23 ; Jer., xxiii, 5, et II Reg. vii, 12 ; viii, 15, etc. Les deux derniers livresdes Rois citentpresque textuellement plusieurs passagesdes deux premiers. Cf. III Reg., il, 27, et I Reg., ii, 31, etc. Comme il a été dit plus haut (col. 1134), le premier livre des Paralipomènes reproduit en partie, et d’une manière toute semblable, , 1e thème traité dans I et II Reg. Le fils de Sirach, Eccli., xlvi, 6-xlvii, 13, résume les livres de Samuel de la façon la plus exacte ; il en est de même du Ps. xvii, sans parler des titres d’assez nombreux chants du Psautier, certainement très anciens, quoi qu’il en soit de leur authenticité, qui se rapportent à divers traits de la vie de David. Cf. Ps. iii, . 1 ; xvii, 1 ; xxvi, 1 ; xxxiii, 1 ; l, 1 ; li, 1-2 ; lii, 1 ; lvî, 1 ; lviii, 1 ; lix, 1-2 ; lxii, 1, etc. Dans l’Épltre aux Hébreux, I, 5, saint Paul appuie son argumentation sur un texte emprunté à II Reg., vii, 14 ; dans le discours qu’il prononça à Antioche de Pisidie, Act., Xiii, 20-22, il résume brièvement le sujet traité dans les livres de Samuel, et fait un emprunt à I Reg., xiii, 14. La Sainte Vierge s’est approprié plusieurs passages du cantique d’Anne. Cf. Luc, i, 46-55, et I Reg., ii, 1-10. Jésus-Christ lui-même fit une allusion très claire à I Reg., xxi, 1-6, lorsqu’il demanda aux Pharisiens s’ils avaient « lu >> ce qu’avait fait le roi David lorsqu’il fut pressé par la faim. Cf. Matth., xii, 3-4. Tout cela prouve en quelle haute estime les livres de Samuel étaient tenus chez les Juifs. Pour attaquer à un autre point de vue la crédibilité de cet écrit, les critiques rationalistes ont relevé quelques erreurs de chiffres qu’on rencontre cà et là dans le texte ; entre autres les suivantes : I Reg., vi, 19, où il est dit que le Seigneur frappa « 70 hommes et 50000 hommes de Bethsamès, » qui avaient regardé l’arche ; I Reg., xiii, 1, ou nous lisons que Saül avait « un an » au début de son règne ; probablement aussi I Reg., xiii, 5, et II Reg., x, 18, etc. Mais il est de toute évidence qu’on n’a pas le droit de rejeter ces erreurs sur l’auteur lui-même ; elles sont le fait des copistes, qui se sont souvent trompés en transcrivant les chiffres, comme on le voit par les divergences qui existent entre le texte hébreu et les différentes versions. Voir L. Reinke, Beitràge zur Erklàrung des Alt. Testam, , t. iii, Munster, 1855, p. 125-150.

VII. CHRONOLOGIE DES LIVRES DE SAMUEL. — NOUS

nous trouvons en face des mêmes difficultés que pour les livres de Josué et des Juges : en effet, les renseignements positifs sont insuffisants pour que nous puissions déterminer avec certitude, d’un côté, la durée générale -1143

ROIS (LIVRES DES). I ET II SAMUEL

1144

de la période embrassée par l’ensemble delà narration, de l’autre, l’époque précise des événements les plus importants. Les deux premiers livres des Rois sont extrêmement sobres en fait de dates ; aucun livre historique de l’Ancien Testament ne l’est davantage. Il en cite quelques-unes aux passages suivants : I Reg., i, 20, 23 ; ii, 19 ; vi, 1 ; x, 27° (Septante) ; xxvh, 7, cf. xxix, 3 ; lIReg., xiii, 37 ; xiv, 28. Mais elles -sont trop vagues parfois, ou trop incomplètes, pour une chronologie. Cependant, I Reg., iv, 18, nous apprenons que le grand prêtre Héli exerça la judicature pendant 40 ans (20 années seulement d’après les LXX), et, II Reg., v, 4-7, que David régna à Hébron durant 7 ans et demi, à Jérusalem pendant 33 ans, ce qui fait 40 ans en chiures ronds. Mais nous ignorons combien de temps Samuel et ses fils gouvernèrent Israël ; de plus, bien que la période de 40 années assignée par saint ctienne au règne de Saûl, Act., xiii, 31, cf. Josèphe, Ant. jud., VI, xiv, 9, soit très claire par elle-même, elle n’est pas néanmoins sans obscurité, car il n’est pas dit -si les deux années d’Isboseth, Il Reg., ii, 10 —sept ans et demi selon d’autres, cf. II Reg., ii, 11 — sont comprises dan s ce chiffre, ou si elles doivent être calculées à _part. Cependant, on compte d’ordinaire environ 130 ou 150 ans pour la durée totale des faits racontés dans les deux livres de Samuel. Voir Chronologie, t. ii, col. 738 ; von Hummelauer, Comment, in libros Samuel, p. 2526. L’an 1000 avant Jésus-Christ coïncida approximativement avec le règne de David.

VIII. TEXTE HÉBREU ET VERSIONS PRINCIPALES. —

.1. Le texte hébreu de la Massore, reproduit dans les Bibles ordinaires, est très imparfait et a subi des altérations évidentes. Tous les critiques sont d’accord sur ce point. Voir Kuenen, , Gesammelte Abhandlungen zur biblischen Wissenschaft, in-8°, p, 82-134. Par exemple, I Reg., vi, 18, au lieu des mots’ad’abel hag-gedôlâh, qui ne donnent aucun sens (Vulgate, ad Abel Magnum), il faut lire : .’êd’ébén hag-gedôlâh, « la grande pierre est témoin ». t Reg., vi, 19, au lieu de « 50000 hommes, 70 hommes », lisez : « 70 hommes ». I Reg., viii, 16, au lieu de bahurêkém, « vos jeunes gens d’élite » (Vulgate, juvenes optimos), il faudrait : biqerêkem, « vos bœufs ».IReg., xii, 11, la leçon Bedan (Vulgate, Badân) est une faute évidente pour Baraq, cf. Jud., IV, 6, ou pour Abdon, cf. Jud., xii, 17. 1 Reg., xiv, 18, au lieu de « Fais approcher l’arche de Dieu », il faut lire : « l’éphod de Dieu ». II Reg., xv, , 7, la vraie leçon est 40| au lieu de 4, etc. Voir F. Kaulen, Einle14ung in die heil. Schriften des Alten uni Neuen Testant. , 3e édit., p. 192-193.

2. La traduction des Septante a eu pour base un texte hébreu qui diffère très souvent, et parfois d’une manière notable, de celui de la Massore. En divers endroits, elle mérite certainement les préférences de l’exégète et sert à corriger les imperfections de l’hébreu actuel. Mais on est trop porté de nos jours à exagérer ses avantages. Elle aussi, elle présente des fautes nombreuses, des transpositions et des suppressions arbitraires, de sorte qu’il est nécessaire de prendre de grandes précautions à son sujet. Elle a d’ailleurs -été remaniée à plusieurs reprises d’après le texte massorétique. Fréquemment, un seul et même passage a reçu une double traduction. Cf. I Reg., ii, 24 ; v, 4, 6 ; vi, 8 ; x, 1, 21 ; xii, 4 ; xiii, 15 ; xv, 3 ; xx, 9 ; xxi, 13 , (14) ; II Reg., v, 14-16 ; xii, 3, 4 ; xv, 20 ; xvïn, 17 ; xix, 18 (19). Du reste, les manuscrits des Septante ne contiennent pas un texte identique ; le Codex Vaticanus (B) e.st regardé comme le meilleur de. tous, en ce qui concerne les livres de Samuel. C’est celui qui est imprimé dans l’édition’de H. B. Swete, , TAe Old Testament in Greek according to the Septuagint, in-12, t. i, -Cambridge, 1887, p. 545-668. La recension de Lucien .peut rendre de grands services pour la critique du texte.

Sur ces divers points, voir Lôhr, Die Bûcher Samuels, p. lxxx-ciii ; Nowack, Die Bûclier Samuelis, p. îx-x. — Pour les deux premiers livres des Rois, il n’existe que de simples fragments des traductions grecques d’Aquila, de Symmaque et de Théodotion.Cf. Field, Hexaplorum Origenis quse supersunt, in-8°, Londres, 1875, 1. 1. Il en est de même de la Vêtus latina, faite d’après les Septante. Cf. Sabatier, Bibliorum Særorum latinse versionis anliquse, 1743 ; Vercellone, Variée lectiones Vulgalx latinse Bibliorum editionis, Rome, 1864, t. h. — Quant à la Vulgate, elle a été traduite directement et fidèlement sur l’hébreu, et elle a conquis l’estime de la plupart des critiques. Voir W. Nowack, Die Bedeutung des Hieronymus fur die Textkritik des Alten Testam., in-8°, Gœttingue, 1875. Il n’est pas sans intérêt de noter que saint Jérôme commença par nos deux livres sa traduction sur l’hébreu. Malheureusement elle a conservé mainte addition de Vllala ; dans ce cas, elle diffère du texte original et correspond au grec des Septante. Cf. I Reg., iv, 1 ; v, 6, 9 ; viii, 18 ; x, 1 ; xi, 1 ; xiii, 15 ; xiv, 22, 41 ; xv, 3, 12, 13 ; xvii, 36 ; xxi, ll ; xxx, 15 ; II Reg., i, 26 ; v, 23 ; x, 19 ; xiii, 21, 27 ; xiv, 30. Voir Vercellone, op. cit., t. ii, p. ix. Il lui arrive aussi de donner une double traduction du même texte. Cf. I Reg., ix, 25 ; xx, 15 ; xxi, 7 ; xxiii, 13, 14 ; II Reg., ii, 18 ; iv, 5 ; vi, 12 ; xv, 18, 20. — Il n’y a pas beaucoup de profit à tirer de la traduction syriaque pour la critique textuelle des livres de Samuel ; on peut utiliser avec plus de fruit le Targum, qui, tout en demeurant d’ordinaire conforme à l’hébreu massorétique, s’en écarte assez souvent aussi., ’rx. bibliographie. —1° Pour la critique du texte et les origines du livre : C. A. Graf, Delibrorum Sapiuelis et Regum compositione, scriptoriOus etfide historica, in-8°, Strasbourg, 1842 ; F. BoUcher, Neue exegelischkritische Aehrenlese zuni Alten Testamente, in-8°, t. i, Leipzig, 1863, p. 83-208 ; J. Wellhausen, Der Text der Bûcher Samuelis, in-8°, Gœttingue, 1871 (c’est cet ouvrage qui a servi de guide principal à tous les néocritiques ) ; du même auteur, Einleitung in das Alte Testam. de Bleek, 4e édit., in-8°, 1878, p. 181-267 ; Die Composition des Hexateuchs und der historischen Bûcher des Alt. Testam., in-8°, Berlin, 1878 ; 3e édit. en 1899, p. 238-266 ; Prolegomena zur Geschichte Isræls, in-8 « , Berlin, 1883, 5e édit. en 1899, p. 247-275 ; E. Reuss, dans l’ouvrage cité plus bas, p. 85-148 ; C. H. Cornill, dans la Zeitschrift fur kirchliche Wissenschaft und kirchl. Leben, 1885, p. 113-141, dans les Kœnigsberger Studien, 1. 1, 1888, p. 25-59, et dans la Zeitschrift fur alttestamentliche Wissenschaft, 1890, p. 96-109 ; C. Bruston, Les deux Jéhovistes dans les livres de Samuel, dans la Revue (protestante) de théologie et de philosophie, 1885, p. 511-528, 602-637 ;

A. Kuenen, Historisch-critisch Onderzoek naar het ontstaan en de verzameling van de boeken des Ouden Verbonds, in-8°, 2° éd., Leide, 1887, I « part., p. 368-392 ; K. Budde, dans la Zeitchrift fur alttestamentl. Wissenschaft, 1888, p. 231-245 ; du même auteur, TheBooks of Samuel, dans Haupt, Critical édition of the sacred Books of the Old Testam., in-4°, Leipzig, 1894 ;

B. Stade, Geschichte des Volkes Israël, in-8, Berlin, 1887, t. i, p. 197-292 ; S. R. Driver, Notes on the hebrew Text of the Books of Samuel, in-8°, Londres, 1890 ; R. Kittel, dans les Studien und Kritiken, 1892, p. 4471 ; du même auteur, Geschichte der Hébrâer, in-8°, Leipzig, 1892, t. ii, p. 22-50 ; F. Montet, La composition de l’Rexateuque, des Juges, de Samuel et des Rois, Étude de critique biblique, broch. in-8°, Lyon, 1894 ; A. Mez, .Die Bibel des Josephus untersucht, in-8°, Bâle, 1895 ; NPeters, Beitrâgèzur Textund Literaturkritik der Bûcher Samuelis, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1899. Ce dernier ouvrage seul a été composé par un auteur catholique. 114&

ROIS (IIIe ET IV LIVRES DES)

114&

2° Commentaires. — A. Ouvrages catholiques : S. Éphrem, In Samuelem, Opéra syriaca, t. i, p. 331567 ; Théodoret de Cyr, Qusestiones in libros Regnorum, t. lxxx, col. 527-800 ; Sanchez, Commentarius et paraphrasis in Regum libros, 2 in-f°, Lyon, 1623 ; Duguet, Explication des livres des Rois, Paris, 17381740 ; P. Clair, Les livres des Mois, introd. critique et commentaires, in-8°, Paris, 1884 ; de Hummelauer, Commentarius in libros Samuelis, in-8°, Paris, 1886.

— B. Ouvrages hétérodoxes : 0. Thenius, Die Bûcher Samuels, in-8°, Leipzig, 1842, 3 8 édit. (par Lôhr), 1898 ; F. Keil, Die Bûcher Samuels, in-8°, Leipzig, 1864, 2e édit., 1875 ; CF. Erdmann, Die Bûclier Samuelis, in-8, Bielefeld, 1873 ; E. Reuss, Histoire des Israélites depuis la conquête de la Palestine jusqu’à l’exil : Livres des Juges, de Samuel et des Rois, in-8°, Paris, 1877 ; A. F. Kirkpatrick, The first Book of Samuel, in-18, Cambridge, 1880, The second Book of Samuel, in-18, Cambridge, 1881 ; A. Klostermann, Die Bûcher Samuelis und der Kônige, in-8°, Munich, 1887 ; K. Budde, Richter und Samuel, in-8°, Giessen, 1890 ; le Midras Semu’el, commentaire haggadique réédité par Buber, in-8°, Cracovie, 1893 ; A. P. Smith, A critical and eœegetical Commentary on the Books of Samuel, in-8°, Edimbourg, 1899 ; K. Budde, Die Bûcher Samuelis erklârt, in-8°, Tubingue, 1902 ; W. Nowack, Die Bûcher Samuelis ûbersetztund tir&fârt, Goettingue, 1902.

II. TROISIÈME ET QUATRIÈME LIVRES DES ROIS. —

I. contenu et DIVISION. — 1° Ces livres racontent l’histoire des Israélites depuis les dernières années de David jusqu’à la fin de l’État juif. Le nom qu’ils portent est parfaitement justifié, puisque, à part le règne de Saûl et la plus grande partie de celui de David, ils contiennent l’histoire entière de la monarchie théocratique jusqu’à sa chute. Les événements racontés dans les deux livres occupent, d’après la chronologie le plus communément adoptée, un intervalle de 454 ans. En effet, le couronnement de Salomon, dont il est question dans le premier chapitre, III Reg., i, 32-40, semble avoir eu lieu en 1015, et le dernier fait raconté, la restitution des privilèges royaux à Joachim par Évilmérodach, IV Reg., xxv, 27-30, se rapporte à l’année 561 avant Jésus-Christ. — Ils se divisent en trois parties. — La première, III Reg., i, 1-xi, 43, s’occupe des derniers événements de la vie de David, du couronnement et du règne de Salomon. — La seconde, III Reg., xii, 1-IV Reg., xvii, 41, renferme l’bistoire synchronique des royaumes de Juda et d’Israël, depuis le schisme des dix tribus, jusqu’à la ruine de l’État schismatique. — La troisième, IV Reg., x.ih, 1-x.xv, 30, expose l’histoire de Juda depuis cette ruine jusqu’à la captivité de Babylone. La première partie comprend 40 années, de 1015 environ à 975 ; la seconde, 253 ans, de 975 à 722 ; la troisième, 161 ans, de 722 à 561 avant J.-C.

1. Histoire du règne de Salomon, III Reg., i, 1-xi, 43. — Cinq sections : 1. Avènement du jeune prince et inauguration de son règne, III Reg., i, 1-n, 46. Remontant à la fin du règne de David, l’auteur raconte comment Adonias, qui se posait en héritier du trône, vit ses espérances frustrées par le prophète Nathaja-et par Bethsabée, i, 1-31. Sur l’ordre de David, Salomon fut proclamé son héritier exclusif et reçut l’onction royale, i, 32-53. Suivent quelques détails relatifs aux dernières recommandations de David, à sa mort, ii, 1-12, et à diverses mesures prises par Salomon pour assurer la sécurité du trône, ii, 13^46. — 2. Débuts du règne de Salomon. III Reg., iii, 1-iv, 34. Son mariage avec la fille du roi d’Egypte, sa belle prière à Gabaon, son jugement célèbre, va, 1-28. Sesprincipaux ministres, sa magnificence, sa sagesse, iv, 1-34. — 3. Les constructions de Salomon. III Reg., v, 1-ix, 9. Le roi s’entend avec Hiram de Tyr, au sujet des ouvriers et

des matériaux nécessaires pour bâtir le temple, v, t-18. L’édifice. sacré, commencé la quatrième année du règne de Salomon, est achevé après sept ans de travail, vi, 1-38. Construction de plusieurs palais, vii, 112. Le mobilier du temple est préparé avec un grand déploiement de zèle, d’art et de richesse, vii, 13-51, Dédicace solennelle du sanctuaire, où l’arche sainte est transférée, viii, 1-ix, 9. — 4. Apogée de la puissance et de la gloire de Salomon, III Reg., ix. 10-x, 29. Échange de présents avec le roi de Tyr, ix, 10-14. Salomon bâtit et fortifie plusieurs villes de son royaume, , ix, 24-25. La reine prend possession du palais construit pour elle, ix, 24-25. La flotte de Salomon, ix, 26-28. Visite de la reine de Saba, x, 1-13. Les revenus du roi et leur emploi, sa grandeur et sa puissance, x, 14-29. — 5. Les fautes et le châtiment de Salomon, III Reg., xi, 1-43. Il épouse un grand nombre de femmes étrangères, dont il favorisé les pratiques idolâtriques, xi, 1-8, Menaces divines, xi, 9-13. Adad, Razon et Jéroboam se révoltent successivement, xi, 14-40. Conclusion dit règne de Salomon, xi, 41-43.

2. Histoire synchronique des royaumes d’Israël et de Juda, III Reg., xii, 1-IV Reg., xvii, 41. — Trois grandes sections : — 1. La séparation des deux royaumes et leurs hostilités perpétuelles jusqu’au règne d’Achab, III Reg., xii, 1-xvi, 28. — o) Schisme des dix tribus, xii, 1-20. Dieu interdit à Roboam d’attaquer les rebelles, xii, 2124. — b) Règne de Jéroboam I er d’Israël, xii, 25-xiy, 20. Pour établir une séparation perpétuelle entre ses sujets et ceux de Juda, il établit le culte des veaux d’or à Dan et à Béthel, xii, 25-33. Le Seigneur blâme vivement et châtie cette conduite sacrilège, xiii, 1-3-xiv, 18. Mort de Jéroboam, xiv, 19-20. — c) Roboam, xiv, 21-31, Abiam, xv, ’l-8, etvsa, xv, 9-24, régnent sur Juda. Nadab, Baasa, Éla, Zambriet Amri se succèdent rapidement sur le trône d’Israël, xv, 25-xvi, 28. — 2. Israël et Juda pendant le règne d’Achab, III Reg., xvi, 29xxii, 54. -- a) Sommaire du règne de l’impie Achab r xvi, 29-34. — b) Le prophète Élie prédit une famine terrible, qui ne tarde pas à éclater, xvii, 1-24. Entrevue du prophète et du roi, xviii, 1-19. Victoire remportée par Élie sur les prophètes de Baal, xviii, 20-40. Cessation de la sécheresse, xviii, 41-46. Elie se réfugie sur le mont Horeb, pour échapper à la colère de la reine Jézabel, xrx, 1-18. Onction d’Elisée, xix, 19-21. —

c) Achab triomphe à deux reprises des Syriens, xx, 1-43. Jézabel fait lapider Naboth pour s’emparer de sa vigne ; Élie lui prédit, ainsi qu’à Achab, le châtiment divin, xxi, 1-25. — d) Achab fait alliance avec Josaphat de Juda, pour attaquer Ramoth-Galaad, xxii, 1-5. Les deux rois sont battus, mort d’Achab, xxii, 6-40~ Sommaire du règne de Josaphat, xxii, 41-51, Ochozias, fils d’Achab, devientroid’Israël, xxii, 52-54. — 3. Annales des rois de Juda et d’Israël depuis la mort d’Achab jusqu’à la prise de Samarie et à la ruine du royaume schismatique, IV Reg., i, 1-xvii, 41. — a) Ochozias et Joramsur le trône d’Israël, un autre Joram. sur le trône de Juda, i, 1-m, 27. Elie prédit à Ochozias sa mort prochaine, i, 1-18. Le prophète est enlevé sur un char de feu, n, 1-12 ; premiers miracles d’Elisée, ii, 13-25. Expédition victorieuse de Joram d’Israël et de Josaphat contre les Moabites, iii, 1-27. — 6) Les principaux actes du ministère d’Elisée, iv, 1-vin, 15 ; il opère de nombreux miracles et fait plusieurs prophéties, dont on signale, l’accomplissement. — c) Joram et Ochozias régnent sur Juda, Jéhu s’empare du trône d’Israël, viii, 16-x, 35. Règne de l’impie Joram, viii, 16-24. Règne d’Ochozias, son fils non moins impie, viii, 25-29. Jéhu est sacré roi d’Israël par Elisée, ix, 1-10 ; il se révolte contre Joram et le met à mort, avec Ochozias de Juda, Jézabel et toute la famille d’Achab, ix, 11-x, 17. —

d) Depuis l’avènement de Jéhu jusqu’à la prise de Samarie, x, 18-xxii, 41. Jéhu est d’abord béni de Dieu, 1147

ROIS (IIIe ET IVe LIVRES DES)

1148

parce qu’il avait détruit le culte de Baal, x, 18-27 ; il s’attire ensuite les vengeances divines, x, 28-36. Usurpation d’Athalie ; le grand prêtre Joïada réussit à la renverser, xi, 1-16, et à faire monter sur le trône le jeune Joas, dont le règne fut unYnélange de bien et de mal, xt, 17-xil, 21. Joachaz et Joas gouvernent Israël ; mort d’Elisée, xui, 1-25. Règne d’Amasias à Jérusalem ; Joas d’Israël envahit la Judée, xiv, 1-20. Azarias succède à Amasias, xiv, 21-22. Jéroboam II devient roi d’Israël, xiv, 13-29. Au temps d’Amasias, de Joatham et d’Achaz, rois de Juda, le royaume d’Israël, déchiré par des luttes intestines sous ses derniers rois, se précipite vers sa ruine et tombe finalement sous les coups des Assyriens, xv, 1-xvii, 6. Causes morales de cette ruine, xvii, 7-23. Ce que devint le territoire des dix tribus pendant l’occupation assyrienne, xvii, 24-41.

3. Histoire des rois de Juda, depuis la ruine du royaume d’Israël jusqu'à la captivité de Babylone, IV Reg., xviii, 1-xxv, 29. — Trois sections : — 1. Règne d'Ézéchias, xviii, 1-xx, 21. Le pieux roi lutte énergiquement contre l’idolâtrie, et, pour ce motif, il est délivré d’une invasion assyrienne, viii, 1-xix, 37. Sa guérison miraculeuse, xx, 1-11. S'étant glorifié de ses trésors, il est sévèrement blâmé par Isaïe, qui lui prédit la chute prochaine du royaume, xx, 12-21. — 2. Règnes de Manassé, d’Amon et de Josias, xxi, 1-xxin, 30. Manassé et Amon font revivre l’idolâtrie et accélèrent la ruine de Juda, xxxi, 1-26. Le saint roi Josias rétablit le culte du vrai Dieu et renouvelle l’alliance théocratique, xxii, 1-xxin, 23 ; il ne fait cependant que retarder la chute du royaume, arrêtée dans le plan divin et il périt dans une guerre contre le roi d’Egypte, xxiii, 24-30. — 3. Les derniers rois de Juda, xxiii, 31-xxv, 30. Joachaz, Joachim et Jéchonias se succèdent rapidement sur le trône, faisant le mal tour à tour ; Dieu les châtie par les Égyptiens et surtout par les Assyriens, qui s’emparent de Jérusalem, détruisent la ville et le temple, et déportent le roi en Chaldée, avec des Juifs nombreux, xxiii, 31-xxv, 26. Évilmérodach restitue à Jéchonias les honneurs royaux, xxv, 27-30

II. PLAN ET BUT DE L’AUTEUR. — 1° Plan. — L’his toire du peuple de Dieu est ramenée, durant toute la période indiquée, à celle de ses rois, et les divers règnes sont décrits d’après leur suite naturelle, c’est-àdire, d’après l’ordre chronologique. La marche est constamment uniforme. La biographie, le plus souvent très courte, de chacun des rois, soit de Juda, soit d’Israël, est placée dans une sorte de cadre régulier, qui consiste en deux formules à peu prés identiques, dont l’une ouvre le règne, tandis que l’autre le termine. Pour les rois de Juda, celle-là se compose de deux phrases : la première marque le synchronisme avec le roi d’Israël alors régnant, tandis que la seconde spécifie l'âge du roi lors de son intronisation, la durée de son règne et le nom de sa mère. Cf. III Reg., xv, 1-2, 9-10, etc. Pour les rois d’Israël, il n’y a d’ordinaire qu’une seule phrase, qui signale simplement le synchronisme avec les rois de Juda et la durée du règne. Cf. III Reg., xv, 25, 33 ; xvi, 8, 15, 20, 23, etc. L’autre formule apprécie le caractère du monarque en question au point de vue moral, habituellement en quelques mots rapides, presque toujours les mêmes : « Il fit ce qui était bon — ou, ce qui était mauvais — aux yeux du Seigneur, » cf. III Reg., xv, 3, 11, 33, etc. ; mais parfois en termes plus développés, cf. III Reg., xiv, 2224 ; xv, 11-15 ; xvi, 30-33, etc. Puis l’auteur conclut, en indiquant le document dans lequel ses lecteurs pouvaient trouver des renseignements plus complets, et en signalant la mort du roi, ses funérailles et le nom de son successeur. Cf. III Reg., xi, 43 ; xiv, 19, 20, 31 ; xv, 8, 24, etc. Il arrive quelquefois que la désignation du document et la mention de la mort sont séparées l’une de l’autre par une courte donnée historique. Cf.

III Reg., xiv, 30 ; xv, 7, 23 ; xxii, 6-50 ; IV Reg., xv, 37. Le trait « il fut enseveli avec ses pères » est parfois omis, surtout pour les rois d’Israël, III Reg., xvi, 27-28 ; xxii, 54, etc., mais aussi pour quelques rois de Juda. III Reg., xxi, 26 ; xxiii, 30. Il y a d’ailleurs çà et là d’autres exceptions à la complète régularité des formules. Entre ces phrases caractéristiques du commencement et de la fin, l’auteur insère les détails biographiques concernant chaque monarque. — Il suit le principe suivant pour l’arrangement des deux séries de rois : un règne commencé est raconté jusqu'à son achèvement ; le narrateur reprend ensuite le règne ou les règnes synchroniques de l’autre série. C’est ainsi qu’après avoir relaté les événements du règne de Jéroboam I ar d’Israël, il passe à ceux des trois rois de Juda qui occupèrent le trône en même temps que lui ; puis il revient aux six rois schismatiques qui furent contemporains d’Asa, etc. Cf.

III Reg., xiv, 13-Xvi, 28.

2° But de l’auteur. — Comme les autres annalistes sacrés d’Israël, l’auteur des deux derniers livres des Rois ne s’est point proposé de raconter de l’histoire pure et simple. Le point de vue auquel il s’est placé est avant tout religieux et théocratique ; ce sont les destinées du peuple de Jéhovah, les développements du royaume de Dieu sur la terre, qu’il veut constamment décrire. Il manifeste cette intention plus peut-être qu’aucun autre historien biblique, et c’est en ce sens qu’il apprécie constamment les hommes et les faits. On en trouve des preuves nombreuses et saillantes dans son livre. — a) Tout en fournissant sur les événements politiques tous les renseignements indispensables, il glisse avec rapidité sur la plupart d’entre eux ; bien plus, il ne craint pas d’en omettre d’assez importants, qui n’allaient point à son but, ce qui ne s’expliquerait point de la part d’un annaliste ordinaire. C’est ainsi, comme on le voit en comparant nos deux livres avec le second des Paralipomènes, qu’il est muet sur la campagne de Zara contre Juda, sur les guerres de Josaphat contre les Moabites, les Ammonitesetles Édomites, sur la victoire remportée par Ozias dans sa campagne contre les Philistins, sur la captivité de Manassé à Babylone, etc. Cf. II Par., xiv, 9-15 ; xx, l-30 ; xxvi, 6-15 ; xxxiii, 11-17. Il ne mentionne aussi que superficiellement la prise de Jérusalem par Sésac, III Reg., xiv, 25-26 ; cf. II Par., xii, 1-12 ; la guerre d’Amasias contre l’Idumée, IV Reg., xiv, 7 ; cf. II Par., Xxv, 5-17 ; la guerre désastreuse de Josias contre le pharaon Nécbao,

IV Reg., xxiii, 29-30 ; cf. II Par., xxxv, 20-25, etc. — b) Au contraire, il appuie sur certains détails, sur certaines périodes, qui se rattachaient davantage à son but. Ainsi, bien que tous les rois d’Israël et de Juda soient mentionnés dans le récit et qu’on porte un jugement sur leur vie, n’eussent-ils régné que quelques jours, cf. III Reg., xvi, 15-19, il est remarquable que le narrateur a spécialement insisté sur six règnes plus importants, soit en bien, soit en mal, sous le rapport théocratique : ceux de Salomon, III Reg., i-xi, de Jéroboam I er, III Reg., xii, 25-xiv, 20 ; d’Achab, III Reg., xvi, 29-xxii, 40 ; de Joram d’Israël, IV Reg., iii, 1-ix, 26 ; d'Ézéchias, IV Reg., xviii-xx ; de Josias, IV Reg., xxiixxiii. Salomon avait développé le culte divin ; Ezéchias et Josias contribuèrent à le rétablir ; Jéroboam I er, Achab et Joram introduisirent ou favorisèrent l’idolâtrie. — c) Même réflexion à faire au sujet de l’ampleur des récits qui concernent le temple et le rôle des prophètes. Cf. III Reg., v, 1-ix, 9 ; xii, 22-24 ; xiii, 1-32 ; xiv, 1-10 ; xvii-xix ; xxi, 17-24 ; xxii, 13-28 ; IVReg., l-ii ; lv-vm ; ix, 1-10 ; xii, 4-16 ; xiii, 14-21 ; xix, 1-34 ; xx, 1-19 ; xxi, 10-16 ; xxii-xxiii ; xxv, 9-17, etc. L’auteur se complaît à signaler le zèle des prophètes en tant que gardiens vigilants de la loi divine. — d) Les réflexions morales par lesquelles l'écrivain sacré commente brièvement les faits et la manière dont il rattache les malU49

ROIS (IIIe ET IVe LIVRES DES)

1150

heurs de la nation aux crimes qu’elle avait commis contribuent aussi pour beaucoup à révéler son dessein et son but. Voir III Reg., ix, 3-9 ; xi, 11, 33, 38 ; xiv, 7-16 ; xvi, 12, 13 ; IV Reg., x, 31 ; xiii, 2-3 ; xxi, 11-16 ; xxii, 15-20 ; xxiv, 3, 20, et surtout le passage si poignant IV Reg., xvii, 7-23. — e) Il parle également avec insistance de la loi mosaïque et de l’alliance du Sinaï, comme d’une source de vie et de bonheur pour Israël. Cf. III Reg., ii, 2-4 ; iii, 3, 14 ; vi, 12, 38 ; viii, 35, 55, 58, 61 ; ix, 4, 6 ; xi, 11, 33, 34, 38 ; xiii, 21 ; xiv, 8 ; xviii, 18 ; xix, 10, 14 ; IV Reg., x, 31 ; xiii, 23 ; xiv, 6 ; xvii, 8, 13, 15, 16, 19, 34, 37-38 ; xviii, 6, 12 ; xxi, 8 ; xxii, 8, 11 ; xxiii, 2-3 ; xxi, 24-25. — f) Enfin, le narrateur revient très fréquemment sur le magnifique oracle par lequel Dieu avait promis, II Reg., vii, 1-29, la perpétuité du trône aux descendants de David. Cf. III Reg., it, 4, 14 ; m, 6 ; vii, 12 ; viii, 25-26 ; ix, 5 ; xi, 11-13, 34-39 ; xv, 4 ; IV Reg., viii, 19 ; x, 34 ; xx, 6, etc. — Il est clair, d’après tout cela, que ce que l’auteur veut avant tout, c’est de nous montrer « la main de Dieu dans l’histoire du peuple (israélite) et de ses rois. » LaBïble annotée, Les livres’historiques, in-8°, t. iv, Neuchatel, 1897, p. 4. Dans ses pages, nous avons donc surtout une histoire religieuse pour l’époque de la royauté. Comme l’a dit Strack, Einleitung in das Allé Testament, 4e édit., in-8°, Munich, 1895, p. 74 : « Son intention n’était pas d’enseigner l’histoire d’Israël, mais de dégager les leçons de l’histoire. »

UT. IMPORTANCE DES IIP ET IV LIVRES DES ROIS. —

Elle est tout à la fois historique et religieuse, mais surtout religieuse. De beaux et vastes horizons sont ouverts dans cet écrit, plus encore au théologien qu’à l’historien. Et, puisque c’est au point de vue messianique que se mesure tout d’abord l’importance d’un livre biblique, on peutdire que le livre des Melàkîm est privilégié sous ce rapport. En effet, nous venons de voir que l’oracle par lequel Nathan promit à David, au nom du Seigneur, la perpétuité du trône, en forme le centre d’une certaine manière ; or, cet oracle se rapporte certainement au Messie, qui seul devait le réaliser finalement. Voir le Ps. Lxxxvin ; Frz. Delitzsch, Old Testament llistory of Rédemption, in-12, Edimbourg, 1881, p. 87-111 ; Cvon Orelli, Die alttestamentliche Weissagung von der Vollendung des Gottesreiches, in-8°, Vienne, 1882, p. 168171 ; . A. Tholuck, Die Propheten und ihre Weissagungen, in-8°, Gotha, 1860, p. 165-170. C’est bien une conclusion messianique que nous lisons à la fin du dernier livre, IV Reg., xxv, 27-30. La faveur accordée à Jécbonias par Evilmérodach « jette sur la sombre nuit de l’exil le premier rayon lumineux d’un avenir meilleur, qui devait bientôt commencer pour la race de David, en même temps que pour tout le peuple ; elle lui garantissait l’accomplissement certain de la promesse en vertu de laquelle le Seigneur ne retirerait pas à jamais sa miséricorde à la postérité de David. » F. Keil, Die Bûcher der Kônige, p. 7. Or, c’est en Jésus-Christ seul que cette promesse s’est accomplie, et par lui seul que la race de David règne éternellement.

. iv. l’époque de la composition et l’auteuti. — 1° L’époque. — La date la plus ancienne à laquelle puissent remonter nos deux livres est marquée par le fait qui les termine : l’exaltation du roi Jéchonias, IV Reg., xxv, 27-30 ; or, il eut lieu en 561 avant J.-C. L’auteur ne mentionne pas la fin de la captivité, dont l’édit de Cyrus, en 536, donna le signal. La composition du troisième et du quatrième livre des Rois est donc antérieure au retour d’exil. Par conséquent, comme limites extrêmes, nous avons d’une part l’année 561, de l’autre l’année 536 avant notre ère. La rédaction eut lieu entre ces deux dates, vers le milieu de la captivité de Babylone. La plupart des néo-critiques, entre autres Kuenen, Wellhausen, Benzinger, Kautzsch, admettent que l’ouvrage aurait été à peu près achevé vers l’an 600

avant J.-C. Divers passages parlent clairement de la ruine de Jérusalem et du temple. Cf. III Reg., IX, 1-9 ; xi, 9-13 ; IV Reg., xvii, 17-20 ; xx, 17-18 ; xxi, 11-15 ; xxii, 15-20 ; xxiv, 18-25, 30, etc.

2° L’auteur. — 1. Quoi qu’on ait dit parfois en sens contraire, l’auteur des deux derniers livres des Rois n’est certainement pas le même que celui des deux premiers livres. Il existe, en effet, entre les deux écrits des différences trop sensibles pour qu’ils puissent provenir d’une main identique. Pour le style, voir ci-dessous. Quant au fond, voici les nuances les plus frappantes : a) Les livres de Samuel (1 et II Reg.) exposent d’ordinaire l’histoire israélite avec beaucoup de détails ; ceux des Rois (III et IV Reg.) l’abrègent et la condensent le plus souvent. — b) Les livres de Samuel ne citent que fort peu de dates ; ceux des Rois en fournissent un grand nombre. — c) Les livres de Samuel ne mentionnent pas les sources auxquelles leurs renseignements ont été puisés ; les livres des Rois renvoient fréquemment aux leurs. — d) Là, le culte des hauts lieux paraît avoir été encore toléré, cf. I Reg., IX, 12 ; ici, il est sévèrement blâmé et condamné, cf. III Reg., ut, 3 ; xii, 31 ; xiii, 32 ; xv* 14, etc. — e)Les livres de Samuel ne renvoient qu’une seule fois le lecteur à la loi mosaïque, II Reg., xxii, 23 ; ceux des Rois y font de nombreuses allusions. Voir col. 1149.

2. La tradition juive affirme très explicitement que le prophète Jérémie aurait composé les deux derniers livres des Rois. « Jérémie, dit le Talmud de Babylone, traité Baba bathra, 15 a, a écrit son livre (c’est-à-dire sa prophétie), le livre des Melàkîm (III et IV Reg.) et les Thrènes. » Voir L. Wogue, Histoire de la Bible et de l’exégèse biblique jusqu’à nos jours, in-8°, Paris, 1881, p. 28. Divers interprètes catholiques ou protestants, à la suite de saint Isidore de Séville, De off. eccl., i, 12, t. Lxxxin, col. 747, de Sixte de Sienne, de Cornélius à Lapide, etc., regardent encore cette opinion, sinon comme certaine —avec Hasvernick, Einleitung in das A. T., t. ii, 1™ partie, p. 171-172 ; Rawlinson, dans la Speaker’s Bible, t. ii, p. 471-472 ; Fr. Kaulen, Einleitung in die heil. Schriften, 3e édit., p. 198 ; R. Cornely, lntroductio specialis in Vet. Testamenti libros, in-8°, Paris, 1887, p, 293-295 — du moins comme très vraisemblable. Les données de l’histoire sont insuffisantes pour démontrer d’une façon rigoureuse la vérité de cette opinion ; il est néanmoins certain qu’on peut alléguer en sa faveur quelques considérations qui ne manquent pas de force : — a) Les hébraïsants ont établi d’intéressantes comparaisons, desquelles il résulte que le style et le genre littéraire de nos deux livres rappellent beaucoup la diction et le genre de Jérémie. Voir Hævernick, op. cit., t. ii, 1° partie, p. 171-178 ; Rawlinson, dans la Speaker’s Bible, t. ii, p. 470-471 ; Driver, Introduction to the Books of the Old Testant., 5e édit., p. 193. Pour la promesse faite à David et à sa race, cf. III Reg, , viii, 24 ; ix, 5, et Jer., xui, 13 ; xvii, 25 ; xxxiii, 17 ; pour la prophétie relative à la ruine du temple, cf. III Reg., ix, 8, et Jer., xviii, 16 ; xix, 8, etc ; au sujet du caractère terrible des calamités que devait subir le peuple d’Israël, cf. IV Reg., xxi, 12-xxiv, 16, et Jer., xtx, 3 ; xxii, 17 ; xxx, 16 ; Thren., ii, 8, etc. D’autre part, il est remarquable que le verbe hiddiah, employé dix-neuf fois par Jérémie pour marquer la dispersion des Juifs en exil, n’apparaît nulle part dans les deux derniers livres des Rois. — 6) La conclusion historique par laquelle se termine la prophétie de Jérémie, lu, 1-34, est pour ainsi dire calquée sur la dernière page des Rois, IV Reg., xxiV, 18-xxv, 30, ou réciproquement. — c) Le ton grave et mélancolique qui caractérise les oracles de Jérémie est aussi celui de nos deux livres. Le prophète d’Anathotha en grande partie composé son écrit pour démontrer, lui aussi, que Dieu avait été très juste en châtiant sévèrement 1151

ROIS (IIIe ET IVe LIVRES DES)

1152

les Israélites et en mettant fin au royaume théocratique. Or, tel est précisément le but du troisième et du quatrième livre des Rois. — d) Les épisodes dont est parsemé le recueil des prophéties de Jérémie et ceux qui remplissent la partie correspondante de nos deux livres semblent provenir delà même main. Cf.IVReg., xxiv, 1, et Jer., xxv, 1-11 ; IV Reg., xxiv, 7, et Jer., xlvi, 2-12 ; IV Reg., xxiv, 10-17, et Jer., xxvri, 1-15 ; IV Reg., xxv, 1-30, et Jer., xxvii, 16-22 ; xl, 5-9 ; xii, 1-34, etc.

— e) III et IV Reg. contiennent des renseignements nombreux et importants sur les prophètes. Or, ce thème devait être particulièrement cher à Jérémie. D’autre part, ce Voyant célèbre, qui joua un rôle politique et religieux très considérable de son temps, n’est pas même mentionné au quatrième livre des Rois ; ce fait, difficile à expliquer en lui-même, devient clair si Jérémie est l’auteur de III et IV Reg. — Il est vrai que Jérémie, dont la mission prophétique fut inaugurée durant la treizième année du règne de Josias, cf. Jer., I, 2, c’est-à-dire en 627, aurait été âgé d’environ 90 ans lors de la mise en liberté de Jéchonias. Mais il putfort bien composer le troisième et le quatrième livres des Rois aussitôt après que ce prince eut été emmené en captivité ; dans ce cas, il n’aurait eu qu’à ajouter ensuite la conclusion commune à sa prophétie et à IV Reg. Ce fait expliquerait pourquoi, en divers passages, cf. III Reg., vin, 8 ; IX, 22 ; xii, 19 ; IVReg., viii, 22, l’écrivain sacré parle comme si l’état de choses qui existait avant la ruine du royaume de Juda demeurait encore en vigueur.

— Ajoutons d’ailleurs qu’il ne s’agit, dans cette thèse, que d’une possibilité et d’une vraisemblance, nullement d’une certitude.

V. DOCUMENTS QUI ONT SERVI À COMPOSER LES DEUX

derniers livres des rois. — 1° Les trois sources principales. — - L’auteur a eu à sa disposition plusieurs documents, qu’il mentionne très souvent lui-même, et auxquels il renvoie ceux des lecteurs qui désireraient avoir des renseignements plus complets que les siens. Pour le règne de Salomon, il cite « le livre des actes » de ce prince (Vulgate, liberverborùm dierum Salomonis). III Reg., xi, 41. Pour l’histoire synchronique des rois de Juda et d’Israël, il cite assez régulièrement deux autres sources, à la fin de chaque règne : d’un côté la « chronique des rois de Juda » (Vulgate, liber sermonum dierum Juda) ; de l’autre, la « chronique des rois d’Israël » (Vulgate, liber verborum dierum regum Israël). Celle-là est citée quinze fois : III Reg., xiv, 29, pour Roboam ; xv, 7, pour Abias ; xv, 23, pour Asa ; xxii, 45, pour.Tosaphat, IV Reg., viii, 23, pour Joram ; xii, 19, pour Joas ; xiv, 18, pour Amasias ; xv, 6, pour Azarias ; xv, 36, pour Joatham ; xvi, 19, pour Achaz ; xx, 20, pour Ézéchias ; xxi, 17, pour Manassé ; xxi, 25, pour Amon ; xxiii, 28, pour Josias ; xxiv, 5, pour Joakim. Elle est omise pour Ochozias, Athalie et les deux derniers rois de Juda, Jéchonias et Sédécias. Là « chronique des rois d’Israël a est mentionnée dix-sept fois : III Reg., xiv, 19, pour Jéroboam I er ; xv, 31, pourNadab ; xvi, 5, pour Baasa ; xvi, 14, pour Éla ; xvi, 20, pour Zamhri ; xvi, 27, pour Amri ; xxii, 39, pour Achab ; IV Reg., i, 18, pour Ochozias ; x, 34, pour Jéhu ; xiji, 8, pour Joachaz ; xiii, 12, pour Joas ; xiv, 38, pour Jéroboam II ; xv, 11, pour Zacharie ; xv, 15, pour Sellum ; xv, 21, pour Manahen ; xv, 26, pour Phacéia ; xv, 31, pour Phacée. Elle n’est omise que pour Joram et Osée, le dernier roi. Ces rares omissions n’ont sans doute pas d’autres causes, de part et d’autre, que la difficulté d’insérer la formule habituelle, vu l’arrangement des matériaux. — Au passage III Reg., viii, 53, les Septante font suivre la prière prononcée par Salomon après la dédicace du temple, de cette note qui manque dans l’hébreu : « Est-ce qu’elle (atftri, la prière) n’est pas écrite dans le Vivre i^ç ùS-fc’? » Le traducteur a lu sans doute hassîr,

<i du cantique », tandis que son texte portait vraisemblablement hay-yâSdr, « du juste » ; par conséquent, dans le livre du Juste. Cf. Jos., x, 13 ; Juste (Livre Du) r t. iii, col. 1873-1875. — Ce renvoi perpétuel à ses sources montre que l’auteur les a utilisées fidèlement et consciencieusement, qu’il désirait un contrôle, bien loin de le redouter.

2° Nature de ces documents. — En comparant les-deux derniers livres des Rois avec le second des Paralipomènes, nous pouvons nous former une idée assez exacte des sources qui ont servi de base aux Melâkim. Pour d’assez nombreux passages il existe, entre le& deux écrits, une ressemblance frappante, qui va parfois jusqu’à la coïncidence verbale. Nous nous bornerons à signaler ici les principaux :

Cf. III Reg., iii, 5-15, et II Par ; , i, 7-13.

(v 2-ix, 27) (h, 1-vni, 2).

x, 1-29 ix, 1-28.

xi, 41-43 29-31.

au, 1-19 s, 1-19.

21-24 xi, 1-4.

xiv, 25-31 xii, 9-16.

xv, 16-22 xvi, 1-6.

xxii, 2-35 xviii, 1-34.

41-50 xx, 31-37.

IV Reg., viii, 17-23 xxi, 5-10.

25-29 xxii, 1-6.

xi, 1-xii, 14 xxii, 10-xxiv, 14.

xiv, 12-14 xxv, 1-5, 17-24.

17-22 xxv, 25-xxvi, 2.

Xv, 32-38 xxvii, 1-9.

xvi, 1-4 xxviii, 1-4.

XXi, 1-9 xxxiii, 1-9.

17-24 18-25.

xxii, 1-xxiii, 4 xxxiv, 1-33.

De cette ressemblance, on conclut communément et à bon droit que les deux écrivains sacrés ont puisé â des sources identiques, Or, l’auteur des Paralipomènesest un peu plus explicite que celui des Melâkim sur la nature de ses propres documents, et, grâce à lui, il nous est possible de nous faire une idée assez précise des matériaux qui ont également servi à composer le troisième et le quatrième livres des Rois. D’après-II Par, , ix, 29, le récit des événements du règne de Salomon a été emprunté aux « paroles du prophète Nathan », au « livre d’Ahia le Silonite » et à la « vision du Voyant Addq ». D’un autre côté, les passages II Par., xii, 15 ; xiii, 22 ; xx, 34 ; xxvi, 22 ; xxxii, 32 ; xxxm, 18-19, nous avertissent que les annales des roisde Juda furent rédigées d’après les « livres du prophète Séméias et du Voyant Addo », les « paroles de Jéhu fils d’Hanaël », la « vision d’Isaïe fils d’Amos », . et lès « discours d’Hozaï ». L’auteur des Paralipomènes cite souvent aussi le « livre des rois de Juda et d’Israël », Lorsqu’il mentionne les écrits de Nathan, d’Ahias, d’Addo, etc., il lui arrive d’ajouter qu’ils sont contenus dans ce livre. Cf. II Par., xx, 30 ; xxxii, 32, etc. Il suit de là que les prophètes en question avaient écrit l’histoire de leur temps, que leurs compositions avaieut été reunies, avant l’exil, dans un grand ouvrage, que l’on désignait tantôt par le titre de Livre des rois de Juda ou d’Israël, tantôt sous le nom. du prophète qui en avait écrit telle partie déterminée. On explique par là pourquoi les faits relatifs à Salomonsont donnés, III Reg., xi, 41, comme extraits des « fastes » de ce prince, tandis que, II Par., ix, 29, il est dit qu’ils sont tirés des « Paroles des prophètes ». Il est probable, d’après le langage de l’auteur des deux derniers livres des Rois, que les annales des royaumes d’Israël et de Juda ne formaient pas un seul et même ouvrage, mais deux œuvres distinctes. En plusieursendroits de nos deux écrits, par exemple III Reg., iv, .

3 ; viii, 16 ; xx, 24 ; IV Reg., xviii, 18, 37 et II Par., xxxiv, 8, il est dit que David, Salomon et Ézéchias avaient parmi leurs ministres principaux un mazkîr, à la lettre, « celui qui aide la mémoire » (Septante, ô j7rou.iu.vr|(jxwv, <> J7co ! rvï]u.aTo"fp*ïoç, etc., Vulgate, a commentariis), dont le rôle aurait consisté, croit-on, à noter officiellement les faits de chaque règne. Il est vraisemblable que les autres rois de Juda et ceux d’Israël avaient un fonctionnaire analogue. Quelques interprètes n’ont pas manqué de supposer que les deux derniers livres des Rois et le second des Paralipomènes ont eu ce genre de documents pour base ; mais nous venons de voir que leur opinion est réfutée par l’auteur lui-même des Paralipomènes. Cet auteur et celui des Meldkîm n’ont pas eu pour documents principaux les annales assez problématiques du mazkir officiel de chaque règne, mais les écrits historiques des prophètes. Voir Benzinger, Die Bûcher der Kônige, p. xii-xm. Il suit encore de là que quelques néo-critiques se lancent dans une discussion assez oiseuse — les uns répondant affirmativement, les autres négativement — lorsqu’ils se demandent si l’auteur de III et IV Reg., a puisé d’une manière immédiate aux sources auxquelles il renvoie, ou s’il n’a eu à sa disposition qu’un ouvrage historique fondé sur elles. L’auteur a eu directement entre les mains les documents cités par lui.

3° Leur valeur. — Ces divers documents étaient tous contemporains des faits racontés, ce qui leur donne une grande autorité. À un autre point de vue encore, ils présentent la plus haute garantie de fidélité historique, puisqu’ils furent composés par des personnages saints et sacrés. Les rationalistes eux-mêmes sont obligés de reconnaître à ces sources une véritable valeur et une antiquité réelle, du moins en bien des cas. Voir Kautzsch, Abriss des alttestum. Schrifttums, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1897, p. 63.

4° Emploi qu’en a fait le narrateur. — Souvent, il a dû insérer textuellement dans son récit les passages qui lui convenaient. On le voit en comparant IV Reg., xviil, 13-xx, 19, et Is., xxxvi-xxxix, passages identiques dans lesquels une source commune a été utilisée d’une façon littérale. Ce fait explique aussi quelques réflexions qui semblent, à première vue, un anachronisme de la part d’un écrivain qui raconte la ruine de Jérusalem et du temple. Cf. III Reg., viii, 8 ; ix, 21 ; su, 19 ; IV Reg., xiv, 7. D’autres fois, l’auteur abrège ou complète d’après d’autres documents. Cf. III Reg., xv, 1-8 et II Par., xiii, 1-23, etc. Mais l’ensemble dénote partout un travail très réel de composition, accompli par un seul et même écrivain, qui avait son plan tracé d’avance, et qui a tiré de ses. sources le meilleur profit, tout en demeurant personnel et indépendant.

VI. LES NÉO-CRITIQUES ET LES DEUX DERNIERS LIVRES

des kois. — 1° Exposé de leurs théories. — a) À rencontre de ce qui vient d’être dit, les critiques rationalistes se refusent à voir dans ces deux livres un travail unique, provenant d’un seul et même historien ; ils les regardent comme une œuvre de compilation, préparée peu à peu par une série plus ou moins considérable de rédacteurs. Nous avons déjà exposé plus haut le principe qui, d’après leur assertion toute gratuite, sert de base à leur opinion, pour cet écrit comme pour ceux des Juges et de Samuel. Ils le répètent ici avec plus de force que jamais, et prétendent découvrir à tout instant dans les Melâkim les « influences deutéronomiques « qui démontreraient, suivant eux, l’existence de rédactions multiples et de remaniements réitérés. Voir Driver, Introduction, p. 189 ; Kautzsch, Abriss, p. 61-66 ; Benzinger, Die Bûcher der Kônige, p. xm ; Kittel, Die Bûcher der Kônige, p. vii, etc. Comme pour les deux premiers livres, leur langage est aussi injuste que sévère : « Un examen superficiel des livres des Rois (III et


IV Reg.) suffit pour démontrer clairement le fait qu’ils’sont une compilation, et non pas une composition originale. » The Jewish Encyclopedia, t. vii, New-York, 1904, p. 506. « Nous ne pouvons pas parler de l’auteur des (livres des) Rois, … mais seulement d’un ou de plusieurs éditeurs successifs, dont le travail principal a consisté à arranger sous une forme continue des extraits de livres plus anciens. » W. R. Smith, dans

V Encyclopmdia Britannica, 9e édit., t. xiv, Edimbourg, 1882, p. 83. Le même auteur, ibid., p. 86, parle du « caractère purement mécanique de la rédaction par laquelle ont été groupés des documents de différentes sortes ; » il affirme que « les historiens du (royaume du) nord et du (royaume du) sud ont été simplement rattachés les uns aux autres dans une sorte de mosaïque. »

b) Prenant l’existence de ces prétendues « influences deutéronomiques » pour point de départ de leurs investigations, les néo-critiques signalent à chaque page de l’écrit les divers rédacteurs ou compilateurs qui ont successivement concouru à produire nos deux livres sous leur forme actuelle, et ils assignent à chacun d’eux sa part déterminée, ne se composât-elle que de quelques mots épars çà et là. C’est ce que font en particulier, à la suite du D 1 Wellhausen, MM. Kuenen, Cornill, Kautzsch, Winckler, Benzinger, Kittel, Stade et Schwally, dans les ouvrages désignés ci après (col. 1162). Rien de plus significatif, sous ce rapport, que la manière dont M. Kittel d’une part, MM. Stade et Schwally de l’autre, ont essayé de placer directement sous les yeux de leurs lecteurs, celui-là au moyen de types différents, ceux-ci par l’emploi des couleurs (dans la Bible hébraïque dite « polychrome » ) le résultat de leurs découvertes. M. Kittel admet neuf couches distinctes de documents, amalgamés par le compilateur. MM. Stade et Schwally ont recours à dix couleurs variées, pour marquer autant d’espèces de documents, de remaniements, d’insertions, etc. Le blanc représente la base originale de l’écrit, savoir, « l’épitomé prophétique des rois d’Israël et de Juda, composé aux derniers jours du royaume de Juda, sous Joachin ou Sédécias, par un pieux auteur qui était imbu de l’esprit du Deutéronome » (par exemple, III Reg., viii, 11-13 ; ix, 12-13,

  • 20, 26-27 ; x, 28-29 ; xv, 2-3, etc.). Le rouge foncé

marque « des extraits de documents historiques plus anciens » (entre autres, III Reg., i, 1-53, à part le verset 37 ; ii, 13-25, 28-33, etc.) ; le rouge clair, « des extraits de sources plus récentes » (par exemple, III Reg., iii, 16-28 ; v, 15-16, 20-27, etc.). Le vert tendre désigne, d’une part, « toutes les portions d’un caractère deutéronomique » qui n’appartiennent point à l’abréviateurlui-même ; d’autre part, « la continuation de l’épitomé par un deutéronomiste postérieur à l’exil, » et aussi « des additions subséquentes, ayant pour but d’établir une connexion entre les légendes des prophètes et les parties deutéronomiques du livre » (III Reg., viii, 14-25, 26-32, 35-66 ; xi, 2-3, 29-31, 33-38 etc.). À l’orange clair correspondent « des additions non deutéronomiques d’origine inconnue » (III Reg., x, 1-11, 13-27 ; xvi, 12 ; xviii, 32-33 ; xxi, 21-23, etc.) ; à l’orange foncé, « les additions qui semblent avoir été empruntées â d’autres ouvrages historiques, et qui, tout d’abord, étaient peut-être placées en marge » (par exemple, III Reg., xiv, 1-19 ; v, 7-8, 29-30 ; vil, 41-44, etc.) ; au violet foncé, « les textes qui ont pour but d’établir l’harmonie entre divers passages du livre » (III Reg., ix, 18-23, 25 ; x, 12, 27 ; xi, 32, etc.) ; au bleu clair, « des extraits des légendes des prophètes » qui, sous leur forme présente, sont toutes postérieures à l’exil, bien que le fond de ce qui concerne Élie et Elisée remonte peut-être à une époque antérieure à la captivité. III Reg., xii, 21-24 ; xin, 1-33, etc. Le bleu foncé et le violet clair servent à marquer, dans ce qu’on nomme les légendes d’Isaïe,

V. - 37 « des insertions provenant de narrations parallèles » (par exemple, IV Reg., xix. 10-20, 32, 34 ; xx, 1-6, 1219, etc.). On admirerait une telle perspicacité, si elle n’inspirait dès l’abord une vive défiance. Qui ne voit, en effet, combien elle fait redouter l’arbitraire, surtout lorsqu’on la sait animée d’un esprit préconçu ?

c) Dans les deux derniers livres des Rois, comme dans les deux premiers, M. Cornill reconnaît la main du jéhoviste et celle de l’élohiste, actives en divers sens. C’est le jéhoviste qui raconte la fin du règne de David. III Reg., i-ii. D’ailleurs, les néo-critiques sont à peu près d’accord pour rattacher ces deux chapitres au second livre de Samuel, dont, suivant eux, ils auraient fait primitivement partie. Dans III Reg., m-xi, passage où est exposée la vie de Salomon, M. Cornill aperçoit trois couches distinctes : 1° une série de récits ou de notes qui ont pour but manifeste d’exalter le roi, entre autres, iv, 2-19 ; v, 7-8, 16, 20, 21-25, 27-28, 31-32 ; vi, 37-38, etc. ; 2° des enjolivements encore plus légendaires, pour mettre en relief sa sagesse et ses richesses, par exemple, v, 2, 3, 6, 9-15, etc. ; 3° « une couche deutéronomique, qui tantôt demeure indépendante, tantôt se borne à remanier, » par exemple, iii, 1-15 ; v, 17-19 ; viii, 15-53, etc. Dans la suite du récit, à partir de III Reg., xii, M. Cornill consent à trouver une œuvre généralement pleine d’unité, « de telle sorte que, pour le livre des Rois plus que pour aucun autre livre historique (de la Bible), il est permis de parler d’un auteur. » L’élohiste a eu sa grande part dans la composition des chap. xii, xiv, xv et xvi ; mais le jéhoviste a fourni les passages xiv, 25-28 ; xv, 16-20 ; xvi, 34. Le chap. xill est une légende de prophètes « . d’un genre tout à fait grotesque ; » c’est un produit très récent. La partie fondamentale du livre des Meldkim se trouve dans le groupe III Reg., xvii-IV Reg., x. « Elle contient les morceaux les meilleurs et les plus satisfaisants des récits historiques de l’Ancien Testament ; » mais îanl evi séparer 1 Heg., i, 2 b -12, où nous n’avons qu’une légende sans portée. M. Comili est en outre partisan, comme la plupart des néo-critiques contemporains, de deux rédactions « deutéronomiques », dont l’une date environ de l’an 600 avant J.-C, tandis que l’autre est un peu plus récente (la moitié ou la fin de l’exil) ; mais il croit que, jusqu’au m » siècle avant notre" ère, on a opéré des remaniements dans les deux livres. Bien entendu, nos critiques savent distinguer ce qui appartient à chacun des deux rédacteurs, et ce qui est simple remaniement ; ainsi, « il faut attribuer le synchronisme (des rois) au second rédacteur ; les dates des règnes ont été insérées par le premier. » Benzinger, Die Bûcher der Kônige, p. xvin.

2° Fausseté de ces théories. — a) L’auteur des deux derniers livres des Rois affirme lui-même, nous l’avons vu, qu’il s’est servi de plusieurs documents contemporains des événements qu’il raconte, et il est certain qu’il a dû leur faire en certains endroits des emprunts considérables. Mais, entre son mode de composition et celui que lui attribuent les critiques rationalistes, il y a une énorme différence. Ce n’est point « d’une manière mécanique », et pour ainsi dire fortuite, qu’il a groupé ses matériaux ; il les coordonne et les dispose toujours d’une façon suivie, régulière, conforme au plan qu’il s’était tracé d’avance. Il a ainsi produit, non pas une « mosaïque », mais une œuvre qui ne manque pas d’unité. Cette unité se manifeste soit par la marche du récit, toujours uniforme et semblable à elle-même, et, en particulier, par le cadre extérieur dans lequel ont été insérés les faits de chaque règne ; soit par le but et le point de vue spécial de l’auteur, qui sont identiques depuis le commencement jusqu’à la fin ; soit par le style, car les locutions propres à l’historien sacré reviennent aussi partout. — 6) Ce que nous avons dit plus haut de l’arbitraire, des preuves purement sub jectives, des contradictions perpétuelles des néo-critiques à propos des livrés de Samuel, on peut le dire également de leurs théories relatives aux Meldkim. Leur genre de critique littéraire est aisé, et qui ne se chargerait de l’appliquer avec aussi peu de sérieux et de solidité, aux œuvres de Racine et de Bossuet, ou même à des ouvrages beaucoup plus récents ?

3° Réfutation de quelques objections particulières.

— a) Évidemment, le rationalisme contemporain ne pouvait manquer de signaler, à l’appui de ses négations, la part très notable qui a été faite à l’élément surnaturel dans nos deux livres, surtout dans l’histoire d’Élie et d’Elisée. « Un trait caractéristique des livres des Rois, ce sont les histoires des prophètes, les nombreuses légendes relatives aux représentants de la théocratie, dont la plupart ont été mêlés aux événements… Il n’y a presque pas de chapitre où ils n’occupent le premier rang. Quand l’occasion se présente de le3 introduire, de les faire parler et agir, la narration s’arrête aux détails, devient pittoresque, anecdotique, prolixe même, de sommaire et décolorée qu’elle est ailleurs. » Encyclopédie des sciences religieuses de Lichtenberger, t. XI, p. 258-259. — Nous n’avons pas à redire ici que la présence de l’élément surnaturel, des miracles, des prophéties, ne démontre absolument rien au sujet de l’époque où a été composé tel ou tel récit, et il a été remarqué plus haut qu’il entrait précisément dans le plan de l’auteur d’insister sur tout ce qui, dans l’histoire des rois d’Israël, offrait un caractère théocratiqu plus palpable.

6) On prétend que l’intérêt pour la loi de Moïse, si vivant dans les deux derniers livres des Rois, « n’existait pas dans l’ancien Israël, » et qu’il est « tout à fait étranger aux mémoires plus anciens qui ont été incorporés dans ces livres, » de sorte que, partout où il fait son apparition, on peut être sûr qu’il s’est glissé tardivement une main « deutéronomique ». — Mais c’est là une assertion toute gratuite, dont il est impossible de démontrer la vérité, car elle repose sur une base entièrement fausse, la fabrication du Deutéronomeâ l’époque du roi Josias. Quant à l’intérêt, d’ailleurs très réel, que l’auteur des Meldkim manifeste pour la loi mosaïque, nous avons montré qu’il fait également partie de son but et de son plan.

c) Comme pour les livres de Samuel, on objecte contre l’unité de rédaction, mais plus timidement, les « doublets » ou répétitions, et même les contradictions proprement dites qu’on rencontrerait parfois dans l’histoire des rois de Juda et d’Israël. — Il existe, en effet, quelques répétitions. Cf. IV Reg., viii, 28, et ix, 14, 16 ; xill, 12-13, et xiv, 15-16. Elles s’expliquent par les habitudes et par la manière de parler des Orienr taux ; elles ne nuisent pas à l’unité de composition, et ne supposent point des rédacteurs venus l’un après l’autre. Comme exemples Je contradictions, on allègue, d’une part, III Reg., IX, 22, et xi, 28 ; de l’autre, III Reg., xxi, 19, et xxii, 38. Dans les deux premiers passages, après avoir dit que Salomon « ne voulait pas qu’un des fils d’Israël fût esclave, » l’écrivain sacré parle d’un chef chargé de diriger « les travaux des esclaves. « Mais, si l’on se reporte à l’hébreu, on voit que par « travaux des esclaves » il faut simplement entendre des corvées pénibles, et point une servitude proprement dite. En comparant les deux autres textes, on constate que c’est à Samarie que les chiens léchèrent le sang d’Achab, et non dans la vigne de Naboth, comme Élie l’avait prédit. Toutefois, le récit ajoute en termes formels, III Reg., xxi, 27-29, que le Seigneur consentit à adoucir la sentence d’Achab, à cause de son repentir, et que la menace divine fut exécutée à la lettre dans la personne de Joram, fils d’Achab, conformément à la modification qu’elle avait subie. Cf. JV Reg., ix, 24-26. — Pour ces difficultés de divers genres, voir F.Keil, £e/ir1157

ROIS (IIP ET IVe LIVRES DES)

1158

buch der Einleitung in die kanon. und apokryph. Schriften des Alten Testant., 2e édit., Francfort-sur-le-Main, 1859, p. 183-187 ; P. Clair, Les livres des Rois, ia-8°, Paris, 1879, p. 126-187 ; R. Cornely, Introduetio specialis in historicos Véteris Testant, libros, in-8°, Paris, 1887, p. 288-293.

VU. LA VÉRACITÉ ET L’AUTORITÉ DIVINE DES DEUX

derniers livres des rois. — 1° Le caractère véridique et historique (te cet écrit a été attaqué sur divers points, nous l’avons vii, par les rationalistes contemporains. Ceux-ci sont néanmoins contraints de reconnaître, malgré leurs préjugés multiples, que, « dans leur ensemble, les récits sont assurément très dignes de foi. » Encyclopédie des sciences religieuses de Lichtenberger, t. xi, p. 258. Voir les aveux analogues du D r Cornill, col. 1155. Nous disons que la véracité de la narration est partout la même, et il est facile d’en donner des preuves intrinsèques et extrinsèques.

A) Preuves intrinsèques. Partout, dans nos deux livres, l’histoire est racontée de la manière la plus sérieuse, la plus objective. Nulle part on n’aperçoit les traces de la plus légère flatterie à l’égard des rois ou des autres grands personnages dont la vie est racontée : les bons rois reçoivent de légitimes éloges, mais leurs faiblesses et leurs fautes sont relevées, blâmées sévèrement ; quant aux mauvais princes, ils sont flétris avec une juste indignation. On n’aperçoit aucune de ces exagérations, de ces louanges dithyrambiques, dont les inscriptions égyptiennes et assyriennes fournissent tant d’exemples. En outre, tout, dans les narrations, est conforme à ce que nous connaissons par ailleurs de la vie orientale et des mœurs des potentats dans ces régions. C’est donc bien à tort que les néo-critiques supposent, en certains endroits, des « tendances » et de « l’idéalisation », c’est-à-dire des faussetés historiques. Par la manière dont l’auteur mentionne à tout instant ses sources, il prouve qu’il ne redoutait point le contrôle de l’histoire. Cf. F. Kaulen, Einleitung in die Bûcher A. und N. Teslam., 3e édit., p. 198-199.

B) Les preuves extrinsèques sont encore plus frappantes. Elles nous sont d’abord livrées — a) par la Bible elle-même, où d’autres récits, entièrement indépendants des deux derniers livres des Rois, permettent de faire le contrôle dont il vient d’être question. Il a été dit ci-dessus que le second livre des Paralipomènes couvre la même période que ceux des Melâkim ; or, celui qui l’a composé conserve son entière liberté, tout en utilisant les mêmes sources : les deux récits concordent admirablement. Les allusions historiques qui apparaissent fréquemment dans les livres prophétiques d’Osée, d’Amos, d’Isaïe, de Michée, de Jérémie, de Sophonie, etc., nous procurent un argument identique. « Depuis Ozias, il s’est à peine passé un fait dans Juda ou dans Israël, sans qu’un prophète ou l’autre y ait fait allusion ; et partout il règne un accord complet avec les données des livres des Rois. » Kaulen, loc.cit., p. 199. Voir aussi Eccli., xlvii, 14-xlix, 9. — 6) Les littératures étrangères et les monuments que nous ont légués les contrées bibliques nous documentent d’une façon remarquable sur le point traité. Nous avons 1° les fragments des anciens historiens, Bérose^ fcnéthon, Ménandre, etc. Josèphe, Contravpion., 1/13-34, et Ant. jud., VIII, v, 3, et xiii, 2, en appelait’déjà à leur témoignage pour défendre la véracité des livres historiques de son peuple. Cf. Eusèbe, Prsep. evang., x, 142, t. xxi, col. 680-1764 ; Rawlinson, Bampton Lectures, 2e édit., 1860, p. 89-92. Nous possédons aussi les inscriptions égyptiennes, spécialement celles de Schéschonq I er, le Sésac de la Bible, III Reg., xi, 40, etxiv, 25, gravées sur les murs du temple de Karnak, qui confirme ce que raconte le IIIe livre des Rois de la campagne de ce prince en Palestine. "Voir Sésac. Cf. Blau, Sisaqs Zug gegen Juda, dans la Zeitschrift derdeutschen

morgenlândischen Gesellschaft, 1861, p. 293-250 ; The expédition of Pharao Shishak against Palestine, dans les Actes du viip congrès international des Orientalistes, IV « partie, in-8°, Leyde, 1892, p. 193-199 ; F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., Paris, 1896, t. iii, p. 407-427. - c) La célèbre inscription de Mésa, roi de Moab, complète ce que nous dit la Bible au sujet de ce monarque. Cf. IV Reg., iii, 4-27 ; C. D. Ginsburg, The Moabite stone, in-4°, Londres, 1871 ; V. Testa, L’iscrizione di Mesa illustratae commentata, in-8°, Turin, 1875 ; H. Winckler, Keilinschriftliches Textbuch zum Alt. Testant., in-8°, 1892, p. 100-105 ; F. Vigouroux, loc. cit., p. 464-474. — d)Ce sont les monuments assyriens et les inscriptions cunéiformes qui fournissent les renseignements les plus complets et les plus intéressants. « Après avoir été ensevelis, pendant de longs siècles, sous les ruines et les décombres amoncelés sur les bords du Tigre, ces pages monumentales, gravées sur la pierre ou écrites sur l’argile, ont enfin reparu à la lumière du jour…, et les savants contemporains y ont lii, avec un étonnement mêlé d’admiration, non seulement les noms des fiers monarques de-Ninive, mais aussi des noms qu’on ne s’attendait point à trouver en dehors de la Sainte Écriture, ceux de six rois d’Israël : Amri, Achab, Jéhu, Manahem, Phacée, Osée, et de quatre rois de Juda : Azarias ou Ozias, Achaz, Ézéchias et Manassé, sans parler des noms géographiques. C’est ainsi que les ennemis mêmes du peuple de Dieu sont venus confirmer l’authenticité et la véracité des annales sacrées. » F, Vigouroux, loc. cit., p. 430. Voir sur ce sujet

E. Schrader, Die Keilinschviften und das Alte Testament, in-8°, Giessen, 1872, p. 87-233 ; 3° édit. en 1905 ;

F. Kaulen, Assyrien und Babylonien nach den neuesten Enldeckungen, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 3e édit., 1885, p. 203-225 ; Sayce, Alte Denkmâler im Lichte neuer Forschungen, Leipzig, 1886 ; et surtout F. Vigouroux, op. cit., t. iii, 253-642, t. iv, p. 1-154.

2. L’autorité divine de III et IV Reg. — Ces deux livres, qui ont toujours fait partie du canon biblique chez les Juifs et chez les chrétiens, sont par là-même inspirés et divins. Jésus-Christ et ses Apôtres leur ont emprunté des citations et allusions relativement nombreuses, montrant ainsi la haute estime qu’ils avaient pour eux, et l’autorité supérieure qu’ils leur reconnaissaient. Notre-Seigneur mentionne la richesse des vêtements de Salomon, Matth., vi, 29, cf. III Reg., x, 25 ; la visite de la reine de Saba, Matth., xii, 42, cf. III Reg., x, 1-10 ; la sécheresse au temps d’Élie, la manière dont le prophète secourut la veuve de Sarepla et la guérison du Syrien Naaman par Elisée, Luc., iv, 25-27, cf. III Reg., xvii, 1-16, et IV Reg., v, 1-19. Saint Etienne rappelle dans son discours, Act., vii, 46-48, le désir exprimé par David de construire un temple à Jéhovah et la réalisation de ce souhait par Salomon. Cf. III Reg., vi, 1-38. Dans l’Épitre aux Romains, xi, 24, saint Paul cite III Reg., xix, 10, comme parole de l’Écriture ; dans l’Épitre aux Hébreux, xi, 35, il fait allusion aux résurrections opérées par Élie et Elisée. Cf. III Reg., xvii, 17-24 ; IV Reg., iv, 18-38. Saint Jacques, v, 17-18, signale l’exemple d’Élie comme une preuve de l’efficacité de la prière. Cf. III Reg., xvii, 1. L’Apocalypse, ii, 10, nomme deux fois l’infâme Jézabel.

VIII. CHRONOLOGIE DES DEUX DERNIERS LIVRES DES

rois. — 1° Fréquente mention des dates. — Ainsi qu’il a été dit plus haut, l’auteur note très soigneusement les données chronologiques. Il fait passer sous nos yeux non seulement la durée dés divers règnes, mais aussi le synchronisme des rois d’Israël et de Juda, et les dates des principaux événements. Cf. III Reg., n, 11 ; vt, i, 37, 38 ; vii, 1 ; viii, 2, 65 ; IX, 10 ; xi, 42 ; xiv, 20, 25 ; xv, 1, 9, 25, 33 ; xvi, 8, 10, 15, 23, 29 ; 1159

ROIS. (IIP. ET IV » LIVRES DES)

1160

xviii, 1 ; xxii, 1, 41, 52 ; IV Reg., i, 17 ; iii, 1 ; viii, 16, 25 ; ix, 29 ; x, 36 ; xi, 3-4 ; xii, 1, 6 ; xiii, 1, 10 ; xiv, 1-2, 17, 23 ; xv, 1, 8, 13, 17, 23, 27, 30, 32 ; xvi, 1 ; xvii, 1, 5 ; xviii, 1, 9, 13 ; xxi, 1, 19 ; xxii, 1, 3 ; xxiii, 23, 31, 36 ; xxiv, 1, 8, .12, 18 ; xxv, 1, 3, 8, 25, 27,

2° Difficultés provenant de cette chronologie. — Saint Jérôme les signalait déjà : Relege omnes et Veteris et Novi Testamenti libros, et tantam annorum reperies dissonantiam, et numerum inter Judam et Israël, id est, inter regnum utrumque, confusum. Epist. lii, 5, t. xxii, col. 675-676. Non seulement les chiffres bibliques ne sont pas d’accord les uns avec les autres ; mais la chronologie assyrienne, dont on a découvert la clef, accroît encore l’embarras des commentateurs, car elle ne cadre pas non plus avec les dates de détail indiquées par les livres des Rois. De nos jours on a beaucoup écrit sur cette question, sans pouvoir la résoudre d’une manière entièrement satisfaisante. Voir, en sens divers, J. Wellhausen, Die Zeitreehnung des Bûches der Kônige seitder Teilung des Beiches, dans les Jahrbùchér fur deutsche Théologie, 1875, p. 617-640 ; Krey, Zur Zeitreehnung der Bûcher der Kônige, dans la Zeitschrift fur wissenschaftliche Théologie, 1877, p. 404-408 ; W. R. Smith, The Chronology of the Books of Kings, dans le Journal of Phïlology, 1882, p. 209-220 ; id., The Proyhels . of Israël, nouvelle édition, in-12, 1895, p. 145-151, 403-406, 415-421 ; A. Kamphausen, Die Chronologie der hebraischen Kônige, in-8°, Bonn, 1883 ; Rûhl, Die Chronologie der Kônige von Israël undJuda, dans la Deutsche Zeitschrift fur Geschichtswissenschaft, 1895, p. 44-76, 171 ; F. Vigouroux, Manuel biblique, 12e éd., t. ii, p. 95-97 ; id., Les Livres Saints et la critiqué rationaliste, , 5e édit, t. iv, p. 499-507. Voir aussi Chronolooie bïbuqYjE, t. il. co. 130-131, où Von mentionne les principales difficultés et leur solution possible. Rien n’autorise à prétendre que les inexactitudes de chiffres qui se rencontrent dans nos deux livres soient le fait de l’auteur ; elles sont toutes attribuables aux copistes, qui se trompent facilement en transcrivant des nombres. Nous en avons un exemple frappant à propos du roi Ochozias de Juda, qui, lorsqu’il monta sur le trône, avait 42 ans d’après II Par., xxii, 2, seulement 22 d’après IV Reg., viii, 26. Il est évident qu’il y a une erreur d’un côté ou de l’autre. Mais, ni cette faute, ni les autres du même genre ne sauraient nuire à l’autorité d’un livre sérieux : les conclusions qu’en ont tirées les critiques rationalistes demeurent donc sans valeur.

ix. le style. — 1° Il est moins pur que celui des livres de Samuel et il présente d’assez nombreux exemples de néologismes et d’aramaïsmes. Néanmoins, des parties considérables des Melâkîm sont écrites en excellent hébreu des meilleurs jours. Le genre de diction est le même partout et manifeste l’unité d’auteur. Certaines particularités dialectales s’expliquent par les sources spéciales qui servirent à composer les passages où elles sont employées. Il suffira d’en citer quelques-uns : , 1a forme féminine en > : >ra pour nx, « toi », IV Reg., iy, 16, 23 ; viii, 1, etc. ; >3b pour iii,

: t t

n à toi », IV Reg., iv, 2 ; ’ôtô pour’iffô, « avec lui », IV Reg., 1, 15 ; iii, 11, 12, etc. ; ’ôfâm pour’itfâm, « avec eux », IV Reg., vi, 16 ; nîr pour nêr, « lampe », III Reg., xi, 36, etc. Voir F. Keil, Lehrbuch der …Einleitung, 2 « édii., p. 183-1M. Pour les nomsd’Élie et d’Ochozias de Juda, l’écrivain sacré emploie tantôt la forme complète, ’Eliydhû, ’A-hazydhû, tantôt la forme abrégée, ’Eliyâti, ’Ahazyâh ; elles alternent parfois à quelques lignes seulement d’intervalle. Pour Elie, cf. III Reg., xvii* 1, 3 ; xviii, 1, 2, etc. ; IV Reg., i, 3, 4, 10, 12, etc. ; pour Ochozias, III Reg., xxii, 40, 50, 52 ; IV Reg., i, 18 ; x, 24, etc.

2° On a noté aussi un certain nombre d’expressions que l’auteur des deux derniers livres des Rois emploie volontiers, quoique la plupart d’entre elles ne lui soient pas exclusivement propres ; celles-ci en particulier : Marcher dans la voie du Seigneur, III Reg., ii, 3 ; iii, 14 ; viii, 5 ; xi, 23, 28 ; garder ses lois, ses ordonnances, ses jugements, ses préceptes, III Reg., h, 3 ; iii, 14 ; vi, 12 ; viii, 58 ; ix, 4, 5 ; IV Reg., xvii, 13, 19 ; xxiii, 3, etc. ; « témoignages », dans le sens de commandements divins, III Reg., ii, 3 ; IV Reg., xvii, 45 ; xxiii, 3, etc. ; afin que tu réussisses, III Reg., ii, 3, etc. ; accomplir la parole, III Reg., ii, 4 ; vi, 12 ; ylii, 21 ; xii, 15 ; marcher devant moi (avec vérité, etc.), III Reg., ii, 4 ; iii, 6 ; viii, 23, 25, etc. ; tu ne manqueras jamais de…, III Reg., ii, 4 ; viii, 25 ; ix, 5 ; de tout ton (son) cœur et de toute ton (son) âme, III Reg., ii, 4 ; viii, 48 ; IV Reg., xxiii, 3, 25 ; bâtir une maison au nom du Seigneur, III Reg., iii, 2 ; v, 3, 5 ; viii, 17, etc. ; comme c’est aujourd’hui, III Reg., iii, 6 ; viii, 24, 61 ; choisi parmi toutes les tribus d’Israël, III Reg., viii, 16 ; xi, 32 ; xiv, 21 ; IV Reg., xxi, 7 ; afin que mon cœur soit ici, III, Reg., viii, 16, 29 ; IV Reg., xxiii, 27 ; parfait, dans le sens de dévoué entièrement, III Reg., vm, 61 ; xi, 4 ; xv, 3, 14 ; IV Reg., xx, 3 ; exterminer du pays, III Reg., ix, 7 ; xiii, 34 ; xiv, 15 ; rejeter de devant la face, III Reg.. IX, 7 ; IV Reg., xiii, 23 ; xvii, 20, etc. ; les abominations (des faux dieux), III Rog., xi, 5, 7 ; IV Reg., xxiii, 13, 24 ; faire ce qui est mal aux yeux du Seigneur, III Reg., xi, 6, et plus de trente fois ailleurs ; à cause de David ton père (ou, mon serviteur), III Reg., XI, 12 ; xiii, 32, 34 ; xv, 4 ; IV Reg., vm, 19 ; xix, 34 ; xx, 6 ; Jérusalem que j’ai choisie,

III Reg., xi, 13, 32, 36 ; viii, 44, 48 ; xiv, 21 ; IV Reg., xxi, 7 ; xxiii, 27 ; provoquer la colère du Seigneur,

IV Reg., XIV, 9, 15, et très souvent ailleurs ; Voici, je vais faire venir le malheur, III Reg., xiv, 10 ; xxi, 21 ; IV Reg., xxi, 12 ; xxii, 16, etc. ; l’enchaîné et le libre, c’est-à-dire tout le mondé, III Reg., xiv, 10 ; xxi, 21 ; IV Reg., lx, 8 ; xiv, 26 ; (Jéroboam) qui a fait pécher Israël, III Reg., xiv, 16 ; xv, 26, et très souvent encore ; sur toute colline élevée et sous tout arbre vert, III Reg., xiv, 23 ; IV Reg, , xvi, 4 ; xvir, 10 ; les abominations des nations (païennes), III Reg., xiv, 24 ; IV Reg., xvi, 3 ; xxi, 2 ; les nations que le Seigneur avait chassées de devant Israël, III Reg., xiv, 2, i ; xxi, 26 ; IV Reg-, xvi, 13, etc. ; ne pas se détourner de…, III Reg., xv, 5 ; xxii, 43 ; IV Reg., iii, 3 ; x, 29, etc. ; se vendre (pouf faire le mal), III Reg., xxi, 20, 25 ; IV Reg., xvii, 7 ; le peuple offrait encore des sacrifices et des parfums sur les hauts lieux, III Reg., iii, 2, 3 ; xxii, 43 ; . IV Reg., xii, 4 ; xiv, 4 ; xv, 4, 35, etc. ; mes (ses) serviteurs les prophètes, IV Reg., ix, 7 ; xvii, 13, 23 ; xxi, 10 ; xxiv, 2 ; l’armée des cieux (les astres, objet d’un culte), IV Reg., xvii, 16 ; xxi, 3, 5 ; en ce temps-là, III Reg., xiv, 1 ; IV Reg., xvi, 6 ; xviii, 16 ; xx, 12 ; xxiv, 10 ; en ces jours, IV Reg., x, 32 ; xv, 37 ; xx, 1 ; la formule « attendu que », pour introduire des prophéties, III Reg., iii, 11 ; viii, 18 ; xi, 11 ; xiii, 24, etc. Voir Driver, Introduction, 5e édit., p. 178, 190-193 ; Hastings, Dictionary of the Bible, t. ii, p. 859-861.

X. LE TEXTE HÉBREU ET LES ANCIENNES VERSIONS — 1° Le texte. — Quoique loin d’être parfait sous sa forme présente, le texte hébreu des Melâkîm nous est parvenu en meilleur état que celui des livres de Samuel. On croit reconnaître qu’il a été corrigé en plusieurs endroits d’après la traduction des Septante. Entre autres traces manifestes de corruption, on cite : III Reg, , i, 10, au lieu-de (ibbâkd’, lire fitfdqdh, Septante des Hexaples, ^xïio-ev, Vulgate, insonuit ; III Reg., vii, 40, au lieu de hakkîrôt, lire hassîrôf, Septante, llërpo.ç, Vulgate, lebetes ; III Reg., viii, 57, au lieu de be’éres Se’ârdv, lire be’ahaf’arâv, Septante, iv uâ t£>v itôXeuv <x ! to0 ; III Reg., xi, 15, au lieu de biheyôt, lire behakkôp, H61 ROIS (IIP ET IVe LIVRES DES) — ROMAINS (ÉPÎTRE AUX)

116 !

Septante, èv t<3 £.^Xo6peû<7 « i ; III Reg., xi, 25, au lieu de’Ardm, lire’Èdôm ; III Reg., xiii, 11, au lieu de « son fils vint et lui raconta », lire, d’après les Septante et la Vulgate, « ses fils vinrent et racontèrent » ; III Reg., xix, 23, au lieu de vayyare’, lire vayyèrë, Septante, lyoêrfirij Vulgate, tim’uit ; IV Reg., v, 26, au lieu de hâlak, « il alla », il faut lire, ’immeka, « avec toi », d’après les Septante et la Vulgate, etc. Notons aussi quelques erreurs manifestes de chiffres : III Reg., v, 6, 40000 doit être corrigé en 4000, d’après II Par., ix, 25 ; IV Reg., xxv, 17, lire « cinq coudées », au lieu de « trois », d’après III Reg., vii, 15, et Jer., lii, 22, etc. Voir F. Bôttcher, Neue exegetisch-kritische Aehrenlese zum Alten Testament, ^’partie, Leipzig, 1864, p. 1-120 ; R. Kitlel, Biblia hebraicd, t. i, Leipzig, 1905, p. 458552.

2° Les versions anciennes. — a) Septante. — Pour les deux derniers livres des Rois, comme pour les deux premiers, la traduction des Septante se fait remarquer par des ^variantes nombreuses — additions, omissions, transpositions, autres modifications de divers genres — souvent considérables, d’autres fois plus légères. Elle représente certainement une recension de l’hébreu différente de celle qui a servi de base au texte massorétique. Exemples d’additions : la fontaine de Salomon dans le temple, III Reg., à la suite de ii, 35, ou de m ; 1 ; la chaussée du Liban, III Reg., III, 46 ; la mention du soleil dans la prière de Salomon, le jour de la dédicace du temple, III Reg., viii, 53 ; un long passage sur Jéroboam, inséré III Reg., xil, entre les versets 24 et 25. Voir aussi III Reg., xv, 8 ; xvi, 22 ; xvrn, 1, etc. Exemples d’omissions : le passage III Reg., vi, ll, 14, est omis intégralement ; de même III Reg., xv, 6 ; xvi, 8 et 15, etc. Les transpositions sont très nombreuses : III Reg., ii, 3646, passe après iii, 1 ; III Reg., iii, 1, et ix, 16-17, sont groupés ensemble et placés entre iv, 34, et v, 1 ; III Reg., vu, 1-12, vient après vii, 51 ; III Reg., viii, 12-13, après 53 ; ix, 15, 22, après, x, 22 ; les chap. xx et xxi sont transposés, etc. Malgré ses imperfections, la traduction des Septante, nous l’avons constaté plus haut, peut servir assez souvent à corriger le texte hébreu actuel ; mais il faut beaucoup de réserve et d’esprit critique pour faire ces corrections. Une autre particularité de la version des Septante consiste dans le nombre relativement extraordinaire des expressions hébraïques qui n’ont pas été traduites, mais simplement transcrites en grec. Entre autres, au IVe livre, à ?ç(i, ii, 4, et x, 10 ; vmxrjS, iii, 4 ; « pttie, iv, 39 ; êeêpaôa, v, 19 ; ÊXfiwvi, vi, 8 ; Havaâ, viii, 8 et 9 ; yxpzy., ix, 13, etc. On voit par là que le traducteur n’était pas à la hauteur de sa tâche, car plusieurs de ces expressions sont faciles à comprendre . Dans la recension de Lucien, au passage IV Reg., îv, 34, le verbe hébreu igehâr est d’abord traduit par <Tuvéxafj14ev, puis reproduit en hébreu, iyaiip, lequel mot a été ensuite corrompu en iy>.àS, etc. Le meilleur texte des Septante est celui du Cod. Vaticanus, comme pour les livres de Samuel. Voir Silberstein, Uber den Ursprung des im Cod. Alexandrinus und Vaticanus des dritten Kônigsbuches der Alexand. Ubersetzung, dans la Zeitschrift fur die alttestatnentl.Wissensckaft, 1893, p. 1-75 ; 1894, p. 1-30 ; pour la version jd’Aquila, F. C. Burkitt, Fragments of the Books of /the Kings according la the translation of Aquïla, in-8°, Camitridge, 1897. — 6) Versions latines. — La Vêtus llala présente beaucoup d’affinités avec la recension grecque de Lucien. La Vulgate, qui a été traduite fidèlement sur l’hébreu, montre que, depuis l’époque de saint Jérôme, le texte primitif n’a pas subi d’altérations bien sensibles. On voit, par certaines interprétations de détail, que, si les points-voyelles qu’on lit actuellement dans l’hébreu ne correspondent pas toujours à la leçon adoptée par les rabbins qui guidaient le saint docteur, les consonnes étaient à peu près les mêmes qu’aujour d’hui. — c) Autres versions orientales. — Le syriaque le chaldéen, l’arabe n’offrent pas une grande utilit pour l’interprétation des Melâkîm. Les modification qu’on y rencontre sonl dues généralement aux allure trop libres des traducteurs. Pour le syriaque, voi Berlinger, Die Peschitto zum ersten Bûche der Ko nige, in-8° Berlin, 1897.

XL Bibliographie. — 1° Pour la critique du text et l’origine du livre : *J. Wellhausen, Die Compositiot des Hexateuchs und der histor. Bûcher des À lien Test. in-8°, ï’édit., Berlin, 1889, p. 266-302 ; Id., Prolegomeni zur Geschichte Isræls, in-8°, 5° édit., Berlin, 1899 p. 275-298 ; * B. Stade, dans la Zeitschrift fur alttestam Wissenschaft, 1883, p. 129-177 ; 1885, p. 275-297 ; 1886 p. 156-189 ; *Preiss, W. Vatkes Ansichtûber die Bûcha Samuelis und der Kônige, dans la Zeitschrift fur missenschaftliche Théologie, 1885, p. 257-275 ; * A. Kuenen Historisch-critisch onderzoek naar het ontstaan en dt verzameling van de boéken des Ouden Verbonds, in-8° 2e édit., 1 « partie, Leyde, 1885, p. 392-443 ; *S. R.Driver An Introduction tù the Literature of the Old Test. in-8°, Edimbourg, 1891, 5= édit., 1894, p. 179-188

  • H. Winckler, Beilràge zur Quellenscheidung der Ko

nigsbùcher, dans les Alttestam. Untersuchungen, in-8° t. ï, Leipzig, 1893, p. 1-54 ; *R. JUttel, Geschichte de Hebrâer, in-8°, 1892, p. 45-57, 177-195 ; *E. Kônig, Ein leitung in dasA. Test., in-8°, Bonn, 1893, p. 263-269

  • C. H. Cornill, Einleitung in das Alte Teslam., in-8°

2e édit., Fribourg-en-Brigau, 1892, p. 121-131 ; C. Holzhey Das Buchder Kônige, Untersuchung seiner Bestandtheil und seiner litterar. und geschichtlichen Charakters in-8°, Munich, 1899 ; *B. Stade et F. Schwally, 27° Books of Kings, dans les Sacred Books of the OU Test., édités par *Haupt, in-4 « , 9e partie, Leipzig, 1904

— 2° Commentaires. — A) Catholiques : Théodore ! Qusest. in lib. Reg., t. lxxx, col. 527-798 ; Clair, Le livres êtes Rois, 2 in-8°, Paris, 1884. — B) Hétérodoxes O. Thenius, Die Bûcher der Kônige, in-8°, Leipzig 1849, 2e édit., 1873 ; F. Keil, Die Bûcher der Kônigt in-8°, Leipzig, 1865, 2e édit., 1876 ; W. F. Bâhr, Di Bûcher der Kônige, in-8°, Bielefeld, 1868 ; E. Reuss Histoire des Israélites, Paris, 1877, p. 137-148 ; A. Klos termann, DiâjBiic/ ! er Samuelis und der Kônige, in-8’Nordlingue, 1887, p. 262-498 ; J. R. Lumby, The fin Book of the Kings, in-12, Cambridge, 1886, et Th second Book of the Kings, in-12, Cambridge, 1888 J. Benzinger, Die Bâcher der Kônige erklârt, in-8 1 Tubingue, 1899 ; R. Kittel, Die Bâcher der Kônig âberselzt und erklârt, in-8°, Gœttingue, 1900.

L. Fillion.

ROMA (hébreu : Be’umâh, « corail » ; Septante’Peufia), femme de second rang de Nachor, frère d’A braham. Elle eut pour fils Tabée, Gaham, Tahase Maacha. Gen., xxii, 24.

    1. ROMAIN##

ROMAIN (grec : ’P<o|j.aïoç). 1° Le mot « Romains : dans l’Écriture désigne la puissance romaine. I Mach. vin, 1, etc. ; xii, 16 ; xiv, 24, 40 ; xv, 16 ; II Mach., rv 11 ; viii, 10, 36 ; xi, 34 ; Joa., xi, 4& ; Rom., xxv, 16 xxviii, 17. (La Vulgate a traduit par « Romains » Dan., xi, 30, le mot hébreu Kiftîm (Septante : Kt’ttoi) qui doit s’entendre des Gréco-Macédoniens.) — 2° « Romains », Act., ii, 10, désigne des Juifs qui habitent 1 ; ville de Rome. — 3° Dans îles Actes, xvi, 21, 37, 38 xxii, 25-29 ; xxiii, 27, « Romain » est dit de celui qui : le droit de cité romaine et peut prendre le titre Ai citoyen romain. Voir Citoyen romain, t.n, col. 789-791

    1. ROMAINS##

ROMAINS (ÉPITRE AUX). - I. Importance. -Par la nature du sujet qu’elle traite aussi bien qu «  par la profondeur et la sublimité de sa doctrine, cette Épitre a toujours été considérée comme l’écrit fondamental où se trouve le mieux résumé ce qu’on peutappe1163

    1. ROMAINS##

ROMAINS (ÉPiTRE AUX)

1164

1er « l'évangile de saint Paul ». C’est de beaucoup celui où sa pensée s’est exprimée avec le plus de suite et de régularité. Le ton calme, le mode d’exposition large et presque didactique, l’ordonnance des preuves lui donnent l’allure d’un traité de théologie. Pourtant ce n’est pas, comme les protestants d’autrefois affectaient de le croire, une sorte de catéchisme doctrinal, un manuel du christianisme : c’est une lettre. Si l’on n’y trouve pas, comme ailleurs, des épanchements affectueux, des confidences, des reproches, des détails personnels, des traces d’apologie, des nouvelles, cela tient à ce que saint Paul n'était pas entré, jusque-là, en rapport avec l'Église de Rome. Il y connaissait un certain nombre de fidèles, ceux qu’il salue à la fin de sa lettre, mais ceux-ci n'étaient qu’une' minorité et l’Apôtre ne pouvait écrire au reste de la communauté, sur le même ton qu’aux fidèles de Corinthe ou de Macédoine. Son message porte beaucoup moins l’empreinte des circonstances locales. Il se rapproche davantage d’une thèse dogmatique, c’est une sorte de spécimen doctrinal, destiné à édifier les chrétiens de Rome, à consolider leur foi, à les préparer à la visite de Paul. Rom., i, 11. L'épître, tout en paraissant plus détachée que les autres des particularités du style épistolaire, en garde pourtant les caractères généraux ainsi que le but pratique. Au point de vue du fond, elle a une ressemblance frappante avec l'Épltre aux Galates. Dans l’une comme dans l’autre de ces lettres, le thème est presque identique : le salut par la foi. Seulement elles diffèrent autant par le ton ou par le développement des preuves et par le point de vue où se place l’auteur. Dans l'Épltre aux Galates, l’Apôtre avait montré la relation de l'Évangile avec l'économie juive. Ici l’horizon s'élargit. Paul, embrassant tout le passé de l’humanité, avec ses deux grands courants, juif etpaïen, montre que l’histoire aboutit, dans les desseins de la Providence, au salut chétien. Il ne se renferme plus dans une comparaison entre l’alliance mosaïque et l’alliance nouvelle, cette période de la Loi n’est qu’un épisode dans le développement du programme providentiel. L’Apôtre remonte plus haut, jusqu’au chef de l’humanité déchue, Adam, qu’il oppose au second Adam, chef de l’humanité régénérée. Le salut n’est plus simplement, comme dans l'Épître aux Galates, la réalisation des promesses faites à Abraham, Gal., iii, 6-9, 14-16, mais la restauration de l'âme créatrice par le Christ, le nouvel Adam, dont la mort a expié les fautes de l’humanité. Le rejet d’Israël, à peine marqué dans la lettre aux Galates, iv, 30, est traité ici ex professo. Rom., ix-xi. Au reste, aucune trace de polémique ou d’apologie personnelle dans l'Épltre aux Romains. Partout la calme sérénité d’une pensée qui se développe en toute liberté avec une ampleur remarquable, en sorte que l'Épltre n’est, comparée à l’autre, qu’un canevas, une esquisse delà grande thèse du salut par la foi. Ceci explique l’analogie de certains passages des deux Épitres, encore que les circonstances où elles ont été rédigées soient si différentes ! Le poète anglais Coleridge estimait que l'Épître aux Romains était ce que l’homme avait écrit de plus profond. « En effet, dit Godet, Introd. au Nouv. Test., t. i, p. 482, les deux pôles de l’existence terrestre, le péché et le salut y sont saisis avec une égale énergie et l’on voit se dessiner avec une admirable netteté, autour de ces deux points fixes, la petite et la grande ellipse du salut individuel et du salut humanitaire. Un écrivain a appelé l'Épître aux Romains la clef d’or des Écritures ; il eût pu dire : la clef d’or de l’histoire. Si, en effet, le salut est le centre de l’histoire, lever le voile dont ce salut était couvert, c'était jeterlejoursur le fond des choses. » Avec les deux lettres aux Corinthiens, cette Épître forme une admirable trilogie où l’Apôtre traite du salut, but suprême de l’humanité, de l'Église, dépositaire de ce salut, enfin du ministère apostofique qui applique à I

tous, peuples et individus, le salut divin. Mais là où elle surpasse toutes les autres Épitres, c’est dans la façon « philosophique » de traiter un thème suivi. On est presque tenté, en la lisant, de croire qu’ici l’Apôtre a voulu donner, aux chrétiens de la Ville éternelle, un aperçu de cette « sagesse supérieure » qu’il tenait en réserve pour les « parfaits ». ICor., ii, 6. C’est ainsi qu’il projette un jour tout nouveau sur les origines de la religion, du paganisme en particulier, i, sur l’influence opposée des deux chefs de la voie humaine, v, sur la loi psychologique qui préside au développement moral de l’individu, vi, sur l’insuffisance de la loi par rapport à la justification, vii, sur la glorification de la nature inanimée elle-même, viii, sur la marche et le but de l’histoire, ix-xi.

II. Date et lieu de rédaction. — D’un commun accord, les critiques placent la composition de cette Épître durant les mois d’hiver que saint Paul passa à Corinthe, lors de sa troisième visite. C’est donc entre 57-58 qu’elle fut écrite, en flécembre, janvier ou février. On ne peut en retarder la rédaction au delà de mars, car ce fut au printemps que l’Apôtre se mit en route vers la Judée avec les délégués des Églises qui devaient l’accompagner à Jérusalem. Ces conclusions découlent des données fournies par les Actes, la seconde Épître aux Corinthiens et le contenu même de l'Épître aux Romains. En effet, au moment où celle-ci fut écrite, l’Apôtre n’avait pas encore visité Rome, Rom., i, 13, mais il se proposait d’y venir bientôt. Rom., xv, 23. Il a prêché, 1'Évangile jusqu’aux confins de l’Illyrie et, se considérant à la fin de son travail dans les pays d’Orient, il est sur le point de transporter son ministère en Occident. Rom., vi, 19, 23 ; II Cor., x, 16. Une autre circonstance précise encore plus clairement ces détails. D’après Rom., xv, 25, Paul se dispose à partir pour Jérusalem avec le produit de la collecte qui vient d'être achevée dans les Églises de Macédoine et d’Achaie. Ceci nous reporte, sans doute possible, aux dernières semaines du troisième séjour de Paul à Corinthe. I Cor., xvi, 1-4 ; II Cor., vm-ix ; Act., xx, 2, 3. La lettre aux fidèles de la capitale a donc été écrite dans le cours des trois mois d’hiver- (57-58) que l’Apôtre passa à Corinthe et en Achai’e, à la fin de son troisième voyage de mission. Act., xx, 2, 3. Elle fut portée à Rome par Phœbé, diaconesse de Cenchrées, un des ports de Corinthe, Rom., xvi, 1. Gaius, l’hôte de Paul en ce moment, Rom., xvi, 23, est, suivant toute probabilité, lemême qu’il avait baptisé lors de son premier séjour à Corinthe. I Cor., i, 14. Enfin la mention de Timothée et de Sopater ou Sosipater dans les salutations finales, Rom., xvi, 21, correspond aux indications des Actes, xx, 4, qui signalent la présence de ces deux frères parmi les délégués des Eglises, au moment du départ de saint Paul pour Jérusalem. Il se peut aussi que le Jason qui, en compagnie de Lucius et des deux frères nommés ci-dessus, envoie ses saluts aux chrétiens deRome, soit le Jason de Thessalonique dont l’Apôtre avait reçu l’hospitalité à son arrivée en Macédoine, Rom., xvi, 21 ; Act., xvii, 6, et qui, vraisemblablement, faisait partie de la troupe qui devait accompagner Paul en Palestine. Tous ces renseignements, on le voit, s’accordent, d’une façon très précise, à établir les conclusions énoncées plus haut et à leur donner une entière certitude, alors que pour plusieurs autres Épitres, on se trouve réduit à des conjectures.

III. Destinataires de l'Épître. — Si l'Épître aux Romains n’est pas, comme on l’a démontré, une simple dissertation, mais une lettre véritable, ayant, comme ses devancières, un but particulier déterminé par des circonstances spéciales, il importe de connaître la communauté à laquelle elle a été adressée, les éléments, juifs ou gentils, dont elle se composait et les tendances religieuses qui y prédominaient.

Les commencements de l'Église de Rome sont obscurs. Les premiersprédicateurs de la foi dans cette ville furent sans doute des Juifs convertis, comme Àquila et Priscille et plusieurs autres que nomme saint Paul. Rom., xvi, 3-15. Sur la date de l’arrivée de saint Pierre à Rome, voir Pierre, col. 373. D’après l’opinion traditionnelle la plus répandue, le prince des apôtres était allé à Rome, avant l’envoi de l'ÉpUre de saint Paul aux Romains, mais il ne devait pas se trouver dans la capitale de l’Empire quand elle leur fut adressée, puisqu’il n’y est point nommé. La plupart des premiers chrétiens de Rome devaient être Juifs d’origine, la minorité se composant de Gentils devenus croyants, mais leur nombre augmentait de plus en plus ; il devint prédominant et ce fut la raison pour laquelle saintPaul leur écrivit. L'Épître aux Romains suppose donc un élément juif, et c’est pourquoi dans les chapitres ix-xi, saint Paul explique les causes providentielles de l’incrédulité de ses anciens coreligionnaires, que, iv, 11, il appelle Abraham notre ancêtre selon la chair, que, vil, 1-6, il dit à ses lecteurs qu’ils sont morts à la Loi (jfjLEïî), qu’il leur parle comme à des gens connaissant la Loi, et qu’il emploie des arguments tirés de l’Ancien Testament, propres à impressionner des esprits habitués à la lecture de la "Loi et des prophètes. Mais dès le début, la lettre suppose une communauté où l'élément ethnic.o-chrétien occupe une large place. L’adresse, qui dans la circonstance est la partie de la lettre où doit le mieux se révéler le genre de lecteurs auxquels elle s’adresse, parle expressément de Gentils, Rom., i, 5-6, 13-14 ; cf. xv, 14-16. À Rome, comme à Antioche, à Éphèse, ou à Corinthe, la communauté chrétienne avait commencé par les Juifs gagnés à l'Évangile par les émigrants dont il a été question. A ce premier groupe de convertis s’adjoignirent, plus tard, un nombre considérable de néophytes d’origine païenne. Ce dernier groupe s’accrut dans de telles proportions qu’il forma, à la longue, la majorité de la nouvelle église. L'Église de Rome était donc mixte mais avec un élément non juif prépondérant, si bien que vers la iin du I er siècle elle était principalement composée de nationaux romains, d’anciens païens ; comme l’atteste la lettre de saint Clément. D’après le récit des Actes, Jtxviii, 22, la propagande chrétienne ne semble pas avoir jusque-là fait beaucoup de conquête dans les synagogues de Rome.

IV. Occasion et but de l'Épître. — Ceux qui font de la première communauté romaine une église composée surtout de judéo-chrétiens, lui attribuent des tendances judaïsantes. L'Épître de Paul aurait alors eu pour but de les combattre. Mais outre que rien, dans cet écrit, ne sente la polémique, il est facile àdémontrerque lamajoritédes fidèlesdeRome n’avait pas uneConception religieuse différente de celle de Paul lui-même. Ainsi dès le début, Rom., i, 8, l’Apôtre approuve et loue la foi des Romains, déjà connue dans le monde entier ; v, 11, il leur dit que s’il désire les voir, c’est dans l’intention de les affermir. Même idée à la fin de l'Épître, xvi, 25 : « et celui qui peut vous affermir selon mon évangile et la prédication de Jésus-Christ. » Dans le chapitre précédent, xv, 14-15, Paul déclare qu’il n’a rien *oùlu leur enseigner de nouveau mais seulement leur rappeler ce qu’ils savent déjà, attendu qu’ils sont remplis de toute science et qu’ils peuvent se corriger mutuellement. Enfin, vi, 17, l’Apôtre remercie Dieu de ce que ses lecteurs ont adhéré de cœur à la forme de doctrine (tuttov StSxxik) 1 u i ' eur a été enseignée, et qui, d’après le contexte, n’est autre que l'évangile de Paul luimême.

L’Apôtre exprime lui-même, à deux reprises, Rom., i, 10-15, et xv, 22-33, la circonstance qui l’a décidé à écrire cette Épitre. Depuis longtemps ses regards étaient tournés vers Rome. Il pressentait que l’avenir

de la foi nouvelle était là. Une voix intérieure l’y poussait d’une façon impérieuse, irrésistible. Cf. Act., xxili, 11. Le désir devenait plus intense à mesure qu’il considérait son œuvre comme achevée en Orient. Rome lui apparaissait comme le centre providentiel de nouvelles missions à travers les pays d’Occident. La capitale de l’univers devait, dans son idée, être le pont d’appui de cette excursion apostolique, comme l’avait été Antioche dans la première partie de sa carrière. « Il faut que je voie Rome, » disait-il sans cesse. Act., xix, 21 ; Rom., i, 11-17 ; xv, 23. Jusqu’ici il n’avait pu songer à réaliser son plan : les menées de judaïsants, en Galatie, à Corinthe même, exigeaient sa présence en Orient. Mais tout ayant été remis en ordre à Corinthe dans les mois d’hiver de son dernier séjour, il fut repris par le désir de voir Rome et par delà Rome, l’Espagne, située, suivant l’opinion du temps, aux confins de la terre. Une diaconesse de Cenchrées, port de Corinthe, se disposait alors à franchir la mer pour se rendre en Italie. L’Apôtre saisit cette occasion pour écrire cette lettre qui devait préparer sa venue dans la Ville Éternelle, où il ne devait arriver que deux ans plus tard, avec des chaînes de prisonnier.

On ferait un livre des opinions et des controverses présentées par cette question : « Quel but s’est proposé saint Paul dans l'Épître aux Romains ? » Dès les temps anciens, deux opinions se font jour. Les Pères grecs (Origène, saint Jean Chrysostome, Théodoret, plus tard, saint Jean Damascène, Œcuménius, Théophylacte) lui prêtent en général, une intention dogmatique : « Conduire les hommes au Christ. » Dans l'Église latine, le canon de Muratori partage la même opinion : saint Paul a voulu inculquer à ses lecteurs cette vérité que « le Christ est le principe des Écritures. » Le commentaire d’Hilaire, V Ambrosiaster, indique à l'Épître un autre but. D’après lui, les chrétiens de Rome « s'étaient laissé imposer les rites mosaïques, comme si le salut complet ne se trouvait pas dans le Christ ; c’est pourquoi saint Paul voulut leur enseigner le mystère de la croix du Christ, qui ne leur avait pas encore été exposé. » Pour saint Augustin, l’Apôtre a voulu opérer une œuvre de réconciliation entre les deux fractions, juive et païenne, de la communauté. Les c. xiv et xv, 13, contiendraient alors le vrai but de la lettre. Au moyen âge, on retrouve le même point de vue chez Raban-Maur et Abélard. Saint Thomas, dans ses remarquables commentaires sur les Épîtres de saint Paul, admet aussi le but purement dogmatique de l'Épître aux Romains. Érasme, le premier, soupçonne que Paul, en composant cet écrit, a voulu prémunir la jeune Église romaine, contre le péril judaïsant. Le passage, xvi, 17, 20, refléterait ainsi la pensée directrice de l'Épître tout entière. Dans l’idée des Pères de la Réforme, l’Apôtre a voulu donner à l'Église de Rome un exposé Complet de l'Évangile, tel que l’enseignait Paul. Aussi, dans les premiers temps, les Réformateurs employaient-ils l'Épitre aux Romains comme le critérium presque exclusif de .toute vraie foi. Ils avaient repris, en l’exagérant, l’opinion des Pères grecs. Dans l'Épître aux Romains, dit Mélanchton, l’Apôtre ne philosophe ni sur les mystères de la Trinité, ni sur le mode de l’Incarnation, ni sur la création active et passive ; mais.il donne le sommaire de la doctrine chrétienne (doctrinse christianse compendium) ; et n’est-ce pas en effet de la loi, du péché et de la grâce que résulte la connaissance du Christ ? Au commencement du xix » siècle, l’exégète catholique Hug reprit l’idée de saint Augustin, c’est-àdire prêta à l’Apôtre l’intention d’opérer un rapprochement entre les deux parties de l'Église, tandis qu’Eichhorn revint à l’hypothèse d’une polémique antijudaïque. Une lutte se serait produite dans la communauté romaine à la suite de l’arrivée des amis et des

disciples de Paul, qui exposaient un autre évangile que celui entendu jusqu'à ce jour, par les néophytes d’origine juive. Saint Paul avait pris la plume pour soutenir les siens. Quelques aimées apTès, ThoYuck présenta l'Épître aux Romains comme un écrit destiné à prouver la valeur de la doctrine chrétienne, en. tant que seule capable de répondre aux besoins du cœur humain, besoins que n’avaient pu satisfaire ni le paganisme, ni le judaïsme. Sauf quelques variantes, le même point de vue a été développé par Reiche, Glôckler, Kolner, de Welte, qui précisent ainsi le but de l'Épitre : proclamer l'Évangile, comme la religion universelle dans la capitale du inonde. Olshausen part de cette même idée pour commenter toute l'Épître ; Meyer, à son tour, pense, avec Fritzche et Baumgarten-Crusius, que l’Apôtre a voulu suppléer, par la plume, à l’impossibilité actuelle où il se trouvait de leur annoncer de bouche son Évangile. On arrive ainsi à 1836. À ce moment, Baur, dans Ueber Zweck und Veranlassu/ng des Rômerbrief, paru dans Tùbingen Zeitschrift, 1836, complété plus tard par Ueber.Zweck und Gedankengang des Rômerbrief., dans Theol. Jahrbùcher, 1849, reprit sur une nouvelle base l'étude de la question. Il crut découvrir, dans les c. ix-xi, jusque-là regardés comme une sorte de digression, la pensée dominante de l'Épître tout entière. Là saint Paul semblait aller au-devant d’un reproche ou plutôt d’une inquiétude qu’aurait fait naître, dans la majorité judéo-chrétienne de la communauté romaine, sa large tolérance à l'égard des gentils qu’il admettait dans l'Église avant que le peuple élu y fut lui-même entré, lui à qui le salut messianique avait été promis tout d’abord. Tel est le préjugé auquel l’Apôtre veut répondre avant de commencer son nouveau ministère en Occident. Dans une belle page de philosophie de l’histoire, il esquisse, à grands traits, les desseins de Dieu pour la réalisation du salut dans l’humanité ; le rejet actuel des Juifs n’est que momentané ; c’est un moyen voulu de Dieu pour opérer plus facilemementla conversion du monde païen qui, une fois accomplie, ouvrira les voies à la réhabilitation finale d’Israël. Le reste de l'Épître est subordonné à cette idée principale. Les huit chapitres qui précèdent ix-xi, c’est-à-dire, la théorie de la justification par la foi, servent de support à cette histoire du salut. Cette manière nouvelle d’envisager l'Épitre aux Romains avait l’avantage de relier cet écrit important à l’ensemble de l'œuvre apostolique de son auteur, en lui assignant un rôle historique nettement caractérisé ; aussi devient-elle prédominante parmi les critiques, surtout dans l'école de Tubingue. — Reuss, pourtant, ne s’y rallia qu’en partie. Comme Baur, il attribue à la majorité de la communauté romaine une origine et une tendance judéo-chrétienne, mais il refuse de considérer les c. ix-xi comme la partie essentielle de l’Epître. Le vrai but de saint Paul a été ; en exposant son évangile universaliste, d'établir un lien spirituel entre cette Église et lui, afin qu’en arrivant à Rome il trouve un point d’appui pour ses missions d’Occident. — Ewald écrit, à son tour, une hypothèse qui est restée sans partisans. D’après lui, l’Apôtre prévoyant, dix ans à l’avance, les soulèvements de l’an 68-70, auraitécritaux fidèles de Rome pour rompre le lien trop étroit qui existait là entré l'Église et la Synagogue. Le c. xii, 1-8, donnerait ainsi la clef de toute lalettre. Le reste ne serait qu’accessoire. — Bleek a repris les explications iréniques, c’est-à-dire l’idée d’un but de pacification entre les deux partis dont se composait alors l'Église de Rome. Mangold essaya à deux reprises, de fortifier, en le modifiant, le pointde vue de Baur, Der Rômerbr. und die Anfânge der rôm. Gemeinde, 1866 ; puis Der RSmerbr. und seine geschichtlichen Voraussetzungen, 1884. — Ritschl et Sabatier arrivèrent, de leur côté, aux mêmes conclusions, si bien qu’en 1876, J. H. Holtz mann déclarait que l’idée de Baur avait complètement triomphé parmi les savants. Mais en 1876 une réaction se produisit à la suite de l’apparition du travail de Weiisàckev, Ueber die atteste rôm. Gemeinde, dans les Jahrb. ꝟ. deutsch. Theol., 1876, où l’on admettait, dans la communauté romaine, une majorité ethnicochrétienne, ce qui ruinait par la base toutes les suppositions de Baur. Bon nombre de critiques, Harnack et Grafe, entre autres, adoptèrent ces vues nouvelles. Reuss lui-même, dans son dernier ouvrage, La Bible commentée, les Épitres pauliniennes, modifia complètement ses premières conclusions et ne vit plus, dans Ttpltre aux Romains, qu’un écrit exempt de toute polémique, moins destiné à l'Église de Rome qu'à l'Église tout entière. Si l’Apôtre l’a adressée à cette Église particulière, c’est moins pour répondre à un besoin spécial de cette Église que pour faire de celle-ci le foyer de lumière de l’Occident. Depuis plusieurs aimées déjà, Renan, Saint Paul, p. 460, avait exprimé une idée analogue : « Paul profita d’un petit intervalle de repos pour écrire sous forme d'épître une sorte de résumé de sa doctrine théologique. Il l’adressa à l'Église de Rome, composée d'Ébionites et de judéo-chrétiens et aussi de prosélytes et de païens convertis, et comme un tel exposé intéressait foute la chrétienté, il l’envoya en même temps à la plupart des Eglises qu’il avait fondées. » Oltramare, dans son Commentaire sur l'Épître aux Romains, p. 43, 77-78, dit que saint Paul n’a pas voulu tomber chez les Romains comme à l’improviste et sans s'être annoncé. « Voulant prendre l'Église de Rome pour son point d’appui dans l'évangélisation de l’Occident, il a pensé que le meilleur moyen de se procurer un bon accueil auprès d’elle était de lui adresser ce grand manifeste évangélique, qui pourrait servir en même temps, auprès de plusieurs, de prédication d’appel. » Weiss, dans la 6e édition du commentaire de Meyer, n’est pas éloigné d’accepter cette explication. En 1891, Lipsius, Handcommentar zum N. T., persiste à croire, avec Schùrer, que l’impression totale qui se dégage de l'Épître aux Romains, ne permet pas de douter qu’elle ne soit adressée à des judéo-chrétiens. Seulement c’est un judéo-christianisme déjà à moitié hellénisé, bien éloigné de Pétroitesse du parti judaïsant. L’intention de saint Paul aurait été de corriger cette teinte légère de judaïsme en exposant, d’une façon magistrale, la conception chrétienne. Après une étude approfondie de la question, suivie d’une critique détaillée des diverses opinions émises dans toutes les écoles, Godet résume ainsi ses conclusions : « Assurément, je ne le conteste point, l’Apôtre a voulu par cette lettre préparer son arrivée à Rome ; par elle il a travaillé à munir puissamment cette Église contre l’oppression prévue du judéo-christianisme ; par elle aussi il a pu contribuer à l’union des éléments opposés qui se trouvaient dans l'Église et en particulier renverser les préjugées judaïques d’une partie de ses membres et les pensées d’orgueil qui germaient dans l’esprit du parti opposé. Tout cela, ce sont bien des effets voulus de la lettre. Mais la vraie circonstance qui y a donné lieu, a été le manque d’un enseignement solide posé à la base de l'édifice, et le vrai but que Paul s’est proposé, a été, comme il l’a indiqué lui-même, celui d’affermir cet édifice important, que pouvait faire écrouler la première secousse. » Introd. au Nouv. Test., 1893, p. 464. Cette dernière opinion paraît être celle qui concilie le mieux les deux aspects particuliers sous lesquels se présente l'Épître aux Romains : le point de vue historique et le point de vue dogmatique. C’est en exagérant tour à tour l’un au préjudice de l’autre que l’on est arrivé aux hypothèses diverses exposées plus haut. L'Épitre aux Romains est, au fond, d’une nature spéciale qui n’est ni un traité didactique ex professo ni une simple lettre au sens ordinaire du mot, mais qui participe à la fois,

dans une certaine mesure, au caractère propre de ces deux sortes de compositions.

"V. Authenticité et canonicité. — Avec la première Épître aux Corinthiens, cette lettre est, dans toute la correspondance de saint Paul, celle qui possède la plus riche tradition littéraire. On en trouve des citations non seulement dans les Pères apostoliques, mais dans le Nouveau Testament lui-même. Tout d’abord dans la I Pétri : ceci résulte de la comparaison des passages suivants : Rom., ix, 25, et I Pet., ii, 10 ; ix, 32, et ii, 6-8 ; xii, 1, et ii, 5 ; xii, 2, et i, 14 ; xii, 3, et iv, 7-11 ; xii, 9, et / i, 22 ; xii, 16, et iii, 8-9 ; xiii, 1, et ii, 13-17. De plus, I Pet., ’ii, 6, une citation de l’Ancien Testament, tirée des Septante, avec les mêmes variantes que Rom., ix, 32, des images semblables pour désigner le sacrifice, Rom., xii, et I Pet., ii, 5, certaines expressions caractéristiques, telles que avay/^ax’Xta^ai, âvuitôxptTo ; et des idées présentées dans le même ordre. Rom., xiii, 1-7, et I Pet., ii, 13-17. On note aussi une certaine ressemblance avec deux passages de l’Épître aux Hébreux, en particulier un passage du Deutéronome que les deux lettres rapportent en s’écartant de la même façon delà version des Septante. Rom., iv, 17-21, et Heb., xi, 11, 12, 19 ; xii, 19-x, 3. On pense aussi trouver une certaine analogie et peut-être une dépendance entre les deux derniers versets de l’Épître de saint Jude, 24-25, et le doxologie finale de l’Épître aux Romains, xvi, 25, 27. Dès le seuil de l’âge apostolique, les emprunts à notre Épître sont nombreux et indiscutables, d’abord chez saint Clément de Rome, Rom., i, 21, et Clem., xxxvi, 51 ; n, 24, et 47 ; iv, 7, 8, 9-50 ; vi, 1-33 ; i, 29, et 35 ; x, 4-32 ; xm, 1, 2, et 61 ; dans les lettres de saint Ignace ; Rom., i, 3, et Smyr., i ; ii, 24, et Trall., 8 ; iii, 27 ; Ephes., 18 ; vi, 4 ; Ephes., 19 ; vi, 5 ; viii, 17, 29, et Mag., 5, Trall., Q ; i, l, et Mag., 6 ; vii, 6, et Mag. 9 ; viii, 11, et Trall., 9 ; ix, 23, et£p/*., 9 ; xiv, 17, et Trall., 2 ; xv, 5, et Eph., 1, des points de ressemblance avec la lettre de Polycarpe, Rom., vi, 13, etPol., 4 ; xiii, 12, et Pol., 4 ; xii, 10, etPol., l ; xiii, 8, et Pol., 3 ; xiv, 10, et Pol., 6 ; des réminiscences dans Aristide et dans saint Justin. Même des hérétiques appartenant aux sectes de Valentin et de Basilide s’en servaient comme base d’argumentation. L’auteur des Douze patriarches paraît lui-même l’avoir utilisée. Rom., i, 4, et l’est. Lev. AS ; ii, 13, et Test. Aser, 4 ; v, 6, et Test. Ben}., 3 ; VI, et Test. Lev., 4 ; vi, 7, et Test. Sinu, 6 ; vii, 8, et Test. Neph., 8 ; viii, 28, et Test. Benj., 4 ; ix, 21, et Test. JVep/i., 2 ; xii, i, et Test. Lev., 3 ; xii, 21, etTest.Benj., 4 ; xiii, 12, et Test. Neph., H ; xv, 33, et Test. Dan., 5 ; xvi, 20, et Test. Aser., 7. Jusqu’ici, pourtant, aucune citation formelle. Marcion l’avait insérée, mais en la mutilant, dans son Apostolicon, après la seconde Épître aux Corinthiens. À partir de saint Irénée, tous les auteurs ecclésiastiques la citent comme desaintPaul et la regardent comme la base de la théologie chrétienne. Ainsi, en résumé, l’Épître aux Romains est connue et employée à Rome et même ailleurs : dans le premier quart du IIe siècle, elle fait partie de la collection des Épîtres pauliniennes dont on se sert déjà à Antioche, à Rome, à Smyrne, peut-être même à Corinthe ; au milieu du ip siècle, elle entre dans V Apostolicon de Marcion, et vers la fin du même siècle elle est partout reçue comme canonique. À ces témoignages externes se joignent des critères d’évidence interne si frappants que la critique radicale de Tubingue n’a pu les contester. L’Épître aux Romains est une des quatre lettres de saint Paul que la presque unanimité des critiques déclare inattaquable. Les opposants, depuis Évanson (1792), sont très peu nombreux. Les tentatives de Bruno Bauer, en 1852, contre l’authenticité de cette Épitre, sont restées sans résultat. Elles n’ont guère trouvé de crédit qu’auprès de certains théologiens de Suisse et de Hollande. Loman, professeur à Amsterdam, s’appuie sur le silence des Actes, de prétendues incohé rences dans le contenu de l’Épître, dans la variété des opinions sur l’origine de l’Église romaine, pour rejeter notre Épître. Quxstiones Paulionæ, dans Theologisch Tijdschrift, 1882, 1883, 1886. En 1888, Steck, professeur à Berne, fait de l’Épître aux Romains le premier manifeste d’un petit cénacle de philosophes chrétiens grecs établi à Rome au commencement du il" siècle. Der Galaterbrief nach seiner Echtheit uniersucht, Berlin, 1888. — À côté de ces négations radicales ont pris place diverses hypothèses, ^émergèrent diverses recensions, même de nombreuses interpolations dans l’Épître aux Romains. Weisse, Beitrâge zar Kritik der Paulinischen Briefe an die Gàlaten, Rômen, PMUppen und Colossen, Leipzig, 1837 ; Naber, Verisimilia, Laceram conditioner) ! N. T. èxhibentia, Amsterdam, 1886 ; Michelsen, dans Theologisch Tijdschrift, 1886 ; Vôlter, dans Theologisch Tijdschrift, 1889, p. 265 ; von Manen, De Brief aan de Romeinen, Leyde, 1891. L’ardeur de ces attaques n’a pas dépossédé notre Épître des marques d’indubitable authenticité qu’on n’a cessé de lui reconnaître dès l’origine.

VI. Intégrité. — Le texte grec de l’Épître aux Romains se trouve en entier dans les manuscrits suivants : A, B, L, S. Dans les autres codex, il y a des variantes ou des omissions. Les principales versions de l’Épître aux Romains sont les versions latines. Voir Sanday et Headlam, À critïcal and exegetical commentary on the Epistle to the Romans, p. lxiii-lxxiv.

Les objections contre l’intégrité sont peu importantes.

— 1° Les mots h 'Pu>|j.ri, i, 7 et 15, . manquent dans le texte grec et latin du manuscrit G ; omission renforcée par une note marginale du manuscrit xlvii, au ꝟ. 7, tô èv’Pcô(i.r| o’2t£ êvTij êÇriyr, (ret oû’ts év tû fltw (ivrijiovEÛet. Plusieurs en concluent, comme pour l’Épître aux Éphésiens, que l’original était une lettre encyclique qui devait circuler à travers les principales communautés : Rome, Éphèse, Thessalonique ; chacun des exemplaires destinés à ces églises laissait en blanc dans l’adresse, le nom de l’Église qui devait la recevoir. D’autres n’y voient qu’une fantaisie de scribe. La leçon Romse a pour elle la presque totalité des manuscrits.

2° Une autre variante concerne le plan de la doxologie finale, xvi, 25-27, dans plusieurs manuscrits. —’1. Les codex), , ’B, C, D, E, Origéne latin, la Vulgate, la Peschitto, la version hébraïque, la version éthiopienne, l’Ambrosiaster, Pelage la placent à la fin du ch. xvi. — 2, Le codex L, 200 manuscrits byzantins, les lectionnaires, la version syriaque de Thomas d’Héraclée, saint Chrysostome, Théodoret, saint Jean Damascène, la mettent à la fin du ch. xiv. — 3. Les onciaux À et P et les cursifs 5, 17, l’ont tant à la fin du ch. xiv, qu’à la fin du ch. xvi. — 4. Les codex F et G, à la suite de Marcion, l’omettent totalement, laissant en blanc la flnduch.xiv. Quelques-uns supposent, pour expliquer ces omissions, que dès une époque très ancienne, toute la portion du texte depuis xiv, 23, à xvi, 24, aurait été retranchée dans un certain nombre de documents. Rinck a même émis l’idée que des exemplaires mutilés par les Marcionites avaient été employés plus tard dans l’Eglise, sans qu’on ait pris le soin d’y replacer les ch. xv et xvi. Godet propose quelque chose de plus matériel. « On sait, dit-il, qu’un grand nombre de leçons propr.es au texte byzantin proviennent de modifications exigées par les besoins de, 1a lecture publique ; ainsi, par exemple, la substitution si fréquente du nom propre au pronom, au commencement des morceaux destinés aux lectures régulières. Or ce sont précisément les autorités byzantines, minuscules, lectionnaires cod. LI, qui présentent la ligne dont nous nous occupons ; Pourquoi ? Parce que la lecture publique avait uniquement en vue l’édification et que les ch. xv et xvi, ne contenant guère que des détails historiques, d’un intérêt local ^et temporaire, n’avaient que peu de prix à ce point de vue. Il 1171

    1. ROMAINS##

ROMAINS (ÉPiTRE AUX)

1172

était donc assez naturel de les omettre dans ces lectures. Nous avons un exemple frappant de cette manière de faire dans l’extrait syriaque des lettres d’Ignace publiées par Cureton. On avait cru un moment que c’était la vraie teneur du texte primitif. Zahn a mis hors de doute, me paraît-il, que c’étaient là des extraits faits à l’usage d’un couvent syrien, et dans lesquels on avait omis tout ce qui n’allait pas à l’édification, c’est-à-dire tous les détails historiques et personnels qui nous intéressent aujourd’hui à notre point de vue critique. C’est la même raison sans doute qui, à une époque ancienne, a occasionné dans la lecture publique l’omission de nos ch. xv et xvi et, par suite, dans les documents byzantins, la translation de la doxologie à la fin du c. xiv où s’arrêtait cette lecture. On comprend par là que l’influence de ce fait se soit surtout fait sentir sur les lectionnaires ou recueils de péricopes et sur des explications horoiléliques, comme celles de Chrysostome. On a objecté qu’au Ve siècle, Euthalius, à Alexandrie, faisait rentrer notre c. xv dans le cycle des péricopes destinées à la lecture publique. Mais l’omission des ch. xv et XVI pouvait fort bien remonter à une époque antérieure à Euthalius ; il y remédia pour le ch. xv. Mais l’omission, maintenue par lui, du ch. xvi confirme notre explication. » Op. cit., p. 474-475.

VII. Analyse du contenu. — La lettre se divise d’une façon régulière, en trois parties principales :

I. LE prologue (i, 1-16) contient l’adresse et l’action de grâces. L’adresse, ꝟ. 1-7, revêt une certaine solennité. Écrivant à une Église qu’il n’a ni fondée ni visitée, saint Paul éprouve le besoin d’expliquer à quel titre il ose lui écrire : c’est en qualité d’Apôtre des Gentils. Les Romains se trouvent, de ce fait, dans le ressort de sa mission. Il n’outrepasse donc point ses droits en leur adressant son message évangélique. Dans l’action de grâces, ^. 8-16, l’Apôtre exprime successivement la joie de voir l’Église de Rome si prospère et si renommée dans le monde entier pour sa foi si admirable, le vif désir qu’il a depuis longtemps de visiter une communauté si florissante pour la faire bénéficier de la grâce de son apostolat, en complétantçhez les fidèles leurs connaissances évangéliques.

II. le corps de la lettre (i, 17-xv, 13). — On y trouve deux parties distinctes : l’une dogmatique et doctrinale ; l’autre morale.

1° Partie dogmatique (i, 17-xi). — La thèse peut se résumer dans ces mots : Le salut par la foi à l’Évangile, réalisation de la prophétie d’Habacuc : « Le juste vit de la foi », 1, 16-17. —.4) Pour le prouver, l’auteur montre d’abord l’impuissance de la nature, par la description des désordres du monde païen, i, 18-32. Les gentils ont connu Dieu et la loi naturelle, mais ils ont agi comme s’ils n’en avaient pas eu la moindre notion. Tout en se disant sages, ils ont agi en fous et transféré la gloire du Dieu incorruptible à des images représentant des hommes mortels, des oiseaux, des quadrupèdes, des reptiles : c’est l’histoire de l’idolâtrie. Cette perversion de l’idée et du culte du vrai Dieu a eu pour conséquence les pires désordres moraux. « Dieu les a livrés aux désirs de leurs cœurs, si, 26, c’est-à-dire à leurs passions, à l’esprit d’erreur et de mensonge, au sens réprouvé ; après l’obscurcissement de l’esprit, l’oblitération du sens moral. L’apôtre expose ensuite sans ménagement les désordres du monde païen, d’où il est facile de conclure que Ja nature, laissée à elle-même, ne conduit pas à la justification.

B) La loi n’y conduit pas davantage, n-iu, 8. Après le réquisitoire contre le paganisme, l’acte d’accusation des fils d’Abraham. Eux aussi ont provoqué, par la prévarication, la colère de Dieu. La tâche était délicate. Saint Paul l’aborde avec précaution, eu donnant aux faits l’appui de l’Écriture. Le témoignage des faits est écrasant : il remplit tout le ch. n. « Toi donc, qui que tu

sois, qui condamnes les autres, tu es inexcusable. En condamnant les autres tu te condamnes toi-même, puisque tu fais précisément ce que tu condamnes. » n, 1, et plus expressément encore. « Toi qui instruis les autres, tu ne t’instruis pas toi-même ; tu défends le larcin et tu le pratiques ; tu condamnes l’adultère et tu le commets ; tu hais les idoles et tu es sacrilège ; tu te glorifies de la Loi et tu déshonores Dieu en violant la loi, » ii, 23-24. Ceci n’est pas une exception ou le fait de quelques-uns. L’Écriture elle-même le reconnaît quand elle dit : <x Il n’y a point de juste, pas un, nul homme intelligent, aucun qui cherche Dieu. Tous sont sortis de la voie, tous sont pervertis ; il n’y en a pas un qui fasse le bien, pas un seul. » ii, 10-12. La conclusion générale, c’est que juifs et païens, pris en masse, sont sous la condamnation divine. Les deux économies, nature et loi, ont fait faillite et n’ont pu donner la justification.

C) L’Apôtre arrive ainsi à l’économie nouvelle, pratiquée par la Loi, annoncée par les prophètes : l’économie évangélique dans laquelle la justification s’opère par la foi en Jésus-Christ, Rédempteur de l’humanité, ni, 21. Il décrit les deux caractères essentiels de ce nouveau mode de justification : — 1. son universalilé (in omnes), conséquence directe du monothéisme. Puisqu’il n’y a qu’un seul Dieu, ce Dieu est nécessairement le Dieu des gentils aussi bien que le Dieu des Juifs. — 2. sa gratuité. Ni les uns ni les autres n’ont mérité cette grâce. « Tous ont péché et se sentent privés de la gloire de Dieu, justifiés qu’ils sont gratuitement par sa grâce, iii, 23-24. La cause de cette justification n’est pas l’observation de la Loi, mais la mort rédemptrice du Sauveur Jésus, Dieu l’ayant constitué instrument de propitiation par la foi, dans son sang, ꝟ. 25. Quant au but final de cette économie nouvelle, c’est toujours la gloire de Dieu « pour faire éclater sa justice obscurcie par la tolérance des péchés qu’il a supportés avec patience, pour faire éclater sa justice à l’heure actuelle, afin d’être reconnu juste lui-même et auteur de la justification pour quiconque relève de la foi en Jésus, » iii, 26. De ces considérations l’Apôtre déduit deux conséquences préliminaires : une leçon d’humanité, y. 27-28, une leçon d’égalité : Juifs et païens sont justifiés l’un et l’autre de la même manière,

D) Pour mieux pénétrer la nature intense de ce nouveau mode de justification, saint Paul J’envisage sous divers aspects. — 1° Dans ses rapports avec l’Ancien Testament, iv, 1-25. Il la compare avec la justificationtype d’Abraham, IV, 1-25. Toutes deux conviennent dans leurs traits essentiels, c’est-à-dire qu’elles s’opèrent l’une l’autre par la foi dans la Loi, ꝟ. 1-8. Ainsi tout ce qu’a obtenu Abraham en fait de justice, il l’a acquis non par la circoncision, ꝟ. 9-12, puisqu’il a été justifié avant d’être circoncis, a fortiori, sans les observances mosaïques qui sont l’antithèse de la promesse et qui d’ailleurs sont venues longtemps après, y. 1317, en sorte que la justification d’Abraham est le modèle de celle des chrétiens, ꝟ. 17, 25. — 2° Dans ses effets salutaires (v-vm). Entre la justification et le salut il y a une certaine différence : celle du commencement de l’œuvre par rapport à son achèvement. L’Apôtre va montrer, dans ces quatre chapitres, que d’après la pensée et les plans de Dieu, justification et salut sont les deux anneaux extrêmes d’une chaîne indissoluble, quoique ce soit le triste privilège de notre libre arbitre de pouvoir le briser. La grâce est le germe de la gloire, la foi est le gage de la vision, les dons de 1 "Esprit-Saint sont les aubes de la béatitude et l’éclat bienheureux des élus n’est que la floraison tardive mais spontanée de la charité, qui est elle-même un esprit particulier de la justice. « Nous sommes sauvés en espérance » et « l’espérance ne déçoit pas, » voilà le thème qui va être développé. En effet, trois grandes puissances s’opposent 1173

    1. ROMAINS##

ROMAINS (ÉPiTRE AUX)

1174

à notre salut : le péché, la mort, la chair. Or le Christ a triomphé pour nous de « cette triple alliance ».

o) La victoire sur le péché, v, 1-21, est décrite par un magnifique parallèle entre Adam, le premier chef de l’humanité, et Jésus-Christ, second Adam et chef de l’humanité renouvelée. « Ainsi donc, comme par une seule faute est venue sur tous les hommes la condamnation, de même par un seul mérite viendra sur tous les hommes la justification de vie. En effet comme par la désobéissance d’un seul homme, tous, malgré leur nombre, ont été constitués pécheurs, de même aussi, par l’obéissance d’un seul, tous, malgré leur nombre, seront constituées justes. » v, 18-19. — Subsidiairement, l’Apôtre parle du rôle de la Loi par rapport au péché, pour bien montrer que le Christ seul, par son obéissance jusqu’à, la mort, nous a délivrés du péché. En effet, loin de détruire cette puissance ennemie, la Loi a été plutôt son alliée, son auxiltaire, l’instrument actif du péché ; elle a étendu son règne, v, 20.

b) Notre second ennemi, c’est la mort, suite inévitable du péché, Jésus-Christ en a triomphé pour nous, vi, 1-23, ici-bas par la grâce, là haut, dans la gloire. Le symbole de cette vie rendue, c’est le baptême. Jésus nous associe là, d’une manière mystique mais non moins réelle, à sa mort et à sa vie. « Ignorez-vous que nous tous qui avons été baptisés dans le Christ Jésus, nous avons été baptisés dans sa mort. Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême dans la mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, ainsi nous aussi nous marchions dans la nouveauté de vie, » ꝟ. 3-4. En nous associant à sa mort, le Christ neutralise le principe d’activité que le péché avait déposé en nous et qui constituait le vieil homme ; en nous associant à sa vie, il détruit tous les germes de mort et nous confère le privilège d’une vie sans fin : vie de l’âme et vie du corps, vie de la grâce et vie de la gloire. La conclusion pratique que l’Apôtre retire de cet enseignement, c’est que le chrétien doit se libérer du péché, ꝟ. 6-23.

c) La’troisième puissance hostile à notre salut, c’est la chair, dont la loi mosaïque fut l’auxiliaire inconscient mais funeste. Tous deux devaient donc être détruits par le Christ. C’est ce qui, en fait, est arrivé, vii, 1-25. Saint Paul commence par l’abrogation de la Loi, « Le chrétien est mort à la loi par le corps du Christ. » La loi n’existe donc plus : elle a fourni des œuvres au péché et à la chair : elle périt donc avec eux, il. 1-7.

Il était nécessaire d’expliquer cet aphorisme étrange : « la Loi instrument de péché avec la chair. » Des distinctions s’imposaient. L’Apôtre n’a garde de lesomettre. Il montre, par son propre exemple, comment la Loi, bonne de sa nature, devient, au contact de nos passions, une plus grande occasion de péché, ꝟ. 7-13 ; il décrit, avecdes accents déchirants, cette vie puissante qui n’est qu’une lutte continuelle, toujours renaissante, entre le désir d’accomplir la Loi d’après l’intimation de la conscience, et les appétits de la chair, pour aboutir au honteux esclavage du péché. De là ce cri déchirant : « Qui me délivrera de ce corps de mort ? » ꝟ. 14-25.

Le ch. viii, 1-39, termine la thèse de l’Épître par ûfr chant de triomphe. Il célèbre la victoire du Christ sur nos très grands ennemis qui sont là gisant devant la croix du Sauveur. Le péché est détruit : « Il n’y a plus de condamnation pour ceux qui sont dans le Christ îésus, » ꝟ. 1 ; la mort est vaincue d’avance par le germe d’immortalité déposé en nous, ji. Il ; la Loi, occasion de péché, est abrogée, ꝟ. 2-7 ; seule, la chair lutte encore contre l’esprit, mais avec l’aide de la grâce, la victoire est assurée. Le présent nous garantit l’avenir : la grâce nous prépare la gloire du ciel. Quatre témoins nous attestent cette connexion intime et nécessaire ; la création matérielle, qui, associée à notre

déchéance, a le pressentiment de notre glorification future, ꝟ. 19-22 ; l’Esprit-Saint qui est en nous, baptisés, » constitue comme les arrhes de la béatitude céleste, ꝟ. 23.27 ; Dieu le Père, qui par sa prédestination enchaîne, par un lien infrangible, tous les actes par lesquels nous passons de la justification première au triomphe éternel, ꝟ. 28-34 ; enfin l’amour de Jésus-Christ qui nous lie inséparablement à lui, en dépit des obstacles de tous genres, jr : 35-39.

E) À sa thèse principale, l’Apôtre ajoute une sorte de complément dogmatique pour expliquer le scandale de la réprobation des Juifs, ix-xi. C’était, au moment où Paul écrit son Épître, un fait indéniable que la masse des juifs était rebelle à l’Évangile, alors que les païens l’acceptaient en foule, douleur amère au cœur de l’Apôtre, énigme insondable pour son esprit ! N’était-ce pas un démenti aux prophètes et aux promesses de l’Ancienne Loi ? Est-il possible que Dieu ait voulu que son peuple élu fût privé d’un salut qui semblait préparé pour lui ? Pour quel motif Dieu agit-il de la sorte ? Quels sont, à ce sujet, les desseins de Dieu ? Voilà les trois questions auxquelles saint Paul essaie de répondre dans trois chapitres.

a) Le ch. ix, 1-29, soutient que Dieu est juste et fidèle dans la réprobation des Juifs. Après avoir énuméré avec orgueil les prérogatives d’Israël, ꝟ. 1-5, saint Paul montre que les prétentions de ses anciens coreligionnaires, au sens où ils les entendent la plupart, reposent sur un malentendu. Il y a deux Israëls ; l’Israël selon la chair et l’Israël selon l’esprit : c’est au second seul qu’appartient la promesse, seul il hérite des bénédictions. A l’appui de cette distinction viennent des exemples tirés de l’Écriture Sainte ; Isaac, fils du miracle et de la promesse, hérite seul des bénédictions promises à Abraham ; Ismaël et les fils de Cëthura n’y ont point de part ; puis, dans la lignée même d’Isaac, une autre sélection. Jacob est préféré par Dieu à Esaû. Autre exemple pour prouver que Dieu est libre dans ses dons, Moïse et Pharaon. Les dons de Dieu sont entièrement gratuits. Toute cette doctrine est d’ailleurs conforme aux oracles d’Osée et d’Isaïe, ꝟ. 25-29. Dieu n’a pas agi arbitrairement dans le rejet d’Israël, il n’a fait qu’établir sa justice, ix, 30-x, 21. En effet, Israël a méconnu la fin de l’économie mosaïque, dont la venue du Messie était le signal. Il n’a pas compris que la Loi devait le conduire à une justice supérieure, au salut gratuit par la foi. Il n’a pas compris davantage que ce nouveau salut était destiné à tous les hommes. Et cependant Moïse et Isaïe avaient parlé de cette, conversion des païens.

b) Dans le ch. xi, l’Apôtre trace une sorte de philosophie de l’histoire d’après les plans divins. Il voit, dans le rejet actuel des Juifs, une occasion providentielle de la conversion des gentils : le rejet est, en somme, partiel et temporaire ; il est destiné à ouvrir toute large aux païens la porte du salut et à dépouiller l’Évangile de l’enveloppe légale : après cela, les Juifs eux-mêmes l’accepteront, ꝟ. 1-15. Le chapitre s’achève par un avis aux païens eux-mêmes afin qu’ils ne se livrent pas à l’égard des juifs à un orgueil semblable à celui qui a perdu ceux-ci, ꝟ. 16-24, et par l’espoir que la conversion des gentils sera le moyen que Dieu emploiera pour ramener Israël, ji. 25-32. Une belle doxologie y. 33-36 célèbre les secrets insondables de la Providence divine dont on vient d’esquisser les plans.

2° Partie morale, xii-xv, 13. — D’abord les principes généraux de la morale chrétienne : 1. le sacrifice vivant du fidèle est comme la base de sa vie, ꝟ. 1-2, sacrifice réalisé principalement par les deux vertus d’humilité et de charité, l’humilité par laquelle chacun limite son activité d’après son don, *. 3-8, la charité par laquelle il se donne tout entier à ses frères et même à ses ennemis, , , t. 9-21. Les 7 premiers versets 1175 ROMAINS (ÉPÎTRE AUX) — ROMANCHES (VERSIONS) DE LA BIBLE 1176

du eh. xm règlent les rapports de l’Église et de l’État : le chrétien est soumis aux puissances établies, il s’acquitte avec soin de ses dettes de justice, ꝟ. 7-10. La perspective du retour du Seigneur tient le fidèle dans une perpétuelle vigilance, ꝟ. 11.14. Après ces règles générales de vie chrétienne, des conseils de circonstance pour l’Église de Rome. Saint Paul recommande aux « forts » d’être charitables avec les « faibles », c’est-à-dire envers ceux qui avaient des scrupules au sujet des anciennes observances mosaïques, xiv, 1, 23. Il revient encore, xv, 13, à la tolérance mutuelle et il invite juifs et païens à louer la bonté et la fidélité divine.

m. épilogue, xv, 14-xvi, 27. — La lettre se termine par des communications personnelles, indique le but qu’elle s’est proposé, annonce la prochaine visite de l’Apôtre à Borne ; xv, 14-33. Puis viennent les salutations à divers personnages, xvi, 1-15, un avertissement, xvi, 17-20, un post-scriptum des compagnons de l’Apôtre et du copiste qui a écrit la lettre, xvi, 21-23, une bénédiction et la doxologie finale, xvi, 24-27

VIII. Langue et style. —’Comme toutes les autres Épîtres de saint Paul, celle-ci est écrite en grec. Le latin paraîtrait tout désigné pour écrire aux chrétiens de la capitale de l’Empire, mais le grec fut la langue dominante de l’Église de Rome, durant les trois premiers siècles. Voir Caspari, Quellen zur Geschichte des Taufsymbols, Christiania, 1875. — Le style de cette Épître est si varié qu’on a sérieusement agité la question de savoir si le même auteur avait tenu la plume jusqu’au bout. Mais quand on considère l’étendue de la lettre, les amples développements théologiques, - la diversité des sujets traités, on ne s’étonne plus de ces différences de vocabulaire, de syntaxe, d’images, et de sentiments exprimés. Ce qui caractérise surtout cette Épltre, c’est une exposition magistrale, qui n’exclut pas une certaine vivacité et une admirable énergie ; on y trouve des passages de la plus belle éloquence. La style est vif, élégant, parfois incisif, la dialectique serrée, les arguments généralement bien enchaînés, les périodes courtes mais d’une belle ordonnance. En résumé, l’Épître aux Romains semble être, dans l’ensemble, le meilleur morceau littéraire qui soit sorti de le plume de saint Paul.

IX. Bibliographie. — Parmi les commentaires les plus remarquables, on doit citer, chez les anciens, Origène, Comment, in Epist. S. Pauli ad Romanos, t. xiv, col. 857-1292 ; S. Jean Chrysostome, Homil. in Epist. ad Romanos, prêcbées à Antioche entre 387 et 397, t. lx, col. 391-632 ; Théodoret, saint Jean Damascène, Œcumeniua, Théophylacte, Euthymius, l’Ambrosiaster, Pelage ; au moyen âge, Hugues de Saint-Victor, Pierre Abélard, saint Thomas d’Aquin, dans son Expositio in Epistolas omnes Divi Pauli Apostoli ; Cornélius a Lapide, Commentarius in omnes D. Pauli Epistolas, Anvers, 1614 ; Estius, In omnes Pauli Epistolas commentarius, Douai, 1614-16 ; *Grotius, dans ses annotationes inN. T., Paris, 1644 ; *Hammond, Paraphrase and annotations of the N. T., 1653 ; "Locke, À paraphrase and notes to the Epislle of St. Paul, 1759-1707 ; Bengel, Gnomon Novi Testamenti, 1742. Durant la période moderne, Tholuck dont les commentaires ont paru en 1824 ; "Fritzsche, 18361843 ; Meyer, 1832, un des meilleurs commentaires de l’Épître aux Romains ; réédité par B. Weiss en 1900 ; ’L. de Wette, Kurzgefasstes exegetisches Handbuch zum Neuen Testament, 1836-1848 ; "Alford, Greek Testament, 1849-1861 ; ’Jowett, St. Paul’s Epistles to the Thessalonicians, Galatians and Romans, 1855 ; ’Godet, Commentaire sur l’Épître aux Romains, Paris, 1879 ; ’Oltramare, Commentaire sur l’Épître aux Romains, 1881-1882 ; * Gifford, dans The Speaker’s commentary, Genève, 1881 ; "Liddon, Explanatory analysis of St.

Paul’s Epistle to the Romans, 1893 ; *Lipsius, dans le H andcommentar zum. N. T., publié sous la direction de H. J. Holtzmann, 1891 ; * Sanday et Headlam, dans l’International critical commentary, 1902. Les catholiques, Klee, 1830 ; Reithmayer, 1845, Ad. Maier, 1847, Bisping, Schæfer, 1891 ; Drach ; Maunoury, 1878 ; R. Cornely, dans le Cursus Scriptural Sacrée, 1896.

C. Toussaint.

    1. ROMANCHES##

ROMANCHES (VERSIONS) DE LA BIBLE. La langue romanche ou roumanche est un r rameau des langues romanes, issues du latin, ou néo-latines. Elle embrasse une série d’idiomes romans, qui sont parlés le long des Alpes, des sources du Rhin antérieur à la mer Adriatique. La Bible a été totalememt ou partiellement traduite dans trois dialectes seulement de l’Engadine et du canton des Grisons à l’usage des protestants à partir du xvi » siècle. Les catholiques de langue romanche n’ont pas dé version spéciale de la Bible dans aucun dialecte.

1° Dialecte de la Raute-Engadine. — Le Nouveau Testament a été traduit du latin et autres langues en haut engadinois par Jacques Bifrun ou Biveroni († 1572), de Sarmëdan, jurisconsulte et théologien, réformateur et ami de Zwingle : L’g nouf Testamaînt, in-8°, s. 1., 1560. Il l’a publié à Bâle à ses frais. Cette première édition a une préface de Philippe Gallicius. En 1605, Lucius Papa en publia une nouvelle édition, et il en parut à Fuschlâff une troisième, accompagnée de notes, en 1607. Voir Bœhmer, Romantische Studien, t. vi, à l’année 1560 ; Campell, Zwei Bûcher ràtischer Geschichte, t. i, p. 414. Comme Bifrun est l’écrivain classique du haut engadinois, M. J. Ulrich a réédité quatre livres de sa traduction du Nouveau Testament dans la Revue des langues romanes : l’Évangile selon saint Luc, 1897, t. xl, p. 65-83, 97-109, 265-279, 552-572 ; l’Évangile selon saint Jean, 1898, t. xli, p. 239-271 ; 1899, t. xlii, p. 56-70, 301-304 ; lesvctes des Apôtres, i&id., p..509-535 ; 1901, t. xuv, p. 521-530 ; 1902, t. xlv, p. 357-369 ; 1903, t. xlvi, p. 75-93 ; et l’Apocalypse, 1905, t. xlviii, p. 7587, 306-323. Pour les Épîtres de saint Paul et des autres apôtres, il n’a publié que les mots intéressants ou rares que fournit leur traduction. Ibid., juillet et août 1906, janvier et février, mai et juin 1907. Une autre version du Nouveau Testament dans le même dialecte fut faite par Jean Gritti de Zuoz et parut, in-8°, Bâle, 1640. Les Psaumes furent traduits par Laurent Witzel, Bâle, 1661. Janev Menni rédigea une nouvelle traduction du Nouveau Testament à Coïre, en 1861.

2° Dialecte de la Basse-Engadine. — Les Psaumes et cantiques furent traduits dans ce dialecte par Ciampel pour l’usage litnrgique et parurent avec notation musicale en 1562 ; 2e édit., in-8°, Bâle, 1606. Des parties détachées de l’Ancien Testament furent traduites par Jean Pitschen Saluz en 1657 et les années suivantes. Une Bible entière est due à la collaboration de Jacques Antoine Vulpi et de Jacques Dorta a Vulpera. Elle fut imprimée â Schuol, village de la Basse-Engadine, in-f 3, 1657. La traduction avait été faite sur la version italienne de Diodati. Voir t. iii, col. 1030-1031. Des rééditions complètes parurent à Bâle, en 1679 et en 1743. Le Nouveau Testament fut imprimé à part, Bâle, 1812, et l’Ancien, à Coire, en 1815, sous ce titre : Biblia o vero la Soinchia Scritûra del Velg Testamaînt. La Bible entière a encore été rééditée à Cologne, 18671870. À Paris, en 1836, un in-12 est intitulé : Il nouf Testamaînt da nos Segner Jesu Christa, tradiit in rumansch d’Engadina bassa.

3° Dialecte réto-roman des Grisons. — Le Psautier fut traduit en, ce dialecte par Gabriel Sapharius, in-8°, Bâle, 1611. Lucius Papa traduisit la Sagesse de Siracide ou l’Ecclésiastique, in-12, Zurich. 1628. Lucius (Louis) Gabriel donna tout le Nouveau Testament : Il n’ef Testamaint, in-8°, Bâle, 1648. Les Psaumes furent traduits

par J. Grass, Zurich, 1683. Une Bible entière : La S. Bibla, contenant même les apocryphes, c’est-à-dire les deutérocanoniques, et due à la collaboration de la plupart des ministres de la région, parut in-f°, Coire, 1719. Une 2= édition en 2 vol. fut faite, 1818-1820. En 1870, cette version fut éditée à Francfort aux frais de la Société biblique d’Angleterre sous ce titre : La Bïblia u la Sontga Scartira dit Veder a Niev Testamaînt. Enfin Otto Carisch a publié : llg niev Testamaînt suenler ilg original grec, Coire, 1856. Voir F. Rausch, Geschichte der Literatur des Rhâto-Romans Volkes, Francfort, 1870. On trouvera aussi la parabole de l’enfant prodigue en douze textes romanches, dans Coquebert de Mon tbret, Mélanges sur les patois de France, 1831. Cf. J. Le Long, Bibliotheca sacra, in-f°, Paris, 1723, t. i, p. 369370 ; Kirchenlexikon, 2e édit., 1883, t. iii, col. 742-743 ; Realencyclopàdie fur protestantische Théologie und Kirche, 3e édit., 1897, t. iii, p. 144.

E. Mangenot.

    1. ROMANES##

ROMANES (VERSIONS) DES SAINTES

ÉCRITURES. On désigne sous ce nom les traductions de la Bible en langues romanes, ou néo-latines, c’est-à-dire en francais, t. ii, col. 2346-2373 ; en italien, t. iii, col. 1012-1038 ; en espagnol, t. ii, col. 1952-1956 ; en catalan, t. ii, col. 345 ; en portugais, col. 559, 569 ; en romanche, col. 1176. Voir aussi Roumaines (Versions).

    1. ROMATHITE##

ROMATHITE (hébreu : hâ-Râmâtî ; Septante : h.’PariX ; Alexandrinus : 6’Pau.a9ai’o !  ;  ; Vulgate : Romathites), originaire de Rama de Benjamin. Ce qualificatif indique la patrie de Séméias, chargé de la culture des vignes royales du temps de David. I Par., xxvil, 27..

ROME (grec : T ?.ti|iïi ; Talmud : « dit, rdr), capitale de l’Empire romain, lors de la naissance de Notre-Seigneur, devenue depuis la capitale du monde catholique. — Les origines de la ville des Césars sont plus légendaires qu’historiques et ce n’est pas le lieu de s’en occuper ici. La tradition romaine la plus ancienne reconnaît l’existence de villages distincts sur les sept collines avant Romulus. Le Palatin semble avoir été le principal et c’est là que des bergers venus d’Albe pour chercher des pâturages auraient été les premiers fondateurs de Rome, ainsi nommée, d’après une des nombreuses étymologies qu’on en a données, de rumon, « fleuve », parce qu’elle était située près du lleuve(le Tibre). Guidi, Bullettino archeol.com., 1881, p. 63. Romulus fit du Palatin une place fortifiée, qui fut ainsi le noyau de la capitale du monde. Elle eut pour limites un retranchement tracé autour de la colline et formant un carré d’environ 400 mètres de côté. La fondation de la Roma quadrata est fixée au 21 avril de l’an 752 (753) avant J.-C. Ce n’était qu’une sorte de camp où l’on habitait dans des chaumières. D’après la tradition romaine, te village de Saturnîa, appelé depuis le Capitule, fut réuni de bonne heure au Palatin. Au dire de Denys d’Halicarnasse, Numa Pompilius y ajouta le Quirinal. Après lui, ïullus Hpstilius l’agrandit du Coelius, Ancus Martius de l’Aventin, Tarquin l’Ancien de l’Esquilin et du Viminal. Ainsi furent réunies les trois races principales : latine, sabine et étrusque, qui habitaient les sept collines et devinrent le peuple romain (fig. 239). La situation de la nouvelle capitale était extrêmement avantageuse et favorisa son rapide développement. Tite Live, v, 54, l’a très bien dit : Flumen opportunum, quo ex mediterraneis locis fruges devehantur, quo maritimi commeatus accipiantur, mare vicinum ad commoditates, nec expositum nimia propinquitate ad pericula classium externarum, regionum ltalise médium, ad incrementum urbisnatum unice locum. — Servius Tullius partagea Rome en quatre régions, Denys d’Halicarnasse, iv, 14 (fig. 240) ; Auguste divisa la ville agrandie en quatorze régions.

I. Rome dans l’Ancien Testament. — Le prophète Daniel, xi, 30, parle des Romains, mais sans les nommer expressément. Leur nom apparaît pour la première fois dans les livres des Machabées. Ils nous apprennent qu’Antiochus IV Épiphane, dont Daniel avait prédit l’humiliation future par les Romains et par Popilius, voir t. i, col. 697, avait été otage à Rome, I Mach., i, 11 ; que Démétrius I er Soter, fils de Séleucus, l’avait été aussi à son tour pour y remplacer comme tel son oncle Antiochus épiphane, I Mach., vii, 1, voir t. ii, col. 1358 ; ils nous racontent surtout l’alliance que contracta avec les Romains Judas Machabée afin d’obtenir leur appui contre les rois de Syrie (161 avant ! . -C). I Mach., viii, 1-31 ; II Mach., iv, ll. Voir t. iii, col. 1801, Le frère de Judas, Jonathas Machabée, renouvela l’alliance avec Rome (144 avant J.-C). I Mach., xii, 1-4, 16. Voir t. iii, col. 1623. Les Romains s’associèrent au deuil des Juifs à la mort de Jonathas et renouvelèrent l’alliance {139 avant J.-C.) avec Simon son frère, qui lui succéda, et envoya à Rome de riches présents. I Maoh., xiv, 16-19, 24, 40 ; xv, 15-24. Une des causes pour lesquelles Antiochus Épiphane avait fait la guerre aux

  • , ’239. — Rome assise sur les s>ept collines.

Monnaie antique agrandie.

Juifs était de se procurer par la vente des esclaves dont il s’emparerait une partie de la somme qu’il devait payer aux Romains. II Mach., viii, 10. L’alliance que les Machabées contractèrent avec Rome leur fut profitable dans leur lutte contre les Séleucides ; les légats romains Memmius et Manilius confirmèrent en particulier par Une lettre les privilèges que Lysias avait accordés aux Juifs, au nom des rois de Syrie, II Mach., xi, 34-38 ; mais cette intervention dans les affaires de la Judée de. vait amener peu à peu la prise de possession du pays-Pompée s’empara de Jérusalem l’an 63 avant J.-C. Tacite, Hist., v, 9 ; Florus, iii, 5, 30. Il emmena à Rome comme esclaves un certain nombre de Juifs qu’il avait fait prisonniers, mais la capitale du monde en avait déjà vus auparavant. Quelques-uns de ceux qui avaient accompagné Numénius, l’ambassadeur de Jonathas et de Simon Machabée, dans ses deux voyeges à Rome, cf.

I Mach., xii, 16 ; xiv, 24 ; xv, 15 (voir Numénius, t. iv, col. 1715), y avaient sans doute fait de la propagande religieuse, car c’est probablement à cette époque que se passa le fait rapporté par Valère Maxime, I, iii, 2, et dont on admet généralement aujourd’hui l’authenticité.

II raconte que « Cornélius Hispalus força ceux qui avaient essayé de corrompre les mœurs romaines par le culte simulé de Sabazius Jupiter, de retourner chez eux. » Cf. J. Marquardt, Le culte chez les Romains, trad. M. Brissaud, t.i, Paris, 1889, p. 100, note 1. CeJupiter-Sabaziuspeut n’être que le nom altéré de Jéhovah Sabaoth (voir la note de l’édit. Lemaire, 1822, p. 30) et les expulsés sont vraisemblablement les Juifs, Reinach, Textes relatifs au judaïsme, p. 259. Quoi qu’il en soit, les Juifs désormaissoumis aux Romains depuis.Pompée, ne durent pas tarder à se rendre en assez grand nombre à Rome pour leurs affaires et pour leur commerce.

II. Rome dans le Nouveau Testament. — I. les

JUIFS À ROME AV COMMENCEMENT DE L'ÈRE CBBÉTIENNE. — Avec l'établissement de l’empire sous Auguste, Rome acquit un nouvel éclat et exerça sur les étrangers, sn particulier sur les Juifs, une sorte de fascination. Comme l’a dit notre vieux poète J. du Bellay :

Rome fut tout le monde et tout le monde est Rome.

Le roi juif Aristobule avait été emmené à Rome avec ses enfants par Pompée, son vainqueur. Josèphe,

rèrent-ils sa mort. Suétone, Div. Julius, 84. Cf. Josèphe, Ant.jud., XIV, x, 8. Auguste et aussi Tibère, dans la seconde partie de son règne, leur furent également favorables. Il leur était permis de pratiquer leur religion et leurs coutumes. Philon, lac. cit. Leur nombre avait si rapidement augmenté que, lorsque les Juifs envoyés en ambassade de Palestine auprès d’Auguste pour faire entendre leurs plaintes contre Archélaùs arrivèrent dans la capitale, ils y furent appuyés par plus de huit mille de leurs coreligionnaires établis à Rome. Jo 240. — Carte dsRoma qttadrata, du Septimontium, des quatre régions et de l’enceinte de Servius Tullius. D’après L, . Homo.

Ant. jud., XIV, IV, 5. Un quartier spécial fut bientôt attribué aux Juifs qui après la guerre y avaient été vendus comme esclaves et avaient été ensuite affranchis ou qui s’y étaient rendus volontairement, attirés par l’espoir de s’enrichir dans la grande ville. Ce quartier n'était pas le Ghetto moderne, entre le Capitole et l'île du Tibre, mais la rive du Tibre, dans la partie appelée aujourd’hui le Transtévère. Philon, Légat, ad Caium, édit. Mangey, p. 568. Cette situation était très favorable à leur commerce, rendu facile par le voisinage du fleuve. Aussi les Juifs acquirent-ils bientôt de l’importance à Rome. La-manière dont en parle Cicérondans son discours en faveur de Valérius Flaccus montre qu’on était déjà obligé de compter avec eux. Pro Flacco, 28, 69. Jules César les traita avec bienveillance, aussi pleu sèphe, Ant. jud., XVII, xiii, 2 ; Bell, jud., II, vi, 1 A l'époque où Tibère les bannit de la ville, à cause des crimes commis par quelques-uns d’entre eux, quatre mille furent enrôlés dans l’armée romaine et envoyés en Sardaigne. Josèphe, Ant. jud., XVIII, iii, 5 ; Tacite, Ann., ii, 85 ; Suétone, liber., 37, 66.

Malgré tout, leur nombre augmentait toujours. Us faisaient des prosélytes, surtout parmi les femmes des hautes classes. Horace, Satir., i, 4, 114 ; Juvénal, Satir., m, 14 ; vi, 642 ; xiv, 96. On peut conclure des allusions de Juvénal, iii, 10, 15, de même que des catacombes exclusivement juives de Rome, qu’ils avaient débordé le quartier du Transtévère et s'étaient répandus un peu partout. Cꝟ. 0. Marucchi, D’un antico cimitero giudaico, dans les Atti deW Accad. rom., 1884. Les Actes,

xviii, 17, parlent de l'édit de l’empereur Claude, qui les chassa de Home, l’an 9 de son règne (49 ou 50). Orose, vii, 6, t. xxxi, col. 1075. Judseos, impulsore Chresto, assidue tunwltuantes Roma expulit, dit Suétone, Claud., 25, mais ils ne tardèrent pas à y rentrer, tant était considérable l’influence qu’ils y avaient déjà acquise. Sénèque (dans S. Augustin, De civ. Dei, vi, 11, t. xli, col. 192), en parle avec amertume : Cum intérim usgue eo sceleratissimx gentis consuetudo convaluit, ut per omnes jam terras recepta sit : victi victoribus leges dedervnt. — La Providence avait ainsi envoyé à Rome les descendants d’Abraham pour préparer les voies à l'établissement du christianisme dans la capitale de l’empire. Sans le vouloir et malgré eux, ils allaient faciliter à Pierre et à Paul leur

241. — Restes de la Porta Capena. D’après une photographie de M. l’abbé Saint-Martin.

mission évangélique : les Apôlres n’avaient plus qu'à venir.

II. SAWT PIERRE ET SAINT PAUL À ROME. — 1° Les troubles dont parle Suétone et qui furent l’occasion de l'édit de Claude, doivent s’entendre sans doute des dissensions que provoqua parmi les Juifs la prédication de l'Évangile. Les chrétiens ne furent pas tout d’abord distingués des Juifs proprement dits, parce qu’ils étaient eux-mêmes la plupart d’origine juive. Nous ignorons par qui et quand la bonne nouvelle fut apportée pour la première fois dans la capitale du monde. Ce fut probablement peu après la Pentecôte par quelqu’un des Juifs de Rome qui se trouvaient alors présents à Jérusalem. Act., ii, 10. Parmi les trois mille convertis qui crurent alors à la parole de Pierre, ꝟ. 41, il devait se rencontrer vraisemblablement quelque advena Romanus. Quand le prince des Apôtres arriva un peu plus tard dans la capitale de l’empire, voir Pierre, col. 373, le nom du Christ Jésus y était donc sans doute déjà honoré par un groupe de tidèies. Ce qui est certain, c’est que, avant l’arrivée de saint Paul à Rome, cette ville comptait des chrétiens dans ses murs, parmi lesquels Andronique et Junie s'étaient convertis avant l’Apôtre lui-même. Rom., xvi, 7, L’ipitre aux Romains,

xvi, énumère dans les salutations vingt-quatre chrétiens de marque qui habitaient la cité des Césars, et tout son contenu suppose qu’ils étaient assez nombreux. Rom., i, 8. Plusieurs des Juifs qui avaient été chassés de Rome par l'édit de Claude étaient devenus disciples de saint Paul, et étant retournés dans cette ville, ils avaient grossi le nombre des fidèles et des prédicateurs. Act., xviii, 2, 3, 18 ; Rom., xvi, 3, 7, 9, 12. Voir Romains (Épitreaux), col. 1165.

2° Depuis plusieurs années, l’Apôtre des gentils caressait le désir d’aller prêcher dans la capitale de la gentilité. II regardait ce voyage comme un devoir : Atï (is xaî 'P[i[rr, v ÏSsïv. Oportet me et Romani videre. Act., xix, 21. Les circonstances seules l’avaient forcé de retarder l’accomplissement de son projet. Rom., i, 13. Nous ignorons comment se fit le premier voyage de saint Pierre à Rome, mais nous savons comment s’y rendit saint Paul. À Césarée de Palestine, accusé par les Juifs devant le procurateur Festus, il fit appel à César et en conséquence, il fut conduit comme prisonnier au siège de l’empire. Act., xxv, li-12, 25. Saint Paul débarqua à Pouzzoles. Des chrétiens de Rome, informés de son arrivée, allèrent à sa rencontre jusqu'à Forum Appii et par la via Appia, ils vinrent à Rome où ils entrèrent par la porte Capène, qui s’ouvrait dans cette partie de l’enceinte de Servius Tullius, dont on peut voir encore des restes dans la cave de YAntica Osleria di Porta Capena (fig. 241). C’est donc chargé de chaînes et cependant entouré de fidèles qui le vénéraient plus qu’un' César, que l’Apôtre des gentils mit pour la première fois le pied sur le sol de cette capitale que sa parole, avec celle de saint Pierre, allait transfigurer et rendre encore plus glorieuse et plus illustre :

Di quella Roma onde Christo è romano. Dante, Purgat., xxxii, 102.

3° Saint Paul entra dans Rome l’an 61, la septième année du règne de Néron, sous le consulat de Cœsennius Pætus et de Petronius Sabinius Turpilianus. Quels durent être ses sentiments à la vue de cette reine du monde, qui tenait l’univers sous sa domination et était le siège de l’idolâtrie ? Celui dont l’auteur des Actes nous dit qu'à la vue d’Athènes, incitabatur spiritus ejus in ipso videns idololatriss deditam civitalem, Act., xvir, 16, ne dut pas être moins ému en contemplant tant de signes de superstition et tant de monuments du paganisme au milieu de cette immense cité. Qu'était Jérusalem, qu'était Athènes auprès ; de cette capitale ! Elle avait grandi depuis Servius Tullius et débordé de son enceinte trop étroite. Elle comptait maintenant, avec ses faubourgs, une population que les uns estiment à un million (0. Marucchi, Excursioni archeol. in Roma, p. 25), d’autres à un million et demi d’habitants. Fr. de Champagny, Les Césars, t. iv, p. 347-353. Elle se composait de représentants de toutes les parties du monde, attirés par l’ambition, l’amour du luxe, ta soif des jouissances et des plaisirs, les besoins de l’administration et les affaires. Le philosophe grec y coudoyait le rhéteur d’Asie, l’astrologue de Chaldée, le magicien d’Egypte, le prêtre d’Isis, parmi les Latins et les Juifs. L’Apôtre des Gentils allait avoir un vaste champ pour exercer son zèle, mais qui, parmi ceux qui le virent entrer dans Rome et le remarquèrent à peine au milieu de ceux qui lui faisaient escorte, aurait pu s’imaginer qu’un grand événement s’accomplissait à cette heure et que c'était l’envoyé d’un conquérant plus grand que les Césars qui venait préparer la prise de possession de son Maître ?

4° La capitale de l’empire n’avait pas encore tout l'éclat qui la rendit si belle et si somptueuse dans la suile sous le gouvernement des empereurs, après l’incendie de Néron. Les superbes monuments dont les ruines

nous remplissent aujourd’hui d’admiration n’étaient pas alors élevés. La ville n’était pas bâtie d’après un plan régulier. Les rues étaient étroiles, tortueuses, non pavées, malpropres, boueuses ou poussiéreuses, angusti et flexi viei, dit Suétone ; arcta itinera, ditTacite, Ann., xv, 38 ; Romani in montibtts posilam et convallibus, csenaculis sublatam atgue snspensam, non oplimis viis, angustissimis semitis, dit Cicéron, ii, De lege agraria, 35. Les maisons étaient trop hautes, eœnacula excelsa, dit Pline, H. N., XXXVI, XIH, 88 ; Auguste interdit de les élever de plus de 70 pieds (environ 21 mètres). Strabon, v, 7. Souvent mal bâties, elles manquaient de solidité ; la fièvre y exerçait fré c’estque, malgré sa captivité, il put jouir d’une liberté relative. Il fut autorisé à demeurer dans une maison qu’il loua, èv îSe’ui (ico6ci|iati, ira suo conductu, avec le soldat qui le gardait, Act., xxviii, 16, 20. Il était enchaîné, Eph., VI, 20 ; Phil., 1, 13 ; mais sa parole ne l’était pas. Laboro usque ad vincula, comme il l’écrivait plus tard à Timothée, sed verbum Dei non est alligatum. II Tim., ii, 9. Saint Luc nous dit expressément, Act., xxviii, 30-31, qu’il recevait tous ceux qui voulaient le visiter et qu’il leur prêchait le royaume de Dieu, Il fit entendre sa voix même à quelques-uns de ceux qui appartenaient à la maison de César. Phil., i, 13 ; IV, 22. Et comme il avait toujours la sollicitude des Églises

242. — Via Appia, entre le cinquième et le sixième milles. D’après une photographie.

quemment ses ravages. Gomme beaucoup d’habitations étaient en bois, les incendies n’y étaient pas rares. Voir Attilio Profumo, Le Fonti ed i tempi dello incendia Neroniano, in-4°, Rome, 1905, p. 405-407. La moitié de la population de Rome était esclave. La plus grande partie du reste des habitants était pauvre et vivait des largesses des empereurs. L’industrie était inconnue. Le nombre des familles riches était restreint. Il n’y avait pas de classe moyenne. Pauvres et esclaves étaient entassés dans d’étroits espaces. Une des choses qui étonnent le plus les visiteurs de la maison dite de Livie au Palatin et des maisons conservées à Pompéi par les cendres du Vésuve, c’est la petitesse et l’exiguité des appartements, où l’on a été parfois obligé d’échancrer le mur pour y faire tenir le lit.

5° C’est dans quelque réduit analogue que dut résider saint Paul, pendant les deux ans qu’il attendit sa sentence, Act., xxviii, 16, 30, et pendant son dernier séjour à Rome. Lors de sa première captivité, il habita, soit auprès du camp des prétoriens, établi hors des murs par Tibèreau nord-est de la ville, Tacite, Ann., iv, 2 ; Suétone, Tiber., 37 ; soit près de la caserne attachée à la résidence impériale sur le Palatin. Ce qui est certain,

qu’il avait fondées, pendant cette première captivité, il écrivit alors outre son Épitre à Philémon, ses Épîtres aux Philippiens, aux Colossiens et aux Éphésiens. C’est aussi de Rome que fut écrite, an peu avant son martyre, sa seconde Épitre à Timothé ». Voir Paul, t. iv, col. 2226-2228. L’emprisonnement de l’Apôtre se termina par un acquittement. Ibid., col. 228. Cf. II Tim., iv, 17. Mais le livre des Actes ne nous fournit plus de renseignements sur sa délivrance ni sur ses dernières années. Il revint à Rome, fut jeté une seconde fois en prison et, cette fois, il n’en sortit que pour subir le martyre, en 67. Voir t. iv, col. 2230.

6° Sur le séjour de saint Pierre à Rome nous avons^ encore moins de détails que pour saint Paul, mais il est démontré, malgré tous les efforts des ennemis de l’Eglise catholique en sens contraires, qu’il établit sa chaire à Rome, qu’il y vécut de longnes années, vingt-cinq ans, d’après le Liber pontificalis, et qu’il y mourut martyr sur une croix (an 67). Voir Pierre, col. 373376° SaintPaul eut la tête tranchée aux Trois-Fontaines ; . saint Pierre fut crucifié au Vatican, comme nous le dirons plus loin.

III. SAINT JEAN L’ÉVANGÉLISTE À ROME. — SOUS Ves Uictioimatre de ta Biïjle

Letoutey et Ane-Paris

jtesç&2Z££^ï£m^

ImpI)ufrmoy-.Pari&.

PLAN COMPARÉ DÉ ROME ANCIENNE ET MODERNE.

pasien et sous Titus, les Juifs furent hien traités à Ror&e et les chrétiens, qu’on confondait encore souvent avec eux, à cause de leur genre de vie, bénéficièrent de la large tolérance qui leur était accordée. Mais sous Domitien, la persécution recommença. La rapacité de cet empereur en fut la cause première. II voulut obliger les chrétiens, qui judaicam viverent vitam, Suétone, Domit., 12, à payer le tribut du didrachme, autrefois destiné à l’entretien du temple de Jérusalem, et, depuis sa destruction, consacré soi-disant aux édifices du Capitole. Josèphe, Bell, jud., VII, VI, 6 ; Dion

Cette porte donnant accès à la voie Latine ne fut ouverte qu’aux jours où Aurélien recula l’enceinte de la ville… Jean sortit intact et sain du bain de feu… Domitien rassuré sur le compte des chrétiens commençaità relâcher ses poursuites. Cesoutfte de clémence détourna les magistrats de s’acharner contre un vieillard ; ils se contentèrent de le reléguer dans l’Ile de Patmos. » C. Fouard, Saint Jean, Paris, 1904, p. 99100. Voir Je/un - 7, t. iv, col. 1165. On peut dire que le souvenir du voyage de saint Jean à Rome et de ce qu’il y avait souffert est resté marqué en traits de feu dans

. -243. — Le tombeau de Cœcilia Métella sur la Voie appienne. Il avait été construit avant l’arrivée de saint Paul, entre 686 et 700, de Rome. Nibby, Roma antica, Rome, 1839, t. ii, p. 550. Les créneaux ont été ajoutés en 1299 de notre ère. D’après une photographie de M. H. Saint-Martin.

Cassius, lxvi, 7. Les chrétiens, considérant comme une sorte d’apostasie la soumission à cet impôt, qui les confondait avec les Juifs, refusèrent la plupart de l’acquitter et on les poursuivit devant les tribunaux comme athées. Suétone, Domit., 12 ; Dion Cassius, lxvii, 14. La persécution contre les chrétiens s’étendit -de proche en proche et fit des victimes en Asie Mineure, a Smyrne, Apoc, ii, 10 ; à Pergame, ii, 43 ; et ailleurs, v, 6 ; vi, 9, 10 ; xx, 1. Saint Jean résidait alors à Éphése ; il en fut lui-même victime. Domitien avait tlonné l’ordre d’arrêter et d’amener à Rome lès descendants des rois de Juda, ce qui fut fait. Hégésippe, dans Eusèbe, H. E., iii, 19, 20, t. xx, col. 252-256. Saint Jean, si renommé pour avoir vécu dans l’intimité du Sauveur, fut peut-être arrêté au même titre. On l’amena à Rome et il fut condamné à périr dans une chaudière d’huile bouillante. « Le lieu traditionnel de son exécution es, t la Porte Latine, ou, pour mieux dire, l’espace, libre alors, qu’occupa plus tard cette barrière de Rome.


l’Apocalypse. Saint Pierre avait déjà désigné Rome sous le noni de Babylone. 1 Pet., v, 13. C’est sous ce titre qu’elle apparaît, Apoc, xiv, 8 ; xvi, 19 ; xvii, 5 ; xviii 2. Dans le livre du prophète de Paticos, Vurbs septicollis, Apoc, xvii, 9, opposée à Jérusalem, Rome qui siège super aquas multas, xvii, 1, comme une reine vêtue de pourpre et d’or, est « la grande Babylone, mère des abominations de la terre, ivre du sang des martyrs, la grande ville qui a l’empire sur les rois de la terre. » xvii, 4, 5, 6, 18. Le quatrième livre d’Esdras, iii, 1, 2 ; xv, 43, et l’Apocalypse de Baruch appellent également Rome Babylone. Saint Jean la décrit aussi, Apoc, xiii, sous l’emblème d’une bête monstrueuse, dont la bouche profère des blasphèmes et qui exerce sa fureur contre les saints. L’heure de la justice et de la vengeance viendra : Cecidit, cecidit Babylon Ma magna, quse a vino iræ fornicationis suas potauit omnes gentes. Apoc, xiv, 8. Mais le sang des martyrs, qui lui a mérité le châtiment annoncé par le prophète, donnera à Rome

V. - 38

1187

ROME

1188

une Vie et une gloire nouvelles. C’est l’Église elle-même, l’Église qui a été d’abord victime de ses persécutions, qui chantera un jour dans l’hymne de la fête des apôtres Pierre et Paul :

Romafelix, quse duorum-principum Es consecrata glorioso sanguine. Horum cruore purpurata esteras

Excellis orbis una pulchritudines.

Ses empereurs et ses grands hommes n’avaient pu lui conserver sa splendeur ; deux Juifs, un pêcheur du lac de Génésareth, un fabricant de tentes de Tarse, l’ont rendu plus glorieuse que jamais. C’est à eux qu’elle doit d’avoir survécu à tous les désastres et à toutes les ruines, et d’être encore Urbs Borna. Un poète anonyme disait avec raison, lorsque Constantinople lui eut ravi son titre de capitale de l’empire (Marucchi, Excursioni archeol. in Roma, parte II, p. 47) :

Conslantinopolis florens nova Borna vocatur, Mœnibus et mûris Roma vetusta cadis. Non si te Pétri meritum Paulique foveret, Tempore jam longo misella fores.

III. Sduvenibs apostoliques a Rome. — La Rome chrétienne a conservé et honoré le souvenir de ses

245. — La prison Mamertîne.

Apôtres et l’on peut suivre encore aujourd’hui leurs traces dans la ville éternelle. — 1° C’est par la via Appia que saint Paul arriva dans la capitale de l’empire. Cette voie, restaurée parJPie IX, en 1850-1853, jusqu’à la onzième pierre miliiaire, se présente encore à nous, en partie, avec l’aspect qu’elle oflrjt aux yeux de l’Apôtre des Gentils (fig. 242 et 243).

2° Nous avons vu plus haut, col. 1182, qu’il reste encore quelques débris de l’ancienne porte de Capoue, porta Capena, par laquelle saint Paul fît son entrée dans la ville.

3° Les Castra prsetoriana. — Une caserne marque encore aujourd’hui l’emplacement où se trouvait le camp des Prétoriens (fig. 244), et où saint Paul dut être conduit par les soldats qui l’avaient amené prisonnier. Cf. Phil., i, 13..Le textus receptus grec, Act., xxviii, 16, contient, d’après quelques manuscrits du vine au x » siècle, ces mots, qui ne sont ni dans les plus anciens manuscrits grecs (ni dans la VuJgate) : 6 èxa-zàtzapyos itapéSoixe toiç Ss^iu’ou ; t<S orpaTOuESâpx^, « le centuriqn

remit le prisonnier au préfet du camp ». Si l’on peut ajouter foi à cette addition, comme le prœfectus ca~ strorum devait avoir son habitation dans le quartier même des prétoriens, l’Apôtre demeura probablementdans le voisinage et opéra sans doute la conversion de quelques soldats. 0. Marucchi, S. Pietroe S. Paolo in Roma, 1900, p. 23-25. Quelques savants croient cependant plus probable qu’il résida prés du Palatin où se trouvait une caserne pour la garde impériale. L’opinion qui fixe le séjour de l’Apôtre à l’endroit où s’élève aujourd’hui Santa Maria in via hâta, à la jonction de l’ancienne via Lala et de la via Flaminia (le Corso actuel) ne s’appuie pas sur des documents dignes de foi. Marucchi, /S. Pietroe S. Paolo in Roma, p. 157-159. Il n’y avait pas là de maison privée, mais le portique qui entourait les Septa Julia, mentionnés sur le plan capitolin de Rome. Ce sont des restes de ce portique qu’on voit dans le souterrain de l’église. Marucchi, Basiliques de Rome, 1902, p. 393.

4° L’église de San Paolo alla Regola (ainsi appelée du mot arenula, à cause du sable déposé là par le Tibre), près du Ghetto. Elle était nommée primitivement Scuola di SanPaolo, parce qu’il y a en cet endroit une chambre souterraine fort ancienne, où l’Apôtre, disait-on, avait instruit ses premiers convertis, mais on n’a du fait aucune preuve. Voir Bartolomei, Sulla Chiesa di San Paolo alla Regola, Rome, 1858 ; M. Armellini, Le Chiese di Roma, 1887, p. 499.

5° Deux chapelles rappellent le martyre de saint

246. — Cirque, avec la spina, l’obélisque et les duse mètre ; au-dessous un côté^de l’arène et les ebars. D’après une pierre gravée. Rich, Dictionnaire des antiquités, 1873, p. 566.

Pierre et de saint Paul. L’une est l’oratorio délia separazione, sur la voie d’Ostie. Marucchi, S. Pietroe S. Paolo in Roma, ]). 155-156. Il a remplacé un oratoire du moyen âge et marque le lieu non authentique où l’on raconte que saint Pierre et saint Paul se séparèrent en allant au martyre. L’autre chapelle, sur la via Appia, à dix minutes de la porte de Saint-Sébastien, bien connue, sous le nom de Domine, quo vadis, est ainsi nommée parce que saint Pierre, fuyant la persécution, y aurait rencontré Notre-Seigneur et lui aurait adressé ces paroles. Jésus-Christ lui aurait répondu : Redeo Romam ut iterum crucifigar, ce qui aurait fait revenir sur ses pas le prince des Apôtres pour aller subir le martyre. Ce récit se lit dans les actes des martyrs saints Processus et Martinien, qui ne sont pas antérieurs au Ve siècle. Les deux chapelles sont modernes ; la seconde a succédé à une autre plus ancienne. Il y avait là au xiii a siècle une Ecclesia ubi Dominus apparuit. Marucchi, S. Pietro e S. Paolo, <p. 150-153.

6° Maison de Pudens. — Saint Pierre et saint Paul, d’après une ancienne tradition consignée dans le Liber pontificalis (par interpolation), et dans d’autres documents, Acto sanctorum, t.n maii, p.295 ; J.-B.lJeRossi, Plans du Cirque de Néron et des deuK Basiliques de Sainr-Pierre(ancienne et nouvelle]

Le plan de la "Basilique Constantinienne d’après celui de Tibério Alfarano ( 1590) expliqué dans De Rossi, Inscriptionea Christian » urbls Romee, t. 11, Rome, 1888, page 229.

Le rapport établi entre les deux basiliques et le Cirque de Néron d’après la Forma urbis Romœ de R. Lanciam, in-folio, (Milan, 1893* 1901, pi. Xlll.

Eh kouge

Cûque de Néron.

N.

Nef.

En noir

Basilique Constantinienne.

A.

Atrium.

En bleu

Basilique actuelle.

a.

Pinea.

O.

Obélisque. *

b.

Fontaine.

flLM*

Metae (Bornes du Cirque).

B.

Samte ; Pétronille, J Ces a " »  » > » *<* » B et D ont

G.G’Gradins du cirque dont une

partie

sert de

(Mauso.ee de Vaïentinien U). lZJE3^ « "t££S

soubassement aux colonnes de

gauche

D.

Saintvndré J eu eeJises.

de l’ancienne basilique.

(’Mausolée de la famille théodosienne).

C~

Confession (Tombeau de saint

Pierre).

V.V

Via Camélia.

R.

Degrés de l’ancienne basilique. 4189

ROME

U9a

Bullettino di archeologia crisliana, 1867, p. 43-44, réunirent plusieurs fois les premiers chrétiens sur le Viminal, dans la maison de Pudens, nommé II Tim., iv, 21. Elle était située à l’endroit où s’est élevée depuis l’église Sainte-Pudentienne (voir Pudens, col. 862), d’après l’opinion commune.

7° L’église de San Pietro in Vincoli, non loin du Colisée, où l’on révère les chaînes de saint Pierre, est attribuée par le Martyrologe hycronymien à l’apôtre lui-même, au 1 er août : Romse dedicatio Ecclesiæ a B. Petro conslructæ et ssdificatss, ce qu’on pourrait peut-être entendre en ce sens que saint Pierre a réuni quelquefois les fidèles en cet endroit. Marucchi, Basiliques de Borne, p. 816.

8° Maison de Prisque et d’Aquila. — Saint Paul dit

S. Giovanni in Laterano, au-dessus de laquelle s’éleva dès les premiers siècles de l’ère chrétienne une église qui fut consacrée à la mémoire du saint. Voir Mullooly, St. Clément pope and martyr and his basilica in Borna, 2e édit., 1873.

10° Une autre tradition ancienne fait conférer le baptême par le prince des Apôtres dans le cimetière ostrien, ainsi appelé des Ostorii qui en furent les fondateurs : Cœmeterium ostrianurn ubi Pelrus apostolus baptizavit, portent les Actes du pape Libère, qui sont apocryphes, il est vrai, mais remontent au moins au ve siècle. Mansi, Concil., t. i, p. 222. Ce cimetière a été d’abord identifié avec celui qui fut découvert en 1873 dans sa propriété par Mï r Crostarosa. Voir Marucchi, S. Pietroe S. Paolo in Borna, p. 100-107. Aujourd’hui

247. — La basilique de Saint-Pierre et le Vatican au moyen âge. D’après un ancien dessin. Marucchi, Basiliques et Églises de Rome, t. iii, p. 113.

en termes formels qu’il y avait dans la maison de Prisque et d’Aquila « une église domestique » où se réunissaient les fidèles et il la salue. Rom., xvi, 3-5. On place généralement cette maison à l’emplacement où est aujourd’hui l’église de Sainte-Prisque. Une inscription en vers que fit apposer le pape Calliste III (1455-1458), quand il restaura l’église et qui est à gauche du grand autel :

…Petrus id docuit populus dum ssspe doceret, Dum faceret magno sacraque srnpe Deo

Dum quos Faunorum factis deceperat error, Hic melius sacra purificaret aqua…

M. Armellini, Le chiese di Borna, p. 561. Cette tradition remonte au moins au vine siècle. Voir Mai, Script, vet., t. v, p. 148 ; J.-B. DeRossi, Bull, diarcheol. crist., 1887, p. 45 ; V. Carini, Sul titolo presbiterale di santa Prisca, Rome, 1895.

9° On peut admettre comme très vraisemblable que saint Pierre et saint Paul ont réuni aussi quelquefois tes premiers chrétiens dans la maison de saint Clément, dans la région du Coelius, à la rue actuelle de

M. Marucchi l’identifie avec le cimetière de Priscille. Voir Pudens, col. 864. *

11° La prison Mamertine. — D’après une tradition ancienne, les apôtres Pierre et Paul furent enfermés avant leur martyre dans la prison Mamertine, près du Forum. Ce nom de Mamertine ne date que du moyen âge, mais la prison, Tite Live, i, 33, remonte jusqu’à Ancus Martius, le quatrième roi de Rome (641-617 avant J.-C), qui la fit construire. Elle s’appela d’abord simplement Carcer. Sa partie inférieure reçut le nom de Tullianum ideo quod additum a Tullio rege, dit Varron, L. L., v, 32. Cf. Salluste, Cat., 55. Saglio etDaremberg, Uict. des antig., t. ii, p. 917-918, au mot Carcer. Les Actes des saints Processus et Martinien, qui sont du ve ou du y Ie siècle, racontent que ces deux martyrs furent baptisés par saint Pierre dans cette prison où il attendait le supplice. Cette tradition, dit M. Marucchi, « ne contredit d’une manière absolue, ni l’histoire ni l’archéologie, puisque la prison Mamertine avec le Tullianum placé au-dessous était certainement la prison publique de la ville, même à l’époque impériale. » i>. Pietroe S. Paolo in Borna, p. 148 (fig. 245).

12° Lieu du martyre de saint Pierre et de saint Paul. — a) La tradition est constante et uniforme sur le lieu du martyre de saint Paul, mais il n’en est pas de même pour saint Pierre, l’une le plaçant au Vatican, l’autre sur le Janicule. La tradition la plus ancienne est en faveur du Vatican. Le Liber pontificalis, édit. Duchesne, p. 52, dit que son corps fut déposé nia Aurélia in témpïo Apollinis (apud templum Apdllinis) juxta locum ubi cruciftxus est juxta pàlatium neronianum iH Vaticanum in territorium triumphale. Les Actes apocryphes, il est vrai, mais fort anciens, déterminent exactement le lieu du martyre, apud pàlatium neronianum juxta obetiscum. Vue tradition postérieure le place inter duas mêlas (du cirque). Ces indications désignent le cirque Vatican qui se trouvait dans la villa de Néron, le palatiumneronianum. Le cirque avaitson

orbis veneraiione celebratur, dit saint Jérôme. De vir. M., 1, t. xxiii, col. 609. Cf. le témoignage de Caius, dans Eusèbe, H. E., ii, 25, t. xx, col. 209. On accédait autrefois à la Confession de Saint-Pierre et auprès des reliques du saint Apôtre. Elles furent soigneusement fermées en 846 à l’époque où Rome fut assiégée par les Sarrasins et depuis ce temps elles sont restées invisibles. L’autel papal s’élève au-dessus du tombeau apostolique dans la basilique actuelle (fig. 248).

h) Le lieu du martyre de. saint Paul est ainsi indiqué dans les Actes apocryphes des Apôtres : Eîç [icciraàv xaXouuivvjv Axxo’jai aaXSiaç lù.-^ai toO 8év8pou toO crtpo6fXou. Tischendorf, Acta Apostolorum apocrypha, p. 35. Cette notice est confirmée par Ve Liber pontijxcalis et par les anciens pèlerins qui placent le martyre de l’apôtre des Gentils ad aqvas Salvias, J.-B. De

=â 7

249. — Inscription du tombeau de saint Paul à la basilique de Saint-Paul-hors-les-Murs.

axe parallèle à celui de la basiiique actuelle de Saint-Pierre ; les duæ metse (bornes) correspondaient à l’obélisque, qui s’élevait sur la spina du cirque, et elles étaient placées à peu de distance des deux extrémités de la spina (voir fig. 246), mur bas et étendu qui coupait l’arène en long en deux portions distinctes. Cet obélisque, apporté d’Héliopolis peu de temps auparavant, sous Caligùla, resta à sa place primitive jusqu’au pontificat de Sixte-Quint qui le fit transporter sur la grande place de Saint-Pierre à l’endroit où on le voit aujourd’hui. Il était situé près de la sacristie de la basilique actuelle. Voir Marucchi, Gli ûbelischi egiziani di Borna, in-4°, Rome, 1898, p. 149-151. C’est dans les mêmes lieux que les premiers martyrs chrétiens avaient subi les cruels supplices décrits par Tacite, Ann., xv, 44. L’opinion d’après laquelle saint Pierre aurait été crucifié sur le Janicule, à l’endroit où s’élève aujourd’hui San Pietro in Montorio, ne s’appuie sur aucun document antique.

Saint Pierre fut enseveli près du lieu de son supplice. Plus tard, l’empereur Constantin, commal’attesteleiiber pontificalis, p. 176, dans la biographie du pape saint Silvestre, fit élever, en 306, sur l’humble tombe primitive, la basilique de saint Pierre (fig. 247), où le prince des Apôtres n’a jamais cessé d’être honoré depuis. Sepullus in Vaticano juxta viam triumphalem lotius

Rossi, Roma sollerranea, 1. 1, p. 182. Les aquss Salviœ portent aujourd’hui le nom des Tre Fontane, situées à un peu plus de trois milles de Rome en passant par la voie Ardéatine moderne, à gauche de la via Ostiensis. Sur le lieu du martyre s’élève l’église deSaw Paûlo aile Tre Fontane, dans l’intérieur de laquelle sont, en effet, trois fontaines qui jaillirent, d’après la croyance populaire, aux trois endroits où bondit la tête du martyr décapité. L’édifice actuel est de 1599, mais on y avait élevé d’assez bonna heure une église sur le même emplacement.

Le corps de l’apôtre saint Paul ne fut pas enseveli à l’endroit même où il avait subi le supplice. Il fut déposé à une demi-heure de distance, par une matrone chrétienne, nommée Lucine, dans le prsedium qu’elle possédait sur la via Ostiensis, à l’endroit où s’élève aujourd’hui la basilique de Saint-Paul-hors-les-murs. Le cimetière de Lucine ne paraît pas avoir été souterrain, mais en plein air. D’après le Liber ponti/icalis ( Vita Sylvestri), p. 118, l’empereur Constantin édifia nne basilique au-dessus du tombeau du grand Apôtre, mais il n’en reste plus rien que le revêtement du sarcophage placé aujourd’hui sous l’autel papal et où l’on peut lire encore l’inscription qu’y fit graver probablement l’empereur et qui est surtout remarquable par sa simplicité : Paulo apostol. mart. (fig. 2491, J.-B, De Rossi, 1193

ROME

U94

Bullettino di archeol. crist., 1883, p. 153. L’empereur Valentinien II, en 386, fit démolir Ja basilique conslantinienne pour en construire une plus grande, qui fut continuée par Théodose et achevée par Honorius. Souvent restaurée depuis, elle fut détruite par un incendie pendant la nuit du 15 au 16 juillet 1823. On doit la basilique actuelle à Léon XII, à Grégoire XVI et à Pie IX qui la consacra en 1854. Malgré toutes ces démolitions et toutes ces restaurations, la Confession où repose le corps de l’Apôtre n’a jamais changé de place. Son tombeau, comme celui de saint Pierre au Vatican, fut visible jusqu’au IXe siècle. Obstrué alors, il n’a été

IV. L’arc de triomphe de Titus. — Trois ans après le martyre de saint Pierre et de saint Paul, en 70, Titus réalisait à Jérusalem, par la prise de la ville et la destruction du Temple, les prophéties de Notre-Seigneur contre la ville déicide. Matth., xxiv, 2 ; Marc, xiii, 2 ; Luc, xix, 43-44 ; xxi, 6. L’abomination de la désolation était entrée dans le Temple avec les aigles des légions romaines et la Judée avait été rayée du nombre des royaumes. L’arc de Titus (fig. 250) est toujours là, près du Golisée, à l’extrémité du Forum, sur la voie Sacrée triomphale, pour rendre témoignage à la véracité des prophéties du divin Maître. Il fut construit en

250. — Arc de triomphe de Titus.

dégagé que dans la reconstruction actuelle. On peut voir maintenant par la fenestrella la plaque de marbre qui recouvre le sarcophage.

Les reliques de saint Pierre et de saint Paul se trouvent ainsi aujourd’hui, celles du prince des Apôtres à la basilique de Saint-Pierre, celles de saint Paul, à la basilique de Saint-Paul, à l’endroit même où elles furent primitivement déposées. Quelque temps après leur martyre d’après les uns, ou ver ? le_milieu du me siècle d’après les autres, si ce n’est ^deux fois, pour les mettre sans doute plus en sûreté, elles furent transportées dans un souterrain de la voie Appienne, appelé Platonia, mais elles y restèrent peu de temps. On peut visiter encore ce souterrain derrière l’abside de la basilique de Saint-Sébastien. Marucchi, Le catacombe ossia il sepolcro apostolico dell’Appia, Rome, 1892 ; Id.. San Pietroe San Paolo, p. 75-92. C’est par leur supplice que les deux apôtres ont pris ainsi possession de Rome. Aujourd’hui, la statue de saint Pierre se dresse au sommet de la colonne Trajane et celle de saint Paul au sommet de la colonne de Marc-Aurèle.

mémoire des victoires de Titus et inauguré sous Domitien en l’an 81. Senatus populusque Romanus divo Tito, divi Vespasiani filio, Vespasiano Au/usto. A l’extérieur, du côté de l’inscription, une frise représente le cortège d’un sacrifice. À l’intérieur de l’arcade unique, un bas-relief représente Titus sur un quadrige que conduit Rome ; vis-à-vis, un autre bas-relief montre le cortège triomphal qui était passé là avec des Juifs prisonniers, le chandelier à sept branches et la table des pains de proposition ^vec les trompettes sacrées. Voir Chandelier, t. ii, fig. 184, col. 544. Le sénat et le peuple romain, en élevant ce monument en l’honneur de Titus, étaient bien loin de se douter de son importance et de sa signification future. Leurs troupes venaient de ruiner Jérusalem : c’était pour préparer la ruine de l’empire romain lui-même et pour faire grandir à sa place l’empire spirituel destiné à le supplanter.

V. La Rome chrétienne s’élevant sur les ruines de la Rome païenne. — Si, quand on vient de visiter l’Arc de Titus, on veut se rendre compte de la révolution qu’a produite dans l’empire romain la prédication

des Apôtres et l’accomplissement des prophéties de saint Jean dans l’Apocalypse, il suffit de faire quelques pas et de monter au Palatin qui l’avoisine. De là, au nord, de la terrasse des Orti Famesiani, on a le Forum à ses pieds et l’on peut embrasser d’un coup d’œil en raccourci l’histoire de l’ancienne Rome. Aucun autre coin de terre n’a été témoin de tant et de si grands événements. La colline qui a été le berceau de la Rome des Césars en est aujourd’hui le tombeau. Les empereurs ont commandé de là en maîtres à toute la terre. Aujourd’hui une épaisse couche de terre, accumulée par les

crée est déserte ; on n’aperçoit que quelques curieux, d-es touristes et des archéologues qui cherchent à reconstituer le passé, dans ce cimetière de la grandeur païenne, au milieu de cet entassement de pierres, de briques, de marbres brisés. À droite se dresse encore la grande masse du Colisée, mais en lambeaux, et, tout auprès, une maison des Petites sœurs des pauvres, s’élève là où fut l’emplacement de la maison dorée de Néron, qui s’est effondrée avec la Rome persécutrice des saints. La prophétie de l’Apocalypse est accomplie. Cependant sur les débris de la Rome païenne a grandi

251. — Rome dominée par la croix, vue du Palatin. D’après une photographie de M. l’abhé H. Saint-Martin. . Église Saint-Adrien. — 2. Église Sainte-Marie de Lorette. — 3. Colonne Trajanne surmontée de la statue de saint Pierre. — 4. Église du Saint-Nom de Marie. — 5. Temple de Faustine, devenu église Saint-Laurent in Miranda. — 6. Tour des Milices, dite tour de Néron. À côté, à droite, Église Sainte-Catherine de Sienne. — t. 8. 9. Eglise Saints Cosme-et-Damien du vi* siècle. — Plusieurs autres églises qu’on voit avec leur croix de la terrasse du Palatin, à droite et à gauche, n’ont pu être reproduites sur cette vue photographique, à cause de ses dimensions restreintes.

siècles, recouvre leurs maisons fastueuses : l’herbe et les arbres y poussent en abondance et le promeneur y foule littéralement aux. pieds les palais de Tibère et de Caligula. Elle est tombée, la Rome impériale : cecidit, cecidit Baby Ion magna. Apoc, xiv, 8 ; xviii, 2. Et le Forum, qui est là sous nos yeux, il est mort également. Il était comme le cœur de la Rome républicaine et de la Rome impériale, et il a cessé de battre. Autrefois, on y affluait de toutes les parties de la terre et de là partaient dans toutes les directions les ordres qui réglaient les destinées du monde. Maintenant, là aussi, ce ne sont que des ruines et des souvenirs. Les temples où l’on honorait les dieux de la cité sont renversés ; plus de consuls, plus de tribuns, plus de licteurs, plus A’imperatoreh et de centurions ; le peuple n’y tient plus ses comices ; le sénat ne reçoit plus dans la Curie voisine (église Saint-Adrien ) les ambassadeurs qu’y envoyaient les Machabées et tous les pays de la terre ; la tribune aux harangues est muette ; les vestales ont cessé d’entretenir le feu sacré dans l’atrium de Vesla ; le Capitale est toujours là, à gauche, mais il n’y monte aucun triomphateur ; la voie Sa la Rome chrétienne. Si du Palatin on lève les yeux au-dessus du Forum et qu’on contemple la ville moderne qui s’étend au loin, quel changement profond, quel spectacle saisissant ! Regardez aux quatre vents du ciel : partout vous voyez un instrument de supplice, autrefois réservé aux esclaves et ignominieux entre tous, la croix, qui se dresse triomphante sur d’innombrables églises (fig. 251), qui domine, de haut, tous les quartiers de la cité, la croix, surtaquelle est mort le fils de Dieu à Jérusalem, la croix sur laquelle saint Pierre est mort dans le cirque de Néron ! Ceci, cette croixrédemptrice, a tué cela, le paganisme avec ses hontes, le pouvoir oppresseur des tyrans. Un jour, là, au bas du Capitole, saint Pierre est sorti, dit la tradition, de la prison Mamertine, condamné par le César persécuteur, pour marcher au supplice de la croix. Il est allé prendre ainsi possession du Vatican. Si de la partie septentrionale de la terrasse du Palatin, nous allons à quelques pas vers le couchant, nous apercevons dans le lointain la coupole calme et majestueuse de la basilique de Saint-Pierre, portant dans les airs la croix triomphante. À son ombre habite un

vieillard, aujourd’hui prisonnier, le successeur du prince des Apôtres. En lui s’incarne, si l’on peut ainsi dire, la puissance spirituelle. Les Césars commandaient aux corps ; il commande aux âmes ; leur domination ne s’étendait pas au delà des limites du monde ancien ; la sienne s’étend à toutes les parties de la terre ; bien plus, elle ouvre les portes du purgatoire et les portes du ciel ; en lui se réalisent les promesses que le Sauveur avait faites à Pierre ; il est le vicaire du Christ et le représentant de Dieu sur la terre.

VI. Bibliographie. — Outre les ouvrages déjà cités, voir H. Kiepert et Th. Huelsen, Formas urbis Romse antiquæ, accedit nomenclator typographicus, in-4°, Berlin, 1896 ; H. Jordan, Topographie der Stadt Rom im Alterthum, 2 in-8°, Berlin, 3e édit., 1871-1885 ; Ch. Dezobry, Rome au siècle d’Auguste, 4 in-8°, Paris, 1870 ; F. Reber, Die Ruinen Roms, 2= édit., Leipzig, 1879 ; 0. Gilbert, Geschichte und Topographie der Stadt Rom im Allertum, 3 in-8°, Leipzig, 18831890 ; J. H. Middleton, The Remains of ancient Rome, 2 in-8°, Londres, 1892 ; R. Lanciani, Ancient Rome in the light of modem Discoveries, Londres, 1888 ; Id., Pagan and Christian Rome, Londres, 1892 ; The Ruins and excavations of ancient Rome, Londres, 1897 ; R. Garruci, Cimiterio degli antichi Ebrei in Vigna Randinini, in-8°, Rome, 1862 ; E. Schurer, Die Gemeindeverfassung der Juden in Rom, 1879 ; Berliner, Geschichte der Juden in Rom, 1893 ; Holtzmann, Ansiedelung des Christenthums in Rom, 1874 ; Huidekoper, Judaism at Rome, 1876 ; Hild, Les Juifs à Rome, dans la Revue des étudies juives, 1884 ; Ph. Gerbet, Esquisse de Rome chrétienne, 8e édit., 2 in-12, Paris, 1875 ; 0. Marucchi, Le memorie dei SS. Apostoli Pietroe Paolo nella Cilla di Roma, in-8°, Rome, 1894.

F. YlGOUROUX.

    1. ROMÉLIE##

ROMÉLIE (hébreu : Remalyâhû, « celui que Jéhovah protège » ; Septante : ’Poy.û.(a ;  ; Vulgale : Romelias), père de Phacée, roi d’Israël. IV Reg., xv, 25, 27, 30, 32, 37 ; xvi, 1, 5 ; II Par., xxviii, 6 ; Is., vii, 1, 4. 5, 9 ; viii, 6. On croit communément que Romélie était de basse condition et que c’est par mépris que son lils Phacée, usurpateur du royaume d’Israël, est appelé « fils de Romélie » tout court. Is., vii, 4 ; viii, 6.

    1. ROMENTHIÉZER##

ROMENTHIÉZER (hébreu ; Rômanfî x Ézèr ; Septante ; 1 P(i> ! iet61£ïep), le dixième des quatorze fils d’Héman. Il fut le chef de la vingt-quatrième section des musiciens du temps de David, laquelle se composait de douze personnes, ses fils et ses frères. I Par., xxv, 4, 31. Quelques critiques ont supposé que le nom de Romenthiézer et de quatre de ceux qui sont nommés avec lui, $, 4, éfait, à cause de leur forme insolite un fragment d’hymne ou de prière, et non une liste de personnes réelles. La répétition de ces noms dans l’énumération des classes de musiciens démontre la fausseté de cette hypothèse.

    1. RONCE##

RONCE (hébreu : barqânim ; Septante : papxT)V ! p., pâ-coç ; Vulgate : tribuli, rubus), plante épineuse.

I. Description. — Les ronces, comme les rosiers, sont des arbrisseaux à feuilles composées, munis d’aiguillons sur leurs rameaux ainsi qu’à la face inférieure des pétioles. Elles en difierent surtout par les fruits formés de carpelles charnus disposés au pourtour d’un réceptacle saillant, et qui sont en réalité de petites drupes, chacune avec un noyau central recouvert par le péricarpe succulent. Les fleurs, comme dans la généralité des Rosacées, sont régulières, hermaphrodites, avec les pétales et de nombreuses étamines sur le bord interne du tube du calice. Les Rubus de Palestine appartiennent tous à la série des Rubus homalacanthi, ayant leurs tiges marquées de cinq faces planes ou canaliculées, et portant leurs aiguillons sur les

angles saillants. Ils correspondent à l’ancien Rubus fruticosus L. démembré depuis en de nombreuses espèces ou formes dont les plus tranchées sont R. discolor (fig. 252) à folioles blanchâtres en dessous, R. tomentosus à feuilles veloutées au moins sur la face inférieure, et celle que de Candolle nommait R. collinus, intermédiaire entre les précédentes, dont elle n’est peut-être qu’un hybride. F, Hy.

II. Exégèse. — Les mots par lesquels la Bible désigne d’une façon générale les épines ou plantes épineuses sont assez nombreux. Voir Épines, t. ii, col. 1895. Mais il est un certain nombre de noms, souvent mal rendus par les versions, qui ont un sens précis de plante déterminée. Tel est entre autres, semble-t-il, le mot barqânim, qui se rencontre en un seul passage. Jud., viii, 7, 16. « Lorsque Jéhovah aura livré entre mes

232. — Rubus discolor.

mains Zébée et Salmana, dit Gédéon aux gens de Soc coth, je déchirerai votre chair avec des épines du déser et des barqânim », Jud., viii, 7 ; et c’est Ce qu’il fit, comme il est dit plus" loin au ꝟ. 16. Plusieurs exégètes avec Gesenius, Thésaurus, p. 244, font de ces barqânim des espèces de herses armées de pointes aiguës. Mais on ne s’explique pas bien, dans cette hypothèse, ce que viennent faire les « épines du désert » qui précèdent immédiatement les barqânim. Il semble plutôt que les deux expressions sont unies comme dans notre locution « les épines et les ronces ». Aussi est-ce dans ce dernier sens que de nombreux exégètes entendent le mot barqânim. On ne peut appuyer ce sens sans doute sur les Septante qui ont simplement transcrit le mot hébreu, k-i TCtte Papx^vtn (ce qu’Eusèbe, Onomasticon, édit. P. de Lagarde, 1887, p. 140, a pris pour un nom de lieu, mais Aquila traduit par « xivDaç, « épines » ). La Vulgate met tribulis, tribulos (qui ne saurait être la herse, en latin tribula ou tribulum) plante épineuse. « Barqânim, dit le rabbin Kimchi dans son commentaire des Juges, est une espèce d’épines. » Mais quelle épine ? Le texte demande une épine rampante, flexible, dont on puisse au besoin se servir comme d’un fouet. Le châtiment infligé par Gédéon ne consistait pas à coucher les hahitants de Soccoth sur des épines et des ronces, et à faire passer sur eux ainsi étendus des chariots ou des rouleaux. Ce châtiment rappellerait, disent certains exégètes, celui de II Reg., su, 31, et I Par., xx, 3, mais ces passages n’ont pas ce sens. Cf. Revue biblique, 1898° p. 253. Il consistait plutôt, dans ce passage des Juges, viiij 7, 16, en des fouets d’épines et de ronces qui auraient servi à fustiger et à châtier les habitants de Soccoth.

La ronce (βάτος, rubus) est expressément marquée dans un texte de saint Luc, vii, 44, où elle vient dans une sorte de proverbe : « Chaque arbre se reconnaît à son fruit, on ne cueille pas de figues sur les épines, on ne récolte pas de raisins sur la ronce. » — C’est à tort que les Septante, suivis par la Vulgate, ont rendu par Βάτος, (rubus) le mot hébreu senéh qui désigne le buisson enflammé de l’Horeb du milieu duquel Dieu se manifesta à Moïse. Exod., iii, 2-4 ; Deut., xxxiii, 16 ; Act., vii, 30-35. Voir t. i, col. 1967. Ce passage de l’Exode est cité par saint Luc, xx, 37 et saint Marc, xii, 26, sous un titre ou expression reçue chez les rabbins pour indiquer cet endroit de la Bible : ἐπὶ τοῦ βάτου, super rubum.

RONDET Laurent-Etienne, fécond écrivain français, né à Paris le 6 mai 1717, mort dans cette ville le 1er avril 1785. Son père était imprimeur à Paris. Rondet fut très attaché au jansénisme. Il est surtout connu par son édition de la Sainte Bible, en latin et en français, avec des notes, des préfaces et des dissertations, 14 in-4°, Paris, 1748-1750 ; 2e édit., 17 in-4°, Avignon, 1767-1774. Cette Bible est connue sous le nom de Bible de l’abbé de Vence, quoique ce dernier n’y ait eu aucune part et que Rondet lui ait emprunté seulement quelques dissertations. La plus grande partie des préfaces et des dissertations sont prises dans dom Calmet, avec des corrections et des additions. La traduction avec paraphrase n’est guère que la reproduction de celle de Carrières. La Bible de Vence a été plusieurs fois réimprimée, en particulier à Paris en 1828, 25 in-8° avec atlas in-4°. Parmi les autres publications de Rondet, on peut citer Isaïe vengé, in-12, Paris, 1762 (critique de la Traduction d’Isaie de Deschamps) ; Figures de la Bible en 150 tableaux, avec des explications, in-4 », Paris, 1767 ; Histoire de l’Ancien et du Nouveau Testament, avec figures, in-8 », Paris, 1771 ; Dictionnaire historique et critique dé la Bible, in-4°, Paris, 1776-1784 ; cet ouvrage, qui devait servir de supplément à la Bible de Vence, est resté inachevé et s’arrête à la lettre E ; Dissertation sur l’Apocalypse, in-4°, et in-12, Paris, 1776 ; Dissertation sur la version des Septante, in-4° et in-12, Paris, 1783 ; etc. ; Verba Christi, en grec et en latin, in-4 », Paris, 1784 ; la seconde édition de la Sainte Bible de l’abbé Legros, traduite sur les textes originaux, avec un Discours suites prophètes et des notes (édition modifiée sans en prévenir), 5 in-12, Paris, 1756 ; une édition du Nouveau Testament traduit par Mésenguy ; deux éditions de la Bible de Sacy, in-f°, Paris, 1759, 1776 ; etc.


ROS (hébreu : Ro’š, « tête, chef » ; Septante :Ῥώς), le septième fils de Benjamin. Gen., xlvi, 21. Ce nom ne se lit point dans la généalogie de Benjamin reproduite dans I Par., vii, 6 (abrégée), ni viii, 2. Cette dernière, quoique plus détaillée que vii, 6, contient seulement cinq noms, au lieu des dix de la Genèse. Dans viii, 2, le cinquième nom est Rapha (col. 974) ; c’est peut-être une lecture différente de Bos. La liste des fils de Benjamin, Num., xxvi, 38-39, contenant le second recensement des familles israélites fait dans le désert, à la veille de l’entrée dans la Terre Promise, ne renferme aussi que cinq noms. Les cinq autres fils de Benjamin énumérés dans la Genèse étaient apparemment morts sans postérité ou bien leurs descendants s’étaient fondus avec d’autres familles. Ros ne figure pas non plus dans les Nombres. On a émis l’hypothèse, qui n’est pas sans quelque vraisemblance, que le nom d’Ahiram mentionné le troisième parmi les fils de Benjamin, Num., xxvi, 38, et qui est appelé expressément père de la famille des Ahiramites (ce qui est un argument en faveur de la conservation exacte de ce nom), peut bien être la dénomination véritable d’un seul fils de Benjamin lequel, par une mauvaise coupure de lecture, aurait été divisé en deux ; le mot אחירם, ’Aḥirâm, des Nombres, serait la véritable leçon et les deux noms אחי, Êḥî de Genèse, et ראש, Rô’š, seraient le dédoublement de ’Aḥîrâm, avec la transformation du mem final en schin, à cause de la ressemblance de ces deux lettres dans l’ancienne écriture hébraïque. Voir Alphabet, t. i, col. 407. ’Aḥîrâm paraît être devenu aussi ’Aḥiraḥ. I Par., viii, 1. Voir t. i, col. 290.


ROSCH (hébreu : ראֹש, Rô’š ; Septante, Symmaque, Théodotion : Ῥώς), contrée nommée dans Ézéchiel, xxxviii, 2, 3 ; xxxix.

1. La Vulgate a pris Rô’š pour un nom commun ; elle a traduit Gog, [princeps] capitis [Mosoch et Thubal] ; mais Mosoch et Thubal étant des noms propres, il est plus naturel de voir aussi dans Rô’š un nom propre, comme l’ont fait les Septante et comme le font aujourd’hui la plupart des interprètes. Il faut donc traduire « Gog » (t. iii, col. 265), prince de Rosch, de Mosoch (t. iv, col. 1319) et de Thubal. Saint Jérôme dit, In Ezech., xxxviii, 2, t. xxv, col. 357 : Primant gentem Ros, Aquila interpretatur « caput », quem et nos secuti sunius, ut sit sensus. Principem capitis Mosoch et Thubal. Et revera, nec in Genesi, nec in alio Scripturæ loco, nec in Josepho quidem, hanc gentem potuimus invenire. Ex quo manifestum est « Ros » non genteni significare, sed « caput ». L’argument n’est pas concluant : Ezéchiel a dans ses prophéties plusieurs noms géographiques incontestables qui ne se lisent dans aucun autre livre de la Bible

2° L’identification de Rosch est fort controversée. Bochart, Phaleg., iii, 13, Opera, Leyde, 1692, col. 186, 188, voit dans Rosch et Mosoch les ancêtres des Busses et des Moscovites. A Rhos et Mesech, dit-il, col. 186, id est, Rhossis et Moschis, descendisse « Russos » et « Moscovitas ». Rhos appellari Tauricam Chersonesum. Cette opinion, adoptée par Gesenius, Thesaurus, p. 1253, qui l’appuie sur les dires des écrivains byzantins du xe siècle, a compté un certain nombre de partisans, mais elle est sujette à bien des difficultés. Le nom des Russes n’a pris naissance qu’au ixe siècle (A. Rambaud, Histoire de la Russie, p. 37-42), et le rapprochement si tardif établi par les auteurs byzantins entre les Russes et le Rosch d’Ézéchiel (cf. Socrate, H. E., vii, 43, t. lxvii, col. 833), est loin d’être justifié.

Les textes cunéiformes du viiie et du viie siècle avant notre ère fournissent une explication plus naturelle et plus vraisemblable. Ils mentionnent un pays de Rašu ou Raši, dont le nom correspond bien au Rosch d’Ézéchiel ; il touchait à Élam et était situé à l’ouest de ce dernier pays. G. Smith, History of Assurbanipal, p. 218 ; Eb. Schrader, Keilinschriften und Geschichtsforschung ; p. 110, 112 ; Frd. Delitzsch, Wo lag das Paradies, p. 322 ; Id., dans Calwer Bibellexicon, 1885, p. 774 ; Fr. Lenormant, Les origines de l’histoire, t. ii, p. 456.


ROSE (grec : ῥόδον ; Vulgate : rosa), la reine des fleurs.

I. Description.

Ce genre est le type de la famille des Rosacées, dialypétales caliciflores régulières, dont une série est constituée par le seul genre Rosa, très nettement caractérisé par son fruit, le Cynorrhodon des anciens. C’est un réceptacle creux, resserré à son orifice et charnu à la maturité, renfermant dans sa cavité plusieurs carpelles secs et entremêlés de poils rigides. Les feuilles sont imparipennées, avec stipules soudées au pétiole.

Le Rosa phœnicia Boissier (fig. 253), qui habite la région littorale, se reconnaît à ses fleurs blanches, ses sépales caducs, ses longues tiges sarmenteuses, et surtout à ses styles soudés en colonne saillante. Dans les parties montueuses on trouve diverses formes comprises dans l’ancien Rosa canina de Linné. Une des plus remarquables est le Rosa glutinosa Sibthorp (fig. 253), sous-arbrisseau tout couvert d’aiguillons inégaux, les uns sétiformes, les autres recourbés à base dilatée. Les fleurs sont petites et roses, les fruits précoces couronnés par les sépales entiers et persistants. Enfin sur les escarpements rocheux du désert de Sinaï croît le Rosa arabica Crépin, simple variété du vulgaire Rosa rubiginosa qui diffère du type par les soies du fruit, la plupart dépourvues de glandes.
F. Hy.

II. Exégèse.

Le nom de la rose ne se rencontre pas dans les textes hébreux de l’Ancien Testament ; il ne paraît que dans les livres composés en grec, dans la Sagesse, ii, 8, et selon quelques auteurs dans l’Ecclésiastique. Cette fleur originaire de la région du Caucase ne paraît avoir été cultivée dans les jardins syriens qu’à partir de l’époque des Séleucides. Ch. Joret, La rose dans l’antiquité et au moyen âge, in-8°, Paris, 1892, p. 124-125 ; Les plantes dans l’antiquité, 1re  partie,


253. — Rosa phœnicia.

dans L’Orient classique, in-8°, Paris, 1897, p. 399. D’après le IIIe livre des Machabées, vii, 17, Acco ou Ptolémaïde tirait de la culture abondante de cette fleur le surnom de ῥοδοφόρος, « rosifère ». Le traité Maaseroth, ii, 5 (Surenhusius, Mischna, t. i, p. 251), fait allusion à un jardin de roses situé près de Jérusalem. Le rosier était assez répandu dans la Palestine au commencement de l’ère chrétienne : nous voyons par les Actes, xii, 13, que le mot Ῥόδη, « Rosier », était usité comme nom de personne ; il était porté par une servante. Actuellement la culture de la rose est très intense en plusieurs régions de Palestine et des pays syriens, spécialement à Damas où l’on fabrique de l’essence de rose et des pâtes et des sirops aromatisés de cette essence.

Dans le milieu où vécut l’auteur de la Sagesse, l’Égypte, la rose ne pénétra aussi qu’assez tard, c’est-à-dire à l’époque des Ptolémées. Ch. Joret, Les plantes dans l’antiquité, p. 156. C’est ce qui explique que le nom n’en paraisse pas dans les anciens textes. On ne le trouve qu’en démotique. La rose se nommait ûart, ûarta, en copte, ⲟⲩⲉⲣⲧ, d’où est venu le nom arabe ورد, ûard, ouarda, et le nom araméen de la Mischna et des Talmud וַרְדָא, varda’, uarda’. C’est le même nom dans les pays grecs où la plante est plus anciennement connue, ῥόδον, primitivement βρόδον, ϝρόδον. Le nom du pays d’origine a passé avec la fleur dans toutes les régions où elle a été implantée. En Égypte, la rose paraît avoir été spécialement cultivée dans le nome d’Arsinoé. Fr. Crépin, Sur les restes de roses découverts dans les tombeaux de la nécropole d’Arsinoé, dans le Bulletin de la Société royale de botanique de Belgique, t. xxviii, 1888, 2e  partie, p. 184. Dans la nécropole gréco-romaine de Hawara au Fayoum, M. Flinders Pétrie en a également trouvé des restes. Hawara, Biahmu and Arsinoé, 1887, p. 48 ; V. Loret, La Flore pharaonique, 2e  édit., Paris, 1892, p. 82.

Rien ne s’oppose donc à ce que le ῥόδον de la Sagesse, ii, 8, ne soit la rose. L’usage auquel l’auteur fait allusion confirme cette attribution. Il fait parler les impies qui dans leurs banquets veulent se donner toutes les jouissances : mets, vins, parfums exquis. « Couronnons-nous de roses (dans le grec : boutons ou pétales de roses) avant qu’elles se flétrissent. » On sait que dans leurs fêtes les anciens Grecs ou Romains aimaient à porter des couronnes de fleurs. Leurs belles couleurs et leur parfum faisaient souvent choisir la rose pour cet usage. Horace, Ode, I, xxxvi, 15 ; Pline, H. N., xxi, 8 ; Ovide, Fast., v, 335 ; Martial, v, 65. Dans les banquets on portait ces couronnes sur la tête, et autour du cou. Cicéron, In Verr., ii, 5, 11 ; Lucrèce, v, 1397 ; Athénée, Deipn., xv, 674 ; Garcke, De Horat. corollis convivalibus, in-8°, Altenburg, 1860.


254. — Rosa glutinosa.

Il est également fait allusion aux roses dans le texte grec d’Esther, i, 6, où sont décrites les décorations de la salle du festin royal. On y parle de tapisseries magnifiques parsemées de fleurs et ornées sur les bords de roses épanouies.

Rien n’est moins certain, au contraire, que l’identification faite par plusieurs exégètes de la rose avec le ῥόδον de deux passages de l’Ecclésiastique, xxiv, 13-14, et xxxix, 13. Le premier de ces textes contient l’éloge de la Sagesse que l’on compare à des arbres remarquables par leur port et leur feuillage :

Je me suis élevée comme le palmier à Engaddi
Et comme les φυτὰ ῥόδον à Jéricho,
Comme un bel olivier dans la plaine,
Et j’ai grandi comme un platane (xxiv, 13-14).

Le second texte nous montre le ῥόδον croissant sur le bord des eaux courantes (xxxix, 13). Or le rosier peut difficilement être mis en parallèle avec l’olivier, le platane et le palmier ; et il ne croît pas d’ordinaire au bord des eaux. Le laurier-rose remplit mieux les conditions et il porte dans les textes des auteurs anciens les noms de ῥοδοδάφνη, laurier-rose, ῥοδοδένδρον, arbre à rose. Dans les écrivains arabes sur la médecine on remarque que le nom reçu en Syrie pour le laurier rose est rodyon. Voir le Laurier-rose ou Nerium oleander, t. iv, col. 130.

Malheureusement l’original hébreu de ces deux passages de l’Ecclésiastique, xxiv, 14 (Vulgate, 18) et xxxix, 13 (Vulgate, 17) n’a pas été retrouvé. Quant au ꝟ. 8 du chapitre l, où Simon est comparé, dans le grec et le latin, à la fleur des rosiers aux jours du printemps, le mot hébreu découvert donne un autre sens : « Comme la fleur בענפי, be’anfê, aux branches, aux jours du printemps ». Il faut avouer que la leçon déchiffrée sur les manuscrits, בענפי (pluriel irrégulier), n’est pas très satisfaisante : On s’attendait à trouver ici un nom de plante particulier et non pas un nom vague et général comme celui de branches. Le traducteur grec n’a certainement pas lu בענפי pour traduire par ῥοδών. N’aurait-il pas trouvé dans l’original hébreu le mot ורדים, uardim, pluriel de וָרְדָא, uarda’, « rose » ? Et ce mot ורדים, mal lu dans l’écriture carrée ou dans l’ancienne écriture par un copiste du texte hébreu, n’aurait-il pas été confondu avec בענפי ?

[Image à insérer]255. — Arundo donax.

Quant au Cant., ii, 1, et Is., xxxv, 1, où quelques versions modernes à la suite de Kimchi et d’Abenesra ont cru trouver la rose, la rose de Saron, le mot hébreu ḥăbaššéléṭ, n’a certainement pas ce sens. Il désigne le colchique, ou plutôt le narcisse. Voir t. ii, col. 831, et t. iv, col. 1477.

Ce qu’on a l’habitude d’appeler rose de Jéricho n’a rien de commun avec les roses proprement dites : c’est l’Anastatica hierochuntina, qui a la propriété, dès qu’elle est plongée dans l’eau, de s’ouvrir peu à peu, et d’étaler ses branches et ses feuilles. Voir t. iii, col. 1291, fig. 227 et 228.

E. Levesque.

ROSEAU (hébreu : qânéh ; Septante : καλάμος ; Vulgate : arundo, calamus), plante aquatique.

I. Description.

Ce nom vulgaire a été appliqué à plusieurs genres de graminées à chaume robuste et vivace, tels que les Phalaris, Calamagrostis, etc. Mais il convient surtout aux espèces de la tribu des Arondinées, très répandues aux bords des eaux dans toute la région méditerranéenne et caractérisées par leurs épillets pourvus de longs poils à la base ; ainsi que par leurs glumelles portant ordinairement 2 ou 3 dents au sommet. Le principal genre Arundo a ses épillets velus sur la glumelle même et comprend comme principale espèce Arundo Donax (fig. 255), vulgairement la Canne de Provence. D’un puissant rhizome tubérisé s’élancent des tiges ligneuses, hautes de plusieurs mètres, à nœuds rapprochés et abondamment ramifiées à la partie supérieure. Les feuilles distiques, planes, largement lancéolées à pointe aiguë, ont une très courte ligule garnie de cils. La panicule terminale dense et dressée en quenouille porte au sommet de ses nombreuses branches des épillets à 3 ou 4 fleurs. Les glumes scabres sur la carène dorsale égalent presque les glumelles à sommet bifide et munies d’une arête courte dans l’échancrure.

[Image à insérer]256. — Phragmites communia.

Les Phragmites ont leurs poils portés par le rachis, au-dessous des épillets, tandis que les glumes et glumelles sont glabres. Le Phragmites communia (fig. 256) un des roseaux les plus répandus, présente dans la région chaude, principalement en Syrie, en Galilée et en Egypte, une variété plus robuste atteignant 15 à 20 pieds (2 mètres 10) qui rivalise pour ses dimensions avec l'Arundo, mais en diffère par sa panicule de fleurs diffuse et un peu penchée.

F. Hy.

II. Exégèse.

Le qânéh est une plante d’eau mise en parallèle avec le jonc, sûf, III Reg., xiv, 15 ; Is., xix, 6, avec le papyrus, gômê’, Is., xxxv, 7 ; croissant en épais fourré et pouvant fournir une retraite assurée au crocodile, Ps. lxviii (Vulgate, lxvii), 31, à l’hippopotame, Job, xl, 21 (Vulgate, 16), dontla tige droite peut servir de bâton, de canne. IV Reg., xviii, 21 ; Ezech., xxxix, 6. Tous ces caractères conviennent au roseau, à l’Arundo Donax, et aux espèces voisines comme le Phragmites communis. On trouve d’ailleurs le même nom pour désigner cette plante en assyrien : qânû, en syriaque et chaldéen : qanyā’, et même en grec : κάννα et en latin canna. I. Löw, Aramäische Pflanzennamen, in-8°, Leipzig, 1881, p. 341.

Cette plante était ré-

pandue sur les bords du Tigre et de l’Euphrate, en Egypte et en Palestine. Les monuments assyriens réprésentent souvent le roseau dans des cours d’eaux. E. Bonavia, The Flora of the Assyrian Monuments, in-8°, Londres, 1894, p. 30-31 (fig. 257). Le roseau était plus abondant sur les bords du Nil et est souvent représenté dans les peintures des tombeaux. C’est la panicule du roseau (fig. 258) qui sert de signe hiéroglyphique pour la lettre a, I, On, utilisait la tige pour fabriquer des flûtes, des flèches, etc., les feuilles pour tresser des nattes, etc. On lui donnait le nom de !  : I,

nabi. Voir Loret, La Flore pharaonique, in-8°, Paris, 1892, p. 19. En Palestine on trouve YArundo Donax et le Phragmites communia, un peu partout et particulièrement au lac Houléh, sur les bords de la mer de Tibériade, sur les rives du Jourdain, dans la vallée de Cana ou des roseaux. Jos., xvt, 8 ; xvii, 9. Voir t. ii, col. 105. Si le feu s’y met en temps de sécheresse, la

257. — Roseaux sur les bords d’un marais. D’après Layard, Monuments of Nineveh, 2’série, pi. 27.

flamme court avec rapidité et jette un éclat splendide, auquel l’auteur de la Sagesse, iii, 7, compare la récompense des jusles. Le roseau qui plie à tous les vents est le symbole de la faiblesse de caractère qui cède à toutes les impulsions. Ce n’est pas ainsi qu’était Jean-Baptiste. Matth., ii, 7 ; Luc. vii, 24. La tige droite du roseau, coupée à la mesure voulue, sert de bâton, de canne, appui souvent fragile. « L’Egypte a été un appui de roseau pour la maison d’Israël », dit le prophète, Ezech., xxix, 6. « En qui as-tu placé ta confiance pour te révolter contre moi », dit àÉzéchias l’officier envoyé par le roi d’Assyrie ? C’est dans l’Égypïfr que tu l’as mise, prenant pour soutien ce roseau cassé qui pénètre et perce la main de quiconque s’appuie dessus. » IV Reg., xviii, 21 ; Is., xxxvi, 6. — Voulant peindre la douceur du serviteur de Jéhovah, le Messie, Isaïe, xlii, 3, se sert de cette image proverbiale : « Il ne brisera pas le roseau fendu ». S. Matthieu, xii, 20, applique à Jésus-Christ ce passage du prophète.

Le roseau, formant une tige droite, et atteignant trois mètres et plus de hauteur, a servi de mesure de longueur : qenêh ham-mîddâh, « canne à mesurer, » c’est le mon donné par Ézéchiel, xl, 5. Elle sert à éva luer les mesures du temple, XL, 3 ; xlii, 8 ; xlii, 16-19 : elle avait six coudées et six palmes, 3 m 675. Voir t. iv, col. 1042. Dans sa vision de la fondation du nouveau temple, Ézéchiel, xl, 3, nous montre d’abord « un homme ayant à la main un cordeau de lin et une canne à mesurer. » Faut-il voir quelque rapprochement avec ce qui est dit souvent dans les cérémonies de fondation de temples en Egypte ? « La canne de roseau est dans sa main, (du pharaon), il fait la cérémonie de la fondation. » Recueil de travaux relatifs à la philologie et archéologie égyptienne et assyrienne, t. i, Paris, 1870, p. 176. Il est vrai que dans la cérémonie de fondation des temples égyptiens, la canne de roseau sert à retenir le cordeau destiné à marquer les limites des fondations à faire. N’en serait-il pas de même pour le prophète ?

Le roseau taillé servait à écrire : c’est le calame. IH’Joa., 13. Le « roseau, qanêh, pour faire le calame à écrire, » dit la Mischna, Schabbat, viii, 5. Voir Calame, t. ii, col. 50. Par analogie on appela qdnèh, la tige du blé ou chaume, Gen., xli, 5, 22 ; les sept branches de chandelier d’or, Exod., xxv, 33 ;

258. — Panicule du roseau.

D’après F. Woenig, Die Pflanzen int alten Aegypîen,

1886, p. 131.

xxxviii, 19, etc. — Voir Pline, H. N., xvi, 66 ; O. Celsius, Hierobolanicon, in-8°, Amsterdam, 1748, t. ii, p. 312-325 ; Gr. Wœnig, Die Pflanzen im alten Aegijpten, in-12, Leipzig, 1886, p. 131.

E. Levesque.

    1. ROSEAU AROMATIQUE##

ROSEAU AROMATIQUE (hébreu : qenêh bôsèm, « roseau odorant », Exod., xxx, 23 ; Septante : xaXâjiou e-jûêo’jc ; Vulgate : calamus. Il est encore appelé en hébreu : qâneh hattob, « le bon roseau », Jer., vi, 20 ; Septante : xtvi|i£U(AOv ; Vulgate : calamum suave olentem ; et plus fréquemment qânéh, « roseau », Cant., v, 14 ; Is., xlhi, 24 ; Ezech., xxvii, 19 ; Septante : r.i}.au, oç Cant., v, 14 ; 8-j(71’a*|jia, Is., xlhi, 24, et tpoxi=U, Ezech., xxvii, 19 ; Vulgate : fistula, Cant., iv, 14 ; calamus, Is., xlhi, 24 ; Ezech., xxvii, 19), plante aromatique.

1. Description. — Sous ce nom les anciens désignaient une aroïdée qui habite le bord des eaux dans toute la région froide ou tempérée de l’Ancien Monde. L’Acorus calamus (fig. 259) de Linné est une herbe ayant le port des iris, avec des feuilles ensiformes et engainantes à la base, qui occupent sur 2 rangs toute la face dorsale d’un rhizome rampant à fleur du sol. La gaine est longuement dépassée par un limbe linéaire, à côte

proéminente, et légèrement crispé aux bords près du sommet. Le pédoncule floral, presque semblable, mais plus franchement triquètre, se termine par une spathe foliacée à la base de laquelle est inséré latéralement un spadice épais, obtus, cylindracé, tout recouvert de petites fleurs sessiles et sans éclat. Leur périanthe rudimentaire a néanmoins 6 pièces bien constituées, tronquées au sommet et formant-voûte pour l’ovaire central entouré de 6 étamines, et qui devient à maturité un fruit bacciforme en pyramide renversée. F. Hy.

II. Exégèse. — Des exégètes ont identifié le qânêh odorant avec YAndropogon schœnanthus ou jonc odorant. Voir t. iii, col. 1630. D’après les textes bibliques le qânéh odorant est une plante aromatique, mise en parallèle avec l’encens de Saba et venant aussi des terres lointaines, c’est-à-dire de l’Arabie ou des régions voi 259. — Acorus calamus.

sines. Jer., vi, 20. Des tribus arabes du Yémen l’apportaient sur les marchés de T$r. Ezech., xxvii, 19. Il entrait dans la composition aromatique brûlée sur l’autel des parfums, Is., XLiir, 24 ; Jer., vi, 20, et dans la composition de l’huile d’onction, huile sacrée qui ne pouvait être reproduite par les particuliers. Exod., xxx, 23. Ces raisons ont paru suffisantes à ces exégètes pour voir dans le qânéh odorant, YAndropogon schœnanthus ou joue odorant, dont le plus estimé est celui des Nabuthéens, et qui est mentionné parmi les ingrédients du fameux parfum sacré des Égyptiens, le kyphi. Cependant le qânéh n’est pas un jonc, mais bien un roseau. Or, chez les Égyptiens, une autre plante, qui entrait également dans la composition du kyphi, portait le nom de roseau

de Phénicie, Nabi-nt-Djahi, 1 J i ^ I U /

et n’était autre queY Acorus calamus ordinairement appeléau moyen âge Calamus aromaticm. De plus dans une recette pour faire le kyphi donnée par un texte d’Edfou, Brugsch et Dûmichen, Bec, iv, pi. 83, col. 1-2, on lit

/~—* | ^"1 II I a j 1 1, kanen djol-rseb nédjem, « kanen, autrement dit, roseau odorant, *~~+ I ; kanen », écrit

aussi a~~i 1 a « ^ ", qenna, n’est qu’un mot étranger, le

qânéh hébreu, le xàwa grec, canna latin. Cf. iU-S, qui a esens àe canna, « taKvws., C’est le. uo « asiatique qu’on explique par l’expression proprement dite égyp tienne : autrement dit seb nedjem, roseau aromatique. V. Loret, Varia, dans Recueil de travaux relatif s à la philologie et Varchéol. égypt., Paris, 1870, 1. 1, p. 190 ; t. iv, p. 156. Les auteurs grecs rangent V Acorus calamus, sous le nom de xâXajio ; , au nombre des ingrédients du kyphi. L’jlcorus aromaticus ne poussait pas en Egypte, mais il y était apporté par les marchands phéniciens qui le recevaient de l’Asie orientale. C’est pour cela qu’il était connu en Egypte sous le nom de roseau de Phénicie. V. Loret, La flore pharaonique, 2e édit., Paris, 1892, p. 31 ; Le kyphi, parfum sacré des anciens Egyptiens, dans le Journal asiatique, Paris, juilletaoût 1887. Cf. O. Celsius, Hierobotanicon, t. ii, p. 326.

E. Levesque.

    1. ROSEAUX##

ROSEAUX (VALLÉE DES), vallée ou torrent de Cana, dont le nom a été ainsi traduit dans la Vulgate (Vallis arundinetï). Voir Çana 1, t. ii, col. 104.

    1. ROSÉE##

ROSÉE (hébreu : lai ; Septante : Spàaoç ; Vulgate : ros), dépôt de gouttelettes d’eau qu’on remarque le matin sur beaucoup d’objets exposés à l’air libre, quand la nuit a été sereine. Pendant les nuits claires, les objets qui sont dehors rayonnent leur chaleur vers les espaces célestes et se refroidissent très vite. L’air chauffé pendant le jour se refroidit aussi à leur contact et dépose sur eux la vapeur d’eau qu’il contenait. Les premières gouttelettes s’accroissent peu à peu par l’adjonction des dépôts successifs de vapeur. La rosée est d’autant plus abondante que l’écarl est plus considérable entre la température de la nuit et celle du jour, et que les corps exposés à l’air sont moins bons conducteurs de la chaleur. La rosée ne se produit pas quand le rayonnement vers les espaces célestes estempêché par un obstacle, nuages, arbres, etc. Quand la température nocturne descend au-dessous de 0°, la rosée se congèle et donne le givre. Voir Givre, t. iii, col. 247. — En Palestine la température de la nuit descend ordinairement de 15° à 25° degrés au : dessous de celle du jour. Jacob se plaignait à Laban d’être « dévoré le jour par la chaleur et la nuit par le froid, » pendant qu’il gardait les troupeaux en Mésopotamie. Gen., xxxi, 40. « Il tombe à Jérusalem, la nuit surtout, une rosée très pénétrante. » Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, Paris, 188ï, p. 257. Il en est de même dans la plus grande partie du pays. Il n’est pas rare de la voir dégoutter en abondance, par exemple de la toiture des tentes. Cette rosée supplée à la pluie qui ne tombe pas pendant plus de la moitié de l’année ; elle fournit aux plantes l’humidité dont elles ont besoin et ainsi atténue, dans la mesure nécessaire à la végétation locale, les effets désastreux de la chaleur et de la sécheresse prolongée.

1° Sens propre. — L’explication théorique de la rosée n’a été trouvée qu’en 1810. Les anciens n’ont donc pas l’idée exacte de l’origine du phénomène. Ils l’assimilent à celui de la pluie.

La pluie a-t-elle un père ?

Qui engendre les gouttes de la rosée ? Job, xxxviii, 28. C’est par la science (de Jéhovah) que les abîmes se sont ou-Et que les nuages distillent ta rosée. Prov., iii, 20. [verts, .

Israël est établi dans un pays fertile « et son ciel distille la rosée. » Deut., xxxiii, 28. C’est « la rosée de* l’Hermon qui descend sur les sommets de Sion. » Ps. cxxxin (cxxxii), 3. Au désert, la manne apparaissait le matin en même temps que la rosée et les Israélite* considéraient l’une et l’autre comme tombant du ciel. Exod., xvi, 13, 14 ; Num., xi, 9. — La rosée constituepour les habitants de la Palestine un bienfait très apprécié. Isaac souhaite que « Dieu donne à Jacob la roséedu ciel, » tandis que la demeure d’Ésaù sera ( : privée de la rosée qui descend du ciel. » Gen., xxvii, 28, 39

Moïse prédit à la tribu de Joseph « le précieux don du ciel, la rosée. » Deut., xxxiii, 13. Après le retour des Juifs exilés en Palestine, « a terre donnera ses produits, les cieux donneront leur rosée, » Zach, rai, 12 ; les deux bienfaits sont solidaires. La rosée rafraîchit les ardeurs du vent d’Orient, qui est sec et brûlant, Eccli., xviii, 16 ; après la chaleur, elle ramène la fraîcheur et la joie. Eccli., xliii, 24. Un vent de rosée rafraîchissait les jeunes Hébreux au milieu de la fournaise. Dan., iii, 50. Aussi l’invitent-ils à bénir Dieu, en l’associant tantôt à la pluie et tantôt au givre. Dan., iii, 64, 68. — La privation de rosée devenait une calamité et une malédiction. David souhaite que les monts de Gelboé, qui ont vu périr Saül et Jonathas, ne reçoivent désormais ni rosée ni pluie. II Reg., i, 21. Au roi Achab, Élie annonce qu’il n’y aura ni rosée ni plaie durant plusieurs années. III Reg., xvii, 1. La famine en résulta. Aggée, I, 10, dit aux Juifs que les cieux retiennent leur rosée parce qu’on ne s’occupe pas de rebâtir la maison du Seigneur. — Celui qui passe la nuit dehors-est ensuite tout couvert de rosée. Cant., v, 2. Ce fut ce qui arriva à Nabuchodonosor pendant sa folie. Dan., iv, 12, 20, 22, 30. — Avant d’accepter la mission que Dieu veut lui confier, Gédéon demande un double signe auquel devait servir le phénomène de la rosée. Il prend une toison de laine, gizzat has-sêmér, « une tonte de laine », par conséquent la laine de la toison sans la peau, comme traduisent avecraison les Septante : noxov toû êptou, et il la met sur l’aire exposée à tous les vents. Il désire, une première fois, que la toison soit imprégnée de rosée et que la terre reste sèche, une seconde fois que la rosée humecte la terre mais ne tombe pas sur la toison. Dieu condescendit au double désir de Gédéon. La terre qui devait rester sèche ou humide n’était pas seulement celle qui recouvrait la toison, niriis kol-ha’drés, « toute la terre » de l’aire. Jud-, vi, 36-40.

2° Comparaisons. — La rosée est l’image de la prospérité, à cause de la fécondité qu’elle assure à la terre. Job, xxix, 19, pour marquer le bonheur qu’il imaginait, dit que la rosée passait la nuit dans son feuillage. Osée, xiv, 6, assure que Dieu sera la rosée pour Israël. Isaïe, xlv, 8, appelle le libérateur en ces termes :

Cieux, répandez d’en haut votre rosée

Et que les nuées fassent pleuvoir la justice.

Jacob, dispersé parmi les nations, sera comme la rosée venant de Jéhovah, Mich., v, 7, c’est-à-dire comme une source de grâces pour elles. La faveur du roi est comme la rosée sur l’herbe, Prov., xix, 12, elle entretient la vie. Moïse dit, au début de son cantique : « Que ma parole tombe comme la rosée » douce et fécondante. Deut., xxxii, 2. Pour laisser grandir les ennemis de son peuple, Dieu se tient en repos.

Comme une chaleur sereine par un brillant soleil, Gomme un nuage de rosée dans la chaleur de la moisson.

Puis, quand la moisson est sur le point de mûrir, il coupe soudain tout ce qui a poussé, c’est-à-dire qu’il détruit les ennemis au moment où ils se croient sûrs du triomphe. Is., xviii, 4. — La roséje figure aussi le réveil et la vie ; la rosée du Seigneur est une « rosée de l’aurore », elle fait revivre les trépassés, elle ressuscite le peuple des justes. Is., xxvi, 19. Jéhovah dit au Messie :

Du sein de l’aurore, à toi

La rosée de ta jeunesse,

c’est-à-dire, dans le sens concret, tes enfants, tes sujets gardant une éternelle jeunesse, viennent à toi aussi nombreux que les gouttes de rosée qui découlent du sein de l’aurore. Ps. ex (cix), 3. C’est l’annonce de l’empressement avec lequel une multitude d’âmes

accourront pour se mettre à la suite du Messie. Aquila, Symmaque et saint Jérôme traduisent conformément à ce sens. Les Septante et la Vulgaie ont lu un texte différent : « De mon sein avant l’aurore, je t’ai engendré. » Ces versions n’ont pas rendu les mots lekâtal, « à toi la rosée », également ignorés de Théodotion, et au lieu de ~}T-h>, yalduléka, « ta jeunesse », elles ont lu i » m’: >, yelidfika, « je t’ai engendré », comme Ps. ii, 7. — La rosée couvre la terre doucement et sans qu’on s’en aperçoive. Chusaï conseille à Absalom de s’enteurer d’une multitude et, avec elle, de tomber sur David et ses partisans « comme la rosée tombe sur la terre, » de manière à les atteindre tous sans qu’aucun n’échappe. II Reg., xvii, 12. — La rosée s’évapore rapidement aux premiers ravons du soleil. La piété des Israélites ressemble à la rosée, elle ne dure guère, Ose., vi, 4 ; Éphraïm passera lui-même comme se dissipe la rosée du matin. Ose., xiii, 3. La petite gouttelette de rosée n’est rien ; le monde est devant Dieu « comme la goutte de rosée matinale qui tombe sur la terre. » Sap., xi,

23.
H. Lesêtre.

1. ROSENMULLER Ernst Friedrich Karl, fils de JeanGeorges Rosenmûller, orientaliste’et théologien protestant allemand, né le 10 décembre 1768 à Hessberg, près d’Hildburghausen, où son père était alors pasteur, mort à Leipzig, le 17 septembre 1835. Il fit ses études d’abord dans sa famille, pais au collège de Giessen, et enfin, à partir de 1785, à Leipzig, où il fut repu docteur en philosophie en 1788. À cette même université, il fut nommé professeur extraordinaire d’arabe en 1796, professeur ordinaire de langues orientales en 1813, et prit le grade de docteur en théologie en 1817. Aussi actif que savant, il a publié, soit seul, soit en collaboration avec d’autres, une grande quantité d’ouvrages se rapportant aux études bibliques, écrits originaux, éditions annotées, traductions, revues ; parmi ces ouvrages nous devons citer : Scholia in Vêtus Testamentum, grand ouvrage qui parut par parties à Leipzig, depuis 1788 jusqu’à 1832 (la Genèse et V Exode en 1788 ; 3e édit. en 1821 ; le LévUique, les Nombres et le Deutéronome en 1790 ; 3e édit. en 1824 ; lsaïe en 179193 ; 3= édit. en 1829-33 ; les Psaumes en 1798-1804 ; 2e édit. 1821-1822 ; Job en 1806 ; 2e édit. en 1824 ; ainsi qu’Ezéchiel ; 2e édit. en 1826 ; les Petits prophètes en 1815 ; 2e édit. en 1827-28 ; Jérémie en 1826-27 ; les Livres de Salomon en 1829-30, Daniel en 1832 ; Josué en 1833 ; les Juges, Rulh en 1835). À la mort de l’auteur, l’ouvrage était donc encore incomplet. Un abrégé eii avait été publié sous le titre de Scholia in Vêtus Testamentum in compendium redacla, 5 in-8°, 1828-1832. On a aussi de lui : Handbuch fur die Literatur der biblischen Krilik und Exégèse, 4 in-8°, Gœttingue, 1797-1800 ; Das aile und neue Morgenland oder Erlâuterungen der heiligen Schrift aus der nalûrlichen Beschaflenheil, den Sagen, Sitten und Gebr &uchen des Morgenlandes, 6 in-8°, Leipzig, 18181820 ; Biblisch-exeget. Reperlorium, 2 in-8°, Leipzig, 1822-1824 ; Handbuch der biblischen Allerthumskunde, 3 in-8°, Leipzig, 1823-1831 ; Commentatio de Pentateuchi versione persica, in-4°, Leipzig, 1813.

A. Régnier.

2. ROSENMULLER Johann Georg, théologien protestant allemand, né le 18 décembre 1736 à Ummerstadt, dans la principauté de Hildburghausen, mort le 14 mars 1815. Il fit ses études à la Lorenzschule de Nuremberg, puis à Altdorf où il resta jusqu’en 1760. En 1768, il fut nommé ministre à Hessberg, puis, en 1772, à Kœnigsberg en Franconie ; en 1773, professeur de théologie et pasteur à Erlangen. De 1783 à 1785, il fut successivement professeur et surintendant à Giessen, puis professeur à l’université de Leipzig et pasteur à l’église Saint-Thomas de la même ville. Il avait

acquis une certaine renommée comme prédicateur, et il a laissé de nombreux ouvrages, parmi lesquels : Scholia in Novum Testanientum, 6 in-8°, Nuremberg, 1777-1782. Quatre autres éditions parurent de son vivant, dont la dernière fut terminée en 1808. De la sixième édition il ne put publier que le premier volume, en 1815 ; les autres ne virent le jour qu’après sa mort, de 1827 à 1831. Un supplément à cet ouvrage avait paru sous le titre de : Emendationes et supplementa, 5 in-8°, 1789-90. On a aussi de lui : De falis interpretationis sacrarum litterarum in Ecclesia christiana, 1789 et suivantes, constituant divers articles recueillis et complétés plus tard sous ce titre : Historia interpretationis librorum sacrorum in Ecclesia christiana, inde ab apostolorum setale ad Origeneni, 5 parties, Leipzig, 17954815. A. Régnier.

    1. ROSSANENSIS CODEX##

ROSSANENSIS CODEX, évangéliaire grec, découvert en 1879 par Oscar von Gebhardt et Adolf Harnack, à Rossano, siège archiépiscopal de la Calabre. Il est désigné sous le nom de Codex S. Il est la propriété du chapitre de la cathédrale de Rossano. Il est écrit en lettres d’argent sur parchemin pourpre en belles onciales, sans accents et sans séparation de mots, avec de belles miniatures en couleurs. Plus de la moitié du manuscrit original semble perdu. Il reste 188 feuilles à deux colonnes, de vingt lignes chacune, contenant saint Matthieu en entier et saint Marc jusqu’au milieu du ꝟ. 14 du dernier chapitre. Le texte suit de près A, A, ii, au lieu des manuscrits plus anciens B et x, mais quand l’un des trois premiers manuscrits, par exemple A, s’accorde avec B et s, S le suit ordinairement. Il est généralement d’accord avec le Codex purpureus N, du vie siècle, dont les fragments sont dispersés à Saint-Pétersbourg, Paris, Rome, Patmos, Londres et Vienne. Les éditeurs, Gebhardt et Harnack, le rapportent au VIe siècle. Evangeliorum Codex Grsscus Purpureus Rossanensis, litteris argenteis sexto ut videtur seeculo scriptus picturisque ornatus, Leipzig, 1880. Les miniatures sont remarquables par le dessin et par le coloris et d’autant plus importantes que, si les manuscrits latins à miniatures sont relativement nombreux, les manuscrits grecs ainsi ornés, antérieurs au vn « siècle, sont très rares. A. Hasseloff, Die Miniaturen des Codex purpureus Rossanensis, in-4°, Berlin, 1898.

1. ROSSI (Azariah de) Ben-Moses, savant juif de la célèbre famille appelée en hébreu Min ha-Adummim, né à Mantoué, en 1513, mort dans cette ville en novembre 1577. Il étudia à Mantoue, Ferrare, Ancone, Bologne, et se voua à l’étude de la langue hébraïque et des Saintes Écritures. Il est l’auteur d’un ouvrage de grande réputation parmi les Israélites, dw liND, Me’ôr’ênayîm, « La lumière des yeux », Mantoue, 1574-1575. Il se divise en trois parties, dont les deux premières ont été réimprimées à Vienne en 1829. Dans la première partie, il s’occupe surtout du tremblement de terre du 18 novembre 1570 à Ferrare, dont il avait été témoin, et de ce que disent l’Écriture, les rabbins, etc., sur ces commotions de la nature. La seconde a pour sujet principal la version des Septante ; la troisième traite entre autres des sectes juives, en particulier des Esséniens, des versions araméennes, des juifs d’Alexandrie et de Cyrène, des dix tribus, de l’exégèse midraschique et hagadique, de la chronologie juive, de l’antiquité des lettres et des points-voyelles, de la poésie hébraïque, etc. De nombreux fragments de cette œuvre bigarrée et assez souvent incorrecte ont été traduits en latin par divers écrivains. Voir la biographie d’A. de Rossi par M. Zunz, dans Kerem fféméd, Prague, 18411842, v, p. 131-138, 159-162 ; vii, p. 119-124.

2. ROSSI (Giovanni Bernardo De), orientaliste italien, né le 25 octobre 1742 à Castelnuovo, petit village du Piémont, mort à Parme en mars 1831. Il fut reçu docteur en théologie à Turin en 1762 et reçut le sacerdoce la même année. Il se livra alors avec passion à l’étude de l’hébreu et des langues orientales et européennes. Il obtint en 1769 un emploi à la Bibliothèque de Turin et devint peu après professeur de langues orientales à Parme où il enseigna jusqu’en 1821. Il employa exclusivement les dernières années de sa vie à la composition et à la publication d’oeuvres philologiques et bibliographiques, mais il était déjà depuis longtemps célèbre par la publication de travaux remarquables. En 1776 avait paru à Oxford le premier volume des variantes de l’AncienTestament hébreu de Kennicott, Vêtus Testamentum hebraicum cum variis lectionibus. Voir t. iii, col. 1888. J.-B. De Rossi ne fut point satisfait de cette publication, à cause de sa critique défectueuse et de ses lacunes, et comme il possédait d’anciens manuscrits hébreux inconnus au savant anglais, il résolut de faire une œuvre plus exacte et plus complète. Ce fut l’origine de ses Varim lecliones Veteris Testament* ex immensa manuscriplorum editorumque codicum congerie haustæ et ad Samaritanum textum, ad vetustissimas versiones, ad accuratiores sacrie crilicee fontes ac leges examinâtes, 4 in-4°, Parme, 1784-1788 ; Scholia critica in Veteris Testamenti Libros seu Supplementa ad variantes sacri textus Lecliones, Parme, 1798. Pour ce travail colossal, il avait rassemblé 710 manuscrits hébreux avec 336 éditions anciennes de la Bible. À l’exemple de Kennicott, il avait collationné avec l’édition de la Bible de van der Hooght 691 manuscrits et 333 éditions imprimées et, continuant infatigablement son œuvre, il avait dépouillé uu total de 1793 exemplaires des textes hébreux, sans compter de nombreuses traductions anciennes et commentaires. Le résultat de cet immense labeur ne donna pas un très grand nombre de variantes, mais il n’en fut que plus important et il permit de constater que tous les manuscrits étudiés provenaient d’une même recension. De Rossi enrichit sa collection d’année en année, et, afin qu’elle ne fût point dispersée et pût être mise au service des savants, il la vendit en 1816 à l’archiduchesse Marie-Louise pour la somme de 100000 francs. Elle est conservée à la Bibliothèque de Parme. — On a aussi du même auteur : De prxcipuis caussis et momentis negleclee a nonnullis hebraicarum litterarum disciplinée disquisitio elenchtica, Turin, 1769 ; Délia lingua propria di Cristoe degli Ebrei délia Paleslina da’tempi de’Maccabei, in-4°, Parme, 1772 ; Delta vana aspetlazione degli Ebrei del loro re Messia dal compimento di tutte le epoche, in-4°, Parme, 1773 ; De hebraicse typographiai origine ac primitiis, Parme, 1776 ; Spécimen inéditm Bibliorum versionis syro-estranghelx, in-4°, Parme, 1778 ; in-8°, Leipzig, 1778 ; Annales hebraico-typographici sstcvli XV’, in-4°, Parme, 1795 ; Bibliotheca judaica antichristiana, in-8°, Parme, 1800 ; Dizionario storico degli autori Ebreie délie loro opère, 2 in-8°, Parme, 1802 : Manuscripti codices hebraici bibliothecse J. B. De Bossi accurate descripti et illustrati. Accedit Appendix qua continentur manuscripti codices reliqui aliarum linguarum, 3 in-8°, Parme, 1803 ; Introduzione alla Sacra Scritlura, Parme, 1817 ; Sinopsi délia ermeneutica sacra, Parme, 1819. — Voir Memorie storiche sugli siudje suite produzioni del D. G. B. De Bossi da lui dislese, Parme, 1809.

ROUE (hébreu : ’obén, ’ôfân, galgal, gilgâl ; Septante : Tpo-/61, Sçw/, « essieu de roue » ; Vulgate : rota), appareil circulaire pouvant tourner autour d’an axe (fig. 260). II est question, dans la Sainte Écriture, de différentes espèces de roues.

1° La roue des chars, montée verticalement sur m »

essieu horizontal, s’appuie sur le sol, porte le poids du véhicule et tourne en avançant ou en reculant, selon le mouvement imprimé à ce dernier. Pendant qu’ils poursuivaient les Hébreux à travers la mer Rouge, les Égyptiens virent les roues de leurs chars tomber de leurs essieux, sous l’effort d’une traction trop rude au milieu du sable.et des pierres. Exod., xiv, 25. Les roues des chars de guerre faisaient grand bruit ; Isaïe, v, 28, les compare à l’ouragan. Les roues des chars égyptiens firent trembler les Philistins, Jer., xlvii, 3, celles des chars chaldéens épouvantèrent les Israélites, Ezech., xxm, 2ï, celles des chars de Babylone ébranlèrent les murs de Tyr, Ezech., xxvi, 10, et Ninive fut terrifiée par le même fracas. Nah., iii, 2. Sur la forme de ces roues, voir Char, t. ii, col. 565-578. — Les chariots d’airain qui transportaient l’eau dans le sanctuaire avaient des roues comme celles d’un char. III Reg., vii, 30-33. Voir Mer d’airain, t. iv, col. 985, 986. — Pour marquer la mobilité d’esprit et l’instabilité des idées de l’insensé, l’Ecclésiastique, xxxiii, 5, dit de lui :

L’intérieur de l’insensé est comme une roue de chariot, Et sa pensée comme un essieu qui tourne.

2° Isaïe, xxviii, 27, 28, parle d’une roue de chariot qui servait à îovver ie îrotneirt, mais qw’otv tfewi-

260.

Roue de char. Musée du Vatican.

d’ordinaire est en pierre. Cet instrument ne se trouve r pas dans nos pays (la Mauritanie), mais chez les potiers^ orientaux. Je l’ai vu cependant dans ce pays même chez un des potiers orientaux qui y résident. » Dans Gesenius, Thésaurus, p. 16. Voir Potier, col. 578. Le potier fait tourner cette roue avec les pieds, Eccli., xxxviii, 32, pendant que ses mains façonnent l’argile. 4° La poulie de la citerne ou de la fontaine est appelée galgal dans ce passage de l’Ecclésiaste, xii, 6 :

Avant que la cruche se brise à la fontaine, Que la poulie se casse à la citerne.

Ces deux accidents, qui empêchent de puiser l’eau, figurent la fin de la vie. La poulie est une roue ou un rouleau, tournant autour d’un axe horizontal et facilitant le va-et-vient de la corde qui soutient la cruche.

5° La roue figure souvent dans les visions prophétiques. Ézécbiel, i, 15-21, voit avec les quatre chérubins des roues qui ressemblent à la pierre de Tharsis, c’est-à-dire à la chrysolithe. Voir Chrysolithe, t. n col. 740. Chacune d’elles est comme traversée par une autre roue ; elles avancent sur leurs quatre cotés sans se re ployait pas pour de menues graines comme le cumin. Saint Jérôme, In Is., ix, 28, t. xxiv, col. 326, dit qu’en Palestine on foulait le blé avec des roues de fer ; ces roues, pourvues d’espèces de dents, étaient promenées circulairement sur les gerbes, faisaient sortir les grains de l’épi et broyaient la paille. Ces roues n’ont pas cessé d’être en usage. Cf. Rosenmiiller, Jesaise vaticin., Leipzig, 1793, t. ii, p. 632. Ce sont plutôt des rouleaux qui, montés sur une espèce de châssis, étaient traînés par des bœufs. On en peut voir la forme et la manœuvre t. i, fig. 73, 74, 75, col. 325-327. Il est dit qu’un roi sage fait passer la roue sur les méchants, c’est-à-dire qu’il les tient sous sa puissance, les châtie et les empêche de se relever pour mal faire. Prov., xx, 26. La roue à laquelle il est fait allusion ici, bien qu’appelée’ôfdn, comme la roue des chars, ne diffère pas du rouleau qu’Isaïe appelle aussi bien’Ôfdn qwe^gilgdl.

3° La roue du potier est une pièce /cylindrique qui tourne horizontalement sur un axe vertical et entraîne, dans son mouvement giratoire, la masse d’argile à mouler. Jérémie, xviii, 3, lui donne le nom de’obnaïm, « deux pierres », Xc’Qoe, rota. Abulwalid explique ainsi la signification de ce nom : « L’instrument sur lequel le potier tourne ses vases d’argile est double. Il se compose de deux roues de bois, semblables à des meules à main ; celle de dessous est plus grande et celle de dessus plus petite. L’instrument, bien qu’il ne soit pas de pierre, s’appelle’obnaïm, « paire de pierres », à cause de sa ressemblance avec la meule à main qui

2*#

261 Roue assyrienne. D’après Meyer, Sumerier vnd Semiten

in Babylonien, dans les Abhaadlungen Aer k. pr. Akademie der Wissenschaftenzu Berlin, Ph. hist. K. Abh. Ul, pi. viii,

tourner, et peuvent s’élever de terre comme les chérubins. Leurs jantes sont d’énorme hauteur et remplies d’yeux, c’est-à-dire de facettes brillantes. Elles font grand bruit en se mouvant. Ezech., iii, 13 ; x, 2, 6, 19 ; xi, 22. On ne saurait dire si ces roues avaient des formes purement idéales ou si elles présentaient quelque analogie avec des objets assyriens, comme on l’a reconnu pour les chérubins. Voir (fig. 2) un fragment d’un char divin en calcaire, — Daniel, vii, 9, décrivant le trône de Dieu, dit : « Son trône était de flammes de feu, les roues un feu ardent. » On a retrouvé un siège royal babylonien, monté sur roues, qui a pu servir de type à celui que décrit le prophète. Cf. de Longpérier, Notice des antiquités assyriennes, p. 37 ; Vigouroux, La, Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iv, p. 221-223, 399.

6° Saint Jacques, iii, 6, appelle « roue » le cours de la vie ; celle-ci va en effet comme une roue qui tourne sans cesse. — Le mot galgal signifie à la fois « roue » et « tourbillon ». Les versions ont pris deux fois le premier sens là où convenait le second. Ps. lxxvii (lxxvi),

19 ; lxxxiii (lxxxii), 14.
H. Lesêtre.
    1. ROUGE##

ROUGE (COULEUR). Voir Couleurs, i, 3°, t. iii, col. 1066.

1215

    1. ROUGE##

ROUGE (MER)

1216

    1. ROUGE##

ROUGE (MER) (hébreu : yâm-sûf, « mer des Roseaux », Exod., x, 19 ; xiii, 18 ; xv, 4, 22, etc. ; parfois simplement hay-yàm, « la mer », Exod., xiv, 2, 9, 16, 21, 28, etc. ; une fois sûf, Deut., 1, 1 ; Septante : t| Épu8pà ÔàXautra, Exod., X, 19 ; xiii, 18, etc. ; eiXamra, Exod., xiv, 2, 9, 16, etc. ; 7) ê^xà-tr] 80cXa<70-<), III Reg., » x, 26 ; ôâXaaaï] Eeîep, Jud., xi, 16 (Codex Vaticanus) ; les écrits grecs de l’Ancien et du Nouveau Testament ont èpo6pà 9â/a<j<7 ?j, Judith, v, 14 ; Sap., x, 18 ; xix, 7 ; i Mach., iv, 9 ; Act., vii, 36 ; Heb., xi, 29), grand golfe de l’extrémité nord-ouest de l’océan Indien, entre l’Asie sud-occidentale à l’est et l’Afrique nord-orientale à l’ouest. Célèbre par le passage miraculeux des Israélites à travers ses eaux, elle est connue dans la Bible surtout par ses deux pointes septentrionales, le golfe <Ie Suez et le golfe d’Akabah.

, I. Noms. —1° Le vrai nom de la mer Rouge en hébreu -est yâm sûf. Mais le mot sûf n’a pas un sens très précis ; tout en désignant des plantes aquatiques, il peut s’appliquer aux roseaux, aux joncs et aux algues. "Voir Algues, t. i, col. 364. Nous croyons cependant que le sens qui prime est celui de « roseaux ». Cf. Exod., h, 3, 5 ; Is., xix, 6. Le mot est transcrit en égyptien

par s=> % y. X *îf> tufl, « papyrus » ; mais, d’après

W. Max Mûller, Asien und Europa nach altâgy ptischen Denkmâlern, Leipzig, 1893, p. 101, il ne se rencontre pas dans l’ancien empire et paraît un emprunt fait aux Sémites. Il se retrouve encore dans le copte sous la forme iooiT’q, « jonc, papyrus ». Cependant la version copte, Exod., x, 19 ; xiii, 18, a traduit yâm sûf par io six ïiuj*.pi, yom n-’sari. Mais la signification est la même, car sari représente l’ancien égyptien sar, plante aquatique dont il est question dans une inscription du temple d’Edfou, et dont on mâchait les tiges comme celles du papyrus. Cf. G. Ebers, Durch Gosen zum Sinai, Leipzig, 1881, p. 532-533 ; Ch. Joret, Les plantes dans l’antiquité, 1™ partie, Paris, 1897, p. 174. On comprend d’ailleurs que le nom de « mer des Roseaux » ait quelque chose de spécifique, tandis que celui de « mer des Algues » ne convient pas d’une façon spéciale à la mer Rouge. Cependant, comme les roseaux n’existent aujourd’hui qu’en quelques endroits des bords de cette mer, notamment au sud du djebel’Atâqa, à l’embouchure de Youadi Jauâriq, et par groupes, mais en moins grande quantité, dans le golfe Elanitique ou d’Akabah, on a voulu rapporter le nom de sûf aux algues ou varechs (fucus) que la mer Rouge renferme, ainsi que la Méditerranée, et qui forment « omme des prairies sous-marines, visibles par un temps calme jusqu’à une grande profondeur, ou bien « ncore aux bancs de coraux recouverts d’algues qu’on aperçoit près des côtes. Mais ces raisons ne peuvent infirmer celles que nous avons fait valoir ; elles prouvent simplement que l’état de la mer Rouge, sous ce rapport, devait être autre à l’époque des Hébreux. Il fallait, en effet, que l’abondance des roseaux y fût remarquable pour qu’ils aient cherché dans ce fait une dénomination caractéristique. Or, cette plante et ses semblables croissent surtout au voisinage des eaux douces. Comme celles-ci sont rares sur les bords des deux golfes dont nous parlons, il est donc probable qu’il faut remonter à un état ancien où le golfe occidental s’avançait plus haut dans les terres, en s’unissant aux lacs Amers. C’est dans cette région septentrionale que les Israélites connurent surtout la mer Rouge, et nous verrons plus loin que cette hypothèse du prolongement a ses raisons et ses partisans. On comprend alors qu’ils aient été frappés pa.r les fourrés de roseaux qui devaient occuper les bords plus ou moins marécageux de cette partie, où venaient aboutir certains canaux du Nil.

2° Les Septante traduisent régulièrement par f] épuBpà

  • â).ocr<ra, « la mer Rouge ». C’est le nom qu’on trouve

dans les écrits grecs de l’Ancien et du Nouveau Testament, Judith, v, 14 ; Sap., x, 18 ; xix, 7 ; I Mach., iv, 9 ; Act., vii, 36 ; Heb., xi, 29. C’est celui qui est usité chez les historiens et géographes grecs, Hérodote, Strabon, etc. ; les Latinsont de même Mare Èrythrseum, Mare Rubruni. Mais ces auteurs lui donnent une bien plus grande extension, en l’appliquant à l’océan Indien lui-même et au golfe Persique ; ils réservent à la mer Rouge proprement dite et à son bras oriental les appellations spéciales de golfe Arabique et golfe Elanitique, comme nous le verrons tout à l’heure. Pour le moment, demandons-nous d’où est venu ce nom de « mer Rouge ». Il n’est pas facile de le savoir. Il va sans dire, selon la remarque de Niebuhr, Beschreibung von Arabien, Copenhague, 1772, p. 417, que l’eau de cette mer n’est pas plus rouge que celle de la mer Noire n’est noire, que celle de la mer Blanche des Turcs (Archipel) n’est blanche. C’est donc à quelques circonstances particulières qu’est due cette appellation. Dans certains cas et sous certains aspects, les herbes flottantes sous-marines peuvent produire des reflets donnant une teinte rougeâtre à la surface. C’est ce qu’a constaté en 1843, sur une longueur de 475 kilomètres, le D r Montagne, qui attribue cette couleur écarlale principalement â des Erythronema ou algues de la tribu des Oscillatoriées. Cf. Montagne, dans le Bulletin de la Société de géographie, Paris, 1844, p. 151 ; et Mémoire sur la coloration de la mer Rouge, 1845. Quelques bancs de sable et de corail ont aussi cette nuance. On fait appel également à la rougeur du ciel qui se reflète dans la mer, à la lumière éblouissante des monts et des rochers environnants. Une autre hypothèse ferait.de « rouge » le synonyme de « torride » ; on sait, en effet, que la chaleur est suffoquante sur cette mer. Beaucoup enfin croient que l’étymologie vient plutôt du « Peuple rouge » qui habitait autrefois une bonne partie de ses rives. C’est la signification A’Edoni en hébreu, de Himyar (dérivé de Ahmar) en arabe, de Pount en égyptien. Ce dernier nom désignait une grande tribu chananéenne du golfe Persique, qui fonda des colonies sur les bords de la mer Rouge, du golfe d’Aden, puis de là eh Afrique ; d’où il fut appliqué par les Egyptiens à l’Arabie et au pays de Somâl. Ces Chananéens, essaimant sur la Méditerranée, devinrent les « Êoîvixeç des Grecs ou les Phéniciens, les Pœni ou Puni de Carthage pour les Romains. On pourrait trouver un appui à cette hypothèse dans le nom que les Égyptiens donnaient à la région déserte qui les environnait, par opposition à leur propre pays, c’est-à-dire les bords du Nil. Ils appelaient celui-ci Kam, Kem ou Kemi, « le Noir », sans doute en raison de la couleur du sol, tandis qu’ils nommaient celle-là ta désert, « le [pays] Rouge », et le golfe Arabique « la mer du pays rouge ». C’est peut-être de là que les Grecs et les Romains auraient tiré le nom de « mer Erythrée » ou « Rouge ».

3° Nous avons dit que les historiens et géographes classiques appelaient la mer Rouge proprement dite « le golfe Arabique », 6’Apiëioç ou’Apaëixôç xoXnoç, Arabicus sinus. Cf. Hérodote, ii, 11, 159, etc. ; Strabon, xvii, 798, 803 ; Pline, H. N., vi, 28, etc. Mais le bras occidental portait aussi le nom de « golfe Héroopolite », ’IIpwoTroXïTVj ; x6Xtto ; ou ja-j^o ; , "Hpwoç xoXttoç, Théophraste, Hist. PL, IV, 8, dénomination tirée d’une ville qui se trouvait près du lac Timsah, l’ancienne Pithom, ce qui tend à prouver, nous le verrons, que la mer Rouge, dans les temps anciens, remontait beaucoup plus au nord que maintenant. Le bras oriental était appelé « golfe Elanitique », AîXaviTr)ç, ’EXavrér]ç, ’EXavt-Tixb « jcôXtt&ç ou (rJx° ! > de la ville d’Élath, située à l’extrémité du golfe. VoirÉLATH, t. ii, col. 1643. On trouve dans Pline les formes Mliniticus, Aleniticus et Lseniticus sinus.

1217

    1. ROUGE##

ROUGE (MER)

1218

4° Les Égyptiens donnaient différents noms à la mer Rouge : « la mer du pays de Punt », cf. H. Brugsch, Geographische Inschriften altâgyplischer Denkmâler, Leipzig, 1858, t. ii, p. 16 ; « la grande mer de l’eau de Qat » ou « de l’eau du circuit », cf. P. Pierret, Dictionnaire d’archéologie égyptienne, Paris, 1875, p. 487 ; « la Verte », cf. W. Max Mùller, Asien und Europa, p. 42., etc. Les Arabes n’ont point d’appellation générale pour la désigner, mais ils emploient des noms locaux : Bahr es-Sueiz, Bafir el-Akabah, Bahr el-Redjaz, etc. ; au sud, le nom habituel est Bahr Yémen.

II. Description. — La mer Rouge forme entre les deux continents d’Asie et d’Afrique un sillon d’une régularité remarquable ; creusé du sud-sud-est au. nordnord-ouest, il mesure 2325 ou 2 350 kilomètres depuis

262. — Carte de la sortie des Hébreux d’Egypte.

le détroit de Bab-el-Mandeb jusqu’au port de Suez, son extrémité septentrionale. À la pointe du triangle sinaïtique, elle se bifurque en deux bras secondaires, symétriques : l’un qui s’en va au nord-ouest, sur 302 kilomètres, est le golfe de Suez ; l’autre, moins long de presque moitié, est dirigé au nord-nord-est, sur 162 kilomètres, et s’appelle le golfe d’Akabah. Large seulement de 24 kilomètres à l’entrée, près du cap Bab-el-Mandeb, elle arrive progressivement à 345, 377 et 394 kilomètres, sa plus grande largeur, /entre Kounfouda d’Asie et Souakim d’Afrique. Elle se resserre ensuite jusqu’à 195 kilomètres, se rélargit de nouveau jusqu’à 326 kilomètres sous le tropique, puis se resserre encore et diminue petit à petit jusqu’à 179 kilomètres sur le parallèle du Ras Mohammed de la péninsule du Sinaï. De là, le golfe de Suez, large à cette entrée de 71 kilomètres, perd bientôt de sa largeur et varie entre 40 et20, puisl2 kilomètres à sonextrémité. Le golfe d’Akabah varie entre 28 et 12 kilomètres. Le bassin de la mer Rouge est une sorte de cuvette profonde et allongée.


L’axe des profondeurs court au milieu de la mer suivant les sinuosités du littoral ; l’endroit le plus profond, mesuré jusqu’à présent, se trouve à une distance presque égale du Râs Mohammed et de la passe de Bâb-el-Mandeb ; la sonde y indique 2 271 mètres. La profondeur moyenne est de 461 m 85. Mais on signale une grande différence bathymétrique entre les deux golfes de l’extrémité septentrionale. Le golfe de Suez n’a qu’une profondeur maxima de 50 mètres, tandis que le golfe d’Akabah s’unit avec la mer Rouge à une profondeur de 200 mètres et offre à son intérieur une profondeur de plus de 300 mètres ; le premier n’est donc qu’un simple fossé d’érosion latérale, tandis que le second est le véritable prolongement de la mer. Pendant lès mois d’été, quand l’atmosphère est calme, et plus encore quand souffle le vent du désert, la mer Rouge est une véritable fournaise ; l’eau y est à la température de 30 à 32°.

Les marées sont peu marquées dans ce fond resserré de l’Océan ; selon la position des ports, la montée varie de ln 75à l m 25. À Suez, les grandes marées de printemps son t de 2 mètres, et les m arées ordinaires de 1 m 50, chiffres qui peuvent être modifiés par l’action du vent. Dans le golfe d’Akabah, la marée est beaucoup plus basse que dans celui de Suez. Le golfe Arabique, ayant à peine quelques affluents qui durent toute l’année, ne reçoit qu’une très faible quantité d’eau ; on peut donc le considérer comme un immense bassin d’évaporation. Les pluies élant également très rares, le niveau de la mer baisserait sensiblement, le bassin finirait même, au bout de quelques siècles, par se vider, si l’océan Indien n’envoyait un courant pour remplacer les eaux perdues. Depuis que le canal de Port-Saïd a mis la mer Rouge en communication avec la Méditerranée, des échanges se font aussi entre le golfe de Suez et le bassin des lacs Amers. « Peu de mers offrent un spectacle comparable à celui que l’on contemple sur les fonds de la mer Rouge, à travers l’eau transparente et cristalline, à 20, 25 et même 28 mètres au-dessous de la surface. Les « prairies » sous-marines des zoophytes apparaissent avec leurs milliard* de rameaux, de lanières, de b.ourgeons et de fleurs, les unes irrégulières, les autres" de formes géométriques, et toutes rayonnant du plus merveilleux éclat, comme diamants, rubis et saphirs : c’est un inonde infini de formes et de couleurs. Au milieu des plantes animales se balancent les algues, et des centaines d’autres espèces végétales. Aucun brisant des lames n’indique la présence des récifs, à cause des mille cavernes de la masse coralline et des forêts d’herbes dans lesquelles se propage la vague en s’amortissant peu à peu et en perdant sa violence. » E. Reclus, L Asie antérieure, Paris, 1884, p. 868. Voir aussi Vivien de Saint-Martin, Nouveau Dictionnaire de géographie universelle, Paris, 1879-1895, t. v, p. 241-245.

III. Histoire. Passage dks Hébreux. — L’histoire de la mer Rouge, dans la Bible, consiste surtout dans le passage miraculeux des Israélites à travers ses flots.

II est raconté dans l’Exode, xiv, chanté par Moïse, Exod., xv, 1, 4, 8, 10, 19, 22 ; rappelé Deut., xi, 4 ; Jos., ii, 10 ; iv, 23 ; Jos., xxiv, 6, 7 ; Jud., xi, 16 ; II Esd., ix, 9 ; Ps. cv (cvi), 7, 9, 22 ; cxxxv (cxxxvi), 13, 15 ; Judith, v, 14 ; Sap., x, 18 ; xix, 7 ; IMach., iv, 9 ; Act., vii, 36 ; Heb., xi, 29. En dehors de là, cette mer est assignée comme frontière méridionale à la Terre Promise, Exod., xxiii, 31. Les Nombres, xiv, 25 ; xxxiii, 10, nous apprennent que les Hébreux, dans la péninsule du Sinaï, campèrent sur ses bords. Élath était située sur son rivage.

III Reg., ix, 26 ; II Par., viii, 17 ; Jer., xux, 21. Mais à quel endroit les Hébreux la passèrent-ils ? C’est un problème qui n’est pas encore résolu d’une façon certaine.

1° Récit biblique. — Pour le mieux comprendre,

V. - 39

examinons d’abord le récit biblique, qui fixe les principaux points de l’itinéraire. « Lorsque Pharaon eut laissé partir le peuple [d’Israël], Dieu ne le conduisit pas par la route du pays des Philistins, qui est la plus courte ; car Dieu pensait que le peuple pourrait se repentir en voyant la guerre, et retourner en Egypte. Dieu fit donc tourner le peuple par le chemin du désert, vers la mer Rouge, et les enfants d’Israël en armes montèrent de la terre d’Egypte. » Exod, xiii, 17, 18. « Étant partis de Sukkôt, ils campèrent à’Êfâm, à l’extrémité du désert. » Exod., xiii, 20. « Alors le Seigneur dit à Moïse : Parle aux fils d’Israël, afin qu’ils retournent et qu’ils campent devant Pîhahirât, entre Migdôl et la mer, vis-à-vis de Ba’al $efôn ; c’est vis-àvis de ce lieu que vous camperez sur la mer. Et Pharaon dira des enfanta d’Israél : Ils sont égarés dans le pays, le désert les enferme. » Exod., xiv, 1-3. Pharaon fit atteler son char et prit ses troupes 3vec lui ; et il prit six cents chars d’élite et tous les chars d’Egypte, avec les chefs de toute l’armée. » Exod., xiv, 7. « Les Égyptiens poursuivant donc [les Israélites], les atteignirent comme ils étaient campés sur le bord de la mer, toute la cavalerie et les chars de l’armée de Pharaon, devant Pihalfirôt, vis-à-vis de Ba’al IjSefôn. À l’approche de Pharaon, les enfants d’Israël, levant les yeux et voyant les Égyptiens qui marchaient à leur poursuite, furent saisis d’une grande crainte et ils crièrent vers le Seigneur. » Exod., xiv, 9-10. Le Seigneur dit à Moïse : « Pourquoi cries-tu vers moi ? Dis aux enfants d’Israël de se mettre en route. Et tei, élève ta verge et étends ta main sur la mer, et divise-la, afin que les fils d’Israël marchent à sec au milieu de la mer. » Exod., xiv, 1516. « Moïse ayant étendu sa main sur la mer, le Seigneur refoula la mer par un vent d’est violent pendant toute la nuit, et il mit la mer à sec, et les eaux se divisèrent. Et les enfants d’Israël marchèrent à sec au milieu de la mer, les eaux formant un mur à droite et à gauche. » Exod., xiv, 21-22. L’armée égyptienne, en les poursuivant, fut engloutie dans les flots, qui reprirent leur cours sur un signe de Moïse. Exod., xiv, 23-28.

2° Topographie. — Ce récit et les hypothèses auxquelles il a donné naissance demandent une description au moins générale du théâtre des événements, c’est-à-dire de l’isthme de Suez. Voir carte, fig. 262. Cet isthme a une largeur totale de cent treize kilomètres. En partant de l’extrémité méridionale du lac Menzaléh et en allant vers le sud, on traverse une série (te dunes de sable dont le point culminant est el-Qantara ou « le pont », ainsi appelé parce qu’il sert de lieu de passage entre l’Egypte et le désert qui la borde au nord-est. Après les dunes, on rencontre le lac Balah, puis un pli de terrain, nommé el-Gisr, qui, avec ses vingt mètres au-dessus du niveau de la mer, est l’endroit le plus élevé de l’isthme. II forme uu seuil qui, sans le travail de l’homme, aurait toujours empêché toute communication entre la Méditerranée et les lacs inférieurs. Au delà est le lac Timsah, puis viennent deux nouveaux plis de terrain, le seuil de Tussûm et celui du Sérapéum. À dix kilomètres plus au sud, sont les lacs Amers, formés d’un grand et d’un petit bassin, qui se dirigent du nord-ouest au sud-est, et dont la longueur totale est de quarante kilomètres environ, la plus grande largeur de dix à douze, et la plus grande profondeur de quinze mètres à peu près au-dessous du niveau de la mer. Avant le percement de l’isthme, ils étaient à sec depuis des siècles ; des bancs de sel en formaient le fond. Ils sont séparés de la mer Rouge par le seuil de èalûf, dont la hauteur est de près de sept mètres au-dessus du niveau de la mer. À partir de là, le terrain descend insensiblement jusqu’à l’extrémité de l’isthme ; c’est une plaine sablonneuse, d’environ vingt kilomètres, et élevée d’un peu plus d’un mètre, en moyenne, qui va se perdre dans la mer Rouge. Elle est limitée

à l’est par une suite de petites collines qui s’élèvent dans le désert, à l’ouest par une ondulation de terrain qui forme le dernier contre-fort du Djebel Geneffèh. A l’extrémité méridionale de la plaine est bâtie la ville de Suez. Cf. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. ii, p. 385-389.

C’est donc par cette ligne que les Hébreux devaient nécessairement passer pour quitter l’Egypte. Le récit sacré nous dit que la route la plus naturelle et la plus courte était celle qui allait au pays des Philistins, c’est-à-dire au nord-est, vers Gaza. Mais sur ce chemin, les Israélites devaient rencontrer des postes égyptiens et tomber entre les mains de peuples alliés du pharaon. Dieu ne voulut pas les exposer à une lutte qui les aurait facilement découragés. Quelle voie donc suivirent-ils ? Le problème est d’autant plus difficile qu’il ne se compose presque que d’inconnues. Le point de (Répart est incertain, et la plupart des noms de lieu indiqués par la Bible ne sont pas identifiés. Nous savons que les Hébreux partirent de Ramsès. Exod., xif, 37. Mais où se trouvait cette ville ? Plusieurs égyptologues l’identifient avec Tanis (hébreu ; Sô’ân ; égyptien : Than ; aujourd’hui : San), dont les ruines sont situées à environ 30 kilomètres de Faqûs, et qui fut une des résidences des pharaons. Il est certain que cette ville fut restaurée par Ramsès et qu’elle porte son nom dans les documents égyptiens. Mais cette raison ne suffit pas pour établir que la Ramessès biblique est la même cité que Tanis. Ramsès II, en effet, fonda une ville nouvelle, ou du moins une résidence royale de ce nom, et la Bible, qui connaît Tanis sous sa propre dénomination ; a dû réserver pour un autre endroit le nom de Ramsès. Le Pentateiique d’ailleurs prouve clairement la distinction des deux. Ramessès était dans la terre de Gessen, à laquelle elle donnait son nom. Or, Tanis n’était pas dans la terre de Gessen, comme il résulte de l’histoire de Joseph, quittant la cour du pharaon pour aller voir son père fixé dans le pays de Gessen, cf. Gen., xlvi, 28, 31 ; xlvii, 1, 7, 10-11, et de l’histoire des dix plaies, puisque la terre de Gessen fut exempte des fléaux qui frappèrent la résidence du roi. Cf. Exod., viii, 22 ; fx, 26. Ajoutons que, pour aller de Tanis au désert, il fallait franchir la branche pélusiaque du Nil, ce qui n’est mentionné nulle part. Les uns placent Ramessès près de Phithom, non loin du canal d’eau douce qui traverse Vouadi Tumilat. Cf. Vigouroux, La Bible et les déc. modernes, t. ii, p. 368. D’autres la chercheraient plus volontiers à es-Salihiyéh, point de jonction des deux routes d’Asie, l’un passant par el-Qantara, l’autre allant droit à lsmailiya. Cf. Lagrange, L’itinéraire des Israélites, dans la Revue biblique, 1900, p. 73. Voir Ramessès, col. 954.

Sukkôf ou Soccoth est un nom de forme hébraïque, qui signifie a les tentes » ; mais il correspond exactement à l’égyptien Thkut ou Thukut (th remplaçant le samech hébreu). Il désigne ici une région plutôt qu’une ville proprement dite, car une multitude comme celle des Hébreux ne pouvait s’arrêter dans une ville, en supposant même que les portes s’en fussent ouvertes devant elle. Or les monuments égyptiens nous montrent cette terre de Thukut près de Pitum ou Phithom, qui semble bien avoir avoir été retrouvé à Tell el-Maskhuta, dans Vouadi Tumilat, entre Tell el-Kébir et lsmailiya. La première station des Israélites dut donc être dans les environs, vers l’ouest ou le nord-ouest du lac lïmsa/i.’Voir Phithom, col. 321.’Êfâm ou Étham est à la fois le nom de la deuxième station et celui du désert que les Hébreux parcoururent après le passage de la mer Rouge. Num., xxxiii, 8. On l’a rapproche de l’égyptien Khatem, « muraille », ce qui nous ramènerait à la ligne de fortifications élevée par les pharaons contre les Arabes nomades à la frontière du désert. Si ce point n’est pas déterminé, il

est probable qu’il se trouvait à l’est à'el-Gisr, puisque c’est de là que, par un mouvement tournant, sur un ordre de Dieu, Moïse vint du côté de la mer Rouge, devant Pihahirôt ou Phihahiroth. Voir Etham, 1, t. ii, col. 2022. Ce dernier nom est l'égyptien Pikeheret rencontré par E. Naville, The Slore-City of Pithom, Londres, 1885, p. 16, 17 ; pi. ix, ligne 7, dans ses fouilles de Tell el~ Maskhula, sur une stèle de Ptolémée Philadelphe. On en conclut que cet endroit devait être non loin de Phithom ce qui convient bien au mouvement dés Israélites revenant sur leurs pas. Il faudrait alors le chercher sur les bords du lac Timsah. Mais comme la conséquence est que le passage de la mer Rouge aura eu lieu par les lacs Amers, les adversaires de cette opinion reculent Phihahiroth vers le sud jusqu'à 'Adjrûd, qui se trouve à quatre heures au nord-ouest de Suez, et dont le nom renferme des consonnes semblables ou analogues. "Voir Phihahiroth, col. 253. L'Écriture nous dit bien que Phihahiroth était entre Migdol ou Magdal et la mer, vis-à-vis de Ba’al $efôn ou Béelséphon. Mais ces points de repère nous sont eux-mêmes inconnus. Le mot Migdol, qu’on retrouve dans les inscriptions égyptiennes sous la forme Maktl, signifie « tour, forteresse ». Il indique donc ici une de ces enceintes fortifiées qui défendaient la frontière de l’Egypte contre les invasions des tribus pillardes du désert. Mais comme il y en avait un certain nombre, le renseignement reste nul. Voir Magdal 1, t.iv, col. 538. Quant à Ba’al §efôn, il indique un sanctuaire de « Baal du nord ». Gomme le culte de Baal s'établissait surtout sur les hauts lieux, et que le Set égyptien assimilé à Baal était un dieu de la mer, on peut croire que le nom en question désigne une montagne qui domine la mer, le Djebel (rene/féh ouïe Djébél 'Ataqa.Voir Béelséphon, t. i, col. 1545. Quelques-uns uns mettent Béelséphon à l’est sur la colline de Tussum.GC.E. Naville, The StoreCity of Pithom, p. 22 et carte.

3° Hypothèses. — C’est avec ces données incertaines qu’il nous faut retrouver le chemin des Hébreux. Elles suffisent cependant pour nous permettre de condamner certaines hypothèses et d’en établir de probables.

1. Hypothèse du P. Sicard. — Le P. Sicard, missionnaire jésuite, est le premier voyageur qui ait eu la gloire d'étudier scientifiquement la question. Il entreprit, en 1720, un voyage en Egypte, dont le principal motif était d’examiner de près la route des Israélites. Le résultat de ses recherches a été publié dans une Lettre au P. Fleuriau sur le passage des Israélites à travers la mer Rouge, dans les Lettres édifiantes et curieuses, édition de Toulouse, 1840, t. v, p. 2Il sq. Il commence par établip que le pharaon de l’exode ne demeurait pas à Tanis, mais à Memphis. Ramsès est pour lui Bessatin, petit village à trois lieues du vieux Caire, à l’orient du Nil. De là, pour se rendre sur les bords de la mer Rouge, les Hébreux suivirent la vallée qui est entre le mont Tora et le mont Diouchi, et ils passèrent la mer à une certaine distance audessous de Suez, en face de 'Ayân Musa. Cette opinion eut un grand succès et compta un très grand nombre de partisans. Le P Pujol, de la Compagnie dé Jésus, la défendait encore en novembre 4$72, dans les Études religieuses. Elle a cependant pour défaut capital d’assigner aux Israélites un faux point de départ : le pharaon ne résidait pas à Memphis, et Ramsès n’est pas Bessatin. Si le livre de l’Exode ne nomme pas expressément la résidence du roi, le Psaume lxxvii (hébreu, lxxviii), 12, 43, dit formellement que les merveilles opérées par Moïse eurent lieu « dans les champs de Tanis ». C’est, du reste, une vérité généralement reconnue aujourd’hui. D’autre part, Ramsès était dans la terre de Gessen ; or la terre de Gessen n'était pas sur le Nil, comme Bessatin, mais bien plus au nord de l’Egypte. Voir Gessen, t. iii, col. 218. Ce sys tème est done à rejeter, quel que soit le point d’arrivée qu’il fixe sur les bords de la mer Rouge.

2. Hypothèse de H. Brugsch. — Une nouvelle opinion, qui suscita quelque émoi dans le monde savant, fut soutenue eu 1874 par un égyptologue bien connu, Henri Brugsch, d’abord dans une conférence faite à Alexandrie, puis, le 12 septembre de la même année, au congrès des orientalistes à Londres. Cf. H. Brugsch, La sortie des Hébreux d’Egypte, Alexandrie, 1874 ; Report of the proçeedings of the second international Congress of the Orienlalists held in London, 1874, Londres, 1874, p. 28 ; L’Exode et les monuments égyptiens, discours prononcé à l’occasion du Congrès international d’orientalistes à Londres, Leipzig, , 1875. Disons tout de suite qu’elle est fausse dans le point de départ qu’elle assigne aux Hébreux et dans le point où elle les conduit. L’auteur prétend d’abord que Ramsès est la même ville que Tanis. Nous avons suffisamment réfuté cette idée. Voir Ramsès, Tanis. S’appuyant ensuite sur un document égyptien, dont il arrange la traduction pour les besoins de la cause, il place dans la direction de l’est les stations de Soccoth, Etham, Magdal et Phihahiroth. Arrivés à Etham, les Hébreux auraient tourné vers le nord, « pour entrer dans les basses du lac Serbonis, » le Barduil actuel. H. Brugsch, L’Exodeel les monuments égyptiens, p. 28. Ils auraient ainsi passé sans traverser aucune mer, par l'étroite langue de terre qui séparait le lac Serbonis de la Méditerranée ; les troupes égyptiennes, surprises par une haute marée, auraient été ensevelies dans les gouffres du lac, comme le furent plus tard les soldats d’Artaxercès. Diodore, xvi, 46. La géographie de H. Brugsch n’est pas moins singulière que son exégèse. La Bible, le seul texte autorisé dans la question, renverse de fond en comble le système du savant allemand, en nous parlant, non de la Méditerranée, mais de la mer Rouge. La tradition israélite n’a pu confondre deux mers si différentes. Yàm Sûf n’indique ni le lac Serbonis ni les autres lacs de la Basse-Egypte. Il désigne, nous l’avons vii, la mer qui baigne la péninsule sinaïtique, s’appliquant aussi bien au golfe Élanitique qu’au golfe de Suez.

3. Hypothèse des lacs Amers. — Les systèmes précédents ont marqué, au nord et au sud, deux lignes extrêmes qui se trouvent complètement en dehors de la route suivie par les Hébreux. Reste donc à chercher entre les deux. Quelques-uns des ingénieurs qui ont pris part au percement de l’isthme de Suez ont soutenu que les Israélites avaient passé à travers les lacs Amers, qui, à cette époque, n’auraient fait qu’un avec la mer Rouge. M. Lecointre surtout s’est fait le défenseur de cette hypothèse, Du passage de la mer Rouge par les Hébreux, avec deux cartes, dans les Études religieuses, octobre 1869, p. 557-582 ; réponse au P. Pujol, dans la même revue, juillet et août 1873. Il regarde comme incontestable et incontesté que les lacs Amers communiquaient avec la mer Rouge ; que le soulèvement de Schalouf a interrompu la communication ; que la salure de l’eau des lacs était supérieure à celle de la mer ; ce qui amène forcément à conclure que la communication était intermittente ; par conséquent, il existait à Schalouf, non pas un gué, mais un passage ordinairement à sec. Il place Étham au Sérapéum, à l’extrémité nord des lacs Amers ; il prend Magdal pour une chaîne de montagnes, et l’identifie avec le Djébél Genefféh ; Béelséphon est Chebrewet, le seul pic remarquable de cette plaine ; Phihahiroth est la plaine située entre le Djébél Genefféh et la mer ; le lieu de campement des Hébreux est la partie de cette plaine située au pied de Chebrewet. Moïse, en quittant Étham, suivit la rive occidentale des lacs Amers, alors remplis d’eau, dans l’intention d’aller rejoindre le passagede Schalouf et d’entrer dans le désert à l’est du golfe de Suez. Mais il ne put y réussir ; les chars du pharaon, venant du sud-ouest, du côté de

Memphis, lui barrèrent le chemin, et il se trouva emprisonné entre l’armée égyptienne au midi, les lacs à l’est et le Djebel Genefféh à l’ouest. Dieu délivra miraculeusement son peuple en lui ouvrant un chemin à travers les lacs Amers. — E.Naville, The Store-City of Pithom, p. 21, pense aussi que la mer Rouge communiquait avec les lacs Amers, qu’elle s'étendait même jusqu’au lac ïimsah. Les Hébreux, en revenant sur leurs pas, au sortir d'Étham, passèrent entre Pithom et l’extrémité du golfe, c’est-à-dire du lac Timsah, à peu prés vers Maghfar, puis ils s’acheminèrent vers le sud. Le cadre de leur campement fut alors celui-ci : au nord-ouest Phihahiroth-Pikehret, non loin de Pithom ; au sud-est Migdol, à peu de distance du Sérapéum actuel ; à l’est la mer et, au delà, sur la rive asiatique, Béelséphon, aujourd’hui la colline de Tussum. Là, dans l’espace compris entre le Sérapéum et le lac Timsah, la mer était étroite, l’eau n'était pas profonde, et le vent d’est put ouvrir un chemin aux Israélites. The Store-City of Pithom, p. 26. — Le P. de Hummelauer, Comment, in Exod. et Levit., Paris, 1897, p. 149, regarde également comme plus probable le passage de la mer entre le lac Timsah et les lacs Amers. — Enfin le P. Lagrange, L’itinéraire des Israélites, dans la Revue biblique, 1900, p. 80, dit de son côté : « La vraisemblance commande seulement de descendre jusqu'à un lieu où la mer sera assez peu profonde pour que l’action du vent d’est se fasse sentir. Ces conditions sont réalisées au Sérapéum, qui devait être peu submergé, de façon que les eaux poussées par un vent du sud-est fussent refoulées vers le lac Timsah, landis qu'à Suez le vent du sud-est aurait rendu le passage plus difficile. Si les documents égyptiens fournisssent à Maspero la preuve que Migdol est au Sérapéum, la question est tout à fait tranchée. » Il s’agit donc en somme de savoir si réellement, à l'époque de l’exode, la mer Rouge remontait jusqu’au lac Timsah. Ceux qui sont pour l’affirmative apportent des arguments historiques, géographiques et géologiques, que combattent les défenseurs de l’opinion contraire. Voir Phihahiroth, col. 253. Ces derniers ont donc une quatrième hypothèse, que nous allons exposer avant déjuger la précédente.

4, Hypothèse du golfe de Suez. — Ce système a été surtout mis en lumière par F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, t. ii, p. 403-426. C’est, du reste, à cet ouvrage que nous renvoyons pour tous les détails des opinions qui viennent d'être exposées. En quittant Ramsès, les Israélites suivirent les bords du canal d’eau douce qui longeait ïouadi Tumilat ; le besoin d’eau les contraignait à s’en écarter le moins possible. La première étape fut courte, en raison de la multitude des émigrants et de la nécessité d’atiendre ceux qui étaient éloignés de Ramessès. La halte de Soccoth eut lieu dans la région voisine de Pithom. Moïse en profita pour régler définitivement la marche. Afin de cacher â Ménephtah son véritable projet, il devait se rendre dans le désert le plus proche, à Étham ; mais, parvenu en cet endroit, il devait aller dans la direction du Sinaï en marchant vers le sud. Sur l’ordre de Dieu, il quitta la route des Philistins, et, tournant brusquement, se rendit sur les bords de la mer Rouge. Combien de temps mit-il à faire ce voyage ? Nous ne savons ; le texte sacré ne nous donne aucun renseignement. À en juger d’après la distance, il est probable qu’il mit plus d’un jour pour aller d'Étham à l’extrémité du golfe de Suez. La Bible, il est vrai, ne mentionne pas de stations intermédiaires, mais station et jour de marche ne sont pas synonymes ; sept stations seulement sont mentionnées pour le premier mois tout entier. Exod., xvi, 1 ; cf. Num., xxxiii, 3, 11. La suite du récit d’ailleurs confirme cette supposition. Moïse, en effet, ne dut guère séjourner à Phihahiroth que le temps de la nuit, parce qu’il devait lui tarder d’arriver

aux fontaines appelées aujourd’hui de son nom, 'Ayùn Mûsa, sur la rive orientale du golfe, pour y être à l’abri des Égyptiens. Or, d’après l’Exode, le soir qui précéda la traversée miraculeuse, les Hébreux virent les chars du pharaon qui les poursuivaient. Si le trajet d'Étham à Phihahiroth s'était effectué en un jour, il aurait fallu que, dans cette même et seule journée, les messagers partis d'Étham fussent allés à Tanis avertir le roi, que celui-ci eût donné à son armée les ordres nécessaires pour se mettre en mouvement et qu’elle eût parcouru la distance de Tanis à Phihahiroth. Tout cela n’a pu se faire en une douzaine d’heures, quelque célérité qu’on veuille bien supposer, lbid., p. 410. Le besoin d’eau pour eux-mêmes et de pâturages pour leurs troupeaux obligea donc vraisemblablement les Israélites à longer la rive occidentale des lacs Amers et à passer entre ces lacs et le mont Genefféh ; les canaux du Nil apportaient encore dans cette terre la vie et la fertilité. Arrivés à la pointe de la mer Rouge, ils campèrent sur ses bords, pour de là passer à l’est, dans le désert du Sinaï. Leur camp était dans le voisinage du Djebel 'Atâqa, qui doit être Béelséphon. C’est là que l’armée égyptienne les surprit. En venant de Tanis, elle avait suivi, à partir des environs du lac Timsah, la même route que les Hébreux. Elle allait les enfermer comme un oiseau dans une cage, selon le langage des conquérants assyriens, c’est-à-dire les mettre dans une impasse où ils étaient pris de tous côtés. Le Djebel 'Atâqà, qui s’avance tout près de la mer, leur fermait toute retraite à l’ouest et au sud ; la mer les empêchait de se sauver au sud-est ; les chariots du pharaon leur coupaient toute issue vers le nord et le nord-est. Israël ne pouvait être sauvé que par un miracle. Ce miracle fut fait. Quelle fut la distance parcourue dans le lit de la mer ? Il est probable qu’elle ne fut pas très considérable, puisqu’elle fut franchie en une nuit, c’est-à-dire en six ou huit heures, par une immense multitude. On peut croire que, partis du nord-ouest sur le bord occidental du golfe, les Hébreux suivirent une ligne oblique et allèrent sortir plus bas sur l’autre rive, au sud-est. Quand, à l’aurore, les Égyptiens s’aperçurent que leurs esclaves leur échappaient, ils se mirent à leur poursuite. Mais les eaux qui avaient sauvé Israël engloutirent leurs persécuteurs. Le texte sacré cependant, remarquons-le, ne dit pas que le pharaon fut noyé avec son armée.

5. Conclusion. — Le choix reste donc entre les deux dernières hypothèses. Celle du golfe de Suez est exposée de la façon la plus séduisante, tant la route des Israélites y paraît naturelle. Elle souffre bien cependant quelques difficultés. Elle repose sur la supposition que la mer Rouge, à l'époque de l’exode, ne s'étendait pas jusqu’aux lacs Amers. Si le fait est vrai, il faut, en effet, amener le peuple d’Israël jusqu’au golfe de Suez. Mais s’il ne l’est pas, on se demande pourquoi Moïse a entraîné si loin, près de 80 kilomètres, tout son peuple d'émigrants, pour le faire prendre dans une vraie souricière. Or, les partisans de la quatrième hypothèse avouent eux-mêmes « que nous n’avons aucune preuve positive que, du temps de Moïse, les lacs Amers étaient séparés de la mer Rouge. De ce qu’ils ne lui étaient plus unis du temps d’Hérodote, il ne s’ensuit pas qu’ils ne le fussent point à l'époque de Sésostris. La preuve de leur antique séparation, tirée de la géologie, est contestée par plusieurs géologues. L'égyptologie seule peut nous apprendre, par de nouvelles découvertes, ce qui en est réellement. » F. Vigouroux, La Bible et lesdécouvertes modernes, t. ii, p. 402, note 1. Les monuments égyptiens<parleut d’un bassin d’eau salée, appelé Kem-uer ou Kîni-otri, « la très Noire », qui se trouvait précisément dans la ligne des lacs Amers. M. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, 1895, t. i, p. 351, note 3 ; p. 471, note 3, -1225

    1. ROUGE##

ROUGE (MER)

1226

prétend que cette expression s’applique à la partie septentrionale de la mer Rouge, par parallélisme avec Ouaz-oîrît, Ouazit-oîrît, « la très Verte », la Méditerranée, et que le lac d’Ismaïliya formait autrefois, sous le premier empire thébain, le fond de la mer Rouge. D’autre part cependant la stèle de Pithom distingue ce bassin de la mer Rouge. Cf. W. Max Mûller, Asien und Eurôpa, p. 42 ; E. Naville, The Store-City of Pithom, p. 18. La troisième hypothèse s’appuie encore sur le nom de golfe Héroopolile donné à la mer Rouge. Comme il est prouvé qu’Héroopolis est la même ville que Pithom, il fallait donc que la mer s’étendît jusquelà. Dans ces conditions, le passage à travers les lacs Amers a aussi sa vraisemblance. La solution du problème exige de plus amples lumières ; l’égyptologie, nous les fournira peut-être un jour.

4° Caractère historique et miraculeux du passage de la mer Rouge. — On pourrait s’étonner du silence que les monuments égyptiens gardent d’événements aussi considérables que le départ des Hébreux, le passage et en même temps le désastre de la mer Rouge. Mais, dit M. E. de Rougé, « il n’est pas à penser que les Égyptiens aient jamais consigné ni le souvenir des plaies, ni celui de la catastrophe terrible de la mer Rouge, car leurs monuments ne consacrent que bien rarement le souvenir de leurs défaites. » Moïse et les Hébreux, dans l’Annuaire de la Société française de numismatique et d’archéologie, 1884, p. 213. Cependant Flinders Pétrie a découvert en 1896 une stèle de Ménéphtah où il est question de plusieurs peuples de )a Syrie méridionale, et en particulier d’  « Israîlou (qui] est rasé et n’a plus de graine. » M. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, t. ii, p. 443, parlant des récits de l’Exode, ditlui-même : « Un fait ressort incontestable de ces récits : les Hébreux ou, tout au moins, ceux d’entre eux qui habitaient le Delta, s’évadèrent un beau jour et se réfugièrent aux solitudes d’Arabie. L’opinion la plus accréditée place leur exode sous le règne de Ménéphtah, et le témoignage d’une inscription triomphale semble la confirmer, où le souverain raconte que des gens d’Israîlou sont anéantis et n’ont plus de graine. Le-contexte indique assez nettement que ces Israîlou si maltraités étaient alors au sud de la Syrie, peut-être au voisinage d’Ascalon et de Gézer. Si donc c’est bien l’Israël biblique qui se révèle pour la première fois sur un monument égyptien, on pourra supposer qu’il venait à peine de quitter la terre de servage et de commencer ses courses errantes. »

Le caractère surnaturel de l’événement ressort de tous les traits du récit, qui se présente, non sous forme poétique, mais historique, et a été entendu littéralement par toute la tradition. Sa fin providentielle fut, non seulement d’arracher à l’oppression le peuple choisi, mais d’affermir sa foi en ce Dieu tout-puissant, ce Jéhovah, qui s’était révélé à lui par Moïse. Il semble bien que Dieu lui-même ait amené les Israélites dans une impasse pour les en tirer miraculeusement. Si, en effet, ils avaient gagné le désert par le nord de la pointe maritime, les Egyptiens les y auraient facilement atteints. Dieu voulut donc frapperjîïeVIe début de leur histoire leur esprit et leur cœur. Et, en réalité, le passage de la mer Rouge fut regardé comme une merveille de premier ordre, dont le souvenir excita d’âge en âge l’admiration et la reconnaissance. Cf. Deut., xi, 4 ; Jos., ii, 10 ; iv, 24, etc. L’incrédulité cependant n’a pas manqué de chercher une explication naturelle pour effacer le miracle ; les Hébreux auraient profité du moment du reflux pour passer à gué, et une marée extraordinaire, survenue aussitôt après leur passage, aurait submergé les soldats du pharaon. Cf. du Bois-Aymé, Notice sur le séjour des Hébreux en Egypte et sur leur fuite dans le désert, dans la Description de

l’Egypte, Antiquités, Mémoires, 1809, t. i, p. 309-310 ; J. Salvador, Histoire des institutions de Moïse et du peuple hébreu, 3e édit., 1862, p. 52-55. Il existe, en effet, deux gués à l’extrémité de la mer Rouge : l’un à une heure et demie environ au nord de Suez, qui était ordinairement praticable avant le percement du canal ; l’autre au sud, placé vis-à-vis de Suez, et qui prend à peu près la direction du sud-est. Dans cette direction, celui-ci est recouvert à marée haute sur une étendue de plus d’une demi-lieue et n’est pas praticable ; à marée basse, il est ou plutôt il était à sec avant l’ouverture du canal, laissant seulement un étroit chenal, serpentant comme une rivière. Même en tenant compte de l’état ancien des lieux, il est impossible d’expliquer naturellement le récit sacré, dont les expressions excluent formellement l’idée d’un gué. Comment d’ailleurs la multitude qu i suivait Moïse aurait-elle pu passer la mer Rouge pendant le temps du reflux, en suivant le rivage, à plus forte raison par un gué ? La marée basse ne dure pas assez longtemps et l’espace laissé à sec n’est point assez large. Cf. F. "Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, t. ii, p. 427-439. D’autre part, croit-on que les Égyptiens, qui connaissaient mieux encore que Moïse le régime de la mer en cet endroit, se seraient laissés surprendre par le retour habituel de la marée ? Sans doute, Dieu aurait pu, comme dans les plaies d’Egypte, se servir. d’un phénomène naturel pour ses desseins miséricordieux, mais là encore on n’échappe pas au miracle, car il aurait fallu que sa Providence fit reculer la mer assez loin et assez longtemps pour permettre aux Israélites de passer et la fît revenir juste à temps pour engloutir l’armée égyptienne. C’est ainsi, d’après la Bible elle-même, Exod., xiv, 21, qu’il fit appel à un impétueux vent d’est pour refouler la mer. Mais il ne faudrait pas conclure de là que le vent seul sépara les eaux ; il les aurait plutôt repoussées à l’ouest, précisément du côté des Hébreux. Il eut donc plutôt pour effet de sécher la route par laquelle ceux-ci devaient passer. Le miracle nous oblige-t-il cependant à prendre dans son sens strict l’expression de « mur » qu’emploie l’Ecriture, Exod., xiv, 22, 29 ; xv, 8, pour montrer la position des eaux à droite et à gauche ? Pas nécessairement. Il était sans doute facile à Dieu, par un nouveau miracle, de les maintenir dans un état absolument contraire aux lois de l’équilibre des liquides. Mais alors on ne comprend pas que les Égyptiens n’aient pas été frappés de ce phénomène, n’y aient pas vu la main d’une puissance divine et aient osé s’aventurer sur un chemin si extraordinairement tracé. L’auteur sacré a donc décrit les choses selon les apparences. Cf. F. de Hummelauer, In Exod., p. 149. Enfin, même en n’admettant que des agents naturels dans l’événement qui nous occupe, on n’éviterait pas encore le surnaturel dans les circonstances. En effet, « étant donné qu’un retrait extraordinaire de la mer devait se produire à un endroit précis dans le cours de telle nuit déterminée, il fallait, pour aboutir au résultat indiqué, assurer toute une série d’actes ne dépendant d’aucune prévision possible, mais découlant d’événements imprévus et de volontés très diverses, à savoir : le départ des Hébreux en temps convenable, la durée ni trop longue ni trop courte de leur voyage, leur descente vers le sud malgré leur intention d’atteindre le désert oriental, leur arrivée à la mer au soir même qui précédait la nuit où allait se produire le séisme, leur station juste à portée du seuil qui allait être mis à sec, leur confiance dans la sécurité d’un passage qu’ils ne connaissaient pas, leur mise en mouvement à une heure telle qu’ils pussent atteindre l’autre rive avant le retour du flot, une chance très spéciale pour qu’un pareil cortège traversât assez rapidement et sans encombre ; puis, d’autre part, la résolution prise par les Égyptiens de poursuivre

les fugitifs… Voilà une douzaine de conditions presque toutes essentielles pour que l’événement se produisit tel qu’il est raconté. Personne, pas même Moïse, ne les connaissait à l’avance, et, les eût-il connues, il n’eût pas été en son pouvoir de les assurer. La réalisation de ces conditions dans l’ordre et dans le temps voulu ne pouvait non plus arriver par hasard. Il a fallu de toute nécessité que Dieu réglât toutes choses, tant celles qui dépendaient en apparence de la volonté des hommes que celles qui tenaient aux forces de la nature. .. Pour nier cette intervention surnaturelle, il faut effacer la récit de l’Exode et renoncer à expliquer la suite de l’histoire d’Israël. » H. Lesêtve, Le passage de la mer Rouge, dans la Revue pratique d’apologétique, Paris, 1 er février 1907, p. 534. — Voir, outre les auteurs cités dans cet article, Vivien de Saint-Martin, Dictionnaire de géographie universelle, t. v, p. 245.

A. Legendre.

1. ROUILLE (hébreu : fyél’âh ; Septante : Uç, 3pô>ai ;  ; Vulgate : œrugo, rubigo), produit de l’altération d’un mêlai par l’oxygène de l’air. Ce produit est un oxyde du métal qui commence par se ternir, puis est attaqué de plus en plus profondément. La rouille du fer est rouge, mais les Livres Saints n’en parlent pas. Celle du cuivre est verte, c’est le vert-de-gris. Par extension, l’oxydation des autres métaux prend aussi le nom de rouille. — Ézéchiel, xxiv, 6, 11, 12, compare Jérusalem, ville de sang, à une chaudière de cuivre couverte de vert-de-gris. En vain la met-on sur des charbons ardents pour faire disparaître cette souillure ; le vert-de-gris persiste malgré tout. C’est l’image de l’endurcissement de Jérusalem dans le mal, malgré les châtiments qui la frappent. On sait que les oxydesse réduisent par le feu ; la chaudière aurait donc dû perdre sa rouille par la chaleur. — Les idoles d’or et d’argent ne peuvent se défendre de la rouille ; si l’on n’enlève pas cette rouille, elles ne brillent pas. Bar., vi, 11, 23. — Notre-Seigneur dit qu’il faut amasser des trésors non sur la terre, où ils Sont la proie de la rouille et des vers, mais dans le ciel, où ils n’ont pas à craindre ces inconvénients. Matth., vi, 19, 20. — Saint Jacques, v, 3, dit aux riches que leur or et leur argent se sont rouilles et que leur rouille rendra témoignage contre eux. — La Vulgate parle de la rouille de l’argent dans un texte, Prov., xxv, 4, où il est question d’argent de mauvais aloi, d’après les Septante, et de scories d’argent, dans l’hébreu. — Il est aussi question dans l’Écriture de ce qu’on appelle la rouille des blés. Voir l’article suivant ; Blé, t. i, col. 18’17 ; Gharboîj des blés, t. ii, col. 580.

2. ROUILLE DES BLÉS (hébreu : t/èrdçôn, Deut., xxviii, 22 ; III Reg., viii, 37 ; Il Par., yi, 28 ; Amos, iv, 9 ; Agg., ii, 17 ; Septante : w-/pa, Deut., xxviii, 22 ; Èpuat’6r„ lit Reg., viii, 37 ; îx-rcpoç, II Par., vi, 28 ; Amos, iv, 9 ; àve[jioç60p ! ’a, Agg., ii, 18 ; Vulgate : rubigo, Deut., xxviii, 22 ; œrugo et rubigo, III Reg., viii, 37 ; aurugo, II Par., vi, 28 ; Amos iv, 9 ; Agg., ii, 18), champignon qui attaque les céréales et quelques autres espèces de plantes.

I. Description. — C’est le nom d’une maladie recouvrant les céréales d’une sorte de poussière brune ou rougeâtre qui simule la rouille du fer, et due au parasitisme d’un champignon de la famille des Urédinées. L’appareil végétatif se compose de filaments très tenus, cloisonnés et rameux qui s’insinuent dans les espaces intercellulaires de la plante infectée, puis percent Pépiderme à certaines places déterminées où les spores viennent se former â l’air libre sous forme de coussinets pulvérulents.

Aucun végétal ne possède un plus remarquable polymorphisme, au point que dans le cours de son évolution il revêt jusqu’à 4 ou 5 formes si différentes d’as pect et de coloris que longtemps on les a attribuées â autant de genres distincts. Ces variations se compliquent de phénomènes d’hétérœcie, consistant en ce

7° ?

263. — Puccinia graminls (agrandi 100 fois).

que le parasite ne peut poursuivre le cycle complet de son développement qu’en attaquant l’une après l’autre deux plantes nourrices appartenant à des espèces différentes et nettement déterminées. Ainsi, la Rouille la plus commune, appelée Rouille noire et due au parasitisme du Puccinia graminis (fig. 263), vit au printemps sur les jeunes feuilles d’un arbrisseau, le Berberis (vulgairement ÉpineVinette). Or les spores ainsi

264. — Puccinia straminis (agrandi 100 [ois).

produites ne peuvent germer en été que sur les chaumes de certaines graminées. Enfin, à leur tour, les spores de cette dernière sorte appelées téleutospores et cons ? tituant la vraie Rouille ne peuvent entrer en germination qu’après le repos hibernal. La formation indé-r pendante à laquelle elles donnent naissance est éphér mère et composée seulement de quelques cellules en filament, ou promycelium, d’où s’échappent des sporidies si légères que le moindre souffle dn vent suffit à les porter sur l’épiderme des feuilles naissantes de l’ÉpineVinette, seul milieu favorable à leur développement. Et c’est ainsi que reprend de nouveau un. cycle complet de révolution du parasite.

Outre le Puccinia granxinis, on connaît encore le P. slratninis (fig. 264) qui attaque aussi les diverses céréales, sous le nom de Rouille tachetée. Elle vit au printemps sur les feuilles de diverses Boraginées sauvages. Enfin le Puccinia coronata forme une rouille spéciale à l’avoine, tandis que sa forme alternante habite sur les Nerpruns. Elle n’a pas, du reste, la gravité des précédentes. F. Hy.

II. Exégèse. — Le yêrâqôn (de la racine p-i>, yâraq, « verdir », cf. vert-de-gris), rouille, est constamment uni dans les textes au siddàfôn qui est le charbon des blés ou nielle. Voir t. ii, col. 582. La rouille des blés comme le charbon est un des fléaux dont Dieu menace son peuple infidèle, Deut., xxviii, 22, qu’il détournera si le peuple se repent et vient prier dans son temple,

III Reg., viii, 37-40 ; II Par., vi, 28. Dans la traduction des Septante, de III Reg., xiii, 37, ipvaiêr, , la rouille, au lieu d'être placée en second lieu, comme dans l’hébreu, a passé au troisième rang après ppoû^oç, <t la sauterelle ». Dans la Vulgate, III Reg., viii, 37, yêrâqôn a été traduit à sa place régulière par serugo, puis il est rendu une seconde fois par rubigo, après locusta, la sauterelle. Ce fléau comme le charbon a sévi souvent en Palestine. « Je vous ai frappés par la nielle et la rouillé, » dit Dieu par la bouche de ses prophètes. Amos, iv, 9 ; Agg., ii, 17 (Vulgate, 18).

E. Levesque. ROULEAUX. Les livres anciens écrits sur papyrus ou sur parchemin étaient roulés en volumina. Voir Livre, iii, t. iv, col. 305.

    1. ROUMAINES##

ROUMAINES (VERSIONS) DES SAINTES ÉCRITURES. Les Roumains sont les descendants des Daces et des colons romains qui s'établirent en Dacie après la conquête de ce pays par l’empereur Trajan. À cause de leur origine en partie romaine, les Valaques s’appellent eux-mêmes « Rumanje ». Leur langue contient un grand nombre de mots latins, mais près de la moitié de leur dictionnaire est tiré du grec, du turc et du slave. Il n’existe pas de traduction ancienne de la Bible en roumain. Le Nouveau Testament fut publié en 1648 à Belgrade. La Bible, traduite par le métropolitain Théodotius, fut imprimée en 1668 à Bucharest. On a publié depuis plusieurs éditions nouvelles du Nouveau Testament et la Société biblique de Londres a donné une édition complète revisée de la Bible. Voir Bible of every Land, p. 279.

    1. ROUTES##

ROUTES (hébreu : dérék, niesilidh, 'ôrah ; Septante : 6ôô ; ). Les termes « route, voie, sentier, chemin » sont fréquemment employés dans l'Écriture, mais ils sont souvent pris dans un sens métaphorique, par exemple : pour la manière d’agir ou les desseins de Dieu, Exod., xxxm, 13 ; Ps. lxvi (lxvii), 2 ; Ps. lxxvi (lxxvii), 14, etc. ; pour la conduite morale de l’homme, IV Reg., ii, 4 ; VIII, 25 ; Ps. cxviii (cxix), 1, 9, etc. Au sens propre, il^ indiquent la direction vers un point, c’est-à-dire lé chemin généralement suivi pour l’atteindre ; c’est ainsi que sont mentionnés : « le chemin qui conduit à Ephrata », Gen., xxxv, 19 ; xlviii, 7 ; « le chemin de la mer Rouge », Num., xiv, 25 ; « le chemin" de Béthel à Sichem », Jud., xxi, 19 ; « le chemin de Bethsamés s, I Reg., vi, 12, etc. Mais il ne faut pas s’attendre à trouver dans la Bible des renseignements bien précis sur l’ensemble des voies de communication qui reliaient entre elles les différentes parties de la Palestine, ou qui reliaient la Palestine aux pays voisins. Quand elle parle de « routes », il ne faut pas non plus s’imaginer des voies tracées avec art comme le furent plus tard les voies romaines. Souvent il ne s’agit que de simples sentiers destinés aux piétons, à quelque monture ou bête de somme. Cf. Jud., xrx, 10 ; l Re%., xxv, 20-,

IV Reg., iv, 2't. Cependant, dès les temps les pYos an ciens, les chariots et les chars circulaient à travers la montagne. Cf. Gen., xlv, 27 ; I Reg., vi, 12 ; II Reg., vi, 6 ; xv, 1 ; III Reg M i, 5, etc. Si ce fait ne suppose nécessairement pas des routes quele travail de l’iiomme avait rendues praticables, on peut croire pourtant que les rois, surtout après que Salomon eut introduit en grand nombre les chevaux et les chars, s’appliquèrent à améliorer les principales voies. Le mot niesilidh, IV Reg., xviii, 17 ; Is, , vii, 3, etc., d’après son étymologie (sâlal, « combler » et « aplanir » ), semble désigner une route travaillée, aplanie. Va paiole 4'Ysaïe, xj., 2, . pannû dérék, « préparez la voie », yaBerû niesilidh, « rendez droit le chemin », fait également allusion à la manière dont on préparait dans certains cas la route que devaient suivre les souverains. Le livre des Nombres, xx, 17 ; xxi, 22, parlait déjà d’une « voie royale », hébreu : dérék ham-mélék ; Vulgate : via publica, xx, 17 ; via regia, xxi, 22, que Moïse oppose aux chemins qui allaient à travers champs. Il s’agit sans doute d’une grande route, entretenue aux frais du roi, destinée à ses chars et à son armée, l'équivalent de ce qu’on appelle encore en Orient le Derb es-Sultân, « la route du Sultan ». Nous verrons tout à l’heure comment les Romains établirent en Palestine un admirable réseau de voies. Nous parlerons d’abord des voies militaires et commerciales qui traversaient le pays. Voir la carte, Qg. 265.

1° Voies militaires. — La Palestine a été justement appelée le carrefour des nations ou, suivant une antre comparaison, le pont jeté entre l’Egypte et les grands empires du nord. C’est ce pays, en effet, que les armées ont nécessairement dû traverser pour aller de la vallée du Nil aux rives de l’Euphrate et vice versa. C’est dans la plaine d’Esdrelon, en particulier, qu’elles se sont souvent rencontrées en des chocs formidables. Quelles routes suivaient-elles ? Elles n’avaient guère le choix, car toute la partie montagneuse leur offrait un obstacle sérieux. Elles devaient donc suivre principalement le chemin des granb.es pSaVafe&. Q « y&fe-rwKm^m&Jsfc, && reste, il suffit de jeter les yenx sur une carte de la Palestine ancienne pour voir comment leur voie est jalonnée par les noms égyptiens et assyriens attachés à certaines villes palestiniennes. Cf. A. Legendre, Carte de la Palestine ancienne et moderne, Paris, 1894 Partis de Zalu, à la frontière égyptienne, les pharaons s’avançaient dans la direction du nord-est, à travers l’immense plaine qui sépare leur pays de la Syrie. La -première place syrienne qu’ils rencontraient comme une sentinelle avancée était Raphia, égyptien -.Rapihui ; assyrien : Rapikhi ; aujourd’hui : Bir Rajah ; puis ils taisaient halte à Gfiza, égypt.. Gazatu ; assyr.. Khazzatu. De là, ils suivaient la plaine de Séphélah, parsemée de villages et de forteresses, rencontrant larza, aujourd’hui Khirbet Yarzéh ; Magdilu, auj. El-Medjdel, l’ancienne Magdalgad ; Asdudu, auj.Esdûd, anc.Àzot, pour arriver à Iopu, Iappv, Jaffa. De ce point, ils filaient en droite ligne vers le Carmel, à travers la plaine de Saron. Poulailler vers le nord, la route contourne bien la pointe du Carmel qui regarde la nier, mais ce passage, quoique pratiqué par quelques armées, est coupé par des rochers et est étroit, par là même difficile à forcer s’il est défendu. Ce n’est donc pas, on peut le dire, le passage historique pour sortir de la plaine de Saron on y entrer. Trois routes se présentaient pour franchir la région montagneuse qui sépare cette plaine de celle d’Esdrelon. La première va de Subbarîn vers l’extrémité sud-est du Carmel, là où'le mont se détache par une coupure des collines samaritaines, puis elle atteint la plaine d’Esdrelon à Tell Keimûn ; c’est celle que suivit Napoléon, dont l’objectif était Saint-Jean d’Acre ; c'était la plus courte pour aller . d'Èç^çte sur le littoral phénicien. La seconde quittait

Vouadi Arah, franchissait le colacluel A’Vmni el-Fahm, l’Alûna égyptien, et descendait à Mageddo, égypt. : Magidi ; assyr. : Magidu. Mais elle avait le grave inconvénient de se resserrer à tel point qu’elle obligeait les troupes à s’allonger outre mesure. C’est pourtant celle que Thothmès III voulut suivre, malgré l’avis de ses généraux. Cf. G. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, 1897, t. ii, p. 256. La troisième et la pVus fréquentée quittait la plaine de Saron plus au sud, et, par Vouadi Abu en-Ndr, se dirigeait vers Dothân, égypt. : Dutina, l’ancienne Dotkaïn, et le Sahel Arrabéh, pour aboutir kDjenîn. C'était la plus commode et, en outre, la plus courte pour gagner Bethsan, égypt. : Bitschanla, et la vallée du Jourdain, c’esl-à-dire pour se rendre d’Egypte à Damas.

De la plaine d’Esdrelon, trois routes s’ouvraient pour gagner les régions du nord et du nord-est. L’une obliquait à l’ouest et regagnait la Méditerranée vers Accho, Aku, Saint-Jean d’Acre, qui était une des clefs de la Syrie. Puis elle suivait la plaine côtière, laissant à droite des villes comme Aksapu, Acksaph, aujourd’hui Kefr Yâsîf ; Maschalu, aujourd’hui Maisléh ; Lubina, aujourd’hui Lebbuna, franchissait l'Échelle des Tyriens, et se dirigeait du côté de Tyr. L’autre s’en allait d’abord vers l’est, par Bethsan, traversait le Jourdain, puis filait sur Damas : c'était un champ de pâture immense, fréquenté en tout sens par les Bédouins, clairsemé de bourgs murés, Hamaiu, probablement el-Hamméh ; Astirotu, l’ancienne Aslaroth, aujourd’hui Tell Aschtaréh ; Ono-Rapha, ancien Raphon, aujourd’hui ErRâféh. La troisième coupait au plus court : elle gravissait les collines galiléennes, passait auprès du lac Mérom, puis vers les sources du Jourdain, à Ban-Lais, la Lauisa égyptienne, et s’engageait dans la plaine de Cœlé-Syrie. C’est cette dernière que Théglathphalasar III suivit en sens inverse lorsqu’il prit les villes de Aïon, AbeUbeth-maacha, Cédés, Hazor, la Galilée et la tribu de Nephthali, dont il transporta les habitants en Assyrie. Cf. IV Reg., xv, 29. La seconde fut suivie, au moins dans sa partie septentrionale, par Chodorlahomor et ses alliés, lorsque, venant combattre les rois de la Pentapole, ils frappèrent d’abord les Rephaïm à AstdrothCarnaïm ; mais ils descendirent ensuite vers le sud, dans une course prodigieuse, avant d’aborder le terrain de la bataille. Cf. Gen., xiv, 5, 7. Du reste, la grande voie de l’est a tlû être de tout temps le chemin appelé aujourd’hui Derb el-Badj, « la route des Pèlerins », le long de laquelle se déroule le chemin de fer. Nous 'ne parlons pas des autres voies que les armées ont dû se frayer dans l’intérieur de la Palestine, pour attaquer Samarie et Jérusalem, ni de celles que les Hébreux suivirent pour faire la conquête du pays, ni enfin de celles qui marquent les différentes petites guerres dont il fut le théâtre ; elles se confondent avec les chemins battus qui la sillonnent en tous sens ; il ne s’agit ici que 'des grandes voies historiques ; pour le reste, voir Judée, 3° Description, t. iii, col. 1815 ; Galilée, 4° Routes, t. iii, col. 92 ; Samarie.

2° Voies commerciales.— Ces voies militaires servaient naturellement aussi de lieu de passage aux caravanes qui faisaient le commerce entre l’Arabie, TÉgypte et l’Assyrie. D’un côté, les ports de mer étaient les débouchés où affluaient les marchandises de l’Orient. Ils étaient, il est vrai, en grande partie, aux mains des Phéniciens, mais, pour les atteindre, il fallait traverser le territoire des Hébreux. C’est ainsi que Tyr, Saint-Jean d’Acre et Khaïfa furent longtemps les entrepôts préférés de Damas. Une première route, parlant de la grande ville, longeait le pied de l’Hermon, passait par Banias, et s’en allait, par les collines septentrionales de Galilée, droit à Tyr. Une seconde traversait le Jourdain au sud du lac Mérom et descendait vers le lac de Tibériade pour gagner ensuite la plaine d’Esdrelon et la

mer au nord du Carmel. C’est la « voie de la mer » dont parle Isaïe, ix, 1. Enfin, une troisième passait le Jourdain au sud du lac de Tibériade et rejoignait le réseau de la plaine d’Esdrelon. Gaza était l’entrepôt des caravanes qui venaient du sud de l’Arabie. Les Israélites, qui longtemps n’eurent guère que le port de Jaffa comme principal débouché du côté de la Méditerranée, en cherchèrent un autre du côté de la mer Rouge, et, sous Salomon, Élathet Asiongaber virent partir la flotte royale pour le pays d’Ophir. Mais cette voie ne resta ouverte que peu d’années ; elle était d’ailleurs très longue, peu commode et peu sûre. Voir Asiongaber, t. i, col. 1097 ; Elath, t. ii, col. 1643. D’autre part, les caravanes qui se rendaient de la Transjordane en Egypte passaient le Jourdain vers Bethsan et, pénétrant dans la plaine d’Esdrelon, suivaient la route de Bothaïn et de Saron dont nous avons parlé tout à l’heure. C’estsur ce chemin que les Madianites rencontrèrent les fils de Jacob qui leur vendirent Joseph. Cf. Gen., xxxvii, 25, 28. Les gués du Jourdain établissaient ainsi une communication entre ses deux rives et, du pays de Moab, on arrivait à Jéricho pour remonter ensuite vers Sichem ou Jérusalem. La grande voie que nous avons signalée à l’est du fleuve est déjà mentionnée, Jud., viii, 11, comme celle des caravanes bédouines. Quant aux routes de l’intérieur, nous allons les trouver transformées par les Romains.

3° Voies romaines. — Une des gloires architecturales des Romains consisté certainement dans ce magnifique réseau de routes pavées par lequel ils relièrent les différentes parties de leur immense empire. Les distances y étaient indiquées par des bornes milliaires, c’est-à-dire placées de mille en mille pas (1481-50). Voir Mille, t. iv, col. 1089. La Palestine fui sillonnée de ces voies, dont on rencontre encore des vestiges. On a même retrouvé un certain nombre de colonnes qui lesjalonnent suffisamment et nous permettent de les suivre sur plusieurs points, à l’ouest et à l’est du Jourdain. Voir carte, fig. 266. Nous donnons un aperçu du sujet, que les découvertes complètent de jour en jour.

A) Cisjordane. — 1. De Jérusalem à Hébron. — L’ancienne voie se confond à peu près avec la route moderne jusqu’aux Étangs ou réservoirs de Salomon. Avant d’arriver à ce point, au delà de la bifurcation qui mène d’un côté à Belhléhem, de l’autre à Beît Djala, on a retrouvé une partie du VIe milliaire. A partir des réservoirs, elle s'écarte du chemin carrossable, qui serpente sur le tlanc des collines, et elle gagne les hauteurs, en passant par Khirbet ' Alia et au point culminant de la contrée, kRàs esch-Scherif. Là, un groupe de colonnes doit marquer le Xe mille, puis on rencontre successivement le XIe et le XIIe milliaires, tous deux anépigraphes. Au delà de Khirbet Kùfin, la voie romaine revient à la route moderne, - et, un peu avant 'Ain Diruéh, se trouve le XVIIIe milliaire, dont l’inscription peut être rétablie en entier. Le XIXe et le XXIe sont signalés par la carte anglaise. Quelques autres fragments ont été découverts, mais n’apportent aucune indication de distance. Cf. Germer-Durand, Inscriptions romaines de Palestine, dans la Revue biblique, 1895, p. 69-71, 239 ; 1899, p. 419.

2. De Jérusalem à Eleuthéropolis (Beit-Djibrîn). — Cette voie descendait dans la direction du sud-ouest. Un fragment de milliaire qui se trouve à la hauteur de Malhah a dû appartenir au IIIe. Le IV » est au-dessus de 'Ain Yalo et le Ve dix-sept minutes plus loin. Le VIIIe a été trouvé à Bittir ; la colonne est presque entière, et l’inscription, quoique usée, est encore lisible, sauf la. première ligne ; il remonte au règne d’Hadrien. Au delà d’El-Kabu, il y en a deux, anépigraphes, qui doivent marquer le XIe et le XIIIe milles. À ce point, la carte anglaise fait bifurquer la voie, d’un côté vers elKhadr et la voie romaine de Jérusalem à Hébron, de

l’autre vers er-Râs ; elle ne trace pas la branche que nous venons de décrire d’après les monuments euxmêmes. Le XIV" et le XVII » milliaires se trouvent avant

— Éleuthéropolis fut un point central d’où partaient plusieurs voies. L’une s’en allait, en suivant les contours d’un ouadi, rejoindre Hébron, dans la direction

265. — Carte des anciennes routes de Palestine.

Be.it Nettif. Au-dessous de cette localité, est le XV1II « , avec le protocole des empereurs Marc-Aurèle et Vérus, et la distance marquée en langue grecque. Cf. Revue biblique, -1892, p. 264 ; 1894, p. 613 ; 1895, p. 269. 3. D' Éleuthéropolis dans les différentes directions.

du sud-est. Une autre descendait au sud, vers edDuéiméh et probablement jusqu'à Bersabée. La carte anglaise signale deux milliaires entre Beit Djibrîn et Duéiméh ; on en a retrouvé d’autres, en particulier le Ile avec fragment d’inscription. Une troisième se diri

geait vers le nord, du côté de ZakaHya ; au IIe mille, on a découvert cinq colonnes, dont une a gardé la fin de l’inscription, qui se rapporte au règne de Caracalla et à l’an 213 de notre ère. Cf. Revue biblique, 1895, p. 267 ; 1899, p. 421-422. Une quatrième allait au nordouest vers Dhikrin et Tell es-Safiyéh, cf. Revue biblique, 1900, p. 114 ; d’autres conduisaient sans doute du côté de l’ouest et du sud-ouest.

4. De Jérusalem à Engaddi. — La ville sainte était reliée à Engaddi par une voie qui se confondait d’abord avec celle d’Hébron jusqu’à Bethléhem, puis venait contourner le D/ébel Furéidis et descendait au sud-est sur le rivage de la mer Morte. D’Engaddi partaient d’anciennes routes qui la rattachaient à Masada au sud et à différentes villes à l’ouest.

5. De Jérusalem à Jéricho. — C’est la voie bien connue qui conduisait à la vallée du Jourdain ; mais, au sortir de Jérusalem, elle prenait plus haut que la route actuelle. La carte anglaise signale deux bornes mil- liaires, dont l’une au delà de Tal’at ed-Denim.

6. De Jéricho en différentes directions. — >De Jéricho, qui était à l’est la place la plus importante, partaient plusieurs voies. L’une allait directement au nord, parla vallée du Jourdain, rejoindre Bethsan-Scythopolis. Elle se bifurquait une première fois pour monter au nordouest jusqu’à Naplouse ; une seconde fois, pour suivre Vouadi Faràh et, par un détour, regagner Sichem. A la première branche s’en rattachait une autre, qui passait par Akrabéh et retombait au même point que les deux précédentes. Une autre se dirigeait au nordouest vers Tayibéh, l’ancienne Éphrem ; elle est marquée par plusieurs milliaires, dont on a retouvé des fragments. Cf. Revue biblique, 1895, p. 68-69.

7. De Jérusalem à Naplouse. — Cette voie centrale est jalonnée par plusieurs milliaires : le IIIe avec fragment d’inscription a été retrouvé près de Scha’fat ; le V", qui porte les noms des empereurs Marc-Aurèle et Lucius Verus, est un peu au delà de l’embranchement qui se dirige vers El-Djîb ; le XXV* a été découvert aux environs de Lubbàn. Cf. Revue biblique, 1899, p. 420 ; 1901, p. 96-100.

8. De Jérusalem vers l’ouest. — Un embranchement de la voie précédente passait par Bethoron et continuait sur Lxjdda. Un milliaire a été constaté à Beit’Ur el-Fôqâh, et le suivant esta la distance voulue plus loin. Au sortir de Bethoron, une bifurcation se dirigeait sur Nicopolis par Beit Sira. Cf. Revue biblique, 1893, p. 144 ; 1898, p. 122-123. — De Jérusalem, une voie s’en allait par Beit lksa, Biddu, Beit Liqia, dans la direction du nord-ouest ; elle était croisée à Biddu par celle qui venait d’Él-Djib et descendait vers Qarietel-’Enab. Une autre se dirigeait vers Qoluniyéh, Qariet el-’Enab, et se bifurquait d’un côté vers Yalô, de l’autre vers Nicopolis. Nous pouvons rattacher à ce réseau la voie qui, se séparant à el-Biréh de la route septentrionale, passait par Djifnéh, Vmm Safah, Tibnéh, Abùd, où elle se divisait en deux branches, celle du nord continuant vers el-Lubbdn, et-Tiréh et la plaine ; elle est marquée par quelques milliaires que signale la carte anglaise.

9. De Naplouse à Scythopolis, au Jourdain et à Tibériadé. — Cette voie allait, dans la direction du nord-est, par Tell el-Farah, Tubas, Teiàsîr, etc., rejoindre l’importante place de Bethsan-Scythopolis, et, au delà du Jourdain, continuait vers Damas. La carte anglaise signale trois milliaires avant Beisân : le premier entre Tûbàs et Téiasir ; le second à Téiasir, et le troisième au delà, avant d’arriver à la plaine. Celui de Téiasir doit représenter le XVe ; il estprobable, en effet, que cette localité correspond à l’ancienne ville d’Aser, qu’Eusèbe et S. Jérôme, Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 93, 222, placent au quinzième mille quand on descend de Naplouse à Scythopolis. Le précédent repré sente donc le XIV », ce qui est, du reste, confirmé par VOnomasticon, p. 157, 262, lorsqu’il montre Thébès = Tûbâs « presque au treizième mille en allant de Naplouse à Scythopolis. » Il y a, en effet, un peu plus d’un mille de Tûbâs au milliaire en question. Au delà de Téiasir, on retrouve le XVIe, le XVIIe et le XVIIIe milliaires. De Béisân au pont du Jourdain, on en a constaté trois autres : le I er au nord-est de la ville, trois colonnes anépigraphes ; le IIIe, trois colonnes, dont une seule porte des restes d’inscription ; le IXe, au bord du fleuve, tronçon de colonne sur lequel on ne distingue que les traces d’un grand chiffre. Cf. Revue biblique, 1895, p. 71-73 ; 1899, p. 30-31. La voie continuait au nord vers Tibériadé. Un milliaire a été retrouvé non loin du Djisr el-MudjâmV, à 10 ou 12 milles romains de Scythopolis. Cf. Zeitschrift des deutschen Palàstina-Vereins, Mittheilungen, Leipzig, 1905, p. 37-40. — Nous avons indiqué plus haut les routes qui reliaient Naplouse à Jéricho.

10. De Tibériadé à Ptolémaide. — La carte anglaise signale une voie romaine passant par Vouadi’Abilîn et se dirigeant vers Saint-Jean d’Acre. Elle devait relier cette ville à Tibériadé.

11. De Legio en différentes directions. — Legio, qui a succédé à Mageddo, Tell el-Mutesellina, était le point le plus important de la plaine d’Esdrelon. Elle était le centre de plusieurs voies. L’une allait, vers Djénin, au sud-est, l’autre vers Ptolémaide au nord-ouest. Sur’cette dernière on a découvert, au nord-ouest de Ledjdjûn, un milliaire qui doit représenter le IIIe à partir de l’ancienne ville. Cf. Zeitschrift des deutschen Palâslina-Vereins, Mittheilungen, 1906, p. 67-69. Une autre route traversait le massif montagneux dans la direction du sud-ouest, passant près d’Umm el-Fahm ; il est facile également de la suivre d’après les milliaires. Cf. Zeitschrift des deut. Pal.- Ver., Miltheil., 1903, p. 5-10.

B) Transjordane. — 1. De Damas vers le sudouest. — Une première voie allait vers Banias, l’ancienne Césarée de Philippe. Une seconde, plus au sud, venait à El-Qonéitrah, où elle se bifurquait pour rejoindre, d’un côté, Banias, au nord-ouest, de l’autre le Jourdain, au-dessous du lacMérom. AvantjQonéitra/ » même, une branche se dirigeait vers Césarée de Philippe. Avant d’arriver au Jourdain, la route rencontrait celle qui se dirigeait vers l’est et se rattachait à un autre réseau. Une branche de ce dernier descendait, par Khisfîn, Sûsiyéh = Hippos, jusqu’au Jourdain, au-dessous du lac de Tibériadé. Une autre allait à Naua, d’où partait une nouvelle voie qui rejoignait celle de Khisfîn, en passant par Tsîl.

2. De Gadara à Bostra. — Une voie, se dirigeant de l’ouest à l’est, traversait le Hauran. De Gadara, aujourd’hui Vmm Qéis, elle "se rendait à Der’at, l’ancienne Edraï, puis à Bostra, à Salkhad et plus loin. Un embranchement, partant de Bostra, venait, dans la direction du sud-ouest, rejoindre le Derb el-Hadj à Qala’at ez-Zerqa.

3. De Pella (Kh. Fahil) à Gerasa(Djérasch). — Cette voie est jalonnée par quelques milliaires. Le I er mille se trouve tout près de la ville basse ; il est marqué par six colonnes, dont une seule, encore debout, portait une inscription devenue illisible, au bas de laquelle le chiffre est inscrit en latin et en grec. IIIe, deux colonnes anépigraphes. IVe, fragment de colonne contenant la fin d’une inscription avec le chiffre dans les deux langues. Ve, une colonne anépigraphe. VIIIe, six colonnes brisées dont il reste les bases cubiques ; quelques lettres seulement sur un des fragments. Une borne milliaire, au nom des empereurs Marc-Aurèle et L. Verus, a été signalée à Adjlûn par M. Clermont-Ganneau, Recueil d’archéologie orientale, Paris, 1888, t. i, p. 207. Un autre point de repère se trouve au

sixième mille avant Gérasa, trois colonnes, dont deux portent des inscriptions. Cf. Revue biblique, 1899, p. 31-33.

4. De Gérasa à Philadelphie {’Amman). — On a retrouvé sur cette voie des bornes milliaires représentant les VIIe, VIIIe et IXe milles. ; Des fragments ^d’inscriptions rappellent les noms de Marc-Aurèle et L. Verus que nous avons déjà rencontrés. Cf. Revue biblique,

1895, p. 392-393 ; 1899, p. 35-37. Cette voie rejoignait avant Yadjûz celle qui, de Philadelphie, allait vers le nord. On a découvert sur cette dernière un certain nombre de colonnes marquant les IIIe, IVe, Ve, VIe, ’VIIe, VIIIe, IXe, Xe et XIe milles. Le VIIe se trouvait à Aïn Yadjûz. Plusieurs des colonnes ont des inscriptions intéressantes. Cf. Revue biblique, 1895, p. 394-398.

5. De Philadelphie vers le sud. — De ce côté, la voie reliait’Amman à Hesbân, l’ancienne Hésébon.

6. D’Hesbân au Jourdain. — Cette ancienne voie partait d’Hesbân pour aller traverser le Jourdain au Makadet Hadjlah. On y a retrouvé des groupes de milliaires avec inscriptions, marquant le Ve et le VIe milles. Cf. Revue biblique, 1893, p. 123 ; 1895, p. 398-400 ;

1896, p. 613, 615. À cette route se rattachait celle de Mâdaba au Jourdain.

7. De Mâdaba à l’Arnon et jusqu’à Pétra. Cette grande voie de communication, qui continuait celle de Gérasa-Hesbân, traversait du nord au sud la province d’Arabie. D’après les nombreuses inscriptions qu’on y a relevées, elle fut ouverte par Trajan, au commencement du second siècle, el maintes fois restaurée sous les empereurs Marc-Auréle et Vérus, Septime Sévère etc. Cf. Revue biblique, 1895. p. 624 ; 1896, p. 601-613 ;

1897, p. 574-591 ; 1898, p. 438-440.

4° Voies actuelles. — On voit comment les Romains avaient transformé les anciennes roules. Leur travail Colossal finit par disparaître, et longtemps le pays ne fut guère praticable pour les voitures. Il existe aujourd’hui plusieurs routes carrossables, dont quelques-unes en mauvais état. Elles vont : de Jaffa à Jérusalem ; de Jaffa à Khaïfa, avec embranchement sur Naplouse ; de Jaffa à Gaza ; de Jérusalem à Hébron, à Jéricho, au Jourdain et à la mer Morte, à Naplouse et au delà (en construction ) ; de Khaïfa à Djenîn, à Nazareth et à Tibériade. Les chemins de fer vont : de Jaffa à Jérusalem ; de Khaïfa à Damas par la plaine d’Esdrelon, puis Mezeirib ou Der’at à l’est du Jourdain ; de Damas dans le Hauràn, par les deux lignes de Mezeirib et de Der’at, qui s’unissent en ce dernier point, pour se prolonger vers le sud.

Bibliographie. — Rejand, Palseslina, Utrecht, 1714, t. i, p. 395-421 ; Survey of Western Palestine, Londres, 3e in-4°, 1881-1883, dans les différentes sections ; R. E. Brûnnow et A. von Domaszewski, Die Provincia Arabia, Strasbourg, 1904’, t. i, p. 15-124 ; 6. A. Smith, The historical Geography of the Holy Land, Londres, 1894, p. 149-154, 263-271, etc. ; F. Buhl, Géographie des alten Palàstina, Leipzig, 1896, p. 125-131 ; P. Thomsen, Palâstina nach dem Onomasticon des Eusebius, dans la Zeitschrift des deutschen Palàstina] Vereins, Leipzig, t. xxvi, 1903, p. 168-188, avec car^ V. Schwôbel, Die Verkehrswege und Ansiedlungen Galilâas inihrer Abhàngigkeit von den natûrlichen (Bedingungen, dans la même revue, t. xxvii, 1904, p. 57-88.

A. Legendre.

ROYAUME DE DIEU ou ROYAUME DES

CIEUX (grec : pa<rOxi « toC ©eoû ; pauiXeîaxwv oùpavùv). La conception du royaume de Dieu est spécifiquement juive et chrétienne, bien que certains de ses traits puissent se retrouver dans d’autres religions, par exemple chez les Perses. Nous allons suivre le développement de cette notion dans l’Ancien Testament, dans le judaïsme et dans le Nouveau Testament.

I. Daks l’Ancien Testament. — Ba<xi).e ; ’a signifie en

grec classique « royauté », et par dérivation « royaume », Cette même signification s’esl conservée dans les Septante qui traduisent par ce terme diflérentes « pressions du texte original : m^Do, nsibo, m^D,

tt : - t :  : nij^DD. La plupart de ces mots hébreux marquent en

premier lieu l’idée abstraite de régne, de royauté, de pouvoir royal, et secondairement seulement le royaume, soit comme territoire, soit comme société. — Ie Dans l’Ancien Testament il est plusieurs fois question de la royauté ou du règne de Jéhovah. Ps. xxii, 29 ; ciii, 19 ; cxlv, 13 ; Abdias, 21 ; Dan., iii, 54 ; Tob., xui, 1 ; Sap., vi, 4 ; x, 10. Il ne semble pas qu’on y parle jamais du royaume de Dieu au sens de ferriloire ; mais le royaume des Saints de Daniel est évidemment conçu comme une société. Dan., ii, 44 ; vii, 18. — La royauté de Dieu est déjà implicitement contenue dans le récit de la création ; en appelant les êtres à l’existence, Dieu se réserve le droit de les gouverner. Si l’homme reçoit une sorte de pouvoir royal sur les créatures, Gen., i, 26 ; ix, 1-3 ; cf. Ps. viii, 7-9, c’est parce qu’il est fait à l’image du Créateur. Dieu est roi de toute la terre, Ps. xlvii, 7 ; tous les royaumes du monde lui sont soumis, car c’est lui qui a fait le ciel et la terre. Is., xxxvii, 16. Jéhovah possède un pouvoir de judicature sur toute la terre. Gen., xviii, 25. Rien n’est soustraità sa souveraineté, et son nom doit être célébré par toute la terre. Exod., ix, 16. — La création a donc conféré à Jéhovah un droit royal sur lous les êtres, particulièrement sur les hommes, qui doivent reconnaître ce droit et se soumettre aux volontés de leur souverain. Gen., ii, 17 ; vi, 5-13. Mais les hommes frustrèrent l’attente divine ; les premiers parents se révoltèrent contre Dieu et leurs descendants méconnurent de plus en plus sa souveraineté.

— Ce que la mauvaise volonté des hommes avait détruit, la grâce allait le rétablir. Déjà au paradis terrestre Dieu avait donné à enlrevoir la victoire finale du bien sur le mal. Gen., iii, 15. Pour assurer la reconnaissance de son pouvoir, Dieu fit alliance avec les patriarches et leur postérité, Gen., xvii ; xxvi, 24 ; xxviii, 13-15. et devint ainsi à un titre spécial le souverain d’Israël. Tout en restant, de droit, le roi des autres nations, il affirma de façon particulière sa royauté sur le peuple élu. C’est lui qui veilla en Egypte sur les enfants de Jacob, qui les sauva des mains du pharaon, qui renouvela solennellement avec eux l’alliance au Sinaï et qui leur donna en partage la terre de Canaan. Les droils souverains de Jéhovah sont si bien établisque Gédéon refuse le titre de roi, car « c’est Jéhovah qui est votre maître ». Jud., viii, 23. L’institution de la royauté ne modifiera point les rapports d’Israël avec Jéhovah : le roi est le lieutenant de Dieu, choisi par lui pour combattre les guerres du Seigneur. Toute la suite des événements racontés dans la Bible, ne sera que l’histoire des vicissitudes de cette théocratie, dont le but providentiel élait de préparer l’avènement du règne de Dieu sur les hommes. — 2° En eûet, bien que ledroit royal de Jéhovah sur la création soit éternel et immuable, Ps. xciii, 2 ; xxix, 10 ; cxlv, 13, le règne n’existe de fait que dans la mesure où cette royauté est reconnue. En un sens, le règne est déjà commencé, puisque la royauté de Jéhovah est acceptée parlsraël. « Tu asétabli dansJacob le droit et la justice… Jéhovah est roi, que les peuples tremblent. » Ps. xcix, 1-4. En un autre, il est encore à venir, car les nations ne sont pas soumises à Jéhovah ; elles aussi doivent célébrer le Seigneur et reconnaître la puissance de Dieu. Ps. lxviii, 33-34 ; Ps. lxvii, 3-8. Le règne est donc aussi eschatologique, parce que dans l’avenir seul il sera établi dans toute sa splendeur, sur les Gentils aussi bien que sur les Juifs. Ce jour glorieux, les prophètes l’entrevoient et l’annoncent. « Dieu règne sûr les nations… les princes des peuples se réunissent au peuple du Dieu d’Abraham. » Ps. XL vii, 9-10.

Le règne sera universel : Rahab et Babylone, les Philistins, Tyr et l’Ethiopie seront appebjs fils de Sion. Ps. lxxxvij, 4 ; cf. Ps. xcvi, xcvm ; Is., ii, 2-4 ; xxv, 3-9 ; Zæh., xiv, 16. Cette eschatologie peut-être appelée messianique dans un sens large, car les descriptions peuvent viser une ère de bonheur futur sans mettre en scène un Messie personnel. — 3° Rarement le règne de Dien est mis en rapport avec l’eschatologie transcendante, dont le domaine propre est l’au-delà. La résurrection des justes est un acte de la royauté divine, II Mach., vii, 9. Au ciel, le Seigneur régnera sur les élus, Sap., iii, 8, et ceux-ci participeront à son pouvoir royal, Sap., v, 16. On serait tenté de « rapprocher de ces textes, Sap., x, 10 c< elle (la Sagesse ) conduisit par des voies droites le juste (Jacob)… et lui montra le règne de Dieu » ; mais il s’agit ici de Ja connaissance des lois mystérieuses par lesquelles Dieu gouverne le monde, plutôt que d’une vision du royaume céleste. Cf. Lagrange, dans la Rev. bibl., 1907, p. 102-103. — 4° Jamais le règne de Dieu n’est mis en relation avec l’eschatologie cosmique. « Pas un mot dans l’Ancien Testament ne (le) représente comme -établi sur un monde détruit ». Lagrange, Le Règne de Dieu dans l’Ancien Testament, dans la Rev. bibl., 1908, p. 60. On aurait tort d’identifier avec le jugement dernier le’jugement du « roi Jéhovah » dans les Psaumes lxvii, 5 ; xcvi, 10, 13 ; xcviii, 9 ; juger est ici synonyme de gouverner. — Le royaume des Saints de Daniel succède aux quatre grands empires dans le gouvernement des nations, ii, 44 ; mais ces nations continueront à exister, elles seront simplement soumises au Fils de l’homme, vii, 14. — Quoique le règne soit, à certains égards, réservé aux temps à venir, il n’est cependant jamais conçu, même sous cet aspect eschatologique, comme un fait absolument nouveau. C’est qu’il plonge ses racines dans le passé, il est fondé sur les droits éternels de Dieu ou sur les bienfaits accordés jadis à Israël ; le règne annoncé sera seulement « le passage du droit au fait, ou encore la reconnaissance du droit, la mise en scène historique d’une idée éternelle, le progrès, sans doute extraordinaire et merveilleux, mais enfin la suite d’une chose commencée. » Lagrange, loc. cit. — 5° Du moment que le régne ne pouvait s’établir que par la reconnaissance de la royauté de Dieu, il présentait un caractère éminemment moral. Ses traits spiritualistes sont, du reste, souvent mis en relief par les prophètes. Les messagers du règne sont des messagers de salut et de paix, Jéhovah révèle sa sainteté, Is., lii, 7-10 ; la justice est le bien par excellence du règne, Is., xlv, 8, et tous les peuples accourront au salut comme à un festin plantureux, Is. xxv, 6. « Venez, se diront-ils, et montons à la montagne de Jéhovah… il nous instruira de ses voies et nous marcherons dans ses sentiers. » Is., Il, 3. Alors « la terre sera remplie de la connaissance et de la gloire de Jéhovah. » Hab.-, ii, 14. Le roi messianique gouvernera le peuple avec équité, et il aura un soin particulier des pauvres, des malheureux et des opprimés. Ps. lxxii. En un mot, au jour du salut « la bonté et la vérité se rencontreront, la justice et la paix s’embrasseront. » Ps. lxxxv, 11-12 ; cf. Ps. xcix, 4 ; Is., vi, 13 ; Mich., v, 9-13 ; Jer., xxiii, 5 ; Ezech., xxxvi, 25-27 ; xxxvii, 24 ; Soph., iii, 13. — La haute spiritualité du règne attendu est encore accentuée par la notion du pardon des péchés, Jer., xxxi, 31-34, et par la perspective d’une expiation rédemptrice. Le Serviteur de Jéhovah « a été transpercé à cause de nos péchés, brisé à cause de nos iniquités ; le châtiment qui nous sauve a pesé sur lui, et par ses plaies nous sommes guéris. » la., yil, 5. — Le livré- de la Sagesse fait ressortir si bien l’aspect religieux et individuel du salut, qu’à ce point de vue il présente une ressemblance marquée avec la jdoctrine des Évangiles. Ce n’est point encore l’épa nouissement, dans les âmes, de l’amour pour le Père ; c’est du moins le règne de Dieu dans les individus par la pratique de la justice. Cf. Lagrange, dans la Rev. bibl., 1907, p. 102-104. — 6° Cependant on ne saurait nier que le règne se présente souvent, dans les descriptions prophétiques, sous les traits d’une restauration nationale et d’une ère de prospérités matérielles. Mais ce ne sont là que des dehors ; la perspective du règne de justice est prédominante chez les prophètes. Cf. Touzard, L’argument prophétique, dans la Revue pratique d’apologétique, 15 oct. 1908, p. 92-98. D’ailleurs il ne faut pas oublier que l’accomplissement de ces promesses était lié à certaines conditions d’ordre moral. « Si donc quelques-unes des prophéties faites à Israël n’ont pas été réalisées, qu’il se demande si, pour sa part, il a rempli toutes les conditions auxquelles était attachée leur réalisation. » Kônig, Geschichte des Reiches Goties bis auf J.-C, Berlin, 1908, p. 328.

II. Dans le judaïsme. — 1° Il ne semble pas que l’expression PSamXEÏa toî Osoû soit employée, dans la littérature juive postérieure, au sens de territoire, excepté peut-être Psaumes de Salomon, v, 18, édit. Gebhardt : « Ta bonté (se répand) sur Israël, èv t*] fia^i-Àeia <jou, et Hénoch, xli, 1, trad. Martin, p. 88 : « Je vis tous les secrets des cieux, et comment le royaume sera partagé. » Mais le premier texte peut aussi bien se traduire « par ton gouvernement », et le second est peu clair. Cf. DasSlavische Henochbuch, Berlin, 1896, xxiv, 3 « mon royaume immense », édit. N. Bonwetsch Rec. A, p. 125. — Le royaume au sens de « société » se trouve Sibyll, , iii, 767, édit. Geffcken. « Alors il (Dieu) suscitera un royaume éternel ». Cf. Dan., ii, 44. De façon générale il est plutôt question du règne ou du droit royal de Dieu ; du reste, le règne est logiquement corrélatif à un ensemble de sujets sur lesquels s’exerce la royauté et qui constituent un royaume. Comme dans l’Ancien Testament, Dieu possède la royauté universelle de toute éternité ; il est le roi du monde, le roi éternel, sa royauté demeure à jamais et dans les siècles des siècles, car c’est lui qui a fait et qui domine toutes choses. Hénoch, xii, 3 ; xxvii, 3 ; lxxxiv, 2-3. Cf. Ascens. Mos., iv, 2. — Il est en particulier le roi d’Israël. Ps. Sal., v, 18-19 ; xvii, 1, 46. La royauté israélite est la royauté même du Seigneur, Testaments des Douze Patriarches, Benj., ix, 1, édit., Charles, et les rois sont choisis par lui. Test. Rub., vi, 11. Le pouvoir royal de Dieu s’affirme de diverses façons, parla protection et la miséricorde qu’il accorde à Israël, Ps. Sal., xvii, 1-3, aussi bien que par les châtiments qu’il envoie aux Gentils. Ps. Sal., il, 29-32 ; xvii, 3.

2° Le règne de Dieu à l’époque qui nous occupe, est surtout considéré comme à venir. Les Juifs traversaient alors de douloureuses épreuves ; persécutés par les Séleucides, ils avaient un instant reconquis leur indépendance nationale ; mais bientôt ils tombèrent sous le joug des Romains. Au sein même du peuple élu, un grand nombre s’était soustrait à la royauté de Dieu et méconnaissait ses lois. Les Gentils, abandonnés à tous les vices, dominaient sur le monde. Ce n’était point là le règne attendu. Aussi tous les regards se tournaient-ils vers l’avenir, vers ce qu’on peut appeler l’ère messianique au sens large. Malgré la diversité des systèmes, on peut diviser en deux courants distincts les espérances qui se font jour : le messianisme apocalyptique, qui prévoit un bouleversement général de l’ordre actuel, et le messianisme rabbinique, qui attend la domination d’Israël sur les nations. Cf. Lagrange, Le Messianisme chez les Juifs, Paris, 1909 ; P. Volz, Jûdische Eschatologie, Tubingue, ^903. — Le premier n’eut sans doute jamais une grande influence sur les masses ; ce sont les rabbins qui formèrent l’esprit du peuple. Le résumé de toutes les espérances, c’était la glorification d’Israël ; et même dans les écrits où l’on semble opposer justes

et pécheurs, plutôt que Juifs et Gentils, il est entendu que les justes ne comprennent que les Juifs fidèles à la Loi ou les Gentils qui se sont convertis au judaïsme. Omnia ad majorent Judæorum gloriam, tel pourrait être l’exergue de toute cette littérature. — D’après les écrits rabbiniques en particulier, le règne de Dieu jusqu’à présent si contrarié, allait s’établir bientôt dans toute sa splendeur par l’avènement du Messie ; guerrier valeureux, il soumettra à son sceptre les Gentils et donnera aux Juifs la royauté du monde entier. Les « dispersés s reviendront en Palestine, et Jérusalem sera la glorieuse capitale du nouveau royaume. Alors commencera la félicité messianique, qui sera précisément le contre-pied des malheurs présents. Les Gentils semblent parfois admis à partager ce bonheur, à la condition de se faire Juifs ; mais le plus souvent on les montre réduits en servitude. — Dans l’attente des Juifs de cette époque, le règne de Dieu à venir s’identifiait donc généralement avec le règne national d’Israël. Ce sont là les dispositions qui, selon toute vraisemblance, étaient dominantes autour de Jésus. Cf. Luc, xix, 11 ; xxiv, 21. « Seigneur, demandent les Apôtres à Jésus ressuscité, est-ce maintenant que tu rétabliras la royauté en faveur d’Israël ? » Act., i, 6. La conviction que le triomphe national serait le triomphe même du règne de Dieu, maintint lès Juifs dans une agitation perpétuelle ; c’est elle qui arma leurs bras contre les Syriens d’abord, puis contre les Romains, et qui amena sous Hadrien la chute définitive de l’État israélile.

3° Cependant la notion traditionnelle d’un règne de Dieu se réalisant dans les hommes par leur soumission à la volonté divine, n’avait point disparu. Dieu règne déjà sur les Juifs fidèles. Ps. Sal., v, 18-19 ; xvii, 1, 46. Il ne tient qu’aux hommes d’étendre davantage le règne en acceptant la loi divine. Abraham, par son obéissance, choisit Dien et son règne, Jub., xii, 19 ; réciter le Schéma’, c’est prendre sur soi le joug du règne des cieux, b., Bërackoth 14 h ; 61 b ; s’abstenir de choses défendues, parce que Dieu les a prohibées, c’est reconnaître le règne des cieux, (baraitha d’Eléazar ben Azariah, vers 100 après J.-C, dans Bâcher, Die Agada der Tannaiten, P, p. 220) ; omettre la récitation du Schéma’, c’est se soustraire au joug de. ce règne, Mischna, Ber., il, 5 ; le sabbat est, entre tous les autres jours, un jour du saint règne, Jub., L, 9, parce qu’en l’observant on fait régner Dieu. Il en résulte que le règne de Dieu est déjà présent, et qu’il pourra se développer indéfiniment ; les Gentils eux-mêmes sont appelés à recevoir sur eux le joug de son règne et à rendre honneur à son nom.’Alênu, prière composée vers 240 après J.-C. Cf. Dalman, Die Worte Jesu, p. 307. Le règne messianique lui-même, malgré l’aspect de nouveauté qu’il présentera à certains points de vue, ne sera que l’agrandissement d’une chose déjà existante : la royauté de Dieu s’affirmera, non plus seulement sur un petit groupe de fidèles, mais sur tout l’univers. Son inauguration pourra être conçue comme plus ou moins catastrophique ; la reconnaissance de la souveraineté éternelle de Dieu en constituera toujours l’essence. Ps. Sal., xvii. Cf. Lagrange, Le règne de Dieu dansf Te judaïsme, dans la Bev. bibl., 1908, p. 350-366. — 0n voit dès lors ce qu’il faut penser de la définition du royaume donnée par Loisy, Évangiles Synoptiques t. i, p. 229, note 6 : « le royaume de Dieu… est proprement le règne ou la royauté de Dieu, l’ère messianique. » — C’est une définition en fonction d’un système. Le règne comprend aussi l’ère messianique, mais il n’est point seulement cela ; toujours il a été considéré comme réalisé déjà, d’une certaine façon, dans le présent.

III. Dans le Nouveau Testament. — L’expression fSgt<jiXet’a toû ©sou est employée 63 fois dans le Nouveau Testament (Matth., 4 fois ; Marc, 14 ; Luc, 32 ; Joa., 2 ;

Act., 6 ; les autres écrits, 5) ; {îaadet’a ©eoO, 4 fois (dans saint Paul) ; (Sao-iXeîa ™v o-jpavûv, 32 fois (uniquement dans Matth.). Si le mot se lit fréquemment, l’idée se rencontre bien plus souvent encore, et l’on ne se trompera pas en voyant dans « le royaume de Dieu » le concept fondamental de la prédication de Jésus. Le judaïsme connaît ces différents termes ; hébr. c-2ïf mzhzi [Mischna, Ber. il ; Ghemara, b. Ber. 13 b,

141>, 61 b, etc)., aram. N>aun NniD^D, >H Nirabn (Targums : t- : t : -. rt : ls., xxxr, 4 ; Abd., 21 ; Mich., iv, 7 ; Zach., xiv, 9), NrftNT NmsbD (Targums : ls., XL, 9 ; lii, 7). Cf. Dal TTV : ’.* T : "

man, Die Worte Jesu, 75-83. — Quelle est l’expression dont se servait N. S. ? disait-il « règne de Dieu » ou « règne des cieux », ou employait-il indifféremment l’un et l’autre terme ? Il est difficile de le déterminer avec certitude. D’une part, le mot « cieux » ou << ciel », — car le singulier n’existe ni en hébreu ni en araméen, — était une des nombreuses locutions, alors en usage chez les rabbins, pour désigner Dieu dont on évitait de prononcer le nom. On peut aussi se demander si Matth., qui seul présente le terme « royaume des cieux », n’a^ pas conservé plus fidèlement la formule primitive, puisqu’il écrivait pour des judéo-chrétiens. — Mais d’autre part, il est impossible de prouver que Jésus se soit astreint à suivre toujours l’usage rabbinique ; le mot « Dieu » se rencontre souvent sur ses lèvres, et saint Matthieu lui-même a plusieurs fois le terme « royaume de Dieu ». Rien n’empêche donc de penser que Jésus se soit exprimé de l’une et de l’autre façon. À vrai dire cette discussion importe peu, car les deux expressions sont synonymes, c cieux » étant simplement une métonymie pour « Dieu ». Les Évangiles, aussi bien que la littérature contemporaine, leur attribuent an sens identique, avec cette nuance que « le régne des cieux » est le règne du Dieu transcendant. Dalman, loc. cit., p. 76.

Quelle est la signification précise de ftamXsia ? Si l’on s’en tient à l’usage de l’Ancien Testament et des écrits juifs, il faut y voir avant tout le sens abstrait de règne, de souveraineté ; d’après Dalman, loc. cit., p. 77, il ne serait jamais question, dans toute cette littérature, du royaume de Dieu au sens de territoire. Il est donc à prévoir que dans le Nouveau Testament le premier sens sera prédominant ; mais il ne sera pas le seul, et l’étude impartiale des textes montrera que Jésus a envisagé aussi la ^aadeia toû ®eoû comme un royaume au sens de société.

J". LE ROYAUME DANS LES SYNOPTIQUES. — 1° L’évangile de l’enfance. — Les récits de l’enfance forment la transition entre l’Ancien Testament et le Nouveau. — L’archange Gabriel annonce à Marie la naissance d’un enfant, auquel le Seigneur Dieu donnera le trône de David son père, et qui régnera sur la maison de Jacob à jamais. Luc, i, 32-33. Le Magnificat, cantique d’une fille des rois, célèbre le Dieu sauveur qui vient au secours d’Israël, son serviteur. Luc, i, 47-55. C’est également sous les couleurs de l’Ancien Testament que le Benedictus dessine la figure du Messie : il est « la corne du salut. » qui délivre Israël de ses ennemis, et lui permettra de servir Dieu dans la sainteté, la justice et la paix. Luc, 1, 68-79. — Israël occupe le premier plan, et à bon droit, puisqu’il est le peuple choisi, Luc, I, 72-73 ; mais déjà l’on entrevoit le rôle spirituel et universaliste du libérateur : il illuminera ceux qui sont assis dans les ténèbres et à l’ombre de la mort, Luc, I, 79 ; s’il est « la gloire d’Israël », il est aussi « le salut préparé pour tous les peuples, la lumière qui éclairera les nations. » Luc, ii, 30-32. Il sera roi, et assis sur le trône de David, il sauvera son peuple ; mais sa royauté est de telle nature qu’il ne cessera jamais de régner, Luc, i, 33, et le salut qu’il apporte consistera avant tout à « délivrer son peuple de sespéchés. » Matth., i, 21. — Combien ces premières pages de l’Évangile nous transportent loin du royaume messianique terrestre, attendu alors par les foules !

Jean-Baptiste.

L’heure où le règne de Dieu allait s’établir, a enfin sonné. Le précurseur paraît sur les bords du Jourdain, disant : « Repentez-vous, car le règne du ciel est proche. » Matth., iii, 2. Ce règne est spirituel : pour s’y préparer, il faut faire pénitence, se repentir de ses péchés, et, comme symbole du renouvellement moral, recevoir le baptême. Il importe d’exercer la miséricorde et de pratiquer l’équité. Luc, iii, 11-14. La descendance d’Abraham ne sert de rien ; pour accueillir le règne, il faut produire de dignes fruits de pénitence. Luc, iii, 8-9. Rien n’insinue un bouleversement catastrophique du monde ou de la nation ; l’eschatologie est tout individuelle. Le jugement est imminent, car « déjà la hache est posée à la racine des arbres », Matth., iii, 10, la « pelle » est dans la main du vanneur, Matth., iii, 12 ; l’apparition du Messie fera, en effet, connaître ceux qui se sont disposés à recevoir dignement le don messianique ; le triage s’opérera entre les arbres qui ont produit de bons fruits, et les autres, entre le bon grain et la paille. Le Messie réunira ceux-là « dans ses greniers » ; quant aux autres, ils n’ont en perspective que le « feu inextinguible ». Luc., iii, 17. Chaque individu (cf. Matth., iii, 10, « chaque arbre ») sera en définitive son propre juge, selon qu’il se sera rendu digne, ou non, du règne messianique.

Jésus-Christ.

Quel sens le Sauveur attacha-t-il à l’expression « royaume de Dieu » ? De la solution de cette question fondamentale dépend l’idée qu’on devra se faire de la personne et de la mission de Notre-Seigneur. Inutile de dire que les opinions les plus contradictoires ont été émises. — 1. D’après A. Ritschl, Christliche Lehre von der Reçhtfertigung und Versbhnung, Bonn, 4e édit. 1895-1903 ; H. Wendt, Die Lehre Jesu, Gœttingue, 2e édit. 1901 ; B. Weiss, Lehrbuch der biblischen Theologie des N. T., Stuttgart, 7e édit. 1903 ; A. Harnack, Das Wesen des Christentums, Leipzig, 1900, et la plupart des protestants libéraux, Jésus n’a prêché et n’a voulu fonder qu’un royaume intérieur, immanent dans les âmes, et par suite son rôle s’est réduit à celui d’un docteur de morale. — 2. Reimarus, Fragmente eines Ungenannten, publiés par Lessing de 1774-1778, E. von Hartmann, Das Christentum des N. T., 2e édit., 1905, considèrent Jésus comme un révolutionnaire, qui accepta sans modification les espérances politiques de ses contemporains et voulut rétablir le royaume national. — 3. Enfin, selon J. Weiss, Die Predigt Jesu vom Reiche Gotles, Gœttingue, 2e édit., 1900 ; Shailer Mathews, The messianic Hope in the N. T., 1906 ; A. Schweitzer, Von Reimarus zu Wrede, Tubingue, 1906 ; A. Loisy, L’Évangile et l’Église, Paris, 1902 ; Autour d’un petit livre, 1903 ; Les Évangiles synoptiques, 1907, et d’autres auteurs, Jésus ne prévoyait que le royaume eschatologique, s’établissant par un coup de théâtre dans un monde transformé ; il n’est Messie qu’en expectative, sa morale est purement provisoire, et n’a d’autre but que de préparer les hommes à l’avènement imminent du règne. — Tous ces systèmes ont ceci de commun, que dans la perspective de Jésus il n’y avait point de place pour l’Église. Selon une formule célèbre, « Jésus annonçait le royaume, et c’est l’Église qui est venue ». Loisy, L’Évangile et l’Église, p. 111.

Il n’entre pas dans le cadre de cet article, de réfuter une à une toutes ces théories avec les différentes nuances qu’y met chaque auteur. Du reste, les partisans du royaume intérieur ont de très bonnes raisons à faire valoir contre les eschatologistes, et réciproquement. L’erreur n’est que dans la partie exclusive de chacun des systèmes. Si l’on ne tient compte à la fois de tous les éléments de solution que fournissent les Évangiles, et si l’on rejette systématiquement, comme non authentiques, les passages qui vont à l’encontre d’une théorie préconçue, il est impossible d’aboutir à une définition objective du royaume, tel que le comprenait Jésus-Christ. L’étude impartiale des textes montrera que ce royaume est à la fois présent et à venir, intérieur et en même temps social. En tant qu’intérieur, il est le règne immanent ; en tant que réunissant ses sujets dans une société, il est l’Église ; en tant qu’eschatologique, il est le royaume transcendant.

A) phases du royaume. — Le message de Jésus, comme celui de ses disciples, se formule invariablement par les mots : ἤγγικεν ἡ βασιλεία τῶν οὐρανῶν, « le règne du ciel s’est approché », ou plutôt « est arrivé », car selon la remarque de J. Weiss, Die Predigt Jesu, p. 70, ἤγγικεν est très probablement synonyme de ἔφθασεν ; les deux expressions répondent au même verbe araméen מְטָא « arriver ». Cf. Dan., iv, 8, araméen, יִמְטֵא ; Septante, ἤγγικεν ; Théodotion, ἔφθασεν. Luc., x, 9, ἤγγιδεν ἐφ’ ὑμᾶς ἡ βασιλεία τοῦ Θεοῦ ; xi, 20, dans un contexte tout à fait semblable, ἔφθασεν ἐφ' ὑμᾶς ἡ β. τ. Θ. « L’évangile du règne », Matth., iv, 23 ; ix, 35, c’est la bonne nouvelle de l’arrivée du règne de Dieu. Son fondateur est présent, Luc, iv, 18-19 ; vii, 19-23 ; et, dès les premiers jours, Jésus s’appelle « Fils de l’homme », Marc, ii, 10, 28, etc., titre qui est en connexion intime avec le royaume annoncé par Daniel, vii, 13-14. Comment douter que le règne de Dieu ne soit déjà là, quand le règne adverse, celui de Satan, s’effondre ! « Si je chasse les démons par la force de Dieu, c’est donc que le règne de Dieu est venu sur vous. » Luc, xi, 20 ; cf. Matth., xii, 28. Le règne de Dieu est commencé ; il s’affirme et progresse dans la mesure où ses ennemis battent en retraite. Cf. Luc, x, 9, 18. — Cette déclaration catégorique de Jésus embarrasse fort les partisans d’un royaume purement eschatologique. Pour Loisy, ces paroles « se dégagent nettement de leur contexte », « elles appartiennent à une rédaction secondaire », et « reflètent plutôt les préoccupations de la controverse judéo-chrétienne que la pensée du Sauveur. » Ev. Syn., t. i, p. 706-707. J. Weiss ne les trouve point du tout déplacées dans leur contexte, mais il ne veut y voir qu’un « transport prophétique » « l’expression d’une extase pneumatique » se rapportant à l’avenir. Loc. cit., p. 90. Il faut de la bonne volonté pour ne pas reconnaître que l’argumentation tout entière porte sur des faits présents ; les deux règnes, celui de Satan et celui de Dieu, sont mis dans une corrélation très étroite : si l’un perd du terrain, ce ne peut être que parce que l’autre s’établit hic et nunc à ses dépens. — Le règne de Dieu est donc déjà présent. En effet, jusqu’à Jean-Baptiste on était sous le régime de la Loi et des Prophètes ; mais « depuis lors le royaume de Dieu est annoncé, et chacun lui fait violence. » Luc, xvi, 16. Si le plus petit des citoyens du royaume est plus grand que Jean, qui cependant fut le plus grand des prophètes, Matth., xi, 11, c’est précisément parce que Jean marque le terme de l’ancien état de choses, et que le règne constitue ses sujets dans un état plus parfait. L’établissement de ce règne n’a rien de catastrophique ; les Pharisiens en sont encore à se demander quand il viendra, que déjà il est au milieu d’eux, ἐντὸς ὑμῶν ἐστιν, Luc, xvii, 20-21. Le scribe qui connaît les deux grands commandements, n’est pas loin du règne, Marc, xii, 34 ; pour le posséder, il suffit de le chercher, comme font les disciples, car il a plu à leur Père de leur donner le règne. Luc, xii, 31-32. Les Juifs, qui dans l’ensemble s’opposeront à l’évangile, se verront enlever le règne qui leur avait été offert, Matth., xxi, 43, tandis que les publicains et les courtisanes y entrent avec empressement. Matth., xxi, 32-32. — Le régne de Dieu s’établit ainsi sous l’action de la parole du Christ ; il est présent, et à portée de toutes les bonnes volontés.

Mais « Jésus ne prétend pas… que le règne de Dieu soit une quantité indivisible, un avènement qui vient tout d’une pièce, comme un décor de féerie. » Lagrange, dans la Revue bibl., 1906, p. 477. La phase décisive, inaugurée par Jésus, avait ses points d’attache dans le passé ; le règne qu’il annonce, est lui-même susceptible de développements, et il ne trouvera son couronnement final que dans l’au-delà. Bien que déjà présent, il peut toujours se réaliser davantage, et les disciples, auxquels le Père a donné le règne, Luc, xii, 32, ne doivent jamais se lasser de prier : « Notre Père, qui êtes au ciel…, que votre règne arrive, » car la volonté de Dieu peut toujours, sur terre, être accomplie plus parfaitement encore. Matth., vi, 10 ; Luc, xi, 2. Semblable à la semence qui est jetée dans un champ, le règne ne fructifie pas de façon égale dans tous les cœurs ; bien des ennemis contrarient sa croissance. Matth., xiii, 3-23 et parall. Le bon grain est mélangé pendant longtemps à de l’ivraie, Matth., xiii, 24-30 ; cependant, malgré les obstacles, il se développe et grandit, en vertu de sa force intrinsèque et du concours apporté par la terre qui l’a reçu, jusqu’à ce qu’il devienne mûr pour la moisson. Marc, iv, 26-30. Comme le grain de sénevé, le règne est destiné à devenir un grand arbre ; comme le levain, il devra faire lever peu à peu toute la masse. Matth., xiii, 31-33 et parall.

Néanmoins, ce règne terrestre, quelque illimité que soit son horizon, n’est point encore le règne définitif ; il n’en est que la phase initiale et préparatoire. Le vrai royaume de Dieu est au ciel, et c’est vers ce but suprême que doivent s’acheminer tous les citoyens du règne. — Pour les individus, il s’inaugure par la mort et le jugement. « Souviens-toi de moi, supplie le larron, lorsque tu seras entré dans ton royaume » ; et Jésus de répondre : « Aujourd’hui même tu seras avec moi dans le paradis. » Luc, xxiii, 42-43. C’est là le royaume promis aux pauvres en esprit, à ceux qui souffrent persécution pour la justice, Matth., v, 3, 10, à ceux qui font la volonté du Père, Matth., vii, 21, aux enfants et à leurs semblables, Matth., xix, 14 ; xviii, 2-3 ; il est la terre que les doux recevront en héritage, Matth., v, 4, « la joie du Seigneur », dàns laquelle entre le serviteur qui a fait valoir les talents. Matth., xxv, 21, 23.

Pour la société humaine, ce règne s’inaugurera par la parousie du Fils de l’homme et par le jugement général. Matth., xxiv, 30 ; Marc, xiii, 26 ; Luc, xxi, 27 ; Matth., xxv, 31-46. L’avènement du Christ sera fulgurant ; aucun signe précurseur ne pourra en faire présager l’époque. Alors les « scandales » qui auront existé dans le royaume préparatoire seront enlevés ; les boucs seront définitivement séparés des brebis, les , bons poissons des mauvais, le bon grain de l’ivraie. Matth., xiii, 24-30, 37-41, 47-51 ; xxv, 32. — Dans cet acte final, les Apôtres participeront à la royauté du Christ : « et moi je dispose en votre faveur de la royauté, comme mon Père en a disposé en ma faveur, afin que… vous soyez assis sur des trônes, jugeant les douze tribus d’Israël. » Luc, xxii, 29-30 ; cf. Matth., xix, 28.

Le véritable royaume est enfin constitué : c’est la vie éternelle pour les individus, Matth., xxv, 46, la société des saints pour la collectivité. Dans ce royaume, Jésus boira « le vin nouveau » avec ses disciples, Matth., xxvi, 29 ; des Gentils viendront de l’Orient et de l’Occident et s’assoieront au festin avec les patriarches, tandis que « les fils du règne », c’est-à-dire les enfants d’Israël, seront jetés dans les ténèbres extérieures. Matth., viii, 11-12. s Les justes y brilleront comme le soleil s, Matth., xiii, 43 ; purs, ils verront Dieu, Matth., v, 8, comme les anges, Matth., xviii, 10, et pour toujours ils posséderont le royaume qui leur a été préparé dès l’origine du monde ; Matth., xxv, 34.

Ces différentes phases ne constituent pas des royaumes distincts ; le règne de Dieu établi sur terre dans les âmes, se développe à travers toutes sortes de vicissitudes, jusqu’à ce qu’enfin il se consomme au ciel. Il y a donc continuité, et accepter le règne de Dieu ici-bas, c’est déjà posséder un droit au royaume céleste. Aussi, l’expression « règne de Dieu » a-t-elle souvent double et triple signification, l’une superposée à l’autre, parce qu’en réalité c’est le règne tout court, mais avec ses différents aspects, qui est visé. Rien de plus instructif, à ce point de vue, que le logion suivant, conservé par Marc, x, 15 et Luc, xviii, 17, en termes identiques : « Je vous le dis en vérité, quiconque ne recevra pas la βασιλεία τοῦ Θεοῦ comme un petit enfant, n’y entrera point. » La βασιλεία τοῦ Θεοῦ est un règne que l’on doit recevoir, aussi bien qu’un royaume où l’on doit entrer dès maintenant, cf. Matth., xxiii, 13, afin d’avoir accès au royaume céleste. L’humilité, la pauvreté, la simplicité, la justice, sont aussi bien des conditions d’entrée dans le royaume terrestre que dans le royaume de l’au-delà. L’appel au festin nuptial est au même titre la vocation au règne préparatoire et au règne définitif. Les scribes et les Pharisiens hypocrites qui n’entrent pas dans le royaume, et qui, de plus, empêchent les autres d’y entrer, Matth., xxiii, 13, sont un obstacle pour le règne sous toutes ses formes. L’unité la plus parfaite se constate donc dans le développement du royaume.

Quelle est la relation chronologique établie par Notre-Seigneur entre les différentes étapes du royaume ? La phase eschatologique est-elle conçue comme imminente, et faut-il dire avec Charles, A critical history of the doctrine of a Future Life, Londres, 1899, p. 331, que « selon l’enseignement du Christ la parousie devait avoir lieu au coiys de la génération contemporaine » ? Rien de plus authentique dans les Evangiles, que cette déclaration de Jésus : « Quant à ce jour et à cette heure personne ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, ni le Fils, mais (seulement) le Père. » Matth., xxiv, 36 ; Marc, xiii, 32. Cf. Act., i, 7. Le « jour » dont il est question dans ce logion, c’est le jour du jugement, le grand jour de Jéhovah. Mais ce jugement doit se distinguer, d’après le contexte même, de la terrible catastrophe qui atteindra Jérusalem ; celle-ci peut se prévoir, grâce aux signes précurseurs qui l’annonceront, celui-là tombera à l’improviste, avec la soudaineté de l'éclair, sur l'humanité endormie ; la ruine de la ville sainte arrivera encore du vivant des auditeurs de Jésus, tandis que « le Père seul », Matth., xxiv, 36, connaît la date de la parousie. Dans cette complète incertitude, les disciples du Christ n’auront d’autre ressource, pour prévenir toute surprise fâcheuse, que de veiller toujours, et c’est précisément la nécessité d’une vigilance continuelle que Notre-Seigneur veut avant tout inculquer. Cf. Lagrange, L’avènement du Fils de l’homme, dans Rev. bibl., 1906, p. 382-411, 561-574. Bien que cet avènement apparaisse à l’horizon du royaume, la distance n’est jamais déterminée. Le maître de la maison peut venir à la seconde ou à la troisième veille, Luc, xii, 38, « le soir, ou au milieu de la nuit, ou au chant du coq, ou le matin, » Marc, xiii, 35 ; on pourra même avoir l’impression que « le maître tarde à venir. » Matth., xxv, 48. L’hypothèse d’un délai assez prolongé n’est donc pas exclue : « l’homme noble », qui va prendre possession du royaume, est parti pour une région lointaine, Luc, xix, 12 ; le maître qui a confié des talents à ses serviteurs, né revient qu’après un laps de temps considérable, et les dépositaires ont tout le loisir de faire fructifier ces richesses, Matth., xxv, 19 ; l’époux tarde à venir an delà de toute prévision, et les vierges se laissent aller au sommeil. Matth., xxiv, 5. Cf. Luc, xxi, 34-36. Le levain a le temps de transformer toute la masse et le grain de sénevé de devenir un grand arbre ;  ; l’ivraie croîtra et se développera à côté du froment jusqu’au temps de la moisson. Matth., xiii, 24-33 et parall. L’évangile devra d’abord être prêché à toutes les nations, Marc, xiii, 10, et Jésus assistera ses disciples jusqu’à la consommation du siècle. Matth., xxviii, 19-20.

Cette promesse du Christ nous aide à comprendre une autre série de logia. En raison de l’assistance de Jésus, on pourrait dire de son immanence dans le royaume, les progrès du royaume sont, en un certain sens, la manifestation de la présence de Jésus ; chaque étape décisive, par exemple, l’établissement du règne, la résurrection du Christ, la destruction de l’État juif, sera comme un nouvel avènement, une sorte de parousie. (Sur l’emploi de ce mot παρουσία a dans les papyrus, cf. Deissmann, Licht vom Osten, Tubingue, 1908, p. 268-273 ; il se dit surtout de la visite d’un souverain, ou de sa présence dans une ville ; il est très apparenté à ἐπιφάνεια « manifestation », et parfois « assistance divine »). C’est en ce sens qu’il faut interpréter, semble-t-il, les paroles suivantes, Matth., x, 23 : « Vous ne finirez pas les villes d’Israël, avant que vienne le Fils de l’homme » ; Matth., xvi, 27 : « Il y en a parmi ceux qui sont ici présents, qui ne goûteront pas la mort avant de voir le Fils de l’homme venant dans son royaume » (Marc, ix, 9, « avant qu’ils n’aient vu le règne de Dieu venu en puissance » ) ; Matth., xxvi, 63 et parall. : « Désormais vous verrez le Fils de l’homme assis à la droite de la puissance et venant sur les nuées du ciel. » Cf. Lagrange, loc. cit. — Le Fils de l’homme est corrélatif au royaume, il en partage les vicissitudes, et les phases successives par lesquelles se réalise le royaume, sont en un sens autant d’avènements de son chef. On peut donc dire que dans ces sortes de passages, il « s’agit seulement d’une action particulièrement puissante, par laquelle le Christ manifeste sa présence dans le royaume.

B) aspect intérieur et individuel du royaume.

1o  Spiritualité.

En opposition avec l’attente générale des Juifs, le règne fondé par Jésus est purement moral. Tout y est spirituel, les conditions pour y entrer, son origine, son but, ses moyens d’action, et c’est là ce qui fait la valeur éternelle de l’enseignement de Jésus. — Aux Pharisiens qui se croyaient justifiés par des rites matériels, le Sauveur rappelle qu’il ne suffit pas de « nettoyer l’extérieur du plat, » mais qu’il faut avant tout purifier l’intérieur. Matth., xxiii, 25-26. Rien ne sert d’honorer Dieu des lèvres, lorsque le cœur est loin de lui. Matth. xv, 8. La moralité des actes provient de l’intention, Matth., vi, 22-23, et par suite on doit éviter non seulement les péchés extérieurs, mais encore ceux qui se commettent au plus intime de notre âme. Matth., v, 22-28. C’est donc une religion « en esprit et en vérité » que Jésus entend établir. — Aussi, pour entrer dans le royaume, faut-il se convertir στρέφειν, Matth., xviii, 3), et changer de sentiments (μετανοεῖν, Matth., iv, 17 ; xi, 20 ; Marc, i, 15 ; vi, 12 ; Luc, xiii, 3), être détaché des biens de la terre, Matth., v, 3 ; xix, 23-24, être pur de cœur, doux, miséricordieux, pacifique, Matth., v, 4-10, simple comme les petits enfants, Marc, x, 14-15, humble, Matth., xviii, 4 ; Luc, xviii, 14, patient et généreux, Matth., v, 39-44 ; Luc, vi, 27-30, en un mot, imiter dans la mesure du possible les perfections du Père céleste. Matth., v, 48. Il faut prendre sur soi le joug de la nouvelle loi, Matth., xi, 29, et substituer aux sentiments terrestres ceux que doit avoir un enfant de Dieu. — La paternité divine, voilà en effet la base nouvelle sur laquelle s’établit le règne, de Dieu dans les âmes. « Ne donnez à personne sur la terre le nom de père, car vous n’avez qu’un seul Père, celui qui est dans les cieux. » Matth, xxiii, 9. Dieu est encore roi des hommes, mais comme le père à la tête de sa famille, provoquant par sa bonté la soumission et la confiance la plus filiale. Luc, xi, 10-13. Rien ne caractérise mieux la nature de ce règne, que la prière sublime enseignée par Jésus : « Notre Père qui êtes au ciel…, que votre règne arrive », c’est-à-dire « que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel », Matth., vi, 10 ; Luc, xi, 2, omet la seconde demande, virtuellement contenue dans la première.

La haute spiritualité du royaume s’affirme encore dans la notion du salut, qui en est le fruit naturel. Le salut, dont Jésus est le messager, n’est pas la délivrance politique, si ardemment souhaitée par les Juifs : il faut rendre à César ce qui est à César. Matth., xxii, 21. Il y a une servitude autrement honteuse, c’est l’esclavage du péché, l’asservissement à Satan. Dès son entrée en scène, Jésus déclare qu’il est envoyé pour « porter la bonne nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs la délivrance, aux aveugles le retour à la lumière, pour rendre libres les opprimés, et publier l’année de grâce du Seigneur. » Luc, iv, 19. La mission de Jésus est spirituelle, et c’est dans un domaine de même nature qu’il faut chercher ses adversaires. Le royaume fondé par lui est l’antithèse du royaume de Satan : l’un doit s’édifier sur les ruines de l’autre. Luc, xi, 14-26. Les esprits mauvais savent que Jésus est venu pour les perdre. Luc, iv, 34. Aussi le diable met-il tout en œuvre pour entraver les progrès du règne ; n’ayant pas réussi dans sa tentative contre Jésus, il s’en prend aux disciples : c’est lui qui sème l’ivraie parmi le bon grain, Matth., xiii, 39, qui enlève la parole du royaume du cœur des hommes, Luc, viii, 12, qui pousse Judas à la trahison, Luc, xxii, 3, qui demande à faire passer les Apôtres au crible de la tentation. Luc, xxii, 31. — Le péché est donc, en un sens, l’œuvre de Satan, et en tout cas, il est le grand obstacle au royaume. Les fautes doivent être bannies du cœur des fidèles ; et si par malheur une brebis s’égare, quelle sollicitude pour la chercher, et quel bonheur quand elle est retrouvée ! « Je vous Je dis, il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur, qui se repent, que pour quatre-vingtdix-neuf justes qui n’ont pas besoin de repentir. » Luc, xv, 4-7 ; cf. la parabole de l’enfant prodigue. Luc, xv, 11-32. De là, la touchante familiarité de Jésus avec les pécheurs, au grand scandale des pharisiens ; de là aussi, la nécessité du pardon mutuel, afin que le Père céleste nous remette nos propres offenses ; de là enfin, l’importance que Jésus allache à son pouvoir de remettre les péchés, Matth., ix, 1-8 ; Luc, vii, 48 ; cf. Matth., i, 21 ; pouvoir que les Juifs n’ont jamais osé attribuer au Messie. Cf. Dalman, Die Worte Jesu, p. 215. C’est ici pareillement que s’ouvre la perspective de la rédemption, Marc, x, 45, le Fils de l’homme « donnera sa vie pour le rachat d’un grand nombre, » et son sang sera « répandu pour plusieurs, » Marc, xiv, 24 ; et ainsi l’enseignement de Jésus rejoint le point culminant des promesses prophétiques.

Le régne de Dieu sur terre est donc pour l’individu le salut de l’âme, par le pardon des péchés et le triomphe de toutes les vertus dans son cœur. — Il conserve encore cet aspect éminemment spirituel dans son stade définitif. Au ciel, il ne peut plus être question de mariage, car on sera semblable aux purs esprits (ἰσάγγελοι), débarrassé des appétits sensuels et de tout penchant terrestre. Luc, xx, 36 et parall. Entrer dans le royaume céleste, c’est entrer dans la vie éternelle, Matth., xxv, 46 ; xix, 17 ; Marc, ix, 43, 45, dans la joie du Seigneur, Matth., xxv, 21, 23, dans le paradis avec Jésus et les anges. Luc, xxiii, 43 ; Matth., xviii ; 10. Les justes y resplendiront comme le soleil, Matth., xiii, 43, ils verront Dieu, Matth., v, 8, et prendront ainsi pour toujours possession de la Terre Promise. Matth., v, 4. — Sans doute, le ciel est parfois comparé à un festin où l’on s’assoit pour manger et boire, Luc, xxii, 30 ; Matth., viii, 11 ; xxii, 1-12 ; xxvi, 29, et Loisy d’insinuer, que « ce n’est point (là) pure métaphore. i Ev. Syn., t. i, p. 238. — Charles, À critical history of the doctrine of a Future Life, p. 340, répond avec beaucoup de justesse : « c La nourriture en question ne peut être terrestre et matérielle, car ceux qui la prennent sont assimilés aux anges… Le fait, que précisément ces phrases évangéliques (déclarant les élus pareils aux anges) se trouvent dans Hénoch, civ, 4, 6 ; H, 4, et dans l’Apoc. de Baruch, Li, 10, en des passages où la vie des bienheureux est conçue de la façon la plus spirituelle, montre avec clarté, que les expressions des Évangiles relatives à la nourriture, doivent être interprétées au sens figuré. » Cf. aussi Ascension d’Isaïe, IX, 9, trad. Tisserant, Paris, 1909, p. 175. C’est vraiment trop rabaisser Jésus que de le mettre au-dessous d’un certain rabbin, du début du in « siècle, .dont la baraïtha suivante nous a été conservée (Kailah rabbathi, c. 2 : « Dans le monde à venir, il n’y aura ni boire, ni manger, ni génération, ni reproduction, mais les saints seront assis portant une couronne sur leur tête et se délectant à l’éclat de la divinité, car il a été dit, Exod., xxiv, 11, ils virent Dieu, et ils mangèrent et burent » ( « comme les anges de service, » ajoute Abot/i de Rabbi Nathan, c. i). C’est dire que la vision de Dieu constitue le meilleur festin pour les élus et pour les anges. Cf. Klausner, Diemessianischen Vorstellungen im Zeitalter der Tannaiten, Berlin, 1904, p. 20-21.

2. Grâce librement acceptée par l’homme.

Par sa nature intime, le règne est un don divin, qui exige de la part de l’homme une généreuse coopération. — a) Le règne a été donné aux disciples, en vertu du bon plaisir de Dieu. Luc, xii, 32. C’est un nouvel ordre de choses, venant sur les hommes, ëipôaacv è<p’ûu, Sç, et ceux-ci ne font que le recevoir. Malth., xviii, 17, etc. Impossible de l’amener par la violence, comme les zéJotes croyaient pouvoir le faire : il arrive à l’heure marquée dans les desseins de Dieu. Cf. Act., i, 7. La connaissance des mystères du règne est un don, Matth., xiii, 11-16, le fruit d’une révélation bénévole du Père. Luc, x, 21. On entre dans le royaume à la suite d’un appel. Matth., xxii, 3-14. Luc, xiv, 16-24. Tyr et Sidon n’ont point reçu cette invitation, qui aurait assuré leur conversion. Matth., xi, 21. C’est gratuitement aussi que Dieu remet la dette immense, contractée à son égard par l’homme pécheur. Matth., xviii, 23-35.

b) Mais la grâce du règne ne s’impose pas, l’homme doit l’accepter librement et y coopérer avec générosité. Il doit même s’y prédisposer, pour qu’elle ne tombe pas, comme la semence, sur un chemin battu, où elle serait foulée aux pieds. Luc, viii, 5. On ne peut jeter des perles devant des animaux immondes, Matth., vii, 6, et le règne est bien une perle précieuse, un trésor, pour l’acquisition duquel il faut faire les plus grands sacrifices. Matth., xiii, 41-46. Tous ne seront pas aptes à recevoir cette grâce : il y aura des villes et des maisons qui en seront indignes. Marc, vi, ll.-Les hommes attachés aux biens de ce monde refuseront l’invitation et s’excluront ainsi du régne par le fait de leur mauvaise volonté. Luc, xiv, 17-24. C’est là le cas de Jérusalem, Luc, xiii, 34, et de la majeure partie des Juifs. Matth., xxi, 43.

c) Quand l’homme a reçu la grâce du règne, il doit encore faire effort pour la conserver. Il est nécessaire que le terrain soit débarrassé des pierres et des ronces, qui empêcheraient la semence de germer et de se développer, Luc, viii, 13-14 ; même dans les âmes bien préparées, le profit n’est pas égal. Marc, , iv, 20. Une énergie indomptable est requise, Matth., xi, 12 ; il faut sacrifier, sans hésiter, les affections terrestres, Luc, xiv, 26, se priver même des membres les plus nécessaires, quand ils seraient un obstacle au règne, Marc, ix, 43-47, et ne jamais regarder en arrière, nne fois qu’on a mis la main à la charrue. Luc, ix, 62. Les vertus qui ouvrent la porte du royaume, sont pareillement une condition de persévérance ; constamment il faut « chercher le règne et sa justice, » Matth., vi, 33, pratiquer le renoncement et porter avec courage sa croix. Luc, ix, 23 ; xiv, 27. C’est donc une vie d’efforts et de combats incessants qu’il s’agit de mener. Aussi, combien peu savent passer par la porte étroite et s’engager dans la voie resserrée, qui conduit à la vie ! Luc, vii, 14.

d) En effet, la grâce du règne contient virtuellement, et comme en germe, *le don de la vie éternelle. Elle est semblable à une mine ou à un talent que le bon serviteur fait fructifier : en échange, il aura la récompense finale. Matth., xxv, 21, 23 ; Luc, xix, 17, 19. Le travail latent qui s’opère sous l’influence de cette grâce, pareille au grain de blé confié à la terre, Marc, iv, 26-30, se termine tout naturellement par la moisson. Les bonnes œuvres sont la manifestation, et pour ainsi dire l’éclat extérieur, de cette élaboration intérieure ; « que votre lumière luise devant les hommes, et qu’ils voient vos bonnes œuvres, » Matth., v, 16 ; ce sont autant de trésors amassés au ciel. Matth., vi, 20, etc. — Le don du royaume céleste n’est donc que l’épanouissement suprême de la grâce initiale ; bien que ce royaume soit une récompense ([uaMç, Matth., v, 12 ; Luc, vi, 25) du travail de l’homme, particulièrement de sa charité, Malth., xxv, 31-46, il n’en reste pas moins une grâce, il a été « préparé » par Dieu dès l’origine du monde, Matth., xxv, 34 ; le rang respectif des élus est déterminé par le Père, Matth., XX, 23, qui entend disposer de ses biens comme bon lui semble, Matth., xx, 1-16, et de cette manière Dieu, en couronnant les mérites de l’homme, couronnera ses propres dons. — Le règne de Dieu, sous cet aspect intérieur et individuel, se constitue donc par la reconnaissance libre de la royauté du Père et l’accomplissement de tous les devoirs qui en découlent ; l’âme est ainsi établie, par la grâce divine, dans un état de justice, qui est le gage du salut éternel. Cf. Batiffol, L’enseignement de Jésus, p. 158-174.

C) aspect extérieur et social du royaume.

Universalisme.

Les conditions posées par Jésus pour l’admission dans le royaume, Matth., v-vii, faisaient abstraction des différences de race et de nationalité. Le royaume était donc accessible à toute l’humanité, sans autre obligation que celle d’observer la loi divine, amenée par le Christ à sa perfection. Par suite, la distinction entre juif et gentil se trouvait implicitement supprimée. — D’ailleurs, l’uni versalisme était la conclusion logique du monothéisme. Si un seul Dieu a droit aux hommages des peuples, il était naturel de. penser que tous les hommes pouvaient et devaient faire partie de son royaume. Cf. Rom., iii, 29-30 ; Eph., iv, 6. — Cependant les Juifs avaient des droits de primauté, que Jésus ne pouvait méconnaître : son ministère personnel se borne généralement aux brebis de la maison d’Israël, Matth., xv, 24 ; les Apôtres ne doivent point encore s’en aller sur les routes des Gen T tils’ni entrer dans les villes des Samaritains. Matth., x, 5. Mais ces restrictions ne sont que temporaires : son regard embrasse le monde entier, il voit des fils de l’Orient et de l’Occident venir prendre part au festin éternel, Matth., viii, 11, et le champ ensemencé par le Fils de l’homme est le monde entier. Matth., xiii, 3738. Lui-même ne s’interdit pas d’aller en Phénicie ou dans la Décapole. Marc, vii, 24-37. Bien plus, la nation juive sera exclue du royaume pour son obstination, Marc, xii, 9 ; Matth., xxi, 40 sq. ; Luc, xiv, 22-24 ; Jérusalem sera détruite, Luc, xxi, 20 et parall., et ia vigne sera confiée à d’autres ouvriers. Matth., xxi, 43.

— Enfin, l’ordre d’évangélisation donné aux Apôtres par le Christ ressuscité, est franchement. nniversaliste : « Allez donc, enseignez toutes les nations, » Matth., xxviii, 20, « prêchez l’Évangile à toute créature. » Marc, xvi, 15 ; ’cf. Luc, xxiv, 47 ; Marc, xiii, 9-10 ; xiv, 9. Et si l’on récuse l’authenticité de ces textes, il suffira de considérer les Apôtres parcourant le monde romain en se réclamant d’une mission reçue du Christ ; ce seul fait atteste, mieux que toutes les paroles, l’étendue du mandat qui leur fut confié par Jésus.

H. J. Holtzmann, Lehrbuch der neutestamentlichen Theologie', t. i, p. 232-233, avec un grand nombre de protestants, prétend que Puniversalisme ne se fit jour dans la prédication de Jésus, qu’ïu moment où la nation juive se détournait de Jui, et le forçait ainsi à élargir ses horizons. Loisv, Év. syn., t. i, p. 229-231, va plus loin : selon lui, le Christ « ne paraît pas s’être soucié de répandre cette espérance (du royaume) là où elle n’existait pas encore, c’est-à-dire chez les païens ; il s’adresse aux seuls Juifs, comme s’il n’était envoyé qu’à eux… l’évangélisation ultérieure du monde païen est une idée étrangère à là prédication de Jésus… Jésus ne songe pas à (le) convertir, » et à cela rien d’étonnant, puisque la fin devait venir avant même « qu’on eût seulement porté l’Évangile dans toutes les villes de Palestine. » Les textes qui affirment le contraire sont déclarés des retouches rédactionnelles, ou bien sont soumis à un traitement énergique qui leur enlève la signification qu’ils ne doivent point avoir.

Cependant, Jésus ne pouvait ignorer les passages prophétiques qui annonçaient l’universalité du salut. Déjà à Nazareth il prononce cette parole significative : « Aucun prophète n’est bien reçu dans sa patrie, » et il insinue qu’à l’exemple de la veuve de Sarepta et de Naamanle Syriennes étrangers pourraient bien, encore cette fois, être préférés aux Juifs. Luc, iv, 24-27. Le Dieu dont il proclame les droits, n’est pas Jéhovah qui a délivré Israël de la servitude égyptienne, mais le Père qui accorde ses bienfaits indistinctement à tous les hommes. Matth., v, 45. Enfin, la charte du royaume n’a aucune attache nationale, et par le fait était la loi de l’humanité entière. Cf. M. Meinertz, Jésus und die lieidenmission, Munster, 1908.

L’Église.

Le règne, c’est-à-dire la royauté en exercice, suppose tout naturellement un ensemble de sujets soumis à cette juridiction. La conception du royaume de Dieu comme société n’est pas absente de l’Ancien Testament et la littérature juive la connaît également ; le plus souvent elle est contenue de façon seulement implicite dans l’affirmation du règne de Dieu sur Israël, ou sur les hommes à l’époque messianique. Cf. Ps. Sal., xvii, 36, 40-44 ; Jub., i, 28 ; Sib., ii, 47-50, 767-783, etc. Au pasteur correspond le troupeau et il est intéressant de remarquer que c’est sous l’image de troupeau’que la société gouvernée par le Roi-Messie est parfois représentée (tto^viov, Ps. Sal., xvii, 40). — Il serait étonnant que sur les lèvres de Notre-Seigneur l’expression ^amldii toû ©eoy ne s’appliquât jamais à une société, alors surtout que son titre préféré « Fils de l’homme » paraît bien emprunté à un texte de Daniel, vii, 13-27, cf. ii, 37-45 où le prophète décrit l’avènement du royaume des Saints, après la chute des royaumes précédents. Nous voyons, en effet, que le royaume céleste constitue une société ; de même que le blé mûr, au temps de la moisson, est recueilli dans les greniers, ainsi en sera-t-il des élus, Matth., xiii, 30 ; ils forment l’assemblée des convives prenant part au festin éternel. Matth., viii, 11 ; Luc, xm, 28. Mais le royaume annoncé est un ; la continuité la plus parfaite règne entre ses différentes phases. Si donc dans son stade définitif il est une société, non seulement un règne, il est aisé de conclure que dans sa phase préparatoire il aura pareillement un aspect social. L’Église triomphante n’estque la suite de l’Église militante. Loisy, Évangile et Église, 1902, p. 111, a raison de dire, que « le royaume (prêché par Jésus) devait avoir forme de société. » Dans la pensée du critique, il ne s’agit sans doute que du royaume eschatologique. Cependant, si le royaume doit s’établir dès à présent, n’aura-t il plus forme de société ? et si l’Église est venue, alors que Jésus annonçait le royaume, ne sera-ce point parce qu’il y a entre les deux un lien organique, essentiel, parce que l’Église est elle-même, en un sens, le royaume annoncé ?

En effet, dans le royaume il y en a qui sont plus grands que d’autres, Matth., v, 19 ; xi, 11 ; l’ambition cependant devra en être bannie, l’humilité et la charité la plus cordiale devront régner entre les disciples. Luc, xii, 24-30. Le royaume est comparé à une salle de festin où viennent s’asseoir bons et mauvais, même ceux qui n’ont pas la robe nuptiale, Matth., xxii, 8-14, à un champ où croissent ensemble l’ivraie et le bon grain, Matth., xiii, 24-31, à un filet contenant de bons et de mauvais poissons. Matth., un, 47-51. En un mot, il y a un royaume où se trouvent des « scandales » et des hommes qui commettent l’iniquité. Matth., xiii, 41.

Il est difficile d’entendre tous ces textes d’Un royaume purement intérieur, puisqu’ils supposent que la royauté de Dieu ne sera pas reconnue par tous les sujets du royaume ; il est encore moins facile de les appliquer au royaume transcendant, qui ne pourra contenir aucun mélange. Ces images évoquent l’idée d’une société, groupant par des liens extérieurs des membres qui n’ont pas tous l’esprit propre de la société.

Le royaume-Église transparait dans la parabole du grain de sénevé, qui grandit insensiblement jusqu’à devenir un arbre immense, capable d’abriter les oiseaux du ciel. Matth., xiii, 31-33. — L’identification devient encore plus claire dans le fameux passage de Matth., xvi, 18-19, a…sur cette pierre je bâtirai mon Église… et je te donnerai les clefs du royaume des deux, et tout ce que tu lieras sur la terre, sera lié dans les cieux… » Dans la première partie, l’Église est comparée à une construction dont Pierre est le soutien inébranlable ; dans la seconde, la métaphore de l’édifice se continue, et Pierre en est constitué le majordome. Si donc dans le premier cas l’édifice est l’Église, Jl semble naturel qu’il le soit encore dans le second. Celte interprétation est confirmée par le pouvoir de lier et de délier, qui est évidemment le même que celui des clefs. Cf. Matth., xviii, 17-18. Il est hors de doute que le pouvoir unique, conféré à Pierre sous une triple image, doit s’exercer sur terre, dans une société organisée dont il est déclaré le chef. Cf. H. J. Holtzmann, Lehrbuch, i, p. 212, note 4 : « le contexte de xvi, 18 et 19, invite à identifier la pautXEÎa twv oùpavâv avec l’Inx^cia ».

Cependant, d’après M9<— BatifTol, L’Église naissante, 1909, p. 95 (cf. Enseignement de Jésus, p. 184), « la notion du royaume, telle qu’elle se dégage de l’Évangile, est distincte de la notion de l’Église. » La « figure des clefs peut être entendue dans ce sens que Pierre sera celui qui ouvre les portes du royaume à l’Église. La distinction du royaume et de l’Église s’affirme ici à nouveau » (ibid., p. 107). Cette exégèse ne nous semble pas épuiser le sens des textes. Les deux termes ne sont sans doute pas synonymes ; la notion du royaume est plus large que celle de l’Église, puisqu’elle s’applique aussi au règne immanent et au royaume transcendant, Mais cela n’empêche pas le royaume d’être pareillement l’assemblée des fidèles qui ont accueilli le message du Christ, et qui selon l’esprit de leur vocation doivent posséder et conserver le règne intérieur, seul gage du royaume céleste. « L’Église, en tant que société, est l’expression visible du royaume dans le monde. » Hastings, Dictionary of the Bible, t. ii, p. 854 b. — Bien

que L’identification du royaume avec l’Église soit surtout devenue classique depuis la controverse donatiste, elle n’était pas entièrement inconnue auparavant. Elle est déjà insinuée dans les passages qui appliquent à l’Église le parabole de l’ivraie et du bon grain : S. Calixte, d’après Philosophoumena, ix, 12, édit. Cruice, Paris, 1860, p. 444 ; S. Cyprien, Epistol., liv (al. li), t. iv, col. 344 ; S. Optât de Milève, De schismate Donatistarum, vu, 2, t. xi, col. 1085 ; S. Jérôme, In Matth., xiii, 37, t. xxvi, 261. — Cf. aussi Aphraate, Demonstr., xxi, 13, édit. Graffin, t. i, p. 966 ; surtout S. Augustin, De s. virginitate, xxiv, t. XL, col. 409, et S. Grégoire, Moral., xxxii, t. lxxvi, col. 695 ; Exposit. in I Beg., 1. 1, iii, t. lxxix, col. 76 ; Homil. inEv., 1. I, homil. xii, t. lxxvi, col. 1118.

On a pu remarquer que les principaux textes relatifs au royaume-Église sont puisés dans Matth., qui pour cette raison est souvent appelé l’Évangile de l’Église. Le caractère « ecclésiastique » du premier Évangile est franchement reconnu par la plupart des criïiques. i. Weiss, Die Predigt Jesu, p. 38, lui trouve un penchant décidé pour les théories catholiques. H. J. Holtzmann, Handcommentar zum Neuen Testament, Die Synoptiker, 190l, p. 259, reconnaît que « la conscience ecclésiastique, qui trouve son expression dans toute cette enclave (Matth., xvi, 18-19), est en principe déjà catholique, à cause de l’unification des concepts « Église * et « royaume des cieux t ; cf. Lehrbuch, t. i, p. 210-214. D’accord avec eux, Loisy, Évangiles synoptiques, t. i, p. 136-137, écrit : « Le premier évangile est, entre tous, un livre d’édification, l’on pourrait même dire d’organisation ecclésiastique… ; l’Église est pour (le rédacteur ) le royaume des cieux déjà réalisé. » — Ces aveux sont significatifs ; on ne fait donc pas difficulté de concéder que, d’après Matth., le Christ a parlé d’une Église visible, d’un organisme social destiné à durer, et que cette Église équivaut, dans sa pensée, au royaume des cieux. Pour se débarrasser de textes si gênants, on les met au compte du rédacteur. Le procédé est commode, mais il a le tort d’être la conséquence nécessaire d’un système préconçu, l’impossibilité que le Christ ait prévu et voulu fonder une Église.

II. le royaume dans SAlNr paul. — 1° Le royaume <le Dieu n’occupe plus dans l’enseignement de saint Paul le rang prépondérant qu’il avait dans les Synoptiques ; il disparait presque derrière les grandes thèses christologiques. L’Apôtre a même une tendance à identifier le royaume de Dieu avec celui du Christ, Eph., v, 5 ; Col., i, 13 ; Il Tim., lv. 1, 18 ; en effet le Christ et Dieu, c’est tout un. Philipp., ii, 6.

2° Pour saint Paul, le royaume est en un sens déjà présent, « car il faut que le Christ règne, jusqu’à ce qu’il ait mis tous les ennemis sous ses pieds. » I Cor., xv, 25. Ce régne s’étend, grâce à l’activité de l’Apôtre et de ses collaborateurs. Col., iv, 11. Le boire et le manger sont choses indifférentes par rapport au règne de Dieu ; il consiste dans l’obéissance au Christ, et ses fruits sont « la justice, la paix et la joie dans le Saint-Esprit. » Rom., xiv, 17-19. La préséance du règne dans les âmes se manifeste par des œuvres, non par des paroles. I Cor., iv, 20. — Cependant il n’est pas toujours conçu comme une réalité immanente ; il est aussi un royaume, dans lequel les fidèles, délivrés de la puissance des ténèbres, ont été transportés, Col., i, 13 ; c’est l’Eglise, dont le Christ est le chef, en vertu de sa mort rédemptrice et de sa résurrection. Col., i, 14-23 ; Act., xx, 28. Sur l’Église dans saint Paul, cf. Batiffol, L’Église naissante, p. 80-93, 115-125, 135-142. — Le règne du Christ se fonde par la défaite du règne des ténèbres, du règne de Satan, qui domine sur le monde par le péché. Col., ii, 13-15 ; Eph., vl, 12 ; II Cor., iv, 4 ; Gal., i, 4 ; Rom., v, 21.

3° Mais dans la pensée de saint Paul, le royaume est surtout eschatologique ; il ne se constituera définitivement qu’au ciel, quand le Christ aura remporté la vicr toire finale sur la puissance des ténèbres et remis le règne à Dieu, son Père. I Cor., xv, 24. C’est le royaume glorieux auquel Dieu nous convie, I Thess., ii, 12, où l’Apôtre lui-même compte être reçu, II Tim., iv, 18, où l’on n’arrive cependant qu’après avoir passé par le creuset des tribulations. II Thess., i, 4-5 ; Act., xiv, 22. Le corps de l’homme y entrera aussi ; mais il devra auparavant subir une complète transformation, car « la chair et le sang ne peuvent hériter le royaume de Dieu, ni la corruption, l’incorruptibilité. » I Cor., xv, 50."

4° Le royaume est une grâce offerte à tous les hommes ; l’universalisme de saint Paul n’est nié par personne. Toutefois, pour partager au ciel la royauté du Christ, I Tim., ii, 12, il faut mener une vie digne de Dieu qui nous a constitués ses fils adoptifs, les cohéritiers de Jésus. I Thess., ii, 12 ; Rom., viii, 16-17. Aussi les pécheurs n’auront-ils point part à cet héritage céleste. I Cor., vi, 9-10 ; Gal., v, 21 ; Eph., y, 5. — Sur l’eschatologie de saint Paul, cf. Prat, La théologie de S. Paul, Paris, 1908, p. 104-120.

m. le royaume dans saint jean. — 1° Apocalypse.

— Ce livre décrit la lutte du royaume du bien avec la puissance du mal et la victoire définitive du premier. Le royaume est donc surtout présenté sous un aspect eschatologique et social. Cependant l’aspect intérieur et individuel n’est pas négligé, on peut même dire que les préoccupations individualistes de l’auteur appa, raissent à chaque page. La menace du jugement et de la parousie n’est pour lui qu’un thème à instructions morales. Il exhorte à la foi en Jésus, ii, 3 ; iii, 8 ; xiv, 12, à la pratique des bonnes œuvres, surtout de la charité, ii, 2, 4, 19, etc., à l’observation des commandements, xiv, 12, en un mot à la persévérance chré.7 tienne, ii, 3, 4, 10 ; iii, 10-11 ; xiii, 10. Le fidèle doit répondre aux appels de Jésus, lui ouvrir la porte, et se préparer ainsi à prendre part au festin céleste iii, 20, aux noces de l’Agneau avec son Épouse, xix, 7-9 ; ceux qui auront gardé la continence, y jouiront de prérogatives spéciales, xiv, 1-5.

Mais les fidèles forment une société visible : on peut voir dans les « anges » auxquels sont adressées les sept épîtres, les évêques des communautés chrétiennes. Unis entre eux par une même foi au Christ, les chrétiens constituent le royaume de Dieu, en lutte constante avec le royaume de Satan, xii, 10^17, xiii, 7-18 ; xvii, 12-18 ; xix, 11-21 ; xx, 7-10. Dès ici-bas, la victoire est assurée aux disciples du Christ, car Jésus les a fait participer à sa royauté, i, 6, 9 ; v, 10, et ils régneront sur la terre, v, 10. La constance des martyrs manifeste la royauté de Dieu, xii, 10-11. Le triomphe du mal ne sera que momentané ; le jugement atteindra les méchants, le Christ « paîtra les nations avec une verge de fer, » xix, 15 ; xii, 5, il régnera d’abord avec les saints pendant mille ans, xx, 1-6, puis, après une dernière victoire, la royauté de Dieu et de son Christ sera définitivement reconnue, xi, 15, 17. — Plusieurs passages semblent supposer que la parousie est imminente, I, 7 ; iii, 3, 10, 11 ; iii, 11 ; xxii, 12. Mais rien ne s’oppose à ce qu’on interprète ces textes soit dans le sens de l’eschatologie individuelle, soit dans le sens d’une manifestation triomphante de la présence du Christ, C’est dans ce dernier sens qu’il convient aussi d’interpréter l’annonce du règne millénaire, xx, 1-6. Il faut se garder de prendre trop à la lettre les expressions d’un livre où tout est symbole.

Le règne de Dieu, dans l’Apocalypse, est universaliste, aussi bien que dans les autres écrits de saint Jean. L’a gneau a racheté par son sang des hommes de toute tribu, de toute langue, de tout peuple, v, 9. Au ciel se trouve une foule innombrable d’hommes de toute

nation, vii, 9 ; les pécheurs seuls en sont exclus, xxi, 8, 27 ; xxii, 15. Le peuple juif, par son rejet du Messie, est devenu une synagogue de Satan, ii, 9 ; iii, 9 ; la ville sainte a subi le châtiment de Sodome et de l’Egypte, xi, 8. — On rencontre sans doute, ça et là, des traits qui semblent assigner aux Juifs une place privilégiée dans la Jérusalem céleste. Mais des expressions semblables se trouvent dans les écrits prophétiques de l’Ancien Testament. On peut donc les considérer comme de simples réminiscences littéraires. D’ailleurs, l’esprit général du livre suffit amplement à laver l’auteur du reproche d’exclusivisme national.

2° Évangile et Épîtres. — L’expression « royaume de Dieu » ne se rencontre que dans l’entretien de Jésus avec Nicodème. (Joa., xviii, 36, il n’est pas question de royaume, mais de royauté. À la demande de Pilate : « Es-tu le roi des Juifs ? » Jésus répond qu’en réalité il possède la dignité royale, mais que cette royauté est transcendante par son origine et ses moyens ; elle ne s’affirme pas par le déploiement de forces armées, mais par le règne de la vérité surnaturelle. ) Cet entretien même nous permet de comprendre sous quel aspect l’Évangile de saint Jean et les Épîtres qui n’en sont que le prolongement, présentent l’idée du royaume. « En vérité je te dis qu’à moins de naître d’en haut, on ne peut pas voir le royaume de Dieu, etc. » Joa., iii, 3-17. Le royaume de Dieu est ici synonyme de vie éternelle, de salut ; c’est dire que l’auteur met surtout en relief le côté intérieur et individuel du royaume, et que chez lui la notion de la vie remplace l’idée du royaume.

Déjà dans les Synoptiques, le royaume de l’au-delà se traduit pour l’individu par la vie éternelle. Ici-bas le fidèle possède cette vie en germe : c’est une semence déposée dans son cœur, il doit en favoriser la croissance et débarasser le terrain de tous les obstacles, jusqu’à ce qu’elle s’épanouisse en fruits mûrs pour la moisson. Matth., xin ; Marc, iv, 26-29, — Dans saint Jean, cette notion se trouve à la base de tous les développements sur l’ordre surnaturel. Le Père a la vie en lui-même, et il a communiqué la vie à son Fils, v, 26. À son tour, le Fils est venu dans le monde, pour donner aux hommes la vie, et une vie abondante, x, 10, en leur donnant la faculté’<de devenir fils de Dieu, i, 1213 ; I Joa., iii, 1-2. Pour acquérir cette filiation, il faut une nouvelle naissance, dont le baptême par l’eau et l’esprit est le symbole efficace, iii, 5. L’homme reçoit ainsi comme une semence divine, I Joa., iii, 9, qui le fait passer de la mort spirituelle à la vie de la grâce, v, 24.

Cette vie, tout comme la grâce du royaume dans les Synoptiques, est un don gratuit de la part de Dieu, iv, 10 ; vi, 65 ; personne ne peut venir au Fils si le Père ne l’attire, vi, 44. Mais ce don laisse la liberté de l’homme entière ; le Verbe donne la faculté de devenir enfants de Dieu à ceux qui le reçoivent, i, 12. Si beaucoup ne l’ont pas connu, i, 10-11, c’est qu’ils n’ont pas voulu le recevoir ; ils ont fermé volontairement les yeux à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises, iii, 19. Pour recevoir le Verbe, il faut être disposé à l’écouter, v, 24 ; viii, 43, 47, accueillir ses parolesd’un cœur docile, viii, 37 ; xviii, 37, croire en lui et en celui qui l’a envoyé, v, 24 ; viii, 24 ; xii, 36, 46, enfin, aimer Dieu et le prochain, xv, 9-25 ; I Joa., iv, 7-21. L’homme entre ainsi en union avec Dieu, I Joa., i, 3, 6, 7, et la grâce reçue devient une source d’eau jaillissant à la vie éternelle, iv, 14, à la condition toutefois qu’il conserve précieusement ce don. Car les rameaux de la vigne peuvent cesser de recevoir la sève, xv, 2, 6, on peut ne pas rester dans l’amour, xv, 9, 10. La vie se conserve par la fidélité à retenir les paroles du Fils, xv, 7 ; I Joa., ii, 5, 24, et par tous les moyens qui unissent l’intelligence et la volonté au

Christ, par la foi, l’observation des commandements, et en particulier l’exercice de la charité, xv, 11-17. Cette union se parfait par l’Eucharistie, où Jésus lui-même devient la nourriture et le breuvage des fidèles. La manducation de ce pain céleste est une condition de vie pour le présent, aussi bien qu’un gage de la vie éternelle, vi, 53-58. La vie future achève l’union commencée ici-bas, car nous serons semblables à Dieu et nous le verrons tel qu’il est. I Joa., iii, 2. — L’eschatologie individuelle occupe ainsi le premier plan. Cependant il est aussi question de la parousie, xiv, 2, 3 ; xxi, 22, 23 ; I Joa., ii, 28, sans détermination d’époque.

— La vie est offerte à tous les hommes, comme le royaume des Synoptiques. Sans doute, « le salut vient des Juifs, » iv, 22 ; mais la religion étant une adoration « en esprit et en vérité, » ni les Juifs ni les Samaritains ne pourront plus prétendre au privilège exclusif de posséder le vrai culte, IV, 21-23. En réalité, <r la vie était la lumière des hommes…, illuminant tout homme venant dans le monde », I, 4, 9. Jésus est l’Agneau qui efface le péché du monde entier, i, 29 ; xi, 51 ; I Joa., ii, 2, et quand il sera élevé de terre, il attirera tout à lui, iii, 17. Tous ceux qui croient en lui peuvent obtenir la vie éternelle, vi, 40.

Le royaume johannique se présente donc généralement comme immanent. Cependant l’Église n’est pas absente. Un lien étroit s’établira entre les croyants ; ils ont été retirés du monde et séparés de tous ceux qui les entourent, xv, 19 ; ils formeront une société entre eux et avec Dieu, I Joa., i, 3, 7, et la charité sera le trait d’union entre les disciples, xiii, 35. Cf. aussi, l’allégorie de la vigne, xv, 1-10. L’aspect extérieur de cette société apparaît dans la parabole du bon pasteur, x, 1-30 : le troupeau de Jésus-Christ est formé de tous ceux qui entendent sa voix ; il constitue un tout bien compact, distinct de tous les autres troupeaux ; ceux qui sont dehors, seront appelés, eux aussi, à en faire partie. — Cette société ne comprend pas seulement les prédestinés. Il est vrai que, dans la mesure où la persévérance dépendra de Jésus, aucun de ceux que le Père lui a confiés, ne se perdra, vi, 39 ; x, 28. Néanmoins, des sarments, jadis en communication de sève avec la vigne, pourront cesser de produire des fruits, et être retranchés, xv, 2, 6. Les apostats qui sortent de la société, lui ont appartenu au moins pendant un certain temps, bien qu’ils n’aient pas eu l’esprit qui doit en animer les membres, 1 Joa, , ii, 19, et l’insistance avec laquelle Jésus exhorte ses disciples à demeurer en sa charité, à conserver ses paroles, à observer ses commandements, montre bien que les membres de cette société pourront déchoir et perdre la vie de la grâce. D’ailleurs, Judas n’avait-il pas été donné à Jésus par le Père ? xvii, 12. — Mais le bon pasteur ne pourra rester toujours auprès de ses brebis ; et cependant les disciples devront être les témoins de Jésus, xv, 27, et subir une longue série de persécutions, xvi, 2-4. Jésus a pourvu à l’unité de son troupeau : il sera un, parce qu’il n’aura qu’un seul pasteur, x, 16. À Pierre est confiée la charge de paître les agneaux et les brebis de Jésus, xxi, 16-17 ; il remplacera, dans ses fonctions de pasteur, Jésus invisiblement présent, en marchant devant le troupeau qui le suit et en le défendant contre les loups ravisseurs. Cf. X, 4-14. — Union des fidèles par la foi et la charité, rites communs (baptême, eucharistie, rémission des péchés), autorité suprême de Pierre : tels sont les grands linéaments de l’Église, telle qu’elle se dessine dans l’évangile et les épîtres de saint Jean. « Jean… représente… l’Évangile de l’Église organisée en royaume de Dieu^ur la terre. » Loisy, Le quatrième évangile, p. 75.

1Y. LE ROYAUME BANS LES AUTRES ÉCRITS DU NOUVEAU

testament. — La notion du royaume ne se rencontre ici que rarement. « Dieu a choisi les pauvres selon le monde pour les rendre riches en foi et héritiers du royaume qu’il a promis à ceux qui l’aiment. » Jac, ii, 5. « Appliquez-vous à affermir votre vocation et votre élection… et ainsi l’entrée dans le royaume éternel de N.-S. et Sauveur J.-C. vous sera pleinement accordée. » II Pet., i, 11. « Puisque nous rentrons en possession d’un royaume qui ne sera point ébranlé, retenons fermement la grâce. » Heb., xii, 28. Comme on le voit, il s’agit, dans tous ces textes, du royaume céleste. Cf. encore Heb., i, 8.

Conclusion. — S’il fallait maintenant comprendre sous une formule globale les significations diverses de l’expression βασιλεία τοῦ Θεοῦ, nous la définirions : l’actualisation de la royauté éternelle de Dieu, dans les âmes par la libre soumission à la loi du Dieu créateur et sauveur, dans le monde par l’établissement et le développement progressif de la société des fidèles (Église), dans l’au-delà par l’union définitive des élus avec Dieu (vie éternelle) et leur incorporation dans l’Église triomphante.

IV. Bibliographie.

La question du royaume de Dieu est traitée, plus ou moins longuement, dans toutes les Vies de Jésus, les commentaires, les Théologies de l’Ancien ou du Nouveau Testament, ainsi que dans les différents dictionnaires bibliques. Nous nous contenterons d’ajouter aux ouvrages ou articles, mentionnés au cours de ce travail, les publications qui se rapportent plus directement à notre sujet. — E. Fleck, De regno divino, Leipzig, 1829 ; *F. Crusius, De notione τῆς βασιλείας τοῦ Θεοῦ in N. T. obvia, 1844 ; "Wittichen, Die Idee des Reiches Grottes, Gœttingue, 1872 ; *Lindenmeyer, Das göttliche Reich als Weltreich, nach der hl. Schrift, Gütersloh, 1876 ; * E. Schürer, Der Begrift des Himmelreiches aus jüdischen Quellen erlüutert, dans Jahrbücher fur protestantische Theologie, 1876, p. 166-187 ; *J. S. Candlish, The Kingdom of God, Edimbourg, 1884 ; *A. B. Bruce, The Kingdom of God, Edimbourg, 1890 ; *Schmoller, Die Lehre vom Reiche Gottes im N. T., Leyde, 1891 ; *Bousset, Jesu Predigt in ihrem Gegensatz zuni Judentum, Gœttingue, 1892 ; *Issel, Die Lehre vom Reiche Gottes im N. T., Leyde, 2e édit., 1895 ; *G. Schnedermann, Die Vorstellurtg vom Königreich Gottes, Leipzig, 1893-1896 ; L. Paul, Die Vorstellungen vom Messias und vom Goitesreich bei den Synoptikem, Bonn, 1895 ; *Titius, Jesu Lehre vom Reiche Gottes, Leipzig, 1895 ; *Lütgert, Das Reich Gottes nach den synoptischen Evangelien, Gütersloh, 1895 ; *F. Krop, La pensée de Jésus sur le royaume de Dieu, Paris, 1897 ; J. Schäfer, Das Reich Gottes im Licht der Parabeln des Herm, Mayence, 1897 ; V. Rose, Études sur les Évangiles, Paris, 1902, c. iii, Le Royaume de Dieu ; *J.Böhmer, Der alttestamentliche Unterbau des Reiches Gottes, Leipzig, 1902 ; ld., Reichsgottesspuren in der Völkerwelt, Gütersloh, 1906 ; *P. Wernle, Die Reichsgotleshoffnung in den ältesten christlichen Dokumenten und bei Jesus, Tubingue, 1903 ; Bartmann, Das Hinimelreich und sein König nach den Synoptikern, Paderborn, 1904 ;

  • W. Wrede, Vorträge und Studien, Tubingue, 1907,

c. iv, Die Predïgt Jesu vom Reiche Gottes.

J.-B. Frey.

ROYAUMONT (BIBLE DE). On connaissons ce nom l’Histoire du Vieux et du Nouveau Testament, in-f°, Paris, 1670, qui a été si populaire en France et a eu d’inombrables éditions. Voir Fontaine 2, t. ii, col. 2306.

RUBEN (hébreu : Re’ûbên; Septante : Ῥουβήν, nom d’un patriarche et d’une tribu d’Israël.

1. RUBEN, l’aîné des fils de Jacob, le premier que lui donna Lia. Gen., xxix, 32. Le nom hébreu, ראיּבֵן, Ré’ûbên, signifie proprement : « Voyez, un fils. » C’est sans doute le cri de joie que poussa sa mère en le mettant au monde. L’Écriture cependant y ajoute celui de la reconnaissance envers le Seigneur, et fait dire à Lia : Râ’âh Yehôvâh be’onyi, « Jéhova a vu mon affliction. » Le mot Re’ûbên ne serait-il point plutôt sorti de cette exclamation : רָאָה בְּעָנְיִי, Râ’âh be‘onyi, contractée en Râ’ù be‘ên ? Quelques-uns le pensent ; mais ce n’est guère probable. En dehors de l’étymologie que fournit la forme actuelle du nom, on n’aboutit qu’à des conjectures plus ou moins hasardées. Josèphe, Ant. jud., i, xix, 8, etc., appelle le patriarche Ῥουβηλος ; les versions syriaque, arabe, éthiopienne donnent de même : Rûbîl. Partant de là, on a tenté diverses explications. Pour les uns, Roubel viendrait de l’hébreu : רָאוּי בֵאֵל, Ra’ûi be’El, qui serait l’équivalent de ἔλεον τοῦ Θεοῦ, [objet de la] « miséricorde de Dieu », étymologie donnée par Josèphe, loc. cit., et conforme à la parole de Lia. Cf. J. Fürst, Hebräisches und chaldäisches Handwörterbuch, Leipzig, 1876, t. ii, p. 344. A. Dillmann, Genesis, Leipzig, 1892, préfère cette lecture et la rapproche de l’arabe ri’bâl, « lion » ou « loup. » Inutile d’aller, avec C. J. Bail, The Book of Genesis, dans la Bible polychrome de Paul Haupt, Leipzig, 1896, p. 83, jusqu’à l’égyptien Ra-uban ou l’arabe ra’ûb, aussi bien que de faire appel à l’araméen רבאל, Rabel, dont la formation n’est pas la même. Mieux vaut accepter l’origine toute simple du nom que de chercher si loin. Quant à la vraie forme du mot, il est permis de donner la préférence au texte hébreu. On invoque, il est vrai, le changement de Béthel en Beîtîn, de Jezraël en Zer’în ; mais la permutation entre n et l rend aussi plausible le passage de Re’ûbên à Roubel. — L’Écriture nous représente Ruben comme une nature ardente, passionnée, mais généreuse. Il commit un crime en souillant la couche de son père. Gen., xxxv, 22. Mais c’est à lui que Joseph dut d’échapper à la mort. Pour l’arracher aux mains de ses frères, qui voulaient le tuer, il conseilla de le jeter dans une vieille citerne sans eau, ayant l’intention de l’en retirer après et de le rendre à son père. Gen., xxxvii, 21-22. Son désespoir en ne retrouvant plus l’enfant montre à quel point il partageait son infortune et la désolation que sa perte causerait au malheureux Jacob. Gen., xxxvii, 29-30. C’est avec raison que, plus tard, en Egypte, il rappelait à ses frères et ses conseils et leur indigne conduite. Gen., xlii, 22. Sa générosité éclate encore lorsque, sur le point d’emmener Benjamin réclamé par Joseph, il offre ses propres fils en gage pour lui. Gen., xlii, 37. Ruben eut quatre fils: Hénoch, Phallu, Hesron et Charmi. Gen., xlvi, 9 ; I Par., v, 3. Au lieu de la bénédiction de son père, c’est la punition de sa faute qu’il reçut, en perdant la prééminence que lui assurait son titre d’aîné. Gen., xlix, 3-4. Voir, pour l’explication de ce passage et pour les autres endroits où se trouve le nom, ce qui est dit de la tribu, Ruben 2.

A. Legendre.

2. RUBEN, une des douze tribus d’Israël.

I. Géographie. — La tribu de Ruben occupait « au delà », c’est-à-dire à l’est « du Jourdain », Num., xxxii, 32 ; Jos., xiii, 8, le territoire situé à l’extrémité méridionale des possessions israélites de ce côté. Elle avait partagé avec Gad le royaume de Séhon, roi des Amorrhéens. Num., xxxii, 33; Jos., xiii, 8-10, 21. Voir la carte, fig. 266.

I. limites. — Ses limites sont décrites Jos., xiii, 15-23. Elles s’étendaient depuis Aroër (’Ara’îr), sur le bord du torrent d’Arnon, au sud, jusqu’à Hésébon (Hesbân) au nord. Il est probable, en effet, qu’au lieu de lire, ꝟ. 16-17, avec la Vulgate : « Toute la plaine qui conduit à Médaba et Hésébon… » (hébreu : vekol-ham-mîšôr ’al Mêdbâ’ Ḥéšbôn…), il vaut mieux traduire,

d’après les Septante : xa itâirav rr|V Miuwp ewc’Eoeëtiv, « tout le.Misor jusqu’à (iy, ’ad, à la place de Sy, ’al),

Hësébon ». Hésébon marque donc un point de la frontière septentrionale. Nous en trouvons un autre dans îîethjésimoth (Khirbet Suéiméh), compté parmi les villes de la tribu, Jos., xiii, 20, et situe dans la vallée du Jourdain, à peu de distance de l’extrémité nord-est de la mer Morte. Éléalé (el-’Al), appartenait aussi aux Rubénites. Num., xxxii, 37. Il y a cependant une certaine indécision (voir Gad 4, t. iii, col. 27), de ce côté des limites, d’autant plus que l’identification de Méphaath avec Neifa, si elle est certaine, nous oblige à remonter les jalons un peu vers le nord. À l’ouest, la mer Morte et une petite partie du Jourdain constituaient une borne naturelle. Deut., iii, 17 ; Jos., xiii, 23. À l’est, le territoire confinait au désert, et sa ligne de démarcation peut être placée à la *, route des Pèlerins ».

II. villes principales. — Les villes attribuées à Ruben par Josué, xiii, 16-20, sont les suivantes :

1. Aroër (hébreu : ’Arô’êr ; Septante : ’Apo^p), aujourd’hui’Ar’âîr, sur le bord de Youadi Môdjib, l’ancien Arnon. Voir Aroër 1, t. i, col. 1023.

2. Médaba (hébreu : Mêdbâ’; Septante : omis, Jos., xm, 16 ; MotcSaêâ, Jos., xiii, 9), se retrouve avec le même nom dans Mâdeba ou Mâdaba, à vingt-sept kilomètres au nord de la vallée de l’Arnon. Voir t. iv, col. 902.

3. Hésébon (hébreu : flésbôn ; Septante : ’E<yeëwv), actuellement Bîesbân, au nord de Mâdaba. Voir t. iii, col. 657.

4. Dibon (hébreu : Dîbôn ; Septante : Aatgwv) = Dhibân, non loin d"Ar’dir. Voir t. ii, col. 1410.

5. Baniothbaal (hébreu : Bâniôf Ba’al ; Septante : Batfitiv BaâX), peut-être El-Maslûbîyéh, à l’ouest de Mâdaba. Voir 1. 1, col. 1428.

6. Baalmaon (hébreu : Ba’al Me’on ; Septante : Codex Vaticanus : Mee).g(o6 ; Codex Alexandrinus : BeXainov), généralement reconnue dans Ma’în, au sud-ouest de Mâdaba. Voir 1. 1, col. 1340.

7. Jasa (hébreu : Yahsâh ; Septante : Vaticanus : Batriv ; Alexandrinus : ’Iaa.oi), dont l’emplacement exact n’est pas connu. Voir t. iii, col. 1138.

8. Cadémoth (hébreu : Qedêmô{ ; Septante : Vaticanus : Bax£8|i(48 ; Alexandrinus : KeSthmûÔ), inconnue. Voir t. ii, col. 12.

9. Méphaath (hébreu : Mêfa’af ; Septante : Vaticanus : Matifâa8 ; Alexandrinus : Mv^âoiô), a été identifiée avec Neifa, à neuf kilomètres au sud de’Amman. Voir t. iv, col. 978.

10. Cariathaïm (hébreu : Qiryâ(aim ; Septante : Kapia6aî[i), = Qureiyat, au sud du Djebel Attarus. Voir t. ii, col. 270.

11. Sabama (hébreu : èibmâh ; Septante : Se6a(tâ), serait, suivant les uns, Sumia, au nord-ouest d’Hesbân ; suivant les autres, Sckânab, plus au nord.

12. Sarathasar (hébreu’: $ére’( haS-Sahar ; Septante : Vaticanus : EepaSa ; Alexandrinus : Sap9), se retrouve dans Sâra, près de l’embouchure de Youadi Zerqâ Ma’în ; c’est l’ancienne Callirrhoé.

13. Bethphogor (hébreu : Bê( Pe’ôr ; Septante : BaiSço-fwp), devait être entre le Nébo et la vallée du Jourdain. Voir t.i, col. 1710.

14. Asédoth-Phasga (hébreu : ’ASdàf hap-Pisgâh ; Septante : 'AuoSwO 3>ao7â), territoire situé dans le voisinage du mont Nébo. Voir t. i, col. 1076.

15. Bethjésimoth (hébreu : Bêt hay-¥esîmô( ; Septante : Vaticanus : Baiflfla<retv<16 ; Alexandrinus : Br)<it[jioû6) = Sûeirnéh, dans la vallée du Jourdain, près de la mer Morte. Voir 1. 1, col. 1686.

A cette liste il faut ajouter d’autres noms signalés dans divers endroits de l’Écriture et qui rentrent dans les possessions rubénites Atarolh, Num., xxxii,

3, 34 =’Attdrûs, au sud du Zerqa Ma’în, t. i, col. 1203 ; BeerÉlîm, Is., xv, 8, t. i, col. 1046 ; Beon Num., xxxii, 3, t. i, col. 1604 ; Bethgamul.Jer., xlviii, 23 = Djémaïl, à l’est de Dhibân, 1. 1, col. 1685 ; Bosor ou Bosra, Jos., xx, 8 ; Jer., xlviii, 24, identifiée par plusieurs avec Qasr el-Bescheir, au sud-ouest de Dhibân, et dont le nom, suivant d’autres, serait rappelé par Barzâ, au nord-ouest de la même ville, t. i, col. 1856 ; Carioth, Jer., xlviii, 24, 41, peut-être Qereiyet Fâléh, au nord-ouest de Djémaïl, t. ii, col. 283 ; Déblathaîm, Jer., xlviii, 22, dont le nom a peut-être laissé un reste dans celui de et-Teîm, au sud de Mâdaba, t. ii, col. 1330 ; Hélon, Jer., xlviii, 21, probablement el-Lehûn, à l’est d"Ar’aîr, t.- iii, col. 586 ; Mennith, Jud., xi, 33, probablement Khirbet Beddih, au nord de Hesbân, t. iv, col. 970. Nebo, Num., xxxii, 3, ou Nabo, Num., xxxii, 38, sans doute sur la montagne du même nom, t. iv, col. 1540, ; Nophe, Num., xxi, 30, t. iv, col. 1698 ; Oronaïm, Is., xv, 5 ; Jer., xlviii, 3, t. iv, col. 1895.

/II. description. — La tribu de Ruben se trouvait ainsi enclavée entre le’territoire proprement dit de Moab au sud, celui de Gad au nord, la mer Morte et le Jourdain à l’ouest, et le désert syrien à l’est. N’occupant qu’une toute petite bande de la vallée du Jourdain, elle comprenait le plateau moabite situé au nord de l’Arnon et la région accidentée qui s’étend sur les bords de la mer Morte. Le plateau est une bande de terre dont l’attitude moyenne est de 7 à 800 mètres ; le sol ondulé est parsemé çà et là de collines généralement en forme de mamelons. Il est sillonné par une multitude d’ouadis qui se ramifient au Zerqâ Ma’în ou au Modjib. La lisière qui borde la mer Morte est en général d’une altitude inférieure à celle du plateau, bien que, vue de l’occident, elle ait l’aspect d’une montagne. Les nombreux torrents qui la découpent en ont fait une succession de collines tourmentées, séparées par des ravins et des gouffres. Voir Abarim, t. i, col. 16 ; Nébo (Mont), t. iv, col. 1544. La plaine inférieure, au nord de la mer Morte, est une profonde dépression, dont le sol est généralement très fertile. Pour les détails de topographie physique, de climat, productions, etc., voir Moab 2, t. iv, col. 1143-1157.

II. Histoire. — Au moment où Jacob descendait en Egypte, les quatre fils de Ruben, c’est-à-dire Hénoch, Phallu, Hesron et Charmi, formaient le noyau de la tribu, Gen, , xlvi, 9 ; Exod., vi, 14. Lors du premier recensement fait au Sinaï, elle avait pour chef Elisur, fils de Sédéur. Num., i, 5 ; ii, 10 ; x, 18, et elle comptait 46500 hommes en état de porter les armes. Num., i, 21. Elle avait sa place au sud du tabernacle avec Siméon, né de Lia comme Ruben, et Gad, leur demifrère, né de Zelpha, la servante de leur mère. Num., ir, 10. Elle offrit à l’autel, par les mains de son prince, les mêmes dons que les autres tribus, d’après l’ordre prescrit pour les marches et les campements. Num., vii, 30. Elle fut représentée parmi les explorateurs du pays de Chanaan par Sammua, fils de Zéchur. Num., xiii, 5. Au second dénombrement, dans les plaines de Moab, elle ne comptait plus que 43 730 guerriers, soit une perte de 2770. Num., xxvi, 5-7. Il est probable qu’un grand nombre de Rubénites avaient pris part à la révolte de Coré, Dathan et Abiron. Num., xvi, 1 ; xxvi, 8-11. Après la conquête du territoire situé à l’est du Jourdain, la tribu de Ruben s’unit à celle de Gad pour réclamer une part du pays. Devant les représentations de Moïse, toutes deux promirent de marcher en tête des autres dans les combats qui devaient assurer aux Hébreux la possession de la région occidentale. Nuni., xxxii, 1-32. Une fois installés, les Rubénites commencèrent par rebâtir certaines villes importantes, comme Hésébon, Éléalé, Cariathaïm, Nabo, Baalméon et Sabama. Num., xxxii, 37. Dans la scène imposante de la Dictionnaire de la Bible

LetrozeyetMé-Pqris

[Carte à insérer]

TRIBU DE RUBEN

Zaf nomsd’après laYuigate sont écrits en carcLctères droits jvupes-les noms qui<

ne sont pas bibïiqujes sont encaractères droits Meus. _^=_

Échelle

vallée de Sichem, ils se trouvèrent sur le montHébal, pour les malédictions, à côté de Cad, Aser, Zabulon, Dan et Nephthali. Deut., xxvii, 13. Ils avaient, en effet, accompli leur promesse et aidé leurs frères à la conquête de Chanaan, Jos., iv, 12, et leurs possessions au delà du Jourdain furent confirmées, Jos., xiii, 15-23 ; xviii, 7. Ruben fournit comme villes lévitiques : Bosor, Jos., xxi, 36 ; I Par., vt, 78 ; Jaser^ Jos., xa, 36 (Jasa, I Par., vi, 78) ; Gadémoth, I Par., vi, 79 (Jethson, Jos., xxi, 36) ; Mephaath, Jos., xxi, 36 ; I Par., vi, 79. Licenciés avec honneur par Josué et arrivés sur la rive droite du Jourdain, les guerriers de la tribu, avec ceux de Gad et de Manassé oriental, érigèrent un autel d’une grandeur considérable, ce qui causa parmi les autres tribus une vive surexcitation. L’incident eut une conclusion pacifique. Jos., xxii, 1-34. Pour cet événement et les précédents, qui furent communs à Ruben et à Gad, voir Gad 4, Histoire, t. iii, col. 30. — D’après le cantique de Débora, Jud., v, 15-16, il semble que les Rubénites ne furent généreux, du temps de Barac, que dans leurs délibérations pour secourir leurs frères, sans passer à l’action. Voir plus bas, Caractère. — Ils fournirent un contingent de guerriers pour l’élection royale de David à Hébron. I Par., xii, 37. — Vers la fin du règne de Jéhu, la tribu succomba, comme les autres situées à l’est du Jourdain, sous une invasion victorieuse d’Hazaë 1., roi de Syrie. IV Reg., x, 32, 33. Elle prit part avec elles à une.expédition contre les Agaréniens, I Par., v, 18, 19, et avec elles fut emmenée en captivité par les Assyriens. I Par., v, 26. — Dans le nouveau partage de la Terre Sainte, Ézéchiel, XLvm, 6-7, place Ruben au nord, entre Éphraïmet Juda. Dans sa reconstitution idéale de la cité sainte, xlviii, 31, il met au nord » la porte de Ruben », avec celles de Juda et de Lévi. Enlin saint Jean, dans l’Apocalypse, vii, 5, cite Ruben entre Juda et Gad.

III. Caractère. — Le droit d’aînesse conférait au patriarche, père de la tribu, des privilèges qu’il perdit par le crime dont il se souilla. Cette déchéance retomba sur ses descendants. Voici, d’après l’hébreu, ce que Jacob dit de Ruben, Gen., xlix, 3-4 :

Ruben, tu es mon premier-né,

Ma force et les prémrees de ma vigueur,

Éminent en dignité, éminent en pouvoir ;

Bouillant comme l’eau, tu n’auras pas la prééminence,

Car tu es monté sur la couche de ton père,

Alors tu as profané le lit sur lequel tu es monté.

Ainsi Ruben, par la faute dont il se rendit coupable, fut privé de la principauté, de la dignité messianique, du sacerdoce et du double héritage, qui étaient l’apanage de l’aîné ; cet apanage fut partagé entre Juda, Lévi et Joseph. Cf. Gen., xlix, 10, 25-26 ; I Par., v, 1-2. Dathan et Abiron, qui étaient ses descendants, cherchèrent en vain à faire prévaloir ses droits. Num., xvi, 1. La tribu fut sans importance parmi les autres. C’est le même écho que nous recueillons sur les lèvres de Moïse, Deut., xxxiii, 6 :

Que Ruben vive, et qu’il ne meure pas ; Et que ses hommes soient en petit nombre.

La famille du premier-né de Jacob, reléguée-^aux confins des possessions israélites, vécut sans gloire, sans pouvoir compter parmi ses enfants un juge, un prophète ou un héros. Il y eut pourtant chez elle, comme chez le patriarche qui aurait voulu être le sauveur de Joseph, des sentiments généreux, au moins des velléités d’énergie, mais qui n’allèrent pas jusqu’à la réalité du dévouement. C’est ce que "laisse supposer le cantique de Débora, Jud., v, 15M6 :

Sur les rivéâ de Ruben,

Grandes sont les anxiétés de l’esprit.

Pourquoi es-tu demeuré entre les parcs

Pour entendre jouer de la flûte parmi les troupeaux ?

On entrevoit ici les délibérations des Rubénites au moment de la guerre contre Sisara ; mais les douceurs de l’oisiveté au milieu de leurs troupeaux l’emportèrent sur le désir de secourir leurs frères. Ce ne furent cependant pas les qualités guerrières qui leur manquèrent. Comme les autres tribus transjordaniennes, ils marchèrent vaillamment à la tête du peuple pour la conquête de Chanaan, et ils avaient une valeur militaire reconnue. I Par., v, 18. Placés aux avant-postes du territoire israélite, ils eurent à batailler, d’un côté, contre les Bédouins pillards du désert, de l’autre, contre les Moabites. Us ne surent pas toujours se défendre contre ceux-ci, qui occupèrent plusieurs de leurs villes, comme nous le voyons d’après la stèle de Mésa. Voir Mésa 3, t. iv, col. 1014. Chose singulière, ce dernier monument parle de Gad, mais ne fait aucune mention de Ruben, ce qui confirme le peu de place que tenait cette tribu, qu’on dirait presque englobée dans sa voisine. En dehors de la faute originelle qui pesait sur elle, et d’un certain manque de décision, on pourrait peut-être aussi attribuer sa faiblesse

à son isolement.
A. Legendre.
    1. RUBÉNITE##

RUBÉNITE (hébreu : Re’ûbêni ; Septante : ô’Pou6r|v ; Vulgate : Rubenita, Rubénites), descendant de Ruben. Jos., i, 12 ; xii, 6 ; xiii, 23 ; xxii, 1 ; I Par-, xi, 42 ; xxvi, 32 ; xxvii, 16. Dans tous ces passages, il est question de la tribu de Ruben, en général, excepté I Par., xi, 42, où est mentionné « Adina, fils de Siza, le Rubénite ».

    1. RUBIS##

RUBIS (hébreu : kadkôd ; quelques manuscrits : karkôdou karkôr ; Septante : x^PX°5 etxpûaraV/.o ;  ; Vulgate : chodchod eijaspis), pierre précieuse. — Le rubis oriental est un corindon (alumine cristallisée) (fig. 267)

26V- — Corindon (alumine cristallisée).

d’un beau rouge qui, par sa pesanteur spécifique 4, 283, son éclat et son velouté, est supérieur aux autres pierres précieuses et ne le cède qu’au diamant. Les plus beaux rubis viennent de l’Ile deCeylan, de l’Inde, de la Chine. Cette pierre est extrêmement dure et très difficile à tailler et à graver. Il est un autre rubis (aluminate de magnésie), fig. 268, qui va du rouge ponceau, comme le rubis spinelle, au rouge lie de vin comme le rubis balais. La densité est moindre, 3, 7. Il est plus facile à tailler et à graver. F. Leteur, Traité élémentaire de minéralogie pratique, in-4o, Paris, p. 97-98 ; Ch. Barbot et Baye, Guide pratique du joaillier, in-12, s. d., p. 306.

— Plusieurs exégètes ont identifié la pierre précieuse appelée TjSi, nôfêk, qu’on apportait sur les marchés de Tyr, Ezech., xxvii, 16, et qui figure parmi les pierres du rational, Exod., xxviii, 18, avec le rubis. J. Braun, Veslitus sacerdotum hebrœorum, in-8o, Leyde, 1680, p. 660-669. La traduction des Septante, ôtvGpai ; , et celle, de la Vulgate, carbunculus, désignent sans douté une pierre d’un rouge brillant, comme un charbon ardent. Mais l’avdpaî ou carbunculus, l’escarboucle des anciens, comme on peut le voir par les descriptions de Théophraste, De lapid., 18, et de Pline, H. Pf., xxxvii, 25, comprend plusieurs espèces de pierres rouges et s’ap

plique aussi bien au grenat syrien qu’au rubis oriental. D’autre part le rubis oriental n’aurait pu être taillé et gravé par les Hébreux pour entrer dans l’ornementation du pectoral. Aussi est-il plus probable que nôfék, av8pa£, carbunculus, escarboucle des anciens, le carbvnculus garamanticus de Pline, est un grenat syrien. Voir t. ii, col. 1907 t. v, col. 426. Les grenats sont des silicates moins difficiles à graver.

Quant au rubis spinelle ou balais, il pourrait être désigné par un nom hébreu, tins, kadkôd, qui se présente deux fois dans les textes. Une première fois, dans Is., liv, 12, où il s’agit de la Jérusalem nouvelle qui doit être splendidement rebâtie. Après avoir montré que les pierres qui formeront les assises de l'édifice nouveau seront des ôtv8poxa, des escarboucles (les Septante ont lu-pj, nôfék, qui se comprend mieux ici que "ps, pûk, antimoine) sur des fondements de saphir, il ajoute :

Je te ferai des créneaux de kadkôd,

Des portes de cristal,

Et toute ton enceinte de pierres précieuses.

DansÉzéchiel, xxvii, 16, le mot seprésentede nouveau, dans la description du commerce de Tyr. « Aram payait tes marchandises avec des escarboucles, de la pourpre, des broderies, du fin liii, du corail et du kadkôd. » L'étymologie ("03, kddad,

— T « briller, scintiller » ) et le contexte n’offrent pas grand secours pour déterminer la nature de cette pierre précieuse. Aussi saint Jérôme, dans son Commentaire sur Ézéchiel (t. xxv, col. 255) à la question « Que signifie chodchod ? » répond : « Jusqu’ici je n’ai pu le découvrir. » J. D. Michaëlis, Supplemenla ad lexica hebraica, in-8°, Gœltingue, 1792, t. ii, col. 1213, après avoir exposé les divers sentiments des critiques, finit par avouer la même impuissance.

Mais ne faudrait-il pas lire "n~a, karkôd, comme le portent plusieurs manuscrits hébreux, et comme lisait Symmaqùe ? Karkôd rappelle Kap~/r)àwv, un carbunculus. On lit dans la traduction arabe du Pseudo-Aristole, « le kerkend ressemble à l’yaqout rouge, mais il ne soutient pas comme lui l’action du feu. » Clément Mullet, Essai sur la minéralogie arabe, in-8°, Paris, 1868, p. 54. Or le kerkend rappelle le nom spécifique du carbunculus carchedonius, et le karkôd hébreu. Cette pierre qui ressemble au yaqout rouge ou rubis oriental, mais est moins résistante à l’action du feu, serait le rubis tendre dont parle Chardin. Voyage en Perse, in-8°, Amsterdam, t. iv, p. 70, c’est-à-dire le rubis spinelle ou le rubis balais. Le rubis spinelle, qui se prête très bien à la taille et à la gravure, qui est d’un rouge vif, pourrait donc bien être désigné par le karkôd hébreu : ce serait le rubis des anciens dont on peut voir la reproduction, fig. 83 B, vis-à-vis col. 424.

On a voulu quelquefois voir le rubis dans la pierre 'éqdâh qui n’apparaît que dans Is., uv, 12. La racine mp, qadal), « scintiller », et le contexte paraissent indiquer une pierre brillante, mais dont rien ne permet de déterminer l’espèce. Plusieurs exégètes pensent que la vraie leçon devait être mp, qêrah, « cristal ». La Jérusalem nouvelle aurait donc des portes de cristal. Voir Cristal, t. ii, col. 1119. Mais les Septante ont traduit le mot hébreu par ixXExtrfuc ; ils ont donc lu mpt, yeqârâh, au lien de mpN, 'éqdâh. La locution 'ébén yeqârâh pour désigner les pierres précieuses en

268. — Rubis spinelle (aluminate de magnésie).

général est connue dans les textes bibliques. Cf. III Reg., x, 2, 10, 11, etc. L’expression le-ébén yeqârâh, « en pierre précieuse », ferait le pendant des mots du membre parallèle, le-abnê héfés, « en pierres de choix ».

E. Levesque.

1. RUE (grec : ir^yavov ; Vulgate : ruta), plante herbacée très a mère.

I. Description. — Herbe vivace, sous-ligneuse à la base, à feuilles glauques, décomposées en segments oblongs, les terminaux un peu plus larges, obovales. Fleurs régulières, 4 ou 5 mères, diplostémones. Comme dans toutes les plantes de la même famille, les divers parenchymes sont creusés de poches secrétrices dont ï'oléorésine, d’une odeur très forte, mais peu agréable, fournit un puissant emménagogue, d’ailleurs rarement employé. Le Ruta graveolens (fig. 269) est spontané dans les lieux arides de la région méditerranéenne,

269. — Ruta graveolens.

ce qui relève encore l’importance de sa culture dans les jardins de Palestine. On trouve, en outre, aux mêmes endroits deux autres espèces très voisines, le Ruta montana, à divisions foliaires plus étroites, et le Ruta bracteosa dont les bractées sont plus larges, ordinairement ovales-cordiformes. F. Hy.

II. Exégèse. — Le nriyavov, qui désigne certainement la rue, Theophraste, Hist. plant., i, 3, 4 ; Dioscoride, m, 45, ne se rencontre qu’une seule fois dans la Sainte Écriture. Luc, xi, 42. « Malheur à vous, pharisiens, qui payez la dime de la menthe, de la rue, et de toutes les herbes potagères, et qui n’avez nul souci de la justice et de l’amour de Dieu. » La loi ne faisait point rentrer les plantes énumérées dans ce texte parmi les revenus du sol sujets à la dîme, comme le viii, l’huile, le blé. Lev., xxvii, 30 ; Num., xviii, 21 ; Deut., xiv, 22. Mais les rabbins avaient étendu cette obligation à tous les légumes d’après cette règle générale de la Mischna, Maaseroth, i, 1 ; Surenhusius, Mischna, t. i, p. 245. « Tout ce qui est comestible et se conserve pour être mangé, et ce que produit la terre est soumis à la dîme. » Cependant exception est faite expressément pour la rue dans le traité Schebiilh, ix, 1, Surenhusius, i&td., p. 188 ; la raison qu’on en donne est que cette plante « n’a pas coutume^ d'être conservée pour la nourriture. » Là rue se trouve, en effet, à l'état spontané dans la Palestine. Cependant on en cultivait, et on en cultive encore, en Syrie, une espèce, et à ce titre plus d’un pharisien devait la comprendre parmi les herbes potagères sujettes

à la dlme. Dioscoride, iii, 45, distingue une espèce sauvage it^yavov ôpEtviv, la rue des montagnes, Ruta chalepensis, ou sa variété Bracteosa et une espèce cultivée royyavovxT17rEUT<>v, « la rue des jardins y>, Kula graveolens. Estimée en médecine au temps d’Hippocrate, elle servait aussi de condiment. Pline, À. iV^xix, 45 ; Columelle, I>e re rustica, XII, vii, 5 ; Ârnobe, Adv. Gent., vii, 16, t. v, col. 1238. Dans le passage parallèle deMatth., xxiii, 23, on énumère la menthe, l’aneth et le cumin, tandis que Luc, xi, 42, cite la menthe, la rue et les herbes potagères. Comme la rue est omise dans le passage de saint Matthieu, et qu’on trouve à la place l’aneth, il a paru à quelques critiques que le mot employé dans le Matthieu

de pierres, hautes de 0°30 à 0™90 et à peu près larges de l m 50, établies sur le roc dont elles compensaient les inégalités. Mais elles constituaient un dédale inextricable (Gg. 270), auprès duquel les rues de Jérusalem actuelle paraissent presque avoir la régularité d’unç jeune cité américaine, au dire de M. Macalister. Cf. Palest. Expl. Quart. Stat., 1904, p. 115. Les ruesd’Hébron, de Naplouse, et d’autres villes et villages de Palestine présentent encore l’aspect du même fouillis. Les Orientaux s’accommodent d’autant mieux d’un tel état de choses que le soleil a plus de peine à pénétrer dans ces ruelles étroites, et que, le soir, la terrasse de leurs maisons leur ménage un endroit propice pour respirer.

270. — Rue en ruines de Gézer. D’après H. Vincent, Canaan, p. 24.

araméen, xmuf, Sebeta' (et traduit av^Cov dans le Mat t " :

thieu grec), avait été mal lu par le troisième évangéliste et pris pour N"otf, sabara', mrjvavov, rue. Mais le cumin

T r n’est pas plus nommé que l’aneth dans saint Luc, et la différence des deux synoptiques peut s’expliquer plus simplement, par une énumération incomplète qui s’attachait plus à reproduire la pensée du Maître qu'à en conserver tous les mots. Cf. Celsius ; Hierobotanicon, in-8°, Amsterdam, 1748, t. ii, p. 251 :

E. Levesque. 2. RUE (hébreu : rehôb, sûq, hûs ; Septante : pùfiï], ôSéç, è^ôSoc ; Vulgate : vicus, via), voie ménagée à travers les maisons d’une ville. Les termes hébreux désignent assez souvent la place aussi bien que la rue. Voilà pourquoi les versions les rendent plusieurs fois par le mot « place ». Voir Place publique, col. 447. — ' Dans les anciennes villes de Chanaan récemment explorées, les maisons sont entassées sans ordre et les rues ne sont que des passages étroits et tortueux, dont le tracé s’est modifié d’une période à l’autre. À Gézer, vers 3000 avant J.-C, les rues formaient des chaussées

Cf. H. Vincent, Canaan, Paris, 1907, p. 73. La difficulté de se reconnaître à travers un pareil réseau de rues rendait plus difficile la tâche de l’envahisseur et plus aisée la fuite du vaincu. C’est ainsi que, quand les Chaldéens eurent pris Jérusalem, Sédécias put s’enfuir par les rues écartées avec les hommes de guerre. Jer., lu, 7. — David écrase ses ennemis comme la boue des rues. II Reg., xxii, 43 ; Ps. xviii (xvii), 43. La boue des rues est une expression employée pour désigner ce qui est vil et méprisable. Is., x, 6 ; Mien., vii, 10. Voir Fange, t. ii, col. 2176. À Tyr, l’or était commun comme la boue des rues. Zach., IX, 3, — Les rues sont le théâtre de différents épisodes de la vie sociale. L'épouse y cherche son bien-aimé. Cant., iii, 2. On y rencontre les excitations au mal, Prov., vii, 8 ; Eccli., ix, 7, et des dan gers pour la vie. Prov., xxii, 13 ; Tob., ii, 3. Les portes des maisons donnent sur la rue, où les pleureuses se font entendre. Eecle., xii, 4, 5. On y pousse des clameurs dans les jours de détresse. Is., xxiv, 11 ; II Mach., m, 19. En temps de guerre, les ennemis y exercent leurs ravages, Jer., xliv, 6 ; Lam., iv, i, et y massacrent les habitants. Is., v, 25 ; Lam., ii, 12 ; 1 Mach., ii, 9. Le

fracas des guerriers retentit ainsi dans les rues de Tyr, Ezech., xxvi, 11 ; de Sidon, Ezech., xxviii, 23, et de Ninive. Nah, , ii, 4. Après le départ des envahisseurs, les princes de Jérusalem errent consternés dans les rues. Lam., iv, 8, 14. À l'époque de Jérémie, v, 1 ; vii, 17, 34, et à celle de la persécution syrienne, I Mach., i, 58, l’idolâtrie se pratiquait publiquement dans les rues de Jérusalem. — À la restauration d’Israël, le vieillard pourra s’asseoir et le jeune homme s'ébattre en paix dans les rues, Zach., viii, 4, 5, et l’on y fera retentir V alléluia d’allégresse. Tob., xiii, 22. — Le commerce installait ses bazars dans les rues. Le père de Bénadad-II, roi de Syrie, avait établi à Samarie des rues syriennes, dans lesquelles les trafiquants de Syrie avaient le droit de se rassembler et de tenir des comptoirs. En vertu d’un traité, le même Bénadad concéda à Achabdes rues à Damas, dans lesquelles les commerçants israélites pussent tenir leurs bazars. III Reg., xx, 34. — NotreSeigeur signale l’hypocrisie dont les pharisiens font preuve dans les synagogues et dans les rues. Matth, , vi, 2, 5 ; Le père de famille envoie chercher des convives dans les places et dans les rues de la cité. Luc, xiv, 21. Les Apôtres guérissent des malades dans les rues de Jérusalem. Act., v, 15. Saint Pierre va à travers ces rues, après sa sortie de prison. Act., xii, 10. Saint Paul est recueilli dans la rue Droite, à Damas. Act., ix, 11.

Voir Damas, t. ii, col. 1217.
H. Lesêtre.
    1. RUFUS##

RUFUS (grec : 'Po-jço ; ), nom d’homme, mentionné deux fois dans le Nouveau Testament. — 1° Saint Marc le cite, XV, 21, comme celui d’un des fils de Simon le Cyrénéen : « Ils contraignirent un certain Simon de Cyrène, père d’Alexandre et de Rufus, … de porter la croix de Jésus. » — 2° Saint Paul, Rom., xvi, 13, salue Riifus, « élu dans le Seigneur, et sa mère, qui est aussi la ihienne. » Ainsi qu’on l’a souvent remarqué, le trait « Simon de Cyrène, père d’Alexandre et de Rufus », propre au second Évangile, suppose que Rufus et son frère étaient bien connus des chrétiens de Rome, pour lesquels saint Marc écrivit très spécialement son livre, à Rome même._ Voir Marc, t. iv, col. 739-740 ; L.-Cl. Fillion, L’Evangile selon saint Marc, in-8°, Paris, 1879, p. 4-5, 9-11. Peu important en lui-même, ce détail avait un intérêt particulier pour les chrétiens romains ; il n’est pas possible d’indiquer une autre raison qui ait porté l'évangéliste à le signaler. Bien plus, en rapprochant le texte de saint Marc de celui de saint Paul, on arrive à une autre conclusion, qui est assez généralement adoptée par les commentateurs modernes : c’est que le Rufus de Marc, xv, 21 et celui de Rom., XVI, 13, ne sont qu’un seul et même personnage, qui s'était établi à Rome avec sa mère et son frère, et qui y résidait lorsque fut composée l'Épître aux Romains (59 après J.-C). Voir F. X. Reithmayr, Commentar zum Brief an die Rômer, inr8°, Ratisbonne, 1845, p. 771 ; J. Knabenbauer, Comment, in Evangelium sec. Marc, in-8°, Paris, 1894, p. 412 ; R. Cornely, Epist. ad Romanos, in-8°, Paris, 1896, p. 779-780 ; J. Grimm, Geschichte des Leidens Jesu nach den vier Evangelien dargestellt, in-8°, t. ii, Ratisbonne, 1899, p. 51-52. Cette opinion est très ancienne, car on la rencontre déjà, au moins implicitement, dans les Actes apocryphes d’André et de Pierre. Voir N. Bonnet, Passio Andrese…, Acla Pétri et Andrew, in-8°, Leipzig, 1898, p. 117-118. Néanmoins, de graves auteurs sont contraires à l’identification, surtout parce que le nom de Rufus était alors très commun chez les Romains. Cf. F. Kaulen, dans le Kirchenlexikon de Wetzer et Welte, 2e édit., t. x, col. 1356. On a fait aussi de Rufus un des soixante-douze disciples et un évêque de Thèbes en Egypte. Voir R. A. Lipsius, Die Apostelgeschichlen urtd Apostellegenden, . ii, 2e partie, Brunswick, 1887, p. 222 ; t. iii, 1890, p. 2. Dans le martyrologe syrien

de 412, sa fête est placée le 19 avril ; le 8 avril dans les ménologes grecs. — Il est évident qu’au passage Rom., xvi, 13, Vépithète eleelum in Domino n’est pas employée dans le sens pour ainsi dire technique qu’elle a souvent, c’est-à-dire, comme synonyme de « chrétien », puisque saint Paul se propose de faire un éloge tout spécial de Rufus. Elle dénote une distinction particulière sous le rapport soit de la piété, soit des fonctions. Cf. I Pet., ii, 6 ; II Joa., 1 ; AV. Sanday et A. C. Headlam, A critical and exegelical Commentary onthe Epistle to the Romans, in-12, 4e édit., Edimbourg, 1900, p. 427. L. Fillion.

    1. RUGISSEMENT -##

RUGISSEMENT - (s’e'âgâh ; Septante : ùpùwfia ; Vulgate : rugitus), cri que font entendre le lion et d’autres animaux féroces du même genre. — 1° Sens propre. — Le rugissement du lion est formidable. « Lorsqu’il retentit dans les forêts, dans le silence de la nuit, il remplit d'épouvante tous les êtres vivants, à une lieue à la ronde. Ces accents graves, profonds, caverneux, mêlés, par intervalles, de notes plus aiguës, ont quelque chose de terrifiant, qui glace le cœur. Lorsque cette grande voix se fait entendre, les bestiaux tremblent dans les fermes et en suivent avec anxiété les diverses modulations, pour se rendre compte de la marche de l’ennemi qui s’approche. » L. Figuier, Les mammifères, Paris, 1869, p. 321. Voir Lion, t. iv, col. 269. — Aux vignes de Thamna, Samson vit venir à lui un lion rugissant. Jud., xiv, 5. Les lionceaux rugissent après leur proie en réclamant leur nourriture. Ps. civ (cm), 21. Le lion rugit après la proie qu’il convoite, sans craindre les bergers assemblés pour lui tenir tête. Is., xxxi, 4. Quand il rugit, c’est qu’il va se livrer au carnage, Am., iii, 4, et son rugissement répand l'épouvante. Am., iii, 8. L’onagre ne ruçit pas auprès de l’herbe tendre. Job, vi, 5.

2° Sens figuré. — Le rugissement du lion est pris comme terme de comparaison pour caractériser différentes autres voix. On a ainsi : 1. Le rugissement du tonnerre ou la voix de Jéhovah menaçant de sa colère, Job, xxxvii, 4 ; Jer., xxv, 30 ; Am., 1, 2 ; Joël, iv, 6 (m, 16) ; Ose., xi, 10. « Le rugissement du lion est si fort que, quand il se fait entendre par échos la nuit dans les déserts, il ressemble au bruit du tonnerre. » Buffon, Œuvres compl., Paris, s.d., 121n-8°, t. v, p. 294. La voix de l’ange est aussi comme le rugissement du lion. Apoc, x, 3. — 2. Les rugissements de la haine et de la cupidité sont poussés par les ennemis et les persécuteurs, Job, iv, 10 ; Ps. lxxiv (lxxih), 4 ; xxii (xxi), 14 ; Prov., xxviii, 15 ; Eccli., li, 4 ; Jer., ii, 38 ; ii, 15 ; Ezech., xix, 7 ; xxii, 25 ; Soph., iii, 3. Satan rugit comme un lion, quand il cherche à faire périr les âmes. I Pet., v, 8. — 3. Les rugissements viennent aussi de la douleur. Job, iii, 24 ; Ps. xxii, (xxi), 2 ; xxxii (xxxi), 3 ; xxxviii (xxxvii), 9 ; Is., lix, 11 ; Zach., xi, 3. — 4. On compare encore au lion qui rugit la majesté du roi inspirant la terreur, Prov., xx, 2, les prêtres poussant des cris devant les idoles, Bar., vi, 31, et Judas Machabée courant bravement sur les

ennemis. I Mach., iii, 4.
H. Lesêtre.
    1. RUINE##

RUINE, ensemble de matériaux qui restent, partie en place et partie à terre, après la destruction d’un édifice ou d’une ville. Par assimilation, on donne le nom de ruine à la perte de la prospérité pour les nations ou les individus.

1° Ruines matérielles (hébreu : galîm, « monceau de pierres » ; Septante : àfavio’ii.ôc, « destruction », neToiju’a, « émigration i, x<i|ia, « amas de terre » ; Vulgate : acervus arenx, tumulus ; — hôrbâh, « dévastation », Èp-rinoç, « désert », déserta, destrucla, ruinosa ; — makiêldh, 6pùfta, « plaie », ruina ; — me’i, « monceau de ruines », 7ttw » i{, « chute », xaTaXeXsiijiva, « choses abandonnées *, acervus lapidum ruina ; — inapdlâh, mapêldh, mapélé(, Tzt&>aiç, ruina ; — maSëû'ôt, èitovYipejo-axo, malignatus est ; — mel}itiâh, SsiXs’ot, « frayeur », forrnido ; — 'î, ômapof uXôxiov, i cabane de gardien », aoorro-/, « impraticable », acervus lapidum ;

— Se’iyyâh, épriixo ; , solitudo ; — s'ômênôf, àçav^riiôç, ipr, |xoç, desolalio, dissipata ; — resisîm, 8Xâo-t>.a, « meurtrissure », ruina ; — beqî'îm, ^otypta, sans doute pour payâç, & crevasse », scissio). — Le grand nombre de mots hébreux en usage pour exprimer l’idée de ruines montre que les destructions dues aux invasions étaient fréquentes. — Le Seigneur dit aux Hébreux que, s’ils luj sont infidèles, il réduira leurs villes en ruines désertes. Lev., xvvi, 33. — Isaïe évoque douze fois l’idée de ruines en se servant [de neuf mots différents. Dans Jérusalem dévastée, on dira au premier venu ayant un manteau : « Sois notre chef, et que cette ruine soit sous ta garde ! » Is., iii, 6. Damas ne sera plus qu’un monceau de ruines. Is., xvii, 1. Les Chaldéens ont fait de Tyr un monceau de ruines. Is., xxui, 13. Babylone à son tour a eu le même sort. Is., xxiv, 12 ; xxv, 2. Au temps de la restauration, les ruines de Sion seront trop étroites pour contenir ses nouveaux enfants. Is., xux, 19. Ses enfants rebâtiront les ruines antiques et relèveront les fondations d’autrefois. Is., lviii, 12 ; lxi, 4. C’est ainsi que Dieuconsolera Sion de ses ruines. Is., ti, 3. — Jérémie, ix, ll ; xxvi, 18 ; li 37, prédit à Jérusalem et à Babylone qu’elles deviendront des monceaux de ruines. Michée, i, 6 ; iii, 12, annonce le même sort [à Samarie et à Jérusalem. Amos, vi, 12, dit aussi à Sion et à Samarie que Dieu fera tomber en ruines la grande maison et en débris la petite maison, c’est-à-dire que rien ne sera épargné, ni palais ni modestes demeures. — Dieu a permis aux Assyriens de réduire des villes fortes en monceaux de ruines. IV Reg., xix, 25. Les ennemis ont mis en ruines le sanctuaire, Ps. lxxiv (lxxxiii), 3 ; ils ont fait de Jérusalem un monceau de pierres. Ps. lxxix (lxxviii), 1. Tyr connaîtra aussi la ruina. Ezech., xxvi, 15, 18. Les ruines d’Israël seront relevées. Ezech., xxxvi, 10, 33. Édom voudra relever les siennes, mais Dieu l’en empêchera. Mal., i, 4.

— Ézéchiel, xxxviii, 12, prédit que Gog ira piller des ruines maintenant habitées. Daniel, ix, 26, annonce la grande dévastation qui ruinera le sanctuaire après le temps du Messie. — Notre-Seigneur compare celui qui ne met pas en pratique sa parole à l’insensé qui bâlit sa maison sur le sable ; quand surviennent la pluie et les vents, la maison n’est bientôt qu’une ruine. Matth., vii, 27 ; Luc, vi, 49.

2° Ruines personnelles (hébreu : madhéh, àxaroco-T » aia, « bouleversement », ruina ; — mehiftâh, o-jv-rptêT), « brisement », xaxov, « mal », confusio, malum ; — mapëlâh, mapélél, massû'ôt, irrwtrtç, ruina). — Les dieux de Damas seront une occasion de ruine pour Achaz et Israël. II Par., xxviii, 23. Jésus-Christ le sera aussi pour ceux qui ne voudront pas le reconnaître. Luc, ii, 34. — Job, xxxi, 29, ne s’est pas réjoui de la ruine de ses ennemis. Babylone s’est réjouie au contraire de la ruine de Jérusalem. Bar., iv, 31. Judith, xiii, 25, a sauvé son peuple de la ruine. Esther, xtv, 11, demande à Dieu que les ennemis de son peuple n’aient pas à rire de sa ruine. — Dieu abat les méchants, ils/ne sont plus que ruines, Ps. lxxiii (lxxh), 18 ; mais, au juste, il est un refuge au jour de la ruine. Jer., xvii, 17. Il faut se' convertir pour que l’iniquité ne devienne pas une cause de ruine. Ezech., xviii, 3. Au jour de la ruine de l'&gypte, chacun tremblera pour soi. Ezech., xxxii, 10. — Les justes contempleront la ruine des méchants, Prov., xxix, 16 ; cependant, il ne faut pas se réjouir de la ruine de ses ennemis. Prov., xxiv, 17. La ruine est amenée par la bouche de l’insensé. Prov., x, 14 ; xviii, 7, par l’arrogance et l’orgueil, Prov., xvi, 18 ; xvii, 19, par l’intempérance de la langue, Prov., xiii, 3, et par les paroles de flatterie. Prov., xxvi, 28. C’est s’exposer

à la ruine que se mêler aux hommes remuants. Prov., xxiv, 21, 22.

La voie de Jéhovah est un rempart pour le juste, Mais elle est une ruine pour ceux qui font le mal.

Prov., x, 29. Cf. Luc, ii, 34 ; Joa., iii, 19, 20.

H. Lesêtre.

RUISSEAU d’Egypte. Voir Egypte 3, t. ii, col. 1621.

RUMA, nom de deux localités de Palestine dont le nom est différent en hébreu.

1. RUMA (hébreu, Jos., xv, 52 : Dâniâh, « silencieuse » ; Septante, Vaticanus : 'Papivâ ; Alexandrinus : 'Poupot ; — II (IV) Reg., xxui, 36 : hébreu : Rûmâh ; Vaticanus : 'Poujxi ; Alexandrinus : 'Pjjidt ; Sinaïticus : Kpou[iric), ville de la tribu de Juda. Elle est mentionnée, Jos., xv, 52, entre Arab et Ésaan, parmi les villes qui furent ensuite attribuées à la tribu de Siméon. La plupart des interprètes tiennent Ruma de IV Reg., patrie de Phadaïa et de sa fille Zebida, mère du roi Joachim, pour la même ville que Ruma de Josué. Quelques-uns le contestent et pensent qu’elle pourrait être la Ruma de Jud., iv, 51. Voir Ruma 2. — Bien que la lecture Ruma soit encore, II (IV) Reg., celle de l’hébreu, et celle des versions, les critiques préfèrent généralement la lecture Dûmdh, parce que le nom de Dûméh, (*. «  « >

(quelques-uns transcrivent Daûméh), se trouve être celui d’une ruine située à 16 ou 17 kilomètres au sudouest d’Hébron, entre er-Rabiéh et Sâmîâ, deux localités identifiées avec Arab et Ésaan. Eusèbe et saint Jérôme paraissent avoir lu encore au iv « siècle Aoujjni et Duma. Aouiii, dit le premier en faisant allusion à la ville de Josué, de la tribu de Juda, [est] maintenant un très grand village du Daroma, dans le territoire d'Éleuthéropolis, au xvii » mille de cette ville. Saint Jérôme ajoute : « au sud i.Onomasticon, Berlin, 1862, p. 172, 173. Dix-sept milles romains, environ 25 kilomètres, est la longueur à peu près exacte du chemin qui conduit de Beit-Djibrîn, l'Éleuthéropolis des Grecs et des Romains, à Dûméh. Cette ruine, située sur deux collines divisées par un ravin, occupe un assez vaste espace. Parmi les débris des hahitations renversées et qui étaient formées de pierres taillées et équarries, on remarque les restes de deux églises chrétiennes. Elles étaient bâties avec de graudes et belles pierres, relevées en bossage, qui paraissent provenir d'édifices plus anciens. On rencontre d’innombrables citernes et des caveaux spacieux taillés dans le roc, très probablement les uns et les autres de l'époque juive ou même des époques antérieures. De nombreuses grottes sépulcrales entourent la localité. — Cf. Rich. von Riess, Biblische Géographie, 1872, p. 18, 81 ; V. Guérin, Judée, t. iii, p. 359-361 ; Armstrong, Wilson et Conder, Names and Places in the Old Testament, Londres, 1887, p. 50 ; The Survey of Western Palestine, Memoirs, t. iii, p. 313. L. Heidet.

2. RUMA (hébreu 'Arûmâh ; Septante, Vaticanus : 'ApT)|ixt ; Alexandrinus : 'Apijia), résidence du juge Abimélech, fils de Gédéon. Jud., ix, 41. — Selon Gesenius, Thésaurus, p. 1275, Ruma de II (IV) Reg., xxiii, 36, pourrait être identique à celle-ci. Voir Ruma. 1. La transformation de t en t de la part des copistes semble toutefois plus admissible que la supposition du mariage du pieux roi Josias, père de Joachim, avec une femme du pays de Samarie depuis longtemps habité par les Cuthéens. — Quoi qu’il en soit, pour Eusèbe, « 'PoujhJ, c’est Aria. Là, ajoute-t-il, selon [le livre des] Juges, résida Abimélech. Elle est maintenant appelée Remphis (Remthis) et appartient au territoire de Diospolis (Lydda). C’est la même [ville] qu’Arimathie. » Saint Jérôme, au lieu d’Aria lit Arima, et atténue un

peu la dernière affirmation en disant : « La plupart disent maintenant que c’est Arimathie. » Onomasticon, édit. Larsow et Parthey, Berlin, 1862, p. 316, 317. Si l’identité de Remthis, aujourd’hui Rentîs avec Arimathie et Ramathaim (voir Ramathaîm-Sophîm, col. 944) est aujourd’hui reconnue d’un grand nombre, on conteste presque universellement qu’elle puisse être la Ruma, ou Arima, du livre des Juges. D’après son récit, cette localité semble avoir appartenu au territoire de Sichem et n’avoir pas été éloignée de cette ville. Rentîs est, en effet, à environ 40 kilomètres de Nablus, l’ancienne Sichem et les chemins pour arriver de l’une à l’autre sont des plus difficiles. — On doit faire, malgré l’analogie des noms, la même remarque pour Beil-Bîma, située à 8 kilomètres à l’est de Rentîs, et dans laquelle plusieurs auteurs ont voulu voirRuma-Arima. Cf. Buhl, Géographie des Alten Palâstina, 1896, p. 170-171. — Au xiie siècle, on la reconnaissait dans une localité à 4 verstes, selon l’hégoumène russe Daniel, à l’ouest de Sébaste (Samarie). Itinéraires russes en Orient, édit. de Khitrowo, Genève, 1884, p. 58. Il s’agit évidemment de Bâmîn, grand village, bâti sur une colline à 4 kilomètres et demi à l’ouest de Sébasliéh. Le rabbin Schwarz propose la même identification. Tebuoth ha-Arez, édit. Luncz, Jérusalem, 1900, p. 194. On peut objecter que Râmin paraît avoir plus de rapport avec le mot Rimmôn, « . grenade », qu’avec la racine râm dont Rûmdh, « élevée », semble plutôt procéder. — Les explorateurs modernes préfèrent généralement el-'Orméh, proposée par Van de Velde. Celte ruine située à 10 ktlomèlres au sud-est de Nablus et à 3 au nord-ouest de 'Aqrdbéh, est une antique forteresse, couronnant le sommet d’une colline abrupte qui commande toute la contrée. On y voit de nombreuses citernes et de vastes caveaux pratiqués dans le roc. Une belle vallée plantée d’oliviers se développe à l’est. Le changement de VA initial en l’aspiré 'A, se retrouve en d’autres noms, par exemple dans celui d"Ascalon devenu 'Asqalân. Cf. F. de Saulcy, Dictionnaire topographique de la Terre Sainte, Paris, 1877. p. 262 ; TheSurvey of Western Palestine, Memoirs, t. ii, p.387 ; Riess, Biblische Géographie, 1872, p. 6. — On trouve en outre, à douze cents mèlres à l’est-nord-est de Sébastiéh et à cinq cents à l’ouest de Nusf edj-Djebêl, « à moitié des montagnes », village situé sur le flanc septentrional de la montagne qui est le prolongement de l’ancien Ébal et à dix kilomètres deNaplouse, une source connue sous le nom de 'Ain Kefr Bûmâ, « la fontaine du vitlage de Rùmà ». Ce dernier nom était sans doute celui du village voisin. Il semble plus rapproché que les autres du nom biblique et peut-être serait-il plus juste de chercher ici qu’ailleurs la résidence du juge Abimélech. L. Heidet.

    1. RUMINANTS##

RUMINANTS, animaux qui ruminent. — La rumination est appelée gêràh ; Septante : |jujpuxi<Tf16 ; ). Les deux mots hébreu et grec désignent, dans le sens concret, ce que ruminent certains animaux. Le mot hébreu ne se rencontre que dans les expressions hé'âlâh gêrâh, « faire monter la rumination », Lev., xi, 3-6, 26 ; Deut., xiv, 6, et gdrar gêrah, « tirer la rumination ». Lev., xi, 7 ; Deut., xiv, 8.Il n’est point certain d’ailleurs que gêrâh vienne de la racine gdrar. La Vulgate traduit ces expressions par le seul mot ruminare. — Un Certain nombre de mammifères herbivores sont pourvus de quatre estomacs. Une fois mâchés, les aliments sont absorbés par un premier estomac appelé panse ; l’animal les fait remonter dans la bouche à travers un second estomac, le bonnet, dans lequel ils s’imbibent et se compriment ; les aliments remâchés passent ensuite, par l'œsophage, dans un troisième estomac appelé feuillet, pour se rendre enfin dans le quatrième estomac, la caillette, où se fait la diges tion. Même quand leur repas est terminé, les ruminants mâchonnent presque constamment, pour achever la mastication des aliments précédemment ingérés. Les ruminants n’ont pas d’incisives supérieures, remplacées chez eux par un bourrelet dur et calleux ; ils ont les pieds fourchus. Les ruminants sont, parmi les bovidés, le bœuf, la chèvre, le mouton, l’antilope, le bouquetin ; parmi les cervidés, le cerf, le chevreuil, la girafe ; parmi les camélidés, le chameau, le dromadaire, etc. — La loi mosaïque permettait de manger les ruminants, caractérisés par la rumination et par le pied fourchu. Elle en excepte le chameau, dont la corne n’est pas divisée. Le chameau a bien le pied bifurqué, comme les autres ruminants, mais ce pied est muni en dessous d’une forte semelle cornée, ce qui permet de dire qu’il n’est pas divisé. Voir Chameau, t. ii, col. 519. La loi range aussi parmi les ruminants le lièvre et le daman. Lev., xi, 5, 6 ; Deut., xiv, 7. Ces deux animaux ne ruminent qu’en apparence, et c’est seulement d’après cette apparence que la loi parle d’eux. Voir Chœrogrylle, t. ii, col. 714 ; Lièvre, t. iv, col. 252.

H. Lesêtre.

RUPERT DE ŒUTZ (Rupertus Tuitiensis), exégète et mystique de la première moitié du xii b siècle, dont la patrie et la date de naissance ne sont pas exactement connues. Il était originaire des environs de Liège, d’après Mabillon ; il était Allemand, d’après Trithème, P. L., t. clxvii, col. 11. Son surnom de Deutz provient de l’abbaye de Deutz, monastère de bénédictins, situé sur la rive droite du Rhin en face de Cologne, dont il devint abbé en 1119 ou 1120. Il avait pris l’habit de saint Benoît au monastère de Saint-Laurent à Liège. Il mourut d’après l’opinion la plus probable en 1135. Il s'était voué principalement à l'étude de l'Écriture Sainte et de la théologie mystique. Il s’attacha moins à l’explication littérale du texte sacré qu'à l’explication spirituelle et allégorique. Nous citerons parmi ses écrits De Trinitate et operibus ejus libri XLII, publié en 1117, dans lequel il se proposait d’expliquer tout le plan du salut, qu’il étudie successivement dans les cinq livres du Pentateuque, Josué, les Juges, les Rois, Isaïe, Jérémie, Ézéchiel, Daniel et les quatre Évangiles, t. clxvii, col. 198-1570 ; Commentaria in duodecim prophelas minores, t. CLXvm, col. 1-836 ; in Cantica Canticorum de Incarnatione Domini, col. 839-962, que Rupert résume dans ces deux vers :

Femina mente Deum concepit, corpore Christum : Integra fudit eum nil opérante viro ;

Super Job, col. 961-1196 ; In librum Ecclesiastes, col. 1195-1306, où l’auteur s’attache au sens littéral plus que dans ses autres ouvrages : Opus de gloria et honore Filii hominis super Mallhseum, col. 1307-1434 (commentaire allégorique) ; In Evangelium Joannis commentariorum libri XIV, t. clxix, col. 201-826 (le commentaire suit le texte, dans le sens littéral, concilie les divergences et ajoute souvent une interprétation allégorique) ; In Apocalypsim, col. 825-1214 (le contenu de ce livre est considéré plutôt comme se rapportant à l’histoire de l'Église dans le passé, depuis la création jusqu'à la venue de Noire-Seigneur que comme une prophétie de l’avenir). — Voir Histoire littéraire de la France, t. XI, 1759, p. 422-587 ; Rocholl, Rupert von Deutz, Gûtersloh, 1886.

RUSE (hébreu : nêkél, iëkél, 'armâh ; Septante : SôXoç, SoXtonric, uavoypyta ; Vulgate : aslutia ; le rusé est appelé 'ârûm, iravo’jpvoç, astutus, callidus), habileté à se tirer d’embarras ou à y mettre les autres, et acte procédant de cette habileté. Cette habileté confine parfois à la fourberie. Voir Fourberie, t. ii, col. 2339. — La première et la plus grave des ruses dont parle la Sainte Écriture est celle de Satan, prenant la forme

du serpent et faisant tomber Eve dans le péché. Gen., in, 1 ; II Cor., xi, 3. — Celui qui tuait son prochain par ruse ou guet-apens devait être mis à mort sans pitié. Exod., xxi, 14. — Les ruses des Madianites firent tomber les Israélites dans l’idolâtrie à Béelphégor. Num., xxv, 18. —Jacob obtient par rusela bénédiction d’isaac, et il s’enrichit par ruse aux dépens de Laban. Voir Jacob, 1, t. iii, col. 1061, 1063. — Les Israélites, comme plusieurs autres peuples anciens, estimaient la ruse presque à l'égal de la bravoure. Différentes ruses de guerre sont mentionnées : Les Gabaonites feignent de venir de très loin afin que Josué fasse alliance avec eux, Jos., IX, 3-15 ; la ville de Haï est prise grâce à un stratagème, Jos., viii, 3-23 ; Gédéon se sert de trompettes et de torches enfermées dans des cruches pour jeter la panique parmi les Madianites, Jud., vii, 15-23 ; Abimélech s’empare de Sichem par ruse, Jud., ix, 32-40 ; plus tard, Judith se. sert de la ruse pour se bien faire venir d’Holopherne et le tuer. Judith, x, 1-xui, 11, etc. Saül remarque que David était fort rusé. I Reg., xxiii, 22. Ce dernier justifia sa réputation à la caverne d’Engaddi, 1 Reg., xxiv, 4-10 ; au désert de Ziph, I Reg., xxvi, 7-16 ; à Geth,

I Reg., xxvii, 8-12, etc. — Job, v, 13, dit que Dieu prend les plus habiles dans leurs propres ruses. C’est ce que l’on constate fréquemment dans l'Évangile, quand les ennemis du Sauveur cherchent à le prendre en défaut. Ainsi en est-il à propos des guérisons opérées le jour du sabbat, Matth., xil, 10-12 ; de la femme adultère, Joa., viii, 5 ; de l’autorité divine du Sauveur, Matth., xxi, 23-27 ; du tribut à César, Matth., xxii, 15-22 ; de la résurrection, Matth., xxii, 23-33, etc. — Saint Paul rappelle la sentence de Job à propos de la sagesse de ce monde. I Cor., iii, 19. Il recommande de ne pas se conduire par astuce, II Cor., iv, 2, et de ne pas se laisser prendre, comme des enfants, à la ruse des docteurs de mensonge. Eph., iv, 14. — Lui-même, parlant des industries de son zèle, se présente à ses fidèles comme un homme astucieux qui use d’artifices.

II Cor., xii, 16.
H. Lesêtre.
    1. RUSSES##

RUSSES (VERSIONS) DES SAINTES ÉCRITURES. Voir Slaves (Versions).

1. RUTH (hébreu : Rûf ; Septante : 'Pouô), femme moabite dont l’histoire est racontée dans le petit livre qui porte son nom. Élimélech, Israélite domicilié à Bethléhem, dans la tribu de Juda, à l'époque des Juges, émigra au pays de Moab avec sa femme Noémi, et ses deux fils Mahalon et Chélion, poussé par la famine qui désolait alors la Palestine. Il y mourut après un certain temps, et ses deux fils épousèrent des femmes moabites : Mahalon s’unit à Ruth, iv, 10, et Chélion à Orpha. Ils ne tardèrent pas à mourir eux-mêmes, et Noémi resta seule avec ses deux belles-filles, i, 1-5. La famine ayant cessé de sévir à Bethléhem, elle se décida à rentrer dans sa patrie, et elle engagea ses brus à demeurer avec leurs familles d’origine. Après un moment d’hésitation, Orpha prit le parti de rester ; mais Ruth refusa de se séparer de sa belle-mère : « En quelque lieu que tu ailles, j’irai, et partout où tu demeureras, j’y demeurerai aussi ; ton peuple sera mon peuple, et ton Dieu sera mon Dieu, » i, 6-16. Noémi l’emmena donc avec elle, i, 18. Elles arrivèrent à Bethléhem au commencement de la moisson des orges, c’est-à-dire vers la fin d’avril, et Ruth se mit aussitôt à glaner, pour subvenir aux besoins de l’humble ménage, i, 19-n, 2. La Providence permit que le champ où elle vint tout d’abord appartint à Booz, riche propriétaire, qui était un assez proche parent d'Élimélech. Booz remarqua la jeune femme, et, comme il connaissait l’histoire de ses vertus, et son attachement pour sa belle-mère, pour le pays et la religion d’Israël, il ordonna à ses moisson neurs non seulement de la traiter avec respect et de la faire manger avec eux, mais de laisser tomber à dessein des épis à terre, pour que sa glane fût plus considérable, ii, 3-23. Lorsque Noémi eut connaissance de cette noble etgénéreuse conduite, elle donna des instructions à Ruth, pour que celle-ci engageât Booz à remplir son rôle de go'ël, c’est-à-dire de protecteur, en rachetant l’héritage d'Élimélech et en l'épousant elle-même, iii, 1-18. Comme il y avait un parent encore plus proche que Booz, on obtint qu’il se désistât, iv, 1-12 ; ensuite Booz épousa Ruth, à la grande joie de tous les habitants de Bethléhem. Ils eurent un fils, qu’on nomma Obed et qui fut l’aïeul de David, iv, 13-22. — Ruth peut être envisagée comme « un singulier exemple de vertu et de piété, dans un âge de rudesse et parmi un peuple idolâtrique… ; comme l’héroïne d’une histoire exquise en beauté et en simplicité. » A. C. Hervey, dans Smith, Diction, of the Bible, t. iii, p. 1064. Saint Jérôme fait remarquer, Epist. xxii ad Paulam, t. xxii, col. 471, que nous pouvons apprécier la grandeur de sa vertu par la grandeur de sa récompense : Ex ejus semine Christus oritur. Elle est, en effet, mentionnée dans la liste des ancêtres de Notre-Seigneur. Matth., i, 5. — Sur l'époque où elle vivait, voir Ruth 2. L. Fillion.

2. RUTH (LIVRE DE). — I. SUJET ET DIVISION. — 1° Cet écrit, l’un des plus courts de ceux qui composent l’Ancien Testament, est ainsi nommé parce qu’il raconte l’histoire de Ruth la Moabite. Comme l’a fait remarquer Ewald, Geschichte des Volkes Israël, 3e édit., t. i, p. 225, ce livre est unique en son genre dans l’Ancien Testament, où nous ne trouvons nulle part une histoire de famille d’ordre aussi intim, e, exposée avec autant de détails.

2° Il se divise en deux parties. La première, qui sert d’introduction, i, 1-22, raconte comment Ruth, après avoir épousé un des fils de Noémi, et être devenue veuve comme sa belle-mère, vint se fixer avec celle-ci à Bethléhem. La seconde, qui contient le corps du récit, H, 1-iv, 22, montre dans quelles circonstances elle devint la femme de Booz, la mère d’Obed, et par làmême l’aïeule du roi David. — En voici les subdivisions : 1. 1° Premier mariage et veuvage de Ruth, i, 1-5 ; 2° Noémi revient à Bethléhem avec Ruth, i, 6-22. — II. 1° Ruth glane dans les champs de Booz, ii, 1-23 ; 2° Noémi intervient pour ménager un mariage entre Rulh et Booz, iii, 1-6 ; 3° Booz consent à épouser Ruth, ni, 7-18 ; 4° L’affaire du mariage est légalement traitée en présence des notables de la ville, iv, 1-12 ; 5° Mariage de Booz et de Ruth, naissance d’Obed, iv, 13-17 ; 6° Généalogie de David, en remontant jusqu'à Phares, iv, 18-22.

II. ÉPOQUE À LAQUELLE SE PASSÈRENT LES FAITS. —

Le livre de Ruth ne signale qu’une seule date proprement dite. Nous la trouvons dès la première ligne, I, 1 : « Aux jours où les Juges jugeaient, » c’est-à-dire gouvernaient ; avec une paraphrase dans la Vulgate : ira diebus unius judicis, quando judices preeerant. Mais la période en question fut considérable, puisqu’elle correspond à l’intervalle de temps compris entre les années 1401 et 1095 avant J.-C. Voir Chronologie biblique, t. ii, col. 738. On a cherché à préciser davantage cette donnée générale. Josèphe, Ant. jud., y, ix, 1, place l’histoire de Ruth sous la judicature d’Héli, qui précéda immédiatement celle de Samuel etl’institution de la royauté chez les Hébreux. Cela nous conduirait aux années 1168-1128 (t. ii, col. 738), et cette date est admissible. En effet, les deux derniers versets du livre, rv, 21-22, supposent quatre générations entre Booz et David, y compris celle de Booz ; ce qui équivaut à environ 100 ans : or, il s'écoula cent treize ans depuis le début de la judicature d’Héli jusqu’au règne de David (1168-1055). — D’autres ont pensé que cette date était

trop récente. En rapprochant iv, 21 de Malth., i, 5, on voit que le père de Booz, Salrnon, avait épousé la célèbre Hahab quelque temps après la prise de Jéricho par Josué, en 1453. Voir Rahab, col. 934. D’après cela, les événements que raconte le livre de Ruth auraient eu lieu sous les premiers Juges. Mais alors on aurait un intervalle d’environ 400 ans (1455-1055) entre la naissance de Booz et le règne de David. Les partisans de cette opinion supposent qu’il manque un certain nombre de générations entre Booz et David. Il est certain qu’on en a omis plusieurs entre Phares et Booz, iv, 18-21, car six générations seulement pour environ neuf cents ans sont insuffisantes ; il faut donc admettre qu’en cet endroit les principaux ancêtres auront été seuls mentionnés. Voir Généalogie de Jésus-Christ, t. iii, col. 165-167. — Comme date des événements racontés au livre de Ruth, on a aussi désigné parfois la judicature de Samuel (1128-1095), celle d’Aod (après 1343), celle de Gédéon (1256-1216). Ce dernier sentiment s’appuie sur la famine mentionnée dans Ruth, i, 1, et Jud., vu, 4-5. Mais la famine qui sévit en Palestine au temps de Gédéon provenait surtout des ravages opérés par les Madiânites, tandis que celle que signale notre livre parait avoir eu plutôt des causes naturelles. D’ailleurs, en toute hypothèse, un fléau de ce genre est une chose trop fréquente en Palestine pour pouvoir servir de date précise. — De ce qui précède, il résulte qu’il n’est pas possible de déterminer d’une manière certaine l'époque où vivaient Ruth et Booz. Quoi qu’il en soit, le livre qui raconte leur mariage complète admirablement l’histoire des Juges. « Sans lui, , nous n’aurions connu Israël que d’une manière très imparfaite, et uniquement par le, dehors, durant la période tragique des Juges. Mais voici que ce petit livre nous révèle la vie intime des pieux Israélites d’alors, et nous la montre sous son jour le plus favorable. » L.-Cl. Fillion, la Sainte Bible commentée, t. ii, p. 120.

III. Date de la composition. — Les sentiments des interprètes et des critiques varient beaucoup sur l'époque où fut composé le livre de Ruth ; on l’a placée à toutes les périodes de l’histoire israélite qui se sont écoulées entre le règne de David et le temps des Machabées. Les commentateurs catholiques, entre autres le P. Cornely, lntrod. specialis, t. i, p. 234, et le P. von Hummelauer, Lib. Judicum et Ruth, p. 357, et plusieurs protestants orthodoxes, notamment MM. Keil, P. Cassel et Wrigth, dans les ouvrages cités plus loin, placent la composition du livre sous le règne de David, et, pour la plupart, vers la fin de ce règne. MM. E. Reuss, Œltli, Driver, etc., notablement plus tard, pendant la dernière période du royaume de Juda ; Reuss, entre la ruine du royaume d’Israël et celle du royaume de Juda ; d’autres, sous Ézéchias. Ewald, Gesch. des Volkes Israël, 3e édit., t. i, p. 107 ; Bertheau, Comment., 2e édit., p. 237, et le D r Kcenig, Einleilung in das A. T., p. 285, réclament une date beaucoup plus récente encore, et regardent le livre de Ruth comme un fruit de la captivité de Babylone. La plupart des néo-critiques vont le plus loin possible après l’exil : tels MM. Kuenen, Schrader, Wellhausen, Bertholet, Budde, Nowack, dans leurs Introductions ou leurs commentaires. Voir aussi E. Meyer, Geschichte der poet. National-Literatur der Hebrâer, in-8°, Leipzig, 1856, p. 500-504 ; C. H. Cornill, Einleitung in das A. T., 2e édit., p. 243 ; G. A. Barton, dans la Jewish Encyclopedia, t. x, p. 577. Les partisans d’une composition relativement récente mettent surtout en avant l’ancienne coutume mentionnée dans Ruth., iv, 7, qui consistait à remettre sa chaussure au propriétaire auquel on cédait son droit de propriété. Elle était usitée « autrefois » (hébreu : lefdnim ; Septante : e(ijtpoo6ev ; Vulgate : antiquitus). Voir E. Kautzsch, Abriss der Gesch. des alttestam. Schrifttums, in-8°, Leipzig, 1897, p. 115. L’au teur du livre croit devoir expliquer à ses lecteurs l’usage en question, tombé en désuétude ; mais il est signalé, Deut., xxv, 9, comme remontant au moins à Moïse, et, entre l'époque de Ruth et le moment où David arriva à l’apogée de sa gloire, il s'écoula environ 150 ans ; ce qui suffit largement pour expliquer comment cette coutume avait pu cesser d'être en vigueur dès la fin de la période des Juges, et par conséquent d'être connue. Cf. Keil, Richter und Ruth, p. 384. — On peut dire avec assez de vraisemblance que le livre de Ruth aura été difficilement composé après le règne de Salomon ; en effet, ce prince est fortement blâmé, III Reg., xi, 1-8, d’avoir épousé des femmes étrangères, et en particulier des Moabites et des Ammonites. Il ne l’aura pas été non plus pendant l’exil, puisque les Juifs vécurent alors plus que jamais séparés des autres peuples. — Les données du livre qui peuvent nous aider à fixer l'époque de sa composition sont peu nombreuses. Il en est deux, néanmoins, qui ont un caractère plus déterminé. — 1. Nous venons de le voir, l'épisode qui forme le fond du récit est daté des « jours où les Juges jugeaient, » i, 1. Il suit de là que, lorsqu’il fut rédigé, la judicature avait disparu comme forme de gouvernement et fait place depuis un certain temps à la monarchie. — 2. La généalogie qui termine l'écrit s’arrête brusquement à David. On peut conclure de là que ce prince régnait encore au temps de la composition, et qu’il avait déjà acquis une grande importance sous le rapport théocratique. On ne comprend guère que l’auteur, s’il n’a pas été contemporain du roi David, ne soit pas allé au delà de lui dans sa liste.

IV. Auteur du livre. — Si l’incertitude règne au sujet de l'époque précise où fut composé le livre de Ruth, à plus forte raison est-il impossible d’en déterminer l’auteur avec quelque vraisemblance. D’après le Talmud, Baba bathra, fol. 14 b, c’est le prophète Samuel qui aurait écrit le livre des Juges, celui de Ruth et les deux livres dits de Samuel. Le fait n’est pas impossible en soi, mais les preuves positives font défaut, et le style du livre de Ruth est tel, que des hébraïsants distingués ne croient pas possible que le même écrivain ait pu composer cet écrit et en même temps le livre des Juges et ceux de Samuel. Cependant cette opinion, qui était celle de Calmet et de Cornélius à Lapide, a encore aujourd’hui des partisans, entre autres le P. Cornely, lntrod. specialis in histor. Veteris Testam. libros, Paris, 1887, p. 233-234. Sans être au^si formel, le P. von Hummelauer, Comm. in lib> : Judicum et Ruth, p. 359-360, admet que le livre a pu être, sinon composé, du moins publié par Samuel. La question est actuellement insoluble.

V. Style. — Tout bref qu’il soit, le livre de Ruth a ses particularités bien marquées sous le rapport du style, qui ne ressemble à celui d’aucune autre partie de l’Ancien Testament. Les principales sont les suivantes : 1° les terminaisons en iii, au lieu de î, pour la seconde personne du féminin singulier, au temps imparfait : ii, 8, 21 ; (idebâqîn ; iii, 4, ta’asin ; iii, 18 ; (éde’in ; 2° les terminaisons en fi, au lieu de (e, pour la seconde personne du féminin singulier, au temps parfait : ii, 8, (a’abûri ; iii, 3, sam(i, yâradefi ; iii, 4, sâkab[i ; 3° les terminaisons eaûn, au lieu de w, pour la 3e personne du pluriel : ii, 9, iqsôrûn ; 4° les verbes 'âgan, « retenir, fermer », i, 13 ; sâbat, « présenter », u, 14 ; sâlal, « tirer », ii, 16 ; nilpa{, « se retourner pour voir », iii, 8 ; 5° le substantif ?ébe(, « gerbe », ii, 16, et l’adjectif mârà', « amer », au lieu de tnârâh, i, 20 ; 6° les conjonctions térem, « . avant que », iii, 14, et Idhên, « c’est pourquoi », au lieu de làkén, i, 13 ; 7° la locution 'eik ippol ddbâr, iii, 18, etc. Voir F. Keil, Lehrbuch der histor. krit. Einleitung, p. 415-416 ; E. Kcenig, Einleitung in das A. T., p. 286-287 ; J. R. Driver, An lntrod. to the Literature of the Old

Test., 5e éd., Edimbourg, 1894, p. 426-427. Les Massorèles ne se sont pas toujours rendu compte de ces particularités et tes ont corrigées dans le texte, comme si elles eussent été des fautes. Un fait plus surprenant, c’est que « tous les interprètes modernes, qu’ils veuillent démontrer l’origine ancienne du livre ou lui assigner une date plus récente, invoquent cet argument (la preuve tirée du style), et que ces singularités, ils les appellent, les uns archaïsmes, les autres néologismes, ceux-ci bethléhémismes, ceux-là'moabilismes. Cependant, parce qu’elles se rencontrent surtout dans les entretiens (i, 13 ; ir, 8 ; iii, 3, 4), elles semblent ne démontrer qu’une chose : c’est que l’auteur, en transcrivant les entretiens, s’est tenu de très près à la source où il a puisé. » R. Cornely, Manuel d’Introd. historiq. et critiq. à toutes les Saintes Écrit., trad. franc., in-12, t. i, Paris, 1907, p. 349.

Ces contradictions des hébraïsants contemporains sont frappantes, et démontrent que ce genre de preuve peut devenir très facilement subjectif et arbitraire. Il est remarquable que les néo-critiques prétendent voir à tout instant dans le livre de Ruth des aramaïsmes, et par conséquent des expressions relativement récentes. « Le style du livre, dit Cornill, Einleitung, 2e éd., p. 343, a un coloris fortement araméen, et présente mainte particularité qui dénote avec une pressante nécessité l'époque d’après l’exil. » Mais il se trouve que les aramaïsmes mis en avant ne méritent nullement ce nom, et sont ou bien des expressions ordinaires, ou des archaïsmes représentant le langage populaire du temps de Ruth. Par exemple, on cite comme araméennes telles et telles.locutions employées de concert par le livre de Ruth et par ceux des Paralipomènes, de Daniel, d’Esdras, de Néhémie, etc. — celles-ci, entre autres : margelô(, iii, 7-8, 14, et Dan., x, 1 ; paras kendfîm, iii, 9, et Ezéch., xvi, 8 ; lâkên, i, 13, et Dan., ii, 6, 9 ; iv, 24, nâsd' nâëîm, i, 4, et II Par., xi, 21 ; xiii, 21 ; Esd., IX, 2 ; qiyyam, « confirmer, » iv, 7, et Esd., ix, 21, etc. — et l’on conclut aussitôt, à cause de ces quelques mots ou tournures, que l’histoire de Ruth ne saurait avoir été composée antérieurement à ces autres écrits. On allègue aussi, comme preuve d’une composition récente, le nom divin Saddaï, employé seul, sans être précédé de 'El : ce qui n’a jamais lieu ailleurs dans la simple prose, mais seulement au livre de Job.

Mais tout cela est fortement exagéré. Comme le dit M. Driver, l. c, p. 427, « ce style dans son ensemble… ne manifeste aucune marque de détérioration ; il diffère d’une manière palpable, non seulement de celui d’Esther et des Paralipomènes, mais aussi de celui des mémoires de Néhémie… ; il se tient au niveau des meilleures parties (des livres) de Samuel… Le style est classique dans son entier… En général, la beauté et la pureté du style (du livre) de Ruth désignent d’une manière beaucoup plus décisive (comme époque de la composition) la période antérieure à l’exil, que les expressions isolées, sur lesquelles on s’appuie, ne marquent la période qui suivit la captivité. » Le D r Kœnig affirme de même, Einleitung in das A. T., p. 287, que « les signes de la période la plus récente du développement de l’hébreu font défaut dans le livre » de Ruth. D’après lui, les formules hase mihi faciat Dominus et hsec addat, I, 17 (onze fois dans les livres de Samuel et des Rois), pelcmi 'almôni (iv, 1 ; cf. I Sam., xxi, 3 ; II fieg., VI, 8), la forme archaïque du pronom 'anoki (sept fois ; deux fois seulement 'ani), l’emploi constant du pronom relatif 'aSer (tandis que l’abréviation Se n’apparaît jamais) sont des preuves certaines d’antiquité sous le rapport du style. Les terminaisons signalées plus haut sont également des archaïsmes, car elles reproduisent des formes primitives.

VI. Caractère historique. — La simplicité et la candeur des récits prouvent en faveur de leur réalité

objective. L'écrit lui-même se présente comme voulant raconter des faits historiques. Cꝟ. 1, 1, et iv, 17-22. Dans ce dernier passage, la narration particulière qui forme le fond du livre est rattachée à l’histoire générale du peuple de Dieu. Nous savons d’ailleurs, par Malth., j, 5, que Booz, Obed et Ruth furent des personnages très réels. « Il n’a pas été inséré (dans le livre) un seul trait auquel on puisse reprocher d'être invraisemblable, à plus forte raison d'être historiquement impossible. » Œltli, Die geschichtl. Bagiographen, p. 214. Les moindres détails sont conformes aux circonstances de temps, de lieux, de personnes, telles que nous les connaissons par ailleurs. Les divers personnages que nous présente le livre de Ruth ont été peints sur le vif. Rien de plus réel, de plus vivant que Ruth, Noémi, Orpha, Booz, les femmes de Bethléhem et les différentes scènes qui décrivent leurs relations réciproques. Voir Œttli, loc. cit., p. 213-214. L’historien Joséphe a inséré ce récit dans ses Ant. jud., V, ix, 1-3, comme reproduisant des faits réels. Comment aurait-on songé à rattacher si étroitement le roi David au peuple odieux de Moab, si le fait n’eût été certain ?

L’accent de vérité qui règne partout est si frappant, que des critiques rationalistes assez nombreux ont reconnu tantôt la nature strictement historique de tous les événements racontés, tantôt au moins l’existence d’une tradition ancienne ayant servi de base à l'écrit. C’est ainsi que Kuenen admet partiellement le caractère historique du livre, en ce sens que David a eu véritablement une aïeule issue du peuple de Moab. Voir Bertheau, Das Buch der Richter und Ruth, 2 « éd., p. 239 ; Bertholet, Die fùnf Megilloth, p. 53. Kœnig, Einleitung, p. 266, croit aussi qu’il y eut d’abord une tradition orale correspondante des faits réels, que cette tradition fut mise par écrit, puis rédigée finalement sous sa forme actuelle par un Israélite qui avait de l’attrait pour les anciens usages et du talent pour peindre les caractères. Mais d’autres néo-critiques ne voient dans le livre de Ruth qu’un petit roman composé d’une manière plus ou moins habile. D’après J. Wellhaus’en, Die Komposilion des Hexateuchs und der hislor. Bûcher des A. Test., in-8°, 3 « éd., Berlin, 1899, p. 358, l’histoire de Ruth n’aurait d’autre fondement que le passage biblique I Reg., xxii, 3-4, où il est dit que David, à l'époque où il était persécuté par Saiïl, emmena son père et sa mère à Maspha de Moab, et les mit sous la protection du roi des Moabites. Selon Budde, dans la Zeitschrift der alttestamentl. Wissenschaft, 1892, p. 37-46, l’histoire de Ruth aurait formé, à l’origine, une partie du « Midrasch du livre des Rois » mentionné II Par., xxiv, 27 (la Vulgate a traduit inexactement ce passage). Voir aussi Wildeboer, Die Litteratur des A. Testam., p. 342. C’est Bertholdl, Einleitung insâmmtliçhe… Schriften des Alt. und N. Testant., 18121819, 5e partie, p. 2337-2353, qui a essayé le premier de démontrer que le livre de Ruth ne serait qu' « une histoire inventée », « un simple poème », un a tableau de famille tout romantique ». Ses arguments se ramènent à six principaux, que répètent à l’envi, depuis bientôt un siècle, les interprètes rationalistes. — 1° Les noms des personnages du livre auraient tous une signification symbolique, en harmonie avec le rôle et Ja situation de ceux qui les portaient ; ce qui suffirait, nous dit-on, pour démontrer le caractère fictif du récit. E. Reuss, La Bible, t. , p. 20, répond très justement que cette objection « repose sur des étymologies forcées ou purement gratuites. » En effet, on n’a pas encore réussi à s’entendre sur le sens véritable des noms de Ruth et de Booz ; Élimélech, c’est-à-dire « mon Dieu (est) roi », n’a rien de particulier pour l’histoire de Ruth ; Afâklonpeut désigner aussi bien la « perfection » que la ce langueur » maladive, et il en est de même de Kilyion ; 'Orfàh, que l’on prétend avoir été

ainsi appelée parce qu’elle tourna le dos Çôrêf) à sa belle-mère, est plutôt un nom synonyme de « gazelle ». Voir Kœnig, Einleitung in das A. T., p. 287 ; Œttli, Die geschichll. Hagiographen, p. 215. — 2° Tous les caractères seraient trop parfaits pour correspondre à la réalité. Ils sont admirables, il est vrai, mais simples e.tttanes towyswcs-, vie^i ue montre qu’ils aient été idéalisés le moins du monde. L’objection est donc entièrement gratuite. Orfâh, d’ailleurs, n’a pas été parfaite, quoiqu’on ne puisse lui faire un reproche d'être restée dans son pays. — 3° On a prétendu voir aussi dans le livre de Ruth des traces d'érudition scientifique, qui démontreraient qu’il est le fruit d’un travail de cabinet. Cf. Ewald, Geschichte des Volkes Israël, 3e édit., t. i, p. 236 ; Bertheau, Das Buch der Richter und Ruth, p. 236. Mais cette assertion porte à faux, car nulle part, dans le récit, on ne voit les marques d’une érudition proprement dite. Si l’auteur signale tel ou tel usage ancien, par exemple, iv, 7, s’il met sur les lèvres des notables un souhait qui rappelle l’histoire de Lia et de Rachel, rien ne dépasse en cela les limites de la connaissance d’un Israélite ordinaire. — 4° On a dit encore que cette idylle pacifique aurait été impossible à l'époque orageuse des Juges. Cf. Wellhausen, dans Bleek, Einleitung, 4 6 édit., p. 204 ; Nowack, Richter und Ruth, p. 181 ; Bertholet, Die fûnf Megilloth, p. 50. Mais le livre des Juges affirme en termes exprès, et à plusieurs reprises, Jud., iii, 11, 30, etc., que les périodes de paix et d’accalmie furent loin de manquer totalement pendant cette époque, et l’histoire de Rulh fut précisément une oasis de ce genre au milieu du tumulte des invasions étrangères. — 5° On a prétendu que l’auteur du livre ne connaissait plus le parent le plus rapproché de Noémi, et que, ne pouvant citer son nom, il fut forcé de le désignerparla vague formule peloni’almoni, « un certain », iv, 1. Celte circonstance fournirait la preuve que l’histoire entière a été inventée. Mais il faut remarquer qu’un temps assez long s'était écoulé entre les événements et la composition du livre. L’ignorance de l’auteur sur ce point secondaire, supposé qu’elle ait été réelle, n’a donc rien d'étonnant ; elle est une preuve de plus de sa sincérité, car un faussaire n’aurait nullement été embarrassé pour trouver un nom quelconque. — 6° Le mariage de Mahalon et de Chélion avec des femmes moabites aurait été contraire à la loi juive, et ce trait prouverait à lui seul le caractère purement idéal de l’histoire. À l’appui de cet argument, on allègue le texte Deut., xxiii, 3-4. Il est vrai que le droit de cité en Israël était à jamais interdit aux Moabites, à cause du mal qu’ils avaient fait aux Hébreux après leur sortie d’Egypte. Cf. Num., xxv, 1-5. Toutefois, l’interdiction faite par Moïse aux Israélites d'épouser des femmes étrangères ne concernait que les Chananéennes. Cf. Exod., xxxiv, 11-16 ; Deut., vi, 1-4. Plus tard, Esdras et Néhémie eurent de graves raisons de se montrer plus sévères, et d’interdire formellement à leur concitoyens de contracter des mariages avec les femmes de Moab. Cf. I Esd., ix, 1-2 ; II Esd., xiii, 23-29. Mais ces raisons n’existaient point à l'époque de Ruth.

VII. But du livre de Ruth. — Tout le monde est d’accord pour reconnaître que ce livre a été écrit dans un but spécial. Mais, ici encore, les néo-criliques ont émis beaucoup d’idées fausses. — 1° Les fausses tendances. — 1. Bertholdt, Einleitung, t. v, p. 2331-2335, disait que le but principal de l’auteur aurait été d'établir que le mariage du lévirat (voir Lévirat, t. iy, col. 213-216) ou son équivalent était stricteuent obligatoire, même à l'égard d’une parente issue d’une race étrangère. Voir aussi F. Benary, De Hebrseorum leviratu, Berlin, 1835, p. 30. Cette opinion a trouvé un certain nombre de partisans. Le D r H. A. Redpath, dans le Dict. of the Bible de Hastings, t. iv, p. 316, croit également que notre livre a été composé d’une manière

générale « pour servir d’illustration aux lois matrimoniales des Israélites. » Mais, quoique le récit roule tout entier autour du mariage de Ruth avec Booz, il ne met en saillie aucune tendance de ce genre. La question de la parenté des deux conjoints y est tout à fait secondaire. S’il avait eu en vue le lévirat, l’auteur aurait vraisemblablement rappelé la loi de Deut., xxv, 5-10, dans le cours de sa narration. — 2. Selon Kuenen, Introd. histor. et critique, trad. franc, § 96, notes 9 "et 10, et Godsdienst, t. ii, p. 148-149 ; A. Geiger, Urschrifl und Uebersetzung, p. 49-55, Wildeboer, Litteratur des A. Test., § 21, n. 10 ; Kautzsch, Abriss der Geschichte des alttestam. Schriftums, p. 115-116 ; Nowack, Richter und Ruth, p. 181-185 ; Bertholet, Die fûnf Megilloth, p. 51-54, etc., l’auteur du livre, opposé en principe aux mesures de rigueur prises par Esdras et Néhémie contre les mariages que des Juifs nombreux avaient contractés avec des femmes de nationalité païenne, aurait composé cette histoire en guise de protestation. Dans son petit livre, il indiquerait, nous dit-on, que parfois une femme étrangère était digne d'être incorporée au peuple de Jéhovah, et même d’y occuper une place d’honneur. Mais, s’il y a quelque chose d’inventé ici, c’est bien cette tendance prétendue. Si elle avait existé réellement, il aurait été beaucoup plus simple et plus naturel d’opposer à Esdras et à Néhémie, non pas le mariage mixte d’un Israélite peu connu, tel qu'était Booz, mais celui de David lui-même. Cf. I Par., iii, 2. D’ailleurs, il est probable que Booz n’aurait pas songé à épouser Ruth, si celle-ci ne se fût mise sous sa protection en qualité de parente. Ajoutons avec le D r Strack, Einleitung in das A, Test., Munich, 1895, 4e édit., p. 137, qu' « un livre d’une époque si tardive et ayant une telle tendance n’aurait jamais pu devenir canonique. » — 3. Le but de l’auteur aurait été entièrement politique, d’après la thèse assez étrange de E. Reuss, Gesch. des Alt. Testam., ^' édit., p. 292-298 ; La Bible, t. vii, p. 24-27. Écrit après la ruine du royaume des dix tribus schismatiques, le livre voulait démontrer, sous la forme d’un gracieux roman, à ceux des habitants |ui n’avaient pas été déportés dans les provinces, assyriennes, que les rois issus de David n'étaient pas seulement les héritiers du patriarche Juda par l’intermédiaire de Booz, mais qu’ils avaient aussi des droits très réels sur le territoire d'Éphraïm et de tout le royaume du nord, grâce à Obed, fils légal de « l'Éphraïmite » Mahalon ; d’où il suit que les sujets du royaume du nord devaient se rallier aux descendants légitimes de David. On le voit, l’argument principal, on plutôt l’argument unique de Reuss consiste à regarder le titre 'Éfrâti (Vulgate, Ephrathsei), attribué à Mahalon et à Chélion, Ruth, i, 2, comme synonyme d'Éphraïmite. Sans doute, ce mot a quelquefois cette signification, cf. Jud., xii, 5 ; I Reg., i, 1 ; III Reg., xi, £6 ; mais il ne l’a certainement pas dans le livre de Ruth, où il désigne manifestement les habitants de l’ancienne Éphrata, c’est-à-dire de Bethléhem. Voir ÉPHRATA, t. ir, col. 1882. La thèse est donc fausse par sa base ; aussi M. Reuss n’a-t-il convaicu personne.

2° Vrai but de l'écrivain sacré. — 1. Ce but se dégage très visiblement de l’ensemble du sujet traité, comme aussi de la liste généalogique qui termine l'écrit. Le livre de Ruth a été composé pour conserver le souvenir d’un touchant épisode qui intéressait la famille de David, et pour établir la série d’un certain nombre de ses ancêtres. En effet, les livres des Rois ne contiennent presque rien sur ces deux points, qui avaient acquis de l’importance lorsque la famille de David fut devenue famille royale. Cf. I Reg., xvi, 1-13, etc Celui de Ruth, au contraire, nous renseigne officiellement sur la généalogie du grand roi durant toute la période des Juges, puisque Salmon avait dû être contemporain de Josué, et il rattache David à

îuda par Phares. Le but de l’auteur est donc directement théocratique, montrant comment une femme d’origine étrangère, née au milieu d’un peuple païen, hostile et odieux à Israël, cf. Is., xv-xvi ; Jer., xi.viij, était devenue d’une manière toute providentielle, à cause de son amour pour la nation et pour le culte de Jéhovah, l’aïeule du saint roi David. Voir F. Vigouroux, Manuel bibl, '12e éd., t. ii, p. 76 ; Umbreit, dans les Theolog. Studien und Kritiken, année 1834, p. 315318. — 2. Le but du livre dans l’intention de l’Esprit-Saint se rattache étroitement à celui de l’auteur, mais il va beaucoup au delà. Il consiste à fixer, pendant la période marquée par la généalogie finale, la liste des ancêtres, non seulement de David, mais du Messie luimême. Cela résulte clairement du passage parallèle, Matth., i, 3 b -5, qui insère sans aucune modification Ruth, iv, 18-22, dans la liste des aïeux de N.-S. JésusChrist. Les anciens interprètes chrétiens l’avaient fort bien compris. Cur scripta est de Ruth historia ? se demandait Théodoret, In Ruth., t. lxxx, col. 518. Et il répondait sans la moindre hésitation : Primum propter Christum Dominum.

VIII. Place du livre dans le canon biblique. — Elle u’est pas la même dans la Bible hébraïque que dans les Septante et la Vulgate. Dans la Bible hébraïque, le livre de Ruth occupe le second rang parmi les cinq Megillôf ou « rouleaux », qui font eux-mêmes partie de la troisième catégorie des écrits sacrés, les Ket ùbîm ou Hagiographes. Il vient immédiatementaprès le Cantique des cantiques et précède les Lamentations de Jérémie. Dans les traductions officielles grecque et latine, il est placé à la suite du livre des Juges, auquel il se rattache directement par ses premiers mots : place très convenable, puisqu’il complète l’histoire des Hébreux à l'époque des Juges, et que, d’ailleurs, celle qui en est l’héroïne vivait à cette même époque. Il semblerait que les Juifs eux-mêmes lui ont aussi attribué primitivement cette place, car Joséphe, Cont. Apion., i, 8, compte les livres des Juges et de Ruth comme n’en formant qu’un seul. Peut-être a-t-il été détaché tardivement de sa première place « lorsqu’on l’affecta à la lecture synagogale et qu’il dut, pour cette raison, faire partie des rouleaux officiels. s> L. Wogue, Hist. de la Bible et de l’exégèse biblique jusqu'à nos jours, in-8°, Paris, 1881, p. 59. On le lisait pour la fête de la Pentecôte. Méliton de Sardes, t. v, col. 1216, Origène, dans Eusèbe, H. E., vi, 25, t. xxx, col. 520, et saint Cyrille de Jérusalem, Cat., iv, 35, t. xxxiii, col. 500, disent formellement aussi que, chez les Juifs, les livres des Juges et de Ruth n'étaient comptés que comme un seul. Saint Jérôme fait de même dans son Prolog, galeat, t. xxviii, col. 553 : Deinàe subiexunt Sophtim, id est, fudicum librum, et in eumdem compingunt Ruth, quia in diebus Judicum facta narratur historia. Cf. Ruffin, Exposit. in Symbol. Apostol., xxx , t. xxr, col. 374. À l'époque des Septante, le livre de Ruth était encore rangé parmi les livres historiques. C’est donc plus tard seulement, durant l'ère chrétienne, lorsque

le canon juif reçut la forme qu’il a encore aujourd’hui, que le livre de Ruth fut placé parmi les Hagiographes en général, et spécialement parmi les cinq Megillôf. IX. Beauté littéraire. — Le livre de Ruth est généralement admiré. On a dit de cette composition que c’est « une œuvre d’art exquise, d’un charme inexprimable ». Ce qui est vrai, à condition de ne pas exagérer le sens des mots œuvre d’art. Voir Cornill, Einleitung in das A. T., 2 6 éd., p. 242. « La variété ne manque pas à la poésie des Hébreux, écrivait A. de Humboldt, dans son Commentar zum west.-ôstlich. LHwan, p. 8, Cosmos, trad. franc., 1864, t. ii, p. 53-54. Tandis que, depuis Josué jusqu'à Samuel, elle respire l’ardeur des combats, le petit livre de Ruth la glaneuse offre un tableau de la simplicité la plus naïve et d’un charme inexprimable. Goethe, à l'époque de son enthousiasme pour l’Orient, l’appelait le poème le plus délicieux que nous eût transmis la muse de l'épopée et de l’idylle. » Le card. Gibbons écrivait de son côté, The Ambassador of Christ, in-12, Baltimore, 1896, p. 332 : « La simplicité de la vie pastorale des Hébreux est décrite, au livre de Ruth, avec un style si charmant et si conforme à la nature, qu’elle n’est dépassée par aucun morceau d’Homère ou des Églogues de Virgile. »

X. Bibliographie. — Théodoret, In Ruth, Migne, t. lxxx, col. 517-528 ; Midrasch Ruth Rabba, publié dans la Bibliotheca rabbinica àek. WwasaYve, Leipzig, 1883 ; Rupert de Deutz, In Jud. et Ruth, t. clxvii, col. 1057 ; Collegium rabbinico-biblicum in librum Ruth, publié par J. B.Karpzow, Leipzig, 1703. Du xvi « au xviiie siècle : Marcellinus Evangelista, O. M., Explanationes in libr. Ruth, Florence, 1586 ; Nie. Serarius, Indices et Ruth, explanali, Mayence, 1609 ; C. Sanchez, Comment, in Ruth, Esther, Lyon, 1651 ; J. Khell, De Epocha historié Ruth, Vienne (Autriche), 1756 ; F. W. C. Umbreit, Ùber Geist und Zweck des Bûches Ruth, dans les Theol. Studien und Kriliken, 1834, p. 305-308 ; Metzger, Liber Ruth ex hebr. in latmum versus perpetuaque interprétations illustratus, Tubingue, 1856 ; Auberlen, Die drei Anhànge des Bûches der Richter, dans les Theologische Studien und Kritiken, 1860, ç. 536-568 ; C. H. Wright, The Book of Ruth in ffebrexv with a criticaïly revhseà Taxt, uanous Readings…, in-8°, Leipzig, 1864 ; C. Hamann, Annotationes cr’iticx et exegeticæ in libr. Ruth ex vetustissimis ejus interpretationibus depromptæ, in-8°, Marbourg, 1871 ; A. Raabe, Das Buch Ruth und das Hohelied ini l’rtext, nach neuester Kenntniss der Sprache, in-8°, 1879 ; H. Zschokke, Biblische Frauen, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1882, p. 208-225 ; H. F. Kolilbrûgge, Verklsering van het Boek Ruth, in-8°, Utrecht, 1886 ; G. Wildeboer, Die Litteratur des AU. Testant, nach der Folge ihrer Entstehung, trad. du hollandais, in-8 « , Gœttingen, 1895, p. 341-345 ; K. Budde, Vermuthungen zum Midrasch der Kônige, dans la Zeitschrift fur aUtestam. Wissenschaft, t. xii, 1892, p. 37-51. L. Fillion.


V.

41 DICTIONNAIRE

CONTENANT

TOUS LES NOMS DE PERSONNES, DE LIEUX, DE PLANTES, d' ANIMAUX

MENTIONNÉS DANS LES SAINTES ÉCRITURES

LES QUESTIONS THÉOLOGIQUES, ARCHÉOLOGIQUES, SCIENTIFIQUES, CRITIQUES

RELATIVES À L’ANCIEN ET AU NOUVEAU TESTAMENT

ET DES NOTICES SUR LES COMMENTATEURS ANCIENS ET MODERNES

PUBLIÉ PAR

F. pGOUROUX

PRÊTRE DE SAINT-SULPICE

AVEC LE CONCOURS D’UN GRAND NOMBRE DE COLLABORATEURS

DEUXIÈME TIRAGE

TOME CINQUIEME

DEUXIÈME PARTIE

s— z

PARIS

LETOUZEY ET ANE, ÉDITEURS

76 bls, RDE DES SAINTS-PÈRES, 76 bis 1912

TOCS DROITS RÉSERVÉS S, quinzième, dix-huitième et vingt-et-unième lettre de l’alphabet hébreu. Voir Samech, Tsadé, Sin et Sciun.

SA ou SAA (DE) Manoel, exégète portugais, né en 1530 à Villa de Conde, province d’Entre DouroeMinho en Portugal, mort à Arona en Italie le 30 décembre 1596. Il entra à l’âge de quinze ans dans la Compagnie de Jésus. Il s’acquit de la réputation comme théologien et exégète et saint Pie V l’appela à Rome en 1557 pour prendre part aux travaux de la commission chargée de préparer l’édition des Septante qui parut sous le pontilicat de Sixte-Quint. On a de lui Scholia in quatuor Evangelia, in-4°, Anvers, 1598 ; 2e édit., in-4°, Lyon, 1620 ; et Nofationes in totam Sanctam Scripturam, in-4°, Anvers, 1598 ; Cologne, 1610 ; in-f », Paris, 1943. Sa est surtout connu par ses Notaliones dans lesquelles il explique le sens littéral du texte sacré avec brièveté, clarté et précision. — De Backer, Bibliothèque, édit. Sommervogel, t. vii, 1896, p. 349.

SAADIA ? ou SAADIA HAG-GAON ben Joseph ha-Pithûmi, en arabe Said Ibn-Yaakûb al-Fayumi, rabbin juif, né à Dalas, dans le Fayoum (Egypte) en 892, mort à Sora en Babylonie en 942. Le titre d’Hag-Gaon fut ajouté à son nom, parce que le prince de l’exil David ben Sakkai le choisit en 928 comme gaon ou chef de l’école de Sora. C’est un des rabbins les plus célèbres. Il est surtout connu parmi les orientalistes par sa traduclion arabe du Pentateuque, à laquelle il travailla de 915 à 920. Voir t. i, col. 846. Ce fut le premier Israélite qui écrivit en arabe sur la Bible. Il a laissé des commentaires et des écrits de divers genres, p ?rmi lesquels on peut mentionner son « Explication des mots rares de la Bible », publiée pour la première fois par L. Dukes, dans la Zeilschrift fur die Kunde des Morgenlandcs, v, 1844, p. 1151 ; puis par Geiger, dans sa Wissenchaflliche Zeilschrift, Leipzig, 1844, t. v, p. 317-324, avec des corrections importanles. On trouve dans les Œuvres complètes de Saadia, publiées sous la direction de J. Derenbourg, Version arabe du Pentateuque de Saadia, par J. Derenbourg, 1. 1, Paris, 1893 ; Version a"Isaïe (en caractères hébreux), par J. Derenbourg, t. iii, Paris, 1896 ; Version arabe des Proverbes, par J. Derenbourg et Mayer Lambert, t. vi, 1894. — Voir Rappaport, Biographie de Saadia, dans Bikkure 11alttim, Vienne, 1828, ix, p. 20-37 ; S. Munk, Notice sur Rabbi Saadia Gaon et sa version arabe, dans la Bible de Cahen, Paris, 1838, t. ix, p. 73 ; Ewald et Dukes, Bel trâge zur Geschicltte der âlteslen Auslegung des Allen Testaments, Stuttgart, 1844, t. i, p. 1-115 ; t. ii, p. 5, 115 ; J. Guttmann, Die Religionsphilosophie des Saadia, Gœllingue, 1882 ; M. Wolf, Zur Charakteristik der Bibelexegese Saadias Alfayummi’s, dans la Zeilschrift fur die altteslamentliche IT issenschafl, t. iv, 1884, p. 225 ; t. v, 18 ?-"), p. 15 ; Grætz, Histoire des Juifs, t. iv, trad. M. Bloch, Paris, 1893, p. 1-12.

SAAL (hébreu : Se’âl ; Septante : 2a).oj : a ; Alexandrinus : Eadc).)i un des fils de Bani qui avait épousé


une femme étrangère et qui fut obligé par Esdras de la quitter. I Esd., x, 29.

    1. SAANANIM##

SAANANIM, localité dont le site est inconnu et dont le nom même est douteux. Dans Josué, xix, 33, DI337Ï3 ]V »  », « le térébinthe qui est à Sa’ânannim », d’après un certain nombre de traducteurs, est marqué comme une des frontières de la tribu de Nephthali. Au lieu de traduire par « térébinthe ou chêne de Saanannim », la Vulgate a pris le premier mot’Ëlôn pour un nom propre et traduit : « La frontière (de Nephthali) commence à… Élon en Saananim. » Dans les Juges, IV, 11, nous lisons que Héber, le Cinéen, avait dressé ses tentes jusqu’à DWsn ]ihn, que plusieurs traduisent comme dans Josué, ’  « le térébinthe de Sa’ànai’m » ou plutôt « Sa’ananîm » en acceptant la lecture du keri des Massorètes. La Vulgate a traduit ici « la vallée qui est appelée Sennim ». Sur ces différentes traductions, voir Éi.on 4, t. ii, col. 1703. — Quant au vrai nom de Saanannim, il est un sujet de discussion. Certains critiques soutiennent que le a, b, qui précède Sa’ânannim et Sa’ânnim dans le texte hébreu, n’est pas la préposition be, « dans », comme l’a compris la Vulgate, mais la première consonne du nom propre, dont elle est une partie intégrante, ainsi que l’ont pensé les Septante qui ont transcrit BesEijuiv (Alexandrinus : Be<jevav ! [i), Jos., xix, 33. Cette opinion est soutenable.

— R. Conder, Tentwork in Palestine, t. ii, p. 132 ; Memoirs, t. i, p. 365, identifie Saananim avec Khirbet Bessim, au nord du mont Thabor, et Cédés qui, d’après Jud., iv, 11, était voisin, est la ruine actuelle de Qadisch, sur le bord du lac de Tibériade et au sud de la ville qui donne son nom au lac. D’après Gesenius, Thésaurus, p. 1177, l’étymologie de Sa’ânannim est « chargement des bêtes de somme », ce qui fait allusion à la levée d’un camp de nomades qui chargent leurs bêtes quand ils émigrent d’un campement dans un autre. « De l’identité de signification, dit Tristram, Bible Places, p. 278, on a conjecturé que Bessim est Saanannim, un peuà l’estduThabor.Dans cette plaine, on peut toujours voir les tentes noires des Bédouins, les Cinéens de nos jours. » On identifie plus souvent le Cédés de Jud., iv, 11, avec Cédés de Nephthali. Voir Cédés 1, t. ii, col. 360 ; Nephthali 2, t. iv, col. 1593.

    1. SAAPH##

SAAPH (hébreu : Sa’af ; Septante : Sayas ; Alexandrinus : Sayâç), nom de deux Israélites.

1. SAAPH, le plus jeune des six fils de Jahaddaï (t. iii, col. 1105), de la tribu de Juda. I Par., ii, 47.

2. SAAPH, le troisième des quatre fils que Caleb, de la tribu de Juda, eut de Maacha, une de ses femmes de second rang. Saaph fut « père », c’est-à-dire fondateur de la ville de Madména. 1 Par., ii, 49. VoirMEDÉMENAl’t. iv, col. J14.

    1. SAARIM##

SAARIM (hébreu : Sa’âraim, « les deux portes s ; Septante : [Bapou]<xEwp ! ’m par l’union de ce nom avec une

V. — 41 a

partie du mot précédent dans l’hébreu : [Bèt] bir’i), ville de la tribu de Siméon. I Par., iv, 31. Dans Josué, six, 6, elle est appelée Sdrâhén (Vulgate : Sarohen ; les Septante ont traduit : oi àYpoi oûtwv, « leurs champs », parce qu’ils ont lu sans doute pnï, au lieu de jrmti).

Dans Josué, xv, 32, son nom est écrit d’ïi^ti ;  ; Septante :

SaXri ; Alexandrinus : SeXselV ; Vulgate : Selim. Cette ville siméonite était située dans la partie méridionale de la Palestine, que le texte hébreu appelle Négéb. Jos., xv, 21, 32. Voir Négeb, t. iv, col. 1557. Le site est inconnu. C’est peut-être la ville chananéenne qui est mentionnée dans les annales de Thothmès III,

Mil "w" *. 14-a, Sarohana, comme « forteresse du

pays de Saruana ou Saluana ». — Une autre ville de la tribu de Juda, qui porte en hébreu le même nom de Sa’âarim, est appelée dans la Vulgate Saraïm. Jos., xv, 36. La plupart des commentateurs ont fait de Saarim et de Saraïm une même ville, à cause de la similitude de nom, et parce que la ville de Saraïm avait été attribuée primitivement à la tribu dé Juda, à laquelle appartint aussi Saraïm ; mais il y a lieu de les distinguer parce que d’après le texte sacré Selim = Saarim était située dans le Négéb, tandis que Saraïm était dans la Séphéla. Jos., xv, 33, 36. Voir Saraïm.

SABA, nom d’homme et de pays. La Vulgate transcrit ainsi des mots orthographiés diversement en hébreu.

1. SABA (hébreu : Sebâ’; Septante : Eaëi), fils aîné de Chus, Gen., x, 7 ; I Par., i, 9. Son nom désigne ses descendants et le pays qu’ils habitèrent. Il faut distinguer avec soin ce-Saba des autres qui portent le même nom dans la Vulgate, mais non en hébreu. Seba’est aussi nommé, Ps. lxxii (lxxi), 10, où il est dit que les rois de Seba’an* (Vulgate : Arabes) et de Seba’, N3D

t :

(Vulgate : Saba), apporteront leurs présents ou leur tribut à Jérusalem (au Messie). Isaïe, xliii, 3, nomme Sebâ’avec l’Egypte et Chus (l’Ethiopie). De même, xlv, 14, où le prophète, au lieu de Sebâ’, emploie le nom ethnique Sebd’lm, et dit que les Sabéens (Vulgate : Sabaim) sont « des hommes de haute taille ». Ce sont là les seuls passages où l’Écriture nomme Sebâ’et ses habitants, à moins qu’on n’admette avec certains critiques que les Sebâ’im sont aussi nommés dans Ézéchiel, zxiii, 42, comme le porte le keri ; le chethib a □>N31D, « les ivrognes » (Alexandrinus : oivopjvoi ;

omis dans le Vaticanus et dans la "Vulgate). Le syriaque a adopté la leçon « Sabéens » et elle paraît la plus naturelle. Josèphe, Ant. jud., II, x, 2, a identifié Sebâ’avec Méroé. Cette identification est la plus communément acceptée. Voir Ethiopie, t. ii, col. 2007-2008.

2. SABA (hébreu : Sebâ’; Septante : Saga), fils aîné de Regma et petit-fils de Chus ; il eut pour frère Dadan. Gen., x, 7 ; I Par., i, 9. Voir Saba 5.

3. SABA (hébreu : Sebâ’; Septante’Sa.Sx), descendant de Sem, fils de Jectan. Gen., x, 28 ; I Par., i, 22, Josèphe, Ant. jud, , I, vi, 4, l’appelle SaSe-Jç. Voir Saba 5.

4. SABA (hébreu : Seba ; Septante : Eaëcc), fils de Jecsan et frère de Dadan, petit-fils d’Abraham et de Cétura. Gen., xxv, 3 ; I Par., i, 32. Voir Saba 5.

5. SABA (hébreu : Seba’; Septante : Saëâ), peuple et contrée d’Arabie, III Reg., x, l, 4, 10, 13 ; II Par., ix, 1, 9, 12 ; Job, i, 15 (hébreu : Sebâ’; Vulgate : Sabsei) ; vi, 19 ; Ps. lxxi (lxxii), 10 (Vulgate : Arabes), 15 (Vulgate : Arabia) ; Is., lx, 6 ; Jer., vi, 20 ; Ezech., xxvii,

22, 23 ; xxxviii, 13. —Joël, iii, 8 (hébreu, iv, 8), nomme les Seba’im ou Sabéens. Les Septante avaient déjà identifié Saba avec l’Arabie, Ps. lxxi, 10, 15, et tous les savants admettent leur interprétation d’une façon générale. — Les Sabéens, d’après les données de l’Écriture, étaient de trois races différentes, chamitique-couschique (voir Saba 2), sémitique jectanide, (voir Saba 3) et sémitique jecsanide (voir Saba 4). Elles purent se mélanger plus ou moins ensemble dans la suite des temps. Il est aussi possible que la couche sémitique se soit superposée à la couche chamitique. Mais, à en juger par la comparaison des divers renseignements fournis par la Bible, les Sabéens septentrionaux paraissent être jecsanides, ceux de l’est couschites et ceux du midi jectanides. Il existait donc des Sabéens dans différentes parties de l’Arabie : il y en avait dans le nord (les Sab’u des inscriptions assyriennes), Job, i, 15 ; VI, 19 ; dansl’est(Ezech., xxvii, 22, cꝟ. 20-21, Saba est associé avec Regma, qu’on place communément à l’est, sur la rive arabe du golfe Persique), et dans le sud, comme l’indiquent les produits du pays : la reine de Saba offre à Salomon une grande quantité d’or et d’aromates, avec des pierres précieuses, III Reg., x, 10 ; II Par., ix, 9 ; les Psaumes, lxxii (lxxi), 15, et Isaïe, lx, 6, mentionnent l’or du pays ; le même prophète, lx, 6, et Jérémie vi, 20, l’encens. Ces richesses du pays des Sabéens avaient valu à leur contrée le nom d’Arabie heureuse, Arabia Félix, et les avaient rendus célèbres dans l’antiquité : la manière dont en parlent les auteurs profanes confirme ce qu’en disent les auteurs sacrés. Strabon, XVI, IV, 19, 21 (Saëaïov xr|V eûSacV-ova’Apaêfav vé[icivt « i, etc.) ; Diodore de Sicile, iii, 38, 46 ; PIine, ffl. N., vi, 32 ; Gesenius, Tliesaurus, p. 351. La reine de Saba qui alla visiter Salomon à Jérusalem était reine des Sabéens (et non des Éthiopiens). Voir Saba 6.

Les recherches qui ont été faites en Arabie par des voyageurs européens et les nombreux travaux des savants sur les inscriptions sabéennes depuis une cinquantaine d’années nous ont fait connaître beaucoup mieux que les auteurs anciens ce qu’avait été ce pays et quelle était sa richesse et son importance. Ces inscriptions embrassent une période de treize siècles environ. Des inscriptions datées de Marib sont du v s et du vie siècle de notre ère. Ce fut au vie siècle que le royaume Sabéen fut complètement détruit par les Abyssins.

Saba était le nom de la nation qui habitait l’Yémen, au sud de la péninsule arabique. Du temps d’Ératho* sthéne, vers 240 avant J.-C, elle se composait de quatre grandes tribus entre lesquelles était partagée l’Arabie méridionale : les Minéens dont la ville principale était Karna ; les Sabéens proprement dits, capitale Maryab ou Marib ; les Kattabaniens, capitale Tamna, et l’Hadramaut, capitale Katabanon.Les inscriptions parlent souvent des rois de Saba. Sargon, dans ses Annales, Botta, 75, lig. 6, nomme parmi ses tributaires le « Sabéen Ithamara » (lt-’-am[a-]ra mat Sa-ba-ai), Ce nom se retrouve dans les inscriptions sabéennes sous la forme Yetha’amara, comme celui de six rois ou chefs sabéens, dont l’un d’entre eux doit être celui qui est mentionné par le roi d’Assyrie. Malheureusement les inscriptions sabéennes ne sont pas généralement historiques et ne permettent pas de reconstituer l’histoire des Sabéens d’une manière satisfaisante ; une partie raconte les razzias faites par les tribus ; un grand nombre sont religieuses. Ces dernières attestent l’abopdante richesse du pays en or, en argent et en parfums.

Voir A. P. Caussin de Perceval, Essai sur l’histoire des Arabes avant l’islamisme, 3 in-8°, Paris, 1847 ; J. Halévy, Inscriptions sabéennes, dans le Journal asiatique, 1872, p. 129, 489 ; David H. Mûller, Die Burgen und Schlôsser Sûdarabiens nach den Ihlli

des TTamdâni, dans les Sitzungsberichte der k. Akademie der Wissenschaften, Phil. Ida t. Classe, t xciv, 1879, p. 335 ; t. xcvii, 1881, p. 955 ; P. Schlumberger, Le trésor de Saria, in-4°, Paris, 1880 ; Mordtmann, dans Wiener Numismatik Zeitschrift, iS80, p. 289-320 ; J. H. Mordtmann et D. H. Mûller, Sabâische Denkmâler, Vienne, 1883 ; Ed. Glaser, Skizze der Geschichte und Géographie Arabiens, t. ii, Berlin, 1890 ; Mordtmann, Himyarische Inschriften in den k. Museen zu Berlin, 1893 ; H. Derenbourg, Les monuments sabéens du Musée d’archéologie de Marseille, 1899 ; D. H. Mûller, Siïdarabische Allerthùmer in kunsthistorischen Hofmuseutn, Vienne, 1899 ; Fr. Hommel, Die sudarabische Alterlhûmer des Wiener Hofmuseums, dans ses Aufsâtze und Abhandlungen, t. ii, 1900 ; Corpus inscriptionum semiticarum, part. IV, 1889 sq.

F. Vigouroux.

6. SABA (REINE DE). Elle alla visiter Salomon à Jérusalem, attirée par la réputation de sa sagesse, et lui offrit de riches présents. Salomon lui en fit à son tour, devina les énigmes qu’elle lui proposa et la remplit d’admiration pour sa sagesse. III Reg., xi, 1-13 ; II Par., ix, 1-12. Notre-Seigneur a rappelé cet épisode dans un de ses discours, Matth., xii, 42 ; Luc, xi, 31, en la désignant sous le nom de « reine du midi ». Josèphe, Ant.jud., VIII, VI, 1, l’appelle Nicaulis et la fait reine d’Egypte et d’Ethiopie. Les Éthiopiens n’ont pas manqué de la revendiquer : ils l’appellent Makeda et disent qu’elle eut de Salomon un fils nommé Ménelek, ancêtre des rois d’Ethiopie. Les Arabes appellent la reine de Saba Bilkis, et le Coran, xxvii, 24, raconte son histoire en l’entremêlant de fables. — La reine de Saba était arabe et non éthiopienne. Les inscriptions sabéennes retrouvées jusqu’ici ne mentionnent pas de reine sabéenne ; une femme cependant paraît être appelée « maîtresse d’un château-fort (Corpus inscript, semit., part. IV, n. 179), etles monuments assyriens mentionnent sous Théglathphalasar III, Samsi ou Samsiéh et Zabibi, reines de la terre des Aribi ; sous Asarhaddon, Yapa, reine de Dihuta, et Bail, reine d’Ihil. Voir F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iii, p. 254-257 ; F. Prsetorius, Fabula de regina Sabsea apud Mlhiopes, in-4°, Halle, 1870 ; À Rosch, Die Kônigin von Saba dis Kônigin Bilqis, dans les Jahrbàcher fur protestantische Théologie, t. vi, 1880, p. 524-572.

SABACTHAN1 (grec : <7a6axO<xvî) ; verbe araméen,

, 9

. K n -> a) de la racine sebaq, à la seconde per sonne du singulier du parfait, avec suffixe de la première personne, traduction du mot hébreu >2pn17, du Psaume xxii (xxi), 2, dereliquisli me, tel qu’il fut prononcé sur la croix par Notre-Seigneur : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Matth., xxvii, 46 ; Marc, xv, 31. Voir Petersen, Erforschung des Wurtes axêxyfixil (sans lieu), 1701.

1. SABAIM (hébreu : Sebaïm, « les gazelles » ; Septante : EaSaij*), nom d’homme ou de lieu. II Esd., vu, 59. Ce nom est écrit Asebaïm dans 1 Esd’., ii, 57. Voir Asebaïm, t. i, col. 1075-1076.

2. SABAIM (hébreu : Sebà’îm ; Septante : Eaëaef|i.), les Sabéens. Is., xlv, 14. Voir Saba. 5 et Sabéens.

    1. SABAMA##

SABAMA (hébreu : hm’ït, « fraîcheur » ou « parfum » ; Septante : Seêaai ; dans Jer., ’A^prini), ville de la tribu de Ruben. Le texte hébreu écrit ce nom Dafr, Sebdm, Num., xxxii, 3. Dans ce passage, la Vul gate porte Saban. — 1° Celte ville appartint d’abord aux

Moabites, puis aux Amorrhéens, Num., xxi, 26, ensuite aux Rubénites ; du temps d’Isaïe, xvi, 8-9, et de Jérémie, xlviii, 32, elle était retombée au pouvoir des Moabites. Quand Moïse se fut emparé du pays situé à l’est du Jourdain, les descendants de Gad et de Ruben lui demandé* rent, à cause de leurs nombreux troupeaux, à s’établir dans le pays conquis, qui était riche en pâturages. Ruben reçut pour sa part entre autres villes Sabama, qui était en ruines et qu’il restaura. Num., xxxii, 3, 38 ; Jos., xiii, 19. À quelle époque les Moabites en reprirent-ils possession, nous l’ignorons. Tout ce que nous savons, c’est que Isaïe, xvi, 8, 9, et Jérémie, xlviii, 32, la comptent parmi les villes moabites dont ils annoncent la désolation.

2° Eusébe et saint Jérôme, dans VOnomasticon, 1862, p. 320, 321, disent que « Sabama est une ville de Moab, dans le pays de Galaad. » Saint Jérôme ajoute, In ls., xvi, 8, J. xxiv, col. 174, que « Sabana est à peine à cinq cents pas d’Hésébon ». Cetie ville est en effet nommée à côté d’Hésébon, Num., xxxii, 3 ; Is., xvi, 8, mais son site n’a pas été identifié d’une manière certaine. Les uns le placent hypothétiquement à Chanab, au nord d’Hésébon, t. iii, col, 1160 ; d’autres à Soumia, au nord-ouest de la même ville, à trois kilomètres environ, voir Ruben, carte, fig. 266, col. 1268, sur le flanc méridional de Vouadi Hesban. On remarque en cet endroit des ruines, des tombeaux et des pressoirs taillés dans le roc. Ces pressoirs rappellent ce que disent Isaïe et Jérémie des vignes de Sabama, des chants des vendangeurs et des raisins qu’ils foulaient dans les pressoirs. Is., xvi, 8-10 ; Jer., xlviii, 32-33. Voir Palestine Exploration Fund, Memoirs, Eastern Palestine, p. 221.

    1. SABAN##

SABAN, ville de Ruben. Num., xxxii, 3. Voir

Sabama.

    1. SABANIA##

SABANIA (hébreu : Sebanyâh [Sebanayahû, I Par., X, v, 24], « Jéhovah a fait croître » ), nom de quatre descendants de Lévi dans le texte hébreu. La Vulgate appelle deux d’entre eux Sabania. Elle écrit le nom de Sebaniyahû, I Par., xv, 24, Sebenias, et celui de Sebanyâh, II Esd., x, 4, Sebenia. Dans II Esd., xii, 3, aekanyâh paraît être pour Sebanyâh (Vulgate : Sebenias). — Il existe un sceau antique poriant le nom de Sebanyâh. Voir t. iii, fig. 68, col. 310. Cf. Ad. de Longpérier, Œuvres, t. i, p. 198-199.

1. SABANIA (hébreu : Sebanyâh ; Septante : Eeyevt’a, avec de nombreuses variantes), lévite qui, du temps d’Esdras, se tint avec d’autres sur l’estrade et implora Dieu à haute voix. II Esd., ix, 4, 5. Au ꝟ. 5, la Vulgate écrit son nom Sebnia (omis dans les Septante). Ce nom se retrouve au milieu de celui des signataires de l’alliance avec Dieu du temps de Néhémie. II Esd., x, . 11 (10). La Vulgate écrit son nom au ꝟ. 10. Sebenia ; Septante ; Saêaviâ.

2. SABANIA (Septante : Eeëavi’a), autre Lévite qui signa le renouvellement de l’alliance faite avec Dieu du temps de Néhémie. II Esd., x, 12.

    1. SABAOTH##

SABAOTH, forme grécisée du mot hébreu niNiï,

t :

pluriel de » ox, qui, précédé d’Elohim ou de Jéhovah,

T T

est un des noms de Dieu. La Vulgate n’a conservé qu’une fois le mot Sabaoth dans l’Ancien Testament, Jer., xi, 20 ; il se lit deux fois dans le Nouveau, Rom., ix, 29 ; Jac, v, 4 ; ailleurs il est traduit par exercitus, Jer., iv, 14, etc., virtutes, Ps. xxiii, 10, etc., dans le sens de « forces ». Les Septante ont 2aëa<19, écrit aussi 2u88aw8, 1 Reg., i, 3, 11 ; xv, 2 ; xvii, 2 ; Is., i, 9, etc. ; mais le plus souvent ils l’ont traduit luavToxpxiiop. II Reg., v,

10 ; vii, 18, etc. Le mot Sabaoth n’est jamais employé seul comme nom de Dieu dans l’Écriture, mais comme complément ; ce n’est que par oubli du sens du mot qu’il a été pris plus tard comme nom propre par quelques écrivains grecs, par exemple, Orac. Sibyll.,

I, 304.

1° Emploi. — Sabaoth est précédé ordinairement de « Jéhovah » quand il est appliqué à Dieu. Voir Jéhovah, t. iii, col. 1221, tableau, col. iv).’Âdônâï est quelquefois placé devant Yehôvdh ha$-Sebâ’ô(, Is.. iii, 15 ; xiii, 15 ; Amos, ix, 5, etc. ; ou bien hâ’-Adôn, 1s., i, 24 ; xix, 4 ; hâ-Adôn Yehôvdh Seba’ôt ; dans d’autres passages, nous lisons : Yehôvdh’Elôhê Sebdôt, II Sam., v, 10 ; I(III) Reg., xix, 10, 14 ; Ps. lxxxix, 9 ; Jer., v, 14 ; xv, 16 ; xxxv, 17 ; xxxviii, 17 ; xliv, 7 ; Ose., xii, 6 ; Amos, m, 13 ; iv, 13 ; v, 14, 15, (16 suivi de’Adànaï) 27 ; vi, 8,

II. Nous trouvons : Yehôvdh’Èlôhîni Seba’ôt (au lieu d’i ?(o71ê), Ps. lix, 6 ; Lxxx, 5, 20 ; lxxxiv, 9 ; ’Adônaï "ie’iôvâh’Elôhê has-Seba’ôt, Amos, iii, 13 ; ’Elôhîm, Seba’ôt (sans Yehôvdh), Ps. lxxx, 8, 15. Ce nom est surtout fréquent dans les prophètes. Voir le tableau, t. iii, col. 1221. On ne le rencontre ni dans le Pentateuque, ni dans Josué, ni dans les Juges.

2° Signification. — N2X, employé comme nom commun, signifie « une multitude organisée, d’où armée », Num., i, 3 ; xxxi, 36 ; Deut., xxiv, 5, et, par extension, une troupe, une armée au figure : c’est ainsi que les anges ou les troupes angéliques sont appelés Sebâ’ha$sdmaim, l’armée céleste, I (III) Reg., xxii, 19 ; II Par., xviii, 18 ; Ps. ciii, 21 ; cxlviii, 2 ; cf. Jos., v, 14, 15 ; oipactà ojpàvioî, mililia cselestis, Luc, ii, 13 ; les astres sont aussi nommés seb’d haS-sdmaîm, Jer., xxxiii, 22 ; cf. Is., xl, 26 ; xlv, 12, etc. ; Matth., xxiv, 9 (oef 8’jvdtp.si ; tmv o-jpocvûv = ye6’d has-sàmâim, les Septante ayant plusieurs fois traduit sâbd’par Savait ; dans l’Ancien Testament). Les écrivains sacrés, en appelant Dieu Yehôvdh Seba’ôt, nous le représentent donc ayant sous ses ordres, pour exécuter ses volontés, une armée céleste, comme les rois de la terre ont une armée terrestre, et c’est peut-être pour ce motif que cette appellation n’apparait en Israël qu’après l’institution de la royauté. L’armée céleste dont Jéhovah est le Dieu est surtout l’armée angélique, comme l’admettent la plupart des interprètes, quoiqu’il soit en même temps le Dieu des astres dont il est le créateur. Il ne faut donc pas entendre par Sabaoth les armées d’Israël, iii, non plus, l’ensemble des choses créées, comme semblent l’avoir compris les Septante, qui ont traduit Yehôvdh Sebâ’ôf par Kjpioç nscTraxpârwp, « tout-puissant », II Reg., v, 10 ; vii, 8, 26, etc. Voir Gesenius, Thésaurus, p. 1146. On trouve d’ailleurs aussi dans les Septante KûpcoçSa6aw6, I Reg, , i, 3, 11 ; xv, 2 ; xvii, 45 ; Is., i, 9 ; vi, 15, etc., K-jpio ; râv cuvajiéuv, « Seigneur des armées », IV Reg. ; In, 14 (hébreu : Yehôvdh Sebâ’ôf ; Vulgate : Dominus exercituum). F. Vigouroux.

    1. SABARIM##

SABARIM, nom, dans la Vulgate, de deux localitéj qui ont une dénomination différente dans le texte hébreu.

1. CABARIM (hébreu : has-Sebarim, « brèches » ; les Seplante [et le TargumJ prennent ce mot pour un nom commun et traduisent (ruvérpi^acv, « ils mirent en pièces » ), localité des environs de Haï (t. iii, col. 398). Josué ayant envoyé de Jéricho trois mille hommes pour s’emparer de Haï, les habitants les repoussèrent « t les poursuivirent jusqu’à Sabarim en frappant les fuyards. Jos., vii, 5. Cette localité était donc située sur la route qui descendait de Haï à la vallée du Jourdain, mais son emplacement précis n’est pas connu.

2. SASARIM (hébreu : Sibraim ; Septante : [ ; ]’Egpa|inXiii ».], les noms propres contenus, dans le ꝟ. 16

d’Ézéchiel, xlvii, ont été mal coupés), une des localités qui marquent la frontière idéale de la Palestine, au nord, dans le partage de la Terre Sainte par Ézéchiel, xlvii, 16. Sabarim était située entre la frontière de Damas et la frontière d’Émath, mais le site est inconnu. On a proposé d’identitier Sabarim avec Zéphrona, Num., xxxiv, 9, qui, d’après quelques géographes, est la Safrânéh actuelle à l’est de l’Oronte, sur la route de Homs à Hamah, ou avec Schomeriyéh à l’est du lac de Homs. Le P. J. P. van Kasteren, La Frontière septentrionale de la Terre Promise, dans la Revue biblique, 1895, p. 24, 31, identifie le Sabarim d’Ézéchiel avec le Khirbet Senbariyéh, au pied de l’Hermon, à l’ouest de Banias, sur le Nahr Hasbani.

    1. SABATH##

SABATH (hébreu : Sebdt ; Septante : Eagâr ; en babylonien : sa-ba-tu), onzième mois de l’année Juive, de trente jours. Zach., i, 7 ; I Mæh., xw, 14. Voir Buxtorf, . Lexic. chald. talni., 1869, col. 1148. If correspondait à la dernière partie de janvier, et à la première partie de février. Voir Calendrier, t. ii, col. 66.

    1. SABATHA##

SABATHA (hébreu : Sabfdh, Gen., x, 7 ; Sabfâ’,

I Par., 9 ; Septante : Saôarrâ, Saêa-râ), Je troisième des cinq tils de Chus, descendant de Cham, dont la postérité habita probablement la côte méridionale de l’Arabie. Les opinions des géographes sont très diverses au sujet de l’endroit précis de la région de Sabatha.La plupart reconnaissent les traces de la tribu cousebite dans le nom de la ville de Sabalha, ville commerciale importante de l’Arabie heureuse. Ptolémée, VI, 7, 38 ; Peripl. , édit. Mûller, dans les Geogr. min., p. 278, 279, etc. Strabon, XVI, IV, 3, fait de Sagatâ la capitale des XaTpa|i.<<>T ! Tac ; Pline, H.N., vi, 32, 155, dit qu’elle renfermait soixante temples : À tramilæ (aujourd’hui Hadramaut), quorum caput Sabota (Sabatha), sexaginta templa mûris includens. Cf. xii, 32. Ed. Glaser, Skizze der Geschichte und Géographie des Arabiens, t. ii, 1890, p. 252, identifie Sabatha avec Dhu’l Sabtd, a côlé d’El-Abatir, dans l’Yémamah, mais cette identification est très conleslable.

    1. SABATHACA##

SABATHACA (hébreu : Sabtekd’; Septante^ Saëa6axà, Gen., x, 7 ; SEgeÔaydc, I Par., i, 91), le dernier des cinq fils de Chus, descendant de Cham. L’identification du pays représenté par la famille chamitique de Sabathaca est très douteuse. Bochart, Phaleg., IV, 4, Opéra, 1692, t. ii, col. 212, assimile Sabathaca à la ville de 2<xquSdcx(], mentionnée par Ptolémée, VI, 8, 7, et située en Caramanie, aujourd’hui Kirman, sur la rive orientale du golfe Persique. Cette opinion a été adoptée par un assez grand nombre de commentateurs. D’autres placent Sabathaca en Ethiopie. Gesenius, Thésaurus, p. 936. Il s’appuie sur le Targum du Pseudo-Jonathas, qui explique Sabathaca par’Nui, Dang’i, c’est-à-dire Zingis, ville et cap de l’Ethiopie orientale, au nord du cap Guardafui, au sud d’Opone sur le sinus barbaricus. Ptolémée, IV, 7, 10. Ce nom de Zingis subsiste encore dans celui d’une tribu abyssine, les Zeng, qui habitent sur la rive droite du Nil. Voir Maçoudi, Les Prairies d’or, édit, , Barbier de Meynard et Pavet de Courteille, Paris, 1861-1866, t. iii, p. 5. Comme Regma est nommé immédiatement avant Sabathaca, Gen„ x, 7, il est plus vraisemblable de placer cette dernière à l’est de la précédente c’est-à-dire sur le golfe Persique, comme le font observer les partisans de Samydace. Ed. Glaser, Skizze der Gesch. und Geog. des Arabiens, t. ii, p. 252.

    1. SABATHAÏ##

SABATHAÏ (hébreu : Sablai, « sabbatique », né le jour du sabbat ; Septante : EagêocGai ; Vulgate : Sebetliai, dans I Esd., x, 15 ; Vaticanus, Alexandrinus, Sinaiticus : Saâëiôaîoç ; Vulgate : Septhaî, dans

II Esd., vii, 8 ; omis dans les Septante ; Vulgate : Sa

balhai, dans II Esd., xi, 16), lévite contemporain d’Esdras et de Néhémie. La Vulgate traduit, I Esd., x, 15 : « Jonathan et Jaasia… furent établis pour cette affaire (pour régler les points de détail dans la question du renvoi des femmes étrangères épousées par les Juifs), et Mesollam et Sébéthaï, lévites, les y aidèrent. » L’hébreu porte au contraire : « Il n’y eut que Jonathan. .. et Jaasias… pour s’opposer à cela (le renvoi des femmes étrangères), et Mosollam et Sabtaï, le Lévite, les appuyèrent. » Sabathaï figure parmi les Lévites qui furent chargés d’expliquer la Loi au peuple, II Esd., vin, 7 ; xi, 16, parmi les chefs des Lévites qui s’éla-Llirent à Jérusalem et furent chargés de la surveillance des affaires extérieures de la maison de Dieu.

    1. SABATIER Pierre##

SABATIER Pierre, érudit français, bénédictin de la congrégation de Saint-Maur, né à Poitiers en 1682, d’une famille originaire du Languedoc, mort à l’abbaye de Saint-Nicaise à Reims, le 24 mars 1742. Il fit ses études à Paris au collège des Quatre-Nations et à l’âge de 18 ans, il entra à l’abbaye bénédictine de Saint-Faron, à Meaux, et y fit profession le 30 juin 1700. Ses supérieurs l’envoyèrent terminer ses études à l’abbaye de Gaint-Gcrmain-des-Prés, à Paris. Dom Ruinart se l’associa pour la publication du tome v des Annales bénédictines. Après la mort de son maître, il conçut le projet de recueillir tout ce qu’il lui serait possible de retrouver des versions de l’Écriture antérieures à saint Jérôme, et il en annonça la publication en 1724. Son plan était de recueillir toutes les citations qui étaient contenues dans les écrits des Pères et des écrivains ecclésiastiques de l’Église lutine antérieurs à saint Grégoire le Grand et aussi celles qu’il pourrait relever dans les anciens missels, les lectionnaires, les actes des martyrs, etc. Ses recherches absorbèrent sa vie entière. La part qu’il eut le tort de prendre aux querelles du jansénisme l’avait fait exiler à Reims. Le second volume était presque achevé lorsqu’il y mourut à l’âge de 60 ans. Le troisième volume fut publié par les soins de dom Vincent do La Rue et do dom Charles Ballard, ses confrères : Biblionmi Sacrorum latines versiones antiques, seu vêtus Ilalica et cœlerse qusecumque in codicibus manuscriptis et antiquorum libris reperiri foluerunt, ques cum Vulgata lalina ac cum textu yrœco comparanlur, 3 in-f°, Reims, 1743. Les deux premiers volumes renferment l’Ancien Testament et le troisième le Nouveau. Réédité en 1751. C’est le premier travail de ce genre qui ait été publié et quoique l’on ait découvert depuis beaucoup d’autres restes des premières traductions latines, l’œuvre de Sabatier reste toujours une œuvre fondamentale. Voir t. iii, col. 101. La biographie de dom Sabatier se trouve dans le t. m des Versiones antiques.

    1. SABBAT##

SABBAT (hébreu : sabbâf ; Septante : aâèêxiov ; Vulgate : sabbalum), jour du repos chez les Juifs. — Le mot Sabbat vient de Sdbaf, « se reposer, cesser ». L’analogue assyrien, Sabdfu, signifierait plutôt « être disposé, en bon état ». Le sabatfu assyrien était un jour de purification et d’expiation, qui a pour but de rétablir les rapports de bienveillance entre la divinité et l’homme. Il se pourrait donc qu’en hébreu le sens de « repos » ne fût pas exclusif et qu’il se mêlât au mot de Sabbat une idée de fête et d’hommage rendu à Dieu, comme dans le passage du Lévilique, xxv, 2, où il est dit que l’année sabbatique est Sabbâf la-yehôvâh, « un sabbat à » ou « en l’honneur de Jéhovah ». Bien qu’il y ait une certaine analogie, pour la forme et pour le fond, entre sabat et le nom numéral ééba’, « sept », le nom du sabbat ne se rattache, ni étymologiquement, ni historiquement, au nombre septennaire, comme l’a cru Laclance, Jnst., vii, 14, t. v, col. 782.

I. Institution du sabbat. — 1° Il faut chercher chez

les Babyloniens les premières traces de la consécration à la divinité d’un jour sur sept. Voir Semaine. Dans un ancien vocabulaire assyrien, les mots uni nul} libbi, « un jour de l’apaisement du cœur », sont interprétés par SapaUu ou sabattu. Le jour de l’apaisement du cœur était celui où les dieux se rendaient favorables, à cause des prières et des offrandes qu’on leur présentait. On croit qu’il correspondait au quinzième jour du mois, c’est-à-dire à la pleine lune. Cf. Th. Pinches, Sapaltu, the Babylonian Sabbath, dans les Proceed. of the Soc. of biblic. Arch., 1904, p. 51-56. D’autres tablettes contiennent les calendriers détaillés du mois intercalaire Elul et de Marcheswan. On y lit : « À la nuit, le roi présente son sacrifice à Mardouk et à Istar le 7, à Bélit et à Nergal le 14, à Ninib et à Gula le 19, à Samasch, à Bélit malati, à Sin et à Bélit-ilê le 21, à Ea et à Bélit-ilê le 28, il répand l’offrande du sacrifice et sa prière est accueillie du dieu. » Cuneiforni Inscriptions of Western Asia, t. iv, pi. 32, 33. Le texte ajoute les prescriptions suivantes pour ces jours-là : « Le pasteur des peuples nombreux ne doit pas manger de viande cuite sur des charbons ni du pain cuit sous la cendre ; il ne doit pas changer de vêtements, ni prendre de tunique éclatante, ni répandre le don des sacrifices. Le roi ne doit pas monter sur son char, ni parler en maître. Le mage ne doit proférer aucun oracle dans sa demeure mystérieuse ; le médecin ne doit pas étendre sa main vers les malades, et il n’est pas possible de porter un anathéme. » Le Sabattu babylonien apparaît donc comme un septième jour consacré exclusivement à certaines divinités : il n’est pas permis de répandre devant d’autres le don des sacrifices. Le rite religieux accompli ce jour-là rend le dieu propice ; mais il entraîne un certain nombre d’abstentions singulières, qui sont regardées comme incompatibles avec le service de la divinité et qui font que le sabattu est un jour néfaste pour différentes catégories d’actions. On remarquera que les 7, 14, 21 et 28 représentent des septièmes jours, et que le 19 n’est que 7 x 7 = 49 depuis le commencement du mois précédent. Voir Semaine. Cf. J. Hehn, Siebenzahl und Sabbat bei den Babyloniern und im A. T., Leipzig, 1907, p. 106-132.

2° Dès le début du séjour-au désert, les Hébreux sont en possession d’une tradition qui consacre le septième jour par la cessation de certaines occupations. Quand la manne commence à apparaître, Moïse leur commande d’en recueillir double portion le sixième jour ; car « demain, dit-il, est un sabbat, un jour de repos consacré à Jéhovah. » Exod., xvi, 23. Moïse ne donne pas d’autres explications ; c’est donc qu’il fait allusion à une coutume déjà en vigueur, que Jéhovah se propose lui-même de respecter en n’envoyant pas la manne ce jour-là et en lui permettant de se conserver 48 heures. L’histoire des patriarches ne fournit aucune indication sur l’observation du sabbat. La coutume n’en vient certainement pas d’Egypte, malgré l’affirmation de Dion Cassius, xxxvii, 18. Les Égyptiens divisaient le mois en trois décades, présidées chacune par un génie. Des fêtes signalaient le début du mois et de la décade. Cinq jours complémentaires terminaient l’année. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i, 1895, p. 208. Il n’y a là rien qui ressemble au sabbat hébraïque. Pendant la période d’oppression surtout, les Hébreux ont dû se plier à cette manière de compter le temps ; il ne feur fut pas possible alors de se livrer au repos septennaire. C’est donc probablement de Chaldée qu’ils avaient rapporté la coutume originaire du sabbat. Mais on voit immédiatement que leur sabbat différait beaucoup du sabattu babylonien. Il n’était pas consacré à une divinité spéciale, mais toujours à Jéhovah ; il comportait l’abstention de certaines œuvres, comme travailler et faire travailler les animaux, ramasser la manne ou du bois, porter des fardeaux, allumer du

feu, etc. ; . mais ces abstentions s’imposaient à tous et non pas seulement à certaines catégories de personnes. Le sabbat n’était pas considéré comme un jour néfaste, où l’on se fût attiré le malheur en entreprenant certains actes. Enfin, tandis que les sabaftu se comptaient à partir du premier jour du mois, les sabbats se suivaient de sept en sept jours, sans tenir compte du mois lunaire dont les 29 jours 1/2 ne se prêtent pas à une division septennaire exacte.

3° Le récit de la création est écrit par Moïse de manière à servir de base à l’institution sabbatique. Il termine ainsi ce récit : « Disu acheva le septième jour l’œuvre qu’il avait faite, et il se reposa le septième jour de toute l’œuvre qu’il avait faite. Dieu bénit le septième jour et le sanctifia, parce qu’en ce jour-là il s’était reposé de toute l’œuvre qu’il avait créée pour la faire. » Gen., ii, 2, 3. Le septième jour devient donc à la fois un jour sacré et un jour de cessation des œuvres précédentes. Rien de pareil ne s’observe dans le poème babylonien de la création. Moïse a-t-il trouvé cette finale si remarquable dans l’antique document qu’il a pu mettre en œuvre, ou bien l’a-t-il ajoutée lui-même ? Il n’importe. Toujours est-il qu’il fait du sabbat une conséquence et une imitation du septième jour de la création. On ne pouvait trouvera cette institution une origine plus haute et plus directement divine. L’institution du sabbat, tout en rappelant la fin de la création, se rapporte aussi à la délivrance de l’Egypte. Deut., v. 15. En réalité, le sabbat hébraïque différait tellement, par tous ses caractères, du sabatlu babylonien, que Dieu put en faire une des caractéristiques de son peuple : « Ce sera, entre moi et les enfants d’Israël, un signe à perpétuité. » Exod., xxxi, 17 ; cf. Ezech., xx, 12.

4° Au Sinaï, le précepte concernant le sabbat est formulé en ces termes : « Souviens-loi du jour du sabbat pour le sanctifier. » Exod., xx, 8. La mention « souviens-toi » ne se rapporte pas à l’avenir ; autrement elle devrait précéder chaque précepte. Elle suppose une prescription antérieure, plus ou moins bien observée dans le passé, prescription qui n’est pas écrite comme les autres, dans la conscience, mais qui a été l’objet d’un ordre positif de Dieu et dont il est nécessaire de se souvenir. Par lui-même, en effet, ce précepte est en partie naturel et en partie positif. La loi naturelle demande que l’homme consacre à son Créateur une partie des biens qu’il a reçus de lui, afin de reconnaître par là son souverain domaine. À ce titre, il doit à Dieu une partie de son temps, au moins pour penser à lui et se mettre en rapport avec lui par la prière et certains hommages déterminés. Cf. S. Thomas, Suni. theol., II" II*, q. cxxii, a. 4 ad l" m. Mais le temps qui doit être réservé à Dieu n’est pas indiqué par la loi naturelle ; il faut donc que Dieu fasse connaître sa volonté à ce sujet, et il le fait par un précepte positif. Le précepte n’impose rien de particulier au point de vue du culte. Il marque seulement que le sabbat est consacré àJéhovah et que ce jour-là l’homme doit se reposer. Exod., xx, 9, 11. Travailler serait, en effet, consacrer à soi-même le temps que Dieu s’est réservé.

5° La loi du sabbat est fréquemment rappelée. Il faut que ce jour-là tout travail cesse, pour que le bœuf et l’âne, le fils de la servante et l’étranger aient du repos. Exod., xxiii, 12. Le sabbat est institué comme un signe rappelant au peuple que c’est Jéhovah qui le sanctifie, c’est-à-dire qui le met à part de tous les autres peuples et le réserve à son service. Le profanateur du sabbat est puni de mort, et celui qui fait quelque ouvrage en ce jour est passible du retranchement. Exod., xxxi, 1217 ; Deut., v, 12-15. Le sabbat mosaïque apparaît ainsi comme rappelant à l’homme la personnalité du Dieu qui veut sa sanctification, personnalité concrète, sans rien de métaphysique ni d’abstrait, et cette sanctification lai est présentée sous la forme d’un renouvel lement périodique d’ordre moral, et non d’ordre physique ou cosmique. L’idée du repos s’y allie à celle de la période septennaire, et l’une et l’autre sont dominées par celle de l’alliance avec Jéhovah, qui se révèle pour le salut de son peuple. Cf..Bàhr, Symbolik des nwsaischen Cultus, Heidelberg, 1839, t. ii, p. 539.

II. LE SABBAT DANS L’ANCIEN TESTAMENT. — 1° Le

repos prescrit le jour du sabbat excluait les travaux ordinaires et différentes œuvres incompatibles avec le caractère sacré attaché à ce jour. La Sainte Écriture note un certain nombre de travaux et d’actes prohibés : faire cuire des aliments, Exod., xvi, 23, les recueillir, Exod-, xvi, 26-30, labourer et moissonner, Exod., xxxiv, 21, allumer du feu, Exod., xxxv, 3, ramasser du bois, Num., xv, 32-36, transporter des fardeaux, , 1er., xvii, 21, fouler au pressoir, rentrer des gerbes, charger des fardeaux, II Esd., xiii, 15, faire du commerce. II Esd., xiii, 16-18 ; Am., viii, 5. Ce ne sont là évidemment que des exemples signalés à l’occasion de transgressions ou de circonstances particulières. Du texte de l’Exode, xvi, 29, résultait aussi que, le jour du sabbat, chacun devait rester à sa place, ce qui n’excluait pas tout déplacement, puisque ce jour-là il y avait une sainte assemblée, Lev., xxiii, 3, mais ce qui interdisait au moins toute marche un peu prolongée.

2° Dieu attachait une grande importance à la sanctification du sabbat, puisque les infractions étaient punies delà peine de mort ou du retranchement. Exod., xxxi, 14. La loi fut appliquée au désert même, quand, sur l’ordre de Jéhovah, le peuple dut lapider hors du camp un homme qui avait été pris à ramasser du bois le jour du sabbat. Num., xv, 32-36.

3° Le repos ne constituait pas à lui seul tout le sabbat. Ce jour-là, un holocauste spécial de deux agneaux d’un an était offert au Seigneur. Num., xxviii, 9-10. Cf. Ezech., xi/vi, 4. Puis, pour tout le peuple, il y avait assemblée sainte, Lev., xxiii, 3. Voir Assemblée, t. i, col. 1130. Le texte sacré ne dit pas en quoi consistait cette assemblée sabbatique, surtout dans les anciens temps. Elle comportait sans doute des prières communes, des lectures de la loi et de pieux entretiens sous la présidence de quelque personnage autorisé. Quand la Sunamite veut aller trouver Elisée, son mari lui fait observer qu’on n’est ni à la néoménie, ni au sabbat. IV Reg., iv, 23. Il aurait donc regardé comme naturel que sa femme se rendît près du prophète pour le sabbat. Isaïe, i, 13, dit que le Seigneur ne peut supporter que le crime se présente aux assemblées des néoménies et des sabbals. À l’époque des Machabées, des Juifs se rassemblent dans des cavernes pour célébrer en secret le jour du sabbat. II Mach., vi, 11. Cette célébration n’allait donc pas sans quelques exercices religieux ; il eût été inutile de se cacher uniquement pour se tenir en repos. Il est vrai qu’à cette époque le service religieux existait dans les synagogues le jour du sabbat ; mais ce service sabbatique n’avait fait sans doute que continuer une tradition antérieure. On ne jeûnait pas le jour du sabbat. Judith, viii, 6.

4° Le respect du sabbat varie avec les époques chez les Israélites. Ézéchiel, xx, 13, 21, accuse ceux du désert de l’avoir profané, et les termes dont il se sert paraissent bien supposer d’autres profanations que celle qui entraîna la lapidation d’un coupable. Num., xv, 32-36. Isaïe, lvi, 2, 4, 6, proclame heureux ceux qui observent le sabbat et respectent ainsi l’alliance contractée avec Jéhovah. Il ajoute que ceux qui ne s’occupent pas de leurs affaires en ce saint jour et l’appellent « le sabbat des délices », trouveront vraiment leurs délices en Jéhovah. Is., Lvin, 13-14. Ces paroles supposent que le sabbat n’avait pas encore subi les surcharges si onéreuses par lesquelles les docteurs postérieurs à la captivité le rendirent intolérable. Au temps d’Amos, viii, 5, les hommes les plus cupides

n’osent pas exercer leur trafic le jour du sabbat. Jérémie signale différentes infractions à la loi. On fait passer des fardeaux par les portes de Jérusalem en ce jour-là et l’on se permet certains ouvrages. Jer., xvii, 21-27. Aussi Dieu fera cesser les sabbats en Israël, Ose., ii, 11, et à Sion, Lam., ii, 6. Après le retour de la captivité, la loi fut encore très mal observée ; le travail et le commerce allaient grand train à Jérusalem. Néhémie se montra très énergique dans la répression de ces abus. Il fit fermer les portes de Jérusalem pendant plusieurs sabbats et interdit ainsi l’accès de la ville aux marchands tyriens qui y apportaient leurs denrées en ce saint jour. II Esd., xiii, 15-22. — À l’époque machabéenne, la célébration du sabbat fut interdite par Antiochus Épiphane, I Mach., i, 48 ; II Mach., vi, 6, et beaucoup d’Israélites devinrent profanateurs du sabbat. I Mach., i, 45. Par réaction contre l’impiété et zèle de la loi, le parti national, à l’exemple des Machabées, se montra fidèle observateur du précepte divin. Il poussa même l’obéissance jusqu’à un héroïsme exagéré. Les Juifs palriotes, réfugiés au désert, furent attaqués un jour de sabbat par les soldats syriens ; ils crurent que ce serait violer la loi du repos que de se défendre et ils se laissèrent massacrer au nombre de mille. Mathatbias comprit qu’un pareil exemple, s’il était suivi, entraînerait à bref délai la ruine de la nation et il décida

: jue désormais la loi du sabbat n’arrêterait pas la résistance.

I Mach., ii, 32-41. Cf. Josèphe, Ant. jud., XII, vi, 2 ; XIV, iv, 2 ; XVIII, ix, 2. D’autres Juifs, réfugiés dans des cavernes pour célébrer le sabbat, se laissèrent néanmoins brûler sans se défendre, pour ne pas enfreindre la loi. II Mach., vi, 11. Les ennemis s’efforçaient d’ailleurs d’attaquer les Juifs le jour du sabbat, comptant qu’ils n’oseraient pas combattre. I Mach., ix, 43 ; II Mach., v, 25 ; XV, 1. Cf. Josèphe, Ant. jud., XIII, xii, 4 ; XIV, iv, 2. Quand la nécessité ne les y obligeait pas, les Juifs cessaient de combattre à l’approche du sabbat. II Mach., viii, 26-27. Cf. Josèphe, Bell, jud., II, xxi, 8 ; Vita, 32. Pour gagner les Juifs à sa cause, le roi Démétrius I ar leur promit de leur assurer l’immunité le jour du sabbat. I Mach., x, 34. III. Le sabbat et la pratique juive. — 1° Les prohibitions. — À partir de l’époque où le formalisme pharisien exerça son influence sur l’interprétation de la loi, le précepte sabbatique fut l’objet d’une multitude d’explications de la part des docteurs. Leurs décisions se trouvent dans les traités de la Mischna Schabbalh, Erubin et Beza ou Yotn tob. Voir Mischna, t. iv, col. 1128. — a) Énuméralion. —Ils comptaient 39 « pères des œuvres » ou travaux principaux qui entraînaient des actes incompatibles avec le repos sabbatique. Ces travaux étaient les suivants : 1. semer, 2. labourer, 3. moissonner, 4. mettre en gerbes, 5. battre le blé, 6. vanner, 7. nettoyer le grain, 8. moudre, 9. tamiser, 10. pétrir, 11. cuire, 12. tondre la laine, 13. la blanchir, 14. la carder, 15. la teindre, 16. filer, 17. tramer, 18. faire deux points, 19. tisser deux fils, 20. détacher deux fils, 21. nouer, 22. dénouer, 23. nouerdeux points, 24. déchirer pour coudre, 25. chasser une bête, 26. la tuer, 27. l’écorcher, 28. la saler, 29. préparer la peau, 30. la racler, 31. la dépecer, 32. écrire deux lettres, 33. effacer pour écrire deux lettres, 34. bâtir, 35. démolir, 36. éteindre, 37. allumer, 38. se servir du marteau, 39. transporter d’un lieu à un autre. Schabbath, vu, 2. — 6) Commentaires : défense de moissonner, de nouer. — Chacun de cesarticles fournissait matière à nombreux commentaires. Ainsi la défense de moissonner était enfreinte si l’on cueillait deux épis. « Il n’est permis de couper ni une branche, ni un rameau, ni une fleur, ni même de cueillir un fruit. » Philon, Vit. Mosis, ii, 4, édit. Mangey, t. ii, p. 137. La défense de nouer s’interprétait ainsi. Sont prohibés les nœuds des chameliers et des bateliers ; il y a égale faute à les

faire et à les défaire. Il n’y a point faute à dénouer d’une seule main ; une femme peut nouer l’ouverture de sa robe, les rubans de sa coiffure, les bandes de sa ceinture ; on peut nouer les cordons de ses souliers et de ses sandales, les outres de vin et d’huile et le couvercle d’un pot de viande. Schabbath, xv, 1, 2. Quand la ceinture a été nouée, on ne peut la dénouer, même pour descendre un sceau à la fontaine ; il faut alors prendre une corde. Schabbath, xv, 2. — c) Défense d’écrire. — La défense d’écrire donne lieu à des explications des plus méticuleuses. Il y a faute à écrire deux lettres, soit de la main droite, soit de la main gauche, que ce soit deux fois la même ou deux lettres différentes, même avec deux encres distinctes ou en deux langues. On est coupable en écrivant deux lettres même par distraction, qu’on ait écrit avec de l’encre, de la couleur, de la craie, de la gomme, de l’acide, ou quoi que ce soit qui trace des caractères persistants. On l’est encore en écrivant sur deux parois ou sur deux tableaux dont le rapprochement permet de lire ensemble les deux lettres, ou en écrivant sur son propre corps. Il est permis d’écrire sur un liquide opaque, sur du jus de fruits, sur la poussière du chemin, sur le sable, en un mot sur toute matière qui ne garde pas l’écriture. Si quelqu’un écrit à l’envers ou avec le pied, la bouche, le coude, et qu’ensuite on ajoute des lettres ou qu’on superpose une autre écriture ; si quelqu’un a l’intention d’écrire un n et écrit deux tt, si on écrit une lettre sur la terre et l’autre sur le mur, ou sur deux murs de la maison, ou sur deux feuilles d’un livre, de manière qu’on ne puisse les lire ensemble, il n’y a pas de faute. Celui qui, par inadvertance, écrit deux lettres en deux fois, par exemple une le matin et l’autre le soir, est coupable d’après Gamaliel, mais sans faute d’après les docteurs. Schabbath, xii, 3-6. — d) Le chemin du sabbat. — Le chemin que l’on pouvait faire le jour du sabbat était rigoureusement déterminé. On l’appelait fehûni has-sabbâ(, « limites du sabbat », et aaêêizov 656 ; , sabbali iter, « chemin du sabbat ». Act., i, 12. Ce chemin comprenait deux mille coudées, ou environ un kilomètre hors de toute ville, petite ou grande, le chemin parcouru dans la ville même ne comptant pas. La longueur en avait été fixée parles docteurs Barachibas, Siméon etHillel. Cf. S. Jérôme, Epist. cxxi, 10, t. xxii, col. 1031 ; Josèphe, Ant. jud., XIII, viii, 4. On basait cette fixation sur la distance qui avait dû séparer le Tabernacle de l’extrémité du camp des Hébreux. Cf. Jos., iii, 4. La distance de Jérusalem au mont des Oliviers, appelée dans les Actes, i, 12, « chemin du sabbat », était d’après Josèphe, Bell, jud., V, ii, 3, de six stades, soit de 1064 mètres. Ailleurs, Ant. jud., XX, viii, 6, il estime cette distance à cinq stades, soit 887 mètres. On trouva moyen d’allonger ce chemin. Si, la veille du sabbat, on portait ses deux repas hors delà ville, mais dans les limites du chemin sabbatique, il était permis de compter les deux mille pas à partir de cet endroit. De plus si les habitants de maisons différentes convenaient de prendre leur repas en commun, ces maisons n’étaient censées former qu’un seul lieu, ce qui permettait de transporter les objets de l’une dans l’autre. Cf. Gem. Sabbath, xi, 2.

2° Les choses permises. — a) Loi liturgique. — Le service du Temple n’était pas interrompu le jour du sabbat. Les prêtres y remplissaient leurs divers offices comme à l’ordinaire, immolaient les victimes, portaient les fardeaux, allumaient le feu et les lampes, etc. Matth., XII, 5. D’ailleurs des sacrifices particuliers devaient être offerts le jour du sabbat. Num., xxviii, 9, 10. Si la Pâque tombait ce jour-là, on la célébrait conformément aux prescriptions légales, sans tenir compte des défenses contraires résultant du sabbat. Pesachim vi, 1, 2. On imposait également la circoncision, après

avoir eu soin cependant de préparer la veille tout ce qui pouvait l’être. Joa., vii, 22, 23 ; Sehabbath, xix, l-5 ; Erubin, x, 1 1-15. La Pàque et la circoncision devant se célébrer à jour fixe, le sabbat cédait devant elles. — b) Loi naturelle. — Tout péril de mort permettait de transgresser la loi sabbatique. Yoma, viii, 6. Ainsi on prêtait secours à une femme qui accouchait. Sehabbath, xviii, 3. Si un mur s’abat sans qu’on sache s’il y a quelqu’un dessous ou non, s’il est vivant ou mort, s’il est Israélite ou non, on doit enlever de sur lui les décombres même le jour du sabbat ; s’il est vivant, on le tire de là, s’il est mort, on le laisse provisoirement. Yoma, viii, 7. Un médecin peut soigner ce jour-là un homme en danger de mort, Yoma, viii, 6, car tout est permis pour sauver la vie, sauf l’idolâtrie, l’inceste et l’homicide. Gem. Yoma, ꝟ. 82, 25. Un jour de sabbat qu’on trouva Hillel couvert de neige, on le nettoya, on l’oignit et on le porta dans une chambre chaude ; des docteurs dirent qu’il méritait bien qu’on profanât le sabbat pour lui. Gem. Yoma, 15, 2. Le jour de sabbat, on ne doit pas réduire une fracture ; même si quelqu’un s’est donné une entorse à la main ou au pied, il ne doit pas l’arroser avec de l’eau froide. Sehabbath, xxii, 6. Un prêtre qui est de service pour les sacrifices peut, pendant ses fonctions le jour du sabbat, leverun emplâtre d’une blessure ; autrement il ne le peut pas. Si un prêtre se blesse un doigt dans le sanctuaire pendant son service sabbatique, il peut le lier avec un jonc ; autrement il ne le peut pas ; il est d’ailleurs généralement défendu de presser un membre pour en faire sortir le sang. Erubin, x, 13, 14. Si un animal tombe dans une citerne ou un puits le jour du sabbat, on peut faire passer des cordes au-dessous de lui et le remonter ; si toutefois il n’est pas en danger de périr, on doit se contenter de lui donnera manger. De même, on peut mener une bête à l’abreuvoir et puiser de l’eau pour elle, mais sans la porter et en se contentant de la placer devant elle. Sehabbath, v, 1. Gem. ScJiabballi, 128, 1. Cf. Schûrer, Geschichte des jiidischen Volkes, Leipzig, t. ii, 1898, p. 470-478, 491-493.

3° La célébration. — a) La préparation. — La veille du sabbat est appelée mtpa<r/.ev>ï), parasceve, « préparation ». Marc, xv, 42 ; Luc, xxiii, 54 ; Joa., xix, 31. Ce jour-là, en effet, on préparait tout ce qui était nécessaire pour le lendemain. On prenait les soins de toilette nécessaires, on disposait les vêtements, on faisait cuire les aliments, on mettait la table, on allumait les lampes, etc. Si la veille du sabbat tombait un jour de fête ne permettant pas la préparation des aliments, on avisait à ce soin dès le jeudi ; néanmoins les repas du sabbat pouvaient être cuits le jour de la fête. Le père de famille devait veiller à ce que tous ces préparatifs fussent achevés à temps. Le sabbat commençait avec la nuit du vendredi soir pour se terminer le lendemain à la même heure, puisque les Hébreux comptaient les jours d’un coucher du soleil à l’autre. Les docteurs s’étaient demandé quand commence la nuit, et ils avaient posé la règle suivante : quand paraît une première étoile, on est encore au vendredi ; à la seconde, on est entre le vendredi et le sabbat ; à la troisième, on est au sabbat. Berachoth, ꝟ. 2, 2. Le commencement et la fin du sabbat étaient annoncés par des sonneries de trompettes. Cf. Jer. Sehabbath, rvil, ꝟ. 16 a ; Bab. Sehabbath, 35 b. Ces sonneries se faisaient entendre dans le Temple du haut du portique du sabbat. IV Reg., xvi, 18. Cf. Josèphe, Bell, jud., IV, ix, 12 ; Sukka, v, 5. À la première sonnerie, on cessait les travaux des champs ; à la seconde, on fermait les ateliers et les boutiques ; à la troisième, on retirait du feu tous les vases et on allumait les lampes. Trois autres sonneries se succédaient pour marquer la distinction entre le temps profane et le temps sacré. Les lampes allumées caractérisaient, pour les étrangers, le sabbat juif. C’est

pourquoi saint Luc, xxiii, 54, parlant de la fin du vendredi, dit que tsiêSazm iziftaaytzv, sabbatum illueescebat, « le sabbat brillait ». Les femmes étaient chargées d’allumer les lampes ; elles devaient le faire avec joie et à cet acte s’attachait pour elles la faveur d’une sainte postérité et de longues années pour leur mari. Cf. Zohar, i, 486, édit. Lafuma, Paris, 1906, p. 281 ; . Sénèque, Epist., xcv, 47 ; Perse, Sot., v, 179-184 ; Josèphe, Cont. Apion., ii, 39 ; Tertullien, Ad nat., i, 13, t. i, col. 579. — 6) Le service religieux. — Conformément à la loi, le matin du sabbat, on oflrait au Temple, en holocauste, deux agneaux d’un an, et, en oblation, deux dixièmes de Heur de farine pétrie à l’huile avec une libation. Num., xxviii, 9, 10. Cf. Josèphe, Ant. jud., III, x, 1. Dans les synagogues, il y avait deux réunions, une dans la matinée et l’autre l’après-midi. Celle du matin comprenait la récitation du Schéma (Deut., vi, 4-9 ; xi, 13-21 ; Num., xv, 3741), la prière, la lecture de la Loi, la lecture des prophètes, la traduction et l’explication de ces passages et la bénédiction du prêtre. À la réunion du soir, on ne lisait qu’un passage de la Loi. — c) Caractère joyeux du sabbat. — Les Juifs avaient à cœur de justifier le mot d’Isaïe, lvhi, 13, qui donne au sabbat le nom de « délices ». Us revêtaient leurs plus beaux habits, se livraient à la joie, bannissaient tout sujet de tristesse et faisaient au moins trois repas aussi soignés que possible. Au premier repas, au début du sabbat, le père de famille consacrait le saint jour par une coupé de vin et des prières ; puis on se couchait pour dormir la lampe allumée. Le second repas avait lieu à midi, après le service à la synagogue. Au troisième repas, qui se faisait l’après-midi avant la fin du sabbat, le père de famille marquait, par une coupe de séparation, le passage du temps sacré au temps profane et récitait quelques prières. On pouvait alors vaquer aux travaux ordinaires. Saint Augustin, Enar. in Ps. xci, 2, t. xxxvii, col. 1172, accuse les Juifs de son temps de faire dégénérer la joie du sabbat en paresse et en débauches. Pea, viii, 7 ; Gem. Ketuboth, 64, 2. Cf. Reland, Antiquitates sacrée/ Utrecht, 1741, p. 259-263 ; Iken, Antiquitates hebraiese, Brème, 1741, p. 292-303. 4° Le sabbat hors de Palestine. — Partout où ils résidaient, les Juifs se montraient scrupuleux observateurs du sabbat. Les Romains furent obligés de les exempter du service militaire, incompatible avec le repos sabbatique. Cf. Josèphe, Ant. jud., XIV, x, 1114, 16-19. L’empereur Auguste les dispensa de paraître en justice le jour du sabbat, cf. Josèphe, Ant. jud., XVI, vi, 2, 4, et les autorisa à ne prendre part que le jour suivant aux distributions publiques d’argent ou de blé, quand elles se faisaient un jour de sabbat. Cf. Philon, Légat, ad Caj.. 23, édit. Mangey, t. ii, p. 569. — Suétone, liber., 32, raconte qu’à Rhodes un grammairien du nom de Diogène disputait les jours de sabbat, sans doute pour avoir les Juifs parmi ses auditeurs, et que Tibère ayant voulu l’entendre un autre jour, le rhéteur le renvoya au septième. On a signalé, à l’ouest de la Cilicie, une communauté de aaèêauaxai, qui honorait ledieuSabbatisle. Cf. Journal of H ellenic étudies, t. XII, 1891, p. 233. Comme le verbe angêa-a-Çeiv veut dire « célébrer le sabbat », Exod., XVI, 30 ; Lev., xxiii, 32 ; xxvi, 35 ; II Par., xxxvi, 21 ; II Mach., vi, 6, il est probable que cette association avait pour but la célébration du sabbat et que son dieu Sabbatiste se rattachait au culte judaïque plus ou moins directement. Cf. Schûrer, Geschichte, t. iii, 1898, p. 117. — Tacite, Hist., v, 4, dit que les Juifs aiment à se reposer le septième jour, parce que ce jour a vu la fin de leurs peines. Juvénal, Sat., xiv, 105, 106, les accuse de consacrer le septième jour à la paresse. Aristobule et Philon, De septenario, 6, 7, édit. Mangey, 1. ii, p. 281-284, - expliquent au contraire la signification dû

sabbat. Cf. Schiirer, Geschichte, t. iii, p. 387, 420. D’après le Zohar, i, 14 b, édit. La fuma, Paris, 1906, p. 83, les démons étaient obligés de se cacher la nuit et la journée du sabbat et, pendant toute la durée du sabbat, les damnés de l’enfer sont à l’abri du feu. Sur un prétendu fleuve Sabbathion, qui ne coulait pas le septième jour comme les autres jours de la semaine, et donnait ainsi, d’après certains docteurs, l’exemple de l’observation du sabbat, voir Josèphe, Bell, jud., VII, v, 1 ; Pline, H. N., xxxi, 18 ; Reland, Palseslina illustrata, Utrecht, 1714, p. 291-293.

IV. Le sabbat dans le Nouveau Testament. — 1° Discussions. — Notre-Seigneur, au cours de sa vie publique, se heurta fréquemment à des interprétations étroites et ridicules de la loi du sabbat. Il s’appliqua à les corriger, en faisant appel au bon sens du peuple contre le formalisme outré des docteurs. Souvent, il entre dans les synagogues le jour du sabbat, afin d’y pouvoir prendre la parole. Marc, i, 21 ; vi, 2 ; Luc, iv, 16, 31 ; xiii, 10. Mais, quand l’occasion s’en présente, il ne manque pas d’accomplir ou de laisser accomplir des actes qui attirent la censure des docteurs et lui permettent de remettre les choses au point. Un jour de sabbat, il passe à travers les blés avec ses Apôtres, et ceux-ci, qui ont faim et s’inquiètent peu du rigorisme des pharisiens, cueillent des épis, les froissent et mangent le grain. La loi autorisait tout passant à cueillir des épis dans un champ, mais seulement avec la main. Deut., xxiii, 25. Les Apôtres étaient donc dans leur droit. Pourtant, aux yeux des pharisiens, ils transgressaient la loi du sabbat, cir ce jour-là il était défendu de moissonner, de vanner, de nettoyer le grain, et ce qu’ils se permettaient reenait à faire ces actes. Le Sauveur aurait pu justifier ses Apôtres en montrant que l’acte accompli par eux n’avait rien d’une moisson. Il préfère en appeler à la loi naturelle qui permet, quand on a faim, de se nourrir comme on peut, et à la loi liturgique, qui autorise certains actes incompatibles avec le repos du sabbat r David et ses hommes, pressés par la faim, ont mangé les j-ains de proposition réservés aux seuls prêtres, et cas derniers remplissent leurs offices dans le Temple, même le jour du sabbat. Il conclut en disant que 1e sabbat existe à cause de l’homme, et non l’homme à cause du sabbat et que d’ailleurs le Fils de l’homme est le maître du sabbat. C’est donner à entendre f ; ue le Sauveur, Fils de Dieu, a tout pouvoir pour intf ipréter ou même modifier la loi du sabbat, et qu’il nt. permettra pas qu’on en fasse une institution tyrannique. En ajoutant qu’il préfère la miséricorde au sacrifice, il place formellement la loi naturelle au-dessus de la loi rituelle. Matth., xiii, 1-8 ; Marc, ii, 23-28 ; Luc, vi, 1-5. — Un autre jour de sabbat, il se trouve dans une synagogue en même temps qu’un homme ayant la main desséchée. On l’observe pour voir s’il guérir : ’cet infirme. D’après l’interprétation des docteurs, c-a ne peut soigner un malade le jour du sabbat que s’:  ! est en danger de mort ; d’autre part, tous admettent qu’il est permis, ce jour-là, de tirer d’une citerne un animal qui vient d’y tomber. Notre-Seign’. ir s’autorisj de cette concession pour déclarer qu".j homme vaut une brebis et qu’il est légitime d’accorder au premier ce qu’on ne refuse pas à la seconde. Il guérit donc l’infirme d’un seul mot. Matth., xii, 9-14 ; Marc, iii, 1-6 ; lue, vi, 6-11. Saint Luc, en terminant son rr’cit, remarque que les adversaires du Sauveur furent remplis da démence. On se demande, en effet, comment ces hommes pouvaient tenir pour une violation du sabbat une simple parole et une guérison dont le caractère miraculeux ne pouvait se contester.

— À Jérusalem, Notre-Seigneur guérit un malade le jour du sabbat et lui ordonne d’emporter son grabat, ce qui scandalise les Juifs. Joa., v, 8-10, 16. Maître du sabbat, il veut montrer que la loi d’ailleurs respectable

qui défend d’exécuter des transports le jour du sabbat, Jer., xvii, 21, 22, doit céder à une autre loi supérieure, celle de manifester la gloire de Dieu et d’accréditer la mission divine du Messie, en fournissant la preuve d’une guérison radicale et miraculeuse. Il ajoute du reste cette réllexion, qui donne la clef du mystère : « Mon père agit jusqu’à présent et moi aussi j’agis. » Joa., v, 17. L’action de Dieu ne saurait, en effet, être soumise à aucune loi positive, ni humaine ni même divine. En prescrivant au malade d’emporter son grabat, le Sauveur voulut aussi attirer l’attention des Juifs sur ce qu’il venait d’opérer, et il y réussit. À un voyage subséquent, il explique ainsi sa conduite en cette occasion : « J’ai fait une seule œuvre, et vous êtes tous hors de vous-mêmes. Moïse vous a donné la circoncision et vous la pratiquez le jour du sabbat. Si, pour ne pas violer la loi de Moïse, on circoncit le jour du sabbat, comment vous indignez-vous contre moi, parce que, le jour du sabbat, j’ai guéri un homme dans tout son corps ? Ne jugez pas sur l’apparence, mais jugez selon la justice. » Joa., vii, 21-24. Ces paroles montrent que le grief des pharisiens portait beaucoup plus sur la guérison elle-même que sur l’ordre donné d’emporter le grabat. Le Sauveur fait valoir un argument a fortiori, tiré de la pratique de la circoncision, et il reproche justement à ses contradicteurs déjuger selon l’apparence, parce qu’ils ne voient qu’une transgression de leurs prescriptions humaines là où il y a un grand bienfait divin. — Notre-Seigneur choisit encore un jour de sabbat pour guérir l’aveugle-né. Il ne se contente pas d’une parole, mais fait de la boue avec sa salive et en frotte les yeux du malheureux. Les docteurs ne pouvaient que blâmer le secours ainsi apporté à un infirme qui n’était pas en danger de mort, ainsi que la confection de la boue et la friction des yeux, chossa qu’ils jugeaient incompatibles avec le repos sabbatique. Ils en conclurent que « cet homme n’est pas de Dieu, parce qu’il n’observe pas le sabbat ». L’aveugle juge, avec beaucoup plus de bon sens, que « s’il n’était pas de Dieu, il n’aurait rien pu faire ». Joa., ix, 6, 16, 23.

— Une autre fois, dans une synagogue de Galilée, le Sauveur impose les mains, le jour du sabbat, à une pauvre femme toute recourbée et il la guérit. Le chef de la synagogue, indigné de ce qu’il regarde comme une transgression, dit alors à la foule : « Il y a six jours où l’on peut travailler ; venez ces jours-là pour vous faire guérir, et non le jour du sabbat. » Notre-Seigneur réplique alors : « Hypocrites, chacun de vous ne détar.he-t-il pas son bofuf ou son âne de l’étable, le jour du sabbat, pour les mener boire ? Or, cette fille d’Abraham, que Satan a tenue enchaînée dix-huit ans, n’a-t-il pas fallu la débarrasser de cette chaîne même le jour du sabbat ? » Cette réponse fit rougir les contradicteurs et réjouit le peuple. Les premiers sont traités d’hypocrites, parce qu’ils veulent paraître zélés pour la loi et oublient les devoirs de l’humanité, comme celui qui ordonne de porter secours à celui qui souffre. Luc, xiii, 10-17. — À peu de temps de là, le Sauveur est chez un chef des pharisiens, un jour de sabbat, et un hydropique se présente devant lui. « Est-il permis de guérir le jour du sabbat ? » dit le Sauveur à l’assistance. Personne ne lui répondant, il touche I’hydropique et le guérit. Puis il ajoute cette réflexion, à laquelle personne ne peut répliquer : « Qui de vous, si son âne ou son hœuf tombe dans une citerne, ne l’en retire aussitôt, même le jour du sabbat ? » Luc, xiv, 1-6. Cf. C. Wakins, Christi curatio sabbathica, dans le Thésaurus de Hase et Iken, Leyde, 1732, p. 196-211. — Il est manifeste que le Sauveur a eu l’intention de substituer une interprétation plus large de la loi du sabbat à celle qu’avaient fait prévaloir les pharisiens. Dans ce but, il saisit toutes les occasions de guérir ce jour-là et s’autorise da cet argument esseu-i

tiellement populaire qu’il est bien permis d’avoir pour les hommes les attenlions qu’on a pour les animaux. A propos du sabbat, il pouvait faire aux pharisiens le reproche qu’il leur adressait au sujet de leurs multiples purifications : « Vous abandonnez le commandement de Dieu pour vous attacher à la tradition des hommes… Vous annihilez le préceple divin pour observer votre tradition. » Marc, vii, 8, 9.

2° Autres inentions du sabbat. — S. Luc, vi, 1, parle d’un sabbat qu’il appelle Siuiepouptôrov, « secondpremier ». Il s’agit d’un sabbat postérieur à la Vaque, puisque les Apôtres peuvent manger ce jour-là des épis mûrs. Cette appellation ne se lit pas ailleurs et quelques manuscrits l’omettent. Interrogé par saint Jérôme, Epist. LU, 8, t. xxii, col. 534, sur sa signification, saint Grégoire de Nazianze lui répondit plaisamment en éludant la question. Les explications des Pères et des commentateurs sont très divergentes. D’après la Chronique pascale, t. xcii, col. 517, le sabbat ainsi nommé serait le second après le sabbat de la Pâque, à partir duquel on comptait les sept semaines aboutissant à la Pentecôte. Il y aurait eu ensuite un sabbat secondsecond, un sabbat second-troisième, etc. Cette interprétation ne s’impose pas, mais c’est celle qui réunit le plus grand nombre de suffrages. Cf. Knabenbauer, Evang. sec. Luc, Paris, 1896, p. 220-222. On a aussi supposé que les Juifsavaient deux premiers sabbats, l’un au commencement de l’année civile, au mois de lischri, et l’autre au mois de nisan, pendant les fêtes de la Pâque. Ce dernier eût été ainsi le second-premier. Cf. Reland, Antiquitates sacrée, p. 258. Clément d’Alexandrie, Strom., vl, t. ix, col. 270, dit que, si la lune ne paraît pas, les Juifs ne célèbrent pas le sabbat qu’on appelle xpcirov, « premier ». Il y en aurait donc eu un autre appelé « second » et « second-premier » à cause de son rôle par rapport aux suivante. En somme, sur cette question, on ne peut faire que des conjectures. Du reste, elle n’a pas grande importance. — Noire-Seigneur recommande à ses disciples qui auront à fuir de Jérusalem à l’arrivée des armées romaines de prier pour que leur fuite n’ait pas lieu le jour du sabbat. Matth., xxiv, 20. Sans doute, ce jour-là, on ne pouvait s’éloigner de plus de deux mille pas ; mais il était admis que, pour échapper à la mort, on faisait le nécessaire. Toutefois on a droit de supposer que les disciples, se croyant encore astreints à l’observance des prescriptions judaïques, pourraient hésiter sur la gravité du péril, se demander s’il autorisait vraiment la transgression et retarder d’autant leur départ. — Saint Jean, xix, 31, note que, pour ne pas laisser sur la croix le corps du Sauveur, parce que c’était le jour de la préparation et qu’il fallait qu’il fût enlevé avant le sabbat, les Juifs demandèrent à Pilate l’autorisation de le faire. La loi portait qu’un cadavre de supplicié ne devait pas passer la nuit sur le bois, mais qu’il fallait l’inhumer le jour même. Deut., xxr, 23. Cf. Josèphe, Bell.jud., IV, v, 2. En temps ordinaire, il n’y avait pas d’inconvénient à n’achever une inhumation qu’après le soleil couché. Le jour de la préparation, il était rigoureusement indispensable que tout fût terminé à l’heure où commençait le sabbat. L’urgence s’imposait encore davantage dans la circonstance, par le fait que le sabbat suivant coïncidait avec la Pâque des Juifs.

— À l’exemple du Sauveur, on voit les Apôtres se rendre souvent dans les synagogues de la dispersion les jours de sabbat, afin d’y prêcher l’Évangile. Act. xm, 14, 27, 42, 44 ; xvi, 13 ; xvii, 2 ; xviii, 4. Là, en effet, ils trouvaient les Juifs rassemblés et pouvaient plus aisément traiter devant eux la question religieuse. Saint Jacques témoigne que, dans les synagogues de chaque ville, les jours de sabbat, on lisait et on expliquait la loi de Moïse. Act., xv, 21. — Dans l’Épître aux Hébreux, IV, 9, il est question de ffaë6avi<ï|iôc, sabba tismus. L’auteur désigne par ce motle « jour de repos » que Dieu ménage à ses fidèles serviteurs et qui est une participation au « , repos de Dieu », c’est-à-dire à sa vie, à sa grâce et plus tard à sa gloire. — Saint Paul ne veut pas qu’on critique les chrétiens au sujet du manger et du boire, des fêtes, des néoménies, des sabbats. Col., n.l6. Ces institutions mosaïques n’étaient que « l’ombre des choses à venir. » La réalité est dans le Christ, dont la loi évangélique se substitue aux anciennes observances. Dès l’origine de l’Église, le dimanche commença à devenir le jour du Seigneur à la place du sabbat. Voir Dimanche, t. ii, col. 1430. Personne n’avait donc le droit d’assujettir les chrétiens à l’observation du sabbat, comme prétendaient le faire les judaïsants. Au iv « siècle, il y avait encore des chrétiens qui restaient attachés à la pratiques du sabbat judaïque. Le synode de Lacdicée, vers 360, formula à ce sujet son 29e canon ainsi conçu : « Les chrétiens ne doivent pas judaïser et se tenir oisifs le jour du sabbat, mais ils doivent travailler ce jour-là ; qu’ils honorent le jour du Seigneur et s’abstiennent, autant que possible, en leur qualité de chrétiens, de travailler en ce jour. S’ils persistent à judaïser, qu’ils soient analhèmes au nom du Christ. » Cf. Hefele, Histoire des Conciles, trad. Leclercq, Paris, 1907, t. i, p. 1015. — L’observation du sabbat est restée la principale des pratiques extérieures des Juifs. Le Zohar, H, 47 a, dit à ce sujet : « La sanctification du sabbat vaut autant que l’exécution de toutes les autres lois ensemble. » Cf. Sépher ha-zohar, édit. Lafuma, t. iii, 1908, p. 216, et 88*-891>, p. 359-364.

H. Lesêtre.
    1. SABBATIQUE##

SABBATIQUE (ANNÉE) (hébreu : sénat sabbdtôn, Lev., xxv, 4 ; Septante : èvioutôç àvanaiio-eu ;  ; Vulgate : annus requietionis), chaque septième année. — I. La loi. — 1 D Elle est formulée pour la première fois dans l’Exode, xxiii, 10, 11 : « Pendant six années tu ensemenceras la terre et tu en récolteras les produits. Mais, la seplième, tu les laisseras et les abandonneras ; et les indigents de ton peuple les mangeront, et les bêtes des champs mangeront ce qui restera. Tu feras de même pour tes vignes et tes oliviers. » La même loi est répétée avec un peu plus de détail dans le Lévitique, xxv, 1-7. La septième année, il est défendu d’ensemencer, de tailler la vigne et de recueillir les fruits spontanés qui poussent dans le champ ou sur la vigne. Ils peuvent cependant servir à la nourriture de l’Israélite, de son serviteur, de sa servante, du mercenaire, de l’étranger fixé dans le pays et du bétail. — 2° La septième année est encore une année de rémission, semillâh, « ipsutç. En cette année-là, l’Israélite peut exiger le paiementd’une dette par l’étranger, mais il ne peut presser son prochain ou son frère de lui rendre ce qu’il doit, de peur de le réduire à la pauvreté. Deut., xv, 1-6. — 3° Comme on pouvait redouter que l’absence de culture ne causât grand tort à la population chaque année sabbatique, surtout quand celle-ci était suivie de l’année jubilaire qui prohibe également les travaux agricoles, le Seigneur s’engage à y pourvoir : « Si vous dites : que mangerons-nous la septième année, puisque nous ne sèmerons point et ne recueillerons point nos produits ? Je vous enverrai ma bénédiction la sixième année et elle produira des fruits pour trois ans. Vous sèmerez la huitième année, et vous mangerez de l’ancienne récolte ; jusqu’à la récolte de la neuvième année, vous mangerez l’ancienne. » Lev., xxv, 20-22. — 4° A la fin de l’année sabbatique, à l’occasion de la fête des Tabernacles, on devait faire la lecture publique de la Loi, c’est-à-dire du Deutéronome. Deut., xxxi, 10, 11. Cf. Sota, vii, 8.

II. L’interprétation. — 1° La loi interdit tout travail agricole la septième année. L’homme se repose le septième jour, la terre se reposera la septième année ;

ce qui sera également un hommage rendu au maître de toutes choses et une reconnaissance de son souverain domaine sur le sol attribué anx Israélites. Moïse ne parle que du travail agricole, labourage, moisson, culture de la vigne, vendange, cueillette des olives. Le texte sacré ne mentionne que les oliviers parmi les arbres dont la culture et la cueillette sont prohibées l’année sabbatique, parce que ces arbres étaient ordinairement plantés en grand nombre et que la récolte des olives ressemblait assez à la vendange. Les autres arbres fruitiers étaient plus isolés et les fruits en étaient cueillis un peu au jour le jour, suivant leur maturité et sans grand mouvement dans l’ensemble de la population. Néanmoins il est à croire que ces fruits étaient à la disposition de tous pendant l’année sabbatique. Les autres travaux ne sont nullement prohibés ; l’Israélite les continue comme les années ordinaires. Cette année-là, il cessait donc d'être un peuple agricole pour redevenir un peuple pasteur, tel qu’il avait été à ses origines et au désert. Il ne pouvait faire ni moisson, ni vendange, ni cueillette régulières ; il vivait sur le produit de l’année précédente. Mais les fruits spontanés du sol appartenaient à tous, sans distinction, à condition sans doute de les prendre au jour le jour et sans rien du grand mouvement des récoltes annuelles. Il va de soi que l’année sabbatique était la même pour tous et qu'à certains égards elle avait des analogies aveo le jour du sabbat, qui était le même pour tous et imposait à tous les mêmes obligations. L’année sabbatique assurait le repos à tous ceux qui d’ordinaire se livraient aux travaux des champs ; ce repos leur permettait d’ailleurs de se livrer à d’autres occupations utiles, construction et réparation de maisons, réfection des murs de clôture, forage de puits et de citernes, fabrication d’instruments agricoles, etc. De plus, les troupeaux n’avaient pas besoin d'être emmenés dans de lointains pâturages ; ils passaient sur les terres mêmes de Palestine et les fécondaient de leurs engrais. Les bêles sauvages elles-mêmes pouvaient être plus aisément chassées à travers les champs incultes et les vignes à l’abandon. — 2° La loi sur la libération de l’esclave hébreu n’a rien de commun avec la loi de l’année sabbatique. Exod., xxi, 2 ; Deut., xv, 12-18. Quelques auteurs pensent que la libération était prescrite en ce sens qu’un esclave hébreu ne pouvait servir plus de six ans, mais que si l’année sabbatique intervenait avant la fin de cette période, il recouvrait sa liberté. Cf. De Hummelauer, In Exod. et Levit., Paris, 1897, p. 214. Mais Moïse parle toujours de septième année pour la libération de l’esclave hébreu et il n'établit jamais de relation entre cette septième année et l’année sabbatique. Josèphe, Ant. jud., III, xii, 3, ne parle pas non plus de cette libération à propos de l’année sabbatique. Il faut donc s’en tenir à l’opinion la plus commune parmi les commentateurs, qui voient dans les six ans de service de l’esclave une période absolument indépendante. Voir Esclave, t. ii, col. 1922. — 3° La mesure prise en faveur des débiteurs pendant l’année sabbatique s’explique d’elle-même. Ne recueillant rien de ses champs ni de ses vignes, l’Israélite peu aisé n'était pas capable de payer les dettes qu’il avait contractées. Il était juste de régler ses obligations en tenant compte de la loi du repos. Le législateur veut donc que l’année sabbatique soit pour le débiteur une année de èemiltûh. Deut., xv, 9 ; xxxi, 10. Ce mot vient du verbe Sâmat qui signifie « repousser, renvoyer ». Le verbe Sdmat est employé dans l’Exode, xxiii, 11, pour dire qu’il faut « abandonner > la terre sans la cultiver la septième année. Pour rendre le substantif hébreu, les Septante se servent du mot âfeatç, « renvoi, décharge, remise ». Un certain nombre d’autpnrs ont pensé que cette rémission impliquait, de la part du créancier, l’abandon total et définitif de ses droits.

Ainsi l’ont compris les talmudistes, Sahebiit, x, 1 ; PhiIon, De seplenario, édit. Mangey, t. ii, p. 277, 284, etc. Fr. Buhl, La société israélite d’après l’A. T., trad. de Cintré, Paris, 1904, p. 171, 172, soutient encore cette interprétation, en faisant valoir que l’avertissement donné par Moïse, Deut., xv, 9, n’aurait aucun sens s’il ne s’agissait pas d’une remise absolue des dettes. Les commentateurs modernes admettent généralement que Moïse n’a en vue qu’une prorogation des obligations du débiteur. L’année sabbatique, le créancier « relâchait sa main, » il ne pressait pas son débiteur, il abandonnait sa créance comme le cultivateur abandonnait sa terre, c’est-à-dire avi c l’intention et le droit de la reprendre l’année suivante. Moïse ne veut pas que l’approche de l’année sabbatique empêche l’Israélite de prêter à son frère pauvre. La crainte de l’Israélite ne portait pas nécessairement sur l’obligation de renoncer totalement à sa créance ; elle pouvait être également motivée par la nécessité d’attendre une année de plus avant de recouvrer son bien. Qui ne voit d’ailleurs à quel inconvénient aurait prêté une loi prescrivant tous les sept ans la remise des dettes ? Personne n’aurait plus prêté et les malheureux que la nécessité obligeait à emprunter n’auraient plus jamais trouvé de prêteur ; en définitive, un prêt eût presque toujours dégénéré en don, par le fait du débiteur intéressé. Cf. Rosenmûller, InDeuteron., Leipzig, 1798, p. 427, 428 ; Bàhr, Symbolik des tnosaischen Quitus, Heidelberg, 1839, t. ii, p. 570 ; De Hummelauer, In Deuteron., Paris, 1901, p. 338, 339. Voir Dette, t.n, col. 1394. — Le code d’Hammourabi ne mentionne aucune institution analogue à celle de l’année sabbatique. Il prescrit cependant que, les années où l’orage inonde un champ et emporte la moisson et où la sécheresse empêche le blé de pousser, le fermier n’a pas d’intérêt à payer au créancier. Cf. Scheil, Textes élamites-sémitiques, Paris, 1902, p. 41, art. 48. De même, chez les Hébreux, les champs ne produisant rien pendant l’année sabbatique, le débiteur était dispensé, non de payer l’intérêt que prohibait la loi mosaïque, mais de rendre cette annéelà le montant de sa dette. On a constaté, chez les Nabuthéens de la presqu'île Sanaïtique, le droit pour les pauvres de faire la cueillette des dattes certaines années. Voir Jubilaire (Année), t. iii, col. 1753.

III. La pratique. — 1° En menaçant les Israélites de la déportation qui châtiera leurs infidélités, Moïse dit qu’alors « la terre se reposera et jouira de ses sabbats. » Lev., xxvi, 34, 43. Il prévoit donc que la loi sur l’année sabbatique ne sera pas toujours observée. C’est ce qui arriva en effet. Pendant la captivité de Babylone, le pays put « jouir de ses sabbats. » II Par., xxxvi, 21. — Après la captivité, les Israélites s’engagèrent à « laisser la terre la septième année et à n’exiger le paiement d’aucune dette. » II Esd., x, 31. La loi était observée fidèlement à l'époque des Machabées. I Mach., vi, 49, 53. — Le peu de place que la loi sur l’année sabbatique semble tenir dans la vie des anciens Israélites a suggéré plusieurs objections. N’aurait-elle pas été introduite seulement après l’exil ? Au lieu d'être générale pour tout le pays, n’aurait-elle pas été applicable pour chacun après six ans de culture, de même que les esclaves hébreux étaient libérés après six ans de servage, sans qu’il y eût coïncidence générale entre toutes les années de repos ? Ne pourrait-on pas interpréter les textes en ce sens seulement que les terres étaient cultivées comme d’habitude, mais que, la septième année, le produit en était abandonné aux pauvres pour leur subsistance du présent et de l’avenir ? Enfin, aucune pratique religieuse spéciale n’est attachée à l’année sabbatique, contrairement à toutes les analogies. — Sur ce dernier point, la lecture publique de la loi peut suffisamment caractériser l’année sabbatique au point de vue religieux. Quant anx aulies supposi

XLiv, 1-12. — On mettait les provisions dans un sac, comme ce paysan égyptien qui se rend au marché (fig. 272). Quand les Gabaonites viennent pour traiter avec Josué, ils portent leurs provisions dans de vieux sacs, pour faire croire qu’ils arrivent de très loin. Jos., ix, 4. On apporte à Elisée vingt pains d’orge et des épis dans un sac. IV Reg., iv, 42. Notre-Seigneur ne veut pas que ses disciples aient des sacs à provisions quand ils vont en mission. Luc, x, 4 ; xxii, 35, 36. — Les sacs servent aussi à mettre de l’argent. Prov., vii, 20. Giézi ramasse dans deux sacs les deux talents d’argent qu’il a reçus de Naaman. IV Reg., v, 23. Le Sauveur veut qu’on se fasse des sacs à argent qui ne s’usent pas, Luc, xii, 33, en distribuant ce qu’on a en aumônes. Voir Bourse, t. i, col. 1899, et les fîg. 595599. — David, avant d’aller à Goliath, met dans son sac de berger cinq pierres destinées à sa fronde. I Reg., xvii, 40. On mettait également dans un sac les pierres qui servaient de poids pour les transactions courantes. Deut., xxv, 13, Prov., xvi, 11 ; Mich., vi, 11. — Judith emporte dans un sac la tête d’Holoferne. Judith, xin, 11. - Quand un sac avait été touché par une bête impure, on le lavait et il restait impur jusqu’au soir. Lev., xi, 32. — Les versions rendent souvent par (Tanxo ; , saccus, le mot saq, même dans des passages où il désigne, non plus le sac d’étoffe grossière, mais le vêtement de poil de chameau ou de chèvre qui servait dans les jours de deuil ou de pénitence. Voir Cilice, t. ii, col. 759, et t. iv, col. 23, fig. 11, à gauche, les Juifs revêtus du sac ou cilice, qui sont conduits

devant Sennacherib.
H. Lesêtre.
    1. SACERDOCE##

SACERDOCE (hébreu : kekunnâh ; Septante : Upaxei’a ; iepaTeu[ » a, Vulgate : sacerdotium). Voir Grand-Prètre, t, iii, col. 295 ; Prêtre, 1. v, col. 640.

    1. SACHACHA##

SACHACHA (hébreu : Sekàkdh, « clôture, haie » ; Septante : Ato^coÇâ ; Alexandrinus : Soj(oxâ)i une des six villes de la tribu de Juda qui étaient situées dans le désert (midbâr) de Juda, c’est à-dire à l’ouest de la mer Morte. Jos., xv, 61. Elle est nommée entre Meddin et Nebsasa, mais le site n’en est pas connu. Elle se trouvait probablement entre le Cédron et Engaddi.

    1. SACHAR##

SACHAR (hébreu : Sàkàr, « salaire » ), nom de deux Israélites.

1. SACHAR (Septante : ’A-^ip ; Alexandrinus : Eocxâp 1, père d’Ahiam, un des gibbôrim de David (t. i, col. 292). I Par., xi, 35. Il est appelé Sarar, II Reg., xxiii, 33.

2. SACHAR (Septante : Ea^* ?) » lévite, quatrième (ils d’Obédédom, un des portiers de la maison du Seigneur. I Par., xxvi, 4.

SACRE des rois. Voir Roi, col. 1117. —Consécration du grand-prêtre, voir t. iii, col. 297 ; des prêtres, voir t. v, col. 646.

    1. SACREMENT##

SACREMENT (Vulgate : særamenlum). Le mot latin vient de sacrare, « consacrer, dédier », et a des significations tTès diverses. — 1° Le sacramentum comme terme technique légal, désignait une somme d’argent que deux parties en procès déposaient in sacro ; celui qui gagnait sa cause recouvrait ce qu’il avait versé ; celui qui la perdait perdait en même temps son dépôt qui revenait au trésor public ; il signifiait de plus, par suite, la cause en discussion elle-même. Comme terme militaire, sacramentum signifiait l’engagement préliminaire pris par ceux qui s’enrôlaient et le serment d’obéissance au commandement. Sous l’empire, ce serment fut souvent aussi prêté par les sujets. À partir d’Horace, Od., II, xvii,

10, sacramentum devint synonyme de serment en général. Il n’est pas employé dans l’Écriture dans tes diverses acceptions.

2° Dans la Vulgate, le mot sacramentum n’apparaît dans l’Ancien Testament que Tob., xii, 7 ; Dan., n. 18, 30, 47 ; iv, 6 ; Sap., ii, 22 ; vi, 24 ; xii, 5. Dans le chaldéen de Daniel, le mot original est razâ’; la traduction grecque l’a rendu par p.xKxzr, f iow ; c’est ce même mot grec qui est employé dans les passages de Tobie et de la Sagesse où no’re Vulgate s’est servie du mot sacramentum (excepté Sap., xii, 5, où le grec porte |jiuerTa8éia, mot diversement interprété et probablement altéré ; une leçon porte èx [autoO ^.ûo-ta ; 9c1170u, « initiés à d’horribles mystères » ). C’est également le même mot (jiusrôptov 1 u i se lit dans les endroits du Nouveau Testament où notre version latine a sacramentum. Ce dernier mot a donc dans le latin scripturaire la même signification que fnxxTriptov dans la Bible grecque. Voir Mystère, t. iv, col. 1368. — Il signifie 1° un secret, Tob., XII, 7 (secret royal) ; Sap., ii, 22 (secrets divins) ;

— 2° une chose cachée et mystérieuse, Dan., Il, 18, 19, 30, 47 (songe mystérieux de Nabuchodonosor) ; IV, 6 ;

— 3° les mystères de la religion chrétienne, le mystère de l’Incarnation, magnum pietatis sacramentum, I Tim., iii, 16 ; la vocation des Gentils, Eph., i, 9 ; iii, 3, 9 ; Col., 1, 27 ; — 4° un sens caché, une signification symbolique. Apoc, i, 20 ; xvii, 7. Dans Eph., v, 32, saint Paul, après avoir parlé de l’union mystique qui existe entre Jésus-Christ et son Église, et rappelé les paroles de la Genèse, ii, 24 (d’après les Septante), relatives à l’institution du mariage, ajoute : Sacramentum hoc magnum est ; ego autem dico in Christo et in Ecclesia. Le sens est : l’union de Jésus-Christ avec son Église est la plus intime et la plus sainte des unions ; le mariage en est l’image sensible, un mystère (i.uazr t ptov ) qui a une signification supérieure. Le mot sacramentum n’est donc pas ici une preuve proprement dite delà sacramentalité du mariage humain, mais c’est néanmoins probablement de là qu’est venue la signification chrétienne attachée au mot « sacrement ». Le concile de Trente, sess.xxiv, de Malrimonio, remarque que le langage de saint Paul « insinue », innuit, le caractère sacramentel du mariage. — Pour les sacrements proprement dits, voir Baptême, t. i, col. 1433 ; Confirmation, t. ii, col. 919 ; Pénitence, t. v, col. 42 ; Cène (pour l’Eucharistie), t. ii, col. 416 ; Extrême-Onction, t. i, col. 2140 ; Ordre, t. iv, col. 1854 ; Mariage, t. iv, col. 770. L’emploi du mot sacramentum avec sa signification chrétienne restreinte se trouve déjà dans Tertullien. Il commence son traité De baptismo, 1, t. i, col. 1197, par ces mots : Félix sacramentum aqux noslrse, quia ablutis delictis prislinse csecitatis in vitam ssternam liberamur. Il appelle aussi l’Eucharistie sacramentum. Adv. Marc., iv, 34 ; v, 8, t. ii, col. 442, 489. Saint Cyprien et saint Augustin font un fréquent usage du même mot dans le même sens.

3° Sacrements dans l’Ancien Testament. — La place importante que tiennent les sacrements dans l’économie de l’Église chrétienne a porté les théologiens à rechercher s’ils avaient existé dans la synagogue. Celle-ci n’a pas possédé des sacrements produisant la grâce par eux-mêmes, mais les sacrifices, les cérémonies, les onctions, les bénédictions qui se pratiquaient dans la religion mosaïque étaient figuratifs des sacrements de la loi nouvelle : la circoncision figurait le baptême ; l’agneau pascal, la mort de Jésus-Christ ; les pains de proposition, la sainte Eucharistie ; l’onction des prêtres, le sacrement de l’ordre, mais c’étaient infirma et egena elementa, dit saint Paul, Gal., iv, 9. Comme l’explique saint Augustin, Enarr. in Ps. lxxiii, 1, t.xxxvi, coI.931 : Sacramenta Novi Teslamenti dant salutem ; sacramenta Veteris Testamenti promiserunt Salvalorem. Et Epist. uv, 1, 1. xxxiii, col. 200, il montre la supériorité des sacrements chrétiens : Sacramentis numero paucissimis, observatione facillimis, significatione prœstantissimis [Christus] societatem novi populi colligavit, ou, comme il le dit en d’autres termes, Lib. cont. Faust., xii, t. xviii, p. 320 a : Virtute majora, utilitate meliora, actu faciliora, numero pauciora quam antiqua.

SACRIFICE (hébreu : ’išsék, de ’êš, « feu » ; minḥâh, zébaḥ, qorbân ; chaldéen : minḥah, debaḥ ; Septante : θυσία, δώρον, προσφορά ; Vulgate : sacrificium, oblatio), offrande à la divinité d’un être animé où inanimé, mis ensuite hors de tout usage profane par l’immolation ou la destruction.

I. Les sacrifices en général.

Universalité.

Dans toutes les religions anciennes, si haut qu’on puisse remonter vers leurs origines, on constate l’existence des sacrifices. Les hommes offrent à la divinité leurs animaux domestiques et les aliments qui les nourrissent eux-mêmes. Ils immolent ces animaux et ainsi renoncent à l’utilité qu’ils en tiraient ; ils détruisent les aliments et les autres objets qu’ils ont offerts et cessent eux-mêmes d’en profiter. Tous ces êtres ont été consacrés à la divinité, ils lui appartiennent


273. — Chevreau offert en sacrifice à la déesse Istar.
Rich, Narrative of a journey to the site of Babylon in 1811, pl. x, 10.


exclusivement et l’homme n’a plus aucun droit à en faire usage. Seulement, quand il s’agit d’animaux immolés, l’homme croit bien agir en mangeant quelque chose de ce que la divinité a agréé pour elle-même. D’après S. Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ », q. lxxxv, a. 1, l’offrande des sacrifices est de droit naturel, parce que la raison commande à l’homme d’offrir à Dieu, en signe de soumission et d’hommage, quelques-unes des choses sensibles qui sont à son usage, comme on fait vis-à-vis des maîtres dont on veut reconnaître la domination.

Variété de formes.

Les anciens, en offrant des sacrifices, ne se sont pas toujours rendu compte de la vraie portée de ces actes religieux. En Orient, ils traitaient volontiers leurs dieux comme des maitres qui recevaient des tributs et des présents, se nourrissaient plus ou moins subtilement des victimes qu’on leur immolait et des mets qu’on leur consacrait, Dan., xiv, 5, se rendaient favorables à ceux qui leur faisaient des offrandes et, possesseurs incontestables de tous les biens de la terre, en laissaient la jouissance aux hommes, à condition d’en recevoir eux-mêmes les prémices. Ils croyaient aussi qu’en mangeant une partie des victimes immolées, ils prenaient place à la même table que le dieu, ce qui scellait l’amitié entre eux et lui. — Les Arabes sacrifiaient le chameau, le bœuf et la brebis. Par l’effusion du sang d’une victime domestique, ils entendaient établir le lien du sang entre eux et leur dieu, autant qu’il était possible de le faire. Cf. Hérodote, iii, 8. Ils versaient ce sang sur l’autel de la divinité ou en oignaient les pierres qui lui étaient consacrées, afin de l’atteindre d’aussi près qu’il se pouvait. La manducation de la victime, toujours dans le même but, constituait une partie essentielle de leurs sacrifices. — Les Chananéens offraient des victimes plus variées, le bœuf, le veau, le cerf, le bélier, le bouc, l’agneau, le chevreau, le faon et deux espèces d’oiseaux, avec des oblations de céréales, d’huile, de lait, de graisse et probablement de vin. Ils avaient un sacrifice dans lequel tout était consommé, un sacrifice dans lequel le prêtre seul prélevait une partie de la chair, et une autre dans lequel le prêtre et l’offrant se partageaient ce qui n’allait pas à l’autel. Les Chananéens ont surtout multiplié odieusement les sacrifices humains, sacrifices de nouveau-nés et spécialement de premiers-nés, dont on a retrouvé les restes dans leurs anciennes villes, parfois consumés par le feu, et dont les restes étaient enfermés dans des jarres. À Gazer et à Mageddo, on a retrouvé de ces cadavres d’enfants dans les fondalions, comme pour dédommager la divinité de l’occupation d’un sol qui lui appartenait. L’immolation des premiers-nés par les Chananéens est mentionnée dans la Bible. Jos., vi, 26 ; III Reg., xvi, 34 ; IV Reg., iii, 27. Des victimes plus âgées étaient ainsi offertes et enfouies avec de grandes jarres contenant les provisions et l’eau nécessaires aux morts. Cf. H. Vincent, Canaan, Paris, 1907, p. 188-198.


274. — Sacrifice d’un chevreau. Derrière l’autel, la statue du dieu Dionysos. Sur l’autel allumé, la prêtresse va égorger un chevreau, considéré comme victime agréable à Dionysos. Près de l’autel est une table sur laquelle une femme vient déposer des offrandes. D’après un vase peint.


On a ainsi retrouvé à Gazer une tombe avec un agneau placé sous les genoux du mort. Il y avait probablement là une offrande destinée à ménager au mort la faveur de la divinité. Cf. H. Vincent, ibid., p. 253. — Les Chaldéens offraient en sacrifice le taureau, la brebis, la chèvre, l’agneau, le chevreau (fig. 273), la gazelle, le porc lui-même, et des oiseaux de différentes sortes. Ils y ajoutaient des oblations de dattes, de légumes, de blé, d’ail, d’épices, d’encens, de vin de dattes, de lait, de beurre, de crème, de miel et de sel. C’est chez eux qu’était le plus accentuée l’idée que le sacrifice servait à alimenter les dieux. Voir Odeur, t. iv, fig. 455, col. 1739. — En Egypte, le sacrifice avait aussi ce dernier caractère ; c’était un vrai banquet que l’on offrait au dieu. On lui immolait le taureau dont une partie était brûlée pour son usage, tandis que le reste était partagé entre les assistants. À la victime, on ajoutait des oblations de gâteaux, de fruits, de légumes et de vin. Pendant que le dieu se nourrissait, on pouvait lui adresser toutes les demandes, à condition que l’officiant procédât scrupuleusement en tout suivant les rites convenus et proférât exactement les formules indispensables. La divinité était alors liée par une sorte de contrat envers le solliciteur. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, 1895, t. i, p. 122-124, 680-681. D’après Hérodote, ii, 39, 40, on chargeait d’imprécations la tête de la victime, afin de détourner sur elle tous les malheurs qui menaçaient le pays on les particuliers ; ensuite on vendait cette tête à des Grecs ou on la jetait à la rivière. La partie de la vie-
274 bis. - Suovehaurilia, Sacrifice de purification. Bas-relief du Louvre.
lime que l’on brûlait était remplie de pains de pure farine, de miel, de raisins secs, de figues, d’encens, de myrrhe et d’autres substances aromatiques ; on répandait de l’huile sur le feu pour activer la combustion. — Les Perses ne brûlaient pas les victimes de leurs sacrifices, pour ne pas souiller le feu. La divinité se contentait de l’offrande de la vie. Celui qui offrait la victime la coupait en morceaux, qu’il faisait bouillir et étendait sur l’herbe ; puis, après une invocation chantée par un mage, il l’emportait pour en disposer à son gré. Cf. Hérodote, i, 132. Cette herbe était comme le siège de la divinité, invitée à prendre sa part du festin. Cf. Oldenberg, La religion du Véda, trad. Henry, Paris, 1903, p. 26 ; Lagrange, La religion des Perses, Paris, 1904, p. 17-18. — Les Grecs sacrifiaient à leurs dieux de jeunes bœufs, des moutons, des chèvres (fig. 274), des porcs, parfois des chiens et du gibier. D’après eux, « le produit de la nature croissant par lui-même ne devait pas servir de victime, mais bien ce que l’homme s’était approprié à force de peine et de soins et ce qu’il avait fait entrer dans la sphère humaine. D’après l’opinion généralement répandue dans la haute antiquité, le sang est le siège de l’âme et de la vie, et, par cette raison, agréable à la divinité, puisqu’il constitue l’essence de tout le monde animal et qu’il forme ce qu’il y a de sublime et de meilleur dans la nature ; le sang est donc particulièrement propre à être offert à la divinité comme un don et un témoignage de reconnaissance pour des bienfaits obtenus. Par contre, le sang, par ses rapports étroits avec les passions humaines, passe pour la racine et le siège du péché, dont l’expiation doit en conséquence se faire par le sang, et dont la faute et la tache doivent être lavées par le sang. La divinité permettait quelquefois de substituer un sang étranger à son propre sang, ce qu’on regardait comme une grâce particulière. Voilà la signification des sacrifices d’animaux qu’on tuait avec les couteaux, même quand on les consacrait à la divinité en holocauste et sans en manger ; ou bien, quand on les assommait avec la massue, on leur coupait pourtant la gorge afin de recueillir le sang et de pouvoir le consacrer à la divinité, en aspergeant l’autel ou en le répandant autour de celui-ci. » Dollinger, Paganisme et Judaïsme, trad. J. de P., Bruxelles, 1858, t. i, p. 312. Outre le sacrifice expiatoire, les Grecs en avaient d’autres pour rendre hommage à la souveraineté divine, la remercier de ses dons, implorer sa protection, avec l’idée d’une certaine jalousie chez les dieux et de la nécessité de la calmer par la cession volontaire d’une partie de ce que l’on possédait. — Les Romains suivaient à peu prés les mêmes rites que les Grecs ; mais chez eux les sacrifices expiatoires étaient bien plus nombreux (fig. 275). Les victimes choisies avaient certains rapports avec les divinités auxquelles on les offrait. Une loi des xh Tables ordonnait de présenter à chacune d’elles des victimes qui lui fussent agréables. Un soin méticuleux présidait à leur choix et surtout à leur immolation, la moindre négligence et le moindre accident ayant pour effet de rendre le sacrifice inutile. Le sang de la victime était toujours répandu. Les holocaustes ne s’offraient guère qu’aux divinités infernales. Dans les autres sacrifices, la chair de l’animal était vendue au compte de l’état ou partagée, suivant les cas, entre les prêtres, les victimaires et les particuliers.


275. — Suovetaurilia. Sacrifice de purification, dont les trois victimes sont le porc, le bélier et le taureau. Bas-relief romain. D’après Baumeister, Denkmäler des klassischen Attertums, t. iii, fig. 1799.

Cf. Bouché-Leclercq, Les pontifes de l’ancienne Rome, Paris, 1871, p. 61-68, 93-110. Les lectisternia accusaient encore davantage l’idée du commerce de l’homme avec les dieux. C’étaient des repas solennels qu’on offrait aux images des dieux (fig. 276), et dans lesquels les epulones exerçaient la double fonction d’organisateurs et de consommateurs. Cf. Valère Maxime, ii, 1 ; Arnobe, vii, 32 ; Tite Live, v, 13 ; vii, 2 ; viii, 25 ; xlii, 30 ; etc. — Chez les Gaulois et les Germains, on immolait surtout des hommes. 3° Éléments communs.

Tous ces rites anciens, malgré la diversité de leurs formes, ont des points communs dont la réunion constitue l’essence même du sacrifice. Partout il y a d’abord une offrande à la divinité. Cette offrande n’est pas quelconque ; elle consiste en victimes utiles à l’homme, en rapport plus ou moins direct avec lui, et dignes d’être agréées par la divinité, sous peine de l’irriter au lieu de la fléchir. Puis, la victime est invariablement immolée et son sang répandu. Le sang, c’est la vie, et nulle offrande plus précieuse que celle-là ne peut être présentée à la divinité, de laquelle seule vient toute vie. Enfin l’homme, qui fait un tel présent à la divinité pour l’apaiser ou se la rendre favorable, tient à recevoir un témoignage sensible de l’efficacité de son sacrifice. Il estime que le dieu auquel il l’a offert lui permet de s’asseoir à sa table et de partager avec lui le festin sacré (fig. 277).

En se nourrissant de la chair de la victime, il devient le commensal de la divinité, ce qui est pour lui le gage suprême du pardon ou de la bienveillance. Cf. Lagrange, Études sur les relig. sémitiques, Paris, 1905, p. 246-274.

Idée de la substitution.

Un autre élément capital est à constater dans ces sacrifices anciens, surtout quand ils ont un caractère expiatoire. L’homme se sent coupable ; aussi, bien souvent, c’est l’homme qui est immolé. Mais la victime n’est pas identique au coupable ; ce dernier se substitue le prisonnier de guerre ou un homme plus faible que lui. Puis, avec le temps, à une vie humaine on substitue une vie animale et les dieux sont censés agréer cette substitution, que l’on croit légitime et efficace. C’est ainsi qu’en Egypte on détourne sur la tête de la victime-animale, par des imprécations, les maux qui pourraient atteindre les hommes eux-mêmes. Le bœuf choisi pour l’immolation était marqué d’un sceau, cf. Hérodote, ii, 38, et ce sceau représentait un homme agenouillé, attaché à un pieu, les mains liées sur le dos et la gorge percée d’un couteau, image sensible du rôle que la victime allait remplir par substitution. Cf. Döllinger, Paganisme et Judaïsme, t. ii, p. 307.


276. — Lectisternium, banquet offert à Sérapis, à Isis, au Soleil et à la Lune, caractérisés par leurs attributs. Relief sur la poignée d’une lampe d’argile. Bartoli, Lucernæ vet. sepuler., ii, pl. 34.

Cette idée de substitution d’une victime animale à une victime humaine est clairement exprimée dans des vers d’Ovide. Fast., vi, 158-161. Le poète fait parler la nymphe Grana qui, pour obtenir la délivrance du jeune enfant Proca, menacé par les oiseaux de la nuit, offre à ces derniers les entrailles d’une truie de deux mois avec cette adjuration : « Oiseaux de la nuit, dit-elle, ne touchez pas aux entrailles de l’enfant : au lieu de ce petit, une petite victime est immolée. Recevez, je vous prie, cœur pour cœur, fibres pour fibres : nous vous offrons cette vie à la place d’une meilleure. » Toutes ces idées constitutives du sacrifice chez les anciens peuples se retrouvent plus nettes et plus épurées chez les Hébreux. Cf. Bähr, Symbolik des mosaischen Quitus, Heidelberg, 1839, t. ii, p. 189-294 ; J. de Maistre, Éclaircissement sur les sacrifices, dans Œuvres choisies, édit. Pages, Paris, s. d., t. i, p. 203-208.

II. Sacrifices des patriarches.

Caïn et Abel.

La Sainte Écriture fait remonter aux fils mêmes d’Adam la pratique des sacrifices. Caïn, qui était agriculteur, offrait an Seigneur des produits de la terre en oblation, minḥâh ; Abel, qui était pasteur, offrait des premiers-nés de son troupeau et de leur graisse. Gen., iv, 3, 4. De part et d’autre, le verbe employé pour caractériser l’acte des deux frères est l’hiphil de bô’, « faire entrer, introduire, présenter ». Dieu traita différemment l’oblation de l’un et de l’autre ; il regarda Abel et sa minḥâh, il ne regarda pas Caîn et sa minḥâh. Ce regard était un regard de complaisance. Il fut accordé à l’un et refusé à l’autre, non pas à raison de leurs dons, puisque chacun offrait ce qui était en son pouvoir, mais à cause de leurs dispositions intérieures. Cf. I Joa., iii, 12 ; S. Ambroise, De incarn. sacrant., i, t. xvi, col. 819 ; S. Grégoire, Epist. cxxii, t. lxxvii, col. 1053.


277. — Sacrifice et banquet sacré. Bas-relief votif. — En haut, la prêtresse d’une association religieuse (thiase), les mains jointes, fait amener la victime près de l’autel, devant lequel se tiennent Apollon citharède et Cybèle. En bas, les membres de l’association prennent part au repas sacré. A gauche, au-dessous, des musiciens ; adroite, des esclaves remplissent de vin des cratères.

L’Épitre aux Hébreux, xi, 4, l’indique particulièrement : « C’est par la foi qu’Abel offrit à Dieu un sacrifice plus excellent que celui de Caïn. » D’après les versions, « regarder » équivaut ici à « se complaire » ; seul, Théodotion traduit le mot par ἐνεπύρισεν, « il consuma ». Cf. Lev., ix, 24 ; S. Jérôme, Hebr. quæst. in Gen., t. xxiii, col. 944. Le texte ne dit rien sur la cause qui détermina Caïn et Abel à faire leurs oblations. Peut-être Dieu intervint-il pour formuler un ordre ou un désir ; on s’expliquerait ainsi l’obéissance extérieure de Caïn et son mauvais vouloir intérieur. Toutefois, conformément au génie de la langue hébraïque, « ne pas regarder », opposé à « regarder » pourrait très bien signifier « regarder moins favorablement », comme d’ailleurs l’insinue le texte de l’Épitre aux Hébreux. Dès lors, il serait permis de supposer que les deux frères ont obéi à une inspiration de conscience, ou que l’un a agi à l’imitation de l’autre, mais avec des sentiments de valeur inégale. En somme, ce passage biblique note l’apparition des premiers sacrifices, mais ne permet pas de discerner la vraie cause de cette institution.

Noé. — Au sortir de l’arche, Noé construit un autel, prend des animaux et des oiseaux purs et les offre en holocauste sur l’autel. Dieu agrée ce sacrifice. Gen., viii, 20, 21. Pendant les longs siècles qui se sont écoulés entre Adam et Noé, l’institution des sacrifices s’est développée. L’autel est apparu. Les animaux ont été distingués en purs et impurs, les purs étant ceux que l’homme a pris à son service ou dont il tire utilité. Ces victimes vivantes ne sont plus seulement l’objet d’une oblation, comme au temps d’Abel ; elles sont immolées et entièrement consumées sur l’autel. Les circonstances autorisent à penser que, par ce sacrifice, Noé entend reconnaître la souveraineté de Dieu et le remercier de sa propre préservation. Dieu répond à cette double pensée du patriarche en lui assurant que désormais la préservation sera générale et en lui déléguant quelque chose de sa souveraineté sur tous les animaux. — Rien n’est encore dit sur l’origine des sacrifices. Ont-ils été, dans l’idée de ceux qui les ont offerts les premiers, des dons intéressés où désintéressés, une sorte de rançon payée à Dieu pour avoir droit ensuite de se servir des êtres qui font partie de son souverain domaine, un expédient pour justifier l’immolation des animaux dont on sentait le besoin de se nourrir, et ensuite un acte d’hommage à la divinité, pour lui témoigner reconnaissance ou repentir et s’unir à elle par la communion à la même victime ? Aucune réponse n’est suggérée par le texte sacré. Cf. Revue biblique, 1906, p. 472. Saint Thomas, Sum. theol., Ia-IIæ, q. ciii, a.1, pense que les anciens hommes offraient leurs sacrifices en vertu d’une certaine dévotion qui portait leur volonté à faire ce qui paraissait convenable, et qu’on peut croire que plusieurs d’entre eux, doués d’un esprit prophétique, ont été poussés par un instinct divin à instituer une manière particulière d’honorer Dieu. Il n’y aurait donc pas eu révélation directe de Dieu pour l’institution des sacrifices, mais seulement inspiration à certains personnages dont ensuite l’exemple aurait fait loi.

Abraham. — Quelques siècles s’écoulent entre Noé et Abraham. La notion du sacrifice s’est précisée chez les descendants de Sein. « Le sacrifice des Sémites n’est ni un vulgaire contact intéressé, ni la becquée tendue aux dieux, ni le renouvellement des liens du sang avec le dieu au moyen d’une victime de nature divine. C’est l’expression, par un acte solennel, de cette idée que tout appartient au dieu, et la reconnaissance de ce droit, en même temps que l’expression du désir de se rapprocher de lui. Ce désir étant la base même du sentiment religieux, le sacrifice est l’acte religieux par excellence. » Lagrange, Études sur les religions sémitiques, p. 274. Abraham élève des autels et invoque le nom de Jéhovah, sans nul doute en lui offrant des sacrifices. Gen., xii, 7, 8 ; xiii, 18. Devant lui, Melchisédech donne un caractère religieux à son offrande du pain et du vin. Gen., xiv, 18. Voir Melchisédech, t. iv, col. 939. Puis, pour sceller son alliance avec Jéhovah, Abraham reçoit l’ordre d’apporter une génisse de trois ans, une chèvre et un bélier de même âge, une tourterelle et un jeune pigeon. Il les partage par le milieu, sauf les oiseaux, et il met chaque moitié vis-à-vis de l’autre. A la nuit tombée, un feu passe entre les animaux ainsi partagés. Gen., xv, 9, 10, 17. Ce rite paraît avoir été spécialement pratiqué par les Chaldéens pour conclure des alliances. On divisait ainsi le corps des victimes et chaque partie contractante passait entre elles. Jéhovah passa, sous forme de feu, entre les animaux partagés par Abraham, et celui-ci passa de même, bien que le texte sacré ne juge pas nécessaire de le mentionner. Ce rite se maintint parmi les Israélites. En cours Dans Jérémie, xxxiv, 18, 19, Jéhovah se plaint des chefs de Juda qui’, après avoir « passé entre les moitiés du jeune taureau », ont été infidèles à l’alliance ainsi contractée avec lui. On dit, en hébreu, kârat berîf, « couper une alliance », c’est-à-dire la contracter. Gen., xv, 18 ; Exod., xxiv, 8 ; Deut., iv, 23, etc. De même, en grec, l’expression opxia ts[ivsiv, « couper des serments », Iliad., ii, 124 ; ni, 94, 105, etc., se réfère au même usage et signifie « conclure un traité ». En passant l’un après l’autre entre les deux parties des victimes, les contractants voulaient marquer que désormais ils ne faisaient qu’un, comme les deux moitiés opposées. En même temps, le sort infligé aux victimes les menaçait eux-mêmes s’ils se montraient infidèles à l’alliance. C’est ce que le passage de Jérémie, xxxiv, 18, donne à entendre. Un usage analogue se retrouve encore chez les Arabes. Quand ils sont sous le coup d’une calamité, « chaque famille prend une brebis qui servira de victime de rédemption, l’immole, la divise en deux parties égales qu’elle suspend, l’une vis-à-vis de l’autre, sous la tente ou en dehors, à deux piquets de bois. Tous les membres de la famille doivent passer entre les deux morceaux de cette victime. Les enfants incapables de marcher sont portés par la mère. » A. Jaussen, Coutumes arabes, dans la Revue biblique, 1903, p. 248. Cf. Hérodote, vii, 39. Le texte sacré n’indique pas si les victimes immolées par Abraham furent ensuite brûlées, ou mangées parlùi et les siens, ou abandonnées aux oiseaux de proie qui s’étaient d’abord abattus sur elles. Gen., xv, 11. Il n’y en avait pas moins là un sacrifice destiné à consacrer une alliance. — Une autre fois, Abraham, pour obéir à un ordre de Dieu, se dispose à offrir son fils Isaac en holocauste. Il donne ainsi la preuve d’une obéissance prête à tout pour rendre honneur à Dieu. Arrêté dans l’exécution de cet ordre, le patriarche substitue un bélier à son fils et l’offre en holocauste. Gen., xxii, 2-13. Ici, l’idée de la substitution est nettement accusée. Toute vie humaine appartient à Dieu, qui peut en disposer à son gré ; la vie de l’animal n’est sacrifiée qu’à la place de la première. — D’autres autels sont élevés par Isaac, Gen., xxvi, 25, etJacob, xxviii, 18 ; xxxiii, 20 ; xxxv, 14, qui y font des onctions, des libations, et probablement aussi les destinent à des sacrifices. Cf. Gen., xxxi, 54.

4° Job. — Ce saint homme suit encore les coutumes patriarcales. Périodiquement, il offre le matin un holocauste pour chacun de ses fils, en se disant : « Peut-être mes fils ont-ils péché et offensé Dieu dans leur cœur. » Job, i, 5. Ce sont là des sacrifices expiatoires. Il n’en a pas encore été rencontré de pareils dans l’histoire des anciens patriarches. À la suite de la discussion, Dieu enjoint aux amis de Job d’offrir en holocauste sept jeunes taureaux et sept béliers, en expiation de la folie de leurs discours. Job, xlii, 8.

5° Moïse. — Au pied du Sinaï, après la promulgation du décalogue, Moïse charge des jeunes gens d’offrir des holocaustes et d’immoler des taureaux en sacrifices d’actions de grâces. Puis il verse la moitié du sang sur l’autel et, avec l’autre moitié, asperge le peuple en disant : t C’est le sang de l’alliance que Jéhovah a conclue avec vous. » Exod., xxiv, 5-8. Cf. Heb., ix, 19-22. Il y a là un sacrifice destiné à confirmer un contrat d’alliance. Les contractants se partagent le sang des mêmes victimes ; Dieu en reçoit la moitié sur son autel, le peuple reçoit le reste par l’aspersion, et dès lors Israël acquiert de nouveaux droits et se soumet à de nouveaux devoirs.

III. Sacrifices mosaïques. — Les sacrifices tiennent une très grande place dans le culte institué par Moïse sur l’ordre de Dieu. Les sacrifices existaient chez tous ’es autres peuples ; les Israélites, avec leurs instincts idolâtriques, ne devaient être que trop portés à imiter leurs voisins qui sacrifiaient aux idoles. Un culte purement spirituel n’aurait pas suffi à les maintenir dans la fidélité à Jéhovah. Il leur fut dit plus tard : « Je n’ai pas parlé à vos pères et je ne leur ai pas donné de commandements en matière d’holocaustes et de sarifices, le jour où je les ai fait sortir du pays d’Egypte. Mais voici le commandement que je leur ai donné : Ecoutez ma voix, et je serai votre Dieu et vous serez mon peuple. » Jer., vii, 22, 23. L’érection du veau d’or et les sacrifices qui lui furent offerts, Exod., xxxii, 6, ne tardèrent pas à montrer que le peuple avait besoin de rites extérieurs qui le rattachassent puissament au culte de Jéhovah. Aussi « Moïse, par ordre de Dieu, prescrivit ces observances aux Hébreux à cause de leur faiblesse et de l’endurcissement de leurs cœurs, de peur qu’il ne méprisassent une religion nue et ne s’attachassent aux faux dieux, dont ils voyaient le culte embelli par de pompeuses cérémonies. » S. Éphrem, Op. syriac., t. ii, p. 114. Cf. S. Jérôme, In ls., i, 12, t. xxiv, col. 31 ; S. Thomas, Sum. theol., V II », q. en, a. 2 et 3, ad l » m.

Les sacrifices institués par Moïse sont les suivants : 1° Sacrifices sanglants. — 1. Holocauste, ’ôldh, dans lequel la victime est tout entière brûlée sur l’autel. Voir Holocauste, t. iii, col 729-734.

2. Sacrifice pacifique, ïélêm, ëeldmîm, Ouerîa Gtû-cr, oso-j, hostia pacificorum. — La victime pouvait être mâle ou femelle, de gros ou de menu bétail. Après l’avoir immolée, on lui enlevait la graisse qui entoure les entrailles, les deux rognons avec leur graisse, la taie du foie, - et en plus, dans la race ovine, la queue tout entière, à cause de son volume de graisse. Voir Brebis, t. i, col. 1912. Toutes ces parties étaient brûlées sur l’autel et le sang de l’animal était répandu tout autour. Lev., iii, 1-17. Des oblations accompagnaient ce sacrifice. La chair de la victime pouvait être mangée par les prêtres et par tout Israélite, à condition qu’il fût en état de pureté. On devait la manger le jour même, à moins que le sacrifice ne fût offert par suite d’un vœu ou comme offrande volontaire, auquel cas l’on pouvait encore en manger le lendemain. Ce qui en restait ensuite devait être brûlé. Lev., vii, 11-21.

3. Sacrifice pour le péché, hatâ’dh, àfispii’a, pro peccato. — Ce sacrifice variait suivant la qualité du coupable. Pour le prêtre ayant reçu l’onction, c’est-à-dire pour le grand-prêtre, on immolait un taureau. Le grandprêtre faisait diverses aspersions avec son sang et répandait le reste au pied de l’autel ; il enlevait les mêmes parties de l’animal que dans le sacrifice pacifique et les brûlait sur l’autel. Tout le reste de la victime était emporté hors du camp et consumé par le feu à l’endroit où l’on jetait les cendres. — Pour l’assemblée d’Israël, on prenait un jeune taureau, les anciens du peuple venaient poser les mains sur sa tête, puis on procédait comme dans le cas précédent. — Pour un chef, on prenait un bouc mâle, le chef lui imposait les mains et on brûlait les graisses sur l’autel. — Pour un. homme du peuple, la victime était une chèvre ou un agneau. — A la suite des trois fautes suivantes, réticence coupable devant le juge, contact d’une chose impure, serment à la légère, on immolait une brebis ou une chèvre, à leur défaut deux tourterelles ou deux pigeons, que les plus pauvres pouvaient remplacer par un dixième d’éphi de fleur de farine qu’on faisait brûler sur l’autel sans huile ni encens. Lev., iv, 1-v, 13. Le prêtre qui offrait la victime avait le droit de la manger dans le lieu saint, ce qui d’ailleurs n’avait pas lieu pour les victimes du grand-prêtre et de l’assemblée d’Israël qui, toutes deux, devaient être brûlées hors du camp. Lev., vi, 21-30.

4 Sacrifice pour le délit, ’àsâm, Tikr^yjùiia, pro deliclo. — La victime à offrir était toujours un bélier. Le

délit consistait, dans les choses saintes, à retenir par erreur quelque chose des offrandes dues à Jéhovah ou à faire inconsciemment un acte qu’il défend, et, dans les choses profanes, à dénier au prochain, avec faux serment, un dépôt, un gage, un objet volé ou perdu. Lev., v, 14-vi, 7. On versait autour de l’autel le sang de la victime, on enlevait les parties ordinaires et la queue pour les brûler sur l’autel, et. le prêtre mangeait le reste en lieu saint. Lev., vii, 1-7.

5. Sacrifices spéciaux. — Le sacrifice de consécration, millu’im, tsXsiwoiç, pro consecratione, Lev., vii, 37, est celui qui servit à consacrer Aaron et ses fils. Exod., xxix, 4-28. Il comprenait un taureau pour le péché, un bélier en holocauste et un bélier de consécration, dont le sang servit à oindre Aaron et ses fils à l’oreille droite, à la main droite et au pied droit, et qui fut ensuite en partie brûlé en holocauste et en partie mangé par les nouveaux consacrés. Lev., viii, 14-36. — Le sacrifice pour le lépreux. Lev., xiv, 1-32. Voir Lèpre, t. IV, col, 183, 184. — Le sacrifice de la vache rousse. Num., xix, 2-10. Voir Vache rousse.

2° Sacrifices non sanglants. — Ils consistaient à offrir et à faire consumer par le feu de l’autel différentes substances, comestibles ou non. Ils accompagnaient, toujours les holocaustes et les sacrifices pacifiques, mais n’étaient pas joints aux sacrifices pour le péché. Ils se faisaient aussi. indépendemment des sacrifices sanglants. Voir Oblation, t. iv, col. 1725-1731 ; Libation, t. iv, col. 234-237.

3° Sacrifices publics. — La loi prescrivait onze sacrifices d’un caractère public intéressant toute la nation.

— 1. Le sacrifice perpétuel ou quotidien. Chaque jour, on offrait en holocauste deux agneaux d’un an, un le matin et un autre l’après-midi, avec une oblation de farine pétrie à l’huile et une libation de vin. Exod., xxix, 38-42 ; Num., xxviii, 3-8 ; I Esd., iii, 4 ; IIEsd., x, 33. . — 2. Le sacrifice du sabbat, qui ajoutait au sacrifice quotidien deux agneaux d’un an en holocauste, avec l’oblalion et la libation. Num., xxviii, 9, 10. — 3. Le sacrifice de la néoménie, comprenant deux jeunes taureaux, un bélier et sept agneaux d’un an en holocauste, avec des oblations et des libations, et de plus un bouc en sacrifice pour le péché. Num., xxviii, 11-15. — 4. Le sacrifice de la Pàque, qui répétait chacun des sept jours de la fête le même sacrifice qu’à la néoménie, Num., xxviii, 16-25 ; Deut., xvi, 2. — 5. L’holocauste d’un agneau d’un an, avec oblation et libation, le jour où l’on présentait la première gerbe de la moisson. Lev., xxiii, 10-13. — 6. Le sacrifice de la Pentecôte, identique à celui de la néoménie. Lev., xxiii, 17 ; Num., xxviii, 27-31. — 7. Le sacrifice qui accompagnait les pains de la Pentecôte et comprenait, avec le bouc en sacrifice pour le péché, deux agneaux d’un an en sacrifice pacifique. Lev., xxiii, 19, 20. — 8. Le sacrifice de la nouvelle année qui, outre le sacrifice quotidien et celui de la néoménie, se composait d’un jeune taureau, d’un bélier, de sept agneaux d’un an, avec leurs oblations et leurs libations, et d’un bouc pour le péché. Num., xxix, 2-6. — 9. Au jour de l’Expiation, on offrait en holocauste un jeune taureau, un bélier et sept agneaux d’un an, avec les oblations et les libations ; des deux boucs présentés, l’un était offert en sacrifice pour le péché etl’autre chassé au désert. Lev., xvi, 5-16 ; Num., xxix, 7-11. — 10. À la fête des Tabernacles, on sacrifiait en holocauste treize jeunes taureaux, deux béliers, quatorze agneaux d’un an, le tout accompagné d’oblations et de libations, et un bouepour le péché. Les mêmes sacrifices se répétaient les six jours suivants, à cela près que chaque jour on diminuait d’une unité le nom bre des taureaux. Num., xxix, 13-34. — 11. Le huitième jour de la fête des Tabernacles, on sacrifiait un taureau, un bélier et sept agneaux d’un an, avec les oblations et les libations, et un bouc pour le péché. Num., xxix, 36

38. — Ces divers sacrifices ne dispensaient jamais du sacrifice quotidien ni des sacrifices du sabbat. On ne pouvait rien y ajouter ni rien en retrancher. On ne pouvait non plus changer la nature des victimes prescrites, Lev., xxvil, 10, ni présenter des animaux femelles ou des oiseaux. Le sabbat ne les empêchait jamais. . 4° Sacrifice quotidien. — Parmi tous ces sacrifices, une place à part était occupée par le sacrifice quotidien, appelé’olaf haf-tâmîd, « holocauste perpétuel », Num., xxviii, "10 ; I Esd., iii, 5 ; II Esd., x, 3Ï, etc., ou simplement ha(-(ârnîd, « le perpétuel ». Dan., viii, 11-13 ; xi, 31 ; Pesackim, v, 1 ; Yoma, viii, 3, etc. Ce sacrifice fait l’objet du traité Tamid delà Mischna. Matin et soir, on offrait chaque jour en holocauste un agneau d’un an, avec un dixième d’éphi de fleur de farine pétrie dans un quart de hin d’huile d’olive, et une libation d’un quart de hin de vin. Exod., xxix, 38-42 ; Num., xxviii, 3-8. Le sacrifice du malin était offert au lever du jour, et le second « entre les deux soirs », voir Som, ce que l’on entendait pratiquement de la neuvième heure ou trois heures de l’après-midi. La fixation des heures du matin et du soir, pour le sacrifice perpétuel, parait d’ailleurs avoir varié avec les époques. Cf. Philon, De victimis, 3, édit. Mangey, t. ii, p. 240 ; Jo3èphe, Ant. jud., III, x, 1 ; XIV, iv, 3 ; Cont. Apion., ii, 8. Au temps d’Achaz, il n’est question que de l’holocauste du matin et de l’oblation du soir. IV Reg., xvi, 15. L’heure de l’oblation, III Reg., xviii, 29, 36, serait ainsi dans l’aprèsmidi. Mais comme d’après Ézéchiel, xlv, 17, le roi faisait les frais de l’holocauste, on pourrait considérer « l’holocauste du roi et son oblalion », IV Reg., xvi, 15, comme représentant la matière du second sacrifice quotidien. Le double sacrifice quotidien est mentionné par I Par., xvi, 40 ; II Par., xiii, 11 ; xxxi, 3. — Le sacrifice du soir est rappelé par I Esd., ix, 4, 5 ; Dan., ix, 21. Dans un passage d’Ézéchiel, xlvi, 13-15, il est dit que chaque matin on doit offrir à Jéhovah l’agneau d’un an en holocauste et l’oblation. Les versions supposent que la charge de ce sacrifice revient au prince. En tout cas, il n’est parlé que d’un seul sacrifice quotidien. Mais le prophète ne fait ici ni de la législation ni de l’histoire ; il décrit un culte idéal. Son apparente restriction ne peut donc prévaloir contre d’autres textes très positifs. La cessation du sacrifice perpétuel était considérée comme la pire des calamités. Dan., viii, 11-43 ; xi, 31 ; XII, 11. Le sacrifice perpétuel cessa d’être offert, pendant la guerre de Judée, le 17 thammouz (10 juin 70) et les Juifs ont consacré la mémoire de ce jour par un jeûne. Cf. Josèphe, Bell, jud., VI, ii, 1 ; Taanith, iv, 6.

5° Sacrifices privés. — C’étaient les sacrifices offerts par un particulier, quelle que fût sa qualité. On en distinguait cinq sortes : — 1. Ceux qui étaient offerts pour le péché ou pour le délit. — 2. Ceux qui concernaient la personne : pour le flux du sang, deux tourterelles ou deux pigeons, un en holocauste, l’autre pour le péché, Lev., xv, 14, 15, 29, 30 ; pour le lépreux, deux agneaux et une brebis d’un an, ou, si le lépreux est pauvre, un agneau et deux tourterelles ou deux pigeons, Lev., xiv, 10, 21, 22 ; pour la femme qui vient d’enfanter, un agneau en holocauste, un pigeon ou une tourterelle pour le péché, et, si elle est pauvre, deux pigeons seulement ou deux tourterelles, Lev., xii, 6, 8 ; pour celui qui a touché un mort, Num., xix, 2, 3 ; pour le prosélyte, etc. — 3. Ceux qui concernaient les biens, premiersnés, prémices, dimes, etc. — 4. Ceux qu’on offrait à certaines occasions, particulièrement quand on allait à Jérusalem pour les trois grandes fêtes. Exod., xxiii, 15 ; Deut., xvi, 16, 17. — 5. Ceux qu’on offrait par suite de vœux ou de promesses, comme celui du nazaréat, Num., VI, 13-21. — À ces sacrifices privés, on assimilait le sacrifice pour l’erreur de tout le peuple, Lev., iv, 13 ; Num., xv, 24-26, et d’autres sacrifices qui avaient un caractère officiel et ne pouvaient être empêchés par le

sabbat : l’immolation de l’agneau pascal, le taureau et le bélier immolés par le grand-prêtre au jour de l’Expiation.

IV. Rituel des sacrifices. — Des règles précises, indiquées par la loi mosaïque et développées par la tradition, présidaient à la célébration des sacrifices et ne laissaient rien à l’arbitraire des ministres sacrés. Le traité Sebachim de la Mischna s’occupe de ces règles. En voici le résumé :

l°Les piclimes. —Elles étaient choisies exclusivement dans les races bovine, ovine et caprine, pour les quadrupèdes, et dans les tourterelles et les pigeons parmi les oiseaux. Le taureau ne devait pas dépasser la troisième année, bien qu’on pût en admettre de quatre ou cinq ans. Siphra, ꝟ. 94, 1. Le veau ne pouvait avoir plus d’un an. L’agneau devait avoir de huit jours à un an, et l’on ne pouvait sacrifier le même jour le petit et sa mère. Lev., xxii, 27-28. Le bélier et le bouc ne devaient avoir ni moins d’un an ni plus de deux. Para, i, 3 ; Siphra, ꝟ. 94, 1, -2 ; Gem. Rosçh haschanah, 10, 1. Il fallait que tous ces aninaux fussent sans défaut. Lev., xxii, 20. Les tourterelles devaient être adultes et avoir leurs plumes ; parmi les pigeons, au contraire, on ne prenait que des petits. Siphra, ꝟ. 64, 2 ; Chullin, I, 5. Le sexe des oiseaux n’importait pas. Parmi les quadrupèdes, on acceptait les mâles et les femelles dans les sacrifices pacifiques et pour le péché, les mâles seulement dans les sacrifices pour le délit. Siphra, ꝟ. 48, 1. L’agneau pascal devait être mâle, Exod., xii, 5 ; l’animal offert comme premier-né ou pour la dime pouvait être mâle ou femelle. Siphra, ꝟ. 86, 1. Des inspecteurs, que saint Clément de Rome, Ad Cor., i, 41, t. i, col. 289, appelle |i « >|jt.oax(51toi, et que mentionnent aussi Philon, Clémentd’Alexandrie et saint Jean Chrysostome, cf. ibid. note, veillaient à ne laisser passer aucune victime qui ne fût dans les règles. Les docteurs comptaient vingt-trois défauts qui pouvaient les rendre impropres aux sacrifices. Quand un animal devait être remplacé par un autre, tous les deux étaient consacrés au Seigneur. Le traité Temura de la Mischna s’occupe de ces remplacements.

2° L’adduction. — Dans les sacrifices publics, on achetait les victimes aux frais du trésor public. Quant aux particuliers, ils pouvaient soit amener leurs victimes eux-mêmes, soit les acheter à Jérusalem, où il s’en trouvait toujours en grand nombre. On alla même jusqu’à en faire le trafic dans le Temple. Joa., ii, 14 ; Matth., xxi, 12 ; Marc, xi, 15 ; Luc, xix, 45. Celui qui voulait faire offrir le sacrifice conduisait la victime, ou, si elle était petite, il la portait les pattes liées. S’il s’agissait de sacrifices très saints, nom sous lequel on comprenait tous les holocaustes, tous les sacrifices pour le péché et le délit, et les sacrifices pacifiques publics, la victime pénétrait dans le sanctuaire par la porte du nord, appelée porte de l’oblation ; pour les autres sacrifices, elle pénétrait par la porte du sud. On la tournait alors du côté de l’occident, « devant la face de Jéhovah. » Lev., xvi, 7, 10 ; cf. Rom., xii, 1.

3° L’agitation. — C.était un mouvement particulier qu’on imprimait à certaines victimes en les offrant. Voir Oblation, t. iv, col. 1728. Pour cet acte, l’offrant prenait la victime dans ses mains et le prêtre, se tenant à l’entrée du parvis de l’autel, mettait ses mains sous celles de l’offrant ; puis tous deux ensemble portaient la victime d’arrière en avant, d’avant en arrière, de bas en haut, et de haut en bas. Les deux premiers mouvements constituaient la lenûfdh et les deux autres la terûmâh. Lev., x, 15. Le concours du prêtre était requi ? pour l’agitation. Elle n’avait lieu, pour des victimes vivantes, que dans les sacrifices publics et dans le sacrifice pour le délit du lépreux. On l’omettait toujours quand le sacrifice était présenté par une femme ou par un gentil. Menachoth, v, 6, 7 ; Siphra, ꝟ. 38, 1 ; 40, 1.

4° L’imposition des mains. — L’offrant, tourné vers l’occident, imposait de toutes ses forces les deux mains à la victime entre les deux cornes, en manifestant son repentir ou sa reconnaissance, suivant la nature du sacrifice. Il ne pouvait se faire remplacer par un autre, sauf quand un héritier acquittait le vœu d’un défunt. Si plusieurs offraient un même sacrifice, chacun devait imposer les mains successivement. Cette obligation ne visait pas les femmes, les gentils, les insensés, les mineurs, les esclaves, les sourds et les aveugles. Siphra, 38, 1 ; 42, 2 ; 43, 1 ; 50, 2. Voir Impositions des mains, t. iii, col. 848. L’imposition des mains n’avait lieu que dans les sacrifices privés et dans deux sacrifices publics : le grand-prêtre imposait les mains sur le bouc émissaire, Lev., xvi, 21, et les anciens les imposaient sur le taureau offert pour le péché de toute l’assemblée. Lev., iv, 15. Trois membres du sanhédrin faisaient cette dernière imposition. Siphra, 50, 1. On lit cependant que dans une cérémonie extraordinaire de purification du Temple, le roi Ézéchias et l’assemblée imposèrent les mains sur sept boucs expiatoires. II Par., xxix, 23. Les règles n’étaient pas les mêmes pour l’imposition des mains et l’agitation : chacun de ceux qui offraient une victime lui imposait les mains, un seul l’agitait ; on imposait les mains dans les sacrifices publics et privés, on n’agitait que dans ces derniers ; on n’imposait les mains qu’aux animaux, mais on agitait même les oblations inanimées. Siphra, 38, 1.

5° L’immolation. — La victime était immédiatement égorgée. Pour les sacrifices très saints, elle était liée et attachée à des anneaux au nord de l’autel ; pour les autres, l’opération se faisait dans le parvis, ordinairement à l’orient. On saisissait l’animal par la bouche, et on lui faisait tendre la gorge qu’on tranchait avec le couteau sacré, de manière que le sang coulât dans un vase. Tout Israélite pouvait égorger, Lev., i, 5, même une femme, un esclave ou un impur, auquel cas il suffisait que celui qui ne pouvait entrer dans le parvis tint le couteau à l’intérieur du parvis. Sebachim, iii, 1 ; Gem. 1er. Yoma, 39, 2. Les sourds, les insensés et les mineurs étaient récusés comme incapables. Chullin, i, 1. En fait, les prêtres ou, à leur défaut, les lévites, II Par., xxix, 24, 34, se chargeaient de l’opération. Elle demandait une certaine habileté, acquise par des exercices répétés, car il y avait cinq manières défectueuses de manier le couteau, par suite desquelles l’immolation devenait illégitime. On ne pouvait égorger deux victimes du même coup. Siphra, 201, 2. Pour assurer l’observation de la loi qui défendait l’immolation simultanée de la mère et du petit, Lev., xxil, 27, on obligeait les marchands à déclarer quatre fois l’an s’ils avaient vendu pour être égorgés la mère ou le petit d’un animal. Ces déclarations se faisaient à l’octave des Tabernacles, à la veille de la Pàque, à la Pentecôte et à la nouvelle année. Siphra, 244, 2. L’égorgement des oiseaux se faisait avec l’ongle. Voir Oiseau, t. iv, col. 1768.

6° Le lieu et le temps. — Les immolations pour les sacrifices ne pouvaient avoir lieu que dans le Temple. Deut., xii, 14. Dans les sacrifices très saints, on opérait au nord de l’autel, Lev., i, 11 ; VI, 25 ; vii, 2, c’est-à-dire dans l’espace compris entre l’autel et le mur septentrional, Siphra, ꝟ. 63, 2 ; dans les autres, l’immolation se faisait en tout endroit du parvis, sauf au nord et à l’ouest de l’autel. La victime égorgée dans un endroit autre que l’endroit marqué était brûlée ; quant à l’auteur de l’infraction, il méritait la mort ou le retranchement, s’il avait agi avec intention, et devait offrir un sacrifice expiatoire, s’il avait agi par inadvertance. La peine n’était pas encourue si la victime ne convenait pas pour un sacrifice. L’immolation et l’effusion du sang devaient se foire pendant le jour. On pouvait cependant brûler la nuit les déchets des vic times et les membres des holocaustes, jusqu’à l’aurore du jour suivant, Megilla, ii, 6, bien qu’en général on s’appliquât à tout terminer de jour, ou au moins avant minuit.

7° L’emploi du sang. — Les prêtres commençaient par le recueillir, sur le lieu même de l’immolation, dans un ou plusieurs vases d’argent, en prenant soin que rien n’en restât dans la victime ou ne tombât à terre. On ne recueillait d’ailleurs que celui des quadrupèdes. On se servait cependant de la main pour recevoir une partie de celui qui devait être employé à faire les onctions aux lépreux. — Le sang, recueilli dans le vase d’argent ou versé dans un vase d’or, était agité avec un bâton, pour qu’il ne se coagulât pas. Dans les holocaustes, les sacrifices pacifiques et pour le péché, le prêtre montait à l’autel et y versait le sang d’abord au coin nord-est, puis au coin sud-ouest, de manière qu’il coulât de part et d’autre. Dans les sacrifices pour le délit, le prêtre trempait son index droit dans le sang et en teignait successivement les quatre coins de l’autel en commençant par le sud-est et en finissant par le sud-ouest. Le sang qui restait dans le vase se versait dans une cavité ménagée au sud de l’autel, d’où un conduit le faisait arriver au Cédron. Meïla, iii, 2. Quand il s’agissait d’oiseaux, on tirait le sang directement du corps de la victime pour teindre les coins de l’autel ou le verser à sa base. Si le sacrifice était offert pour un délit douteux et qu’après l’immolation de la victime on s’aperçût qu’il n’y avait pas eu de délit, le sang était versé au conduit du Cédron.

— L’effusion du sang sur l’autel constituait la partie principale du sacrifice ; tant qu’elle n’avait pas été faite, personne ne pouvait profiter des effets du sacrifice. Les docteurs disaient que « quand le sang touche l’autel, les péchés de ceux qui offrent le sacrifice sont expiés. » Gem. Sebachim, 26, 2. De là cette parole de l’Épitre aux Hébreux, vii, 22 : « D’après la loi, presque tout se purifie avec du sang et, sans effusion de sang, j(< » pl ; a’nj.azz*.xv< ; laç, il n’y a pas de rémission. i>

8° L’écorchement. *— Aussitôt après l’effusion du sang, la victime était écorchée. Voir Peau, t. iv, col. 3.

9° Le dépècement. — La victime était mise en morceaux. Lev., i, 6. On lui coupait successivement la tête, les cuisses, les épaules, et le reste. Saint Paul fait peut-être allusion à cette division systématique quand il recommande à son disciple de « couper en ligne droite, 6p80TO[i.eïv, la parole de vérité, » c’est-à-dire de l’exposer méthodiquement par parties. II Tim., ii, 15. On emportait dans la chambre du lavage les jambes et les entrailles, Lev., i, 9, pour les laver, ces dernières jusqu’à trois fois, puis on les rapportait sur les tables de marbre, au nord de l’autel, où on les lavait de nouveau. Quand la victime devait revenir toute entière aux prêtres ou à ceux qui l’offraient, cette dissection n’avait pas lieu ; on se contentait de retirer la graisse et les entrailles. Lev., iii, 9, 10. Dans les sacrifices pacifiques privés, on enlevait seulement la cuisse droite et la poitrine, qui revenaient aux prêtres ; car, dans ces sacrifices, on devait poser ces morceaux sur un plateau, avec la graisse et les entrailles au-dessous, et les agiter de nouveau. Lev., vii, 30 ; Num., vi, 19, 20> Dans les sacrifices pacifiques publics, l’agitation se recommençait également après l’immolation.

10° Le transport à l’autel. — Les prêtres portaient à l’autel les parties des victimes qui devaient être brûlées. Dans l’holocauste, six prêtres portaient les petites victimes, brebis ou chèvres, et deux autres portaient l’un l’oblation, l’autre la libation. Il fallait onze prêtres pour porter le bélier, et vingt-quatre pour le taureau, dont deux pour l’oblation et deux pour la libation. A la montée de l’autel, on salait les victimes, puis on les déposait à des endroits déterminés de l’autel, et enfin on les livrait au feu. Schekalim, viii, 8. L’autel sancti

liait tout ce qui le touchait, de sorte qu’il n’y avait plus à descendre une victime qu’une souillure aurait atteinte. Siphra, ꝟ. 1, 2 ; Matth., xxill, 19.

11° La manducation. — Dans les sacrifices pacifiques publics et dans les sacrifices pour le péché et pour le délit, les prêtres de la famille de l’officiant pouvaient seuls manger la victime. Num., xviii, 10. Dans les sacrifices pacifiques privés, une cuisse et la poitrine de la victime revenaient au prêtre et à sa famille et pouvaient être mangés dans la ville par tous ceux de cette famille qui étaient purs. Num., xviii, 11, 18 ; Lev., x, 14. Les premiers-nés ne pouvaient èlre mangés que par les prêtres. Num., xviii, 18. À ceux qui avaient offert le sacrifice appartenaient, à part les entrailles brûlées sur l’autel, le reste des victimes pacifiques privées, la dîme des animaux et les victimes pascales. Tous ceux qui étaient purs pouvaient en manger, mais seulement à Jérusalem. Ces victimes étaient rôties, bouillies ou cuites au gré de chacun. Sebachim, x, 7. On devait manger ces victimes le jour même ou la nuit suivante, sauf celles des sacrifices pacifiques privés, pour lesquelles on avait deux jours. Lev., vii, 15-17. Les particuliers qui mangeaient leurs victimes dans le Temple pouvaient y ajouter nn peu de viii, mais non les prêtres.

12° La combustion. — Elle se faisait sur l’autel des holocaustes. Cependant on brûlait hors de la ville, à l’endroit où se portaient les cendres de l’autel, certaines victimes qui ne pouvaient l'être sur l’autel, comme, par exemple, l’agneau du sacrifice quotidien immolé par erreur avant le lever du soleil. Meïla, ii, 4 ; Yoma, m, 2 ; vi, 7. Sur la montagne même du Temple, on brûlait les victimes dans lesquelles on avait reconnu un défaut après leur présentation. On brûlait dans le parvis celles qui y avaient contracté quelque souillure. Schekalim, viii, 7, Siphra, ꝟ. 18, 1. On brûlait dans les maisons de la ville, mais seulement de jour, les restes des victimes pacifiques privées. Siphra, ꝟ. 28, 1. Toutes ces combustions, à part celle qui avait lieu sur l’autel des holocaustes, pouvaient être exécutées par tout Israélite en état de le faire.

13° Les sacrifices des Gentils. — Les Gentils étaient admis à offrir des sacrifices dans le Temple. Ils ne pouvaient offrir que des holocaustes, à titre votif ou volontaire. S’ils présentaient des victimes pacifiques, on en faisait des holocaustes, et l’on ajoutait, aux frais du trésor, les libations qu’ils ne fournissaient pas. On n’acceptait naturellement que des victimes conformes aux règles et l’on omettait l’imposition des mains et l’agitation. Schekalim, viii, 6 ; Sebachim, iv, 5 ; Menacholh, v, 3, 5, 6 ; vi, 1 ; ix, 8.

14° Les holocaustes. — Sur les règles particulières à ces sacrifices, voir t. iii, col. 729-731.

15° Les sacrifices pacifiques. — Les sacrifices privés étaient de trois sortes : 1. Le zébah tôdâh, Buaîa -/xpHoa’jYijî, hoslia pro graliarum actione, le sacrifice d’actions de grâces, Lev., xxir, 29, qui pouvait être nédér ou neddbah, sr£r ou fccoiffiov, voto ou sponte, offert par vœu ou spontanément. Lev., vii, 16. — 2. Le sacrifice que chacun offrait à l’occasion des trois grandes solennités. — 3. Le sacrifice qu’offraient les nazaréens à la fin de la période de leur vœu. — Parmi les sacrifices publics, il y en avait un qui était imposé, celui des deux agneaux à la Pentecôte, Lev., xxiii, 19 ; d’autres étaient volontaires, comme ceux dont il est question II Reg., vi, 17 ; III Reg., viii, 63 ; II Par., xxx, 22, etc.

16° Les sacrifices pour le péché. — 1. Dans les sacrifices publics, on ne brûlait que le bouc du jour de l’Expiation, les boucs pour le péché d’idolâtrie et le taureau pour le péché du peuple. Lev., iv, 13. Les autres victimes revenaient aux prêtres. Dans les sacrifices privés, on ne brûlait que le taureau pour le péché

du grand-prêtre, Lev., IV, 3, et celui du jour de l’Expiation. — 2. Les victimes des sacrifices pour le péché étaient fixes ou variables. Les fixes étaient les mêmes pour les riches et pour les pauvres, à la suite des péchés par erreur, des fautes contre l’un des 365 préceptes négatifs du Pentateuque, des péchés d’action, et de ceux qui, commis de propos délibéré, eussent entraîné la peine du retranchement. Les victimes variables étaient plus ou moins considérables, seloQ les moyens de ceux qui les offraient. On laissait le choix à six sortes de personnes : au lépreux, Lev., xiv, 21, à la femme qui venait d’enfanter, Lev., iv, 6, 8, à celui qui n’avait pas déclaré la vérité en justice, Lev., v, 1, à celui qui avait fait un faux serment sans le savoir, à celui qui, en état d’impureté, avait mangé d’une victime sans le savoir, * enfin à celui qui était entré dans le Temple en état d’impureté. — 3. Le contact des victimes pour le péché entraînait de rigoureuses conséquences. Tout ce qui touchait la chair de la victime était sacré. Ce qui était taché de son sang, avant qu’il fût répandu à l’autel, devenait impur. Le vêtement souillé devait être lavé dans le lieu saint ; là aussi on brisait le vase d’argile, on purifiait et on lavait le vase de métal dans lequel la victime avait cuit. Lev., vii, 27, 28 ; Sebachim, xi, 4 ; Siphra, ꝟ. 186, 2.

17° Les sacrifices pour le délit. — 1. Le sacrifice pour le délit est assimilé absolument au sacrifice pour le péché. Lev., vii, 7. Aussi les docteurs juifs ont-ils été assez embarrassés pour établir la distinction entre le péché et le délit. Josèphe, Ant.jud., III, ix, 3, dit que celui qui est tombé dans le péché par ignorance immole un agneau ou une chèvre, ce qui constitue le sacrifice pour le péché, tandis que « celui qui pèche et en a conscience, mais n’a pas de témoin qui puisse l’accuser, » offre un bélier, ce qui constitue le sacrifice pour le délit. Celui, en effet qui commettait un délit devant témoin était tenu à restitution du double. Exod., xxii, 9. La différence viendrait donc de ce que, dans le premier cas, on avait agi inconsciemment, mais devant témoins, tandis que, dans le second, on avait agi consciemment, mais sans témoins. — 2. Ou distinguait deux sortes de délit : le délit douteux et le délit certain. Il y avait délit douteux quand on ne pouvait dire si ce qu’on avait mangé était permis on non, quand on avait travaillé le vendredi soir après l’apparition de trois étoiles médiocres, ou bien après celle de deux grandes, etc. Siphra, ꝟ. 133, 2 ; Keritoth, v, 5. Quand le doute était levé à tel ou tel moment du sacrifice, il y avait encore des règles à suivre. — 3. Le délit certain résultait de cinq cas : la rapine, Lev., vi, 2, l’usage profane de choses sacrées, par erreur, Lev., v, 15, le commerce avec l’esclave d’un autre, Lev., xix, 20, l’impureté contractée par un nazaréen quand quelqu’un mourait près de lui, Num., vi, 9, 10, la purification de la lèpre. Lev., xiv, 12. — Cf. Reland, Antiquitates sacrée, Utrecht, 1741, p. 146-185 ; Iken, Antiquitates hebraicse, Brème, 1741, p. 152-191 ; Bâhr, Symbolik des mosaischen Cultus, Heidelberg, 1839, p. 187-522.

V. Sacrifices historiques. — La Sainte Écriture mentionne un certain nombre de sacrifices offerts dans des circonstances remarquables. — 1° Sacrifices des Israélites. — Quand Aaron et ses fils remplirent pour la première fois leurs fonctions sacerdotales et offrirent le sacrifice pour le péché, l’holocauste et le sacrifice pacifique, « le feu, sortant de devant Jéhovab, dévora sur l’autel l’holocauste et les graisses. » Lev., ix, 22, 24. Le feu sortant de Jéhovah, c’est-à-dire de l’endroit où reposait l’Arche, vint se joindre à celui qui consumait déjà les victimes et témoigna que le Seigneur approuvait ce qui avait été réglé en son nom et commençait à s’exécuter. D’après la tradition ancienne, I « Moïse pria le Seigneur, et un feu tomba du ciel et con

suma le sacrifice. » II Mach., ii, 10. « Sortir de Jéhovah » ou « tomber du ciel » sont deux expressions équivalentes pour indiquer le caractère surnaturel de ce feu. — À l’époque du grand-prêtre Héli, on offrait les sacrifices à Silo. I Reg., i, 3. Mais les fils d’Héli contrevenaient de la manière la plus grave aux prescriptions mosaïques sur le rituel des sacrifices. I Reg., ii, 12-17. — Quand l’Arche revint de chez les Philistins, les Bethsamites prirent le chariot qui la portait, en fendirent le bois et s’en servirent pour offrir en holocauste à Jéhovah les deux vaches qui avaient amené l’Arche. I Reg., vi, 14. — À Galgala, où Samuel devait venir pour offrir des sacrifices, Saül se permit d’offrir lui-même l’holocauste avant l’arrivée du prophète.

I Reg., xiii, 9-13. La faute était grave, et elle fut cause que Dieu le rejeta. Saül ne fut pascorrigéparl’annonce du châtiment. À rencontre de l’ordre reçu, il garda ce qu’il y avait de meilleur dans le bétail pris aux Amalécites, sous prétexte de s’en servir pour offrir des sacrifices’à Jéhovah. Samuel le réprimanda à nouveau et lui dit : « Jéhovah trouve-t-il du plaisir aux holocaustes et aux sacrifices, comme à l’obéissance à sa voix ? L’obéissance vaut mieux que le sacrifice et la docilité l’emporte sur la graisse des béliers. » I Reg., xv, 9-22. Cette observation, sur laquelle reviendront souvent les prophètes, montrait que, malgré leur importance, les sacrifices étaient loin d’avoir aux yeux de Dieu la valeur morale de la vertu. — À cette époque, on ne s’astreignait pas à n’offrir de sacrifices que devant l’Arche. David suppose, comme une chose parfaitement normale, qu’on offrait à Bethléhem un sacrifice annuel pour toute sa famille. I Reg., xx, 6. Ce sac-rifice était suivi de festins et de réjouissances.

— À l’occasion du transfert de l’Arche à Jérusalem, David offrit des holocaustes et des sacrifices d’actions de grâces et ensuite Il bénit le peuple au nom de Jéhovah. II Reg., vi, 17, 18. Comme le texte sacré ne suppose dans ce fait aucune usurpation, il faut en conclure que David laissa les prêtres exercer le ministère qui leur était réservé. Après la cessation de la peste, il acheta Taire d’Areuna, y bâtit un autel et y offrit des holocaustes et des sacrifices pacifiques. II Reg., xxiv, 24, 25. Sur la fin de son régne, après avoir tout préparé pour la construction du Temple, il réunit l’assemblée d’Israël, offrit en holocauste 1000 taureaux, 1000 béliers et 1 000 agneaux et fit reconnaître pour roi son fils Salomon. I Par., xxix, 21, 22. — On continuait alors à sacrifier sur les hauts-lieux, parce qu’il n’existait pas de Temple consacré à Jéhovah. III Reg., iii, 2. Le principal de ces hauts-lieux était à Gabaon. Salomon y alla offrir 1000 holocaustes et le Seigneur lui accorda la sagesse et tous les autres biens. III Reg., iii, 4-6. Là se trouvait l’autel d’airain fait autrefois par Béséléel.

II Par., i, 3-6. La dédicace du Temple fut l’occasion de nombreux sacrifices.Salomon immola alors 22 000 bœufs et 120000 brebis pour le sacrifice pacifique, et il fut obligé, pour la circonstance, d’offrir les holocaustes dans le parvis, parce que l’autel d’airain était trop petit pour les recevoir. III Reg., Vin, 63, 64. Au début des solennités, « le feu descendit du ciel et consuma l’holocauste et les victimes, » Dieu approuvant ainsi, comme au temps de Moïse, ce qui avait été exécuté à sa gloire. II Par., vii, 1-7 ; II Mach., Il, 10. Les sacrifices se continuèrent ensuite dans le Temple, malgré Je schisme des dix tribus. II Par., xiii, 11. — Pour confondre les prêtres de Baal, le prophète Élie leur proposa l’offrande d’un sacrifice sur le Carmel, pour voir qui, de Baal ou de Jéhovah, serait capable de consumer directement la victime. Les prêtres de Baal invoquèrent leur dieu une partie de la journée sans aucun résultat. Élie, de son côté, coupa en morceaux un taureau et le plaça sur l’autel ; par trois fois, il fît arroser copieusement la victime, le bois et l’autel ; puis, à l’heure du

sacrifice du soir, il invoqua Jéhovah et aussitôt le feu du ciel tomba et consuma la victime et l’autel même. III Reg., xix, 30-39. — Achaz, après avoir vu l’autel qui était à Damas, en fit faire un sur le même modèle à Jérusalem, y offrit son holocauste etordonna au grandprêtre Urias de s’en servir désormais pour les sacrifices. IV Reg., xvi, 12-15. Il n’y avait pas là d’infraction à la loi mosaïque, du moment que la forme générale de l’autel était respectée. — Quand Ézéchias eut restauré le culte dans le Temple, on y offrit en holocauste 70 bœufs, 100 béliers et 200 agneaux. II Par., xxix, 31-35. PourlaPàque, le roi fournit 1000 taureaux et 7000 brebis, et les chefs donnèrent 1 000 taureaux et 10000 brebis. II Par., xxx, 24. — À la Pâque célébrée sous son règne, aprèsla restauration du culte, Josias donna 30 OOOagneaux "ï>u chevreaux et 3000 bœufs, les chers 2600 agneaux et 300 bœufs, les princes des lévites 5000 agneaux et 500 bœufs. II Par., xxxv, 7-9. — Après la victoire remportée à Béthulie, les Israélites offrirent des holocaustes au sanctuaire. Judith., xvi, 22. — Au retour de la captivité, Zorobabel et ses compagnons s’empressèrent de rétablir les holocaustes et les sacrifices prescrits par la Loi. I Esd., iii, 4-6. À la dédicace du second Temple, on offrit 100 taureaux, 200 béliers, 400 agneaux, et, comme victimes pour le péché des tribus d’Israël, douze boucs. I Esd., vi, 17. — À son arrivée en Judée, Néhémie fit rechercher le feu sacré caché au moment de la captivité. On ne trouva à la place qu’une eau épaisse. Néanmoins Néhémie fit préparer un sacrifice et, quand on eut répandu de cette eau sur de grandes pierres, un grand brasier s’alluma, le sacrifice fut consumé, et les pierres mêmes furent dévorées par les rayons lumineux qui partaient de l’autel. II Mach., i, 20-32.

— De nombreux sacrifices fêtèrent l’achèvement des murs de Jérusalem. II Esd., xii, 42. — Sous les Machabées, la restauration du culte à Jérusalem fut aussi l’occasion de nombreux sacrifices. I Mach., iv, 56 ; II Mach., x, 3. À la suite d’une bataille, Judas fit une collecte qui rapporta 2000 drachmes (à peu près 1940 francs), et en envoya le montant à Jérusalem afin qu’on y offrît un sacrifice expiatoire pour les morts. II Mach., xii, 43. C’est le seul exemple d’un sacrifice offert pour les morts dans l’Ancien Testament.

2° Sacrifices des Gentils. — Les Gentils pouvaient offrir des sacrifices dans le Temple de Jérusalem, aux conditions indiquées plus haut, col. 1325. Cf. Josèphe, Bell.jud., II, xvii, 3, 4. La loi en donnait l’autorisation aux étrangers qui vivaient parmi les Israélites. Num., xv, 14, 16. Salomon prévit le cas où, même des pajs lointains, on viendrait prier au Temple. III Reg., viii, 41-43. Cf. Is., LVI, 6, 7. D’après Josèphe, Ant. jud., X], vin, 5, Alexandre le Grand y fit offrir des sacrifices en sa présence. Ptolémée III Ëvergète, après la conquête de la Syrie, vint en offrir de nombreux à Jérusalem. Cf. Josèphe, Cont. Apion., ii, 5. Antiochus VII Sidétés, pendant qu’il assiégeait Jérusalem, suspendit les opérations militaires durant les fêtes des Tabernacles, et envoya lui-même des taureaux à cornes dorées destinés à être offerts en sacrifice. Cf. Josèphe, Ant. jud., XIII, viii, 2. Marcus Agrippa, venu à Jérusalem l’an 15 avant J.-C, y fit immoler cent bœufs en sacrifice. Cf. Josèphe, Ant. jud., XVI, II, 1. Vitellius passa trois jours à Jérusalem et y sacrifia. Cf. Josèphe, Ant. jud., XVIII, v, 3. Par contre, Auguste louait César de n’avoir pas été prier à Jérusalem, à son passage d’Egypte en Syrie. Cf. Suétone, Aug., 43. Tertullien, Apologet-, 26, 1. 1, col. 432, n’en rappelle pas moins aux Romains qu’ils ont honoré de leurs victimes et de leurs dons le Temple du Dieu d’Israël.

3° Sacrifices pour les princes. — Darius I er fit fournir aux Juifs de jeunes taureaux, des béliers et des agneaux en vue des sacrifices à offrir à Jérusalem, afin qu’on y priât pour la vie du roi et de ses fils. I Esd.,

vi, 9, 10. Antiochus le Grand fit donner au Temple les animaux et ce qui était nécessaire pour qu’on offrit des sacrifices, cf. Josèphe, Ant.jud., XII, iii, 3, et l’on voit qu’à l’époque des Machabées un sacrifice avait encore lieu pour le roi de Syrie, bien qu’on fût en guerre avec lui. I Mach., vii, 33. L’empereur Auguste voulut qu’à perpétuité on offrît, aux frais du trésor impérial, un sacrifice quotidien de deux agneaux et d’un taureau. Cf. Philon, Légal, ad Caj., 23, 40, édit. Mangey, t. ii, p. 569, 592. Au temps de Caligula, les Juifs se vantaient d’immoler des victimes deux fois par jour pour l’empereur et pour le peuple romain. Cf. Josèphe, Bell, jud., II, x, 4 ; Cont. Apion., ii, 6. À trois reprises, Caligula fit immoler en son nom une hécatombe. Cf. Philon, Légat, ad Caj., 45, t. ii, p. 598. En 66 après J.-C, le premier acte d’hostilité contre les Romains fut la suppression de tous les sacrifices offerts pour des étrangers ou en leur nom. Les pontifes et les principaux du peuple protestèrent en vain contre cette mesure. Cf. Josèphe, Bell, jud., II, xvii, 2, 3.

VI. Sacrifices interdits. — 1° Sacrifices idolâtriques. — Les sacrifices aux idoles, si fréquents chez tous les peuples qui entouraient les Hébreux, furent très sévèrement interdits à ces derniers. Ils n’en succombèrent pas moins à la tentation d’en offrir dans tout le cours de leur histoire, jusqu’à l’époque de la captivité. Ils sacrifièrent au veau d’or, Exod., xxxii, 6, qui, tout en représentant pour eux Jéhovah, constituait pourtant un objet de culte formellement réprouvé. Exod., xx, 4. Pour les empêcher de sacrifier aux divinités agrestes, Moïse les obligea à amener toutes leurs victimes devant le sanctuaire. Lev., xvii, 5-7. Mais, dans le désert même, entraînés par les filles de Moab, ils sacrifièrent au dieu Béelphégor. Num., xxv, 2, 3 ; Deut., xxxii, 17. Le châtiment qui suivit cette infraction indiqua quelle était sa gravité. Num., xxv, 8, 9. En Chanaan, les Hébreux eurent. sous les yeux le spectacle des sacrifices offerts par Jes habitants à leurs faux dieux. Exod., xxxiv. 15. Cet exemple les entraîna à plusieurs reprises durant la période des Juges et attira sur eux de grandes calamités. Plus tard, les sacrifices idolâtriqiies, tolérés par Salomon, III Reg., xi, 8, se multiplièrent par la faute de certains rois, surtout de Jéroboam, III Reg., xii, 32 ; xiii, 1, et de Manassé. II Par., xxxiv, 4. Voir Idolâtrie, t. iii, col. 809-813. Lès prophètes constatent et réprouvent énergiquement ces sacrifices criminels. Is., lvii, 5, 7 ; lxv, 3 ; Jer., xliv, 3-25 ; Ezech., xvi, 20, 21 ; xx, 28 ; xxm, 39 ; Ose., xi, 2, etc. Au temps des Machabées, les rois de Syrie multiplièrent les efforts pour introduire les Sacrifices idolâtriques dans le Temple même de Jérusalem. 1 Mach., i, 50 ; II Mach., iv, 19 ; vi, 4.

2° Sacrifices humains. — Dieu a tenu à faire comprendre, dans une circonstance mémorable, ce qu’il pensait des sacrifices humains. Lui-même commande à Abraham de lui immoler son fils Isaac. Ce sacrifice se présente donc non seulement comme capable de rendre hommage à la divinité, mais comme réclamé par la divinité elle-même. Au moment de frapper la victime, Abraham est arrêté par l’ange deJéhovahet il substitue un bélier à Isaac. Gen., xxii, 2-13. Il ressort de là que Dieu se contente de l’obéissance héroïque de son serviteur, mais qu’il réprouve le sacrifice de l’homme, même dans les circonstances où ce sacrifice semblerait le plus impérieusement exigé. Cette leçon était nécessaire dans le pays de Chanaan, où le culte de Moloch réclamait le sacrifice de victimes humaines. Malheureusement les Israélites, de leur entrée en ce pays jusqu’à la captivité, se laissèrent entraîner trop souvent aux pratiques de ce culte homicide. Voir Moloch, iv, col. 1226-1229 ; Lagrange, Études sur les religions sémitiques, Paris, 1905, p. 101rl09, 445. La loi interdisait, sous peine de mort, d’offrir de pareils

sacrifices. Lev., xviii, 21 ; xx, ^2. — Jephté s’engagea témérairement à offrir à Jéhovah, en holocauste, celui qui le premier sortirait des portes de sa maison à sa rencontre, quand il reviendrait vainqueur des Ammonites. Ce fut sa fille qui se présenta, et, deux mois après, « il accomplit à son égard le vœu qu’il-avait fait. » Jud., xi, 31-39. L’Écriture se contente de raconter le fait sans commentaire, comme beaucoup d’autres de cette époque, alors même qu’ils sont très évidemment répréhensibles. Il n’est pas douteux que le sacrifice offert par Jephté dans ces conditions n’ait été formellement opposé à la lettre et à l’esprit de la Loi. — Mésa, roi de Moab, assiégé dans sa ville par les Israélites et ne pouvant s’échapper, prit son fils aîné et l’immola en holocauste sur la muraille. IV Reg., iii, 27. Il entendait par là s’attirer la protection de son dieu Chamos. Voir MÉSA, t. iv, col. 1020. Dans la pensée des Chananéens, le sang humain assurait aux remparts d’une ville la protection du dieu de la cité. À Gézer et à Ta’annek, en Chanaan, on a rétrouvé dans les murs, sous la place des portes, des jarres contenant des ossements d’enfanls avec des traces de feu. Cf. Palestine Exploration Fund. Quart. Slal., 1903, p. 17, 33, 223, 224. Il est raconté que quand Hiel de Bethel rebâtit Jéricho, « il en jeta les fondements au prix d’Abiram, son premier-né, et il en posa les portes au prix de Ségub, son dernier fils. » III Reg., xvi, 34. Ce fait est présenté comme une conséquence de la malédiction de Josué, formulée en termes identiques. Jos., vi, 26. Il ne serait pas impossible pourtant qu’Hiel, agissant volontairement, ait lui-même immolé ses deux fils, selon le rite chananéen, pour concilier la faveur des dieux à la nouvelle cité. — On ne saurait prendre pour un sacrifice humain l’immolation que Samuel fit d’Agag, roi d’Amalec, en le coupant en morceaux « devant Jéhovah ».

I Reg., xv, 33. On n’offrait à Jéhovah que des victimes pures et nettement déterminées, jamais des hommes, pas même des idolâtres. D’ailleurs le texte parle d’une immolation « devant Jéhovah », c’est-à-dire en présence de l’Arche, et non d’un sacrifice « à Jéhovah ». Agag, voué à l’extermination, avait été épargné par Saûl. Samuel n’intervint qu’à défaut du roi. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iv, p. 497-505. — La Sagesse, xii, 4-6, rappelant les abominables sacrifices des Chananéens, y voit la cause de leur réprobation.

VII. Conditions morales des sacrifices. —1° Obéissance à la loi. — La loi déterminait les conditions rituelles des sacrifices. La morale obligeait l’Israélite à s’en tenir à ces prescriptions. On offrait ainsi des « sacrifices de justice », c’est-à-dire des sacrifices conformes à la loi. Ps. iv, 6. Les hommes pieux n’y manquaient pas. Ps. lxvi (lxv), 13-15. Les autres contrevenaient souvent aux prescriptions mosaïques. Ils se permettaient d’offrir des bêtes aveugles, boiteuses ou malades, et déshonoraient ainsi l’autel du Seigneur. Mal., i, 6-9 ; ii, 13. Quand, au contraire, on présente à Jéhovah des offrandes selon la justice, elles lui sont agréables. Mal., iii, 3, 4. Ézéchiel, xl.vi, 12-15, prévoit l’offrande de pareils sacrifices dans le nouveau Temple, et Jérémie, xxxiii, 18, annonce que les ministres pour les offrir ne manqueront jamais. Il faut, à cet égard, s’en tenir aux règles anciennes. Eccli., vii, 35 ; xiv, 11.

Ne te présente pas devant le Seigneur les mains vides,

Car toutes ces offrandes doivent être faites à cause du

L’offrande du juste engraisse l’autel, [précepte.

Et sa suave odeur s’élève devant le Seigneur.

Le sacrifice de l’homme juste est agréable,

El Dieu en conservera le souvenir. Eccli-, xxxv, 4-6.

II est à remarquer que Notre-Seigneur, après avoir guéri un lépreux, lui recommande expressément d’aller offrir le sacrifice prescrit par Moïse. Marc, i, 44 ; Luc, v, 14.

2° Dispositions morales. — Le culte de Dieu ne pouvait se borner à un simple formalisme. Mais la tendance des Israélites à exagérer l’importance des rites extérieurs était telle, que les écrivains sacrés se croient obligés d’insister très fréquemment sur la nécessité des dispositions morales. Plus les sacrifices tenaient de place dans le culte, plus les sentiments religieux devaient en tenir dans le cœur. Aussi, 1, les sacrifices des impies sont abominables aux yeux du Seigneur. Prov., xv, 8 ; xxi, 27 ; Is., lxvi, 2, 3 ; Jer., xiv, 12 ; Ose., ix, 4 ; Eccli., xxxiv, 19-21. Dans Isaïe, xliii, 2224, Dieu se plaint de son peuple qui, malgré tous ses sacrifices, lui a été à charge par ses péchés et l’a fatigué par ses iniquités. Amos, iv, 4, 5, reproche à ses compatriotes d’amener chaque matin leurs sacrifices et en même temps de pécher de plus en plus. — 2. Dieu ne désire pas les sacrifices, c’est-à-dire qu’il n’en retire aucun avantage et n’y attache pas une importance essentielle. Ps. xl (xxxix), 7 ; li (l), 18 ; Is., i, 11 ; Jer., vi, 20 ; Ose., viii, 13. Amos, v, 22, va même jusqu’à dire qu’il les hait, ce qui s’applique d’une manière absolue aux sacrifices des impies, et seulement d’une manière relative aux autres sacrifices. Dieu, maître de toutes les créatures, n’a nul besoin des victimes que lui présentent les hommes. Ps. L (xlix), 815. — 3. L’idée exprimée pour la première fois par Samuel, que l’obéissance vaut mieux que les sacrifices, I Reg., xv, 22, revient fréquemment sous différentes formes dans la Sainte Écriture : aux sacrifices, Dieu préfère la justice, Prov., xxi, 3, la docilité à sa voix, Eccle., iv, 17 ; Jer., vii, 21, 22, la piété, Ose., vi, 6, la miséricorde. Mich., vi, 6-8 ; Matth., ix, 13 ; xii, 7. Quand les sacrifices ne sont plus possibles, la prière d’un cœur contrit et humilié vaut les plus riches holocaustes. Dan., iii, 38-40. En somme,

Observer la loi, c’est faire dd nombreuses offrandes, S’attacher aux commandements vaut un sacrifice pacifique, Rendre grâces, c’est une offrande de fleur de farine, Pratiquer la miséricorde, c’est offrir un sacrifice de louange. Gb qui plaît au Seigneur, c’est qu’on s’éloigne du mal, Ce qui obtient son pardon, c’est la fuite de l’injustice.

Eccli., xxxv, 1-3.

Aussi Notre-Seigneur fait-il cette recommandation à celui qui, en apportant son offrande à l’autel, se souvient d’un dissentiment avec son frère : « Laisse là ton offrande devant l’autel et va d’abord le réconcilier avec ton frère. » Matth., v, 23, 24. Un jour, , il complimenta de sa sagesse un scribe qui lui disait que l’amour de Dieu et du prochain, « c’est plus que tous les holocaustes et tous les sacrifices. » Marc, xiii, 33. Il n’y avait donc pas à se tromper sur l’esprit de la loi mosaïque au sujet des sacrifices : ils devaient être offerts conformément aux prescriptions légales, mais ilsétaient nuls et même odieux aux yeux de Dieu, si de dignes sentiments de justice, de piété, d’obéissance, de miséricorde et d’amour ne les accompagnaient.

VIII. Efficacité des sacrifices mosaïques. — Les sacrifices de l’ancienne loi avaient une triple valeur légale, symbolique et typique.

1° Valeur légale. — Les sacrifices conféraient aux Israélites la justice légale, c’est-à-dire les purifiaient des souillures qui empêchaient de participer au culte divin, tel qu’il était institué sous l’ancienne loi. Mais ils ne pouvaient pas par eux-mêmes effacer le péché. Ceci ressort des textes qui viennent d’être cités et dans lesquels on voit que Dieu n’attache qu’une valeur secondaire à ces rites extérieurs, dont la célébration n’était que trop souvent accompagnée de dispositions intérieures fort répréhensibles. Mais « il est impossible que le sang des taureaux et des boucs enlève les péchés. » Heb., x, 4. « Les oblations et les sacrifices offerts ne peuvent amener à la perfection, au point de vue de la conscience, celui qui rend ce culte. »

Heb., ix, 9. Malgré les sacrifices pour le péché et pour le délit, la conscience demeurait donc dans un état imparfait, c’est-à-dire n’était pas purifiée de tout ce qui la souillait. Ainsi les sacrifices n’avaient pas de valeur sacramentelle qui leur fût propre ; le péché de ceux qui les offraient n’était remis que s’ils avaient au cœur des sentiments capables d’en obtenir le pardon. L’Église enseigne que ni les gentils par la puissance de la nature, ni les Juifs par la lettre des lois de Moïse, n’ont été délivrés du péché et n’ont pu s’en relever. Conc. Trid., sess. VI, De justificat., cap. I.

2e Valeur symbolique. — Les sacrifices exprimaient symboliquement ce que devaient être les dispositions du cœur pour louer Dieu dignement, pour le remercier, solliciter ses bienfails et implorer son pardon. Ils pouvaient par conséquent exciter dans les âmes des sentiments d’adoration, de reconnaissance, de regret et de religion. À ce but tendaient toutes les prescriptions de la loi. — 1. On immolait des animaux utiles à l’homme et se nourrissant d’aliments purs, ce qui excluait les porcs et les poules : de là une double leçon de générosité et de pureté. — 2. Ces animaux étaient mis à mort, pour signifier que l’homme est digne de mort à cause de ses péchés et que les péchés ne sont expiés que par la mort. Les sacrifices lévitiques n’étaient donc étrangers ni au sentiment moral du péché et de l’expiation, ni à l’idée de substitution et de satisfaction pénale, ainsi que le reconnaissent §mm&, Alites lamentliche Religionsgeschichte, Fribourg, 1899, p. 326-332, et Holtzmann, Lehrbuch derN. T. Theologie, Fribourg, 1897, t. i, p. 68. — 3. Dans les holocaustes, la victime était consumée toute entière, pour rappeler que Dieu est le souverain Maître et que l’homme lui appartient tout entier avec tout ce qui est à lui. — Dans les sacrifices pour le péché, la victime était en partie consumée, en partie mangée par les prêtres, pour indiquer que l’expiation du péché dépend de Dieu, mais par le ministère des prêlres. Pourtant si ceux-ci offraient la victime pour eux-mêmes, ils n’en pouvaient pas manger, parce que rien ne devait leur rester du péché et qu’il ne convenait pas que ce qui venait de leur péché tournât à leur avantage. — 5. Dans les sacrifices pacifiques, il y avait trois parts, une que consumait le feu, une autre que mangeaient les prêtres et une troisième que mangeaient ceux qui offraient le sacrifice, afin de montrer que Dieu, les prêtres et les hommes en général concourent ensemble au salut de chacun. — 6. Le sang était toujours versé à l’autel et la graisse consumée, parce que la vie, représentée par le sang, et l’abondance de la vie, représentée par la graisse, viennent toutes deux de Dieu et doivent contribuer à^son honneur. — 7. Le prêtre recevait pour sa part, dans les sacrifices pacifiques, la poitrine et l’épaule droite, parceque la sagesse du cœur, qui est dans la poitrine, et la force, représentée par l’épaule droite, lui sont nécessaires pour l’exercice de son ministère. Cf. S. Thomas, Summ. theol., Ia D>, q. en, a. 3, ad 2 et 8. — Ainsi compris, les différents actes dont se composaient les sacrifices devaient constituer pour les Israélites un haut enseignement de religion. Car « le sacrifice qui est extérieurement offert est le signe du sacrifice spirituel intérieur par lequel l’âme s’offre elle-même à Dieu comme au principe de sa création et à la fin de sa béatitude… Aussi, ce qui compte, dans le sacrifice, ce n’est pas le prix de la victime immolée, mais sa signification d’honneur rendu au souverain Maître de tout l’univers. » S. Thomas, Summ. Iheol., II a II*, q. lxxxv, a. 2. Sans doute, l’appareil sanguinaire et grossier que nécessitait l’exécution des sacrifices mosaïques, surtout quand les victimes étaient nombreuses, choquerait ceux qui ne conçoivent qu’un culte spirituel de la divinité. Il faut reconnailre cependant qu’il n’en était pas de même pour les anciens, habitués aux

démonstrations sensibles du sentiment religieux. Chez les Israélites en particulier, ces immolations solennelles, exécutées dans un unique et splendide Temple, suivant des règles scrupuleusement observées, à grands frais, par un personnel nombreux et choisi, avec un cérémonial majestueux, ne pouvaient qu’inspirer une haute idée de" la grandeur, de la puissance et de la sainteté de Dieu.

3° Valeur typique. — Les sacrifices de l’ancienne loi figuraient à l’avance le seul sacrifice agréable à Dieu, celui du Verbe incarné. « Le sacrifice par excellence est celui du Christ s’offrant à Dieu en agréable odeur, Eph., v, 2 ; aussi tous les autres sacrifices n’étaient offerts dans l’ancienne loi que pour figurer ce sacrifice principal, comme l’imparfait figure le parfait… Et comme la raison de la figure vient de l’objet figuré, ainsi les raisons des sacrifices figuratifs de l’ancienne loi doivent être demandées au vrai sacrifice du Christ. » S. Thomas, Summ. theol., I » II*, q. en, a. 3. C’est uniquement à cause de ce sacrifice, dont ils étaient la figure, que les sacrifices mosaïques avaient quelque efficacité pour remettre le péché. « Envisagés en eux-mêmes, ils ne pouvaient guérir aucun péché ; mais si l’on regarde du côté des choses dont ils étaient les types, on y trouvait la purification du péché. » S. Augustin, Quasst. xxv in Num„ t. xxxiv, col. 728. « Ils ne causaient pas la grâce, dit Eugène IV dans le Décret aux Arméniens, mais ils figuraient seulement celle qui devait être donnée par la passion du Christ. » La grâce ne pouvait donc procéder, pour les anciens, que du sacrifice de Jésus-Christ. « Comme le mystère de l’incarnation et de la passion du Christ n’était pas encore opéré, les rites de l’ancienne loi ne pouvaient renfermer en réalité la vertu qui découlait du Christ incarné et souffrant, commela renferment les sacrements de la loi nouvelle, et par conséquent ne pouvaient purifier du péché… Mais, au temps de la loi, l’âme des fidèles pouvait s’unir par la foi au Christ incarné et souffrant, et ainsi être justifiée par la foi du Christ. L’observation de ces rites était une sorte de profession de cette foi, en tant qu’ils figuraient le Christ. C’est pourquoi, dans la loi ancienne, on offrait des sacrifices pour le péché, non que ces sacrifices purifiassent du péché, mais parce qu’ils étaient comme une profession de la foi qui purifiait du péché… Celui-ci était remis, non par la vertu des sacrifices, mais grâce à la foi et à la dévotion de ceux qui les offraient. Lev., iv, 26, 31 ; v, 10. » S. Thomas, Summ. theol., I » II*, q. ciii, a. 2. — La valeur réelle des sacrifices dépendait donc de leur valeur typique, moyennant les dispositions inspirées par leur valeur symbolique.

IX. Abolition des sacrifices mosaïques. — Comme toutes les autres institutions particulières à l’ancienne loi, les sacrifices sanglants devaient prendre fin avec la mission du peuple auxquels ils avaient été prescrits. Le prophète Daniel fut chargé de l’annoncer. Parlant de l’Oint qui viendrait un jour et serait retranché, il ajoute : « Il concluera une alliance ferme avec un grand nombre pendant une semaine, et au milieu de la semaine il fera cesser le sacrifice et l’oblation, et sur l’aile des abominations viendra un dévastateur, et cela jusqu’à ce que la destruction qui a été décrétée se répande sur le dévasté. » Dan., ix, 27. Il ne s’agit plus ici d’une interruption du sacrifice perpétuel, comme pendant la persécution d’Antiochus, Dan., xi, 31 ; xii, 11, mais d’une cessation définitive résultant de la destruction de la nation. Malachie, 1, 11, prédit également qu’une oblation pure sera substituée aux sacrifices. La prophétie de Jérémie, xxxiii, 1 8, annonçant qu’il ne manquera jamais d’homme « pour offrir l’holocauste, pour allumer l’oblation et faire le sacrifice tous les jours, » ne concerne donc pas exclusivement le sacerdoce lévilique ; elle a son accomplissement parfait grâce au

sacerdoce et au sacrifice de la loi nouvelle. — Notre-Seigneur ne réprouva pas les sacrifices mosaïques. Matth., v, 23 ; Marc, i, 44 ; Luc, v, 14. Mais il annonça à la Samaritaine que bientôt l’on n’adorerait plus ni au mont Garizim ni à Jérusalem, et qu’au culte ancien serait substitué le culte « en esprit et en vérité ». Joa., iv, 20-23. Les Évangélistes ne mentionnent aucun sacrifice offert par lui dans le Temple, ce qui toutefois ne prouve pas qu’il se soit abstenu systématiquement. Sur la lin de sa vie, il prédit la ruine dû Temple, Matth., xxiv, 1, 2 ; Marc, xiii, 1, 2 ; Luc, xxi, 5, 6, et par conséquent la cessation des sacrifices, qui ne pouvaient être offerts qu’en ce lieu.aÂ. sa mort, le voile du Temple se déchira en deux, Matth., xxvii, 51, marquant ainsi la fin d’un culte qui n’avait plus de raison d’être, — Pendant le siège de Jérusalem par Titus, le 17 du mois de Panémus (17thammouz, 10 juin 70), « le sacrifice perpétuel cessa d’être offert à Dieu, faute d’hommes, et le peuple en fut profondément affligé, » Josèphe, Bell, jud., VI, ii, 1, comme il a été dit plus haut. C’était la fin des sacrifices mosaïques. Depuis lors, les Juifs n’en offrirent plus.

X. Le sacrifice de la croix. — La mort de Jésus-Christ sur la croix est le sacrifice de la nouvelle alliance destiné à remplacer tous les autres. — 1° Ce sacrifice est annoncé dans l’Ancien Testament. Il en est dit au Psaume xxxix (xl), 7, 8 :

Tu ne désires ni sacrifice ni oblation,

Tu m’as percé des oreilles ;

Tu ne demandes ni holocauste ni victime expiatoire,

Alors j’ai dit : Voici que je viens.

Ces paroles sont appliquées au Christ entrant dans le monde par l’Épitre aux Hébreux, x, 5-7. Isaïe parle de la mort du Messie dans des termes qui supposent une immolation sanglante, volontaire et expiatoire :

Il a été transpercé à cause de nos péchés,

Brisé à cause de nos iniquités…

Semblable à l’agneau qu’on mène à la tuerie…

Il a plu à Jéhovah de le briser par la souffrance.

Mais quand son âme aura offert le sacrifice expiatoire,

Il verra une postérité, il vivra de longs jours.

Is., Lin, 5, 7, 10.

— 2° Notre-Seigneur dit formellement que son sang, qui va être répandu, est le « sang de la nouvelle alliance. » Matth., xxvi, 28 ; Marc., xiv, 24 ; Luc, xxii, 20 ; I Cor., xi, 25. Il établit donc une relation de similitude entre son sang et le sang des taureaux immolés au Sinaï, et dont Moïse a dit : « C’est le sang de l’alliance que Jéhovah a conclue avec vous. » Exod., xxiv, 8. De part et d’autre, il y a victime, immolation, sang versé, alliance scellée et, par conséquent, sacrifice. — 3° Les Apôtres parlent de la mort de Notre-Seigneur comme d’un sacrifice. Le Christ « nous a aimés et s’est livré lui-même à Dieu pour nous comme une oblation et un sacrifice d’agréable odeur. » Eph., v, 2. « C’est lui que Dieu a montré comme victime propitiatoire par son sang. » Rom., iii, 25. Nous avons été affranchis « par un sang précieux, celui de l’Agneau sans défaut et sans tache, le sang du Christ. » I Pet., i, 19. « Il est lui* même une victime de propitiation pour nos péchés, non seulement pour les nôtres, mais pour ceux du monde entier. » 1 Joa., ii, 2. Il estl’Agneau de Dieu, Joa., i, 29, c’est-à-dire celui qui a été choisi pour être victime, l’Agneau quia été immolé, Apoc, v, 6, 9, et qui l’a été dès la fondation du monde, Apoc, xiii, 8, dans la pensée divine, en vue et en figure duquel tous les autres sacrifices ont été institués. — 4° L’Épitre aux Hébreux fait plus particulièrement ressortir le caractère du sacrifice de Jésus-Christ, en le comparant aux sacrifices anciens. La première alliance avait son culte et ses sacrifices ; le Christ a aussi son sacrifice et son alliance nouvelle, non dans le sang des animaux, mais dans

son propre sang, non par des sacrifices réilérés, mais par nn seul, puisque, « par une oblation unique, il a procuré la perfection pour toujours à ceux qui sont sanctifiés, » Heb., x, 14, et qu’il ne se borne pas à assurer la pureté de la chair, comme les anciennes victimes, mais celle de la conscience. Heb., ix, 13-14.

— 5° Le sacrifice de la croix renferme éminemment les conditions de tous les autres sacrifices : 1. La victime sensible ; le Fils de Dieu devient cette victimepar son incarnation. Heb., x, 5-9. — 2. La victime agréée de Dieu ; c’est le Père lui-même qui, par amour, l’a donnée au monde. Joa., iii, 16. — 3. La victime offerte ; elle s’offre elle-même dès s* venue en ce monde, elle est offerte extérieurement au Seigneur, par les mains de la sainte Vierge, au jour de la présentation au Temple, Luc, ii, 22, et elle s’offre elle-même de nouveau pendant son agonie. Matth., xxvi, 39. — 4° La victime immolée ; les bourreaux du Calvaire ne sont que des instruments, inconscients de l’importance de l’acte qu’ils accomplissent ; le vrai sacrificateur, ayant la qualité de souverain Prêtre, c’est Jésus-Christ lui-même, qui dépose sa vie par sa propre et unique volonté. Joa., x, 18. — 5. Le sang de la victime ; il devait être complètement répandu, sans que rien n’en restât dans le corps ; c’est ce qui eut lieu pour Notre-Seigneur. Joa., xix, 31. — 6. L’holocauste ; le sacrifice de Jésus-Christ a excellemment, ce caractère ; le Sauveur se donne tout entier, afin que le monde sache qu’il aime son Père, Joa., xiv, 31, qu’il a glorifié sur la terre, Joa., xvii, 4, et auquel il va rendre, par sa mort sanglante et volontaire, le plus complet de tous les hommages. — 7. Le sacrifice pour le péché ; c’est pour l’expiation du péché que meurt le Sauveur, et, en souffrant la mort, il se met à la place des pécheurs, qui seuls l’avaient méritée. Matth., xxvi, 28 ; Marc, X, 45 ; xiv, 24 ; Rom., iii, 24 ; v, 9 ; II Cor., v, 21 ; Gal., iv, 4 ; Col., i, 14 ; Heb., v, 8 ; 1 Joa., i, 7 ; Apoc, i, 5 ; v, 9, etc. — 8. Le sacrifice pacifique ; en mourant à notre place, Jésus-Christ remercie son Père et intercède pour nous. Voir Médiateur, t. iv, col. 915. — 9. Enfin, la participation à la victime. Elle n’avait lieu que dans les sacrifices qui n’étaient pas des holocaustes. Le sacrifice de Jésus-Christ participant aux caractères des sacrifices pour le péché et des sacrifices pacifiques, il était nécessaire, pour que la réalité répondit à la figure, que la victime de la croixpût devenir un aliment. C’est à quoi le Sauveur a pourvu par l’institution de la sainte Eucharistie. — Le sacrifice de la croix a donc tous les caractères d’un véritable sacrifice. Il est supérieur à tous ceux de l’ancienne loi par la qualité de la victime, par sa nature définitive et pleinement efficace et par la manière dont il a été accueilli de Dieu, puisque, des tourments de son immolation, Jésus-Christ est passé dans sa gloire. Luc, xxiv, 26. Cf. De Condren, Idée du sacerdoce et du sacrifice de J.-C, II » part., ch. i-vi, édit. 1858, p. 46-105 ; Thalhofer, Bas Opfer des A. und N. Bandes, Ratisbonne, 1870. XI. Le sacrifice eucharistique. — 1° La prophétie de Malachie, 1, 11, annonçait la substitution d’un nouveau sacrifice aux anciens : a Mon nom est grand parmi les nations, et en tout lieu on offre à mon nom de l’encens et des sacrifices, une oblation pure, car mon nom est grand parmi les nations. » Le sacrifice nouveau doit être universel et pur, digne d’être offert à Dieu. Pour les Pérès, ce sacrifice est celui de l’Eucharistie, et le concile de Trente, sess. xxil, c. 1, déclare que ce qui est prédit par Malachie, c’est le sacrifice eucharistique. D’autre part, Jésus-Christ est prêtre « selon l’ordre de Melchisédech », par conséquent indépendant du sacerdoce d’Aaron, Heb., vii, 1-27, mais ressemblant au prêtre-roi de Salem par la nature de son sacrifice. Or, Melchisédech a offert le pain et le vin (voir Melchisédech, t. iv, col. 939), et le concile de Trente déclare en core que Jésus-Christ a réalisé- l’antique figure en offrant lui-même son corps et son sang sous les espèces du pain et du vin. — 2° Or, le jeudi-saint, Notre-Seigneur présente l’espèce du pain en disant : « Ceci est mon corps. » Saint Paul, I Cor., xi, 24, ajoute : to Cwàp ijjiwv xX<o[ievov ; Vulgate : quod pro vobis tradelur. En présentant le calice, il dit : « Ceci est mon sang, » Matth., xxvi, 28 ; Marc, xiv, 24, ou : « Ceci est le calice de mon sang, » Luc, xxii, 20 ; I Cor., xi, 25 ; Vulgate : Hic est sanguis meus qui. pro multis effundetur, fundelur, ce qui se réfère à la passion. Le grec emploie le présent et montre l’Eucharistie comme un véritable sacrifice ; la Vulgate constate l’union qui existe entre la Cène et le sacrifice de la croix. Dans le Nouveau Testament, effusion du sang et sacrifice sont la même chose. Act., xx, 28 ; Rom., iii, 24 ; v, 9 ; Epb., i, 7 ; ii, 13 ; Col., i, 14, 20 ; I Pet., i, 2, 19 ; I Joa., i, 7, etc. En cet instant, Notre-Seigneur verse donc son sang, en. d’autres termes, il se sacrifie, et, bien que cette effusion soit aussi invisible que sa présence même dans le sacrement, elle est réelle, puisque sa parole l’affirme. — 3° Le divin Maître ajoute que son sang est actuellement versé « pour beaucoup, pour la rémission des péchés. » Matth., xxvi, 27. Ce sacrifice est donc propitiatoire ; il a, comme celui de la croix, la vertu d’expier les péchés. — 4° Il dit ensuite : « Faites ceci en mémoire de moi. » Luc., xii, 19 ; I Cor., xi, 25. Ces paroles sont adressées aux Apôtres, seuls présents. Ce qu’ils ont à faire, c’est ce que le Sauveur a fait, verser son sang, c’est-à-dire le sacrifier pour la rémission des péchés. — 5° La relation entre le sacrifice eucharistique et celui de la croix, supposée par la traduction de la Vulgate dans les textes précédents, est formellement enseignée par saint Paul : « Toutes les fois que vous mangez ce pain et que vous buvez ce calice, » par conséquent, que vous prenez partau sacrificeeucharistique, « vous annoncez la mort du Sauveur jusqu’à ce qu’il vienne. » I Cor., xi, 26. De fait, puisque la victime et le sacrificateur sont les mêmes de part et d’autre, il y a des rapports nécessaires entre les deux sacrifices. — 6° Saint Paul n’en traite pas moins le sacrifice eucharistique comme un sacrifice véritabie et complet en lui-même. Parlant des viandes immolées aux idoles, il dit que, « ce que les païens offrent en sacrifice, ils l’immolent à des démons, et non à Dieu. » Comparant ensuite le sacrifice des chrétiens à celui des païens, il ajoute : « Vous ne pouvez boire à la fois au calice du Seigneur et au calice des démons ; vous ne pouvez prendre part à la table du Seigneur et à la table des démons. » I Cor., x, 20-21. Des deux côtés donc, les aliments tirent leur qualité du sacrifice qui a précédé, et si le rite qui a souillé les aliments offerts aux démons était un sacrifice proprement dit, le rite qui sanctifie le calice et la table du Seigneur l’est également. — 7° Le fond essentiel du sacrifice eucharistique est constitué par la présence réelle de Jésus-Christ, qui donne leur vraie valeur aux actes du sacrifice. Jésus-Christ ressuscité ne peut plus mourir, Rom., vi, -9 ; son immolation effective ne peut donc plus avoir lieu, et pourtant cette immolation est essentielle au sacrifice. Mais il n’est pas nécessaire qu’elle soit récente ; il suffit qu’elle ait été réelle et que quelque chose de sensible la représente. Or, c’est précisément ce qui se produit : Jésus-Christ, autrefois immolé visiblement, est présent in visiblement, mais dans un état qui le rend propre à servir de nourriture et qui, quant à l’apparence sensible, est inconciliable avec la vie. C’est pourquoi le concile de Trente, sess. xxil, c. 1, dit que Jésus-Christ a laissé à son Église « . un sacrifice visible, comme le requiert la nature des hommes, par lequel serait représenté le sacrifice sanglant qui allait être consommé sur la croix. »

— 8° Enfin, le sacrifice eucharistique se complète par la manducation de la victime qui n’avait pas été pos

sible dans le sacrifice de la croix. La victime divine, « rendue présente » par les paroles sacramentelles, et < représentée » par les espèces sensibles, devient la nourriture de ceux qui offrent le sacrilice ou y participent, conformément aux paroles du Sauveur : « Prenez, mangez, buvez. » Ainsi se complète l’harmonie entre les anciens sacrifices et le sacrifice de la loi nouvelle. La victime sert d’aliment ; mais elle aussi ne peut être mangée que par ceux qui sont purs. I Cor., xi, 27-29.

Il est à remarquer que, non seulement en droit, mais même en fait, les anciens sacrifices ont disparu partout où le sacrifice eucharistique a été introduit. Ce dernier, du reste, devra s’établir « , en tout lieu », Mal., i, 11, et il se perpétuera jusqu’à la fin des temps, jusqu’à ce que le Sauveur vienne, I Cor., xi, 26, puisqu’aucune limite n’a été assignée à sa durée et que sa célébration est liée à la vie de l’Église, qui a les promesses de perpétuité. — Cf. Franzelin, De SS. Eucharistie sacram. et sacrif., Rome, 1873, p. 335-420 ; N. Gihr, Le saint Sacrifice de la messe, trad. Moccand, Paris, 1894, t. i, p. 30-248. H. Lesètee.

    1. SACRILÈGE##

SACRILÈGE (grec : i&posvXr^x, îepocruXîa ; Vulgate : særilegium), crime contre les choses saintes. Celui qui commet ce crime est appelé îepô<juXo ; , sacrilegus. — L’idée de sacrilège n’est pas exprimée dans la Bible hébraïque. Là où la Vulgate parle du sacrilège de Phogor, il y a seulement dans le texte hébreu et dans les Septante : « à cause de Phogor. » Num., xxv, 18. La Vulgate ajoute encore l’épithète de « sacrilège » à l’autel bâti par les tribus trausjordaniques. Jos., xxii, 16.

— Les termes grecs s’appliquent aux pilleurs de temples. Ils sont employés à propos de Ménélas et de ses complices, qui avaient enlevé les vases d’or du Temple pour les vendre. II Mach., iv, 38, 39, 42 ; xiii, 6. — Pour dégager saint Paul et ses compagnons, le grammate d’Éphèse ditau peuple qu’ils ne sont ni des sacrilèges, ni des blasphémateurs de Diane. Act., xix, 37. Saint Paul reproche aux Juifs leur inconséquence, quand ils ont les idoles en horreur et se permettent en même temps de UpomiXeCv, c’est-à-dire de profaner le Temple et de commettre ainsi un sacrilège. Rom., ii, 22.

H. Lesêtre.

SACY (Louis Isaac Le Maislre de). Voir Le Maistrjï, t. iv, col. 163.

    1. SADDUCÉENS##

SADDUCÉENS (grec : 2a830uxatot ; Vulgate : Sadducsei), membres d’une secte Juive à l’époque évangélique. Comme les Pharisiens, leurs antagonistes, les Sadducéens ne sont connus que par le Nouveau Testament, l’historien Josèphe et le Talmud.

I. Leur nom. — 1° Les Sadducéens, appelés SaSSo-jxaïot, par les écrivains du Nouveau Testament et par Josèphe, portent le nom de sadduqîni dans la Mischna. Yadayïm, iv, 6, l ; Erubin, vi, 2 ; Makkoth, l, 6 ; Para, m, 7 ; A’idda, iv, 2. — 2° Saint Épiphane, Hxres., xiv, t. xli, col. 240, et saint Jérôme, In Matth., iii, 23, t. xxvi, col. 163, font venir ce nom de l’hébreu saddiq, « juste », comme si les Sadducéens faisaient profession spéciale de justice, c’est-à-dire de fidélité à la loi. Ce nom pourrait à la rigueur se comprendre historiquement, parcequ’en effet les Sadducéens entendaient d’une manière très littérale la loi mosaïque et s’en tenaient à cette loi, à l’exclusion des traditions postérieures. Mais grammaticalement saddiq donnerait saddîqîm et non saddûqîm, <raS81)tz ?ot, saddicsei, et non a « 880-ov.aïai, sadducsei, de même que hàsidim, donne àcriôaîot, assidxi. Voir Assidéens, t. i, col. 1131. Il n’est donc pas probable que la vraie étymologie du nom soit à chercher de ce côté. — 3° Le nom des Sadducéens vient plutôt du nom propre Sadôq, Sadoc, qui se lit une cinquantaine de fois dans l’Ancien Testament, et que

les Septante transcrivent ordinairement par SaStix, mais dix fois par 2aSào-jx. Ezech., xl, 46 ; xliii, 19 ; xliv, 15 ; XLvm, 11 ; I Esd., vii, 2 ; II Esd., iii, 4, 29 ; x, 21 ; xi, 11 ; xhi, 13. Josèphe, Ant. jud., XVIII, i, 1, cite un pharisien du nom de SâSSoyxoç, correspondant certainement an sâdôq hébreu. Il parle également d’un Ananias SaSSouxî, Bell, jud., II, xvil, 10 ; xxi, 7, qui était pharisien. Vit., 39. Dans la Mischna, le rabbi Zadok est appelé Saddûq. Pea, ii, 4 ; Terumoth, x, 9 ; Schabbath, xxiv, 5 ; Pesachim, iii, 6 ; vii, 2 ; x, 3. De la forme grecque SaôSoûx est venu régulièrement le dérivé EaSSouxaîot, ceux qui, à un titre ou à un autre, se rattachent à Sadoc. — 4° La difficulté est de savoir à quel Sadoc le nom des Sadducéens fait allusion. D’anciens rabbins ont songé à un Sadoc, disciple d’Antigone de Socho, " disciple lui-même de Siméon le Juste. Il reste une sentence d’Antigone de Socho dans la Mischna, Aboth, I, 3 : « N’imitez pas le serviteur qui veut servir son maître en vue de la récompense, mais soyez comme celui qui fait son service sans penser à la récompense. » C’est dans un commentaire du rabbi Nathan sur le traité Aboth que sont nommés deux disciples d’Antigone, Sadoc, qui aurait donné son nom aux Sadducéens, et Boéthos, qui aurait donné le sien aux Boéthosiens. La négation sadducéenne de la vie future apparaîtrait ainsi comme une conséquence outrée, mais spécieuse, de la sentence d’Antigone de Socho. Mais le commentaire de Nathan, postérieur au Ve siècle dans sa forme actuelle, ne mérite pas grande confiance. S’il se trompe sur les Boéthosiens, qui tirent leur nom de Boéthos, grand-prêtre contemporain d’Hérode, rien ne prouve qu’il soit mieux informé sur les Sadducéens. Son affirmation n’a donc d’autre valeur que celle d’une supposition personnelle, rattachée artificiellement à la sentence d’Antigone. — 5° Le plus illustre des Sadoc fut incontestablement le grandprêtre contemporain de Salomon, dont les descendants exercèrent à sa suite le souverain pontificat. Dans sa description du Temple idéal, Ézéchiel, xl, 46 ; xliii, 19 ; xliv, 15 ; xlviii, 11, suppose que les fonctions sacrées sont remplies par des fils de Sadoc. I Par., VI, 8-15. Après le retour de la captivité, le sacerdoce suprême resta longtemps encore dans la famille de Sadoc. Voir Grand-Prêtre, t. iii, col. 305-306. Comme le parti des Sadducéens se composait de riches personnages et principalement des grands dignitaires du sacerdoce, on comprend que ces derniers se soient donnés comme les héritiers de Sadoc, sinon par le sang, du moins parles fonctions, et qu’ils se soient appelés Sadducéens. Cette appellation leur permettait d’accaparer l’illustration qui s’attachait à l’un des noms les plus glorieux du passé, et en même temps de faire remonter très haut l’origine de leurs prétentions ou de leurs droits. Cette explication du nom des Sadducéens n’est pas absolument certaine ; mais, à défaut de renseignements historiques, elle est la plus probable. — 6° Hôlscher, Der Sadducâismus, 1906, prétend que les descendants de Sadoc furent chassés de Jérusalem par le soulèvement des Machabées, et que leurs tendances n’étaient plus représentées dans le haut sacerdoce, à la seule exception de la famille de Boéthos sous Hérode. C’est alors seulement que le nom de « Sadducéens » aurait pris naissance en souvenir de la tendance similaire, au temps des Machabées. Schûrer rejette résolument ce système dans Theol. Literaturzeitung, 1907, p. 200-203. II. Leur histoire. — 1° Les Sadducéens ne prennent place dans l’histoire qu’assez tardivement. Ils ne forment pas un parti compact et nombreux comme les Pharisiens. Ils ne se composent que de gens riches et tiennent le peuple à l’écart ; ils sont peu nombreux, mais comptent parmi eux les dignitaires et les chefs. Cf. Josèphe, Ant. jud., XIII, x, 6 ; XVIII, I, 4. C’est donc une aristocratie, surtout sacerdotale ; car les

prêtres, qui occupaient le premier rang dans la nation, y avaient exercé l’autorité principale sous la domination des Grecs et même des Perses. À l'époque romaine, les grandes familles sacerdotales étaient sadducéennes. Act., v, 17 ; Josèphe, Ant. jud., XX, IX, 1. Cependant, il n’y a nullement identité entre le sacerdoce juif et le sadducéisme. Un très grand nombre de prêtres n'étaient pas sadducéens et n’avaient aucune antipathie contre le pharisaïsme, auquel même beaucoup d’entre eux finirent par adhérer à l'époque qui précéda immédiatement la ruine de Jérusalem. D’autre part, les Pharisiens ne nourrissaient aucune animosité contre les prêtres ; ils recommandaient l’obéissance aux obligations que la loi prescrivait à leur égard et se montraient eux-mêmes fidèles à les observer. Mais l’antagonisme n’existait qu’entre le pharisaïsme et le haut sacerdoce, non pas à raison de ses fonctions, mais à cause de ses idées et de ses tendances. — 2° L’origine de cet antagonisme doit tenir à une cause d’ordre politique. L’aristocratie sacerdotale, qui exerçait l’autorité sur la nation à l'époque des dominations étrangères et jouissait des honneurs et des profits attachés à ses fonctions, avait naturellement intérêt à maintenir cet état de choses. L’intérêt national réclamait également que satisfaction fût donnée, autant que possible, aux maîtres étrangers de qui dépendaient les destinées du pays. Ainsi s’explique la tendance des prêtres fonctionnaires à se rapprocher de plus en plus de l’hellénisme, et leurs efforts pour diminuer la distance qui séparait le judaïsme d’avec le monde païen. Il leur semblait qu’ils travaillaient ainsi au bien de la nation, non moins qu'à leur avantage particulier. Ces tendances, déjà très accentuées sous la domination grecque, survécurent à la période de réaction machabéenne. Pendant que, profondément antipathiques au joug et aux idées étrangères, les Pharisiens s’attachaient plus étroitement à la loi et ne craignaient pas d’en tirer les extrêmes conséquences, l’aristocratie sacerdotale s’efforçait de diminuer plutôt que d’augmenter les causes de divergence avec la gentilité, en acceptant du monde païen tout ce qui n'était pas foncièrement inconciliable avec le fond essentiel de la loi mosaïque. On vit alors les grands-prêtres Jason, Ménélas et Alçime verser à l’excès dans l’hellénisme. — 3° Les grands-prêtres macchabéens, Jonathas et ses successeurs, à raison même de leurs antécédents, se rangèrent au parti pharisien, qui était le parti du patriotisme et de l’observance étroile de la loi. Les Sadducéens furent alors tenus à l'écart, mais ils ne disparurent pas et conservèrent toujours quelques-uns des leurs dans les hautes fonctions. Ils apparaissent tout d’un coup sous Jean Hyrcan pour jouer un rôle qui prouve leur réelle importance. Plusieurs des Pharisiens voyaient d’un mauvais œil la puissance civile et le souverain pontificat réunis dans les mains du même prince. Ils manifestèrent publiquement leur mécontentement, et l’un d’eux, Éléazar, alla même jusqu'à élever des doutes sur la légitimité de la naissance de Jean Hyrcan. Jonathas, ami intime du prince et sadducéen, lui persuada que tous les Pharisiens étaient dans les mêmes idées et lui inspira la résolution de faire juger par eux le calomniateur. Ceux-ci ne condamnèrent Éléazar qu’au fouet et à la prison. Hyrcan, outré de cette indulgence, passa au parti des Sadducéens, embrassa leur doctrine et prit des mesures rigoureuses contre ceux qui observaient les pratiques du pharisaïsme. Cf. Josèphe, Ant. jud., XIII, x, 5, 6 ; Babyl. Berachoth, fol. 29 a. Aristobule I er, et surtout Alexandre Jannée, persévérèrent dans ce parti. Ce dernier, violemment attaqué par le peuple à l’instigation des Pharisiens, fit massacrer six mille hommes par sa garde, et soutint ensuite pendant six ans une guerre civile durant laquelle périrent cinquante mille Juifs. Ant. jud., XIII, xiii, 5. Cependant, avant de mourir,

il recommanda à la reine Alexandra de se concilier les Pharisiens en leur donnant part au pouvoir. Josèphe, Ant. jud., XIII, - xv, 5. Ceyux-ci, redevenus puissants sous Alexandra, exercèrent des représailles contre les Sadducéens et en firent mourir un bon nombre, entre autres Diogène, ancien ami d’Alexandre Jannée. Aristobule, fils cadet d’Alexandra, intervint alors en faveur des Sadducéens. La reine, pour les soustraire à la vengeance de leurs ennemis, les envoya dans des forteresses dont elle leur confia la garde. Josèphe, Ant. jud., XIII, xvi, 2-3. C'était une force toute préparée dont Aristobule se servit, à la mort de sa mère, pour s’emparer de la royauté, au détriment de son aîné Hyrcan. — 4° Sous Hirode et sous les procurateurs romains, si impatiemment supportés par les Pharisiens, les Sadducéens s’accommodèrent aisément du régime imposé à la nation. Ils remplissaient alors les principales charges religieuses. Josèphe, Ant. jud., XVIII, i, 4, remarque même que « quand ils exerçaient quelque magistrature, ils se rangeaient à l’opinion des Pharisiens, bien qu'à contre coeur et sous le coup de la nécessité, parce qu’autrement le peuple ne les eût pas supportés. » Ils savaient donc faire fléchir leurs principes dans l’intérêt de leur pouvoir. On les voit intervenir de temps en temps à travers l’histoire évangélique, faisant souvent cause commune avec les Pharisiens contre Jésus, mais pour des motifs tout différents. Ce qu’ils voient en lui, c’est le novateur qui cherche à troubler l’ordre établi et qui peut attirer contre la nation la colère de (a puissance romaine. Joa., xi, 48. Ils cherchent cependant à défendre leurs doctrines particulières, Matth, , xxii, 23-34 ; Act., iv, 1, 2, pour ne pas avoir l’air de se désintéresser des choses d’ordre intellectuel. Mais la politique est leur principale raison d'être. Ils n’existent que pour tirer des circonstances le meilleur parti possible, en se pliant à toutes les dominations qui pèsent sur leur nation, pourvu que leurs intérêts soient saufs. Aussi disparaissent-ils sans laisser presque aucune trace, quand la ruine de la nationalité juive ne permet plus à leur habileté de s’exercer avec profit. Leur influence ayant été beaucoup plus pratique que doctrinale, c’est à peine si les docteurs juifs feront encore mention des Sadducéens dans leurs longs commentaires. Ils en viendront même à ne plus trop savoir ce que ces sectaires ont pensé et ce qu’ils ont été.

III. Leur doctrine. — Chez un peuple qui attachait une si grande importance à sa foi religieuse et qui y cherchait la règle de sa conduite, le fondement de ses espérances et le motif de ses revendications, un parti comme celui des Sadducéens ne pouvait se désintéresser totalement de la question doctrinale, bien que ses visées fussent principalement politiques et utilitaires. Voilà pourquoi ces sectaires admettaient un certain nombre de principes dont ils tiraient les conséquences pratiques. — 1° Sur l'Écriture et les traditions. — D’après les Sadducéens « il ne faut accepter pour régler sa conduite, que ce qui est écrit, sans s’astreindre aux traditions des anciens… Ils prétendent qu’il n’y a à observer que la loi et qu’il est honorable de contredire les maîtres de la sagesse. » Josèphe, Ant. jud., XIII, x, 6 ; XVIII, i, 4. C'était le principe opposé à celui des Pharisiens, qui trop souvent faisaient passer avant la loi les traditions purement humaines. Matth., xv, 3-6. Un certain nombre de Pères ont pensé que les Sadducéens ne recevaient parmi les livres sacrés que le Pentateuque. Cf. Origène, Cont. Cels., i, 49, t. xi, col. 767 ; Philosophum., ix, 29, édit. Cruice, p. 469 ; Tertullien, De prsescript., 45, t. ii, col. 61 ; S. Jérôme, Cont. Luciferian., 23, t. xxiii, col. 178 ; In "Matth., iii, 31, t. xxvi, col. 165, etc. On a cherché à corroborer cette assertion en observant que, pour réfuter les Sadducéens, Jésus-Christ se contente d’alléguer un 1341

SADDUGÉENS

J342

texte du Pentateuque, Matth., xxii, 32, alors que tant d’autres plus décisifs auraient pu être empruntés aux prophètes. Mais on convient généralement aujourd’hui que les Pères, en s’exprimant ainsi, ont donné plus de portée qu’il ne fallait à l’observation de Joséphe. Il est certain que si les Sadducéens avaient partagé, au sujet des écrits bibliques, l’opinion des Samaritains abhorrés, qui ne recevaient que le Pentateuque, leur position eût été intenable au sanhédrin et surtout au souverain pontificat. Or, comme l’a observé Josèphe, Ant. jud., XVIII, i, 4, la crainte du peuple les obligeait parfois à se ranger à la manière de voir des Pharisiens ; ils n’eussent pas manqué de le faire, pour conserver leurs charges, si leurs opinions sur la Bible eussent été inacceptables. L’argument tiré du Pentateuque par Notre-Seigneur ne prouve nullement que les Sadducéens n’admettaient que les livres de Moïse. On conçoit très bien que, pour donner plus de force à sa réponse, le Sauveur ait emprunté à un texte de Moïse le moyen de réfuter une objection appuyée sur un autre texte du même auteur. Dans le Talmud, on voit les Pharisiens alléguer des textes prophétiques contre les Sadducéens, sans que ceux-ci réclament. Gem. Sanhédrin, 11. 2. C’est donc que ces derniers avaient la même Bible que tous leurs compatriotes. Ils ne rejetaient en définitive que les traditions non écrites, c’est-à-dire ces règles et ces interprétations qui se transmettaient oralement et se multipliaient à l’excès. Il y avait cependant des traditions qu’ils admettaient. Sanhédrin, 33 b ; Horayoth, ka. Ils tenaient sans doute à rester libres d’accepter celles qui leur convenaient.

2° Sur l’existence des esprits. — « Les Sadducéens disent qu’il n’y a point de résurrection, ni d’ange et d’esprit. » Act., xxiii, 8. Ils n’admettaient point d’autre esprit pur que Dieu. Par conséquent point d’anges, point d’âmes séparées du corps et, comme corollaire, pas de résurrection du corps pour rejoindre une âme qui n’existe plus. Les Sadducéens « nient la survivance des âmes, les supplices et les récompenses de l’autre vie… La doctrine des Sadducéens est que les âmes périssent avec les corps. » Josèphe, Bell, jud., II, viii, 14 ; Ant. jud., XVIII, i, 4. « Les Sadducéens formulent ainsi leur négation : la nuée se dissout et s’en va, ainsi celui qui descend au tombeau ne revient pas. » Tanchuma, 3, 1. Peut-être les Sadducéens prétendaient-ils s’en tenir sur ces différents points aux anciens textes bibliques, qui n’étaient pas très explicites. Si l’existence des anges et des démons apparaît assez claire dans le Pentateuque et dans Job, ce qui rend la négation des Sadducéens inexcusable, la survivance des âmes restait une question obscure au moins quant au mode de cette survivance. Le Se’ôl semblait un état indécis, sans récompense ni châtiment. Quant à la résurrection des corps, elle n’avait été enseignée d’une manière positive que par Daniel. Toutes ces notions sur l’autre vie étaient encore imprécises pour les Juifs. Il y avait là des questions qui fournissaient matière à discussion entre Pharisiens et Sadducéens. Mais les raisons apportées par les premiers étaient souvent sans valeur. Cf. Midrasch Kohelelh, fol. 114, 3. Les seconds y trouvaient facilement des motifs de ne pas croire. En tous cas, dans l’opinion générale, la négation des Sadducéens avait assezpeu de conséquence pour que ceux-ci pussent exercer les premières charges dans le Temple, sans révolter ni même trop étonner personne.

3° Sur l’action de la Providence. — c Les Sadducéens suppriment totalement le destin et nient que Dieu soit pour quelque chose quand on fait le mal ou qu’on s’en abstient. Ils disent qu’il dépend de l’homme de choisir le bien ou le mal et que chacun va à l’un ou à Tau-Ire à son gré. » Josèphe, Bel l. jud., III, viii, 14. Au point de vue individuel, la théorie sadducéenne pouvait passer pour une revendication de la liberté humaine,

et la négation légitime de cette force nécessitante que les païens appelaient le destin etquiimposaità l’homme certains actes bons ou mauvais. Elle rejetait cependant toute influence de Dieu sur la conduite de l’homme. C’était la négation anticipée de la grâce et l’affirmation de l’indifférence divine vis-à-vis des actes de l’homme, qu’aucune sanction ne devait d’ailleurs atteindre dans l’autre vie. La inorale se résumait ainsi pour chacun à se tirer d’affaire le plus habilement possible, de manière à s’assurer les avantages de la vie présente. Toute la conduite des Sadducéens, qui n’admettaient dans leur secte que des riches, cf. Josèphe, Ant. jud., XIII, x, 6, s’inspirait de ces principes. Au point de vue national, leur théorie avait une portée plus grave. Elle rejetait l’action providentielle de Dieu sur la nation, au moins pour le présent et pour l’avenir. Dieu semblait se désintéresser de son peuple, qu’il abandonnait à la domination des étrangers. Il n’y avait donc plus rien à attendre de lui, pas même ce Messie libérateur sur lequel comptaient les Pharisiens et en général tous les enfants d’Israël. Dieu ne se mêlant de rien et les Juifs n’étant pas assez puissants pour se libérer eux-mêmes, le plus sage était donc de s’accommoder de la situation présente en faisant bonne figure aux Romains, pour jouir sous leur protection des biens de la vie. Le riche que Notre-Seigneur met en scène dans une de ses paraboles en face du pauvre Lazare, Luc, xvi, 19-81, parait bien avoir été l’un de ces Sadducéens jouisseurs, qui se réveille tout d’un coup dans une autre vie à laquelle il ne croyait pas et dont ses cinq frères n’admettaient pas la réalité.

— 4° Sur le droit criminel. — « Dans les jugements, les Sadducéens étaient plus durs que tous les autres Juifs. » Joséphe, Anl. jud., XX, ix, 1. Ils tranchaient ainsi avec les Pharisiens, qui étaient « naturellement disposés à se montrer cléments dans l’application des peines. » Josèphe, Ant. jud., XIII, x, 6. Cette différence provenait de ce que les Sadducéens s’en tenaient rigoureusement à la loi écrite, tandis que les Pharisiens admettaient les adoucissements consacrés par la tradition. Les premiers réclamaient l’application stricte de la loi du talion, alors que les seconds se contentaient de compensations pécuniaires. Cf. Yadayim, IV, 76. Pourtant, dans le cas du faux témoin, Deut., xix, 19-21, ils n’admettaient le châtiment du coupable que quand son témoignage avait produit son effet, tandis que les Pharisiens exigeaient le châtiment pour le seul fait du faux témoignage en lui-même. Cf. Makkoth, I, 6. On voit que les Sadducéens n’avaient pas toujours la sévérité dont Josèphe les accuse. Ils gardaient cependant une certaine raideur même entre eux, toujours avec l’idée de se montrer inflexibles et impartiaux sur l’application de la loi. « Les Pharisiens s’aiment les uns les autres et s’accordent ensemble pour leur commune utilité. Les Sadducéens n’ont pas cette bienveillance les uns pour les autres, et ils se comportent entre eux comme avec des étrangers. » Josèphe, Bell, jud., II, vm, 14.

5° Sur les questions rituelles. — C’était là une source d’interminables discussions entre les Pharisiens et les Sadducéens, parce que ces derniers se refusaient à tenir pour obligatoires les règles de pureté légale que les premiers avaient multipliées à plaisir. Ils se moquaient même des minuties et des inconséquences dans lesquelles tombaient les interprètes de la légalité. Ainsi les Pharisiens ayant jugé à propos de purifier le candélabre du Temple, les Sadducéens dirent qu’ils en viendraient à purifier le globe du soleil. Cf. Yadayim, iv, 6, 7 ; Chagigah, iii, 8. Les Pharisiens déclaraient impures les Sadducéennes, « si elles suivaient le chemin de leurs pères. t> Nidda, iv, 2. Cependant, dans certains cas, les Sadducéens se montraient plus stricts que les autres dans leurs exigences.

Ils prescrivaient de multiples purifications au prêtre qui préparait les cendres de la vache rousse, alors que les Pharisiens en réclamaient beaucoup moins. Cf. Para, m, 7. Quand on transvasait un liquide d’un vase pur dans un vase impur, le liquide devenait impur au sortir du vase pur, d’après les Sadducéens, et seulement au contact du vase impur, d’après les Pharirisiens. Cf. Yadayim, iv, 7. Les Sadducéens différaient encore des Pharisiens sur la manière d’entendre certaines prescriptions liturgiques. Ils voulaient que l’offrande de la gerbe pascale, Lev., xxiii, ii, se fit

. non pas le second jour de la fête, mais le jour d’après le sabbat de l’octave. Cf. Menachoth, x, 3 ; Chagigah, il, 4. Ils prétendaient que le sacrifice quotidien devait êlre offert, non aux frais du trésor, mais à ceux des particuliers ; que l’offrande de farine appartenait aux prêtres et n’avait pas à êlre brûlée sur l’autel ; qu’au jour de l’Expiation, le grand-prêtre devait brûler l’encens avant d’entrer dans le Saint des saints, et non après, etc. Ils avaient aussi leur manière particulière

d’accomplir certaines cérémonies. Cf. Gem. 1er. Yoma, 39, 1 ; Sukka, iv, 9. Voir Libation, t. iv, col. 236. Il y avait encore grand dissentiment entre fes Sadducéens et les Pharisiens sur l’étendue à donner au précepte du sabbat et sur les conditions des festins sacrés. Cf. Erubin, vi, 1, 2. En somme, les Sadducéens faisaient bon marché des traditions pharisaïques ; ils se refusaient à leur reconnaître un caractère obligatoire et parfois, comme à propos du sacrifice quotidien et de l’offrande de farine, prenaient le parti le plus avantageux à leur intérêt. Étant donné l’état de leurs croyances religieuses, il esta croire qu’ils ne voyaient dans l’exercice du culte qu’une série de formalités, auxquelles ils se pliaientpour conserver des situations lucratives, mais qu’ils se gardaient bien de compliquer au gré des docteurs pharisiens. Ils n’entraient dans les vues de ces derniers qu’autant qu’il le fallait pour ne pas trop mécontenter le peuple.

IV. Leur rôle en face de l’Évangile. — À l’époque évangélique, les Sadducéens occupaient une place importante dans la nation juive. Ils comptaient un certain nombre de membres dans le sanhédrin, voir Sanhédrin, et il est à peu près certain que tous ceux qui sont désignés sous le nom de pontifes, de grandsprêtres et de princes des prêtres appartenaient au parti sadducéen. Au point de vue politique, les Sadducéens admettaient le pouvoir établi. Ils étaient donc disposés à faire opposition à quiconque menacerait l’ordre de choses en vigueur. — Quand Jean-Baptiste commence à prêcher, il y a des Pharisiens et des Sadducéens parmi ceux qui l’écoutent. Le précurseur les interpelle durement les uns et les autres en les appelant « race de vipères ». Matth., iii, 7. Il ne parait pas qu’ils soient venus là avec l’intention de se convertir. — La prédication du Sauveur excite également la curiosité des Sadducéens. Un jour, ils s’unissent à des Pharisiens pour lui demander de faire un prodige dans le ciel. Matth., xvi, 1. Le Sauveur les enveloppe les uns et les autres dans la même réprobation, en secommandant à ses disciples de se tenir en garde contre le levain des Pharisiens et des Sadducéens, c’est-à-dire contre leur doctrine. Matth., xvi, 6-12. Saint Marc, viii, 15, parle du levain des Pharisiens et du « levain d’Hérode », ce qui donne à penser que les partisans du prince se recrutaient surtout parmi les’Sadducéens. Voir Hérodiens, t. iii, col. 653. — La principale intervention des Sadducéens est celle qui a lieu dans le Temple, pendant les derniers jours de la vie du Sauveur. Les Pharisiens ont harcelé Notre-Seigneur de questions captieuses. Les Sadducéens veulent entrer en ligne à leur tour. Ils s’imaginent qu’ils seront plus heureux, en proposant une de ces difficultés à laquelle il leur semblait qu’il n’y avait pas de réponse

possible. Pour eux, pas de résurrection ; car, s’il y en avait une, à qui serait unie dans l’autre vie la femme qui a successivement épousé sept frères ici-bas ? Ce cas suppose la loi du lévirat formulée par Moïse. Deut., xxv, 5, 6. Le Sauveur réplique aux Sadducéens qu’  « ils ignorent les Écritures », eux qui se piquent de n’admettre que ce qui est écrit ; il leur parle des anges, à eux qui nient leur existence ; enfin il leur prouve, par un autre texte emprunté à Moïse, qu’Abraham, Isaac et Jacob sont encore vivants, que, par conséquent, les âmes survivent et que, semblables aux anges de Dieu elles n’ont plus à contracter d’unions comme sur la terre. Matth., xxii, 23-33 ; Marc, XH, 18-27 ; Luc, xx, 27-40. Pour une fois qu’ils ont pris la parole afin de défendre leurs idées, les Sadducéens sont réduits au silence. Le peuple admire et les Pharisiens ne sont pas fâchés de l’humiliation infligée à leurs antagonistes. Matth., xxii, 33, 34 ; Marc, xii, 28. Pendant le ministère public du Sauveur, les Sadducéens sont donc intervenus beaucoup moins souvent que les Pharisiens. Cela tient à ce qu’ils étaient en bien plus petit nombre et que de riches personnages comme eux évitaient de se commettre avec les foules à travers les campagnes qu’évangélisait Jésus. Leur amour de la vie confortable les retenaft d’ailleurs à Jérusalem, et c’est là, dans le Temp*le même, qu’ils abordèrent Notre-Seigneur. D’autre part, ils savaient que les Pharisiens faisaient bonne garde autour de lui et que l’écho de leurs griefs ne manquerait pas de retentir au sanhédrin, où serait prise la résolution que réclamait la haine commune. La condamnation et la mort du Sauveur furent l’œuvre des Sadducéens, . au moins autant que celle des Pharisiens ; car ces princes des prêtres qui s’agitèrent avec tant de frénésie pendant la passion étaient pour la plu. part des membres de la secte, ainsi que beaucoup des anciens, et il est à croire que leurs accusations et leurs menaces eurent d’autant plus de poids sur la décision de Pilate qu’eux-mêmes se posaient en amis de l’autorité romaine et, à ce titre, avaient plus de droits que d’autres à être écoutés. — Après la Pentecôte, les Sadducéens, maîtres du Temple, s’indignent de ce que Pierre et Jean annoncent la résurrection des morts en la personne de Jésus, et ils les font jeter en’prison. Le lendemain, Pierre affirme hardiment la résurrection de Jésus-Christ en plein sanhédrin, et les Sadducéens ne réussissent pas à le faire condamner. Act., iv, 2, 10-23. — Quelque temps après, « le grand-prêtre et tous ses adhérents, savoir le parti des Sadducéens, » font encore arrêter les Apôtres. Ils les auraient mis à mort sans le conseil sensé que leur donna Gamaliel. Ils se contentent alors de les faire flageller. Act., v, 17, 34-40. — Une dernière fois, les Sadducéens sont mentionnés à l’occasion de la comparution de saint Paul devant le sanhédrin. Cette assemblée est encore composée d’éléments empruntés aux deux sectes rivales. L’Apôtre exploite habilement la situation pour soulever ses juges les uns contre les autres. Se présentant comme Pharisien, il déclare qu’il est mis en jugement à cause de son espérance en la résurrection des morts. Aussitôt, les deux partis entrent en lutte ; les Pharisiens soutiennent qu’après tout il est possible qu’un esprit ou un ange ait parlé à Paul. Le tribun est alors obligé de dissoudre l’assemblée pour soustraire l’Apôtre à la fureur des Sadducéens. Act., xxii| 6-10. — À la suite de cet incident, il n’est plus question des Sadducéens dans le Nouveau Testament. Du rôle qui leur est attribué dans l’Évangile, il faut conclure que ces sectaires ne connaissaient de la religion que le côté cultnel et extérieur, qu’ils gardaient en vue de l’honneur et du profit qui en résultaient pour eux. Ils n’hésitaient pas à faire mourir quiconque portait atteinte à leur situation, comme ils firent pour Notre-Seigneur et tentèrent de le faire pour les Apôtres.

1345

SADDUCEENS — SADOG

1346

Partisans servîtes d’un pouvoir détesté par la nation, sans idéal religieux, égoïstes, jouisseurs et cruels, ils s’étaient attiré le mépris et la haine du peuple. Ils le méritaient bien.

Voir la bibliographie du mot Pharisiens, col. 217 ; S. Barthel, De Sadducseis, dans le Thésaurus d’Ugolini, xxii ; Grossmann, De philosophia Sadducseorum, Leipzig, 1836-1838 ; Baneth, Ueber den Ursprung der Sadokâer und Boethosâer, dans le Magazin fur die Wissensch. des Judenlh., Leipzig, 1882, p. 1-37, 61-95 ; Davaine, Le Saducéisme, étude historique et dogmatique, Montauban, 1888 ; Stapfer, La Palestine au temps de J.-C, 2e édit., Paris, 1902, p. 259-276, 309321 ; Schûrer, Geschichte des jûdischen Volkes im Zeit. J. C, Leipzig, t. ii, 4e édit., 1907, p. 475-489 ; Lafay, Les Sadducéens, Lyon, 1904 ; Hôlscher, Der

Saddueâismus, Leipzig, 1906.
H. Lesêtre.
    1. SADOG quis##

SADOG quis, « juste » ; Septante : EaSiix ; ZaSiix, etc.), nom de plusieurs Israélites dont le nombre est difficile à déterminer.

1. SADOC, fils (petit-fils) d’Achitob (voir Achitob 2, t. i, col. 145), descendant d’Éléazar, fils d’Aaron, I Par., vi, 4, 11 ; 50-53 ; xxiv, 3, grand-prêtre du temps de David. II Reg., viii, 17 ; xv, 35 36 ; xix, 11 ; xx, 25 ; I Par., xviii, 16.

1° Abiathar avait en même temps la même dignité, mais Sadoc est toujours nommé avant lui, ibid., et il est nommé comme le chef des descendants d’Aaron.

I Par., xxvii, 17. Une partie de son histoire est obscure.

II apparaît pour la première fois après la mort de Saûl, lorsqu’il était encore jeune (na’ar) : il alla à Hébron avec vingt-deux chefs de la maison de son père et beaucoup d’autres pour proclamer David roi d’Israël. Le texte sacré le qualifie de « vaillant », gibbôr hdil {Vulgate : egregim indolis). I Par., xii, 28. Son nom ne reparaît qu’à l’époque de la translation de l’arche par David de la maison d’Obédédom à Jérusalem : il est alors pontife avec Abiathar et en cette qualité il est chargé avec son collègue et les principaux Lévites d’organiser la cérémonie. I Par., xv, 11. C’est la première circonstance dans laquelle Sadoc et Abiathar figurent tous les deux comme grands-prêtres. Nous ignorons comment le pontificat était alors représenté par deux personnages. Abiathar avait succédé à son père Achimélech dans cette fonction, lorsque ce dernier eut été immolé par Saül pour avoir fait bon accueil à David fugitif, Abiathar avait seul échappé au massacre de sa famille et il s’était réfugié, afin de sauver sa vie, auprès de David, qui le traitacomme successeur de son père dans la dignité pontificale. I Reg., xxii, 2024 ; xxiii, 6. Voir Abiathar, t. i, col. 45. D’après I Par., xii, 28, Sadoc paraît avoir été le chef de la famille aaronique d’Éléazar, à l’époque de la mort de Saûl. Ce prince, après la fuite d’Abiathar, avait-il appelé au souverain sacerdoce l’aîné des descendants d’Éléazar ? C’est possible, mais nous n’en avons pas Iapreuve. Quoi qu’il en soit, Sadoc a le rang de grand-prêtre pendant le règne de David. Sa famille, après avoir été attachée à Saül pendant le règne de ce roi, devint invariablement fidèle à David avec Sadoc. Il semble y avoir eu un partage d’attributions entre les deux grandsprêtres : Sadoc et sa famille font le service du Tabernacle et offrent les sacrifices à Gabaon, I Par., xvi, 39-40 ; Abiathar eut à s’occuper de l’arche d’alliance, mais non exclusivement et conjointement avec Sadoc. I Par., xv, 11 ; II Reg., xv, 24-29.

2° Sadoc et Abiathar jouèrent un rôle important à l’époque de la révolte d’Absalom contre son père et contribuèrent efficacement à conserver le trône à David. Ils voulurent d’abord accompagner le roi dans sa fuite et emporter avec eux l’arche d’alliance de Jérusalem,


mais David les fit rester dans la capitale, afin d’y suivre la marche des événements et de le renseigner par l’intermédiaire de leurs fils, Achimaas et Jonathas, sur tout ce qui se passerait. II Reg., xv, 24-29. Les deux grands-prêtres et leurs fils accomplirent fidèlement la mission qui leur était confiée. II Reg., xvii, 15-22. Après la mort d’Absalom, à la demande de David, Sadoc et Abiathar persuadèrent aux anciens de Juda de rappeler le roi dans sa capitale. II Reg., xix, 11.

3° Les deux pontifes qui avaient jusque-là marché d’accord prirent chacun un parti différent à l’époque de l’avènement de Salomon à la royauté. Sadoc se rangea du côté du fils de Bethsabée ; Abiathar fit cause commune avec Adonias. III Reg., i, 7-8. Sadoc sacra Salomon roi d’Israël, ꝟ. 32-40, et lorsque ce prince fut solidement assis sur son trône, il déposa Abiathar et Sadoc resta seul grand-prêtre. III Reg., ii, 27-36. Ainsi s’accomplit le châtiment par lequel Dieu punit la maison d’Héli des crimes de ses fils Ophni et Phinées.

I Reg., ii, 27-36 ; iii, 11-13. Voir HéliI, t. iii, col. 569. Le souverain pontificat passa ainsi définitivement de la famille d’ithamar dans celle d’Éléazar en la personne de Sadoc.

4° C’est le dernier événement qui nous soit connu de la vie de Sadoc ; il n’est pas même nommé dans le récit de la construction et de la dédicace du Temple, quoique, d’après Josèphe, Ant. jud., X, viii, 6, il soit le premier grand-prêtre quiyaitpontifié. — Dans II Reg., xv, 27, David l’appelle rô’éh, « voyant », d’après le texte massorétique et d’après la Vulgate ; les Septante ont lu autrement l’hébreu : ÏSets, « voyez ». La leçon rô’éh est sujette à caution ; si elle est exacte, il est difficile d’expliquer pourquoi ce titre est donné à Sadoc.

— Sur l’Achimélech qui est nommé comme grandprêtre avec Sadoc II Reg., viii, 17, voir Achimélech 3, t. i, col. 142.

5° Le souverain pontificat se transmit dans la descendance de Sadoc. Il eut sans doute pour successeur. son fils Achimaas, qui fut remplacé lui-même par son fils Azarias. —III Reg., iv, 2 ; IPar., vi, 9-15, donnent la succession des grands-prêtres de la maison de Sadoc jusqu’à Josédec, à l’époque de la captivité de Babylone, et la suite de cette succession est marquée dans Esdras et dans Néhémie. Voir Grand-prêtre, 1. 1, col. 305-306. Pendant la captivité, Ézéchiel, dans la seconde partie de ses prophéties, fait à plusieurs reprises l’éloge des descendants de Sadoc. Ezech., XL, 46 ; xlhi, 19 ; xliv, 15 ; XL viii, 11. F. Vigouroux.

2. SADOC, père de Jérusa, femme du roi Ozias et mère du roi Joatham. IV Reg., xv, 33 ; II Par., xxvii, 1. Comme le père de la reine-mère n’est pas ordinairement nommé, on peut induire de l’exception qui est faite ici que Sadoc était un personnage important.

3. SADOC, grand-prêtre, second du nom, fils d’Achitob et père de Sellum. I Par., vi, 12 ; I Esd., vii, 2. Voir Achitob 3, t. i, col. 146. Ce nom ne figure pas dans la liste des grands-prêtres donnée par Josèphe et par le Séder Olam (voir t. iii, col. 305), mais l’Odéas, ’Uôéaç de Josèphe, Ant. jud., X, viii, 6, et le Hosaïah ou Osaïas, du Séder Olam, placé immédiatement avant Sellum, doit être le même que ce Sadoc. On ne sait rien de son histoire.

4. SADOC, fils de Baana, qui travailla du temps de Néhémie à la restauration des murs de Jérusalem.

II Esd., iii, 4. Voir Sadoc 7.

5. SADOC, fils d’Emmer, qui répara devant sa propre maison les murs de Jérusalem du temps de Néhémie, II Esd., iii, 29, du côté oriental de la ville, près de la porte des Chevaux. Voir t. ii, col. 682. Voir aussi

V. — 43

1347

SADOG — SAGAN

1348

Emmer 1, t. ii, col. 1763. Il est peut-être identique à Sadoc 7.

6. SADOC, « un des chefs du peuple » qui signèrent l’alliance avec Dieu du temps de Néhémie. II Esd., x, 21. Quelques exégètes le confondent avec Sadoc 4, parce qu’il est nommé dans ce dernier passage après Mésizabel, comme l’est également le Sadoc de II Esd., iii, 4.

7. SADOC, scribe, à qui Néhémie confia, ainsi qu’à Sélémias le prêtre et à quelques Lévites, la garde des magasins où l’on recueillait les dîmes des Israélites. II Esd., xiii, 13. Certains commentateurs identifient ce Sadoc avec Sadoc 5, d’autres avec Sadoc 4, d’autres avec Sadoc 6, mais on ne peut donner pour ou contre ces identifications de raison décisive.

8. SADOC, un des ancêtres de Notre-Seigneur dans la généalogie de saint Matthieu, i, 14. Il descendait de Zorobabel et était fils d’Azor et père d’Achim.

    1. SAFRAN##

SAFRAN (hébreu : karkôm ; Septante : xpôxo ;  ; Vulgate : crocus), plante odorante.

I. Description. — Cette substance à la fois aromatique et tinctoriale est fournie par les stigmates du Crocus sativus L. de la famille des Iridées. L’Orient est la patrie des Crocus, dont on a décrit près de 50 espèces. Toutes sont des herbes à tige courte et bulbeuse, protégée par la base dilatée et persistante des anciennes feuilles, sous forme de tuniques membraneuses. Les fleurs paraissent soit au printemps, soit à l’automne, entourées par une touffe de feuilles linéaires. Le tube allongé du périanthe, qui part du bulbe, simule un pédoncule, et se dilate en une coupe infundibuliforme composée de six pièces dont les externes sont plus larges et opposées aux étamines. L’ovaire est profondément enfoui, mais surmonté au centre de la fleur par un style filiforme, divisé lui-même en 3 branches stigmatiques enroulées en cornet et progressivement évasées jusqu’à leur extrémité. Ce sont les parties que l’on récolte comme étant le siège principal de la matière colorante rouge-orange, unie à une huile essentielle, et dont le pouvoir colorant est si considérable qu’il communique une teinte encore appréciable à 200000 parties d’eau. Le Crocus salivus (fig. 278), spontané dans les montagnes de la Grèce et de l’Asie Mineure, est l’objet d’une culture étendue. Il se reconnaît à ses fleurs violettes, automnales, entourées d’une spathe à leur base, et naissant d’un bulbe à tuniques réticulées. F. Hï.

II. Exégèse. — Le karkôm ne se présente qu’une seule fois dans l’Ancien Testament. Il est mentionné dans la description d’un jardin, où croissent avec les fruits les plus exquis, les plantes les plus odoriférantes, comme le cypre, le nard, le cinnamome… et le karkôm. Cant., iv, 14. Les anciennes traductions et le nom lui-même rendent l’identification facile. Car le karkôm, c’est le kurkam ou kurkama araméen, le kurkum arabe qui rappelle le karkum persan et même le sanscrit kunkuma. Le grec xsôxo ; paraît bien avoir la même origine. C’est bien le Crocus salivus que les Iraducteurs grecs, chaldéens, arabes, et la Vulgate ont en vue dans ce passage du Cantique des Cantiques. Cette plante est souvent mentionnée dans le Talmud, Schebiit, 110 a ; Baba Metsia, Wl, 6, etc. Les Arabes lui donnent plus volontiers le nom de za’feran, d’où est venu notre mot safran : ce terme désigne vulgairement la plante avec sa fleur, mais plus précisément les stigmates de

. cette fleur ou la poudre odorante qu’on en tire.

Le Crocus sativus et les autres espèces qui donnent le safran étaient très répandus dans le Liban et en Syrie. On les cultivait pour en recueillir le parfum et la couleur. Le Crocus revient souvent dans les auteurs

classiques. O. Celsius, Hierobolanicon, in-8°, Amsterdam, 1748, 1. 1, p. 11-17. La préparation n’est pas compliquée. Les femmes et les enfants coupent les stigmates de cette fleur. On les sèche au soleil et on les réduit en poudre. Ou bien avant de les sécher on les presse de façon à former de petites tablettes, et on les vend dans les bazars d’Orient. On se sert de cette poudre pour parfumer les habitations et les étoffes ; on en assaisonne les mets, les sauces ; le parfumeur la mêle aux huiles et aux onguents. On estime sa couleur jaune-orange. Alph.de Candolle, Origine des plantes cultivées, in-8°, Paris, 1886, p. 132, pense que le karkôm désignerait plutôt le Carthamus tinctorius, dont les fleurs servent pour colorer en jaune ou en rouge. Les bandes qui en touraient les momies des anciens égyptiens sont, en effet, teintes de carthame. Les raisons qu’il invoque sont le nom arabe du carthame, et l’absence de culture du safran en Egypte et en Arabie. Mais le qurfum arabe, f^y* (carthame), n’a rien de commun avec le

karkôm hébreu, apparenté au contraire au kurkum arabe, £$, le Crocus sativus. De plus le Cantique ne

fait pas allusion à l’Egypte. Le Crocus cultivé au Liban, en Cilicie, en Asie Mineure, était assez connu de l’auteur du Cantique pour le faire entrer dans sa description. — Il n’y a pas plus de raison d’identifier le karkôm hébreu avec un nom trouvé dans les inscriptions sabéennes kamkam. Mordtmann et Mùller, Sab. Denkm., 1883, 82 ꝟ. Le docleur H. Mùller rapproche ce mot du Cancamum de Pline, H. N., xii, 44. Cancame est le nom ancien de la gomme-résine, fournie en Arabie par les Amyris Kalaf et Kafal de Forskal. La ressemblance de noms a fait aussi rapprocher le karkôm hébreu de la plante indienne, aromatique et tinctoriale, appelée Curcuma, de la famille des Zingibéracées. — DansLam., iv, 5, la Vulgate traduit à tort par croceis, le mot hébreu tôld’, « la pourpre ». E. Levesque.

    1. SAGAN##

SAGAN (hébreu : sâgân ; assyrien : saknu ; Septante : orpatïiYo ; , à’p-/.u>v, yuXiaaav ; Vulgate : magistra

tus), dignitaire investi d’un commandement. —1° C’est le nom donné à des chefs ou gouverneurs de l’empire babylonien. Is., xli, 25 ; Jer., li, 23, 28, 57 ; Ezech., xxiii, 6, 12, 23. — 2° Le même nom fut ensuite attribué aux chefs du peuple à Jérusalem, après le retour de la .captivité. I Esd., ix, 2 ; IIEsd., ii, 16 ; iv, 8, 13 (14, 19) ; v, 7, 17 ; vii, 5 ; xii, 40 ; xiii, 11. — 3° Le nom desdgân ou ségén, en araméen segan, fut encore porté par un grand fonctionnaire du Temple, qui se tenait à droite du grand-prêtre dans certaines circonstances solennelles. Yoma, iii, 9 ; iv, 1 ; vii, 1 ; Sota, vii, 7, 8 ; Tamid, vii, 3. Il n’était pas néanmoins le vicaire ou suppléant du grand-prêtre, puisque quelques jours avant la fête de l’Expiation, on désignait un autre prêtre pour remplacer ce dernier, au cas où il ne pourrait officier. Yoma, i, 1. De ce que les Septante rendent presque toujours ce mot par <rtpaTY]Y<5ç> il est à croire que le segan n’était autre que le fonctionnaire souvent appelé (TTpocTïiYÔ ; toû UpoO, magistratus tenipli, le « capitaine du Temple ». Act., iv, 1 ; v, 24, 26 ; Josèphe, Anl. jud., XX, vi, 2 ; ix, 3 ; Bell, jud., II, xvii, 2 ; VI, v, 3. Il avait la haute main sur la police du Temple. On comprend dès lors que sa place était aux côtés du grand-prêtre quand celui-ci exerçait quelque fonction solennelle. Cf. Reland, Antiquitates sacrse, Utrecht, 1741, p. 89 ; Schûrer, Geschichte des jûdischen Volkes im Zeit. J. C, Leipzig, t. ii, 1898, p. 264-265.

H. Lesêtre.

SAGE (hébreu : Sdgé’, « errant » ; Septante : Ea>Xi ; Alexandrinus : Eotyr), père de Jonathan, un des gibbôrûm de David. Sage est qualifié d’Ararite. Voir Arari, Ararite, t. i, col. 1882. I Par., xi, 33 (hébreu, 34). La liste parallèle II Reg., xxiii, 33, donne pour père à Jonathan dans la Vulgate Jassen. Sur la manière de comprendre ce double passage, voir Jonathan 3, t. iii, col. 1614.

, SAGE-FEMME (meyalléde’t ; Septante : uaîa ; Vulgate : obstetrix), celle qui aide une mère à accoucher. — Les anciens Hébreux employaient des sagesfemmes. L’une d’elles assista Rachel dans son enfantement. Gen.j xxxv, 17. Une autre était auprès de Thamar, quand celle-ci mit au monde ses deux jumeaux. Gen., xxxviii, 27. En Egypte, les Hébreux avaient à leur service deux sages-femmes, Séphora et Phua. Voir Phua, col. 336. Le pharaon leur ordonna de faire périr tous les enfants mâles qui viendraient au mondé. Elles s’en gardèrent bien, parce qu’elles. craignaient Dieu. Pour s’excuser auprès du pharaon, elles déclarèrent que les femmes des Hébreux ne ressemblaient pas aux Égyptiennes et qu’elles étaient assez vigoureuses pour accoucher elles-mêmes avant l’arrivée de la sage-femme. Exod., i ; 15-21. II fallait bien qu’il en fut ainsi, car deux sages-femmes n’auraient pas suffi, si toutes les femmes, des Hébreux avaient eu besoin de leur assistance. Il n’est plus question de sages-femmes dans la Sainte Écriture. On en peut conclure que la fonctionn’était pas exercée habituellement par des personnes s’y consacrant par état, mais que souvent, comme encore dans nos campagnes, les femmes accouchaient seules ou avec l’aide des femmes de leur entourage.

W T FSRTRï’"

    1. SAGES D’EGYPTE ET DE CHALDÉE##

SAGES D’EGYPTE ET DE CHALDÉE (Vuigate : sapientes). Notre version latine donne ce nom à ceux quele texte hébreu appelle hâkâmim, en Egypte, Exod., vu, ll ; enBabylonie, Dan., ii, 12, etc. Voir Divination, i, 3°, t. ii, col. 1444.

    1. SAGESSE##

SAGESSE (hébreu : hokmâh ; Septante : ctoç ia. ; Vulgate : sapientia). Ce mot a dans l’Écriture un sens plus étendu que les mots correspondants en grec et en latin, de même que l’adjectif hàkâni, composé avec oo ?ô ; et sapiens, « sage ». — 1° La hokmâh est l’habi

leté et l’adresse dans un art. Dieu remplit de hokmâh Béséléelet Ooliab pour inventer et exécuter les trasaux divers du Tabernacle. Exod., xxviii, 3 ; xxxi, 6, etc. — 2° La hokmâh est l’intelligence des choses humaines, Gen., xliii, 33, 39 ; Prov., i, 6 ; Deut., iv, 6 ; xxxii, 6, etc., et surtout des choses divines, Job, xxviii, 28 ; Prov., i, 7, etc. C’est cette sagesse que Salomon demanda à Dieu, IDT Reg., iii, 11-12, 28 ; c’est de cette connaissance des choses religieuses et divines, et de cette sagesse pratique, réglant la conduite de la vie, qu’il est si souvent question dans les Psaumes et dans les livres sapientiaux. Ps. CXI (ex), 10, etc ; Prov., ii, 6, etc. ; Eccli., ii, 26, etc. — 3° Hokmâh signifie aussi la ruse, prise en bonne ou mauvaise part. Exod., i, 10 ; H Reg-, xm, 3 ; Job, v, 13 ; Prov., viii, 12 ; xiv, 8. — 4° Ifàkdmîm, « les sages », se dit en parlant des étrangers, des magiciens et des devins. Gen., xli, 8 ; Exod., vii, 11 ; Eccl., ix, xii, 11 ; Jer., l, 35 ; li, 37 ; Ezech., xxxvii, 8, 9 ; Esth., i, 13, etc. Voir Sages. — 5° Le mot hokmâh exprime dans plusieurs endroits des livres sapientiaux la doctrine, l’expérience, la science, Job, xii, 2, 12 (sagesse des vieillards) ; xv, 2 ; xxxviii, 35-37 (science des choses naturelles). — 6° Dans le Nouveau Testament, « la philosophie » qui, d’après son nom même, est « l’amour de la sagesse », apparaît une fois sons la plume de saint Paul, Col., ii, 8 ( « les philosophes stoïciens » sont nommés aussi une fois, Act., xvii, 18), mais cette sagesse humaine et naturelle, qui formait le fond de la philosophie courante en Grèce et à Rome, du temps des Apôtres, et était mêlée à beaucoup d’erreurs qui détournaient les hommes de la vérité de l’Évangile et de la vraie sagesse est appelée par l’Apôtre f) (Tocpioc toû xôo-uo’j to-jtou, sapientia kujvs mundi,

I Cor., l, 20 ; iii, 19 ; ïi o-opî* àv8pa>7ro)v, sapientia hominum, II, 5 ; ooyîa aapxtxïj, sapientia cornalis,

II Cor., i, 12 ; il oppose à la aoyia grecque la ©eoû 8ûva|ju ; et la 0eoO troepîa. I Cor., i, 22, 24. — 7° Il explique aux Corinthiens ce qu’est la véritable sagesse, c’est celle qui vient de Dieu et de son Esprit-Saint, c’est celle de l’Évangile. I Cor., i, 19, 20, 21 ; II, 1-7 ; xii, 8. Voir aussi Eph., i, 17 ; Col., i, 9 ; cf. Act., vi, 10 ; Jac, I, 5 ; iii, 13-17. — 8° La sagesse est donc, comme l’intelligence, un don de Dieu, un des sept dons du Saint-Esprit. Is., xi, 2. Cf. Eccli., i, 1 ; Job, xxxviii, 36 ; Dan., ii, 21 ; I Cor., xii, 8. — 9° Enfin Dieu est la personnification de la Sagesse. Voir Sagesse incréée.

SAGESSE INCRÉÉE. La Hokmâh, ou Sagesse dans les livres sapientiaux, n’est pas seulement une science qui consiste à connaître Dieu et à lui plaire, en évitant le péché et en pratiquant la vertu, Prov., iii, 4, 7, elle est de plus une personne divine, « établie depuis l’éternité, dès ! e commencement, avant l’origine de la terre, » Prov., viii, 23 ; Eccli., xxiv, 9, elle est revêtue des attributs qu’Isaïe, xi, 2, attribue au Messie, Prov., viii, 14 ; toute puissance vient d’elle sur la terre, 15-16 ; elle est la source de tous les biens, 17-21, 5-9, Elle est sortie de la bouche du Très-Haut, Eccli., xxry, 3 ; cf. Col., i, 15 ; c’est par elle que Jéhovah a fondé la terre et affermi les cieux. Prov., iii, 19 ; cf. Eccli., xxiv, 3-6 ; Prov., viii, 27-31 ; cf. Joa., i, 3 ; Apoc, iii, 14. Saint Luc, xi, 49, appelle Notre-Seigneur t| <ro ?itx toû 060û, sapientia Dei. Cf. Malth., xxiii, 34. Voir Theologische Studien und Kritiken, 1853, p. 332. Cf. encore sur la personnification et les attributs de la Sagesse, Sap., vii, 22, 25-26 ; viii, 3-4 ; ix. L’auteur de la Sagesse, ix, 1-2 ; xvi, 12 ; xviii, 15, identifie expressément la Sagesse avec le « Verbe » en employant le mot Aôyoç pour Eoçi* et réciproquement. Cf. Eccli., xxiv, 3, où la Sagesse sort de la bouche de Dieu. Sur l’identification de la Sagesse et du Verbe, voir Franzelin, De Deo trino, sect. v, th. vii, p. 106-108.

1351

    1. SAGESSE##

SAGESSE (LIVRE DE LA)

1352

    1. SAGESSE##

SAGESSE (LIVRE DE LA), livre deutérocanonique de l’Ancien Testament.

— I. Titre. — Ce livre porte dans la Bible grecque le nom de Soçia Soàomwv (ou SaXuigjLûvTQ ; , SoXo[a(Svtoç)i et dans la version syriaque celui de la « Grande Sagesse de. Salomon », parce qu’on l’attribuait au roi Salomon qui semble adresser un discours aux juges et aux grands de la terre, oi xpîvovre ; tt|V 1^, qui judicatis terram, Sap., i, 1, et aux rois, ta.au.zli, vi, 1 (2) ; TÙpavvoi, vi, 9 (10), et qui, vii, 1-7 ; ix, 7-8, par une figure de rhétorique parle comme s’il était Salomon lui-même. Le titre de « t Livre de la Sagesse », Liber Sapientise, vient de la Vulgate, qui a supprimé le nom de Salomon, parce que saint Jérôme reconnaissait que le fils de David n’en était pas l’auteur. Clément d’Alexandrie, Strom., iv, 16, t. viii, col. 1309, Origène, Ad Rom., vii, 14, t. xiv, col. 1141, l’appellent ^ 6da Soçiot ; Sapientia Dei ; Pseudo-Athanase, Synopsis S. S., 45, t. xxviii, col. 376, et saint Épiphane, De pond., 4, t. xliii, col. 214 ; navipetoç Eoçta, « la Sagesse renfermant toutes les vertus ». Cette dernière qualification a été aussi donnée par les Pères grecs aux Proverbes et à l’Ecclésiastique. C’est parce qu’on attribuait la Sagesse à Salomon qu’elle a été placée dans les Écritures après les autres livres salomoniens, les Proverbes, l’Ecclésiaste et le Cantique des Cantiques, et avant l’Ecclésiastique qui lui est antérieur comme date.

II. Auteur. — L’auteur du livre de la Sagesse est inconnu, 1° Le titre qu’il porte dans la Bible grecque l’a fait attribuer à Salomon par un certain nombre de Pères et d’auteurs ecclésiastiques. Clément d’Alexandrie, Strom., vi, 6, t. ix, col. 274 ; Origène, Comm.in Joa., xx, 21, t. xiy, col. 636 ; S. Hippolyte, Adv. Jud., „ 9, t. x, col. 793 ; S. Épiphane, Hser., lxiv, 54, t. xli, col. 1161 ; Tertullien, De prsescript. hser., 1 ; Adv. Valent. , %, t. 11, col. 20, 514 ; S. Cyprien, De mortal., 23 ; De exhort. martyr., xii, t. iv. col. 599, 673 ; S. Ambroise, De farad., xii, 54, t. xiv, col. 301. Clément d’Alexandrie cite néanmoins quelquefois des passages de la Sagesse sous le nom de 20<pi « , sans les attribuer à Salomon, comme il le fait dans l’endroit cité plus haut ; Origène semble douter de l’origine salomonienne du livre quand il écrit, Cont. Cels., v, 29, t. xi, col. 1225, l] âxiYpa(i.iiévr| SoXojiàSviro ; Soipia. Le Canon de Muratori porte : Sapientia ab amicis Salomonis in honore ipsius scripla. Voir Canon, 1. 11, col. 170. Saint Jérôme n’admet pas que Salomon ait écrit la Sagesse, Prsef.. in libros Salom., t. xxix, col. 404, il dit : Liber qui a plerisque Sapientia Salomonis inscribitur ; saint Augustin non plus, qui dit, De Civ. Dei, xvii, 20, t. xli, col. 554 : Sapientia ut Salomonis dicatur obtînuit consuetudo, non autem esse ipsius non dubitant doctiores. Salomon ne peut être l’auteur de la Sagesse, parce qu’elle a été écrite en grec par un auteur qui vivai plusieurs siècles après le fils de David, comme il sera dit plus loin. Voir IV (Langue), col. 1355.

Divers écrivains juifs et chrétiens ont cependant admis encore que Salomon était l’auteur du livre, tels que le rabbin Azaria de’Rossi, Me’ôr’Ênayîm, édit. de Vienne, 1829, p. 281 6, d’après lequel le livre de la Sagesse aurait été écrit en araméen par Salomon pour un prince de l’Orient ; le rabbin Gedalia, Salsélet hak-kabalâ, p. 104 ; le jésuite Tirin, qui admet que la Sagesse a été "composée en hébreu et conclut, Jn univ. S. Seript. Comm., Turin, 1883, t. iii, p. 5 : Longe probabilius videturipsummet Salomonem auctorem et scriptorem esse ; le commentateur catholique Schmid, Das Buch der Weisheit, 2e édit., Vienne, 1865, p. 41 sq.

2° Certains auteurs reconnaissent qu’il est impossible d’attribuer à Salomon lui-même la composition du livre de la Sagesse, mais frappés cependant de l’attribution qui lui en avait été faite par les Septante, ilsadoptent une opinion moyenne et pensent qu’il a été écrit par

un Juif alexandrin qui s’est servi d’écrits de Salomon aujourd’hui perdus. Auctor Sapientise imitatus [est] Salomonem ejusque sensa, forte etiam sententias et verba in libris hebraicis illius sévi sparsim reperlas collegit, ordinavit grsecaque phrasi et stylo expressif, dit Cornélius a Lapide, In lib. Sap. Argum., Comment. , édit. Vives, t. viii, p. 263 6. C’est l’opinion de Bonfrère, Prssloquia in S. S., vii, 3, dans Cursus S. S. de Migne, t. 1, col. 64 ; de Bellarmin, De verbo Dei, 1, 1& ; de Welte, Einleitung, 1. 11, 3, p. 187 ; de Vincenzi, Sessioir conc. Trid., t. iii, p. 69 ; de Haneberg, Geseh. der bibl. Offenbarung, 4e édit., 1876, p. 491 ; de Cornely, Introd. in libros sacros, t. ii, 2, 1887, p. 225. « Cette assertion, dit M. Lesêtre, Le livre de la Sagesse, 1880, p. 7, est aussi difficile à combattre qu’à prouver. Il est de toute évidence qu’un écrivain sacré, écrivant sur la sagesse, ne pouvait avoir une autre doctrine théologique que celle de ses prédécesseurs ; il y a donc nécessairement des points doctrinaux communs à la Sagesse et aux écrits de Salomon, mais c’est tout ce qu’on peut affirmer. Peut-être même serait-on en droit d’affirmer que s’il était resté du sage roi quelque écrit ou quelque fragment important, Esdras ne l’eût point laissé dans l’ombre. »

3° J. M. Faber, Prolusiones de libro Sapientise, Anspach, 1776-1777, part., v, p. i-vi, a attribué la Sagesse à Zorobabel, parce que, en sa qualité de reconstructeur du temple de Jérusalem, il méritait d’être appelé un autre Salomon. On l’a attribué avec aussi peu de fondement à un essénien, à un thérapeute ou à d’autres auteurs imaginaires. Gfrœrer, Philo und die alexandrinische Theosophie, Stuttgart, 1831, t. 11, p. 265 ; Welte, Einleitung, 11, 3, p. 193 ; Schmidt, Das Buch der Weisheit, 1865, p. 24.

4° Saint Augustin avait cru d’abord, Dedoct. Christ., 11, 8, 13, t. xxxiv, col. 41, que la Sagesse pouvait bien être l’œuvre de Jésus fils de Sirach, mais il reconnut dans ses Retractationes, 11, 4, t. xxxii, col. 631, que c’était une erreur : Jn secundo libro de auctore libri, quem plures vocant Salomonis, quod etiam ipsum sicut Ecclesiasticuni Jésus Sirach scripserit, non ita constare sicut a me dictum est, postea didici, et omnino probabilius comperi, non esse hune ejus libri auctorem. L’auteur ne peut être, en effet, un juif de Palestine comme l’était ben Sirach.

5° Parmi les savants, un certain nombre se sont prononcés en faveur de Philon, soit Philon d’Alexandrie, soit Philon l’Ancien. — a) Nonnulli scriptorum veterum, dit saint Jérôme, Prsef. in lib. Salomonis, t. xxviii, col. 1242, hune [librum] esse Judsei Philonis affirmant. Quels sont ces anciens écrivains, nous l’ignorons : on ne trouve aucune trace de cette opinion chez les autres Pères. Mais elle a été soutenue par un certain nombre d’auteurs du moyeti âge et d’autres plus récents. Jean Beleth, Rationale divinorum officiorum, lix, t..ccit, col. 66, énumère parmi les livres de l’Ancien Testament : [Liber] Philonis, cujus principium est : Diligite justitiam : Sap., 1, 1. Jean de Salisbury écrit, Epist. cxliii, t. cxcix, col. 129 : Librum Sapientise composuit Philo, diciturque Pseudographus, non quia maie scripserit, sedquia maie inscripsit. Inscriptus est enim Sapientia Salomonis, cum a Salomone non sit editus, sed propter stylum quem induérit, et elègantiam morum, quam ei similiter informat, dicitur Salomonis. Luther a partagé le même sentiment. De même Bellarmin, De verbo Dei, 1, 13 ; Huet, Démonstr. évang., Du liv. de la Sag., 11, dans Migne, Démonst. évang., t. v, 1843, col. 371.

Philon ne peut être l’auteur de la Sagesse, par la raison que le livre inspiré enseigne une doctrine qui est tout à fait en opposition avec celle du philosophe alexandrin, comme c’est aujourd’hui universellement reconnu. Philon n’admet pas l’existence d’un prin

cipe mauvais dans le monde ; la Sagesse dit au contraire, h, 24 : Invidia autem diaboli mors inlroivit in orbeni terrarum ; Vàon voit dans le serpent tentateur un symbole du plaisir. De mundi opificio, Opéra, édit. Mangey, t. i, p. 37-38. — La Sagesse, viii, 19 20, enseigne que, dans ce monde, l’âme des bons est unie à leur corps comme celle des méchanls ; d’après Philon, Demcnarchia, t. ii, p. 213-216, seules les âmes disposées au péché habitent des corps ; celles qui sont bonnes sont les aides de Dieu dans le gouvernement des choses humaines. — La Sagesse, vm-xiv, et Philon, De mundo, t. ii, p. 604, donnent de l’origine de l’idolâtrie une explication toute différente. — Le Logos de Philon, qu’on a voulu retrouver dans la Sagesse, xvi, 12 ; xviii, 15, est un être intermédiaire entre Dieu et le monde, voir Philon, col. 305 ; Logos, t. iv, col. 326, tandis que celui de la Sagesse ne se distingue pas de Dieu. Voir Sagesse incréée, col. 1350. Cf. Fr. Klasen, Die

pour établir que l’auteur était Juif, ses croyances et sa doctrine l’attestent. Mais il n’était pas un Juif de Palestine, car il avait reçu une éducation gréco-alexandrine : Un de ses plus beaux passages, le discours qu’il met dans la bouche des Épicuriens, XI, 1-9, reproduit en partie pour le fond un chant de fête égyptien qui nous a été conservé dans un papyrus du Musée britannique, de la collection Harris. Fr. Lenormant, Histoire ancienne de l’Orient, t. iii, 1881, p. 67.

C’est un décret du bon chef, un destin parfait

Que, tandis qu’un corps se détruit à passer,

D’autres restent à sa place depuis le temps des ancêtres.

Les dieux qui ont été autrefois et qui reposent dans leurs tombes.

Les momies et les mânes sont aussi ensevelis dans leurs tombes.

Quand on construit des maisons, ils n’y ont plus leurs places.

Qu’a-t-on fait d’eux ?…

Tu es en bonne santé, ton cœur se révolte contre les honneurs

Suis ton cœur tant que tu es vivant. [funèbres ;

279. — Fête égyptienne. Tombeau du scribe Horemheb à Thèbes. XVIIIdynastie.

alltestamentliche Weisheit und der Logos der jûdischalexandrinischen Philosophie, Fribourg-en-Br., 1878, p. 60 sq. — b) Reconnaissant l’impossibilité de faire de Philon d’Alexandrie l’auteur de la Sagesse, quelques critiques ont songé à Philon l’ancien, par exemple Huet, Bellarmin, etc., mais l’idée est malheureuse, car cet écrivain qui ne nous est connu que par Josèphe, Cont. Apion., i, 23, est cité par lui comme un auteur païen ; l’auteur de la Sagesse n’était certainement pas polythéiste. — Pour conserver ce nom de Philon à celui qui a écrit le livre inspiré, on a supposé aussi que c’était un des soixante-dix traducteurs de la Bible grecque, lequel portait ce nom, mais cette hypothèse ne repose sur rien, non plus que celle qui attribue la Sagesse à Aristobule, Lutterbeck, Die neutestamentliche Lehrbegriffe, Mayence, 1852, t. i, p. 407 sq. (voir Aristobule 1, t. i, col. 965), ou à Apollos, Noack, Der Ursprung des Chris tenthums, Leipzig, 1857, t. i, p. 25 ; cf. Deane, The Book of Wisdom, p. 34 (voir Apollos, t. i, col. 774), ou à un thérapeute. Dâhne, Geschichtliche Varstellung der jûdisch-alexandrinischen Religions philosophie, Halle, 1834-1835, t. ii, p. 170.

6° Il faut donc conclure que l’auteur de la Sagesse est inconnu. Tout ce que l’on peut affirmer, c’est qu’il était Juif et probablement originaire d’Alexandrie, où il avait été élevé, comme on peut le démontrer par l’étude intrinsèque du livre, de la langue et de la doctrine, ainsi qu’il va être dit. La lecture du livre suffit

Mes des parfums sur ta tête, pare-toi de lin fin, Oins-toi de ce qu’il y a de plus merveilleux dans les essences Fais plus encore que tu n’as fait jusqu’à présent ! [des dieux, Ne laisse pas aller ton cœur !

Suis ton désir et ton bonheur aussi longtemps que tu seras sur N’use pas ton cœur en chagrins [terre,

Jusqu’à ce que vienne pour loi ce jour où l’on supplie Sans que le dieu dont le cœur ne bat plus écoute ceux qui supplient.

Les lamentations du survivant ne réjouissent pas le cœur de

[l’homme dans le tombeau,

Fais un jour de plaisir et n’y reste pas inactif ! Aucun homme ne peut emporter ses biens avec lui.

Les peintures égyptiennes (fig. 279) attestent que la description du banquet dans la Sagesse est la description d’un banquet égyptien où les convives buvaient, Sap., Il, 6, se parfumaient, j>. 7, prodiguaient les fleurs, $. 7, jouissaient des biens présents et des créatures avec l’ardeur de la jeunesse, ꝟ. 5-6.

L’auteur de la Sagesse connaissait aussi la philosophie grecque et il en emploie les expressions. Un Juif palestinien aurait pu connaître comme lui sa religion et l’histoire de son peuple, mais il n’aurait pas été initié comme lui aux mœurs et aux habitudes helléniques, à cette science grecque qui était si méprisée à Jérusalem, Josèphe, And. jud., XX, XI, 2, et il n’aurait pas écrit en grec. C’est ce qui est le plus propre à intéresser les habitants de l’Egypte qu’il relève ; il décrit l’idolâtrie telle qu’elle se pratiquait dans la vallée du Nil où l’on adorait des animaux, xi, 15 ; xii,

24 ; xv, 18, et y revient avec insistance ; il se complaît dans les détails des plaies d’Egypte, xi, 5-15 ; xv, 18xrx, 5. Quelques savants ont voulu attribuer à la Sagesse une origine chrétienne : Kirschbaum, Der jûdiache Alexandrinismus, Leipzig, 181l, p. 52 ; Weisse Veber die Zukunft der evangelischen Kirche, Leipzig, 1849, p. 233 ; Noak, Der XJrspi-ung des Christenthums, Leipzig, 1837, t. i, p. 122, mais tout le livre manifeste la main d’un Juif, écrivant pour des Juifs et parlant en Juif de la loi de Moïse, ir, 12, du peuple d’Israël, m, 8, et de la Terre Sainte, xii, 7.

III. Date. — La date assignée par les critiques à la Sagesse est très différente selon qu’ils l’attribuent à tel ou tel auteur. D’après ce qui vient d’être dit, on doit regarder comme certain qu’il a été écrit à l’époque ptolémaïque et probablement à Alexandrie. L’opinion la plus vraisemblable est celle qui place la date de sa composition entre 150 et 130 avant J.-C. — 1° Il est postérieur aux Septante, car il cite le Pentaleuque et Jsaïe d’après leur traduction : Sap., xi, 4 = Num., xx, ll ; Sap., xii, 8=Deut., vii, 20 ; Exod., xxxiii, 28 ; Sap., xvi, 22= Exod., ix, 24 ; Sap., xix, 20 = Exod., xvi, 22 ; Sap., ii, 12 : ’Eve8p - j<7w[/.sv [Ar|0-w[i£v] tôv St’xaiov ots Sjo-xp^uto ; ^ifiîv iavt, est la reproduction littérale (le premier mot excepté), de la traduction donnée par les Septante d’Isaïe, iii, 10, laquelle leur est propre et diffère du texte hébreu où on lit : « Dites au juste qu’il est heureux, » au lieu de : « assaillons le juste, parce qu’il nous est inutile ; » Sap., xv, 10 ; SnôSo ; ô xocpSt’a aikoO, reproduit Isaïe, xliv, 20, « son [leur] cœur est de la cendre » d’après la version grecque ; l’hébreu porte : « Il se nourrit de cendre ; son cœur [abnsé l’égaré], » — 2° Le livre de la Sagesse ne peut donc pas avoir été écrit avant le règne de Plolémée Philadelphe (285-243), sous lequel on place la traduction des Septante. L’examen du contenu de l’ouvrage permet d’arriver à une détermination moins vague et plus précise de sa date. L’auteur se plaint de la décadence de la foi chez un certain nombre de ses coreligionnaires pour qui le milieu païen de l’Egypte est corrupteur : ils s’éloignent de Dieu, to-j Kupc’ou àœoctâvTSî, m, 10 ; ils recherchent avant tout le plaisir, il, 1-9 ; ils tombent dans l’incrédulité, ils ne peuvent plus supporter le joug de la loi, ii, 14, et se laissent aller à des discours impies, i, 6 ; ii, 1-9, s’ils ne tombent même pas dans l’idolâtrie. La vigueur avec laquelle l’auteur combat l’idolâtrie égyptienne montre bien qu’il y avait des Juifs infidèles qui devenaient apostats. L’écrivain inspiré s’élève avec force contre eux, et, en même temps, il encourage de, toutes ses forces ceux de ses frères qui sont persécutés pour leur religion, à rester fermes et inébranlables. Son langage nous révèle qu’il écrit à un moment où le judaïsme n’est pas en faveur, mais, au contraire, a beaucoup à souffrir des maîtres de l’Egypte, xi, 5 ; xii, 2, 20 ; xv, 14 (sunt inimici populi tui) ; cf. xvi-xix. C’est cette circonstance qui peut servir à fixer la date approximative de la Sagesse. Les premiers Ptolémées furent bienveillants pour les Juifs établis en Egypte, mais Ptolémée IV Philopator (222-224) les traita avec cruauté (voir col. 851), et de même Ptolémée VII Physcon (170-117). Cest donc selon toute vraisemblance sous l’un de ces deux rois que fut composée la Sagesse, et plus probablement sous le second, qui demeura particulièrement un objet d’aversion pour les Juifs. Josèphe, Cont. Apion., ii, 5 ; Grætz, Histoire des Juifs, trad. Wogue, t. ii, 1884, p. 143-144.

IV. Langue. — La langue originale de la Sagesse est le grec, mêlé d’un certain nombre d’hébraïsmes, ce qui fait conclure avec quelques autres traits à son origine alexandrine. Secundus [le livre de la Sagesse], apud Hebrseos nusquam est, guin et ipse stylus grsecam eloquentiam redolet, dit avec raison saint Jérôme,

Prstf. in lib. Salomonis, t. xxviii, col. 1212. S. Mar-. goliouth a voulu prouver, Journal of the royal Asiatic Society, 1890, p. 263-297, qu’il avait été composé en hébreu, mais il a été réfuté par J. Freudenthal, dans la Jewish Quarterly Review, juillet 1891, p. 722-753. L’auteur fait un usage fréquent des mots composés et des adjectifs, qui sont si rares, même dans les œuvres des autres Juifs hellénistes : àSsX<poxT<5vo « , x, 3 ; xaxdts ^voç, I, 4 ; xv, 4 ;-pTf SVÏ lî> VI1’^ » tp<oTo’7rXao"roe, VI l> "1 ! x, 1 ; o ; ioio7tx8^ ; , vii, 3 ; itïv£W(Vjco7coç, vii, 23 ; itavro8-jvoc[j.9{, vii, 23 ; 17uépjxaxoç, X, 20 ; XVI, 17 ; o-nXaYXo<piyoç, xii, 5 ; texvôçovo ; , xiv, 23, etc. — Il se sert d’expressions grecques qui n’ont point de termes correspondants en hébreu : upuTocveiç, xiii, 2 ; Ar, 6ï], le fleuve de l’oubli, xvi, 11 ; xvll, 3 ; SSou, pao-ÎX£iov, I’Hadès, l, 14 ; cf. xvi, 13 ; àp-ëpoo-c’a Tpoq » ; , la manne, xix, 20, àY<ôva6pa§eyeiv, x, 12 ; cf. iv, 12, etc. ; ainsi que les âitalj Xïfôtteva, tels que XuOpwSi] ; , xi, 7 ; fEveoi’apx^C, xiii, 3 ; ](ev£<jioupY<5ç, xiii, 5 ; èitc[iiE, xiv, 25 ; xaxôiiox^oÇi xv > 8, etc. Il emprunte des termes techniques et des locutions à la philosophie platonicienne et stoïcienne ; itvc-jjjia voepriv, vii, 22 ; 8c7Jxetv xal x<Dpeîv 81à TtâvTtov, vii, 24 ; 0X7) ajioppo ; , xi, 17 ; irpovoia, xiv, 3, xvii, 2. — De nombreuses allitérations et paronomases grecques confirment l’origine hellénique du livre : àY « 7cr, <jaTe — ippovriaocTs — Sit^o-xis ; — èv aYa8<fcïiTt — à7cX’jTr|Ti, 1, 1 ; — o5ç — dpoCj, i, 10 ; — irapoSeOo-w — a-uvofis-jau, VI, 22 ; — « PY » — êpyj ! , XIV, 5 ; — aêtxa — Six*], I, 8 ; — Suvatoi 8è êcvarâç, VI, 6 ; £-J<18<oo-£ — 8u<58eu<t£v, XI, 1 ; xii, 12, 15, 25 ; xiii, 11, 19, etc. — D’un autre côté, les hébraïsmes dont le livre est parsemé attestent que l’auteur est de race juive, par exemple : emXÔTïjî xocpSt’aç, i, 1 ; [A£pf ; , xXvjpoî ; ii, 9 ; XoYfÇ£<r9ac £i{ ti, II, 16 ; àp£<rrov i-i oySaXnoït tivoc, IX, 9 ; itXï|po0v ypôvov, iv, 13 ; uc’oi àv6ptiitwv, ix, 6 ; o^ioi toO 0£oô, iv, 15, etc. L’auteur ne sait se servir que d’un petit nombre de particules grecques, xai’, SI, Yâp, àXXi, quoiqu’il puisse construire des périodes grecques, xii, 27 ; xiii, 11-15. Il applique enfin régulièrement les régies du parallélisme hébreu à sa composition. Grimm, Dos Buch der Weisheit erklârt, 1860, p. 7 ; Deane, The Book of Wisdom, 1881, p. 2830.

V. Style. — Il est remarquable dans plusieurs chapitres, mais il n’est pas toujours égal : très élevé dans le portrait de l’épicurien incrédule, n ; dans le tableau du jugement dernier, v, 15-24 ; dans la description de la sagesse, vii, 26-vni, 1 ; incisif et mordant dans la peinture de l’idolâtrie, xiii, 11-19, il est diffus et redondant dans d’autres endroits, surchargés d’épithètes, vu, 22-23, etc. Lowth, De sacra poesi Hebrseorum, Prælect., xxiv, 1763, p. 321-322. La fin du livre renferme des répétitions, xi, xvi-xix.

VI. Contenu et division. — On peut diviser le livre de la Sagesse de plusieurs manières : en trois parties : i, 1-vi, 21, la sagesse source du bonheur ; — vi, 22-ix, 18, nature de la sagesse ; — x, 1-xix, 22, bienfaits et avantages de la sagesse prouvés par l’histoire du peuple de Dieu. — La division la plus simple est celle qui partage le livre en deux parties, l’une théorique, i-ix, et l’autre historique, x-xix. L’auteur se propose de comhattre l’incrédulité et l’idolâtrie, en montrant l’excellence de la sagesse. Pour donner du poids à sa parole, il parle au nom deSalomon, si renommé pour sa sagesse, et s’adresse à ceux qui jugent la terre, I, 1. La marche générale de la pensée est facile à suivre, mais les subdivisions ne sont pas toujours nettement marquées. Voici comment on peut les distinguer.

l n partie, i-ix. — La sagesse au point de vue spirituel et moral. — Première section : la sagesse source du bonheur et de l’immortalité, i-v. — 1° Ce qu’est la sagesse : elle consiste dans la rectitude du cœur, i, 1-5, et dans la rectitude du langage, 6-11. — 2° Origine de

la mort, i, 12-n, 25 ; elle est le châtiment du mauvais usage que l’homme a fait de sa liberté, l, 12-16, Adam ne cherchant que la jouissance de la vie présente ; ii, 1-9, et Caïn tuant son frère, le juste Abel, 10-20. La première cause de la mort est néanmoins la jalousie du démon, 21-25. — 3° Les bons et les méchants dans la vie présente, m-iv. Bonheur réel du juste, iii, 1-9 ; malheur du méchant, 10-12, finalement tout tourne à bien pour le juste et à mal pour l’impie, iii, 13-iv. — 4° C’est surtout après la mort que le juste est récompensé, v, 1-17, et le méchant puni, 18-24. Le passage n, 12-20, dépeint en traits saisissants les souffrauces du juste, images de la passion du vrai juste, que les Pères ont appliqué à Jésus-Christ souffrant pour la rédemption du genre humain. S. Cyprien, Teslim., ii, 11, t. iv, col. 708, etc.

Seconde section : la sagesse guide de la vie, vi-ix. — La conclusion de cette peinture du sort réservé au juste et à l’impie est que nous devons faire de la sagesse le guide de notre vie. Elle doit diriger spécialement la conduite des rois, vi, 1-23 ; — 2° mais elle est accessible à tous, VI, 21-vn, 2, et tous doivent la pratiquer, parce qu’elle est la source de tous les biens, VI, 7-viii, 1, et que, par conséquent, elle doit dominer et régler toute notre vie, viii, 2-16. — 3° Mais comme elle est un don de Dieu, viii, 17-21, c’est par la prière qu’il faut l’obtenir de lui, ix.

IP partie, x-xix. — La sagesse au point de vue historique. — L’auteur, après avoir montré théoriquement l’excellence de la sagesse et comment elle doit être la règle de notre vie, confirme sa thèse historiquement par l’exemple de ce qui est arrivé au peuple de Dieu. — 1° x-xii. La sagesse, c’est-à-dire Dieu lui-même, sauve et punit. Nous en avons la preuve dans l’histoire des patriarches d’Adam à Moïse, x-xi, 4, dans les châtiments infligés aux Égyptiens, xi, 5-27, et aux Cbananéens, xii, 1-18. — 2° Comme le crime principal des ennemis du peuple de Dieu était l’idolâtrie et que les Juifs infidèles se laissaient aller à imiter les Égyptiens dans leur culte impie, l’auteur décrit l’origine et les progrès de l’idolâtrie qui est ce qu’on peut imaginer de plus opposé à la sagesse, et il en expose les principales espèces : l’adoration des forces de la nature {culte du dieu soleil en Egypte), xiii, 1-9 ; des idoles, oeuvres de la main des hommes (si multipliées dans la vallée du Nil), xiii, 10-xiv, 13, et enfin des hommes divinisés (dont les Juifs avaient l’exemple sous les yeux à Alexandrie, où les monnaies des Ptolémées leur conféraient le titre de 0eôç, voir fig. 194, col. 853, âSeXçot Weo !  ; fig. 188, col. 849 ; cf. t. i, fig. 174, col. 693 ; xiv, 22-31 ; . il achève ce tableau par la description des effets funestes du polythéisme, 22-31. — 3° XV-XIX. Il revient alors de nouveau aux plaies d’Egypte pour faire ressortir le contraste qui existe entre les adorateurs du vrai Dieu et les païens, il montre comment le créateur s’est servi des créatures dont les Égyptiens font aveuglément leurs dieux pour châtier leur idolâtrie et c’est par là qu’il rattache cette dernière subdivision à ce qui précède. — 1. Contraste général, xv, 1-17, entre les adorateurs des idoles et les serviteurs fidèles de Dieu. — 2. Dieu punit par les animaux les adorateurs des animaux et de la nature, xv, 11-xvi, 13, ainsi que par les forces mêmes de la nature, l’eau, le feu, les ténèbres, xvi, 14-xvin, 4, enfin, par la mort, xviii, 5-xix, 5. — 4° Conclusion. Dieu sauve les Hébreux fidèles ; il punit ceux qui lui désobéissent. Les enfants d’Israël doivent donc observer la loi de Dieu et s’éloigner avec horreur des abominations des Égyptiens. — L’auteur prémunit ses frères contre les erreurs prédominantes dans leur patrie d’adoption, contre le polythéisme et le panthéisme, contre le scepticisme et contre l’incrédulité, contre le matérialisme et ses conséquences immorales.

— Sur la personnification de la Sagesse, voir Sagesse

incréée, col. 1350. — Sur les points particuliers de la doctrine du livre de la Sagesse, voir H. Lesêtre, Étude doctrinale du livre de la Sagesse, dans son commentaire sur ce livre, La Sagesse, 1880, p. 13-24.

VII. Objections contre la doctrine du livre de la Sagesse. — Lc, s critiques reconnaissent généralement aujourd’hui l’excellence du livre de la Sagesse. Grimm lui assigne le premier rang parmi les livres deutérocanoniques, Dos Buch der Weisheit, p. 41. Plusieurs prétendent cependant y découvrir des erreurs. — 1° On lui reproche d’avoir admis l’éternité de la matière et d’avoir nié, par conséquent, la création, parce que nous lisons, xi, 18 : xTfaaoa tôv v.6g).o-/ àiiôpçov O’Xïiç ; Vulgate : creavit orbem terrarum ex materia invisa. Il s’agit de l’organisation du monde et non de la création des éléments primitifs, comme l’a expliqué saint Augustin, De Gen. conl. Manich., i, 9-10, t. xxxiv, col. 178 : Primo ergo materia facta est confusa et informis, unde oninia fièrent quse distincta atque formata sunt, qtwd credo a Grsecis chaos appellari. Et ideo Deus rectissime credilur omnia de nihilo fecisse, quia etiamsi omnia formata de ista materia facta sunt, hæcipsa materia tamen de omnino nihilo facta est. Et après avoir répété les mêmes choses, De fi.de et symb., 2, t. xl, col. 183, il ajoute : Hoc autenv diximus, ne quis existimet contrarias sibi esse divinarum Scripturarum sententias, quoniam et omnia Deum fecisse de nihilo scriptum est, et mundum factum esse de informi materia. Cf. Sap., L, 14 : Creavit ut essent oninia.

2° On a prétendu que l’auteur de la Sagesse admettait la préexistence des âmes, comme Platon, avant la formation du corps, parce qu’il dit, viii, 19-20 : Puer eram ingeniosus et sortibus animant bonam. Et cum essem ntagis bonus, veni ad corpus incoinquinatum, c’est-à-dire, d’après l’original grec : « J’étais un enfant d’un bon naturel (eùqnjVj ; ) et j’avais reçu en partage une âme bonne, ou plutôt (ixïUov 8é) étant bon, je vins à un corps sans souillure. » Le sens est : J’ai reçu de Dieu une âme douée de bonnes dispositions naturelles et le corps auquel elle a été unie était sans défauts ni vices héréditaires. L’homme vient au monde souillé de la tache originelle, mais il y a des créatures prédestinées qui naissent avec des dons supérieurs. Animam bonam hoc loco intelligi non bonitate morali aut gratise justificantis, sed bonitate naturali, quse est qusedani ad multas virtutes morales in quibusdam hominibus dispositio, ex qua dicuntur esse bona indole, explique Estius, Annotationes in prxcipua loca difficiliora S. Script., Anvers, 1621 ; Migne, Cursus Script. Sac, t. xvii, col. 485. L’auteur n’enseigne pas la préexistence des âmes, condamnée par le second concile de Constantinople, « ’il’distingue seulement, comme l’observe Calmet, in loc, les instants divers de la production 3e ces deux substances, du corps et de l’âme, et il discerne les qualités et les propriétés différentes de l’un et de l’autre. »

3° D’après certains critiques l’auteur de la Sagesse aurait été cmanatiste. « [La sagesse], dit-il, est le souffle (à-riAÏ ; ) de la puissance de Dieu, le pur écoulement (à7côppoia ; Vulgate : emanatio) de la gloire du Tout-Puissant, …le resplendissement de la lumière éternelle. t> Mais il ne parle plus ici d’une créature ; il parle de la Sagesse incrée qui ne fait qu’un avec le Créateur, du Verbe auquel saint Paul, Heb., i, 3, applique expressément les paroles de la Sagesse, vii, 26, àjiâu-yaiTua, splendor, rayonnement de la lumière éternelle ou de la gloire de Dieu et qui est consubstantiel à son Père, dont il est le Verbe, & Xôfoç, ix, 1 ; 6 iravtoSûvaixoc).ôfoç, xviii, 15, comme la aofia.

VIII. Unité et intégrité. — L’unité du livre de la Sagesse a trouvé des contradicteurs. Le P. Houbigant, Biblia hebraica cum notis criticis, t. iii, 1773, Ad libros

Sapientix et Eccles : , p. i, a supposé que les neuf premiers chapitres étaient l’œuvre de Salomon et que celui qui les avait traduits de l’hébreu y avait probablement ajouté les derniers chapitres. La première assertion est insoutenable, d’après ce qui a été dit plus haut, et la seconde ne repose sur rien. Certains critiques allemands, Eichhorn, Einleilung in die arokryphischen Bûcher des A. T., Leipzig, 1795, p. 142 ; Bertholdt, Hist.kritische Einleitung insâmmtl. Schriften des A. und N. T., Erlangen, -1812-1819, t. v, p. 2276 ; Breitschneider, De libri Sapienliee parle priore cap. I-Xle duobus libellis diversis conflata, Wiltenberg, 1804, t. i, p. 9 ; Nachtigal, Das Buch der Weisheit, Halle, 1799, p. 1 ; ont imaginé contre l’unité et contre l’intégrité du livre, des hypothèses non moins arbitraires qu’il est inutile d’exposer. Voir R. Cornely, lntroduciio, t. ii, 2, p. 217221. On n’apporte ni contre l’unité ni contre l’intégrité aucun argument sérieux. La liaison qui existe entre les diverses parties du livre, leur harmonie substantielle, l’uniformité générale du ton et de la façon de penser, l’identité du langage, malgré quelques différences de style qu’explique le changement de sujet, tout cela prouve que la Sagesse est l’œuvre complète d’un auteur unique.

IX. Canonicité. — Le livre de la Sagesse ayant été écrit en grec ne figure pas dans le canon hébreu du Nouveau Testament et est par conséquent deutéro-canonique, mais son inspiration et son autorité ont été reconnues par les Pères et les conciles. — Il n’est pas cité en termes exprès dans le Nouveau Testament, mais on peut y relever un certain nombre d’allusions. Matlh., xiii, 42, et Sap., iii, 7 ; Matth., xxvii, 42, et Sap., il, 13, 18 ; Rom., xi, 34, et Sap., ix, 13 ; Eph., vi, 13, 17, et Sap., v, 18, 19, etc. Son autorité est prouvée par les plus anciens Pères : S. Clément romain, I Cor., 27, t. i, col. 267 ; Clément d’Alexandrie, Slrom., iv, 16 ; vi, 11, 14, 15 ; t. viii, col. 1509 ; t. ix, col. 313, 3X3, 344 ; Origène, Cont. Cels., iii, 72 ; t. xi, col. 1013 ; S.Irénée, Cont. hier., iv, 38 ; v, 2 ; t. vii, col. 1108, 1127 ; cf. Eusébe, H. E., v, 26, t. xx, col. 509 ; S. Hippolyte, Cont. Jud., t. x, col. 792 ; Tertullien, Cont. Marc, iii, 32, etc., t. ii, col. 352 ; S. Cyprien, De hab. virg., x, etc., t. iv, col. 448 ; S. Hilaire, De Trin., i, 7, etc., t. ix, col. 30 ; S. Augustin, De prœd. sanct., i, 14, t. xliv, col. 980 ; De doclr. christ., ii, 8, t. xxxiv, col. 41, etc. Voir Canon, t. ii, col. 161-168.

X. Texte original et versions. — 1° Texte grec.

— Les principaux manuscrits anciens sont le Valicanus, VAlexandrinus, le Sinailicus et le Codex Ephrem rescriptus, ce dernier incomplet. Les variantes de ces manuscrits sont de peu d’importance et ne proviennent point de recensions différentes. Le meilleur texte est celui du Vaticanus, le moins bon celui de VAlexandrinus.

2° Texte de la Vulgate. — La traduction de ce livre dans notre Vulgate est celle de l’ancienne Italique, comme nous l’apprend saint Jérôme, Prœf. in lib. Salomonis juxla LXX, t. xxix, col. 404 : In eo libro qui a plerisque Sapientia Salomonis inscribitur, … calamo temperavi ; tantumniodo [proto]canonicas scripturas vobis emendare desiderans. Les mots de la langue populaire abondent dans cette version : exterminium. refrigerium, nimietas, subitatio, assistrix, doctrix, immemoratio, ineffugibilis, insimulatus, mansuetare, improperare, partibus pour partim, providenlise au pluriel, etc. En général la traduction rend exactement le grec, mais on y remarque un certain nombre d’additions : i, 15, Injustitia autem mortis est acquisitio ; ii, 8, Nullum pratum sit quod non pertranseat luxuria noslra ; le parallélisme semble justifier ces deux additions, mais il n’en est pas de même de plusieurs autres, vi, 1 ; 23 ; viii, 11 ; ix, 19 ; xi, 5. etc. — Sabatier (voir col. 1291), pour publier le

texte de la version italique, s’est servi de quatre manuscrits latins de premier ordre, Corbeienses (2), Sangermanensis et Codex S. Theodorici ad Remos, qui n’offrent pas de variantes importantes. P. de Lagarde a publié le texte du Codex Amiatinus dans sesMittheilungen, t. i, p. 243 sq.

3° Autres versions. — On possède la traduction syriaque arabe et arménienne de la Sagesse ; cette dernière a plus de valeur que les deux premières qui sont paraphrasées. La version arménienne est imprimée dans la Bible des Méchitaristes, Venise, 1805 ; la syriaque dans P. de Lagarde, Libri apocryphi Vetèris Testamenli syriace, Leipzig, 1861 ; une autre recension se trouve dans Ceriani, Codex syro-hexaplaris Ambrosianus, 1877. Voir t. iii, col. 701.

XI. Commentaires. — Raban Maur, le plus ancien commentateur de la Sagesse, plus mystique que littéral : Commentariorum in librum Sapientix libri très, t. cix, col. 671-762 ; Jansénius de Gand, Annolationes in librum Sapienlise Salomonis, dans Migne, Cursus Script. Sacrée, t. xvil, col. 381-588 ; les anciens commentateurs énumérés par Cornélius a Lapide, Argum. in Sap., dans ses Comment., t. viii, 1860, p. 268 b ; Justification du sentiment de doni Calmet contre la critique du P. Houbigant et du P. Griffet sur l’auteur du livre de la Sagesse, dans Migne, Cursus Scripturse Sacrée, t. xvii, 1839, col. 351-380 ; H. Reusch, Observationes criticee in librum Sapienlise, in-4°, Fribourg-en-Brisgau, 1857 ; * J. C. Nachtigal, Das Buch der Weisheit, Halle, 1799 ; *J. Ch. Bauermeister, Comment, in Sap. Salom., 1828 ; * C. L. W. Grimm, Commentai’lifter das Buch der Weisheit, Leipzig, 1837, 1860 ; Gutberlet, Das Buch des Weisheit, ùbersetzt und erklàrt, Munster, 1874 ; "Zôckler, Die Apokryphen des Alten Testaments, Munich, 1891 ; les commentaires cités dans le cours de l’article.

F. Vigouroux.

    1. SAGUM##

SAGUM, mot celtique, adopté par les Romains, d’où vient le français « saie » et « sayon ». Il désigne un manteau fait de laine grossière ou de poil de chèvre et consistant en un carré d’étotfe. La Vulgate l’a employé d’une manière assez impropre dans l’Exode, xxvi, 7-13 ; xxxvi, 14-18, pour désigner les tentures ou rideaux de poils de chèvre du Tabernacle, et dans les Juges, iii, 16, pour désigner le vêtement sous lequel Aod avait caché son glaive à deux tranchants (hébreu, Exod. : yeri’ôf’izzîm ; Septante : SÉppeiç, " Jud. : maddv ; fj.av8ùocv).

    1. SAHARAIM##

SAHARAIM (hébreu : Sahâraïm ; Septante : ïaapîv), benjamite dont le père n’est pas nommé. Il répudia ses deux femmes Husim et Bara et il eut, dans le pays de Moab, sept fils d’une troisième femme appelée Hodès. I Par., viii, 8-11. Ce passage est obscur et la Vulgate a mal traduit le texte hébreu, jt. 11. Voir HusiM 2, t. iii, col. 784.

    1. SAINT##

SAINT (hébreu : qàdôs ; Septante : âyioç, « yvôç ; Vulgate : sancius) a des significations diverses selon les personnes ou les choses auxquelles il est appliqué. Qâdos a le sens fondamental de séparé et par suite de pur, exempt de fautes, de péchés et de vices, par toutes ses autres acceptions. — 1° Le mot « c saint ». appliqué aux personnes. — 1. Dieu est le saint par opposition à hànèf, « impur, profane », et de là dérive son. excellence, I Reg., iii, 2 (voir Jéhovah, t. iii, col. 1239), et l’homme, sa créature, doit s’efforcer d’imiter moralement sa pureté = sainteté. Lev., xi, 43-44 ; xix, 2 ; . xx, 26 ; Deut., xxiii, 15 ; etc. — 2. Le titre de « saint » s’applique donc avant tout à Dieu, Is., vi, 3, qui est la pureté même. Jos., xxiv, 19 ; Ps. xcix (xcvm), 3, 9 ; exi (ex), 9. C’est pourqupi il est appelé « le Saint » tout court, Prov., îx, 10 ; xxx, 3 ; Job, vi, 10 ; Is., xl, . 25 ; Ose., xii, 1 ; Hab., iii, 3, ou « le Saint d’Israël », .

Ps. lxxviii (lxxvii), 41 ; lxxix (lxxviii), 19 ; Eccli., iv, 15 ; Bar., IV, 22, etc., et surtout dans Isaïe, i, 4 ; xli, 14, et souvent. De même Jésus-Christ, Marc, i, 24 ; Act., m, 14 ; iv, 27, 30 ; l’Esprit de Dieu est appelé l’Esprit-Saint ou le Saint-Esprit. Voir Esprit-Saint, t. ii, col. 1967. IJoa., ii, 20. — 2. Les anges sont aussi appelés saints. Dan., viii, 13 ; Matth., xxv, 31 ; I Thess., iii, 13 ; Judæ, 14 ; Apoc, xiv, 20. — 3. De même les prêtres consacrés au service de Dieu, Lev., xxi, 6-8 ; Ps. cvi (cv), 16 ; le Nazaréen, Num., vi, 5 ; les prophètes, Luc, i, 70 ; Act., iii, 21 ; Rom., i, 2. De même aussi les hommes pieux, Is., iv, 3 ; le peuple d’Israël doit être saint, parce qu’il est consacrée Dieu, Lev., xi, 43-45 ; xix, 2 ; Deut., vi, 6, etc. ; les chrétiens, qui sont appelés à la sainteté, Act., ix, 13, 32, 41 ; xxvi, 10 ; Rom., i, 7, etc. ; les justes qui sont morts dans la sainteté. Ps. cxlix, 5, 9 (hébreu : hâsidîm) ; Sap., v, 5 ; Matth., xxvii, 52 ; Apoc, v, 8 ; xix, 8.

2° Le mot a saint s appliqué aux choses. — 1. Ce qui est consacré à Dieu est saint. La partie du Tabernacle et du Temple où étaient l’autel des parfums et le candélabre à sept branches s’appelait « le Saint », Exod., xxvi, 33 ; xxviii, 29 ; xliii, 29, etc. ; Heb., ix, 2 ; et la partie où était l’arche d’alliance « le Saint des Saints ». Exod., xxvi, 34 ; III Reg., vi, 16 ; Heb., ix, 3, etc. Voir Tabernacle et Temple. — Jérusalem estàyia niXtç, Matth., xxiv, 15 ; Marc, xiii, 14 ; Luc, xxi, 20, parce qu’elle possède le temple de Dieu ; la terre où est le buisson d’Horeb est sainte parce que Dieu y a apparu, Exod., m, 5 ; la montagne de la transfiguration est appelée t’i opo ; t’o âyiov, II Pet., i, 18, à cause du miracle qui s’y est accompli, etc. — 2. Les Livres inspirés sont appelés àyi*i rpa9 « (, Rom., i, 9 ; cf. II Mach., xii, 9, parce qu’ils renferment la parole de Dieu ; les commandements de Dieu sont saints, parce qu’ils nous sanctifient, âyja ïvîoXt, . II Pet., ir, 21, etc. — 3. Le Saint des Saints désigne le ciel. Heb., ix, 12, 24 ; x, 19. — Voir Sainteté.

SAINT DES SAINTS. Voir Tabernacle et Temple.

    1. SAINTETE##

SAINTETE (hébreu : qôdéî ; Septante : â-yiM<rJvï], inconnu des auteurs profanes ; Vulgate : sanctitas). Le sens primitif du mot est inconnu et la signification précise, difficile à déterminer, quoique l’expression soit une des plus fréquemment employées dans l’Ancien Testament. Ce qui est certain, c’est que c’est une expression religieuse, restreinte aux choses religieuses, quoiqu’elle ait pu avoir originairement un sens physique et matériel, et non moral. — 1° On peut accepter avec Frz. Delitzsch, dans la Real-Encyklopâdie fur prolestantische Théologie, 2e édit., t. v, 1879, p. 715, cette définition de la sainteté de Dieu : Summa omnisque labis expers in Deo puritas. Les personnes ou les choses qui appartiennent spécialement à Dieu ou qui lui sont consacrées participent à cette sainteté.

N’es-tu pas dès l’éternité,

Jéhovah, mon Dieu, mon Saint (qedosi)’! …

Tes yeux sont trop purs (lehôr) pour voir le mal

Et tu ne peux contempler L’iniquité. Hab., i, 12-13.

Sur la sainteté de Dieu, voir Jéhovah, t. iii, col. 1239.

— 2° Les personnes participent à la sainteté de Dieu, soit d’une manière en quelque sorte extérieure, parce qu’elles sont consacrées à son culte, Exod., xxix, 1 ; Lev., viii, 12, 20, etc., etque Jéhovah en est « le sanctificateur », meqaddêS, Exod., xxxi, 13, etc., soit d’une manière intérieure, en s’efforçant de devenir saintes, comme Dieu est saint. Lev., xix, 2 ; Num., xv, 40, etc.

— 3° Les choses participent à la sainteté de Dieu en tant qu’elles servent à l’honorer et sont consacrées à son culte : le sanctuaire, l’autel, les lieux sacrés, les vêtements sacerdotaux, les victimes des sacrifices, etc.

Exod., xxx, 25, 31-37 ; xxviii, 28 ; IReg., xxi, 5 ; Ezeeh., xlii, 14, etc. — 4° Dans le Nouveau Testament, la sainteté marque plus explicitement encore que dans l’Ancien la séparation d’i péché, la perfection morale. Dieu est saint, Joa., xvii, 11, il est l’être parfait, infiniment bon, cf. Heb., vii, 26, et le saint est celui qui lui est consacré et s’unit à lui par la pureté de sa vie, la pratique de la vertu et la fuite de tout mal. Eph., i, 4 (âyiov ; xat àyuijuiu ; ), sancli et immaculatiin conspeclu ejus) ; cf. v, 3, 18, 27 ; Phil., iv, 8 ; Col., i, 22 ; Tit., i, 7-8 ; I Pet., i, 15-16 ; it, 9 ; II Pet., iii, 11 ; I Joa., iii, 3. — Le mot grec qui dans le Nouveau Testament signifie saint est âyio ;  ; d’autres adjectifs ont un sens qui s’en rapproche : àyvô ; , îspôj, ô’o-ioç, <78[ivôç. Le terme ôcyioç est le plus fréquent et répond à qàdôi. Les qualificatifs apparentés sont beaucoup plus rares : àyvd ; « pur », dans les Septante, désigne ce qui est rituellement pur ; dans le Nouveau Testament, il est appliqué une fois à Dieu, I Joa., iii, 3 ; dans les autres passages, il s’entend d’une pureté plutôt négative que positive, de l’absence d’impureté, II Cor., vii, 11 ; I Tim., v, 22 ; Tit., ii, 5 ; I Pet., iii, 2 ; Jac, iii, 17.’IsptSç veut dire « sacré, consacré à Dieu », comme îspejç, sacerdos, « prêtre », iepov, « temple » ; iepà ypâujiaTa, sacrse litterse, II Tim., iii, 15 ; xà lepi, sacrarium, I Cor., iii, 13 — "Oo-ioç, dans l’Ancien Testament traduit généralement le mot hébreu hâsid, « pieux » envers Dieu ; dans le Nouveau, il est appliqué à Dieu, Apoc, xv, 4 ; xvi, 5 ; à Jésus-Christ, Act., ii, 27 ; xiii, 35 ; Heb., vii, 26 ; aux hommes, Tit., i, 8 (I Tim., ii, 8, « mains pures » ) ; aux choses (promesses faites à David). Act., xiii, 34 ; cf. Luc, i, 75 ; Eph., iv, 24. — Ss^vô ; , « vénérable, respectable, digne, honnête de mœurs », se dit des hommes,

I Tim., lil, 8, 11 ; Tit., ii, 2 (Vulgate : judici), et dss choses, Phil., iv, 8 (Vulgate : pudica). — De tout ce qui vient d’être dit, il est manifeste que c’est âyto ; qui exprime le mieux l’idée de saint.

De tous ces adjectifs dérivent des substantifs qui ont un sens analogue. D’âytoç viennent les trois substantifs âyia<x|j.ô{, àyiÔTï]{, àyi&xjjv’/], mais ils sont d’un usage peu fréquent. — 1. Le plus souvent employé est àyioc<7|io ; (dix fois). Formé immédiatement de àyiiÇeiv, il marque l’action de sanctifier, la sanctification opérée par l’Esprit-Saint. II Thess., ii, 13 (Vulgate, 12, sanctificatio ) ; 1 Pet., i, 2, ou par Jésus-Christ. ICor., 1, 30 ; cf. I Thess., iv, 3. Dans les autres passages, àyiasp-é ; exprime les résultats de la sanctification. Rom., VI, 19, 22 ; I Thess., iv, 4, 7 ; I Tim., ii, 15 ; Heb., XII, 14 (Vulgate : sanclimonia dans ce dernier passage).’Ayiaatiô’; est aussi usité dans les Septante où il signifie ordinairement consécration dans un sens rituel, Jud., xvii, 3 ; sacrifice offert à Dieu. Eccli., vii, 33 ; II Mach., n, 17, etc. — 2.’Ayiôrrij ne se lit que deux fois,

II Cor., i, 12 ; Heb., xii, 10 (plus une fois dans l’Ancien Testament, II Mach., xv, 2, où le jour du sabbat est appelé àyirfTïiTo ; riuipa). La Vulgate traduit sanctificatio dans les deux derniers passages. Dans II Cor., i, 12, il s’agit de la manière dont saint Paul vivait à Corinthe, c’est-à-dire d’une manière chrétienne, conforme à la grâce de Dieu, èv x^P"’Qeoû. Le texlus receptus porte èv ônionriTi, et c’est la leçon de la Vulgate : ire simplicitate, ce qui s’accorde bien avec le mot suivant : .eîlixpi’veiu, sinceritas. — Heb., xii, 10, àytôr/i ; est appliqué à la sainteté de Dieu, à laquelle il fait participer les hommes. — 3.’Aytoxr’jvï) est employé trois fois par saint Paul, une fois Eom., i, 4, en parlant de la vie essentielle du Christ, de sa divinité, par opposition à sa vie humaine ; les expressions xatà iwz>y.x â-yicoo-ûvr) ; , tecundum spiritum sanctificationis (dans le sens de sanctitatis) font contraste k-nazk ffâpxa, secundum carnertx du j>.-3. Les deux autres fois, âyiio<j Jvtq, II Cor., vii, 1 (sanctificatio) ; I Thess., iii, 13 (sanctilas), a un sens moral et s’entend de la sainteté de vie. — Voir W. Bau1363 :

SAINTETÉ _ SAISONS

1364

dissin, ~Studien zur seniitiscken Religionsgeschichte, t. ii, 1878, p. 3-142 ; Issel, Der Begrift der Heiligkeit im Neuen Testament, 1887.

    1. SAISONS##

SAISONS, périodes qui se succèdent régulièrement dans le cours de chaque année, mais sont différemment caractérisées, suivant le pays, par la longueur des jours et des nuits, l’accroissement ou la diminution de la chaleur, les phénomènes météorologiques, etc. — En Egypte, où tout se règle d’après l’inondation du Nil on ne connaissait que trois saisons de quatre mois, celle des eaux, Sait, celle de la végétation, pirouit, et celle de la moisson, sômou. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris,

280. — Calendrier agricole Israélite. D’après la Revue biblique, 1809, p. 213.

1895, t. i, p. 207. Elles recommençaient leur cours aux premiers jours d’août. En Chaldée, l’hiver se fait à peine sentir ; il pleut beaucoup en novembre et en décembre, les pluies diminuent ensuite jusqu’en mai et l’été se poursuit jusqu’en novembre, avec une chaleur lourde, humide et accablante. Cf. Olivier, Voyage dans l’empire othoman, Paris, 1802-1807, t. ii, p. 381, 382, 392, 393. Il n’y a donc, à proprement parler, que deux saisons. Il en est à peu près de même enPalestine ; on n’y connaît que deux saisons, l’été, qui commence avec la récolte d’avril et dure jusqu’à la première pluie, en novembre, et l’hiver ou saison pluvieuse, qui occupe le reste de l’année. Les quatre saisons des Grecs et des Latins ne figurent donc pas toutes au même titre dans la Bible. L’automne n’est mentionné que par saint Jude, 12. Voir Automne, t. i, col. 1278. Sur les autres saisons, voir Été, t. ii, col. 1996 ; Hiver, t. iii, col. 724 ; Printemps, t. v, col. 677. — En 1908, M. Macalister a trouvé à Gézer une plaque calcaire de m 108, m 070, sur laquelle était gravé un calendrier agricole israélite, datant probablement du vi « siècle (fig. 280). Voici comment le P. H. Vincent, dans la Revue biblique, 1909, p, 243-269, propose de lire et d’interpréter

le texte : 1. yerahin, pour yerahayîn’ose/ (avec forme plurielle archaïque en iii) : deux mois, récolle (d’arriére-saison, 15 sept.-15 nov.) ; — 2. yerahin zéra’: deux mois, semailles (15 nov.-15 janv.) : — 3. yerahin léqéS : deux mois, végétation printanière (15 janv.15 mars) ; — i.yérah éséd péëéf (un mois, coupe du lin (15 mars-15 avril) ; —5. yérah qâsir ie’orim : un mois, moisson de l’orge (15 avril-15 mai) ; — 6. yérah qesirîn kullam : un mois, les moissons, elles toutes (15 ma115 juin) ; — 7. yeral.ùn mmir ; un mois, cueillette (ou fruits spéciaux, vendange, 15 juin-15août) ; — 8. yérah gais : un mois, récolte des fruits (figues, etc., 15 août15 sept.). Cette division correspond très exactement aux opérations agricoles telles qu’elles se succèdent dans les plaines du littoral méditerranéen. Aux environs de Jérusalem, elles retardent d’une quinzaine de jours. La tablette de Gézer nous renseigne ainsi sur la manière dont les Israélites répartissaient leurs travaux agricoles à travers les saisons. Les trappistes d’Amwâs suivent exactement, aujourd’hui encore, le même calendrier pour l’ordre et l’époque de leurs cultures. Cf. Revue biblique, 1909, p. 269. Il est à croire que la tablette déterminait quasi-officiellement l’époque des différentes opérations agricoles, comme il se fait dans les pays où l’intérêt commun demande que tous les cultivateurs agissent de concert. — Après le déluge, Dieu promet que désormais les saisons se suivront avec régularité, « semailles et moisson, froid et chaud, été et hiver ». Gen.,-vin, 22. Job, xxxvi, 27-xxxvii, 21, décrit les différents phénomènes atmosphériques qui caractérisent les saisons. C’est Dieu qui « change les moments et les temps », Dan., ii, 21 ; aussi invite-ton à bénir le Seigneur les divers météores qui se succèdent à travers les saisons, « pluie et rosée, vents, feux et chaleurs, froid et chaud, rosée et givre, gelées et frimas, glaces et neiges, éclairs et nuages. » Dan., iii, 64-73. — La succession des saisons est réglée par le cours apparent du soleil. L’auteur de la Sagesse, vii, 18, 19, prête à Salomon la connaissance de tout ce qui concerne les mouvements des astres,

Le commencement, la fin et le milieu des temps, Les retours périodiqnes, les vicissitudes des temps, Les cycles des années

Le commencement, la fin et le milieu des temps se rapportent sans doute, d’une manière générale, aux différents phénomènes astronomiques d’après lesquels on divise le temps, la révolution annuelle du soleil et la révolution mensuelle de la lune. Les « retours périodiques » semblent être ceux des solstices et ceux des équinoxes. Deux fois l’an, le soleil traverse l’équateur pour passer de l’hémisphère austral à l’hémisphère boréal, le 20 ou 21 mars, et de l’hémisphère boréal dans l’hémisphère austral, le 22 ou 23 septembre. La saison plus chaude est, pour chaque hémisphère, celle où le soleil est de son côté. Trois mois après l’équinoxe, le soleil arrive à son éloignement maximum de l’équateur, le 20 ou 21 juin dans l’hémisphère boréal, qui a alors les plus longs jours, le 20 ou 21 décembre dans l’hémisphère austral, ce qui donne les jours les plus courts dans l’hémisphère boréal. Le soleil parait rester quelque temps stationnaire à ces points extrêmes, ce qui leur a fait donner le nom de solstices. Les solstices et les équinoxes étaient bien connus des anciens et leur servaient à diviser Tannée. — Les cycles des années, àvia-JTwv xijx).cii, peuvent s’entendre de différentes périodes astronomiques. Lc, s Égyptiens avaient le cycle sothiaque de 1460 années. Voir Année, t. i, col. 640. Chez les Chaldéens, on connaissait le cycle de 223 lunaisons, au bout desquelles les éclipses de lune se reproduisaient régulièrement. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 776. En 433 avant Jésus-Christ, le grec Méton découvrit le cycle lunaire, com

prenant 235 lunaisons ou 19 années solaires, après lesquelles les nouvelles et les pleines lunes arrivent aux mêmes jours. Il est possible que l’auteur de la Sagesse

ait eu aussi ce cycle en vue.
H. Lesêtre.
    1. SALABONITE##

SALABONITE (hébreu : hâ-Sa’albônî ; Septante : 6 SaXaëwvsfcr, ?, dans les Rois ; 6 SaXaëwvf, dans les Paralipomènes), originaire de Salabon, qui est probablement la même ville que Salébim ou Sélébin. Salabon était la patrie d’Éliaba (t. it, col. 1666), un des trente braves de David. II Reg., xxiii, 32 (Vulgate : de Salaboni) ; I Par., xi, 33 (Vulgate : Salaboniles). Salabon n’est pas nommée sous cette forme dans l’Écriture. Voir Salébim.

    1. SALAÏ##

SALAÏ (hébreu : Silhî ; Septante : 2a).ai’, Sa). ! , SaXaiâ), père d’Azuba, femme du roi de Juda, Asa, et mère du roi Josaphat. IV Reg., xxii, 42 ; II Par., xx, 31. Le père de la reine-mère n’est pas nommé ordinairement dans l’Écriture : il n’y a d’exception que pour Salai, Abessalom (Absalom), III Reg., xv, 2, à cause de sa célébrité, et Achab avec Amri, père et ancêtre d’Athalie, IV Reg., viii, 18, 26, pour expliquer la méchanceté de cette reine. Il y a donc lieu de penser que Salaï avait été un homme d’importance.

    1. SALAIRE##

SALAIRE (hébreu : ’é{ndh, mehîr, maàkoréf, po’al, pe’ullâh, sâkàr ; Septante : [iisÈô. ; , nc’o6u(ji.a ; Vulgate : merces), ce qu’on donne à un ouvrier pour prix de son travail. — 1° Jacob servit Laban pendant sept ans, en stipulant que, pour salaire, il recevrait Rachel. Gen., xxix, 15-18. Trompé par Laban, il servit sept autres années pour obtenir le salaire convenu. Gen., xxix, 27, 28 ; xxxi, 7, 41. À ces quatorze années, il en ajouta six autres pendant lesquelles il s’assura, pour son salaire, un nombreux troupeau. Gen., xxx, 28-34 ; xxxi, 41. — 2° La loi mosaïque prescrivait de payer le salaire du mercenaire le soir même. Lev., xix, 13 ; Deut., xxiv, 15. D’ordinaire, en effet, le mercenaire n’avait pas d’avances et il attendait son salaire pour vivre. Job, xiv, 6. Un esclave, pour le même salaire, fournissait deux fois le travail d’un mercenaire. Deut., xv, 18. Cela ne devait pas tenir à ce que, de l’esclave, on exigeât deux fois plus de travail ; l’esclave en effet ne devait pas être traité durement, mais comme un mercenaire à l’année. Lev., xxv, 53. Peut-être l’esclave, pour le même travail, recevait-il moitié moins, parce qu’en même temps il était vêtu et nourri. Son salaire, représenté par ce que le maître lui accordait au moment de sa libération, Deut., xv, 13, 14, pouvait très bien n’équivaloir qu’à la moitié du salaire d’un mercenaire pour le même laps de temps. — Il était absolument interdit d’offrir au Temple le salaire de la prostitution. Deut., xxiii, 18. Cf. Ezech., xvi, 33 ; Ose., il, 12 ; ix, 1 ; Mich., i, 7. La plupart des temples ido-Iâtriques tiraient au contraire de la prostitution une partie de leurs ressources. Voir Prostitution, col. 765.

— 3° La loi sur les salaires est rappelée de temps en temps dans la Sainte Écriture. L’ouvrier attend son alaire, Job, vii, 2, il y a droit. Luc., .x, 7 ; I Tim., v, 18. Il faut le payer sans tarder. Tob., iv, 15. Malheur à qui ne le paie pas comme il le doit. Jer., xxii, 13. Dieu punira ceux qui extorquent à l’ouvrier son salaire. Mal., iii, 5. Saint Jacques, v, 4, dit à ce sujet aux riches injustes : « Voici que crie le salaire dont vous avez frustré les ouvriers qui ont fauché vos champs, et les cris des moissonneurs sont parvenus aux oreilles du Seigneur des armées. » — 4° Plusieurs salaires sont mentionnés : celui que la fille du pharaon promet à la nourrice du jeune Moïse, Exod., ii, 9, celui du prêtre de Michas, Jud., xviii, 4, celui des charpentiers envoyés à Salomon par Hiram, III Reg., v, 6, celui que les prêtres réclament injustement pour enseigner, Mich.,

m, 11, celui que Tobie offre au guidede son fils, Tob., v, 4, 14, celui des vignerons, Matth., xx, 8, et des moissonneurs. Joa., iv, 36. Les salaires faisaient défaut au retour de la captivité. Zach., viii, 10. Pendant qu’on tardait à reconstruire le Temple, rien ne profitait aux Juifs et « le mercenaire mettait son gain dans une bourse trouée. » Agg., i, 6. Nabuchodonosor n’a recueilli aucun salaire de sa campagne contre Tjr, Ezech., xxix, 18, mais le salaire acquis par cette ville passera aux serviteurs de Jéhovah. Is., xxiii, 17, 18. Les trente pièces reçues par Judas et employées à l’acquisition du champ d’Haceldama sont appelées un « salaire d’iniquité ». Act., i, 18. — 5° On n’a que fort peu de renseignements sur le taux du salaire chez les Hébreux. Le salaire du mercenaire ne devait guère dépasser le prix de ce qui était nécessaire à la vie pendant une journée, puisque la loi jugeait qu’il lui était nécessaire chaque soir. Lev., xix, 13 ; Deut., xxiv, 15. Le pasteur du troupeau reçoit pour son salaire trente sicles d’argent, environ 85 francs, sans doute pour toute une saison ; mais il trouve ce prix dérisoire et le jette au potier dont le service est moins dur et qui n’a pas à passer les nuits. Zach., xi, 12, 13. Cf. Van Roonacker, Les chapitres ix-xiv du livre de Zacharie, dans la Revue biblique, 1902, p. 179-181 ; Les douze petits prophètes, Paris, 1908, p. 676.. Le code d’Hammourabi, art. 273. 274, fournit quelques indications, malheureusement incomplètes, sur le salaire des ouvriers. Le journalier à l’année reçoit 6 Se d’argent par jour les cinq premiers mois, et seulement 5 les sept autres mois. Le briquetier et le tailleur d’habits ont 5 se d’argent par jour, le charpentier 4, d’autres seulement 3, et, parmi ces derniers, probablement le maçon. À l’époque évangélique, le salaire d’unejournce de vigneron était d’un denier, soit 87 centimes de notre monnaie. Matth., xx, 2, 9, 10, 13. À Athènes, à l’époque de Périclès, un artisan ne gagnait guère qu’une drachme, soit 97 centimes par jour. Des scieurs de pierre et d’autres ouvriers employés à la construction recevaient la même somme ; un aide-maçon n’avait que trois oboles ou 48 centimes et un portefaix quatre oboles ou 64 centimes. Cf. P. Guiraud, La vie privée et la vie publique des Grecs, Paris, 1894, p. 198 ; Gow-Reinach, Minerva, Paris, 1890, p. 89. La moyenne des salaires en Palestine ne semble donc pas avoir été très différente de ce qu’elle était dans le monde gréco-romain.

— 6° Le nom de salaire est quelquefois donné à un châtiment. David paie le salaire à ceux qui lui annoncent la mort de Saül en les taisant mourir. II Reg., iv, 10. Jéhovah paie le salaire aux ennemis du juste en les enveloppant de sa malédiction. Ps. cv (civ), 20. Callisthène et ceux qui avec lui avaient brûlé les portes du Temple furent brûlés dans une maison où ils s’étaient réfugiés et reçurent ainsi leur juste salaire. II Mach., vin, 33. D’autres fois, ce mot désigne la récompense que Dieu réserve à ceux qui le servent. Is., xl, 10. — « Il n’y a plus de salaire pour les morts, puisque leur mémoire est oubliée. » Eccle., ix, 5. Cela signifie qu’ils ne peuvent plus compter jouir de quoi que soit sur la terre, et « ils n’auront plus jamais aucune part à ce qui se fait sous le soleil. » Eccle., ix, 6.

H. Lesêtre.
    1. SALAMIEL##

SALAMIEL (hébreu : Selumi’êl ; Septante : Sa).a(xtr, ).), fils de Surisaddaï, Num., i, 6 ; ii, 12 ; chef de la tribu de Siméon, à l’époque de l’Exode, ii, 12 ; vii, 36, 41 ; x, 19 ; qui présida au dénombrement de sa tribu, i, 6 et fit des olfrandes pour la construction du Tabernacle comme les autres chefs de tribu, vil, 36, 41. Il*fut un des ancêtres de Judith., viii, 1 (texte grec ; la Vulgate porte Salathiel, mais c’est la leçon du grec qui parait être la véritable), car la Vulgate elle-même porte que Salathiel descendait de Siméon et, quoiqu’elle ajoute que ce Siméon était fils de Ruben [tandis que

le texte grec dit qu’il était fils deSapatraSai] elle porte, IX, 2, que Judith était de la tribu de Siméon.

    1. SALAMINE##

SALAMINE (Sextile), ville maritime (fig. 281) sur la côte orientale de l’Ile de Chypre, à l’extrémité d’une plaine fertile qui s’étend de l’est à l’ouest, entre deux chaînes de montagnes ; auprès d’elle coulait le Pédiseos, la seule rivière digne de ce nom qui arrose l’île. Voir la carte de Chypre, t. ii, col. 1167-1168 ; Ptolémée, "V, xiv, 3 ; Strabon, XIV, vi, 3 ; Pline, H. N., v, 35 ; Diodore de Sicile, xx, 48.

1° Histoire de la ville. — D’après la légende, Salamine aurait été fondée par Teucer, fils de Télamon, roi de l’île du même nom qui est située en face de l’Attique. Ce qui est certain, c’est que, dans les anciens auteurs, elle apparaît toujours comme une colonie ou une ville attique, qui remontait au moins au VIe siècle avant J.-C. Divers géographes lui attribuent toutefois une origine phénicienne, et expliquent ainsi son nom, qu’ils rattachent au mot sémitique salôm, « paix ». Il est possible que l’élément grec et l’élément phénicien aient été à la base de sa population primitive. Munie d’un excellent port, parfaitement abrité, qui pouvait contenir une flotte entière, Diodore de Sicile, xx, 21, et rapprochée soit de la côte syrienne, soit du rivage cili 28t. — Monnaie de Salamine de Chypre. {IMP. TI.] CLAUDIUS CAESAR AUG [P. M. TR. PJ. Tète laurée de Claude, à gauche. — 1$. KOIXON KrnPIQN. Dans une couronne de laurier. Grenetis.

cien, elle ne pouvait manquer de devenir un centre commercial très prospère. Aussi fut-elle longtemps la cité la plus importante de toute la Chypre. Diodore de Sicile, xiv, 98 ; xvi, 42 ; Ammien Marcellin, vii, 8. Elle était fortifiée, et on la regardait comme la clef de l’île, Diodore de Sicile, xii, 3. Au Ve siècle elle devint le siège de rois puissants, dont le plus célèbre fut Évagoras (410-372 avant J.-C). C’est en face d’elle qu’eut lieu, en 306, la plus grande bataille navale des temps anciens, dans laquelle Démétrius I er Poliorcète, filsd’Antigone, battit la flotte gréco-égyptienne de Ptolémée I er. Quelques années après, en 295, Salamine passait au pouvoir des rois d’Egypte. À l’époque des Romains, qui en devinrent maîtres en 58 avant notre ère, tout le district oriental de la Chypre faisait partie du territoire de Salamine. Ptolémée, V, xiv, 5. Au temps de Notre-Seigneur, on lui donne souvent le titre de métropole de l’île. Elle eut beaucoup à souffrir, lorsque les Juifs se révoltèrent sous Trajan, 116-117 après Jésus-Christ. Voir Orose, Hist. adversus paganos, vii, 12, t.xxxi, col.l092 ; Milman 1 iïisto), (/o/’  « AeJeî « s, t. in.p.lll112. Au îv* siècle de notre ère.ony découvrit lesreliques de saint Barnabe, avec une copie de l’évangile selon saint Matthieu. Saint Épiphane fut un de ses plus glorieux évêques (467-403). Les Arabes la détruisirent totalement en 647 ou 648. Pococke a retrouvé les ruines de Salamine, un peu au nord de Fâmagouste, qui a remplacé la ville antique. Elles sont peu considérables, et ne consistent guère qu’en quelques colonnes-brisées et en fragments de maçonnerie. Le port, autrefois si

actif, a été envahi par le sable et les plantes épineuses. Non loin de là, on voit un monastère grec qui porte le nom de saint Barnabe, et un village appelé « Saint-Serge », évidemment en souvenir du proconsul Sergius Paulus, converti par saint Paul à Paphos, à l’autre extrémité de l’île.

2° Mention dans la Bible. — II est question de Salamine au livre des Actes, xiii, 5, à l’occasion du premier voyage apostolique de saint Paul. Il y aborda avec Barnabe et Jean-Marc, ses deux compagnons, en venant de Séleucie, port d’Antioche de Syrie. C’est cette ville qu’if évangélisa tout d’abord dans l’Ile de Chypre. Elle contenait plusieurs synagogues, Act., xiii, 5 ; d’où il suit que les Juifs y étaient nombreux, et ce motif contribua sans doute à attirer l’Apôtre. — Voir J. Meursius, De Cypro, Leyde, 1724, p. 56-57 ; W. H. Engel, Kypros, exiie Monographie, 2 in-8°, Berlin, 1841, t. i, p. 89-90 ; Ross, Reisen nach Kos, Halikarnassos, Rhodes und Cypern, in-8°, Halle, 1852, p. 118-125 ; di Cesnola, Cypern, ils ancient ciliés, tombs and temples ; in-8°, Londres, 1877 ; Id., Salaminia, History, treasury and antiquities of Salamina, in-8°, Londres, 2e édit., 1884 ; von Lbher, Cypern, Reiseberiche nach Natur und Landschaft, Volkund Geschichte, in-8°, Stuttgart, 1878.

L. Fillion.

    1. SALATHI##

SALATHI (hébreu : Çiltâï ; Septante : SejviaOi ; Lucien : SiXa8â), delà tribu de Manassé. Il était à la tête de mille hommes et alla avec eux et d’autres chiliarques de sa tribu rejoindre David à Siceleg quand celui-ci y revint renvoyé par les Philistins en guerre contre Saûl. I Par., xii, 20. — Un Benjamite, appelé aussi $iltâï dans le texte hébreu, est nommé Séléthaï dans la Vulgate. I Par., viii, 20. Voir Séléthaï.

    1. SALATHIEL##

SALATHIEL, nom de deux Israélites dans la Vulgate.

1. SALATHIEL (hébreu : Sealfi’êl [dans Aggée, Saiiî’ê(], « demandé à Dieu » ; Septante : 2aXa61Y|), ), père de Zorobabel et l’un des ancêtres de Noire-Seigneur. I Esd. m, 2 ; v, 2 ; II Esd., xii, 1 ; Agg., i, 1, 12, 14 ; ii, 2, 23 ; I Par., iii, 17 ; Matth., i, 12. D’après I Par., iii, 19, Zorobabel aurait eu pour père Phadaïa, frère de Salathiel, mais plusieurs manuscrits des Septante lisent Salathiel au lieu de Phadaïa. Voir Phadaïa 2, col. 180. D’après Luc, iii, 27, Salathiel était fils de Néri. Il était au contraire fils de Jéchonias, roi de’Juda, d’après I Par., iii, 27, et même son fils aîné, si l’on admet que, dans ce verset, Asir n’est pas un nom propre désignant un fils de Jéchonias, comme l’ont compris les Septante et la Vulgate, mais un adjectif, ’assit ; signifiant « captif », qui se rapporte à Jéchonias et indique que ce roi aurait engendré Zorobabel pendant sa captivité à Babylone. Voir Asm 1, t. i, col. 1102. En prenant Asir pour un nom propre, l’hébreu doit se traduire : « Fils de Jéchonias : Asir ; Salathiel, son fils, » ces derniersmots « son fils » semblent devoir se rapporter alors à Asir, qui aurait été le père de Zorobabel, mais les différents passages où Zorobabel est appelé expressément « fils de Salathiel », montrent que cette interprétation n’est pasexacte. — Ce qui est dit, Luc, iii, 27, que Salathiel était fils de Néri crée une difficulté généalogique nouvelle que les commentateurs n’ont pas réussi à expliquer d’une façon certaine. D’après Cornélius a Lapide et d’autres interprètes, le Zorobabel et le Salathiel nommés dans saint Matthieu, I, 12-13, sont de » personnages différents du Zorobabel et du Salathiel nommés dans saint Luc, quoique descendant les uns et les autres de David. Corn, a Lapide, Comm. in Evangelia, édit. Padovani, t. iii, Turin, 1897, p. 222. Cette opinion n’est pas probable. Un croit plus communément que c’est la loi du lévirat qui est cause de la divergence entre les deux généalogies. Salathiel, dit

Calmet, Dict. de la Bible, édit. Migne, t. IV, col. 231, « descendait de Salomon par Roboam, selon saint Matthieu, et du même Salomon par Nathan, selon saint Luc. En Salathiel se réunirent les deux branches de cette illustre généalogie, en sorte que Salathiel était fils [descendant] de Jéchonias selon la chair, comme il parait par les Paralipomènes, iii, 17, 19… et il pouvai être fils de Néri par adoption, ou comme ayant épousé l’héritière de Néri, ou même comme étant sorti de la veuve de Néri, mort sans enfants, car en tous ces cas, il passait pour fils de Néri selon la Loi. » — Des commentateurs prétendent identifier le Néri de Luc, iii, 27, avec le Nérias père du prophète Baruch, Jer., xxxii, 12, mais rien ne justifie cette identification. Voir Nérias, t. iv, col. 1604.

2. SALATHIEL, un des ancêtres de Judith dans la Vulgate, Judith, viii, 1, mais ce nom est probablement une altération du nom de Salamiel. Voir Salamiel, col. 1366.

SALÉ (hébreu : Sélali, « javelot » ou « rejeton » ; Septante : Ea>ô), fils d’Arphaxad, d’après l’hébreu et la Vulgate ; fils de Caïnan et petit-fils d’Arphaxad, d’après les Septante. Voir Caïnan 2, t. ii, col. 41. Il descendait de Sem et fut père d’Héber, ancêtre d’Abraham. Gen., x, 24 ; xi, 12-15 ; I Par., i, 18, 24 ; Luc, iii, 35.

    1. SALÉBIM##

SALÉBIM (hébreu : Sa’albîm, « [lieu des] chacals » ; Septante : ©aXaéi’v, Jud., i, 35, et SaXocéiv, III Reg., iv, 9), ville de Dan. C’est très probablement la même localité qui est appelée Sélébin (hébreu : Sa’âlabin ; Septante : SaXotutv), dans Josué, xix, 42, et qui est énumérée parmi les villes attribuées à la tribu de Dan. Josué la mentionne entre Hirsémès ou Bethsamès et Aïalon. Le livre des Juges, i, 35, qui la place également auprès d’Aïalon et du mont Harès, nous apprend que les Amorrhéens empêchèrent les Danites de s’établir à Salébim d’une manière stable. Sous le règne de Salomon, un des douze nissabîm ou chefs qui étaient chargés de fournir des vivres au roi, Bendécar, comptait Salébim parmi les villes où il faisait les perceptions en nature pour la subsistance royale, III Reg., iv, 9. — VOnomasticon, édit. Larsow et Parthey, 1862, p. 322, 323, identifie Salébim avec Salaba dans le territoire de Sébaste (Samarie) mais ce site est trop septentrional et trop éloigné d’Aïalon. Saint Jérôme lui donne sa véritable situation, In Ezech., xlviii, 21-22, t. xxv, col. 488, en nommant les tours de Salebi (Salébim) entre celles d’Ailon (Aïalon) et d’Emaùs (Emmaûs) ou Nicopolis. Le nom de Sa’albîm s’explique facilement dans ces parages où les chacals abondent encore de nos jours. Les explorateurs anglais, Palestine Exploration Fund, Memoirs, t. iii, p. 52, identifient Salébim avec Salbit, à trois kilomètres environ au nord d’Emmaus, à quatre kilomètres et demi au nordouest d’Aïalon et à treize kilomètres au nord de Bethsamès. Voir la carte de Juda, t. iii, col. 1756 ; Dan, t. ii, col. 1233.

    1. SALÉCHA##

SALÉCHA (nébreu : Salkâh ; Septante : … « ’EX-/5, Deut., iii, 10, et Codex Alexandrinus, Jos., xiii, 11 ; lUx/a : , Valicanus, Jos., xii, 4 ; ’Axà, ibid., Jos., xiii, 11 ; Scia, ibid., I Par., v, 11 ; ’AoeXy.i, Alex., Jos., xii, 4 ; Ee>-/i, ibid., I Par., v, 11 ; Vulgate, Deut., iii, 10 et I Par., v, 11 ; Selcha), ville de la frontière orientale de Rasan, puis du pays d’Israël, aujourd’hui i$elkhad. Ce nom est aussi prononcé Çalkhat. Il est écrit Çalhad, dans l’inscription nabuthéenne d’une stèle érigée dans l’endroit même et datée de la 17e année du roi « Malichus fils d’Arétas, ami du peuple », c’est-à-dire de l’an 50 après J.-C. Corpus inscriptionum semiticarum, n° 182, t. i, part. 2, p. 207. Salécha est situé à

24 kilomètres à l’est de Bosrâ et à 62 à l’est-sud-est d’ed-Der’ah, sur la frontière sud-est du Hauran. Bâti en gradins sur les flancs d’une colline volcanique et couronné de son gigantesque château, flanqué de grandes tours, qui s’élèvent àl510mètres au-dessus du niveau de la Méditerranée, Salkhad présente l’aspect le plus imposant. De là, le regard s’étend vers l’ouest par-dessus les plaines de la Nouqrâ.les vallées du Djôlanetde la Galilée inférieure jusqu’à la chaine du Carmel ; au sud-ouest la voie embrasse l’ancien pays de Galaad tout entier, au sud le Hamâd « t au nord-est l’immense région parcourue par les Arabes nomades. L’ancienne voie romaine venant d’Edrei et de Bosra qui reliait la Syrie, en traversant ce vaste désert, à la Babylonie, passe au pied de la colline. Par cette situation commandant toute la contrée du sud-est, Salkhad devait être le plus puissant rempart protégeant les Israélites contre les incursions des « fils de l’Orient ». Les habitations sont presque toutes anciennes, construites en pierres de basalte et dans le genre du Hauran. Un large fossé, aujourd’hui presque comblé par les décombres, séparait la ville de la citadelle. En son état actuel, celle-ci est l’œuvre, d’après les inscriptions qui s’y lisent, des princes musulmans du moyen âge. Les deux lions sculptés qui se voient du côté du midi, dont Bibars avait fait son emblème, permettent de croire que ce sultan a pris une part importante à cette restauration ; mais les aigles qui sont au-dessus des portes montrent que les Romains s’y étaient fortifiés auparavant. Avant ceux-ci la position était occupée déjà par les Nabuthéens, les inscriptions tracées dans les caractères usités par ce peuple l’attestent, et sans doute dès le vu » siècle avant J.-C, époque où les inscriptions assyriennes nous les montrent occupant déjà le Hauran. Cf. F. Vigouroux, Mélanges bibliques, 1889, p. 311 ; Corpus inscript, semit., n. 182-185, 1. 1, part, ii, p. 206-209. Toutefois diverses parties des murailles et des soubassements semblent indiquer que cette forteresse a des origines plus anciennes encore. — À l’arrivée des Israélites, Salécha était une des villes principales du royaume d’Og ou du pays de Basan et elle parait une des soixante « fortifiées de remparts élevés et fermées de portes munies de serrures » dont Moïse s’empara alors. Cf. Deut., iii, 3-10. Dans le partage de la contrée transjordanienne, elle fut donnée à la demi-tribu orientale de Manassé. Deut., 13. Les Gadites s’y établirent, après la défaite infligée par eux aux Agaréens, au temps du roi Saûl. I Par., v, 11. Elle dut tomber au pouvoir des rois syriens de Damas sous le règne d’Achab, quand ils s’emparèrent de Ramoth et d’une partie du pays de Galaad. Ce fut sans doute à la suite de la prise de Damas par Théglathphalasar III et de la transportation en Assyrie des populations syriennes (734), que les Nabuthéens occupèrent le Hauran et Salécha. — On ignore jusqu’ici quel est le nom dont firent usage les Romains pour désigner cette ville. — Les Arabes ont rattaché à Salkhad plusieurs légendes sur Moïse et Aaron, suggérées sans doute par le souvenir de la prise de la ville par le grand prophète d’Israël. Cf. Guy le Strange, loc. cit. Leurs écrivains ont vanté beaucoup cette ville où souvent se sont réfugiés leurs princes, à cause de sa situation extraordinaire et de la force de sa citadelle ; leurs anciens poètes ont célébré encore ses vignes et son viii, Cf. Vaqùt, Diciionn. géograph. (en arabe), édit. Wûstenfeld, Leipzig, 1866, t. iii, p. 380 ; Abul-Féda, Géogr. (en arabe), édit. Reinaud et de Slane, Paris, 1840, p. 259 ; Mudjir ed-Din, Hist. de 1er. et d’Hébron (en arabe), Le Caire, 1283 (1866), p. 351, 437. Au moyen âge elle fournissait de riz les marchés de Damas et de la Syrie. Ed-Dhaheri, Syria descripla, édit. Rosenmûller, Leipzig, 1828, p. 21-22. Aujourd’hui le château est abandonné et de ses habitations la moitié sont vides. La

population, formée de Druzes et de chrétiens syriens suivant le rite grec, n’atteint pas le nombre de mille habitants. Ils se livrent presque exclusivement à la culture du blé, favorisée du reste par la grande fertilité du territoire environnant. — Voir J.-J. Burckhardt, Travels in Syria and the Holy Land, in-4°, Londres, 1822, p. 100-103 ; M. de Vogue, La Syrie centrale, Inscription sémit., Paris, 1869, p. 107-119 ; P. Séjourné, A travers le Bauran, dans la Revue biblique, 1898, p. 608-609. L. Heidet.

    1. SALED##

SALED (hébreu : Séléd ; Septante. 2*Xs6), fils de Nadab et frère d’Apphaïm. Il descendait de Juda par Hesron et Jéraméel ; il mourut sans enfants. I Par., ii, 30.

    1. SALEM##

SALEM (hébreu : Sàlêm, « pacifique » ), nom de lieu.

1. SALEM (Septante : Sa), -^), ville dont Melchisédech, contemporain d’Abraham, était roi. Gen., xiv, 18 ; Heb., vii, 1, 2. On l’identifie généralement avec Jérusalem, 1° comme le fait le texte hébreu du Ps. lxxvi (lxxv), 3, qui par Sàlêm désigne Jérusalem. Les Septante ont traduit èv eîpT|VY), et la Vulgate in pace, mais le parallélisme de Sàlêm avec Sion prouve que nous avons là le nom propre du lieu où Dieu habite dans son temple et où on lui rend un culte, et il faut traduire :

Dieu est connu en Juda,

Son nom est grand en Israël ;

Son tabernacle est à Salem

Et sa demeure à Sien.

L’abréviation de Jérusalem en Salem semble pouvoir s’expliquer par l’orthographe de ce nom dans les lettres assyriennes trouvées à Tell el-Amarna. Ce nom, tel qu’elles nous le font connaître à l’époque antérieure à la conquête de la Terre Promise par les Israélites, se composait de deux éléments, Uru et Salim (voir Jérusalem, t. iv, col. 1319) ; Uru signifie « ville >> ; on comprend qu’on a pu le sous-entendre. — 2° Abraham passa à Salem en revenant de poursuivre Chodorlamor et ses alliés. La route pour se rendre du nord au sud de la terre de Chanaan pouvait le faire passer tout naturellement près de Jérusalem, et le texte sacré dit formellement, Gen., xiv, 17, qu’il rencontra le roi de Sodome venu au-devant de lui, dans la vallée de Savé, laquelle est probablement la vallée de Géennom (l. iv, col. 155), qui contourne Jérusalem à l’ouest-sud ; c’est là aussi que Melchisédech, le roi de Salem, bénit Abraham. Gen., xiv, 18. Salem et Jérusalem sont donc la même ville. Voir Savé. — 3° Le second élément du nom de Melchi-sédech se retrouve dans le nom du roi de Jérusalem qui régnait dans cette ville à l’époque de Josué, Adoni-sédech, Jos., x, 1, ce qui semble indiquer que le mot sédech caractérisait les noms royaux de Jérusalem. Il faut noter cependant que les Septante ont lu Adonibézech au lieu d’Adonisédech, ce qui rend cette dernière leçon un peu suspecte. — 4° Josèphe, Ant. jud., I, x, 2 ; Bell, jud., VI, x ; Onkelos et tous les Targums identifient Salem avec Jérusalem. D’après un fragment conservé par Eusèbe, Prsep. Evang., ix, 17, t. xxi, col. 708, la rencontre d’Abraham et de Melchisédech aurait eu lieu au Mont Garizim (Ar-Garizim), probablement parce que certains confondaient le Salem de Gen., xxxiii, 18, avec Sichem. Voir Salem 2. Saint Jérôme, par suite de cette même confusion entre le Salem de Gen., xiv, 18, avec celui de Gen., xxxiii, 18, affirme, Epist. lxxui ad Evang., 7, t. xxii, col. 680, que la Salem de Melchisédech est un oppidum juscla Scythopolim, quod usque hodie uppellatur Salem [Salumias, dans VOnomasticon, 1862, p. 323 ; cf. p. 297), et ostenditur ibi palalium Melchisédech, et nwgniludine ruinarum, veleris operis-oslendem magnitu dinem ; il l’identifie expressément avec là Salem de Jacob. Mais le saint docteur reconnaît lui-même au commencement de la même lettre, n. 2, col. 677, que les anciens auteurs ecclésiastiques, saint Hippolyte, saint Irénée, Eusèbe de Césarée, Onomast., p. 233, Eusèbe d’Ëmèse, Apollinaire, Eustathe font tous de Melchisédech un roi de la ville de Jérusalem, appelée d’abord Salem. Bien plus, Qusest. in Gen., xiv, 18, t. xxiii, col. 961, il écrit, sans y contredire : [Melchi-’sedech] rex Jérusalem dicilur, quæ prius Salem appellabatur. Cf. Onomasticon, au mot Jérusalem, p. 237. Voir Jérusalem, t. iv, col. 1377. L’opinion de saint Jérôme, plaçant la résidence de Melchisédech près de Bethsan (Scythopolis) se concilie difficilement avec ce qui est raconté Gen., xiv, 17, que le roi de Sodome alla à la rencontre d’Abraham. Il dut y aller quand le vainqueur de Chodorlahomor passa dans son voisinage à Jérusalem, et non remonter jusqu’à Bethsan qui est trop éloignée. Saint Jérôme a placé la capitale de Melchisédech au nord de la Palestine, parce qu’il l’a confondue avec Salim, près d’Ennom, où baptisait saint Jean-Baptiste. Joa., iii, 23. Voir Salim 2.

2. SALEM (Septante : 2aXr, |ji), nom propre de lieu d’après les versions anciennes (Septante, Vulgate, Peschitto). Jacob, à son retour de Mésopotamie, alla de Socoth « à Salem, ville des Sichémites », traduit la Vulgate, Gen., xxxiii, 18. — 1° De nombreux interprètes modernes à la suite du Targum d’Onkelos et de Jonathan, du Samaritain, de l’Arabe, etc., croient que Sàlêm du texte hébreu n’est pas un nom propre dans ce passage, mais un substantif commun, signifiant « paix, sécurité » et traduisent : « Jacob arriva en paix à Sichem », c’est-à-dire sans accident, cf. Gen., xxviii, 21. — 2° D’autres interprètes maintiennent l’exactitude de la traduction ancienne et allèguent en sa faveur qu’aujourd’hui.encore il existe à quatre kilomètres et demi environ à l’est de Naplouse (l’ancienne Sichem), et par conséquent sur la route que devait suivre Jacob en venant d’au delà du Jourdain, une localité du nom de Salem, « petit village de deux cents habitants au plus, dit V. Guérin, Samarie, 1. 1, p. 456. Une douzaine de citernes antiques creusées dans les lianes de la colline sont actuellemeut à sec. Les femmes du village vont chercher de l’eau à un kilomètre de là vers le nord-nord-ouest, à une source appelée’Aïn-Salem. Elle s’écoule de dessous un rocher par un petit canal d’apparence antique et est recueillie dans une longue auge monolithe, qui est probablement un ancien tombeau. Le village de Salem répond par son nom et par sa position à l’antique Salem que traversa Jacob arrivant de Mésopotamie, avant de dresser sa tente près de la ville de Sichem. » — 3° Une troisième opinion, soutenue par Eusèbe et non combattue par saint Jérôme dans VOnomasticon, 1862, p. 322-323, 346-347, identifie Salem avec Sichem : 2a).rj, ii, wdXiç Erai’uwv, rjTic ioù Sujrél 1- — Ss^lu, , x<*i *l Emiui, xïi t) EaXrin, itéXi ? IïxtoS. Cette identification ne peut se justifier.

3. SALEM (VALLÉE DE). Les Septante, Judith, iv, 4, mentionnent une vallée de Salem, tov aûXûva SaÀrju, , où les Juifs envoyèrent des messagers pour mettre ce pays en défense à l’approche de l’armée d’Holoferne. C’est peut-être la Salamiasque mentionne saint Jérôme, Onomast., 1862, p. 323, à huit milles romains (environ douze kilomètres) de Scythopolis ou Bethsan. Cette vallée n’est pas nommée dans la Vulgate.

4. SALEM. Les Septante, Jer., xlviii, 5, nomment Salem, au lieu de Silo, qu’on lit dans l’hébreu et la Vulgate, Jer., xli, 5, parmi les villes dont quelques habitants furent tués par Godolias en se rendant à Jérusalem. On peut faire valoir en laveur de la leçon

des Septante, que la ville qu’ils appellent Salem est placée entre Sichem et Samarie ; cela semble indiquer qu’elle est entre ces deux villes et dans leur voisinage, situation qui ne convient par à Silo, laquelle est plus bas et au sud. Dans ce cas, Salem serait le village de Salim à l’est de Sichem. Voir Salem 2.

    1. SALEMOTH##

SALEMOTH (hébreu : Selômôf, Septante : SaXw[xtib), lévite, père de Jahath et fils d’Isaari ou plutôt descendant d’Isaar, petit-fils de Lévi. Il était chef d’une famille de Lévites, du temps de David. Voir Isaari, t. iii, col. 936. I Par., xxiii, 18 ; xxiv, 22, 23. Dans le premier passage, le nom est écrit Salomith.

    1. SALEPH##

SALEPH (hébreu : Sâléf ; Septante : S 2)s<f), le second des fils de Jeclan, fils d’Héber, descendant de Sem. Gen., x, 26 ; I Par., I 20. Les Saléphites habitèrent dans l’Arabie le district appelé encore aujourd’hui Salfiéh. Voir Jectan, t. iii, col. 1214, 2.

    1. SALICORNE##

SALICORNE, une des plantes d’où les Hébreux tiraient la soude. Les espèces Salicorna fructuosa et Salicorna herbacea croissent sur les bords de la mer Morte. Voir Soude. E. Levesqle.

    1. SALIM##

SALIM, nom de deux localités dans la Vulgate.

1. SALIM (hébreu : Sa’âlim ; Septante : Se-faXîfi), territoire qui tirait sans doute son nom des chacals qui abondaient dans cette région. I Reg., (I Sam.), ix, 4. Saùl alla chercher an cet endroit et dans les lieux voisins les ànesses perdues de son père. L’identification en est incertaine, comme celle des autres lieux mentionnés dans le même passage. D’après quelques commentateurs, Salim n’est pas différent de Salébim (Sélébin), dans la tribu de Dan. Voir Salébim. Eusèbe et saint Jérôme, Onomasi., édit. Larsow et Parthey, p. 318, 319, placent Salim (Saalim) à sept milles à l’ouest d’Éleuthéropolis, mais on pense généralement que cet emplacement est trop éloigné.

2. SALIM (grec : SstXsfpi). localité près de laquelle se trouvait Ennon où saint Jean-Baptiste baptisait. Le site en est incertain. Voir Ennon, t. ii, col. 1809.

    1. SALINES##

SALINES (grec : toû àXôç XiVvai, « marais de sel » ; Vulgate : salinse), marais dans lesquels le sel se dépose, par évaporation de l’eau qui le contient en dissolution. Il y avait des marais de ce genre dans la vallée qui est au sud de la mer Morte, le lïhor. II Reg., viii, 13. Dans sa description de la nouvelle Terre Sainte, Ézéchiel, xlvii, 11, dit que les parties de la mer Morte qui ne seront pas assainies seront abandonnées au sel et deviendront des salines. Les princes prélevaient un impôt sur le produit des salines. Démétrius remit à Jonathas celui qui frappait les marais salants de Palestine. I Mach., xi, 35. H. Lesètre,

SALINES [VALLÉE DES] (hébreu : Gê’Mélah ; Septante : reoEXItt, reu.$XlB. xoiXôcc ™v &X<T>v, çàpa-jÇ tc5v â>à>v ; Vulgate : Vallis Salinarum), vallée ou ravin tirant son nom des monceaux de sel qui y étaient accumulés. L’Écriture parle d’une seule vallée des Salines, selon les uns, de deux vallées, selon les autres.

1° David, d’après le récit de II Sam. (Reg.), viii, 13, remporta une grande victoire sur Âram ; d’après I Par., xvin, 42 ; cf. Lix (lx), 2, sur ±.dom dans la vallée des Salines. La confusion si facile entre les deux lettres hébraïques i, d, et 1, r, explique cette variante importante. D’après un grand nombre d’interprètes, c’est la leçon Édom, ait>, qu’il faut lire dans les Rois, et non mx, Aram, et dans cette hypothèse, la vallée des Salines où se livra la bataille n’est pas différente de celle où le roi

Amasias battit plus tard les Édomiles. D’après d’autres, on doit conserver la leçon Aram, qui s’accorde mieux avec l’ensemble du récit et la vallée des Salines où l’armée de David triompha peut être es-Sabk, au sudestd’Alep. R. von Riess, Bibel. Atlas, l’édit., 1887, p.26. 2° Nous lisons dans IV Reg., xiv, 7, qu’Amasias, roi de Juda, battit les Édomites dans la vallée des Salines, et les Paralipomènes, II, xxv, 11-12, racontant le même événement avec plus de détails ! disent : « Amasias… alla dans la vallée des Salines et il battit dix mille hommes des fils de Séir. Et les fils de Juda en saisirent dix mille vivants, et ils les menèrent au sommet d’un rocher, d’où ils les précipitèrent et tous périrent. » Le IVe livre des Rois dit qu’Amasias donna à ce rocher le nom de Jectéhel. On croit assez communément que « le rocher », has-Séla’, désigne la ville de ce nom, Pétra. L’emplacement de la vallée des Salines est généralement cherché aux environs de la mer Morte, en particulier au sud, à Djebel es-Sebcha. R. von Riess, Bibel.-Atlas, p. 26. Il est difficile de concilier les deux opinions : si la bataille fut livrée près de la mer Morte, comment supposer que c’est du haut des rochers de Pétra que les Édomites furent précipités par les soldats d’Amasias, car la distance est trop considérable pour que ces derniers les aient poursuivis si loin. Il semble donc nécessaire d’admettre ou que la bataille n’eut point lieu près de la mer Morte ou que Séla’ne désigne pas Pétra. Les données scripturaires sont trop indéterminées pour l’identification certaine de la vallée des Salines.

    1. SALIS À##

SALIS À (hébreu : Salisâh ; Septante : SaXissâ), pays que traversa Saùl lorsqu’il cherchait les ânesses perdues de son père Cis. I Reg. (Sam.), ix, 4. L’identification en est incertaine, Saùl alla d’abord de Gabaa de Benjamin au nord ou au nord-ouest à la montagne d’Ephraïm, puis à la terre de Salisa et ensuite â la terre de Salim et à la terre de Jémini ou de Benjamin au sud, mais ces déterminations générales, quoique circonscrivant dans des limites assez restreintes les recherches de Saûl, sont insuffisantes jusqu’ici pour retrouver avec certitude les localités désignées. On a proposé de reconnaître dans Salisa le territoire de Baalsalisa (t. i, col. 1341), malheureusement la situation de Baalsalisa est elle-même incertaine, quoiqu’il y ait des probabilités en faveur de Khirbel Sirisia. Voir 1. 1, col. 1342.

    1. SALIVE##

SALIVE (hébreu : rîr ; Septante : TrrûeXov ; Vulgale : saliva, spulum), liquide sécrété dans la bouche par des glandes spéciales appelées salivaires. Elle est formée d’eau en majeure partie et contient différents sels, entre autres du chlorure de sodium, et en outre des matières organiques, spécialement une substance azotée, appelée.ptyaline, qui favorise fa conversion des matières féculentes ou amylacées en glucose. La salive a un double rôle : chimiquement, elle aide à la transformation des substances nutritives ; physiquement, elle facilite la gustation, la mastication et la déglutition des aliments, elle maintient la souplesse des organes intérieurs de la bouche, surtout de la langue et des cordes vocales. Les glandes salivaires fonctionnent sous l’influence de nerfs qui exagèrent ou modèrent fa production de la salive. Les émotions qui ébranlent le système nerveux exercent donc une influence sur cette production de la salive. Sous le coup de certaines émotions, les glandes cessent de fonctionner et la bouche devient sèche ; dans d’aulres conditions, il y a surproduction de salive, « l’eau vient à la bouche » de quelqu’un qui pense à un aliment agréable, comme s’il s’apprêtait déjà à le manger. — La langue se colle au palais dans les grandes douleurs, Ps. xxii (xxi), 16 ; cxxxvii (cxxxvi), 6, parce que l’activité des glandes sa

livaires est arrêtée. La soif attache la langue du nourrisson à son palais, Lam., iv, 4, parce que le sang n’est plus assez riche en liquide pour fournir aux glandes la matière salivaire. Job, vii, ’19, en butte aux épreuves, demande le temps d’avaler sa salive, c’est-à-dire équivalemmentde respirer, de reprendre haleine, d’accomplir un de ces actes physiologiques qui ne demandent pas beaucoup d’instants et sont nécessaires à la vie. « Avaler sa salive » est une expression proverbiale qui a ce sens chez les Arabes. Cf. Fr. Delitzsch, Bas Buch lob, Leipzig, 1876, p. 110. Quand David simula la folie chez Achis, roi de Geth, il laissa couler sa salive sur sa barbe, comme les insensés qui n’ont plus conscience de leurs actes. I Reg., xxi, 13. Jésus-Christ, pour rendre la vue à l’aveugle-né, fit de la boue avec de la terre et sa salive et lui en frotta les yeux. Joa., ix, 6. — Sur différents actes dans lesquels intervient la salive, voir

Crachat, t. ii, col. 1099.
H. Lesêtre.
    1. SALLEM##

SALLEM (hébreu : Sillêm, « rétribution » ; Septante : SoaatJu.), quatrième et dernier fils de Nephthali, fils de Jacob. Gen., xlvi, 24. Son nom est écrit dans la Vulgate, Sellem, Num., xxvi, 49, et Sellum, I Par., vu, 13.

    1. SALMA##

SALMA (hébreu : Soîmâ’), nom de deux Israélites.

1. SALMA (Septante : 2a>u.<iv), descendant de Juda, ancêtre de David et de Notre-Seigneur, I Par., ii, 11, dont le nom est écrit ailleurs Salmon. Voir Salmon.

2. SALMA (Septante : SaXtou-wv), le second des trois fils de Caleb, fils d’Hur. Il fut le « père », c’est-à-dire qu’il peupla par ses descendants Bethléhem et d’autres localités. I Par., ii, 51, 54. — Certains interprètes ne voient qu’un seul personnage dans Salma 1 et 2. Voir Frd. Keil, Chronik, iS10, p. 51. Le texte, I Par., ii, 51, 54, est obscur et se prête à des interprétations diverses.

    1. SALMANA##

SALMANA, nom, dans la i’ulgale, de deux rois dont le nom est écrit différemment en hébreu.

1. SALMANA (hébreu : Salmunnà ; Septante : 2a).p. avà), le second des deux rois madianites qui enva hirent la Palestine du temps des Juges et qui furent battus et mis à mort par Gédéon. Jud., viii, 5-21. Voir Gédéon, t. iii, col. 148 ; Madianites, t. iv, col. 535. Le Ps. lxxxii, 11, rappelle cet événement.

2. SALMANA (hébreu : &alman ; Septante : 2aXa(idiv), nom propre qui se lit une fois dans Osée, x, 14 : « Toutes tes forteresses, [Israël], seront dévastées, comme Salmana dévasta Beth-Arbel. x> Osée faisait allusion à un événement connu de ses contemporains, mais oublié depuis. Salmana est, d’après les uns, Salmanasar III, roi d’Assyrie ; d’après les autres, un roi de Moab, appelé Salamanu qui figure sur la liste des tributaires du roi d’Assyrie Théglathphalasar. Voir Beth-Arbel, t. ii, col. 1665. — Quelques commentateurs prennent Salmana comme un nom de lieu, et traduisent « comme fut dévastée Salman-Beth-Arbel, » mais

. cette opinion n’est pas généralement suivie.

SALMANASAR II, roi d’Assyrie, dont (le nom ne se trouve pas dans la Bible, mais en rapport fréquent avec plusieurs rois mentionnés dans l’histoire sacrée ; peut-être cependant est-ce le Salman du prophète Osée, x, 14. Roi d’Assyrie, fils et successeur d’Assurnabir-apal, il régna de 858-823 (fig. 282) dans la ville d’kssiT(Kaléh-Serghat), première capitale de l’Assyrie, puis à Chalé (Calach-Nimroud) où il se fit construire un palais dont les inscriptions nous ont conservé le récit de ses conquêtes. La liste des Limu ou Êponymes

lui attribue 34 années de règne, marquées chacune par une guerre extérieure dont nous trouvons le détail dans ses annales, dont le théâtre fut la Babylonie [Akkad), l’Arménie (Urarthu), la Syrie (Khatti), et l’Asie occidentale jusqu’à Hamath et Damas. C’est dans ces circonstances qu’il entra en contact avec les localités ou les personnages bibliques ; Achab d’Israël et Bénadad de. Damas, d’ennemis qu’ils étaient primitivement, se sentant menacés tous deux par les conquêtes

282. — Qtjj^isque de Salmanasar n à Nimroud. British Muséum.

de l’Assyrie, s’unirent dans un commun effort pour résister à Salmanasar, avec dix autres rois syriens à la tête desquels était le roi d’Hamath, Irkulini. En 851, dans sa 4e année de règne, Salmanasar défit les coalisés à Karkar, mettant en fuite entre autres 1 200 chars montés, et 20000 hommes d’infanterie de Bénadad de Damas, 2000 chars et 10000 hommes d’Achab, 700 chars et 10000 hommes d’Hamath. — Cette défaite ne découragea pas la coalition, car nous voyons l’an Il et 14 de Salmanasar deux nouvelles campagnes contre Bénadad de Damas et ses confédérés, qui furent encore mis en fuite, mais sans que les annales donnent plus de détails.

Quatre ans plus tard, la 18° et la 21e années, la guerre recommença entre Salmanasar et les fils ou successeurs

de ces mêmes confédérés en particulier contre Hazæl qui régnaità Damas ; mais le roi d’Israël d’alors, soit Joram, soit Jéhu, n’est plus mentionné : celui-ci, au contraire, paie fîdèiement le tribut à Salmanasar comme on le voit dans l’inscription de l’obélisque avec bas-reliefs et l’inscription dite des Taureaux du palais de Calach. Voir Jéhu, t. iii, col. 1246, et t. i, fig. 37, col. 235 ; t. ii, fig. 177, col. 521 ; fig. 224, col. 631 ; fig. 547, col. 1661 ; t. iii, fig. 105, col. 431 ; t. iv, fig. 84, col. 269.

A cette époque Israël était donc vassal de l’Assyrie. Le traité d’alliance et de vassalité devait finir par donner lieu à une conquête et à une destruction finale sous Salmanasar IV. Salmanasar II mourut en 823, laissant le trône à Samsi-Ramman, non sans contestation de la part d’Assur-danin-habal qui avait essayé de se révolter, du vivant même de son père. Plus tard, nous trouvons sur le trône, de 781 à 772, Salmanasar 1 1 1 dont la Bible ne dit rien, et auquel la liste des Éponymes et des campagnes attribue en 773 une expédition contre Damas. — G. Rawlinson, Thefive great Monarchies, 1879, t. ii, p. 99-109 ; G. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, les Empires, p. 52-95 (où il désigne ce prince sous le nom de Salmanasar III) ; J. Menant, Annales des rois d’Assyrie, p. 96-116 ; Eb. Schrader, Keilinschriflliche Bibliothek, t. i, p. 128-175 ; t. ii, p. 200-201 ; Scheil, Inscriptions of Shalmanaser 11, dans Records of the Past, 2e sér., t. iv, p. 36-79 ; SchraderWbitehouse, The Cuneiform Inscriptions and the old Testament, 1. 1, 1885, p. 182201 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes,

6e édit., t. iii, p. 483, 485.
E. Pannier.

SALMANASAR IV(hébreu : noNJDbtf, Salman’ésér ;

Septante : 2aXa[n.ava<7<rctp [dans Tobie, ’EvT)[jie(7<r « poç] ;

assyrien : | -*-J 4]ïj"-c[ T*~ HF~ i Salman-aSaridu ; « que

[le dieu] Salman fasse prospérer » ou « Salman est le plus puissant » ), roi d’Assyrie, le IV » de ce nom, qui régna de 727 à 722, entre Théglathphalasar et Sargon ; il régna également sur la Babylonie, sous le nom i’TJlulaa, TXoûXaio ; dans le Canon de Ptolémée. La brièveté de son règne, et peut-être aussi l’accès au trône d’une nouvelle dynastie avec Sargon, expliquent pourquoi nous ne possédons pas de textes historiques émanant de ce prince ; un contrat d’intérêt privé et un poids de bronze seuls portent son nom. Par contre la liste des Limu ou Éponymes lui attribue cinq années de règne ; la liste annuelle des campagnes nous apprend qu’il vécut en paix en 726, mais que durant les années 725, 724, 723 il fit la guerre à des peuples dont le nom a disparu : la chronique babylonienne lui attribue également cinq années de règne sur Akkad (Babylonie) et sur l’Assyrie, pendant lesquelles fut détruite la ville de Sabazaïn (Samarie ? — Sepharvaïm ?). La Bible et l’historien Josèphe comblent ces lacunes : nous lisons II (IV) Reg., xvii, 1-6 : « Osée, fils d’Éla, commença à régner à Samarie… Salmanasar, roi d’Assur, monta contre lui, et Osée fut son vassal et lui paya tribut. Puis le roi d’Assur découvrit une conspiration d’Osée qui avait envoyé des messagers à Sua (hébreu : nid, Sô’, à lire évidemment Sévéh, Sabie dans les textes de Sargon, Sabaka, Sabacon), roi d’Egypte, et cessa depayer le tribut annuel au roi d’Assur ; et celui-ci l’enferma et le lia en prison. Et le roi d’Assur monta dans tout le pays ; et il monta à Samarie et il l’assiégea pendant trois ans. La neuvième année d’Osée, le roi d’Assur prit Samarie et emmena Israël captif en Assyrie. » D’autre part, Ménandre, cité par Josèphe, Ant. jud., IX, xm-xiv, nous apprend que Salmanasar envahit une première fois toute la Phénicie et la remit sous le joug ; mais Tyr s’étant révoltée de nouveau, Salmanasar revint pour s’en rendre maître ; cette ville étant séparée du continent, le roi d’Assyrie se composa une flottille de soixante vaisseaux


pris aux ports phéniciens de la côte : mais douze navires tyriens suffirent à les détruire. Salmanasar essaya alors de réduire la ville en la bloquant et en lui coupant ses conduites d’eau potable ; mais les Tjriens soutinrent le siège cinq années durant, ayant recueilli l’eau de pluie dans des citernes. Nous ignorons l’issue de cette campagne en ce qui concerne Salmanasar, car la citation de Ménandre dans Josèphe ne va pas plus loin.

Les renseignements donnés par la Bible et l’historiographe sent absolument parallèles : il y eut deux campagnes de Salmanasar en Palestine et en Phénicie, la première lors du refus du tribut annuel par Osée et les Phéniciens, déjà asservis par Théglathphalasar ; les révoltés furent promptement contraints de rentrer dans le devoir, apparemment dès la deuxième année du monarque assyrien. Mais bientôt, à Tyr et à Samarie, on se souleva de nouveau ; la Bible nous apprend à quelle occasion : Sévéh d’Ethiopie s’était emparé de l’Egypte jusqu’au Delta ; témoins de ces succès, les princes asiatiques s’imaginèrent trouver dans ce conquérant un sur appui ontre l’Assyrie. Salmanasar ne laissa pas à la coalition le temps d’exécuter ses projets : Osée tomba aux mains de son suzerain, et disparut en prison. Toutefois Samarie n’en continua pas moins de résister à l’assiégeant ; mais elle finit par succomber en 722, et fut détruite par l’ennemi. La Bible est d’accord sur la date de l’événement, avec les textes cunéiformes du roi Sargon, mais elle ne nomme pas le vainqueur. Les inscriptions de Salmanasar lui-même nous faisant défaut, il faut expliquer, pour établir l’harmonie complète, le texte hébreu et le récit assyrien. En différents passages, Sargon revendique le siège et la prise de la ville, sa destruction, la déportation des habitants, leur installation en des pays lointains, les tributs prélevés sur eux : tout cela durant les quelques mois, ina ris sarrutiya, qui précédèrent sa première année officielle et complète. Il est très admissible qu’une partie de ces faits aient eu leur exécution sous le règne et pour le compte de son prédécesseur, quoique peut-être avec le concours de Sargon comme général ; monté sur le trône, Sargon aura revendiqué pour lui toute la campagne. Oppert a essayé de documenter ce partage entre les deux rois, assyriens, en faisant remarquer que la destruction de la ville de Sabaraïn, placée par la Chronique babylonienne dans le règne de Salmanasar, pouvait précisément confirmer cette hypothèse à cause de la ressemblance des caractères ba et ma, et de la divergence des transcriptions entre la Chronique et les textes assyriens. — On peut aussi trouver la conciliation du côté du texte hébreu ; l’annaliste du règne d’Osée ne donne le nom de Salmanasar qu’au début du récit ; dans le reste de la narration il mentionne cinq fois en termes généraux le roi d’Assur ; le même récit est donné au chapitre suivant, IV Reg., xviii, 9-10 ; mais le verbe qui indique la prise de la ville, au lieu du singulier, est au pluriel, ilkidu, comme s’il ne se rattachait plus au sujet des verbes précédents, Salmanasar. On peut donc admettre que le roi d’Assur, non nommé, jt. 11, est un autre personnage. — La solution définitive ne pourra être donnée que si l’on découvre un jour les annales de ce prince. G. Rawlinson, The five great Monarchies, 1879, t. ii, p. 135-139 ; Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, les Empires, p. 209-216, où il désigne ce prince sous le nom de Salmanasar V, comme J. Menant, Annales des rois d’Assyrie, p. 149150 ; Schrader, Keilinschriftlîche Bibliotek, t. ii, p. 3233 ; p. 276-277 ; Schrader-Whitehouse, The Cuneiform Inscriptions and the old Testament, t. i, 1885, p. 258 267 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iii, p. 543-595. E. Panxier.

    1. SALMERON Alfonso##

SALMERON Alfonso, le quatrième et le plus jeune des premiers compagnons de saint Ignace de Loyola,

V. — 44

1379

SALMERON

SALOMÉ

1380

né à Tolède en 1514 ou 1515, mort à Naples le 13 février 1585. Ce fut à Paris qu’il s’attacha à saint Ignace en 1534. Il fit la première fondation de l’ordre des Jésuites à Naples en 1551. Les papes lui confièrent des missions importantes. Il prit une grande part aux travaux du concile de Trente, où il fut théologien des papes Paul III, Jules III, Pie IV. Il a laissé des Commeniarii in Evangelicam hisloriam, etc., 16 in-f°, Madrid, 1598-1602 ; Cologne, 1602, 1612. Ce sont moins des commentaires que des dissertatfons théologiques, mais ils ont une vraie valeur exégétique. Voir Ignacio Torrès, Vida del siervo de Dios P. Alonso Salmeron, escrita en lengua italiana por et P. José Boero, Barcelone, 1887.

SALMiAS (hébreu : Séléniydh ; Septante ? SsXEjju’a [Voir Sélémias]), un des fils des descendants de Bani qui furent obligés, du temps d’Esdras, d’abandonner leurs femmes étrangères. I Esd., x, 39.

    1. SALMON##

SALMON (hébreu : Salmôn ; Septante : SaXjio’iv), fils de Naasson, de la tribu de Juda, ancêtre de Booz et de David. Ruth, iv, 20, 21 ; I Par., ii, 11 ; Matth., i, 4, 5 ; Luc, iii, 32. Son nom est diversement écrit en hébreu, Salmâ’, I Par., ii, 11 ; Salmâh, Rulh, iv, 20.

    1. SALMONA##

SALMONA (hébreu : Sàlmônâh ; Septante : EsXjvw-vâ), campement des Israélites dans le désert, à l’époque de l’exode, entre la montagne de Hor et Phunon. Num., xxxiii, 41-42. Le site en est inconnu. Celte station, dit le P. Lagrange, dans la Revue biblique, 1900, p. 284, « doit être placée normalement entre la mer et Fenân (voir Phukon, col. 337), à peu près à la ligne de partage des eaux, mais aucun voyageur ne signale ce nom. »

    1. SALMONE##

SALMONE (SaXquovï|), promontoire de l’île de Crète, situé tout à fait à l’extrémité nord-est, en face de Cnide et de Rhodes. Strabon, X, iii, 20. Voir la carte de l’île de Crête, t. ii, col. 1113-1114. — Nous lisons, Act., xxvii, 7, que le navire alexandrin qui conduisait saint Paul à Rome passa devant Salmoné. Le récit fournit quelques détails intéressants, surtout dans le texte grec. Après avoir quitté le port de Myre, Act., xxvii, 5 (Vulgate : Lystres), on était arrivé avec peine en face de la pointe de Cnide, à l’extrémité occidentale de l’Asie Mineure ; là on reçut de bout le vent du nord-ouest, de sorte qu’il devint impossible de continuer le voyage en suivant la ligne directe, qui passait au nord de la Crète et au-dessous de la Morée. Le capitaine changea donc sa direction, et résolut, après avoir franchi le promontoire de Salmone, de s’abriter sous l’île de Crète. — La plupart des géographes contemporains identifient Salmone avec le cap Sidéro, qui occupe la pointe nord-est de l’île. D’autres, moins bien, le placent plus au sud, et le confondent avec le promontoire nommé Plaka. — Voir K. Hôck, Kreta, ein Versuch zur Aufliellung der Mythologie und Geschichte, 3 in-8°, Gcettingue, 18231828, t. i, p. 427-428 ; James Smith, Voyage and Shipwreck of St. Paul, in-8°, Londres, 1848, p. 35-37 ; 2e édit., p. 74-75 ; C. Bursian, Géographie von G-riechenland, in-8°, t. ii, Leipzig, 1862, p. 575-576 ; T. Spratt, " Travels and Researches in Crète, 2 in-8°, t. i, Londres, 1865, p. 189190 ; F. Vigouroux, Le Nouveau Testament et les découvertes archéologiques modernes, 2e édit., p. 328-329.

L. Fillion.

SALO (hébreu : Sallù’; Septante : EaXtàn), fils de Mosollam, de la tribu de Benjamin, qui habita Jérusalem après le retour de la captivité de Babylone.I Par., ix, 7. Il est appelé Sellum dans II Esd., xi, 7.

    1. SALOM##

SALOM (Septante : 201).(Ôja), père d’Helcias le grandprêtre, fils et successeur de Sadoc II dans le souverain

pontificat. Baruch, i, 7. Il est appelé Sellum dans IPar.. vi, 12-13. Voir Sellum 8.

    1. SALOMÉ##

SALOMÉ (^aXû>)Ai), de l’hébreu salôm, « paix », et signifiant : « pacifique » ), nom de la femme de Zébédée et de la fille d’Hérodiade.

1. SALOMÉ, femme du pêcheur galiléen Zébédée, mère des apôtres Jacques et Jean. Elle est mentionnée dans les Évangiles, tantôt directement sous son nom, Marc, xv, 40, et xvi, 1, tantôt par la périphrase « mère des fils de Zébédée », Matth., xx, 20, et xxvii, 58. Cf. Matth., xxvii, 56 ; Marc, xv, 40.

1° Salomé dans les Évangiles. — Les biographes de Notre-Seigneur parlent d’elle en quatre circonstances différentes. — a) Ils nous apprennent d’abord qu’elle était du nombre des saintes femmes qui accompagnèrent Jésus durant quelque temps dans ses voyages de prédication, et qui subvenaient généreusement à son entretien et à celui de ses disciples. Cf. Marc, xv, 40-41 ; Luc, "vm, 2-3. Il suit de là qu’elle et son mari jouissaient d’une certaine aisance. — b) Il est aussi question d’elle à l’occasion de la demande ambitieuse qu’elle adressa au Sauveur pour ses fils. Matth., xx, 20-21. Requête imparfaite, qui valut à Salomé le juste blâme de Jésus. — e) Avec les autres saintes femmes, elle suivit Notre-Seigneur de la Galilée à Jérusalem, lorsqu’il s’y rendit pour la dernière pâque de sa vie, et elle fut le témoin courageux de son crucifiement et de sa mort. Cf. Matth., xxvii, 55-56 ; Marc, xv, 40-41. — d) De grand matin, le jour de la résurrection du Sauveur, elle alla au sépulcre avec ses amies ; elle fut ainsi une des premières à constater qu’il était vide, et à apprendre de la bouche de l’ange que Jésus était vraiment ressuscité. Cf. Matth., xxvii, 56 ; Marc, xvi, 1.

2° Salomé et la tradition. — Les anciens auteurs ecclésiastiques ont émis plusieurs opinions au sujet de la mère des fils de Zébédée. Ils la regardent : — a) comme la fille de saint Joseph par un premier mariage. C’est en particulier le sentiment de saint Épiphane, Adv. hxr., lxxviii, 9, t. xlii, col. 712. Voir aussi Cotelier, Ad Constitut. apost., lib. iii, c. 66, édit. Clerici, ii, p. 280. — b) Comme la fille de Cléophas, lequel aurait été frère de saint Joseph. Hégésippe, dansEusèbe, /f. E., m, 11 ; iv, 22, t. xx, col. 248, 380. Cette interprétation s’appuie en partie sur les mots « Marie de Cléophas », Joa., xix, 25 ; mais ils désignent, d’après l’explication la plus naturelle et la plus commune, la femme et non pas la fille de Cléophas. — c) Comme la fille du prêtre Zacharie, père de saint Jean-Baptiste, qui aurait été aussi le frère de saint Joseph. L’historien Nicéphore cite en ce sens Hippolyte de Porto, H. E., ii, 3, t. cxlv, col. 760. Voir aussi J. K. Thilo, Codex apocryphus Novi Testant., in-12, Leipzig, 1832, p. 362-364, note. Il est impossible de se prononcer sur ces divers sentiments.

3° Salomé et la sainte Vierge. — D’après d’assez nombreux exégètes contemporains, presque tous protestants, la mère des apôtres Jacques et Jean aurait été la sœur de.Marie, mère de Jésus. Ils allèguent comme preuve principale le passage Joa., xix, 25, où nous lisons : « Auprès de la croix de Jésus se tenaient sa mère, et la sœur de sa mère, Marie (femme) de Cléophas, et Marie Madeleine. » Suivant eux, ce texte désignerait quatre saintes femmes, groupées deux à deux : dans le premier groupe, nous aurions la sainte Vierge et sa sœur, dont le nom ne serait pas mentionné ; dans un second groupe, Marie, femme de Cléophas, et Marie Madeleine. Comme, d’autre part, les synoptiques signalent la présence de Salomé au Calvaire, cf. Matth., xxvii, 56, et Marc, xv, 40, on a conclu qu’elle ne diffère pas de la sœur de la sainte Vierge. La Peschito et la traduction persane, ajoute-t-on, favol

risent cette interprétation, car elles ont inséré la conjonction et avant les mots « Marie de Cléophas ». Voir, en faveur de ce sentiment, Wieseler, Die Sôhne Zebedâi Veltern des Herrn, dans les Studien und Kriliken, 1840, p. 648-694, et les commentaires d’Ewald, Lûcke, Luthardt (2 S édit.), Meyer, Westcott, etc., sur Joa., xix, 25. Ces auteurs disent encore que, dans l’hypothèse où Salomé aurait été si étroitement unie à la mère de Jésus, on s’expliquerait mieux, d’un côté, l’affection spéciale dont le Sauveur entoura les fils de Zébédée, qui auraient été ses cousins germains, et, d’un autre côté, la hardiesse de la requête de Salomé, Matth., xx, 20-21. On comprendrait mieux aussi pourquoi le divin Maître, sur le point d’expirer, confia de préférence sa mère à saint Jean. — Mais il faut avouer que les preuves formelles et décisives de cette parenté font entièrement défaut, car celles qui viennent d'être rapportées sont loin de constituer un argument solide. Aucun manuscrit grec ne contient la conjonction et au passage indiqué ; dans les versions où on la trouve, elle a été inlroduite arbitrairement. La tradition, nous l’avons vii, est tout aussi muette que les Évangiles sur la parenté en question, et pourtant il semble que, si elle eût existé, les écrits apostoliques auraient difficilement omis de la signaler. Ne disent-ils pas clairement que saint Jacques le Mineur et saint Jude étaient les « frères s, c’est-à-dire, les cousins de Jésus ? Cf. Gal., i, 18 ; Jud., i, 1, etc. Aussi, à la suite de saint Jean Chrysostome, de saint Jérôme, de saint Thomas d’Aquin, etc., les commentateurs catholiques ont-ils toujours admis, presque à l’unanimité, que le texte Joa., xix, 25, ne désigne pas quatre personnes, mais trois seulement : la mère de Jésus ; sa sœur, qui aurait porté comme elle le nom de Marie — sans doute avec un second nom permettant de les distinguer facilement — et qui serait devenue la femme de Cléophas ou Alphée ; enfin Marie Madeleine. Dans Routh, Reliquiæ sacrée, I, 6, on lit ce fragment, qui remonte peut-être à Papias : Istœ quatuor in evangelio reperiuntur : … Maria Jacobi minoris et Joseph mater, uxor Alphsei, soror fuit Mariæ matris Domini quam Cleophse Joannes nominal. — Voir. C. Fouard, La vie de N.-S. JésUs-Christ, 2e édit., Paris, 1892, t. ii, p. 420 ; Le Camus, La vie de N.-S. Jésus-Christ, Paris, 1887, t. iii, p. 343 ; P. Schanz, Commentai' iiber das Evangel. des heil. Johannes, in-8°, t. ii, Tubingue, 1885, p. 557 ; Knabenbauer, Evangelium sec. Joannem, in-8°, Paris, 1898, p. 543 ; F. X. Pôlzl, Kurzgefasster Commentar zu den vier Evangelien, t. iv, Graz, 1892, p. 319 ; L.-Cl. Fillion, Saint Jean l'évangéliste, sa vie et ses écrits, in-12, Paris, 1907, p. 5-8. L. Fillion.

2. SALOMÉ, fille d’Hérodiade et d’Hérode-Philippe, lequel était fils d’Hérode le Grand par la seconde Mariamne (t. iii, col. 639-640), et qui vécut en simple particulier à Jérusalem. Voir Hérode-Philippe I eP, t. iii, col. 649. Elle est mentionnée, mais sans être nommée, dans les Évangiles. Pendant un repas qu’Antipas donnait pour fêter l’anniversaire de sa naissance, « lie dansa devant lui et devant ses convives. Le roi charmé lui promit de lui accorder tout ce qu’elle lui -demanderait ; elle demanda, à l’instigation de sa mère, la tête de Jean-Baptiste. Ce qui lui fut accordé. Marc, vi, 22-28 ; Matth., xiv, 6-11. — Salomé épousa un peu plus tard son oncle, le tétrarque de l’Iturée et de la Xrachonitide, nommé aussi Hérode-Philippe (voir t. iii, col. 649-650). Cf. Luc, iii, 2. Lorsqu’il fut mort, elle épousa en secondes noces Aristobule, roi de Chalcis, qui appartenait aussi à la famille d’Hérode (t. iii, col. 639-640). De ce second mariage elle eut trois fils, Hérode, Agrippa et Aristobule. Cf. Josèphe, An t. jud., XVIII, v, 4 ; XX, viii, 4 ; E. Schûrer, Geschichte des jûdischen Volkes îm Zeitalter Jesu Christi, 3e édit.,

1. 1, Leipzig, 1901, p. 441-442. D’après Nicéphore, II. E., I, 20, t. cxlv, col. 692, elle serait morte d’une manière tragique, du vivant de sa mère : tandis qu’elle traversait une rivière dont la surface était gelée, elle serait tombée dans l’eau jusqu’au cou, et la glace, se resserrant, lui aurait tranché la tête. Mais ce n’est là qu’une légende sans consistance. L. Fillion.

    1. SALOMI##

SALOMI, nom de deux Israélites.

1. SALOMI (hébreu : Selômî, « pacifique » ; Septante : E£).eiju), père d’Ahiud, de la tribu d’Aser. Son fils fut chargé de représenter sa tribu dans le partage de la Terre Promise. Num., xxxiv, 27.VoirvmuDl, t.i, col. 295.

2. SALOMI (grec : SaXtipi), nom, dans I Mach., ii, 26, du père de Zamhri. Il est appelé Salu, Num., xxv, 14.

    1. SALOMITH##

SALOMITH (hébreu : Selômît, « pacifique » ), nom de sept Israélites, cinq hommes et deux femmes, dans le texte hébreu. Une de ces femmes est appelée dans la Vulgate Salumith, Lev., xxiv, 11 ; un homme, Selomith, I Esd., viii, 10 ; et un autre homme Sélémith, I Par., xxvi, 25-26. Voir ces noms.

1. SALOMITH (Septante : EaXwiJiseQ, fille de Zorobabel, fils de Phadaïa, prince de Juda, sœur de Mosollam et d’Hananias. I Par., iii, 19.

2. SALOMITH (Septante : SaXwtiiô), fils de Séméi, descendant de Gerson, de la tribu de Lévi, chef des Gersonites sous le règne de David. I Par., xxiii, 9. Il est possible qu’au ꝟ. 10, il faille lire Salomith au lieu de Séméi. Voir Séméi, père de Léheth.

3. SALOMITH (Septante] : SaXw^tiS), lévite, chef de la famille d’Isaar du temps de David. I Par., xxiii, 18. Son nom est écrit Salémoth. I Par., xxiv, 22. Voir Salémoth, col. 1373 ; Isaar 1, t. iii, col. 936.

4. SALOMITH (Septante : 2*Xï ; [i<o6), fils, ou, d’après quelques commentateurs, fille de Roboam, roi de Juda, et de Maacha. II Par., xi, 20.

    1. SALOMON##

SALOMON (hébreu : Sdïomô/ » ; Septante : T, us’i.u>p.tî>v ; Nouveau-Testament : SoXo|ji.<iv), fils et successeur de David. Il régna de 1015 à 975, d’après l’ancienne chronologie, mais d’après le synchronisme des documents assyriens, à une époque postérieure. Ces dates doivent être abaissées probablement d’une quarantaine d’années.

I. Ses premières années. — 1° Sa naissance. — Salomon naquit de David et de Bethsabée. Onze fils sont attribués à David pendant sa royauté à Jérusalem ; ils sont nommés dans l’ordre suivant : Samua, Sobab, Nathan, Salomon, etc. II Reg., v, 14. D’autre part, ces quatre premiers fils ont Bethsabée pour mère. I Par., m, 5 ; xiv, 4. Il faudrait donc conclure de ces trois textes que Salomon a été le quatrième fruit de cette union et non le second, comme le donnerait à supposer un autre passage. II Reg., xii, 24. Samua serait alors le fils de l’adultère, mort peu après sa naissance ; Sobab serait le second fils, dont il n’est plus question par la suite et qui mourut peut-être en bas-âge ; le troisième, Nathan, devint la souche d’une descendance qui aboutit à Joseph, (ils de Marie, Luc, iii, 31 ; cf. J. Geslin, Nouvel essai d’interprétation des deux généalogies de Jésus, dans la Revue pratique d’Apologétique, 1 er déc. 1908, p. 362 ; Salomon viendrait au quatrième rang. On ne peut pas dire que Salomon occupe cette place parce qu’aussitôt après l’historien veut faire sa généalogie. I Par., iii, 5, 10. L’observation ne s’ap

plique pas aux deux autres passages. Il Reg., v, 14 ; I Par., xiv, 4. Il est donc probable qu’après avoir parlé de la mort du premier fils, l’historien des Rois passe sous silence les deux suivants, pour en venir immédiatement à celui qui fut le plus célèbre et dont il a à raconter l’histoire. — D’après Josèphe, Ant. jud., VII, xiv, 2 ; VIII, i, 1, Salomon était vsivtoitoç naï ; et véoç tV » j).ixf « v ïzi wv, encore très jeune, quand il eut à succéder à son père. Il serait monté sur le trône à quatorze ans et l’aurait occupé quatre-vingts. Ant. jud., VIII, vii, 8. Le second chiffre double celui de la Bible ; le premier ne peut donc inspirer confiance, ni suppléer au silence des auteurs sacrés sur la date de la naissance de Salomon. On ne peut davantage accepter l’assertion de S. Jérôme, faisant arriver Salomon sur le trône à douze ans. In Is., ii, 3, t. xxiv, col. 63. On suppose plus vraisemblablement que le prince avait une vingtaine d’années quand il devint roi. III Reg., m, 7. Cf. Meignan, Salomon, Paris, 1890, p. 20. Il naquit donc vers la vingtième année du règne de David qui dura quarante ans. À cette date, David régnait depuis treize.ans à Jérusalem. III Reg., Il, 11. Il est à croire que son union avec Bethsabée n’avait pas tardé longtemps après son installation dans la nouvelle capitale. Entre la huitième et la vingtième année de son règne, David avait eu le temps, par conséquent, d’avoir plusieurs fils de Bethsabée, et Salomon serait en réalité le plus jeune d’entre eux.

2° Son nom. — Le nom de Salomon vient de sâlôm, qui signifie « paix » et « santé ». Comme les Hébreux s’inspiraient souvent des circonstances pour choisir un nom à leurs enfants, il y a lieu de penser que le nom de Salomon reflète une époque de prospérité et de paix dans le règne de David, telle que celle qui s’écoula entre la guerre contre les Ammonites et la révolte d’Absalom. Il signifie « pacifique », comme le grec E ! pï]vatoç, Irénée, et l’allemand Friedrich, Frédéric. Il avait été choisi par David ; il prévalut sur celui de Yedîdydh, « aimé de Jéhovah », que lui attribua le prophète Nathan. II Reg., xii, 25.

3° Son éducation. — Plusieurs influences heureuses s’exercèrent sur la jeunesse du prince. David, dont les premières années avaient été si dures, si mouvementées, si périlleuses, fit élever son fils dans le calme de sa nouvelle cour. Il veilla à ce qu’une éducation en rapport avec sa condition lui fût donnée. On instruisit donc le jeune prince aussi bien qu’on pouvait le faire à cette époque. Les indications de la Sainte-Écriture sur la suite de son règne montrent qu’on lui apprit la science des lois, la poésie, la science naturelle de l’époque et cette philosophie à la fois théorique et pratique qui se formulait en sentences brèves, mais de forme originale et vive. Cette culture ne pouvait produire que d’excellents effets sur une intelligence éveillée et heureusement douée, comme était celle du jeune prince. Sa mère, Bethsabée, paraît avoir été, à la suite de sa faute et de son repentir, une femme de sens et de bon conseil. Elle exerça sur son jeune fils une influence profitable, que ne gênaient en rien les habitudes de la cour de David. Car les rois israélites n’imposaient nullement aux femmes cet esclavage et cet abaissement qui étaient de règle dans les harems orientaux. Bethsabée put donc se consacrer en toute liberté au soin physique et moral de son fils. Elle y fut puissamment aidée par le prophète Nathan, qui avait salué dans l’enfant naissant le » bien-aimé de Jéhovah », et qui aidera un jour le jeune homme à recueillir la couronne paternelle. Le prophète s’appliqua sans nul doute, de concert avec David sincèrement revenu à la fidélité envers Dieu, à développer la piété dans le cœur du prince. Ses efforts furent couronnés de succès, au moins pendant la jeunesse et la première partie du règne de Salomon. — À cet enseignement théorique

s’ajoutèrent les leçons de l’expérience. Les guerres de David étaient terminées quand Salomon vint au monde. Celui-ci n’acquit donc de connaissances militaires qu’au contact des vaillants hommes qui avaient guerroyé avec son père. Si jeune pourtant qu’il fût alors, il dut être témoin attentif et douloureusement impressionné de la révolte d’Absalom, de la fuite et des épreuves deson père et des calamités qui furent la conséquence de l’ingratitude de son frère aine. — Des chiffres transcrits par les auteurs sacrés, résulte un fait qui nelaisse pas que d’étonner. Salomon régna quarante ans. III Reg., xi, 42. Son fils Roboam avait quarante et un ans quand il lui succéda. III Reg., xiv, 21 ; II Par., xii, 13. Il était donc né un an avant que Salomon ne devint roi, ce qui suppose une chose très naturelle en soi, lemariage du jeune prince vers l’âge de dix-huit ans. Mais Roboam avait pour mère Naama, l’Ammonite. III Reg., xiv, 21 ; II Par., xii, 13. Les Ammonitesétaient exclus à jamais de l’assemblée d’Israël. Deut., xxill, 3. Bien que les mariages avec des Chananéennes fussent seuls formellement défendus, Deut., vii, 3, ceux que l’on contractait avec d’autres étrangères n’étaient pas vus de bon œil, au moins après la captivité. I Esd., ix, 1, 2 ; x, 1-17. Néhémie dit même à ceux qui avaient épousé des Azotiennes, des Ammonites et des Moabites : « N’est-ce pas un péché de ce genre qu’a commis Salomon, roi d’Israël ? » II Esd., xiii, 26. Comment David, Bethsabée et Nathan ont-ils. laissé le jeune Salomon prendre une étrangère plutôt qu’une fille d’Israël ? On l’ignore. Toujours est-il que la chose ne dut pas paraître alors aussi anormale que dans la suite, car les historiens sacrés ne font aucuneremarque à ce sujet.

II. Inauguration du règne. — 1° Désignation de Salomon. — Dieu avait promis à David que sa postérité régnerait après lui et qu’un fils, qui lui succéderait, bâtirait une maison à son nom. II Reg., vii, 12, 13. Mais ce successeur n’avait pas été désigné tout d’abord. Aussi l’un des fils que David avait eus à Hébron, Absalom, le troisième d’entre eux, né de Maaca, fille du roi de Gessur, intrigua-t-il pour s’assurer la succession de son père. II Reg., xv, 1-6. Il finit même par se révolter ouvertement, obligea.David à s’enfuir au delà du Jourdain, s’installa à Jérusalem, mais ensuite fut défait dans la forêt d’Éphraïm et périt de la main de-Joab. II Reg., xviii, 6-15. Cette révolte décida probablement David à prendre des mesures pour désigner son successeur. Il promi^ à Bethsabée que son fils Salomon serait roi après lui. III Reg., i, 13. Lui-même attribua ensuite ce choix à Jéhovah, sans doute parce que-Nathan avait contribué à le lui inspirer. I Par., xxviii, 5, 6. Mais ce choix ne paraît pas avoir été divulgué au moment où il fut arrêté. Les intrigues du frère aîné de-Salomon, Àdonias, hâtèrent l’avènement du fils de Bethsabée au trône. Voir Adonias, t. i, col. 224.

2° Sacre de Salomon. — David ayant été prévenu. qu’Adonias se faisait proclamer roi, le prêtre Sadoc et le prophète Nathan, sur son ordre, firent monter Salomon sur la mule du roi, et, accompagnés de la garderoyale, commandée par Banaïas, et d’une foule de peuple, ils le conduisirent à la fontaine de Gihon, . située dans la vallée du Cédron, à quatre cents mètres au-dessus d’En-Rogel. Voir la carte, t. iii, fig. 249, col. 1355. Là, le prêtre Sadoc oignit Salomon, on sonna de la trompette, tout le peuple cria : Vive le roi Salomon ! et on reconduisit le prince avec de grandes acclamations pour le faire asseoir sur le trône. — Le bruit des trompettes et, aussitôt après, la nouvelle de ce qui venait d’être accompli terrifièrent Adonias, qui courut saisir les cornes de l’autel, pour se garantir contre une exécution possible. Exod., xxi, 14. Salomon l’épargna, à condition qn’il se montrât loyal et se tint tranquille. III Reg., i, 38-53.

3° Les instructions de David. — Instruit par cette seconde tentative d’usurpation, David, avant de mourir, tint à signaler à son jeune successeur les mesures qu’il aurait à prendre pour affermir sa royauté. Il lui fallait en premier lieu être fidèle au service de Jéhovah. Puis, il aurait à traiter sévèrement Joab, le meurtrier d’Abner et d’Amasa et le fauteur des prétentions d’Adonias ; il en serait de même pour Séméï, qui avait montré tant de violence contre lui. De tels personnages ne pouvaient être que des causes de trouble pour le nouveau règne. II Reg., ii, 1-9. David ajouta d’autres recommandations relatives à la construction du Temple futur. Il provoqua les offrandes de son peuple, en vue de l’œuvre à entreprendre, et demanda qu’on secondât son fils, encore jeune. I Par., xxix, 1. Il fit offrir devant (tout le peuple de grands sacrifices à Jéhovah, suivis de festins pendant lesquels Salomon fut de nouveau proclamé roi. On l’oignit encore et l’on fit de même pour Sadoc, qui devint grand-prêtre à la place d’Abiathar, compromis dans le complot d’Adonias. 1 Par., xxix, 20-25. David pouvait maintenant mourir : il laissait un successeur incontesté sur un trône affermi.’En faisant renouveler solennellement la cérémonie du sacre, hâtivement accomplie une première fois à la fontaine de Gihon, il avait assuré au nouveau roi la consécration définitive de sa royauté.

III. Les premiers actes du règne. — 1° Les mesures de rigueur. — Pour obéir aux instructions de son père, Salomon surveilla de très près ceux dont la conduite passée pouvait constituer une menace pour son autorité. Adonias, par de nouvelles intrigues, courut lui-même au-devant du châtiment. Il chercha à avoir pour femme Abisag, la Sunamite, la dernière qui avait appartenu à David. III Reg., i, 3, 4. C’était vouloir se créer un titre à la royauté. Salomon le fit mettre à mort, parce qu’il ne voulait pas que son règne fût troublé comme celui de son père l’avait été par la révolte d’Absalom. David avait eu des fils nombreux, dont beaucoup étaient les aînés de Salomon. Il y avait là un danger à écarter, car chacun d’eux pouvait se croire des droits à régner. En faisant périr résolument le plus audacieux, le roi donna à tous les autres un avertissement nécessaire et efficace. — Le grand-prêtre Abiathar avait trempé dans le complot d’Adonias et il avait été remplacé par Sadoc, du temps même de David. ï Par., xxix, 22. Salomon respecta sa vie, mais il le chassa, afin qu’il ne remplit plus ses fonctions. Ainsi se réalisait une prophétie de Samuel à Héli sur le sort réservé aux descendants de ce dernier. I Reg., ii, 30-36.

— Vint ensuite le tour de Joab, l’autre complice d’Adooias. Il eut beau chercher un refuge auprès de l’autel, comme avait fait jadis Adonias ; Salomon l’y fit frapper par Banaïas. — Restait Séméi, l’ancien adversaire de David. II Reg., xvi, 5-13. Il était de Bahurim, où il possédait de grandes propriétés, et commandait à mille hommes de Benjamin. Pour l’isoler de ceux qu’il aurait pu soulever, Salomon lui prescrivit de se fixer à Jérusalem et de ne jamais passer le Cédron, sous peine de mort. Séméi accepta la condition. Mais, trois ans après, il s’échappa pour aller chercher à Geth deux de ses esclaves qui s’y étaient enfuis. À son retour, il fut mis à mort par ordre du roi, conformément à la convention qu’il avait acceptée lui-même. — Ces exécutions peuvent sembler sévères ; mais il faut reconnaître qu’elles étaient justifiées et qu’elles assurèrent à Salomon et à la nation quarante années de tranquillité intérieure, malgré les causes de mécontentement qui se produisirent dans la suite du règne. Elles étaient d’ailleurs conformes aux mœurs orientales, dans un pays où l’autorité ne s’imposait efficacement que par la force. Par contre, Salomon n’eut garde d’oublier la recommandation que son père lui avait faite en faveur

de la famille de Berzellaï. II Reg., ii, 7. Voir Chamaam, t. ii, col. 516.

2° Le mariage avec la fille du pharaon. — L’historien des Rois place ce mariage au début du règne. III Reg., iii, 1. Salomon crut qu’il était de bonne politique de s’allier avec le pharaon d’Egypte. David avait jadis assujetti le pays d’Édom. Il Reg., viii, 13, 14. Mais un prince delà famille royale iduméenne, Adad, avait réussi à. fuir en Egypte, où le pharaon l’avait accueilli avec bienveillance et lui avait même accordé pour épouse une sœur de sa femme, la reine Taphnès. Quand Adad apprit la mort de David et l’exécution de Joab, il revint dans son pays, malgré les observations du roi d’Egypte, et « fit du mal » au royaume israélite, en même temps que Razon de Damas, « qui fut un ennemi d’Israël pendant toute la vie de Salomon. » III Reg., xi, 14-25. Pour empêcher Adad d’abuser contre lui de l’alliance égyptienne, Salomon songea naturellement à s’assurer un appui en Egypte même, où la puissance royale semble avoir été morcelée à cette époque. Salomon demanda sa fille à l’un des pharaons qui régnaient alors sur les bords du Nil et il l’obtint. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, t. ii, p. 738, Il amena la princesse dans la cité de David, en attendant qu’il eût élevé le palais destiné à son habitation. Ce mariage n’était pas plus contraire à la loi mosaïque que la précédente union du prince avec Naama, l’Ammonite. Il eut des effets avantageux. Salomon dut à cette union la sécurité de ses frontières méridionales, de grandes facilités pour son commerce, la soumission efficace de la population philistine de la côte et la possession de places fortes, parmi lesquelles Gazer était la plus importante, et que le pharaon donna comme dot à sa fille. III Reg., ix, 16. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. ii, p. 738 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iii, p. 268 ; H. Vincent, Canaan, Paris, 1907, p. 464.

3° Le sacrifice de Gabaon. — Aussitôt après son mariage, Salomon organisa une grande démonstration religieuse à Gabaon. L’Arche avait été transportée par David dans la capitale. Mais comme le Temple n’était pas encore construit, on offrait des sacrifices à Jéhovah sur les hauts-lieux. Gabaon en était un, et c’est là que se trouvait alors le Tabernacle. Salomon offrit mille holocaustes sur l’autel de Gabaon ; car « il aimait Jéhovah, marchant selon les ordonnances de David, son père. » III Reg., iii, 3. Le fait d’offrir des sacrifices sur les hauts-lieux ne constituait pas une infraction à la loi mosaïque, bien que la Vulgate semble l’insinuer dans ce dernier texte. C’était une nécessité que le texte hébreu se contente de constater. À la suite de cette solennité religieuse, Salomon eut un songe dans lequel Jéhovah lui apparut et lui dit de demander ce qu’il voudrait. Le roi demanda la sagesse pour juger le peuple et discerner le bien et le mal. Jéhovah, satisfait de cette prière, l’exauça et promit par surcroît à Salomon toutes les prospérités. À la suite de ce songe, Salomon retourna à Jérusalem, se présenta devant l’Arche, offrit de nouveaux holocaustes et des sacrifices d’actions de grâces et donna un grand festin à toute sa cour. III Reg., iii, 4-15 ; II Par., i, 7-13.

4° Le jugement de Salomon. — Le roi eut bientôt l’occasion d’utiliser sa sagesse, quand deux femmes se présentèrent à son tribunal en se disputant la possession d’un enfant. Avec un merveilleux à-propos, il mit en jeu le sentiment maternel pour discerner immédiatement celle des deux femmes à laquelle appartenait l’enfant. Cet épisode est devenu si populaire qu’on en a retrouvé à Pompéi (en 1883) une représentation caricaturale (fig. 283).

IV. Le gouvernement de Salomon. — 1° L’adminisration. — David avait déjà constitué autour de lui tout un corps de fonctionnaires chargés d’administrer

le royaume. Salomon renouvela en partie ce personnel et créa des fonctions nouvelles. Il eut auprès de sa personne un premier ministre, qui était le fils du grand-prêtre Sadoc, deux secrétaires, un archiviste, un chef d’armée, Banaïas, le grand-prêtre, Sadoc, un conseiller intime, le prêtre Zabub, fils de Nathan, un préfet du palais et un surintendant des impôts. III Reg., iv, 1-6. Sous David, douze intendants surveillaient les biens du roi et pourvoyaient à la subsistance de la cour ; mais chacun d’eux était chargé de tous les biens d’une même nature, souvent répandus dans tout le pays. I Par., xxvii, 25-31. Salomon modifia cette institution, dont l’usage avait sans doute montré les inconvénients. Il eut aussi douze intendants, mais il attribua à chacun d’eux une portion du territoire, distincte de la division en douze tribus, sur les ressources de laquelle chacun d’eux, à tour de rôle, devait faire vivre la cour pendant un mois. III Reg., iv, 7-19. Cette orga troupes de pied n’étaient levées qu’en cas de guerre ; il n’y avait donc pas lieu de s’en préoccuper en temps de paix. Il en était autrement de la charrerie. Absalom et Adonias avaient été les premiers à posséder des chars, comme insignes de leurs prétentions royales. Voir Char, t. ii, col. 567. Salomon eut 1400 chars et 12000 hommes chargés des chevaux. III Reg., x, 26 ; II Par., i, 14. D’après des chiffres qui semblent attirés et décuplés par les copistes, III Reg., IV, 26 (hébreu, v T 6) et II Par., ix, 25, il aurait eu 40 000 crèches ou stalles à chevaux. Cf. Armée, t. i, col. 976. Des dépôts spéciaux étaient ménagés pour les chars, d’autres pour les chevaux, dans certaines villes et à Jérusalem. III Reg., IX, 19 ; x, 26 ; II Par., i, 14 ; viii, 6 ; ix, 25. La cavalerie de Salomon devait se composr d’hommes combattant sur des chars, comme en Egypte. Voir Armée, t.), col. 993. A chaque char étaient attelés deux chevaux. Salomon se servit de cette force armée pour assurer

283. — Caricature païenne du jugement de Salomon. Peinture de Pompéi. Musée de Naples.

nisation rendait la surveillance plus facile et les transports moins dispendieux. Les intendants étaient également chargés de faire venir l’orge et la paille pour la cavalerie, dans les différents postes où elle se trouvait. III Reg., iv, 28.

2° La cour. — Un roi donnait une haute idée de sa puissance en s’entourant d’un grand nombre de personnages et de serviteurs. Salomon n’y manqua pas. Il construisit dans son palais des appartements et des chambrés pour ses serviteurs de tout ordre. III Reg., x, 5. Ceux-ci avaient le droit de manger à la table du roi, c’est-à-dire d’être nourris aux frais de son trésor, eux et toute leur famille. La dépense de la cour était ainsi pour chaque jour de 30 cors (10 148 litres 70) de fleur de farine, 60 cors (20 297 litres 40) defarine commune, 10 bœufs gras, 20 bœufs de pâturage, 100 moutons, puis des cerfs, des chevreuils, des daims et des volailles engraissées. III Reg., iv, 22, 23. Ces quantités de vivres supposent près de 14 000 personnes nourries, ce qui ne paraîtra pas extraordinaire, si l’on fait entrer en ligne de compte les fonctionnaires et serviteurs de tout rang, tout le personnel du harem royal, la garde du corps et la famille de tous ces ayant-droit, sans parler des autres fonctionnaires et pourvoyeurs de province que le trésor royal devait entretenir aussi.

3° L’armée. — Elle avait pour chef Banaïas. Elle se composait de troupes à pied et de charrerie. Les

la paix à l’intérieur et aux environs de son royaume.

II tint en respect Adad, l’Édomite, et Razon de Syrie.

III Reg., XI, 23-25. Il occupa le pays de Gazer, que le pharaon lui avait remis. III Reg., IX, 16, 17. Au nord, il s’empara d’Émath, qui commandait la vallée de l’Oronte. II Par., viii, 3. Il réduisit en servage tout ce qui, à l’intérieur du royaume, restaitencore des anciens Chananéens, Amorrhéens, Héthéens, Phérézéens, Hévéens et Jébuséens, qui ne faisaient pas partie des enfants d’Israël. III Reg., ix, 20, 21 ; Il Par., viii, 7, 8. Il arriva ainsi à dominer sur tout le pays qui s’étendait « depuis le fleuve de l’Euphrate jusqu’à la terre des Philistins et jusqu’à la frontière d’Egypte. » (C’est ainsi que doit se traduire l’hébreu.) III Reg., IV, 21. Cf. Josèphe, Ant. jud., VIII, ii, 4. En somme, Salomon n’eut pas à faire grand usage de ses forces militaires. Grâce à l’organisation de son royaume et à ses richesses, il put conserver la paix pendant tout son règne.

4° Les finances. — Il fallait à Salomon des ressources considérables pour faire face aux dépenses de son administration et de ses constructions. Il les emprunta à des sources diverses. — 1. Les impôts. Samuel avait annoncé que le roi prélèverait sur son peuple la dîme des moissons, des vignes et des troupeaux. I Reg., viii, 15, 17. Il est assez probable que cette prévision était devenue une réalité à l’époque de Salomon et que les douze intendants établis par lui avaient pour mission

première la perception de cette dîme. Ajoutée à la dime lévitique, elle faisait peser un impôt d’un cinquième sur les biens de la terre. Il est bien possible aussi que la première fenaison, appelée « coupe du roi », Am., vii, 1, ait déjà été prélevée au temps de Salomon. Cf. III Reg., IV, 28. — 2. Les droits d’importation. Ils étaient exigés des marchands nomades et des négociants. Les rois d’Arabie y ajoutaient leurs tributs en or et en argent. III Reg., x, 15 ; II Par., ix, 14. — 3. Les droits de transit. Les marchandises venues de l’est à destination des Phéniciens ou des Philistins devaient nécessairement emprunter le territoire de la Palestine, depuis que Salomon était maître de tout le pays jusqu’à Émath. Celles qui venaient d’Egypte passaient par la Palestine pour arriver en Syrie et chez les Héthéens. III Reg., x, 28, 29. On en exigeait des droits de passage. — 4. Les présents. Les sujets de Salomon lui apportaient des objets d’argent et d’or, des vêtements, des armes, des aromates, des chevaux et des mulets, présents volontaires dont l’usage ne permettait pas de se dispenser et qui se renouvelaient chaque année. En retour, les contribuables pouvaient voir Salomon el entendre sa sagesse. III Reg., x, 24-25. — 5. Le commerce. Voisin des Phéniciens, le roi d’Israël constatait les immenses richesses que le commerce leur procurait. Il résolut de les imiter. Il se réserva le monopole de certains trafics, celui de l’or, III Reg., ix, 28, et celui des chevaux. II Par., x, 28. Il établit, dans les endroits les plus favorables, des entrepôts et des relais pour les caravanes marchandes. Sa puissance s’étendaitjusqu’auprès de Thapsaque, où l’on pouvait traverser l’Euphrate. III Reg., iv, 24. Pour faciliter l’accès de ce débouché, il bâtit ou restaura Thadmor, la ville des Palmes ou Palmyre, au milieu du désert, sur la route de Damas à Thapsaque, III Reg., ix, 19, et mit en état les villes du pays d’Émath qui pouvaient servir de magasins.

II Par., viii, 4. À l’intérieur du pays, pour faciliter les transports et les transactions, il fit paver de pierres noires, probablement de basalte, les voies qui menaient à Jérusalem, cf. Josèphe, Ant. jud., VIII, VII, 4, et ménagea des magasins dans les villes. II Par., viii, 5. Lçs chevaux et les chars qu’il tirait de l’Egypte, et peut-être de Coa, étaient achetés, les premiers 150 sicles d’argent (424 fr. 50) et les seconds 600 sicles (1698 fr.).

III Reg., x, 29. Il y avait là, sans nul doute, une source de grand profit pour Salomon. Les Phéniciens étaient marins ; le roi d’Israël voulut lui aussi posséder une marine. Il fit d’Asiongaber, à la pointe du golfe Élanitique, une ville maritime. Une flotte y fut construite, voir Navigation, Navire, t. iv, col. 1496, 1506, et, de concert avec des matelots de Tyr, ceux de Salomon entreprirent par mer le voyage d’Ophir. Voir Ophir, t. iv, col. 1829. Le voyage durait trois ans, et l’on en rapportait de l’or, de l’argent, de l’ivoire, des singes et des paons, III Reg., ix, 26-28 ; x, 22 ; II Par., iii, 17, 18, du bois de santal et des pierres précieuses. IIÏ Reg., x, 11-12. Pour acquérir ces objets, il fallait en donner d’autres en échange. La Palestine ne fournissait guère de produits pouvant se vendre sur le marché indien.

II est donc à croire que les marins de Salomon se pourvoyaient d’objets’manufacturés en Phénicie et les échangeaient contre les matières précieuses d’Ophir. La Hotte rapporta à Salomon 420 talents d’or, soit près de 17000 kilogrammes ou plus de 55 millions. III Reg., ix, 28. Chaque année, le roi revevait de toute provenance 666 talents d’or, soit une valeur de 87 812 100 francs.

III Reg., x, 14 ; II Par., IX, 13. Cf. Eccle., Il, 8. Salomon employa cet or à la fabrication de toutes sortes d’ustensiles pour le Temple et pour ses palais. III Reg., x, 25. Il se fit, entre autres objets, 200 grands boucliers d’or battu, à chacun desquels il employa 600 sicles d’or (26100 fr.), et 300 petits, représentant chacun 3 mines d’or (6 600 fr.). Ces seuls boucliers va laient donc une somme de 19800000 francs. On conçoit que, dans ces conditions, l’argent eût peu de valeur à Jérusalem. III Reg., x, 21. Cf. Eccli., xi/vn, 20. — On ne peut assurer que toutes ces richesses aient été gérées très sagement. Un fait significatif permet d’en douter. Vingt ans après la construction du Temple et des palais, Salomon n’avait pas encore restitué à Hiram 120 talents d’or (16822000 fr.) que ce dernier lui avait avancés, et il lui céda en paiement vingt villes de Galilée, dont Hiram se montra d’ailleurs peu satisfait. III Reg., ix, 1014. Comment un roi qui recevait annuellement 666 talents d’or a-t-il pu rester vingt ans sans pouvoir payer 120 talents ? Les chiffres bibliques sur les richesses de Salomon auraient-ils été exagérés par les transcripteurs ? Ou enfin, la prodigalité excessive du roi d’Israël est-elle seule en cause ? Cette dernière raison paraît la plus probable.

V. Les grandes constructions. — 1° Les préparatifs. — David avait laissé à son fils le soin de construire un Temple à Jéhovah. III Reg., v, 3 ; I Par., xxviii, 2-21. Il avait même fait préparer à l’avance le plan des constructions et le modèle des ustensiles du culte, et avait mis en réserve 3000 talents d’or (395550000 fr.) et 7 000 talents d’argent (59500000 fr.) pour être employés à l’ornementation et au mobilier. I Par., xxviii, 11-xxix, 5. À son exemple, les grands et les riches de la nation avaient fait leurs offrandes comprenant 5000 talents d’or (659 250000 fr.), 10000 dariques (366666 fr.), 10000 talents d’argent (85000000 fr.), 18000 talents d’airain (765594 kil.) et 100 000 talents de fer (4253300 kil.). — Il n’y avait personne en Israël qui fût capable d’exécuter des œuvres aussi importantes que celles que David avait prévues. Salomon s’adressa donc aux Phéniciens, habiles constructeurs et experts dans toutes les œuvres d’art. Il fit alliance avec Hiram, roi de Tyr, et lui demanda de lui envoyer un architecte capable de prendre la direction des ouvriers préparés par David. Le roi de Tyr lui envoya maître Hiram, fils d’un Tyrien et d’une femme de Nephthali. III Reg., vii, 13, 14. Voir Hiram, t. iii, col. 718. Il s’engagea aussi à faire couper dans le Liban, par des Phéniciens associés à des Israélites, les bois nécessaires aux constructions, moyennant un salaire convenu, 20000 cors de froment (67658 hectol.), 20000 cors d’orge, 20000 baths de vin (7 776 hectol.) et 20000 balhs d’huile. III Reg., v, 1-12 ; II Par., i, 316. Les pierres et les autres matériaux devaient se trouver en Palestine. Voir Carrière, t. ii, col. 319. — Enfin, Salomon eut recours à la corvée pour se procurer les ouvriers nécessaires. Voir Corvée, t. ii, col. 1032. Il leva 30 000 Israélites pour aller alternativement pendant un mois travailler par 10000 dans le Liban. Adoniram fut mis à la tête de ce service. David avait fait le dénombrement des étrangers, la plupart anciens Chananéens, qui séjonrnaient dans le pays. Il s’en trouva 153600. Salomon en prit70 0CO pour porter les fardeaux, 80, 000 pour tailler les pierres dans la montagne et 3 600 pour servir de surveillants. Les maçons de Salomon et ceux de Hiram, les Gibliens, travaillèrent en commun. III Reg., v, 13-18 ; II Par., ii, 17, 18. Il arriva ainsi qu’une bonne partie des constructeurs du Temple de Jéhovah furent des idolâtres, sous la direction générale de Hiram, qui devait l’être aussi.

2° Les constructions. — Sur le Temple, voir Temple. Sur les autres édifices, voir Maison du Bois-Liban, t. iv, col. 594 ; Palais, col. 1967. Le Temple fut construit en sept ans, de la quatrième à la onzième année du règne. III Reg., vi, 37, 38. Salomon éleva ensuite en treize ans ses trois palais : la Maison du Bois-Liban, pour les réunions officielles, sa maison d’habitation, dans une seconde cour et une autre habitation semblable pour la fille du pharaon. III Reg., vii, 2-12. Sur l’emplacement de ces palais, voir Jérusalem, t. iii,

col. 1354. Par un sentiment de haute convenance, Salomon ne voulut pas que le palais de la reine fût dans la cité de David, à cause de la sainteté du lieu où résidait l’Arche de Jéhovah. II Par., viii, 11. II entoura ces palais de plantations et y amena les eaux de très loin. Cf. Eccle., ii, 4-6 ; Josèphe, Ant. jud., VIII, v, l-2. Voir Aqueduc, 1. 1, col. 798 ; Jardin, t.. iii, col. 1131.

3° La dédicace du Temple. — Quand le Temple fut terminé, Salomon en fit la dédicace solennelle et y transporta l’Arche. Une nuée remplit l’édifice sacré, au point d’empêcher les prêtres d’y exercer leur office. C’était le signe de Ja présence de Jéhovah. Cf. Exod., XL, 34, 35. Le roi adressa alors, en face de tout le peuple, une longue prière au Seigneur, pour le remercier de daigner habiter ainsi au milieu des hommes et le conjurer d’exaucer tous ceux qui viendraient le prier dans son Temple, Israélites et étrangers. Ensuite, il bénit le peuple et offrit en sacrifice 22000 bœufs et 120 000 brebis, sans compter ceux que d’autres offrirent. Le peuple était accouru de tout le pays pour assister à cette fête, qui dura quatorze jours, à cause de la fête des Tabernacles qui fut célébrée à la suite de la dédicace. III Reg., viii, 1-66 ; Il Par., v, 1-vii, 10. Après ces solennités, Jéhovah apparut de nouveau à Salomon, comme il l’avait fait à Gabaon, et il lui renouvela ses promesses, en ajoutant que, si Israël se détournait de lui, il serait chassé du pays et deviendrait la raillerie des étrangers, avec son Temple abandonné de Dieu. III Reg., ix, 2-9 ; II Par., vii, 11-22. En tous ces récits, l’on n’entrevoit aucun reproche adressé à Salomon au sujet du luxe de ses constructions. C’est donc que cette splendeur répondait à l’idée qu’on se faisait de la gloire de Jéhovah et de la magnificence qui convenait au prince. La nation ne voyait pas sans fierté les splendides édifices élevés dans sa capitale.

4° Les autres travaux. — Quand ses grandes constructions furent achevées, Salomon utilisa à d’autres travaux l’ancienne population chananéenne qu’il avait réduite en esclavage. Il mit à la tête de ces ouvriers . 550 inspecteurs chargés de les faire travailler. Il construisit ainsi Mello et le mur de Jérusalem. Voir Mello, t. iii, col. 947 ; Mur, col. 1340. Pendant la construction de Mello, un Éphratéen de Saréda, Jéroboam, jeune homme fort et vaillant, surveillait les gens de corvée de la maison de Joseph, c’est-à-dire les esclaves en résidence dans les tribus d’Éphraïm et de Manassé. III Reg., xi, 26-28. Salomon fortifia ensuite différentes villes d’une importance stratégique considérable, Héser ou Asor, qui commandait au sud du Liban la route d’Egypte en Assyrie, Mageddo, sur la même route, au pied du Carmel, Gazer, que lui avait remise le pharaon d’Egypte, Bethoron qui, comme Gazer, couvrait Jérusalem au nord-ouest, Baalath, un peu au nord de Bethoron, et enfin Thadmor ou Palmyre, dans le désert de Syrie. Dans ces villes et dans beaucoup d’autres furent bâtis des magasins et des dépôts pour les marchandises, les chars ou la cavalerie. III Reg., ix, 15-19.

VI. La Sagesse de Salomon. — 1° Le don divin. — « Dieu donna à Salomon de la sagesse, une très grande intelligence et un esprit étendu comme le sable qui est au bord de la mer. La sagesse de Salomon surpassait la sagesse de tous les fils de l’Orient et toute la sagesse de l’Egypte. Il était plus sage qu’aucun homme, plus qu’Éthan l’Ezrahite, plus qu’Héman, Chalcol et Dorda, les fils de Mahol, et sa renommée était répandue parmi toutes les nations d’alentour. » III Reg., iv, 29-31. L’écrivain sacré accumule les exemples pour donner une idée de la supériorité de Salomon. Entrant ensuite dans le détail, il ajoute que le roi prononça 3 000 maximes, composa 1005 cantiques et disserta sur les végétaux et les animaux. III Reg., ix, 32, 33. Quelques siècles plus tard, on avait encore le souvenir vivant de Salomon, « fils plein de sagesse ». Eccli.,

xlvii, 12-17. Cette sagesse se composait de différents éléments. Le principal était sûrement la crainte de Dieu. Supérieurement doué par nature, le prince avait aussi cultivé son esprit par l’étude et l’observation. Il connaissait des sciences naturelles ce qu’on en pouvait savoir à cette époque, et sa connaissance de la nature n’était pas viciée, comme celle des Égyptiens, par la croyance à l’intervention d’une multitude de divinités imaginaires. Attentif à ce qui se passait en lui et autour de lui, il en tirait des réflexions utiles, auxquelles il savait prêter ce tour subtil, pittoresque et piquant qu’estiment tant les Orientaux. Penseur, savant et poète, il étonnait ses contemporains par l’à-propos de ses réponses et le charme de ses discours. C’est ce qui ressort de l’examen des ouvrages qui portent son nom ou qui semblent bien chercher à imiter sa manière, là même où il n’est plus l’auteur. « Salomon eut tant de sagesse, qu’on aurait cru que la promesse de Dieu sur la descendance de David s’accomplissait en lui, s’il n’était tombé et n’avait ainsi donné Heu à espérer le Christ. » S. Augustin, In Ps. lxxxviii, 6, t. xxxvii, col. 1135. En réalité, la sagesse de Salomon devait être dépassée par d’autres, si grande qu’elle apparût aux hommes de son temps. Plus que personne, le Sauveur put dire un jour de lui-même, en se comparant au plus sage des rois d’Israël : « Il y à ici plus que Salomon. » Matth., xii, 42 ; Luc, xi, 31.

2° La reine de Saba. — Le texte sacré revient à trois reprises sur cette idée que la sagesse de Salomon faisait l’admiration même des étrangers. III Reg., IV, 31, 34 ; Eccli., xlvii, 17. La visite de la reine de Saba en est une preuve éclatante. Voir Saba 6, col. 1287. Cette princesse vint à Jérusalem pour mettre à l’épreuve la sagesse de Salomon. Le roi eut réponse à toutes les difficultés qu’elle lui proposa. La reine ne se lassa pas d’admirer le bel ordre que Salomon faisait régner en toutes choses autour de lui et elle déclara que la réalité qu’elle constatait dépassait de beaucoup ce que la renommée lui avait raconté. En témoignage de son admiration, elle offrit au roi 120 talents d’or (15822 000 fr.) et une quantité d’aromates et de pierres précieuses. Salomon ne voulut pas demeurer en reste avec elle. Il lui donna tout ce qu’elle désira et lui fit des présents dignesde sa magnificence. III Reg, , x, 1-10, 13 ; II Par., ix, 1-9, 12. Voir sur cet épisode Coran, xxvii, 22-45. Cette visite ne fut pas la seule. Non seulement ses sujets, mais d’autres rois vinrent admirer sa sagesse et lui offrir des présents. III Reg., x, 23-25 : II Par., ix, 22-24. Josèphe, Ant. jud., VIII, v, 3, raconte, d’après Ménandre et Dios, que Salomon et Hiram s’envoyaient mutuellement des énigmes à résoudre. Cf. Historicorum Grsecorum Fragm., t. iii, p. 225-228 ; t. iv, p. 398, 446. C’était là une des formes familières aux Orientaux pour faire briller leur esprit. Voir Énigme, t. ii, col. 1808. Cf. F. Nau, Histoire et sagesse d’Afyikar t Assyrien, Paris, 1909, p. 203. Un certain Théophile, mentionné par Alexandre Polyhistor, a également écrit sur les rapports entre Hiram et Salomon. Cf. Eusèbe, Prcep.evang., ix, 34 fin, t. xxi, col. 753 ; S. Jérôme, Epist., lxx, 2, t. xxii, col. 665. La Bible ne fait mémoire que de leurs relations d’affaires.

3° Les écrits de Salomon. — La tradition a attribué à Salomon le Cantique des cantiques, voir Cantique des cantiques, t. ii, col. 186, l’Eccîésiaste, voir Ecclésiaste, col. 1539, une partie des Proverbes, voir Proverbes, t. v, col. 781, et le Psaume lxxii (lxxi). Le livre de la Sagesse est appelé dans les Bibles grecques S09Î1 Salwpv, « Sagesse de Salomon ». L’auteur y parle comme s’il était Salomon lui-même. Sap., vii-ix. Mais il y a là un simple artifice littéraire. Voir Sagesse, col. 1351. La mention de maximes et de cantiques, composés par Salomon, comme celle de ses dissertations sur l’histoire naturelle, n’implique pas la mise

par écrit de toutes ces compositions. III Reg., iv, 3233. — Eu dehors des livres canoniques, des livres apocryphes ont été mis sous le nom de Salomon. Sur les Psaumes dits de Salonwn, voir Viteau, Les Psaumes de Salomon, in-8°, Paris, 1910. Cf. col. 840 ; E.-E. Geiger, Der Psalter Salomo’s, Augsbourg, 1871 ; Ryle and James, TFaXpiotSoXojjnovToc, Cambridge, 1891 ; Gebhardt, TaXiJ.01 Eoàoh, mvtoç, Leipzig, 1895 ; Schûrer, Geschichle des jûdîschen Volkes, t. iii, p. 150-156. — Les wîou’de Salomon, qui font suite au livre gnostique intitulé IliffTi ; Soçi’a, se présentent comme la continuation des psaumes précédents, mais sont l’œuvre d’un chrétien gnostique. Cf. Mùnter, Odse gnosticse Salotnoni tributse, Copenhague, 1812 ; Ryle and James, op. cit., p. xxiii-xxvh. — La réputation de science et d’habileté laissée par Salomon fit encore mettre sous son nom toutes sortes de livres de magie. Josèphe, Ant. jud., VII, ii, 5, dit à ce sujet : « Dieu lui accorda la connaissance de l’art contre les mauvais démons, pour l’utilité et la guérison des hommes. Il composa des incantations pour l’adoucissement des maladies, et il laissa des formules d’adjuralions au moyen desquelles on chasse si bien les démons qu’ils ne reviennent plus jamais ; ce mode de guérison produit encore ses effets parmi nous. » Josèphe en cite des exemples. Origène, ïn Matth., xxvi, 63, t. xiii, col. 1757, dit que, chez les Juifs, « les démons sont ordinairement adjurés au moyen des adjurations écrites par Salomon. Mais il arrive que ceux qui emploient ces adjurations ne se servent pas toujours des livres composés pour cela. » Parmi les chrétiens, la croyance au pouvoir des formules salomoniennes contre les démons persista très longtemps. Au ive siècle, on montrait au pèlerin de Bordeaux, à Jérusalem, une crypte dans laquelle Salomon torturait les démons. Cf. Tobler, Palestine descriptiones, Saint-Gall, 1869, p. 3. En 494, le pape Gélase condamna, parmi les livres apocryphes, une Contradiclio, ou Interdictio Salomonis. Il existe encore un livre d’origine chrétienne intitulé Testamentum Salomonis, roulant sur les mêmes sujets. Cf. Fabricius, Codex., 1. 1, p. 1036. En conséquence de cette croyance sur le pouvoir de Salomon contre les démons, son nom revient fréquemmentdans les anciennes formules magiques : SoLou-ûv os 81&>x£t, Solomon teprosequitur, « Salomon te chasse ». Cf. Schûrer, Geschichte, t. iii, p. 299-304. Bien entendu, l’attribution de ce pouvoir magique à Salomon n’a aucune base sérieuse dans la Bible. VII. Les égarements de Salomon. — 1° Leur cause.

— Le règne de Salomon, si glorieusement commencé, finit dans des conditions lamentables. L’historien des Rois raconte seul les égarements du prince ; l’auteur des Paralipomènes les passe sous silence. Le fils de Sirach, après avoir résumé les titres de gloire de Salomon, ajoute tristement, Eccli., xlvii, 19-21 :

Tu t’es livré aux femmes…

Tu as imprimé une tache à ta gloire

Et tu as profané ta race,

Attirant ainsi la colère sur tes enfants.

Je sens une cruelle douleur pour ta folie ;

Elle a été cause que l’empire fut partagé

Et que d’Éphraïm se leva le chef d’un royaume rebelle.

La Sainte Écriture n’incrimine pas les richesses, les dépenses somptuaires et le luxe de Salomon, bien que ces causes aient contribué à amollir son cœur et aient singulièrement favorisé son malheureux penchant pour les femmes. Par sa faute, sans nul doute, toute sa sagesse échoua devant ce dernier genre de séduction. La loi permettait la polygamie, mais elle mettait le roi en garde contre ses excès : « Qu’il n’ait pas nn grand nombre de femmes, de peur que son cœur ne se détourne ; qu’il ne fasse pas non plus de grands amas d’argent et d’or. » Deut., xvii, 17. Salomon paraît avoir pris le contrepied de cette recommandation. Il eut

700 femmes de premier ordre et 300 concubines. III Reg., xi, 3. Dans le Cantique, VI, 8, il n’est encore question que de 60 reines, 80 concubines et de jeunes filles sans nombre. Il est difficile de se faire une idée de ce qu’un pareil troupeau entraînait de dépenses, d’intrigues, de préoccupations, de difficultés, de tentations pour le présent et de menaces pour l’avenir. Le pire est que le monarque n’écoutait que sa passion, et ne tenait pas compte de la loi qui interdisait certaines unions. « Ne traite pas avec les habitants du pays de Chanaan, de peur que tu ne prennes de leurs filles pour tes fils, et que leurs filles, se prostituant à leurs dieux, n’entraînent tes fils à se prostituer aussi à leurs dieux. » Exod., xxxiv, 15, 16. Salomon courut au-devant du péril et y succomba. Parmi les étrangères qu’il admit auprès de lui, outre la fille du pharaon, il y avait des Moabites et des Ammonites, dont les compatriotes étaient exclus pour toujours de la société israélite, Deut., xxiii, 3 ; des Édomites, d’une race exclue seulement jusqu’à la troisième génération, Deut., xxiii, 7, 8 ; des Sidoniennes et des Héthéennes, que frappait l’exclusion portée contre toutes les filles de Chanaan. Ces femmes détournèrent le cœur de Salomon déjà vieux, c’est-à-dire âgé de cinquante à soixante ans, pendant les dix dernières années de sa vie. Aucune influence mauvaise n’est attribuée à l’épouse égyptienne, d’ailleurs éloignée de ses dieux. Mais les autres étrangères prétendirent rendre un culte à leurs dieux nationaux, les Sidoniennes à Astarté, les Ammonites à Melchom, les Moabites à Chamos, les Ammonites à Moloch. Par complaisance pour elles, Salomon laissa faire. Il bâtit même, à l’est de Jérusalem, sur le mont du Scandale ou de la Perdition, des hauts-lieux à Astarté, à Chamos et à Melchom, que Josias détruisit plus tard. IV Reg., xxiii, 13. Là, les étrangères brûlaient des parfums et offraient des sacrifices. Dès lors, « le cœur de Salomon ne fut pas tout entier à Jéhovah, » il alla « après d’autres dieux », se partageant ainsi entre Jéhovah et les idoles. III Reg., xi, 1-10. Sans doute, ces expressions n’impliquent pas une participation personnelle et directe au culte de grossières idoles, et quand le prophète Ahias dit plus tard : « Ils m’ont abandonné et se sont prosternés devant Astarté, Chamos et Melchom, » III Reg., xi, 33, ses paroles peuvent viser le personnel de la cour et les Israélites qui partageaient le culte rendu aux idoles par des épouses aimées etpuissantes. S. Augustin, De Gen. ad lit., xi, 59 ; In Ps., cxxri, 2, t. xxxvii, col. 453, 1667 ; Cont. Faust., xxii, 81, t. xlii, col. 453, croit que Salomon immola réellement aux idoles. S’il n’en vint pas lui-même à cet excès, il n’en fut pas moins gravement coupable de tolérer et de favoriser des pratiques si scandaleuses et si attentatoires aux droits sacrés de Jéhovah, qui l’avait comblé de tant de dons et, par deux fois, s’était manifesté à lui. III Reg., xi, 9. Bien qu’il gardât la foi en Jéhovah, c’était vraiment se détourner de lui que d’agir de la sorte.

2° Leur châtiment. — Dieu fit signifier à Salomon, probablement par le prophète Ahias, la punition réservée à son crime persévérant. Il serait épargné de son vivant, à cause de David ; mais le royaume passerait à un autre que son fils après sa mort ; celui-ci n’en garderait qu’une tribu, et encore en considération de David et de Jérusalem que Jéhovah avait choisie. Dès lors Adad l’Édomite et Razon de Damas devinrent plus menaçants. Le prophète Ahias avertit Jéroboam de la part que Dieu lui réservait, en lui promettant une maison stable s’il restait fidèle au Seigneur. Informé de ce qui lui était destiné, Jéroboam commença un mouvement de révolte contre Salomon. Celui-ci chercha à le faire mourir. Mais le révolté s’enfuit en Egypte, pourn’en revenir qu’à l’avènement deRoboam. IIIReg., xi, 11-40. Voir Jéroboam, t. iii, col. 1301 ; Roboam, t. v, col. 1103. Comme l’indique le fils de Sirach, Salomon

avait profané sa race, en épousant des étrangères, dont Naama l’Ammonite, mère de Roboam, et par sa folie, que l’auteur sacré ne fait pas aller cependant jusqu’à l’idolâtrie, il fut la cause du partage du royaume. Eccli., xlvii, 20, 21.

3° La mort de Sàlomon. — L’historien des Rois mentionne un livre des Actes de Salomon où il était parlé de ses actions et de sa sagesse. Il relate ensuite en un mot la mort de Salomon, après un règne de quarante ans à Jérusalem, et son inhumation dans la cité de David. III Reg., xi, 41-43 ; II Par., 29-31. D’après ce second livre, les Actes de Salomon avaient été écrits par Nathan le prophète, Ahias de Silo et Addo le voyant.

— Aucune mention n’est faite d’un retour de Salomon à de meilleurs sentiments. S. Jérôme, InEzech., xiii, 43, t. xxv, col. 419, affirme sa pénitence, en s’appuyant sur Prov., xxiv, 32 : « À la finj’ai fait pénitence et ai regardé à choisir la discipline. » Rien ne prouve que ce texte soit de Salomon. D’ailleurs, il ne reproduit que les Septante. La Vulgate traduit : « Quand j’eus vu cela, je le plaçai dans mon cœur et par cet exemple j’appris la discipline. » Dans le texte hébreu, il n’est pas question non plus de pénitence. Saint Cyrille de Jérusalem, Catech., H, 13, t. xxxiii, col. 400, avait déjà pris le texte des Proverbes dans le sens adopté par saint Jérôme. Ailleurs Epist. lxxxix, 7, t. xxii, col. 729, ce dernier semble assimiler David et Salomon au point de vue de la chute et de la pénitence. Saint Hilaire, In Ps., lii, 12, t. ix, col. 330, croitau pardon d’Aaron, de David et de Salomon. On ne peut cependant rien conclure en ce sens de II Reg., vu, 14, 15 ; car la faveur que Dieu promet de ne pas retirer au fils de David, c’est le royaume paternel, et nullement son amitié personnelle. Saint Irénée, Cont. liserés., iv, 27, 1, t. vii, col. 1057, s’en tient au texte biblique sans prendre parti. Tertullien, Adv. Marcion., n, 23, t. ii, col. 311, et saint Cyprien, De unit. Eccles., ï0, t. iv, col. 515, ne sont pas favorables au repentir de Salomon. Saint Ambroise, Apol. 1 David, iii, 13, t. xiv, col. 857, dit que Dieu a permis le péché du roi afin qu’on ne le prit pas pour le Christ, mais il ne suppose pas la pénitence de Salomon. Saint Augustin, Cont. Faust., xxii. 88, t. xlii, col. 459, se contente de poser cetle question : « Que dire de Salomon, que la Sainte Écriture reprend et condamne sévèrement, en gardant un silence complet sur sa pénitence et sur l’indulgence de Dieu à son égard ? » Il dit ailleurs, De Civ. Dei., xvii, 20, t. xli, col. 554 : « Les prospérités, qui fatiguent les esprits des sages, lui furent plus nuisibles que ne lui profita sa sagesse. » L’impression dernière resle donc défavorable et la conversion douteuse ; les dons divins avaient été si magnifiques et la chute si profonde ! — Le règne de Salomon marqua à la fois l’apogée et le déclin de la puissance israélite. Les causes de sa prospérité devinrent celles de sa faiblesse. Une monarchie si subitement élevée ne pouvait se maintenir qu’en s’appuyant sur ce qui constituait sa seule base solide, le respect du statut théocratique et la fidélité à Jéhovah. Cette condition essentielle une fois disparue, la monarchie israélite devenait un grand corps sans âme, parce que Dieu n’était plus là pour la maintenir. L’étendue territoriale du royaume n’eût pu être sauvegardée que par un pouvoir militaire très fort, en face de puissantes nations ; les contrées occupées tout autour de la Palestine proprement dite échappèrent vite aux faibles successeurs de Salomon. L’unité nationale, récente encore à l’avènement de Salomon, n’eût pu-être consolidée que par un gouvernement juste, ferme et paternel ; celui du fils de David pesa lourdement sur le peuple auquel ne profita que médiocrement le prestige acquis par le prince. Il avait reçu de David un royaume puissamment constitué dont il fallait entretenir la vivante unité ; il laissa à son successeur un royaume irrémédiablement divisé par le schisme, affaibli pour toute la suite de

sa durée et incapable de résister aux invasions des empires voisins. Salomon fut à peu près seul à jouir de sa richesse, avec un entourage de courtisans et de femmes. Le pays n’en profita guère et ce qui en resta après la mort du prince devint la proie des envahisseurs étrangers. Enfin, les exemples laissés par Salomon furent souverainement pernicieux pour ses successeurs. Ils lirent dévier beaucoup d’entre eux, et, à part quelques rois de Juda, comme Josaphat, Ézéchias, Josias, les autres et tous les rois d’Israël s’adonnèrent plus ou moins complètement à l’idolâtrie. — Voir J. de Pineda, De rébus Salom., Cologne, 1686 ; H. G. Reime, Harnwnia vitse Salom., Iéna, 1711 ; Hess, Geschichte Salomons, Zurich, 1785 ; Miller, Lectures on Solomon, Londres, 1838 ; Meignan, Salomon, Paris, 1890 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit.,

t. iii, p. 253-405.
H. Lesêtre.

2. SALOMON (PORTIQUE DE) (grec : ffiià [ ; où] So).wu.ovtoç), galerie couverte, à l’est du Temple, dont elle formait le côté oriental de l’enceinte. Elle s’étendait parallèlement à la vallée de Josaphat. Voir Temple. Notre-Seigneur, Joa., x, 23, et les Apôtres, Act., iii, 11 ; v, 12, s’y tenaient volontiers, parce qu’on y était à l’abri du soleil et des mauvais temps et que l’accès en était ouvert à tout le monde, Juifs et Gentils.

3. SALOMON (PSAUMES ET CANTIQUES DE). Voir

Psaumes, t. v, col. 840.

    1. SALOMON IBN-MÉLECH##

SALOMON IBN-MÉLECH, rabbin juif, né à Fez en Afrique, mais établi à Constantinople, où il publia en 1554 un commentaire hébreu, grammatical et littéral de tout l’Ancien Testament juif, intitulé Miklal yôfî, Perfection de beauté, et tiré des anciens commentateurs de sa nation, en particulier de David Kimchi. Il a étç réimprimé avec les notes de Jacob Abendana à Amsterdam, in-f°, 1661, 1685. II a été aussi très estimé parmi les chrétiens et en partie traduit en latin : Josué et Malachie, par Nie. Kôppen, Greifswald, 1708, 1709 ; Ruth, par J.-B. Carpzov, réimprimé dans son Collegium Rabbinico Biblicum, Leipzig, 1705 ; le Cantique des Cantiques, par C. Molitor, Altdorꝟ. 1659 ; Abdias, par Brodberg, Upsal, 1711 ; Jonas, par G. Chr. Burcklin, Francfortsur-le-Main, 1697 ; Jean Leusden, Francfort-sur-le-Main, 1692 ; E. Chr. Fabricius, Gœltingue, 1792, etc. Voir De Rossi, Dizionario storico degli autori Ebrei, 2 in-8°, Parme, 1802, t. ii, p. 48 ; Fûrst, Bibliotheca judaica, in-8°, Leipzig, 1863, t. ii, p. 350.

SALON1US (Saint), écrivain ecclésiastique, né vers l’an 400. La date de sa mort est inconnue. Il était -Gis de saint Eucher qui devint évêque de Lyon, et il fut élevé à l’abbaye de Lérins. Il devint évêque de Genève. L. Duchesne, Fastes épiscopaux de l’ancienne Gaule, i, Paris, 1894, p. 222. On a de lui Expositio mystica in Parabolas Salomonis, … in Ecclesiasten, P. L., t. Lin, col. 967-1012. C’est un dialogue dans lequel Salonius répond aux questions de son frère Veranus. Voir Rivet, Histoire littéraire de la France, t. ii, Paris, 1735, p. 433-437.

    1. SALPHAAD##

SALPHAAD (hébreu : Selofhad ; Septante : S « ).naaS), fils d’Hépher de la tribu de Manassé. Il n’eut que des filles : Maala, Noa, Hègla, Melcha et Thersa. Num., xxvi, 33 ; Jos., xvii, 3 ; I Par., vii, 15. Après la mort de leur père, ses filles réclamèrent leur part d’héritage dans la Terre Promise, puisqu’elles n’avaient point de frèrej. Moïse ayant consulté Dieu, il fut établi en loi que les Israélites qui mourraient sans enfants mâles auraient leurs filles pour héritières. Num., xxvii, 1-11. Une disposition complémentaire, Num., xxxvii, 1-12, régla que, dans ce cas, les héritières seraient obli

  • 397

SALPHAAD — SALUTATION

1398

gées de se marier dans leur propre tribu, ce que firent les filles de Salphaad.

    1. SALSOLA KALI##

SALSOLA KALI, plante dont les anciens extrayaient la soude. Voir Soude.

    1. SALTUS##

SALTUS (hébreu : Ya’ir ; Septante : 'Ioci’p), père d’Elhanan. La Vulgate a traduit le nom hébreu de Ya’ir par Saltus (voir Jaïr 4, t. iii, col. 1110), et Elhanan par Adeodatus. Voir t. i, col. 215.

SALU (hébreu : Sdlu ; Septante : SaXpKov), père de Zambri, de la tribu de Siméôn, Num., xxiii, 14. Il est appelé Salomi dans I Mach., ii, 26. Voir Salohi 2 ; Zambri 1.

    1. SALUMITH##

SALUMITH (hébreu : Selômîf ; Septante : SaXwu.ei'6), fille de Dabri, de la tribu de Dan, qui avait épousé un Égyptien, et dont le fils fut lapidé comme blasphémateur dans le désert par ordre de Moïse. Lev., xxiv, 10-23.

    1. SALUSA##

SALUSA (hébreu : SilMh ; Septante : EocXio-â), le neuvième fils de Supha, de la tribu d’Aser. I Par., vii, 37.

    1. SALUT##

SALUT, SALUTATION (grec : àir7rao-u.ôç ; Vulgate : salutatio), témoignage de respect ou d’amitié donné à

28 ï.

Orientaux baisant la main à un souverain et se prosternant devant lui.

l’arrivée, à la rencontre ou au départ d’une personne. — L’hébreu n’a pas de substantif pour nommer la salutation. On se sert habituellement du verbe bardk, « bénir », et quelquefois du verbe sâ'al, « demander des nouvelles », Gen., xliii, 27 ; Exod., xviii, 7 ; Jud., xviii, 15 ; I Reg., x, 4 ; xvii, 22 ; xxx, 21 ; Jer., xv, 5, pour indiquer la salutation. On emploie aussi le mot Mlôm, « paix », qu’on adresse en signe de salut. Voir Paix, t. iv, col. 1960 ; Politesse, t. v, col. 505. . 1° La Sainte Écriture note les salutations des parents de Rébecca à leur fille qui les quitte, Gen., xxiv, 60 ; de Joseph à ses frères, Gen., xxxvii, 14 ; xliii, 27 ; de Jacob au pharaon à son arrivée et au départ. Gen., XLVH, 7, 10 ; de Moïse à son Jjeau-père, Exod., xviii, 7, de Josué aux tribus transjordaniques à leur départ, Jos., xxii, 6, 7 ; de Saül à Samuel, 1 Reg., xiii, 10 ; xv, 13 ; de David à différentes personnes, I Reg., xvii, 22 ; xxv, 5 ; xxx, 21 ; II Reg., vi, 20 ; du roi d'Émath à David, II Reg., viii, 10 ; d’Absalom aux Israélites dont il brigue la faveur en leur tendant la main et en les baisant, II Reg., xv, 5 ; du peuple qui prend congé de Salomon après la dédicace duTemple, III Reg., viii, 66 ;

des frères d’Ochozias qui viennent saluer les fils d’Achab, IV Reg., x, 13 ; de Tobie à l’ange et de l’ange à Tobie, Tob., v, 6, 11 ; des Syriens à Judas Machabée, I Mach., vii, 29 ; des prêtres de Jérusalem à Nicanor-, I Mach., vii, 33 ; de Jonathas au roi de Syrie, I Mach., xi, 6, et aux Spartiates, I Mach., xii, 17, etc. Il était honteux de ne pas répondre au salut de quelqu’un. Eccli., xli, 25.

Bénir son prochain à haute voix et de grand matin Est réputé comme une malédiction. Prov., xxvii, 14.

Cette salutation exagérée et intempestive cause en effet plus d’ennui que d’agrément à celui qui en est l’objet. 2° À l'époque évangélique, les salutations étaient fort cérémonieuses, comme elles le sont encore aujourd’hui en Orient (fig. 284 et 285). Elles comportaient des formules assez longues, des baisers, des prosternements, des embrassements des mains, des genoux et des pieds, etc. Cf. Jer. Kidduschin, ꝟ. ^, ^Bab.Kethuboth, ꝟ. 63, 1. Il ne fallait pas être très pressé pour subir toutes ces formalités. En envoyant son serviteur Giézi pour remplir une mission urgente, Elisée lui avait dit : « Si tu rencontres quelqu’un, ne le salue pas ; et si quelqu’un te salue, ne lui réponds pas. » IV Reg., iv, 29. Notre-Seigneur recommande de même aux prédicateurs de l’Evangile de ne saluer personne en route, Luc, x, 4, c’est-à-dire de ne se laisser arrêter par

285.

Orientaux s’embrassant comme amis ; un intérieur s’inclinant devant son supérieur.

aucune formalité inutile. Par contre, il veut qu’ils saluent la maison dans laquelle ils entrent. Matth., x, 12. À tous ces disciples, il enseigne qu’ils ne doivent pas se contenter de saluer leurs frères, ce que les païens font eux-mêmes. Matth., v, 47. Il suit de là qu’ils doivent aussi saluer tous les hommes, bien qu’ils soient séparés d’eux par la nationalité, la religion, les intérêts, etc. Cependant saint Jean défend dédire ^àfpstv, ave, « salut », aux docteurs hérétiques, parce que ce serait participer à leurs œuvres mauvaises, II Joa., 10, 11. Cette recommandation part du même principe que celle de saint Paul, qui ordonne de cesser toutes relations avec les impudiques, non ceux du monde, « autrement il faudrait sortir du monde », mais ceux qui sont chrétiens. I Cor, v, 10, 11. Notre-Seigneur remarque aussi que les pharisiens sont très avides de salutations sur la place publique, et il ne veut pas que ses disciples imitent cette vanité. Matth., xxiii, 7 ; Marc, xii, 38 ; Luc, xi, 43 ; xx, 46.

3° Plusieurs salutations remarquables sont rapportées dans le Nouveau Testament. L’ange Gabriel salue Marie : xa'.pe, ave ; « salut, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi, tu es bénie » ou « sois bénie entre les femmes », et Marie se demande ce que signifie cette

salutation. Luc., l, 28, 29. —En entrant chez Zacharie, Marie salue Elisabeth, et à sa voix Jean-Baptiste tressaille dans le sein de sa mère. Luc, i, 40, 41, 44. — Les foules accourent pour saluer’Jésus, Marc, ix, 14, et un jour une femme du peuple s’écrie : ’  « Heureux le sein qui vous a porté et les mamelles auxquelles vous vous êtes allaité ! » Luc, xi, 27. C’était là une formule très usitée pour saluer quelqu’un. On lui disait : « Bénie soit ta mère ! » quand c’était un ami, et « Maudite soit ta mère ! » quand c’était un ennemi. — Au jardin des Olives, Judas salue Jésus en disant : x a 'P s > P « 66f, a ve, ràbbi, « salut, maître ! » et il le baise, comme pour rendre sa salutation plus affectueuse. Matth., xxvi, 49.

— Pendant la passion, les soldats de Pilate fléchissent ironiquement le genou devant Jésus en disant : « Salut, roidesjuifs ! » Matth., xxvii, 29 ; Marc, xv, 18 ; Joa., xix, 3. — Jésus ressuscité salue les saintes femmes et leur dit : -/afpcTe, avete, « salut ! » Matth., xxviii, 9. Pour répondre à ce salut, elles embrassent ses pieds et l’adorent. — Saint Paul salue l’église de Césarée, Act., xviii, 22, les chrétiens d’Éphèse, pour prendre congé d’eux, Act., xx, 1 ; cf. Act., xviil, 18, 21 ; XXI, 6, les chrétiens de Ptolémaïde, Act., xxi, 7, saint Jacques et les anciens de Jérusalem qu’il embrasse. Act., xxi, 19. — Agrippa et Bérénice viennent saluer le procurateur Festus. Act., xxy, 13.

4° Dans les lettres, on emploie certaines formules de salutation : ëpptouÔE, ûyiaîvexe, bene valete, valete, « portez-vous bien », II Mach., xi, 21, 33, 38 ; Act., xv, 29, l’ppWo, vale. « porte-toi bien ». Act., xxiii, 30. Saint Paul termine trois de ses Épîtres par la formule : 6 dixxxapKΠ; x5j êpïj y.stp Ilaiilou, salutatio mea manu Pauli, « saliit de ma main à moi Paul ». I Cor., xvi, 21 ; Col., iv, 18 ; II Thess., iii, 17. Les autres Épltres se terminent ordinairement par des salutations adressées à certains destinataires, ou de la part de chrétiens vivant auprès de l’Apôtre qui écrit. Rom., xvi, 3-23 ; I Cor., xvi, 19-20 ; II Cor., xiii, 12 ; Phil., iv, 21, 22 ; Col., iv, 10-15 ; I Thés., v, 26 ; II Tim., iv, 19, 21 ; Tit., iii, 15 ; Philem., 23 ; Heb., xiii, 24 ; I Pet., v, 13, 14 ; II Joa.,

13 ; III Joa., 14.
H. Lesêtre.

SAMA, nom de deux Israélites et d’une ville dans la Vulgate.

1. SAMA (hébreu : HôSâniâ’, « Jéhovah a exaucé » ; Septante : ’Q<ra|ià6), un des fils du roi de Juda, Jéchonias, né pendant la captivité de son père. I Par., iii, 18.

2. SAMA (hébreu : Sema’; Septante : Sapa), fils d’Elphaal, de la tribu de Benjamin, chef de famille à Aïalon, qui, avec son frère Baria, chassa les habitants de Geth. Les uns identifient Sama avec Samad du j). 12 ; les autres avec Séméi du ꝟ. 21, .

3. SAMA (hébreu : Sema’; Septante : 2a).|i.ai ; Alexandrinus : Sapai), ville de la tribu de Juda, nommée entre Amam et Molada. C’est peut-être la même ville que celle dont le nom est écrit Sabée (hébreu : Séba’), Jos., xix, 2 ; et qui fut attribuée à la tribu de Siméon. Voir Sabée, col. 1306.

    1. SAMAA##

SAMAA, nom de quatre Israélites dans la Vulgate. L’orthographe de ces noms n’est pas la même en hébreu.

1. SAMAA (hébreu : Sim’â'), troisième fils d’Isaï, frère de David et père de Jonathan qui tua le frère de Goliath. Voir Jonathan 2, t. iii, col. 1614. Samaa, ainsi appelé dans la Vulgate, U Reg., xxi, 21 (Septante : 2s(is01 1 Par., xx, 7 (Sapai), est appelé Semmaa, II Reg., xiii, 3, 32 ; Samma, I Reg., xvi, 9 ; xvii, 13 ; Simmaa, I Par., ii, 13.

2. SAMAA (hébreu : Sim’â' ; Septante, Sapai), lévite de la famille de Gerson, père de Barachias, ancêtre d’Asaph. I Par., vi, 39 (hébreu, 24).

3. SAMAA (hébreu : Sim’âh ; Septante : Sapai), fils de Macelloth, de la tribu de Benjamin. Voir Macelloth 1, t, iii, col. 478. I Par., viii, 32 ; ix, 38. Dans ce dernier passage, il est appelé Sim’âm, Samaan.

4. SAMAA (hébreu : has-Semâdh ; Septante : ’A^pi), benjamite de Gabaa de Benjamin. Ses fils Ahiézer et Joas, allèrent rejoindre David à Siceleg pendant la persécution de Saùl. I Par., xii, 3

    1. SAMAAN##

SAMAAN, orthographe du nom de Samaa 3, 1 Par., rx, 38.

    1. SAMACHIAS##

SAMACHIAS (hébreu : Sernakydhû ; Septante : Haêayjx ; Alexandrinus : 2apa-/fa ?), petit-fils d’Obédédom et sixième et dernier fils de Séméi, de la tribu de Lévi. I Par., xxvi, 7.

    1. SAMAD##

SAMAD (hébreu : Sâtnér [pour Sémér], dans quelques manuscrits, Sàméd ; Septante : Seppiîip), troisième fils d’Elphaal, de la tribu de Benjamin. Samad fut le fondateur ou le restaurateur des villes d’Ono et de Lod. I Par., viii, 12.

    1. SAMAIA##

SAMAIA, nom, dans la Vulgate, de deux Israélites, dont le nom est fecrit en hébreu, bema’eyâh, « exaucé par Yah ».

1. SAMAIA (Septante : Sapaîou), père de Semri, ancêtre de Ziza. Ziza était un des chefs de la tribu de Siméon. I Par., iv, 37. Certains commentateurs croient que Samaïa est le même que Séméi, fils de Zachur. I Par., iv, 26-27.

2. SAMAIA (Septante : Sepei) ; ^ s de Joël et père de Gog, de la tribu de Ruben. 1 Par., v, 4. Il est peut-être le même que Samma du ꝟ. 8.

    1. SAMAIAS##

SAMAIAS, nom de deux Israélites dans la Vulgate. Voir Séméj.

1. SAMAIAS (hébreu : ISma’eyâh, « Yah a exaucé » ; Septante : Sapaîaç), Gabaonite, qui abandonna, quoique benjamite, la cause de Saül et alla rejoindre David à Siceleg. II fut le chef des trente gibbôrîm qui formaient la garde de David. I Par., xii, 1. Son nom ne se trouve pas dans les listes II Reg., (Sam.), xxiii, ni I Par., xi, peut-être parce qu’il était mort avant que David eut pris possession du royaume.

2. samaias (hébreu : Sema’eyâh ; Septante : 2a(iata), descendant d’Adonicam qui retourna de Babylone à Jérusalem sous Esdras avec Éliphileth et Jehiel à la tête de soixante hommes. I Esd., viii, 13.

    1. SAM AOTH##

SAM AOTH (hébreu : Samhùt ; Septante : 2apat’o6), le Jézérite (hay-Izrâl.i, i’Isapaé), général de David que ce roi avait placé à la tête de vingt-quatre mille hommes, chargés du service royal pendant le cinquième mois de l’année. Voir Jézérite 2, t. iii, col. 1537. Il est probablement le même que Sammoth, col. 1431.

    1. SAMARAlM##

SAMARAlM (hébreu : Semâraïm ; Septante : Sapi) ; ville de Benjamin. Jos., xviii, 22. Elle est nommée entre Belh Araba et Béthel et se trouvait par conséquent dans le territoire oriental de la tribu. Le site précis n’en est pas déterminé avec une entière certitude. Les uns la placent dans l’Arabah, c’est-à-dire

dans la vallée même du Jourdain ; les autres la placent plus à l’ouest et près du mont Séméron, qui, dans le texte hébreu, porte le même nom. II Par., xiii, 4. On l’identifie assez communément avec Ves-Sumrah actuel, au nord de Jéricho. Voir la carte de Benjamin, t. i, col. 1585. Cf. Palestine Exploration Fund, Memoirs, t. iii, p. 174, 212.

    1. SAMARATH##

SAMARATH (hébreu : Simrdt ; Septante : 2au.apâ8), le neuvième et dernier fils de Séméi, de la tribu de Benjamin. I Par., viii, 21. Il habitait Jérusalem.

    1. SAMARÉEN##

SAMARÉEN (hébreu : has-Çemârî ; Septante ; 6 Sx|j.apaîac), nom ethnique d’une tribu chananéenne. Gen., X, 18 ; I Par., i, 16. Les Samaréens sont placés entre les Aradiens et les Amathéens. Voir Aradien, 1. 1, col. 873, et Amathéen, t. i, col. 447. Les anciens interprètes juifs plaçaient les Samaréens à Émèse (Homs). Les géographes modernes placent, la plupart, les Samaréens au sud de Tripoli et au nord d’Arad (Arvad), à l’endroit où leur nom s’est conservé dans les ruines de Sumra, l’ancienne Simyra, près du fleuve Éleuthère, au pied occidental du Liban. Strabon, XVI, ii, 12 ; Ptolémée, v, 15, 4 ; Pline, H. N., v, 16 ; Pomponius Mêla, De situ orbis, i, 12, 3. Cf. Eb. Schrader, Die Keilinschriften und das alte Testament, 1872, p. 29, 144.

    1. SAMARIA##

SAMARIA (hébreu : Semaryâhû, « Jéhovah garde » ; Septante : Sanapata), guerrier de la tribu de Benjamin qui alla rejoindre David àSiceleg. IPar., xii, 5. — Trois autres Israélites qui porteut le même nom en hébreu sont, dans la Vulgate, appelés Somorias, II Par., xi, 19, Samarias, I Esd., x, 32, et Séméria. IEsd., x, 41.

    1. SAMARIAS##

SAMARIAS (hébreu : Semarydh ; Septante : 2a u-apt’a), un des fils de Hérem qui avait épousé une femme étrangère du temps d’Esdras, et qui fut obligé de l’abandonner. I Esd., x, 32.

    1. SAMARIE##

SAMARIE (hébreu : Sômrôn ; araméen, IEsd., iv, 10 et 17 : Sâmrâîn ; Septante, III Reg., xvi, 24 : 2ê|i.epwv et Sc[A » )p<iv ; Alexandrinus : 20qup’iv ; Is., vii, 9 ; I Esd., IV, 10 : Soiiopwv ; généralement 2a[n.apeta ou Sa^apia), nom donné à une montagne, et à la ville qui y fut bâtie.

1. SAMARIE (MONT de) (hébreu : hâ-hâr Sômrôn ; Septante : to opoçTÔ Seujowv), dans la tribu d’Éphraïm.

II était la propriété de Sémér ou èomér, dont on lui donnait le nom, avec l’adjonction de la finale on qui termine souvent les noms de lieux. Le roi Amri l’acheta pour deux talents d’argent (environ 17000 francs de notre monnaie), pour y bâtir la capitale de son royaume.

III Reg., xvi, 24. Il s’élève de 443 mètres au-dessus de la mer Méditerranée et de plus de cent mètres au-dessus des vallées qui l’entourent de tous les côtés et le laissent complètement isolé. Oblong de forme, il se développe d’est à ouest, sur une étendue de plus d’un kilomètre. De son sommet le regard embrasse une grande partie du versant occidental des monts d’Ephraïm et par delà la plaine côtière une vaste étendue de la mer. Le territoire qui l’entoure est des plus fertiles et des plus riants, arrosé par de nombreuses fontaines et couvert de plantations d’oliviers, de vignes et de jardins. — La montagne deSamarie, har Sômrôn, d’Àmos, iv, 1 ; vi, 1, est sans doute le collectif pour

  • les montagnes de Samarie », hârê Sômrôn, comme

ibid., iii, 9, et Jer., xxxi, 5, où il désigne tout le pays montagneux du royaume de Samarie ou Israël.

3. SAMARIE, capitale du royaume d’Israël, puis de la

province du même nom, aujourd’huiSe&asli/éA (fig.286).

I. Nom et identité. — Amri « ayant bâti [sur] la

montagne [qu’il avait achetée à ce dessein], appela la ville qu’il venait de construire d’après le nom de Semer propriétaire de la montagne, Sômrôn ». I (III) Reg., XVI, 24. Le nom de Segao-rij c’est-à-dire Augusta, fut substitué à celui de Samarie par Hérode pour flatter l’empereur Auguste de qui il l’avait reçue en cadeau. Cf. Ant. jud., XIII, x, 2 ; XV, viii, 5 ; Bell, jud., i, xxi, 2 ; S. Jérôme, In Abd., t. xvv, col. 1099, et quelques autres.

286. — Monnaie de Sébaste.

Tête laurée de Néron. — i ?- E. SEDASTHNQ… Astarté tourelée, debout, en tunique courte, portant sur la main droite une tète humaine, et tenant la haste de la main gauche ; dans le champ, L I (an 14).

Cf. Strabon, Géogr., xvi, Pline, H. N., v, 13 ; Mischna, II, 8 ; Chron. Samarit., xxiv ; Jules Africain, Chronique, t. x, col. 83 ; Origène, In l. M, Reg., t. xvii, col. 56 ; Eusèbe et S.Jérôme, Onomasticon, aux mots Samaria et Semeron, édit. Larsow et Parthey, 1862, p. 324, 325 ; 342, 345, etc. Il n’existe aucun doute sur l’identité du lieu.

II. Description. — Au milieu de son territoire riant et fertile, entouré lui-même de la vaste ceinture des monts d’Éphraïm alors couverts de vignes et d’arbres fruitiers de toute espèce, s’ouvrant à l’occident sur la plaine et la mer, avec ses larges murailles sur lesquelles circulait le roi, IV Reg., vi, 26, Samarie apparaissait aux Israélites du royaume septentrional semblable à un glorieux diadème dont ils s’enorgueillissaient. Is., xxviii, 1. Cf. Ant. jud., VIII, xiv, 1 ; IX, iv, 4. Ils la tenaient pour une ville imprenable. Amos, VI, 1 (fig. 287). La réponse aux menaces des prophètes mise dans la bouche des habitants de la ville par Isaïe, ix, 9 : n Les briques sont tombées, mais nous rebâtirons avec des pierres de taille, » semble la supposer primitivement construite avec les mêmes matériaux que la plupart des anciennes villes de Chanaan. L’expression, il est vrai, peut être figurée ou faire allusion aux habitations du peuple. Les maisons des grands et des riches y étaient en pierre de taille et l’ivoire abondait dans leur décoration. III Reg., xxii, 39 ; Amos, v, Il et iii, 15. Il y en avait servant de résidences d’été, d’autres d’hiver. Am., iii, 15. Le palais royal avait un étage supérieur ou cénacle avec fenêtres. IV Reg., i, 2. Il aurait été muni de tours d’après la Vulgate, IV Reg., xv, 25.

— La nouvelle Samarie relevée par Hérode sous le nom de Sébaste était une ville dans le goût des Grecs. Un très beau mur de vingt stades, ou 3700 mètres de développement l’environnait, c’est-à-dire qu’elle occupait tout le plateau supérieur de la montagne. Au centre s’élevait le temple de César. Bell, jud., I, xxi, 2. Une large avenue bordée de colonnes, dont une trentaine sont encore debout en leur place, les autres renversées, tracée au sud de l’acropole ou du temple, traversait la cité tout entière, d’est en ouest (fig. 288). Elle aboutissait de ce côté à une porte flanquée de deux grandes tours circulaires bâties avec un appareil d’énorme dimension. Un vaste édifice à hautes colonnes dont une quinzaine se dressent au nord-est sur leurs bases cubiques d’un mètre de hauteur ou sont à moitié enfouies en terre, paraît avoir été un autre temple construit au n « siècle de l’ère chrétienne ou au me par les colons romains. Une abside ajoutée au temple et les monnaies de Constantin qu’on y a trouvées indiquent

qu’il fut, au iv « siècle, converti en basiliquechrétienne. Au nord, mais en dehors de l’enceinte et au pied de la colline, une vaste entaille pratiquée en hémicycle où se voient plusieurs colonnes s'élevant au-dessus du sol, semble désigner la place du théâtre. Des aqueducs, réparés à diverses époques, prenaient l’eau aux sources des monts circonvoisins pour les amener au pied de la colline de Samarie. Une partie aboutissait sans doute à la piscine où les serviteurs d’Achab lavèrent le char ensanglanté sur lequel était mort leur maître. III Reg., xxii, 38. À l’extrémité orientale de la ville et non loin du chemin qui monte de ce côté on montrait encore, au ive siècle, le sépulcre d’Abdias et du prophète Elisée où les disciples de saint Jean-Baptiste avaient

devait se dresser une statue équestre. Dans le voisinage de l’autel, mais au-dessous, un fragment de mur renferme des pierres à refend de travail identique à celle de la grande construction du tell el-Mutesallem, où M. Schumacher découvrit le sceau de 'Ebéd Yeroboam. D’autres pierres à bossage proviennent d’un grand mur d’enceinte qui paraît avoir entouré toute la terrasse supérieure de la montagne. D’innombrables débris de poteries, de toutes les époques, étaient mêlés aux pierres et à la terre qui recouvraient les ruines du temple.

III. Histoire. — 1° Sous la dynastie d’Amri. — C’est la sixième année de son règne, ou l’an 925 avant J.-C, que le roi Amri jeta les fondements de la ville de

287. — Sébastyéh et la colline de Samarie. D’après une photographie de M. L. Heidet.

transféré de Machéronte son corps décapité. — La partie supérieure de la colline de Sébastyéh a été en partie mise à découvert en 1908, par les fouilles entreprises aux frais de l’université américaine de Harvard, sous la direction de M. G. Schumacher. Le roc y est perforé d’une multitude de citernes antiques et sa surface sillonnée de canaux et de rigoles, avec des cavités en forme de coupe semblant indiquer un lieu de sacrifices et de culte. C’est vraisemblablement l’aire sur laquelle s'élevait, dans le voisinage du palais royal, le temple de Baal. De vastes constructions, bâties de pierres à bossage et à refend, les remplacèrent postérieurement. Sur leurs restes servant de substructions, Hérode construisit le temple d’Auguste (fig. 289). Un grand escalier de seize degrés donnait accès à la plate-forme sur laquelle il se dressait. Quatre bases de colonnes colossales de plus d’un mètre vingt-cinq centimètres de diamètre gisent renversées en avant du pavement ; un de leurs chapiteaux, d’ordre dorique, a été jeté plus loin. Au côté occidental était un autel près duquel se trouvaient deux inscriptions latines dont l’une commençant par les lettres 1. 0. M. indique qu’il était consacré à Jupiter. Une statue mutilée, présumée d’Auguste, gisait non loin. Au bas de l’escalier, sur un large piédestal,

Samarie et y transféra de Thersa le trône des rois d’Israël. III Reg., xvi, 24. Le culte de Baal, avec un temple, un aulel et une 'aëéràh, y fut introduit par Achab (918-897), aussitôt après son mariage avec la Phénicienne Jézabel, y. 31-33. Le prophète Élie y vint peu après inaugurer son ministère prophétique, en se présentant au roi pour lui annoncer la terrible sécheresse dont Samarie allait tant souffrir, xvii, 1 ; xviii, 2. Sous le règne de ce roi, Samarie eut à subir son premier siège de la part du roi de Syrie Bénadad, xx, 1-21. L’année suivante, Achab rentrait dans sa capitale triomphant des Syriens, après la victoire d’Aphec, quand se présenta à lui un fils du prophète qui s'était fait meurtrir pour venir reprocher au roi d’avoir laissé aller Bénadad, en traitant avec lui. Achab se retira tout troublé et mécontent, en son palais, y. 3543. Par les conditions du traité passé avec le roi de Damas, on voit que sous le père de celui-ci les Syriens avaient des « places » ou bazars à Samarie, ꝟ. 34. — Trois ans après, le roi Josaphat vint à Samarie où on lui fit grande fête. Achab, qui voulait aller reprendre aux Syriens RamothGalaad, l’invita à l’accompagner dans cette expédition, Josaphat n’y consentit pas sans peine. Sur ses instances, le prophèteMichée, fils de Jamla, fut consulté et annonça

à Achab qu’il y périrait. Quelque temps après, le cadavre de ce roi était ramené sanglant sur son char à Samarie pour y être enseveli. Le char et les armes de ce prince lurent lavés à la piscine et les chiens léchèrent son sang, comme le Seigneur l’avait annoncé, xxii, 1-38 ; cf. xxi, 19 ; II Par., xviii. Voir Achab, t. i. col. 421-424.

— Deux ans plus tard, Élie se laissait amener à Samarie par le troisième groupe de cinquante hommes envoyés par Ochozias pour le prendre. Le fils et successeur d’Achab (897-896) était tombé de la fenêtre de sa chambre haute et était malade. Le prophète venait lui déclarer qu’il ne quitterait plus son lit, mais y mourrait. IVReg., i. — Un des premiers actes du règne de Joram (896-874), frère et successeur du précédent, fut d’enlever

Baal : il brûla ses simulacres, et rasa son temple, x, 1-27. Jéhu régna vingt-huit ans (884-856) à Samarie et y fut enseveli, ꝟ. 35-36. — Pendant le règne de son fils Joachaz (856-840), le culte d’Astarté persista à Samarie, xiii, 6. Sous Joas, fils et successeur de Joachaz (840-824), le prophète Elisée tomba malade, à Samarie, de la maladie dont il mourut. Le roi Joas étant venu le visiter, le prophète lui promit qu’il serait trois fois victorieux de la Syrie. Ayant vaincu Amasias, roi de Juda, le roi Joas fit transporter à Samarie tout l’or, l’argent et les vases du temple de Jérusalem qu’il avait pillé, avec les trésors royaux et les otages qu’il avait pris, xiv, 14 ; II Par., xxv, 24. Joas fut enseveli à Samarie, dans le tombeau des rois d’Israël. IV Reg., xïv,

288. — Colonnade de Sébastiyéh (d’est en ouest). D’après une photographie de M. L. Heidet.

la statue de Baal élevée à Samarie par son père, iii, 2. Sous ce prince et après l’enlèvement d’Élie, le prophète Elisée vint se fixer à Samarie, II, 25 ; c’est là que Naaman, général de l’armée de Syrie, vint le trouver. Voir Naaman, 3, t. i, col. 427. — Pris par les hommes d’armes du roi de Syriç à Dothaïn, le prophète les frappa d’aveuglement et les amena de là à Samarie où il dissipa leur illusion. Après leur avoir fait servir à boire et à manger, il les renvoya à leur maître, vi, 8-23. — Découragé pour un temps, le roi de Syrie, Benadad, ne tarda pas à réunir une nouvelle armée pour venir assiéger une seconde fois Samarie. Le siège dura longtemps et la famine devint affreuse. Une panique mit les Syriens en fuite, comme l’avait prédit Elisée, VI, 24-33 ; vu. Voir Elisée, t. ii, col. 1694.

2° Sous la dynastie de Jéhu. — Soixante-dix des descendants d’Achab vivaient à Samarie. Jéhu, après avoir tué Joram, de sa main, à Jezrahel, écrivit à leurs gouverneurs et aux anciens de la capitale de lui apporter leurs têtes. Les ayant reçues, il se dirigea vers Samarie, où il fit son entrée sur son char. Il extermina tous ceux qui avaient quelque affinité avec la maison d’Achab : les prophètes, les prêtres et les sectateurs de

16. — Son fils Jéroboam II y régna glorieusement en. viron un demi-siècle (824-772) et y fut aussi enseveli, ꝟ. 16, 24-29.

3° Sous les derniers rois d’Israël. — Après la mort de Jéroboam, Samarie ne fut plus guère qu’un champ de compétitions pour le trône et de régicides. Zacharie, fils du précédent, y périt après six mois de règne, victime d’une conjuration formée par Sellum qui le tua. xv, 10. Sellum porta la couronne un mois et fut assas. sine à Samarie par Manahem de Thersa qui prit sa place et régna dix ans (671-761), ꝟ. 14-17. Phacéia, son fils, occupa le trône deux ans (761-759) et fut assassiné au palais par Phacée, fils de Romélie, chef de l’armée, qui avait comploté contre lui pour prendre sa place. En même temps périrent Argob et Aria avec cinquante Galaadites, ꝟ. 25. Phacée, ayant battu Achaz, roi de Juda, lui fit un grand nombre de prisonniers qu’il voulut emmener à Samarie, mais il leur rendit la liberté sur l’intervention du prophète Obed. II Par., xxviii, 8-15. Phacée régnait depuis vingt ans à Samarie, quand Osée, fils d’Éla, conspira contre lui et le fit périr (729). IV Reg., xv, 30. — Jusqu’à ce jour, Samarie n’avait pas vu encore les Assyriens, bien qu’ils

fussent plus d’une fois arrivés presque jusqu’à ses portes. Cf. La Bible et les découvertes modernes, 1896, t. iii, p. 253. Théglathphalasar III y serait venu installer lui-même Osée sur le trône d’Israël et y recevoir son tribut, s’il faut prendre à la lettre le récit de son inscription. Ibid., p. 524-525. Salmanasar IV, successeur du précédent, instruit qu’Osée avait noué des relations avec Sua, roi d’Egypte, afin de se délivrer du joug de l’Assyrie, s’empara de sa personne et monta, avec son armée, pour mettre le siège devant Samarie. IV Reg., xvii, 4, 9.

4° Les menaces des prophètes. — Depuis longtemps les comptes de la justice divine s’accumulaient contre

Ses palais allaient être renversés ; son peuple semblable à un débris arraché de la gueule d’une bête féroce, ou tiré d’une chaudière bouillante, ou encore à un tison arraché à l’incendie, sera emmené en captivité. Am., m, 11-15 ; iv, 2-3, 11 ; vii, 11, 17. Elle deviendra comme un monceau de cailloux ramassés dans un champ. Les pierres de ses édifices seront roulées dans la vallée et leurs fondements mis à découvert ; ses statues seront brisées, et ses richesses livrées aux flammes. Mich., i, 6-7. Ses dépouilles enrichiront les Assyriens, Ps. viii, 4. Celait le traitement que les rois de Ninive faisaient subir aux villes prises par eux et que Salmanasar réservait à Samarie.

289. — Ruines du temple d’Auguste à Sébastyéh. D’après une photographie de M. L. Heidet.

cette ville et les prophètes n’avaient cessé de l’en avertir. Avec Amri, elle avait embrassé, dès son origine, le péché de Jéroboam I er, le schisme et le culte du veau d’or de Béthel. À la suite de Jézabel et d’Achab, ses habitants, à part quelques exceptions comme celle d’Abdias (voir Abdias, 2, t. i, col. 23), avaient adopté les cultes de Baal et d’Astarté. En enlevant les stèles de Baal, Joram n’en avait pas supprimé le culte. Jéhu l’extirpa et extermina la maison d’Amri, mais il resta, avec le peuple, attaché au schisme et au culte de Béthel et des idoles ; tous ses successeurs continuèrent à marcher dans cette voie. III Reg., xvi, 25-26 ; 30-33 ; xxii, 53-54 ; IV Reg., x, 29, 31 ; xiii, 2, 6, 11 ; xiv, 24 ; xv, 9, 18, 24, 28 ; xvii, 7-23. À ces fautes s’ajoutaient un immense orgueil, l’ivrognerie, l’injustice et une grande dureté à l’égard des faibles et des pauvres. Is., ix, 9-11 ; xxyiii, 1-8 ; Ez., xxiii, 4-9 ; Ose., vii, viii, x ; Amos, iii, 9, 14 ; iv, 1 ; vi, 1 ;-vm, 14 ; Mich., i, 5-7 ; il, m ; vi, 16. À cause de ces iniquités, la condamnation de Samarie était prononcée. Que Samarie périsse ! Qu’elle périsse par le glaive ! Que ses enfants soient écrasés et ses femmes enceintes éventrées ! Ose., xiv, 1.

5° La prise de Samarie et ses nouveaux habitants.

— Deux années entières, Samarie, bien que privée de son roi, soutint l’attaque de l’ennemi ; mais la troisième année du siège, la neuvième d’Osée (721), elle finit par tomber aux mains des Assyriens. IV Reg., xvii, 4-6 ; xviii, 9-10. Sargon s’attribue, dans ses Fastes, la prise de Samarie et la compte comme la première victoire de son règne. Oppert, Fastes de Sargon, 1. 2325. Cf. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 1896, t. iii, p. 554-560. Ce prince, qui allait succéder à Salmanasar, avait sans doute été chargé par celui-ci de pousser les travaux du siège et en avait personnellement procuré le succès. Peut-être ce fait eut-il aussi quelque influence sur son élévation au trône. Les habitants de la ville furent déportés en Assyrie. IV Reg., xvii, 6. Le nombre de ces exilés fut de 27290, d’après les Fastes. Ibid. ; F. Vigouroux, loc. cit., p. 554. Le vainqueur prit pour sa part de butin 50 chars. Il confia à un lieutenant le gouvernement de la ville où il avait laissé quelques habitants. Ibid. Ce sont vraisemblablement des descendants de ces derniers qui montaient à Jérusalem pour offrir de l’encens

et des dons, après l’assassinat de Godolias à Maspha, quand ils y furent eux-mêmes égorgés avec leurs compagnons, par Ismahel (586). Jer., xli, 5. À la place des Israélites déportés, le roi d’Assyrie envoya une colonie. formée de prisonniers de guerre chaldéens, cuthéens, syriens et autres. IV Reg., xvii, 24. En 715, Samarie reçut un nouveau groupe composé d’Arabes de diverses tribus. Inscription de Khorsabad, Salle 2, ii, 1. 3-8 ; cf. F. Vigouroux, loc. cit., p. 569.

6° Depuis le retour des Juifs de Babylone jusqu’à Constantin. — Aux lieutenants des rois d’Assyrie et de Chaldée commandant à Samarie avaient succédé, après la prise de Babylone par Cyrus (538), les satrapes persans. Ceux-ci, avec leur entourage, s’ils ne furent pas les instigateurs de l’hostilité acharnée et constante des Samaritains contre les Juifs, paraissent du moins l’avoir ordinairement favorisée. I Esd. iv ; ii, 19 ; iv, vl ; cf. Samaritains, col. 1424 ; Sanaballat, col. 1443 ; Réum Béeltéem, col. 1078 ; cꝟ. 1. 1, col. 1546. Alexandre le Grand, maître de la contrée, et avant de descendre en Egypte (333), avait laissé le gouvernement de la ville à un de ses officiers nommé Andromaque, selon Quinte-Curce, iv, 21. S’il faut croire cet auteur, seul à faire ce récit, les habitants de Samarie l’au raient brûlé vif et Alexan dre, pour venger cet outrage, les aurait exterminés en partie et dispersés, puis remplacés par une colonie gréco-syrienne. Quoi qu’il en soit, peadant toute la lutte des Machabées pour l’indépendance, le peuple de Samarie et ses chefs furent constamment avec les nations ennemies des Juifs. Cf. Ant.jud., XI, viii, 6 ; XII, iv, 1. Comme la population de Marissa, soumise par Jean Hyrcan, avait accepté la religion des Juifs, les Sama^ réens, à l’instigation du roi de Syrie Antiochus Cyzique, étaient venus ravager leur territoire. Prenant occasion de cette injure pour venger toutes les autres faites à son peuple, Hyrcan vint, avec des forces considérables, attaquer Samarie. Il l’environna d’un fossé profond et d’un double mur de 80 stades (près de 15 kilomètres) d’étendue et laissa ses deux fils Antigone et Aristobule poursuivre le siège. Pressés par la famine, les assiégés implorèrent le secours d’Antiochus qui s’empressa d’accourir avec une armée. Les deux frères le défirent complètement et refoulèrent les Samaréens dans leurs murs. Pensant amener les Juifs à lever le siège, Antiochus, assisté de troupes égyptiennes, alla ravager la Judée ; ce fut sans succès. Après une année entière de siège, Hyrcan emporta la ville d’assaut et la détruisit de .fond en comble (109). Ant. jud., XIII, x, 2-3. Les habitants furent emmenés en captivité par les Juifs. Bell. jud., i, ii, l. Pompée, maître de la Judée (63), rendit le -site de la ville aux Samaritains. Ant. jud., XIV, IV, 4 ; Bell, jud., i, vii, 7. Elle fut relevée elle-même par Gabinius, proconsul de Syrie, qui y établit de nouveaux habitants. Ant. jud., XIV, v, 3 ; Bell, jud., i, viii, 4. Hérode la reçut d’Octave, après la bataille d’Actium et à .la mort de Cléopâtre (31) qui l’avait possédée jusque-là. Ant. jud., XV, vii, 3 ; Bell, jud., i, xx, 3. La ville -agrandie, embellie, fortifiée et appelée du nouveau nom de Sébaste, fut peuplée par une colonie composée de six mille vétérans des armées hérodiennes et de gens des pays circonvoisins, païens pour la plupart, semblet-il (24). Grâce au riche territoire des alentours partagé aux colons, la ville se trouva de suite en pleine prospérité. La pensée du despote iduméen était surtout de se préparer un refuge en cas de révolte des Juifs contre .lui et il voulait en même temps s’assurer la domination de la province. Ant. jud., XV, viii, 5 ; Bell, jud., I, xxi, 2. C’est à Samarie qu’Hérode avait épousé Marianne, la descendante des Asmonéens. Bell, jud., i, xvii, 8 ; cf. xii, 3, et Ant. jud., XIV, XII, 1, et xv, 14. C’est à Sébaste que le tyran, jaloux et soupçonneux, devait envoyer les fils qu’il avait eus d’elle, pour y être étranglés par la main du bourreau. Ant. jud., XYI, ii, 7 ;

DICT. DE Là BIBLE.

Bell, jud., i, xxvi, 6. — Samarie n’avait jamais eu, si ce n’est avec son temple de Baal, au temps d’Achab.la suprématie religieuse qui, après avoir appartenue Béthel, était passée à Sichem ; Sébaste devait perdre bientôt sa prépondérance politique et administrative qu’elle parait avoir conservée jusque-là : elle allait passer à sa voisine Césarée qu’Hérode, tandis qu’il agrandissait Sébaste, construisait et dont les princes hérodiens devaient faire leur séjour préféré avant que les procurateurs romains y fixassent leur résidence. — À la mort d’Hérode (4 avant J.-C), Auguste confirma à son fils Archélaûs la possession de Sébaste (4 avant J.-C). Ant.jud., XVII, xi, 4 ; Bell, jud., II, vi, 3. À la déposition de ce prince (6 après J.-C.), elle fut annexée à la province romaine de Syrie, puis rendue par Claude, à son avènement à l’empire (41), à Hérode Agrippa I er. Ant. jud., XIX, v, 1. Quand ce roi mourut (44), les Sébastais célébrèrent des réjouissances publiques, insultèrent à sa mémoire et, avec ceux de Césarée, outragèrent honteusement les statues de ses filles encore vivantes. L’empereur voulut les châtier en envoyant en garnison dans le Pont tous ceux qui se trouvaient dans l’armée ; mais il se laissa toucher par la légation qu’ils lui envoyèrent et ils demeurèrent en Judée. Ant. jud., XIX, ix, 1-2. Un escadron de la cavalerie de Césarée portait le nom de Sébaste, ïXv) Ee6a<mr)i/<âv ; cinq cohortes paraissent en outre avoir été principalement composées de Sébastais. Pendant les troubles qui se produisirent en Judée sous les procurateurs, surtout sous Cumanus (48-52) et Florus (64), ces troupes, toujours hostiles aux Juifs, les maltraitèrent beaucoup. Bell, jud., II, xii, 5 ; cf. Ant. jud., loc. cit. Les Juifs se vengèrent, lors des massacres de Césarée, en se jetant sur Sébaste et en la livrant aux flammes (65). Bell, jud., II, xviii, 1. — La guerre de Judée terminée (70), Vespasien éloigna du district les troupes sébastaises. Ant. jud., loc. cit. La garnison de VAla milliaria Sebastena est indiquée à Asuada, probablement Ves-Sûêdah actuelle dans le Hauran, par la Notifia dignitatum imperii romani. Dans Reland, Palsestina, p. 230. Attaquée par Septime Sévère pour avoir suivi son compétiteur Pescennius Niger, Sébaste vit encore une fois sa population renouvelée par l’envoi d’une colonie étrangère (184). Dion Cassius, Sept. Severus, ix ; Ulpien, ’De censibus, i, 15.

7° Le christianisme à Samarie. — Les prophètes, en prédisante cette ville les malheurs dont elle devait être. frappée à cause de ses iniquités, avaient annoncé aussi qu’elle se convertirait au Seigneur, refleurirait et deviendrait la fille de Jérusalem. Ose., xiv ; Ezech., xvi, 53, 55, 61. Ces prophéties paraissent faire allusion à la conversion de Samarie à l’époque chrétienne. Le nom de Jésus ne pouvait y être inconnu, surtout depuis sa conversation avec la Samaritaine au puits de Jacob, Joa., IV, quand Philippe, l’un des sept diacres, obligé de quitter Jérusalem, à la persécution qui suivit la mort d’Etienne (33), descendit « à la ville de Samarie », Act., vm, 5, d’après la leçon des plus anciens manuscrits, Vaticanus, Alexandrinus, Sinaïticus. — Si un certain nombre de manuscrits plus récents lisent z’.t ; nàïn, sans l’article, les interprètes et les commentateurs ont généralement entendu cette expression comme les premiers, de « la capitale de la Samarie ». — Philippe se mit à prêcher Jésus-Christ, appuyant sa prédication de nombreux miracles. Toute la foule « unanimement » vint l’écouter et se convertit en masse. Dans la ville se trouvait alors le magicien Simon qui, depuis longtemps, la tenait tout entière asservie par les prestiges de ses enchantements. Lui-même demanda le baptême avec .la foule des hommes et des femmes qui le reçurent alors, ꝟ. 6-13. Les Apôtres restés à Jérusalem, en apprenant la conversion de Samarie, envoyèrent Pierre et Jean pour confirmer dans le Saint-Esprit les nouveaux disciples, ꝟ. 14-24. — Les troubles et les per V. - 45

séculions qui, pendant près dé trois siècles, se succédèrent dans tout le pays, ne purent étouffer les germes de la foi implantée par les apôtres à Sébaste. Le nom de cette ville se trouve sur toutes les listes des anciens sièges épiscopaux de la Palestine. Cf. Reland, Palsestina, p. 210, 214, 215, 220, 222, 228, 983 ; Le Quien, Oriens christianus, Paris, 1740, t. iii, col. 649-654. — L'Église de Sébaste se faisait honneur de garder les tombes d’Abdias, d’Elisée et de saint Jean-Baptiste. S. Jérôme, In Abd : , t. xxiv, col. 1099 ; I « Os., i, ibid., col. 933 ; Jn Mich., i, ibid., col. 1156. Julien l’Apostat ne le' put souffrir ; il fît ouvrir les sépulcres, brûler les ossements et dis la Palestine, El-Muqaddasi, en 985, ne la mentionne plus ; elle était devenue, comme elle est encore, une simple localité du district de Nàblus. Cf. Géographie, édit. de Goeje, Leyde, 1877, p. 165 ; Yaqùt, Dict. géogr., édit. Wûstenfeld, Leipzig, t. m (1868), p. 33. Dès les premières années du ix 8 siècle, la basilique dans laquelle on vénérait le sépulcre du saint Précurseur était en ruine ; seul le mausolée restait debout et continuait à être visité par les chrétiens auxquels se joignaient les musulmans, pour qui saint Jean est un grand prophète. Sébastyéh avait toutefois conservé son évêque. Commemoratorium de Casis Dei (c. 800), dans ltinera.,

290. — Ancienne basilique chrétienne. Tombeau de saint Jean-Baptiste, d’Elisée et d’Abdias. D’après une photographie de M. L. Heidet.

perser les cendres (361). Une partie cependant des saintes reliques put être dérobée au vandalisme des païens. Rufin, H. E., ii, 281, t. xxi, col. 536 ; Théodoret, H. E., m, 3, t. lxxxii, col. 1092 ; Chronic. Pasch., an. 361, t. xcii, col. 739. Les pèlerins, parmi lesquels nous voyons, en 386, saint Jérôme avec sainte Paule romaine, ne cessèrent point, en effet, de « venir à Samarie vénérer les cendres de Jean-Baptiste, d’Elisée et d’Abdias » et le Ciel continua d’y opérer ses prodiges. Cf. S. Jérôme., Epist. xlvi, 12 ; cf. Epist. crin, 13 ; t. xxii, col. 491, 889 ; Antonin de Plaisance, Itiner., t. lxxii, col. 902. Ces tombeaux étaient renfermés dans une basilique.

IV. État actuel. — Jusqu'à la conquête du pays par lès Arabes mahométans (636), Sébaste avait conservé, aves sa splendeur, une certaine prépondérance, du moins sur la région immédiatement voisine ; sous ces nouveaux maîtres devenue Sébastyéh, elle devait la voir passera Nàblus (Néapolis, l’ancienne Sichem), sa voisine, et elle n’allait plus cesser de déchoir. Si Ibn Khordadbéh, vers 864, la cite encore, Géographie, édit. de Goeje, Leyde, 1889, p. 79, parmi les principales villes de

Genève, 1877-1880, p. 304. Avec son église du sépulcre de saint Jean, rebâtie au xiie siècle par les Francs, devenue la cathédrale d’un évêque latin, Sébastyéh, appelée alors Saint-Jean par les Occidentaux, avait semblé un instant refleurir. Cf. Daniel hég. (1106), Pèlerinage, édit. Khitrowo, Genève, 1889, p. 57-58 ; Jean de Wurzbourg (1137), Descriptio T. S. ; t. clv, col. 1058 ; Theodorici Libellus de L. S. (1172), édit. de Tobler, S. Gall, 1865, p.95-96, etc. Occupées par les mahométans aussitôt après la fatale journée de Hattin (4 juillet 1187), Sébastyéh et sa cathédrale ne devaient pas tarder à retomber dans la désolation. En 1283, il n’y avait plus une seule maison habitée ou debout, si ce n’esl l'église des Croisés transformée en mosquée et le petit monastère des moines, grecs, avec son église où ceux-ci croyaient avoir la prison de saint Jean, située au milieu des ruines de l’ancienne Sébaste, à la partie la plus élevée de la montagne. Cf. Phocas, De Loch Sanctis, xiv, t. cxxxiii, col. 940, Burchard (1283), Descriptio T. S., 2e édit. Laurent, Leipzig, 1873, p. 53 ; Mugir ed-Din, Jérusalem et Hébron, édit. du Caire, 1283 (1866), P- 218,

287. Ishak Chelo, en 1334, ne trouvait plus à Sébaste que des ruines, parmi lesquelles s’élaient établis quelques pauvres pasteurs. Dans Carmoly, Itinéraires de la T. S., Bruxelles, 1847, p. 252. — Le village ainsi formé n’occupe pas la quinzième partie de l’emplacement de l’antique Sébaste, vers son extrémité orientale, dans le voisinage de l’église des Croisés. Il se compose d’une trentaine de maisons à toits plats, grossièrement construites avec des débris de ruines. La population n’y est guère que de deux cents habitants, tous cultivateurs et mahométans, à l’exception d’une famille de chrétiens arabes, schismatiques, qui s’y est établie depuis peu. De l’église du XIIe siècle (fig. 290), il reste les murs extérieurs avec leurs trois absides à l’orient et deux ou trois arcades en ogive. Elle mesure 50 mètres en longueur et 23 en largeur et était à trois nefs. Elle parait avoir été, après le Saint-Sépulcre, la plus importante des basiliques chrétiennes relevées par les Francs en Terre-Sainte. L’écusson des chevaliers hospitaliers de Saint-Jean qui se voit sur les murs et dont la croix a été martelée, semble indiquer qu’elle était leur œuvre. Dans le transept, les musulmans se sont fait une mosquée. Au milieu de la grande nef s’élève un petit édifice carré surmonté d’une petite coupole arabe blanchie à la chaux : c’est le monument sépulcral de saint Jean-Baptiste. Vingt et un degrés conduisent à une chambre inférieure ou crypte taillée dans le roc. Dans la paroi méridionale, trois ouvertures ovales laissent voir trois loges funéraires cinlrées, juxtaposées et construites avec de belles pierres de taille. Dans leur état actuel, elles paraissent remonter aux premiers siècles de l’ère chrétienne. C’est dans ces sépulcres qu’étaient déposés, au témoignage de tous les pèlerins, les restes vénérés du saint Précurseur, du prophète Elisée et d’Abdias. Les fragments de l’ancienne porte, en basalte, dont les caractères annoncent une haute antiquité, gisent sur le sol de la chambre. Près dé l’église, au nord, sont les restes d’assez vastes bâtiments avec de grandes tours croisées. C’était peut-être la résidence des chevaliers de Saint-Jean et celle de l’évêque latin du XIIe siècle. À l’exception de l’espace occupé par ces ruines, par le village et l’aire voisine où les paysans battent leur blé, tout le reste de la colline de Samarie est couvert de belles plantations d’oliviers, entre lesquels se trouvent quelques figuiers. C’est parmi ces arbres ou sous la terre qui les recouvre qu’il faut chercher les débris de l’antique Samarie et de Sébaste.

Bibliographie. — F. de Saulcy, Voyage en Terre-Sainte, in-8°, Paris, 1863, t. ii, p. 390-398 ; V. Guérin, Samarie, t. ii, p. 188-209 ; E. Robinson, Biblical Researches in Palestine, in-8°, Boston, 1841, t. iii, p. 138149 ; The Survey of Western Palestine, Memoirs, in-4°, Londres 188-2, t. ii, p. 160-161, 211-214 ; Fr. Liévin de Hamme, Guide indicateur de la Terre-Sainte, Jérusalem, 1887, t. iii, p. 54 65. L. Heidet.

3. SAMARIE, une des trois provinces de la Palestine occidentale au temps du Sauveur. — I. Nom. — Avant la chute du royaume des dix tribus séparées de Juda, le nom de Samarie avait souvent servi à- le désigner, en même temps que ceux d’Israël et d’Ephraïm. Cf. III Reg., xiii, 32 ; Ose., viii, x, xiv ; Amos, iii, iv, vi, vin. Après sa destruction, il devint l’appellation exclusive de la province, puis du simple district dont la ville resta la capitale ou le chef-lieu. Dans le texte hébreu (et dans la Vulgate par suite du défaut d’article dans le latin), le nom du pays ne se distingue point de celui de la ville d’où il le prend et parfois il est difficile de discerner s’il s’agit de l’un ou de l’autre. Ordinairement on le comprend par le contexte. Dans la version grecque, l’article, fi Sapapi’a, détermine la contrée. Am., IV, 1 ; I Esd n IY, 10, 1 Mach., v, 66. Celte

forme est fréquemment employée dans le Nouveau Testament. Joa., iv, 4, 5, 7 ; Act., viii, 5, 9, 14. I* formé de nom local « la Samaritide », fi Sajvapsîttfe se trouve I Mach., x, 30 ; xi, 28, 34 ; Matth., x, 5 ; Luc, IX, 52 ; Act., viii, 25.

II. Géographie. — 1° Limites et étendue. — À 1° chute du royaume d’Israël, son territoire ne comprenait plus guère que celui des deux tribus d’Ephraïm et de Manassé occidental, probablement réduit à 1* partie montagneuse. La province formée de ce territoire conquis par les Assyriens s’étendait primitivement de Béthel, la dernière ville marquant la frontière méridionale d’Israël, à la plaine d’Ësdrelon au nord, qui commence au pied des monts de la tribu de Manassé, et semble dès lors avoir appartenu tout entière à la Galilée. Ce sont les frontières que paraît lui tracer le livre de Judith, parlant de la Samarie antérieurement à la captivité de Babylone. Béthoron et Jéricho sont comprises dans son territoire, v, 4 (grec), et la plaine d’Ësdrelon y est attribuée à la Galilée ou du moins distinguée de la Samarie, i, 8, qui est restreinte, de ce côté, aux montagnes, IV, 4. Le Jourdain et la Péréo bornaient la province à l’est, cf. i, 9, et elle s’étendait sans doute encore jusqu’à la mer à l’ouest. Voir Éphraïm 2, t. ii, col. 1874 ; Manassé 7, t. lv, col. 674. La Samarie primitive se développait ainsi, tant en longueur qu’en largeur, sur une étendue d’environ 60 kilomètres. Ce territoire devait, dans la suite, s’amoindrir, surtout du côté du sud, au profit de la Judée. La chute de l’empire ninivite en aura vraisemblablement été la première occasion. Les Juifs reprenant, en vertu de l’édit de Cyrus, leur territoire d’avant la captivité, occupèrent en effet Béthel, toutes les localités en dépendant et plusieurs autres qu’avaient possédées les rois de Samarie. IIEsd., xi, 31, 34 ; cf. vii, 32, 36, 37 ; I Esd., ii, 28, 33-34. Les succès des Asmonéens lui coûtèrent d’autres portions plus considérables encore. Cf. I Mach., x, 30, 39 ; xi, 28, 31. « Le territoire de la Samarie », que ceux-ci avaient laissé tel qu’il était au temps du Sauveur, d’après la description de Josèphe, « compris entre la Judée et la Galilée, commençait au bourg de Ginœa, situé dans la Grande Plaine et se terminait à la toparchie d’Acrabathène… Près de la frontière commune [de la Judée et de la Samarie] était le village, le dernier de la Judée, appelé Anuath-Borcéos, » ou Borcéos-d’Anuath, fi’Avouàôou Bôpxoio ; , d’après les éditions de Niese. Bell, jud., III, iii, 4-5. En venant de Scythopolis, ville de la Décapole, au nordest on trouvait la frontière près de « Corœa qui commençait la Judée. » Ant. jud., XIV, iii, 4 ; Bell. jud., I, VI, 5. Du côté de l’occident, le territoire de la Samarie s’arrêtait à la plaine ; car « tout le littoral jusqu’à Ptolémaïde était à la Judée, » Bell, jud., IJJ, iii, 5. C’est ce que confirme Strabon donnant aux Juifs tout le pays appelé par lui, Géogr., xvi, 2, Apy(j.ô ; , c’est-à-dire vraisemblablement la plaine de Saron.Cf. Reland, Palmstina, Utrecht, 1714, p. 188 et 190. La Mischna, Gitlin., vii, 8, indique pour frontière de la Judée et de la Samarie « le village de’Utânê ». Cf. Ad. Neubauer, Géographie du Talmud, Paris, 1862, p. 56-57. Tout le pays entre cette localité et Antipatride était à la Judée. Talmud Bab., Gittin, 76 a ; cf. ibid. Archélaïde est encore classée par P tolémée, Geogr., V, xvi, parmi les villes de la Judée. Cet auteur l’indique plus au nord que Phasaëlide. La carte de Peutinger ht marque à XXIV milles au nord de Jéricho. — De ces indications il apparaît que la frontière septentrionale de la Samarie était l’extrémité du Merdj ibn-’Amer actuel, la Grande Plaine de l’historien juif et l’Esdrelon du livre de Judith, sur la lisière duquel se trouve la petite ville de Djenin, dans laquelle on reconnaît la Ginéa de Josèphe et l’Engannim biblique. Elle franchissait ensuite la petite chaîne de collines au sud du

Garmel, alors aux Tyriens, Bell, jud., III, iii, 1, et qui aboutissent aux hauteurs de Vmni el-Fahem, pour rejoindre la plaine côtière. L’extrémité orientale de celle-ci formait la limite jusqu’au-dessus de Medjdel Yâbâ, à l’entrée des montagnes judéennes, en face, à l’orient de Rds el-’Aïn ; les ruines qui se voient en cet endroit situé sur le territoire de Kefr-Sâba, sont généralement considérées comme celles d’Antipatride. De ce point, la frontière tournant à l’est, passait près de Deir-Ballût, au nord de Lubban, probablement la Beth-Luban des Talmuds, indiquée avec Belh-Rimah parmi les villes juives, Menahoth, IX, 7 ; cf. Neubauer, loc. cit., p. 82. Elle passait ensuite aunord de Bérûkin, identifiée par Guthe et d’autres, sur leurs cartes, avec la Borceos de Josèphe. Bérûkin d’ailleurs, voisin de Kefr’Ain dans lequel on peut voir Anuath, est situé à moins de deux kilomètres et demi au nord de Deir Ghussânéh, très probablement le’Utanê, > : hiï des Talmuds. On sait

que le’( ?) hébreu représente aussi bien le gh () arabe

que le’( J et que le t (n) est souvent prononcé s ou ss.

Ghussânéh est lui même à 1 200 mètres seulement au nord de Beit Bimah, au sud duquel se trouve, à deux kilomètres, Tibnalt, l’ancienne Thamna, chef-lieu de la Thamnitique. Bérûkin, à peine distant de 6 kilomètres de cette dernière localité, appartient, selon toute vraisemblance, à cette toparchie dont la limite, depuis sa séparation de la Samarie, dut former la frontière intermédiaire de cette province et de la Judée. Cf. I Mach., xi, 28, 31 ; Bell, jud., III, iii, 5. D’autres voient Borcéos et Anuath au Khirbet Berqît et à’Ain’Aïnah, au nord du Khân Lubbân. Cf. Buhl, Geogr. des alten Palàstina, Fribourg, 1896, p. 175. Quelle que soit la valeur de ces identifications, la frontière venant de Berùkîn devait passer au nord de ces localités, remontant vers le nord-est, pour contourner le territoire de’Aqràbéh, l’ancienne Acrabathène, et Qerâoua, la Coréa de Josèphe et la Qérùhim de la Mischna, Menahoth, ix, 7. Cf. Neubauer, loc. cit., p. 82, 83. De cet endroit, en continuant à suivre la direction nord-est, elle franchissait Vouâdi Fâr’a pour passer au nord du Bas Umm el-Kharrûbéh, non loin duquel se doit chercher le site d’Archélaïde. Cf. Ant. jud., XVII, xiii, 1 ; XVIII, ii, 2. D’Archélaïde, la frontière devait se diriger vers l’est pour aboutir au Jourdain à peu près en face du Tell Deir’Allah, l’ancienne Phanuel.

— Après la guerre de Judée, Pline, II. N., v, 12, rattache « la région du littoral [à] la Samarie ». Plus tard les conquérants mahométans firent reculer la frontière méridionale du « district de Nâblus » qui remplaça l’ancienne Samarie, jusqu’au sud de Lubbân (Lebonâ) et de Seilûti (Silo), où nous le trouvons aujourd’hui. Ce district s’élargit également de divers autres côtés, mais d’une manière variable.

2° Division. — La Samarie, de même que la Judée, était partagée par nomes (vonof, I Mach., x, 30, 38 ; xi, 34), ou toparchies (towap/t’at, ibid., 28). Cinq seulement de ces toparchies sont désignées ; ce sont celles qui furent détachées de la Samarie primitive pour être annexées à la Judée : les toparchies d’Aphéréma ou Ephrem, de Lydda et Ramathem, d’après I Mach., XI, 31 (grec), et celles d’Acrabahou Acrabbim et de Nabartha, d’après Josèphe, Bell, jud., II, xviii, 10 ; xxii, 2 ; III, iii, 4-5 ; IV, ix, 9. Dans la nomenclature des toparchies judéennes, la première est appelée de Gofna ou « la Gophnitique » et la seconde de Thamna ou « la Thamnitique ». Bell, jud., II, xx, 4 ; III, iii, 5 ; Pline, H. N., v, 14.

3° Description. — Le territoire de la province de Samarie, « par la nature de son sol et ses caractères généraux, ne diffère pas de celui de la Judée. Comme celle-ci, elle est formée de montagnes et de plaines se

prêtant admirablement aux travaux de l’agriculture, 1res fertiles et en partie couvertes d’arbres. Si la terre n’y est pas arrosée d’innombrables courants d’eau, les pluies y sont abondantes et les eaux douces et agréables. L’herbe qui y abonde permet d’y élever d’innombrables troupeaux et d’y avoir du lait en abondance. La preuve de cette fécondité, c’est l’exubérance de la population. » Bell, jud., III, ut, 4. Si quelques-uns des traits de cette peinture de l’historien juif se sont effacés ou atténués, sous l’influence désastreuse du régime qui, depuis plusieurs siècles, pèse sur la contrée, la plupart y sont cependant encore vrais ou reconnaissablés. — Les montagnes de la Samarie, dans son étendue primitive, comprenaient tout le massif connu anciennement sous le nom de « Montagne d’Éphraîm » auquel se joignait au nord le territoire montagneux de Manassé. Voir t. ii, col. 1879, et t. iv, col. 646. Dans l’état réduit de la Samarie du temps du Sauveur, elle n’en possédait plus que la partie septentrionale, un peu plus de la moitié qui formait tout son territoire. Les sommets les plus remarquables de cette partie et en même temps les plus célèbres étaient l’Ébal et le Garizim. Voir t. ii, col. 1524, et t. iii, col. 106. La montagne d’Amalec, t. i, col. 427, les monts de Gelboé, t. iii, col. 155 et « la montagne de Bethulie », Judith (grec), xiii, 11, étaient dans ses limites. — Les larges vallées ou les plaines y sont plus nombreuses et plus spacieuses que dans la partie méridionale ou que dans les montagnes de la Judée. Les plus remarquables sont la belle vallée de Fâr’a, la Béq’ah au sud-est de Tùbâs et de Tamrnûn, l’ouâd’es-Selhab sous Zabâbdéh, le Uerdj-Sanûrprès de la localitédu même nom, le Sahel-’Arrâbéh, l’antique « plaine près de Dothain », Judith (grec) iv, 7, et, près deNaplouse, le Sahel-’Askar dont le Sahel-Ràgib et le Sahel-Mahnéh sont la continuation. Ils formaient probablement ensemble « la vallée de Salem », ibid., 4, où se trouvait « la propriété de Joseph t> et le chêne de Moréh. Voir t. iv, col. 1269. Le torrent de Mochmur, Judith (grec), vii, 18, dont le nom peut être une altération de celui de Machméthath, semble devoir se chercher dans le voisinage de Mahnéh, qui rappelle le précédent. — Deux sources de la Samarie sont célèbres : la fontaine de Bethulie, Judith, xii, 7, et le puits de Jacob, près deSichem. Joa., iv, 6. La source de’Ainôn, à trois kilomètres au sud-est de Tûbâs, belle et abondante, ne peut avoir d’autre rapport avec l’  « Aennon, près de Salem, où Jean baptisait, » Joa., iii, 23, que la similitude du nom. Les eaux de Aïn-Mâléh, minérales et thermales, près de la petite ruine d’el-Hammdm, « les Bains », à 9 kilomètres à l’est de Téiyâslr, sont très recherchées des populations des alentours. Les eaux de Betoænea, à 15 milles (22 kil.) à l’est de Césarée, aujourd’hui’Anim, étaient de même réputées médicinales, au iv « siècle. Eusèbe, Onomasticon, au mot’Ave-p, Aniel, Berlin, 1862, p. 42, 43.

— Des grandes forêts où abondaient surtout le chêne, le pin, le thérébinthe et le qéqad et qui, il y a moins de cinquante ans, ornaient les monts et les collines au-dessous de la frontière septentrionale, il ne reste guère que quelques arbres épars ; elles sont remplacées par des broussailles. La vigne a disparu à peu près complètement. Par contre, les vallées et les plaines du Bjebél-Nâblûs se couvrent toujours de superbes et riches moissons dont les blés vont approvisionner les marchés de Jérusalem et de Jaffa où ils sont spécialement estimés.. — - Les troupeaux de moutons et de chèvres" errent enfcore nombreux sur les collines ; souvent aussi les vaches se rencontrent en troupes au bord des ruisseaux’de Ypuâdi-Far’a, près des fontaines du Sahel-’Arrdbéh’et dans. quelques antres régions arrosées par des sources nombreuses et où l’herbe se perpétue une grande partie de l’année.

4° Villes et population. — Un tout petit nombre

d’habitants israélites avaient été laissés dans le pays par Sargon après la prise de Samarie. Fastes de Sargon, t. xxvi, cf. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, Paris, 1896, t. iii, p. 559. Pour combler les vides faits par l’extermination et la déportation, « le roi d’Assyrie envoya [d’autres prisonniers de guerre], de Babylone, de Cutha, d’Avah, d’Émath de Sépharnaim et les établit dans les villes de Samarie, à la place des enfants d’Israël ; ils possédèrent Samarie et ses villes. » IV Reg., xvii, 24. Outre ces colons, Sargon transporta, en 715, un groupe de captifs arabes des tribus de Taroud, des Ibadidi, des Marsimani et des Hayapa. Inscript, de Khorsabad, Salle 2, ii, lig. 3-6 ; cf. F. Vigouroux, loc. cit. p. 569-575. D’autres troupes de captifs de la Babylonie, de l’Elam ou de la Perse, , vinrent rejoindre les premiers, au temps d’Asarhaddon, fils et successeur de Sennachérib (681-668). I Esd., iv, 2, 9. Cf. Vigouroux, loc. cit., t. iv, p. 73-75. Un assez grand nombre de captifs ou de fugitifs israélites, un peu avant l’invasion d’Holoferne, étaient, semble-t-il, venus rejoindre le petit groupe de leurs frères laissés par Sargon, Judith, iv, 2 (grec), et v, 23 (grec, 19). Les 80 hommes de Sichem, Silo et Samarie qui se rendaient au Temple quand ils furent tués par ïsmahel à Maspha, Jer., xli, 5, démontrent qu’il restait en Samarie, au temps de la captivité de Babylone, un nombre assez considérable d’Israélites attachés au culte mosaïque légitime. Ils semblent tous, au retour des Juifs de Babylone, les avoir rejoints en Judée, tant pour pouvoir observer plus facilement la loi que pour fuir les vexations de leurs voisins aux cultes hybrides. Dans tous les cas, il ne paraît pas qu’il y ait eu encore un seul Israélite fidèle en Samarie, à l’époque des Machabées. Par contre, les prêtres, les lévites et les autres, unis à des femmes étrangères, qu’Esdras et Néhémie expulsèrent pour ce fait, se réfugièrent en Samarie. Cf. I Esd., x ; II Esd., xiii, 28 ; Ant. jud., XI, vii, 2-VÏII, 4. Du mélange de ces Juifs prévaricateurs et des Israélites que les observances de la loi inquiétaient peu avec la masse des déportés chaldéens, araméens, arabes, persans et autres se forma le peuple des Samaritains dont Ben Sira disait : Ce n’est pas un peuple… la nation insensée qui habite Sichem. Eccli., L, 27, 28. — À ces éléments s’adjoignit dans la suite la population des colonies grecques, romaines ou syriennes qu’établirent Alexandre, les rois grecs de Syrie et d’Egypte, Hérode et les Césars.

Dans le Nouveau Testament il est fait allusion aux villes et aux villages de la Samarie, Matth., x, 5 ; Luc, IX, 52, 56 ; Act., viii, 25 ; mais deux seulement y sont nommés : Sicliar, Joa., iv, 5, et Samarie, Act., viii, 5. Dans les limites de la Samarie du 1 er siècle, à coté d’un nombre au moins double de localités ruinées (Khirbel), on compte aujourd’hui environ 175 localités habitées.. Parmi les unes et les autres un assez grand nombre portent des noms bibliques ou historiques plus ou moins parfaitement conservés. Déjà nous en avons rencontré quelques-unes dans ce cas ; on peut leur en adjoindre plusieurs autres. Parmi les noms les plus illustres on remarque : Ta’anak = Thanach, ancienne ville chananéenne ; Djelbôn qui a donné son nom au mont de Gelboé ; Tûbâs = Thébès, ou Abimélech fut tué de la main d’une femme ; fallûza = Thersa, la première capitale du royaume septentrional d’Israël ; Fâr’a = Ephra, patrie de Gédéon ; Ta’ana= Thanathselo appelée Théna parPtolémée, Géogr., 1. V, c. xvi ; Fa’rata = Pharathon, résidence du juge Abdon, ’Askar, la Sichar de l’Évangile, suivant plusieurs. D’autres, comme Djeba’, Tammûn, Djett, Rdméh, ’Attdrah, Sànûr, Sàeikéh, etc., retiennent sans doute des noms anciens, mais qui n’ont pas été inscrits dans les fastes de l’histoire. — Un grand nombre des localités habitées ont une population inférieure à 200 âmes ; une

dizaine atteignent le chiffre de 2000 et trois ou quatre peuvent arriver à 3000. Naplouse (Sichem), capitale actuelle de la province, renferme environ 25 000 habitants ; Sébastiyéh (Samarie), n’en a pas même 300. La population totale de la région ne dépasse pas 100000 âmes ; elle devait être plus que quadruple au temps du Christ et de ses apôtres. — Alors comme aujourd’hui, elle était formée des débris de toutes les races qui ont passé sur le sol de la Samarie. La masse en est maintenant mahométane. Des Samaritains il n’y en a plus nulle part, en dehors du petit groupe de Nâblus.

III. Histoire. — 1° Sous les Assyriens et les Chai-, déens (721-537). — La Samarie devenue presque déserte par suite de la guerre dans laquelle succomba la capitale d’Israël et de la transmigration de son peuple, fut envahie par une multitude de lions qui tirent de nombreuses victimes parmi les colons transplantés par les Assyriens. Ce fléau fut regardé comme une vengeance du Dieu du pays méconnu par les nouveaux habitants. Pour s’instruire dans le culte de ce Dieu, ils réclamèrent un des anciens prêtres israélites, transportés en Assyrie. Celui-ci vint s’établir à Bélhel, . auparavant déjà le centre religieux de la contrée. Tout en adoptant le culte de Jéhovah, chacun des groupes ethniques continua à servir les dieux de son pays d’origine ; il y eut ainsi en Samarie une multitude de cultes, puisque chaque hauteur eut son dieu et chaque ville sa religion propre. IV Reg., xvii, 21-44. Cf. F. Vigouroux, loc. cit., p. 575-586. — Les Israélites restés ou retournés s’étaient ralliés à Jérusalem et acceptaient la direction de ses chefs. Ceux-ci, lors de l’invasion d’Holoferne, envoyèrent en Samarie, des hommes chargés de tout organiser pour arrêter la marche de l’envahisseuret fortifier les villes. Judith, iv. L’héroïsme de Judithsauva le pays. Judith, v-xvi. — Les rois de Ninive ne paraissent pas avoir tenté de rétablir sur la contrée leur autorité ébranlée par cet échec. Quelques années après, le roi Josias pouvait sans rencontrer d’obstacle la parcourir tout entière pour y exercer son zèle en y abattant les hauts-lieux, en y brisant les emblèmes idolâtriques et en y renversant les autels, après avoir égorgé leurs prêtres dessus. IV Reg., xxill, 15-20. Il contraignit en outre tous les Israélites à observer la loi de Moïse. II Par., xxxiv, 33.

— Avec toute l’Asie occidentale, la Samarie dut se soumettre à la puissance de Nabuchodonosor, à son passage, lors de sa campagne contre l’Egypte (C04). Un des gouverneurs de Samarie pendant cette période, Nabu-Achisu, est connu par les inscriptions cunéiformes. Cf. H. Rawlinson, Cuneiform Inscriptions ? t. iii, pi. 34, col. ii, p. 94.

2° Sous les Perses et les Grecs (536-63). — Les premières manifestations de l’hostilité du peuple de la Samarie à l’égard des Juifs retournés de la captivité apparaissent à l’occasion du refus de ceux-ci d’admettre leurs voisins à relever le Temple du Seigneur avec eux. Tous les chefs s’unirent pour empêcher l’œuvre de Zorobabel, par la ruse, par les dénonciations et même par la force. I Esd., iv. Sanaballat, gouverneur de la Samarie, emploie les mêmes moyens pour empêcher Néhémie de rebâtir les murs de Jérusalem. II Esd., ii, 9 ; iv, VI. Un des petits-fils du grand-prêtre Éliasib avait épousé une des filles de ce satrape et fut chassé par Néhémie. II Esd., un, 28. C’est vraisemblablement à cette époque qu’il faut faire remonter le culte du Garizim rival de Jérusalem, et au gendre de Sanaballat qu’il faut l’attribuer. Cf. Garizim, t. iii, col. 111. — Un siècle plus tard Alexandre, après avoir vaincu Darius III, à Issus, s’avançait à la conquête de la Syrie et de la Palestine et avait mis le siège devant Tyr (332). Le satrape de la Samarie, appelé par Joséphe Sanaballète, oublieux des serments de fidélité prêtés au roi de Perse par qui il avait été nommé, vint trou

ver le prince macédonien pour lui offrir tout le pays dont il avait la garde ; il lui amenait en même temps un corps de troupes de huit mille hommes levés en Samarie. Ces soldats, après avoir assisté Alexandre au siège de Tyr, le suivirent à Gaza, puis en Egypte où il leur confia la Thébaïde à garder. Ant. jud., XI, viii, 4, 6. Après la révolte de la Samarie et le massacre du gouverneur Andromach, Alexandre y envoya des colons macédoniens. Deux localités du pays portant des noms grecs, Fundiik (n.xvboA.dov) et Fendakûmîéh ([lvnâ/.u>(iiaç), leur doivent peut-être leur origine. À la mort d’Alexandre (323), la Samarie devint le partage du roi de Syrie. Ptolémée, fils de Lagus, roi d’Egypte, la conquit sur eux, en 320. Un grand nombre des habitants du pays furent alors transportés en Egypte. Ant. jud., XII, I. Les chefs de ces deux royaumes ne cessèrent de se la disputer, de même que le reste de la Palestine. Elle fit partie de la dot que Cléopâtre, fille d’Antiochus III, apporta à Ptolémée Épiphane (198). Ibid., XII, rv, 1. En ce temps, les Samaritains se jetèrent sur la Judée, dévastèrent ses campagnes et massacrèrent une multitude de Juifs. Ibid. Pour échapper à la persécution d’Antiochus Épiphane, ils adoptèrent spontanément les superstitions helléniques. Ibid., v, 5. C’est avec les troupes levées en Samarie qu’Appollonius, qui en était préfet, tenta de s’opposer aux succès de Judas Machabée. Son armée fut complètement défaite, lui-même tué dans le combat et son épée tomba entre les mains de Judas, qui s’en servit depuis contre les adversaires les Juifs. I Mach., iii, 10-12. Le héros macbabéen était en Samarie quand Nicanor vint lui offrir le combat prés de Capharsalama. Le général syrien perdit cinq mille hommes et se retira à Jérusalem. II Mach., xv, 1 ; cf. I Mach., vil, 31. D’après la Vulgate et les Septante, I Mach., v, 66, Juda aurait fait auparavant déjà une autre expédition en Samarie, après celle en Idumée et à Hébron ; mais Josèphe, Ant. jud., XII, viii, 6, a lu Marissa au lieu de Samarie et de même l’ancienne italique. Le contexte indique d’ailleurs j l’expédition » dans « la terre des étrangers ». e ! ç yf, v à)XofJXuv, expression par laquelle la version grecque désigne constamment le paysdesPhilistins. — Jonathas s’empara des trois toparchiesdeLydda, Ramathaïin etÉphrem, c’est-à-dire de toute la partie méridionale de la Samarie, et les rois syriens durent reconnaître leur annexion à la Judée. I Mach., x, 30, 38 ; xi, 34. C( r Ant. jud., XIII, ii, 3 ; iv, 9. Profitant de la défaite par les Parthes d’Antiochus III et de sa mort (129), Jean Hyrcan pénétra en Samarie et s’empara de Sichem et du Garizim dont il renversa le temple. Ant. jud., XIII, IX, 1. Par la prise de la ville de Samarie (109), il soumit toute la province à la Judée.

3° Sous les Romains et la dynastie hérodienne (63 av.-70ap.J.-C). — Pompée enleva la Samarie aux Juifs pour la rattacher à la province romaine de Syrie (63). Ant. jud., XIV, iv, 4. Octave, vainqueur à Actium (31), la remît à Hérode avec la capitale du pays. Ibid., XV, vil, 3. Dans le partage du royaume d’Hérode à ses fils, Auguste la laissa à l’ethnarchie d’Archelaùs, tout en remettant aux habitants un quart de l’impôt parce qu’ils ne s’étaient pas révoltés avec les autres. Ibid., XVII, si, 4. À la déposition de ce prince, elle retourna à la Syrie (6 ap. J.-C). Ibid., xiii, 5. — Tandis que Ponce-Pilate exerçait la charge de procurateur, un grand nombre de Samaritains s’étaient réunis en armes à Tirathava (probablement Deir-Atab), sur la parole d’un imposteur qui promettait de les conduire au Garizlm où il leur découvrirait les vases sacrés qu’y avait cachés Moïse. Pilate leur tomba dessus avec sa cavalerie, en tua un grand nombre et mit les autres en fuite. Sur la plainte portée par les principaux du pays à Vitellius, légat de Syrie, celui-ci obligea Pilate à se rendre à Rome pour répondre devant l’empereur des I

accusations faites contre lui (37). Ibid., XVIII, iv, 1-2.

— La Samarie fut rendue par Claude à Agrippa I er, mais pour revenir, à sa mort, définitivement à la province de Syrie. Ibid., XIX, v, 1 ; viii, 2. — Les Juifs de la Galilée avaient coutume de passer par la Samarie pour se rendre à Jérusalem. Un groupe d’entre eux ayant été tué par les Samaritains de Ginéa, et le procurateur Cumanus, gagné par l’argent des Samaritains, n’ayant pas puni les coupables, il en résulta des désordres et des massacres qui ne finirent que par le bannissement de Cumanus. Ant. jud., XX, vi ; Bell, jud., II, xii, 2-7. — La Samarie paraît avoir été fatiguée, non moins que là Judée et la Galilée, des exactions des derniers procurateurs romains, en particulier de Florus, et avoir voulu se soulever avec les Juifs. Quoique les Romains eussent des postes militaires dans toute la Samarie, la population en armes se porta en masse au Garizim. Vespasien était alors occupé au siège de Jotapata(67) ; il envoya le chef delà Ve légion, Céréalis, avec un corps de 3000 fantassins et 600 cavaliers, pour étouffer le mouvement. Les troupes cernèrent la montagne. Comme les Samaritains n’avaient point d’eau, une partie se rendit aux Romains sans combat ; l’autre fut passée au fil de l’épée. Dix mille six cents périrent ainsi. Bell, jud., III, vii, 32.

4° Évangélisation de la Samarie. — Le Sauveur, de même que ses compatriotes juifs de la Galilée, dût souvent traverser la Samarie pour se rendre au Temple et à ses fêtes. Les Évangiles font allusion à deux passages de Jésus par ce pays pendant sa vie publique : au retour de la Judée, quatre mois avant la moisson, quand il s’arrêta au puits de Jacob, Joa., iv ; à son dernier passage avant sa passion, quand les Samaritains du village où il envoya ses disciples refusèrent de le recevoir. Luc, ix, 51-56. Quant aux dix lépreux qu’il guérit et dont l’un était Samaritain, il les rencontra probablement en Pérée, xvii, 11-19. Si dans ces voyages il instruit le peuple, comme à Sichar, Joa., iv, 40-42, c’est par occasion ; il s’était réservé aux brebis perdues de la maison d’Israël, Matth., xv. 24, et il avait interdit d’abord à ses Apôtres, en les envoyant évangéliser, d’entrer dans les villes de la Samarie. Matth., x, 5. L’évangélisation de cette province ne devaitcommencer qu’après l’Ascension. D’après l’ordre du Maître montant au ciel, elle devait venir en second lieu, après Jérusalem et la Judée, mais avant tous les pays de la gentilité. Act., i, 8. La persécution qui sévit à la mort d’Etienne, en obligeant les disciples à chercher un refuge en Samarie, donna au diacre Philippe l’occasion d’y annoncer le Christ et d’y répandre la parole de Dieu. Act., viii, 4-5. Les apôtres restés à Jérusalem, en apprenant la conversion de la Samarie, envoyèrent Pierre et Jean pour imposer les mains aux nouveaux fidèles. En retournant à Jérusalem, ils évangélisèrent personnellement une multitude de localités de la Samarie, ꝟ. 14, 25. L’église, revenue à la paix, en Samarie comme en Judée et en Galilée, te développa dans la crainte de Dieu et l’abondance des consolations de l’Esprit-Saint. Act., îx, 31. Saint Paul et saint Barnabe, en se rendant à Jérusalem pour y assister au concile, « passèrent par la Samarie, racontant la conversion des Gentils et remplirent de joie tous les frères. » Act., xv, 3. — La Samarie eut plusieurs sièges épiscopaux dont les deux principaux furent ceux de Sébaste et de Néapolis. Le célèbre apologiste du deuxième siècle, saint Justin, était originaire de cette dernière ville. Quoique les partisans de la secte samaritaine restassent nombreux, la population devenue chrétienne paraît avoir été la majorité à l’époque du triomphe du christianisme et quand les conquérants mahométans s’emparèrent du pays (636). — Toutefois c’est de la Samarie aussi que sortirent les premiers germes de l’hérésie et du schisme. Simon le magicien, rejeté de l’Église par saint Pierre, à Samarie, était de

Gilles, àizo Tt’-Ttov, aujourd’hui Qariet-Djelt, à 8 kilomètres au sud de Séhastyéh ; et Ménandre du village de Kapparetaia, probablement Kefr-’Atâya, à moins de 3 kilomètres au sud-ouest de Aqràbêh. S. Justin, Apol., ii, t. vi, col. 368 ; Eusèbe, H. E., ii, 1, 3, col. 138 et 167 ; S. Épiphane, Adv. hser., xxx, t. xli, col, 286 et 296.

IV. Bibliographie. — V. Guérin, Description de, la Palestine, Samarie, 2 in-8°, Paris, 1874-1875 ; Survey of Western Palestine, Memoirs, in-4°, Londres, t. ii, 1883 ; Ad. Neubauer, Géographie du Talmud, 1. I, c. iii, La Samarie, in-8°, Paris, 1868, p. 165-175 ; Cl.Gralz, Schauplatz der heiligen Schrift, nouv. édit., in-8°, Ratisbonne (1858), p. 371-392 ; K. Ritter, Erdekunde, in-18, Berlin, 1862, t. i, p. 620-674 ; C. R. Conder, Tent Work in Palestine, in-8°, Londres, 1878, t. i, p. 80-109. L. Heidet.

SAMARITAIN. — 1° Dans l’Ancien Testament (hébreu : haS-Somrônim ; Septante : oi Sapiapeîrat ; Vulgate : Samarilse), nom donné aux déportés que les rois d’Assyrie établirent dans le royaume d’Israël après la prise de Samarie. IV Reg., xvii, 29. Dans II Esd., iv, 2, où l’hébreu, iii, 34, porte Somrôn, la Vulgate a traduit Samaritani. — 2° Dans le Nouveau Testament, les descendants des étrangers établis en Samarie et pratiquant un judaïsme altéré sont appelés SaiiocpesTrç, Samaritanus, Matlh., x, 5 ; Luc, IX, 52 ; x, 33 ; xvii, 16 ; Joa., iv, 9, 39, etc. ; viii, 48 ; Act., viii, 25. Voir Samarie, Samaritains. Notre-Seigneur, dans une de ses paraboles, Luc, x, 25, 37, représente le Bon Samaritain comme un modèle de charité. Voir Adommim, 1. 1, col. 222.

    1. SAMARITAIN##

SAMARITAIN (PENTATEUQUE), texte hébreu du Pentateuque, en usage dans la secte des Samaritains. Il est écrit en anciens caractères hébreux et se distingue par diverses particularités du texte ordinaire des Bibles hébraïques. Origène, sur Num., xiii, 1, Bexapl., t. xv, col, 739, note (tô t<3v Ea[AapEtTwy’E6paï7.<5v) ; saint Jérôme, Prsef. in lib. Samuel., t. xxviii, col. 549, et plusieurs autres auteurs ecclésiastiques, de même que le Talmud, Jer. Solah, 21 6, cf. 17 ; Babli, 38 6 ; Jer. Meg., 6, 2 ; Jer. Yebam., 3, 2, etc., l’ont cité ou y ont fait allusion.

I. Manuscrits du Pentateuque samaritain. — Cependant, comme le texte du Pentateuque samaritain était resté inconnu, en dehors de ces antiques citations, les critiques en étaient venus à nier l’existence d’une édition samaritaine du Pentateuque, lorsque le célèbre voyageur Pietro délia Valle en trouva et en acheta un exemplaire complet à Damas en 1616. Achille Harlay de Sancy, ambassadeur de France à Constantinople, l’envoya en 1623 à l’Oratoire de Paris. J. Morin en fit la description, dans la préface de son édition des Septante, 1628, voir Morin, t. iv, col. 1283, et il le publia avec une Iraduction dans la Polyglotte de Le Jay, en 1615, t. vi ; Walton le reproduisit à son tour, 1657, avec quelques améliorations, dans le t. I de la Polyglotte de Londres. Entre 1623 et 1630, Ussher s’en procura six autres exemplaires, les uns complets, les autres incomplets, dont cinq furent déposés dans des bibliothèques d’Angleterre. Le sixième, envoyé à Louis de Dieu, est perdu. La Bibliothèque ambrosienne de Milan possède un exemplaire qui fut apporté en Italie en 1621. Peiresc acquit, de son côté, deux exemplaires, dont l’un entra à la Bibliothèque royale de Paris, l’autre à la bibliothèque Barberini à Rome (aujourd’hui au Vatican). Ces deux derniers contiennent le texte hébreu et samaritain avec une version arabe en caractères samaritains. Quelques autres exemplaires, les uns complets, les autres fragmentaires, sont parvenus depuis en Europe. L’âge de ces divers manuscrits « st difficile à déterminer, quoique plusieurs soient

datés. Ces dates ne sont pas toujours sûres, et l’écriture samaritaine est telle qu’elle ne permet pas de préciser d’époque. On admet qu’aucun des manuscrits parvenus en Europe n’est antérieur au Xe siècle de notre ère. Les uns sont en parchemin, les autres en papier de lin ou de coton, et de formats divers. %

Le Pentateuque conservé par les Samaritains de Naplouse est plus ancien. Beaucoup de pèlerins de Terre-Sainte ont pu le voir, mais non l’étudier. Le grand-prêtre des Samaritains vous en montre une page ouverte sans difficulté, mais pas davantage. Le manuscrit est en forme de rouleau et composé de 21 peaux parcheminées, de grandeur inégale, la plupart divisées en six colonnes, quelques-unes seulement en cinq. Chaque colonne contient de 70 à 72 lignes ; le rouleau entier renferme 110 colonnes ; il n’y a plus que la moitié environ du manuscrit qui soit encore lisible. Les Samaritains prétendent qu’il renferme cette inscription : « Moi, Abisâh, fils de Phinées, fils d’Éléazar, fils d’Aaron, le prêtre, — sur eux soit la miséricorde de Jéhovah. — En son honneur, j’ai écrit cette loi sainte à la porte du Tabernacle du témoignage, sur le mont Garizim, Beth El, la treizième année de la prise de possession de la terre de Chanaan et de toutes les frontières environnantes par les enfants d’Israël. Louange à Jéhovah. » Le texte de cette inscription est reproduit par Rosen, Aile Handschriften des samarit. Pentateuch, dans la Zeitschrifl der deutschen morgenlandischen Gesellschaft, r. xviii, 1864, p. 584. — Quoique cette date soit fabuleuse, il est certain que le manuscrit est très ancien. Il est écrit en lettres d’or. Les autres manuscrits connus sont écrits à l’encre noire. Les manuscrits samaritains n’ont ni pointsvoyelles ni accents, mais chaque mot est séparé par un point et les membres de phrase sont distingués les uns des autres par deux points. Le Pentateuque est divisé en 966 qasin ou sections. Voir Hupfeld, dans la Zeitschrifl der deutschen morgenlândischen Gesellschaft, t. xxi, 1867, p. 20.

II. Importance du Pentateuque samaritain. — La valeur, et l’autorité du texte samaritain du Pentateuque comparé au texte massorétique furent exagérées par J. Morin et il en résulta une controverse fort vive entre les savants contemporains. Morin, Exercitaliones ecclesiasticee inutruntque Samaritanorum Pentateuchum, in-4°, Paris, 1631 (cf. A.lngold, Essai de bibliographie oratorienne, in-8°, Paris, 1880-1882, p. 113), soutint que le texte samaritain était très supérieur au texte des Massorètes et que le premier devait servir à corriger le second, parce que le Samaritain était d’accord en beaucoup de cas avec les Septante et qu’il l’emportait par la clarté et l’harmonie dans divers passages sur l’hébreu juif. Il se fit une arme de ce texte contre les protestants et, s’il fut soutenu dans cette campagne critique par quelques savants, il fut vivement attaqué par d’autres, de Muys, Holtinger, Buxtorf, Leusden, etc. Moriniens et antimoriniens discutèrent d’abord sans grand profit, en faisant d’une question critique une question personnelle. En 1755, Ravius dans ses Exercitaliones philologicx in C. F. Hubiganlii Prolegomena in S. S., Leyde, 1761, réussit à établir et à faire admettre généralement que le texte massorétique mé-. ritait la préférence, quoique le samaritain pût fournir un certain nombre de bonnes leçons. On s’en tint à cette conclusion jusqu’à l’époque où Gesenius publia sa célèbre dissertation, De Pentateuchi Samaritani origine, indole et auclorilate commentalio philologica critica, in-4°, Halle, 1815, Bibliothèque nationale, A. 3999, qui diminua encore le crédit du texte samaritain, C’était la première étude véritablement scientifique publiée sur ce sujet, quoique un travail complet reste encore à faire sur la critique de ce texte. Sur tous les travaux antérieurs, voir Gesenius, ibid., p. 22-24.

III. Comparaison du texte samaritain avec le texte massorétique. — Gesenius, p. 26-61, rapporte à huit classes les variantes du Pentateuque samaritain.

— I. Variantes grammaticales. Elles consistent. — i » En additions de lettres quiescentes : arv^N pour uuha. — 2° Changement de formes rares ou poétiques

en formes communes : nb « n pour btin. — 3° Suppres " T

sion fréquente des lettres paragogiques i et > à la fin des mots : ri m pour in>n, etc. — II. Addition de gloses etd’interprétalionsdans le texte, lesquelles se trouvent fréquemment dans les Septante et doivent provenir en plusieurs cas de quelque ancien Targum : nap : i i ; t, « mâle et femelle », Gen., vii, 2 (dit des animaux), pour nuïNi ut>n. — III. Corrections souvent peu heureuses du texte : Gen., xli, 32 ; « parce que le songe a été redoublé » devient : surrexit iterum somnium.

— IV. Corrections ou additions tirées de passages parallèles : lorsque l’hébreu nomme seulement quelques-uns des peuples chananéens, le samaritain en complète la liste, Gen., xv, 21 ; Exod., iii, 8 ; xiii, 5 ; xxiii, 28, etc. — V. Additions plus considérables. J. Morin avait reconnu lui-même que le Samaritain avait ajouté au texte primitif des textes parallèles. Ainsi Exode, v, 6, 9 ; cf. xiv, 12 ; Exod., xx, 17 ; cf. Deut., xxvii, 2. — VI. Corrections de passages chronologiques et autres, en particulier dans l’âge des patriarches antédiluviens et postdiluviens. — VII. Corrections verbales et grammaticales, substituant des idiotismes samaritains aux formes hébraïques, en particulier substituant des gutturales les unes aux autres ; de même pour les quiescentes. — VIII. Passages modifiés pour les rendre conformes aux croyances et au culte des Samaritains. Ainsi les anthropomorphismes et les anthropopathismes sont éliminés ; le mont Garizim est substitué au mont Hébal, Deut., xxvii, 4. Voir aussi l’addilion à Exod., xx, 17, et Deut., v, 21. — Zach. Frankel, Veber den Einjluss der palàslinischen Exégèse auf die alexandrinische Rermeneutik, in-8°, Leipzig, 1851, et quelques autres ont ajouté de nouvelles remarques à celles de Gesenius. On compte plus de 6000 variantes entre le texte massorétique et le texte samaritain. L’opinion qui prévaut aujourd’hui, comme résultat des travaux publiés, c’est que le texte samaritain est inférieur au texte massorétique et que les changements qu’on constate dans le premier sont souvent systématiques et sans autorité réelle.

IV. De la date du Pentateuque samaritain. — Une partie des variantes qui viennent d’être signalées ne semble pas indiquer une époque très ancienne. La date du Pentateuque samaritain est obscure et l’étude du texte ne permet pas de la déterminer aisément. Jean Morin, Wallon, Kennicott, Jahn, admettent que le Pentateuque existait parmi les dix tribus d’Israël, de même qu’en Juda, à l’époque du schisme sous Roboam. Les Samaritains l’auraient donc trouvé dans le pays lorsqu’ils y furent déportés et ils en auraient fait une édition à leur usage. Naturellement les critiques qui nient l’origine mosaïque du Pentateuque rejettent cette opinion. Il faut reconnaître, qu’on ne peut alléguer aucun témoignage décisif en sa faveur et qu’on ne peut l’appuyer que sur des probabilités, les documents faisant défaut. — D’autres supposent que le Pentateuque fut apporté aux Samaritains vers 409 avant J.-C, par le prêtre juif, Manassé, gendre de Sanaballat, gouverneur de Samarie. Voir Garizim, iii, 20, t. iii, col. 111-112. On objecte contre cette hypothèse la parenté qui existe entre le Pentateuque samaritain et la version des Septante, laquelle n’existait pas encore du temps de Sanaballat, mais s’il y a des points communs entre les Septante et le Samaritain, il y a aussi beaucoup de différences et l’on peut soutenir que pour les deux textes les ressemblances provien nent d’une source antérieure. — Il existe un Targum samaritain du Pentateuque qui a éié imprimé, mais d’une manière défectueuse, dans la Polyglotte de Paris et dans celle de Londres.

Voir H. Petermann-C. Vollers, renlateuchus samaritanus, in-8°, Berlin, 1872-1891 (cf. S. Kohn, Die samarilanische Pentateuch-V ebersetzung, dmg, t. xlvii, 1893, p. 626-697) ; Ad. Brûll, Das samaritanische Targum (en caractères hébreux carrés), in-8°, Francfortsur-le-Main, 1873-1876. La tradition l’attribue au prêtre Nathanæl, au i or siècle de notre ère. D’autres, au ii « siècle. — Cf. sur la littérature samaritaine, J. Rosenberg, Argarizim, Lehrbuch der samaritanischen Sprache und Lileratur (dans Die Kunst der Polygïottie, Th., lxxi), in-16, Vienne, Pest, Leipzig, 1901, p. 77-89 ; E. Kautsch, Samaritaner, dans J. Hertzog, Realencyklopâdie, 3e édit., par A. Hauck, t. xvii, 1906, p. 440-445 ; P. Kahle, Texlkrilische und lexikalische Bemerkungen zum samaritan. Pentateuchtargum, in-8°, Leipzig, 1898.

    1. SAMARITAINE##

SAMARITAINE (grec : Satiapar-riç ; Vulgate : Samaritana), femme de Sichar convertie par Notre-Seigneur sur les bords du puits de Jacob. Voir t. iii, , col. 1075. Joa., iv. Les Grecs viennent de rebâtirl’ancienne église qui s’élevait autrefois en cet endroit (fig. 291). Ils l’appellent Pholine, col. 331, à cause de la lumière céleste dont Notre-Seigneur l’éclaira si admirablement, el ils lui ont dédié sous ce nom nombre d’églises. — Saint Jean, iv, 5-42, raconte dans un récit admirable de naturel et de simplicité, comment le Sauveur, assis auprès du puits, voyant cette pauvre femme du peuple, chargée de péchés, qui venait là chercher l’eau nécessaire à ses besoins domestiques, l’amena peu à peu à désirer une eau surnaturelle, autrement nécessaire à son âme, éleva cette intelligence simple jusqu’aux plus hautes vérités et lit ainsi d’elle la première convertie parmi les Samaritains, en même temps qu’unapôtre parmi les siens. Voir Acla sanctorum, martii t. m (20 mars), p. 80.

    1. SAMARITAINS##

SAMARITAINS (hébreu : Sômronîm, II (IV) Reg., xvii, 29 ; Septante : Sa(iapîïrai ; Vulgate : Samaritani), habitants de la Samarie. Leur origine et leur histoire ont été traitées dans l’article Samarie, col. 1418. Il s’agit maintenant de les considérer au point de vue de » croyances et des pratiques religieuses.

1° Leurs croyances. — Quand Sargon eut transporté en Samarie des populations tirées de Babylonie, il leur envoya un des prêtres exilés pour leur apprendre le culte de Jéhovah. IV Reg., xvii, 28. Ce prêtre, appartenant a l’ancien royaume de Samarie. Ti’élait probablement ni d’une origine sacerdotale ni d’une orthodoxie très régulière. On comprend néanmoins, que les malheurs qui avaient accablé la nation, aient fait réfléchir, et qu’une réaction sensible en faveur du vrai culte de Jéhovah en ait été la conséquence. D’autrepart, un bon nombre des anciens habitants du pays étaient restés au moment de la déportation ; les vieilles croyances survivaient chez eux, et elles n’eurent pas de peine à dominer peu à peu les idées idolâtriquesdes nouveaux colons. Après le retour des captifs de-Juda, les Samaritains prétendirent faire partie intégrante de la nationalité israélite et de la communauté religieuse, et ils demandèrent à être admis à partager les travaux de la reconstruction du Temple-I Esd., IV, 2. Us appuyèrent leur prétention sur le culte qu’ils rendaient au vrai Dieu et sur les sacrifices, qu’ils lui offraient. Éconduits par les Juifs, ils se construisirent un temple sur le mont Garizim, consacréjadis par les bénédictions mosaïques. Deut., xxvii, 12. Voir Garizim, t. iii, col. 106. Cette construction se fit, non pas du temps d’Alexandre le Grand, mais dès

l’époque de Néhémia, selon les références fournies par Josèphe, Ant. jud., XI, vii, 2 ; viii, 2. Cf. II Esd., xiii, 28. — II est à remarquer que, laissés sans réponse par le grand-prêtre de Jérusalem, dont ils avaient réclamé l’intervention pour la reconstruction de leur temple détruit par les prêtres égyptiens, les Juifs d’Éléphantine s’adressèrent ensuite aux autorités de Samarie. Cf. Les nouveaux papyrus d’Éléphantine, dans la Revue biblique, 1908, p. 327, 346, 347. Ils n’ignoraient pas alors le schisme samaritain, mais ils escomptaient la rivalité qui divisait les fidèles des deux temples et, en tous cas, considéraient leur appel comme légitime. — Les conditions dans lesquelles s’établit la religion samaritaine expliquent naturelle des âmes et à la résurrection des corps. Ils attendaient le Messie, Joa., iv, 25, qu’ils nommaient Tahêq, « celui qui instruit ». Ils le considéraient en même temps comme roi et prêtre. Ils célébraient fidèlement le sabbat, cf. Nedarim, iii, 10, et les fêtes prescrites par la Loi. Lev., xxiii, 4-43. Cf. Josèphe, Ant. jud., XI, viii, 6. Ils pratiquaient la circoncision au huitième jour, admettaient les secondes noces quand le premier mariage n’avait pas eu d’enfant, mais jamais les troisièmes, et ne recouraient que rarement au divorce. En somme, tout en admettant ce qu’il y avait d’essentiel dans les croyances et les pratiques du judaïsme, ils méconnaissaient tout le développement apporté à la Loi religieuse par les prophètes, occupant ainsi vis-à-vis

291. - Plan de l’église du Puits de Jacob. D’après Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1900, vis-à-vis Le puits est situé dans l’abside du milieu. On avait placé au-dessus le maitre-autel.

delaP’62’ment son caractère. Il est évident que le prêtre envoyé par le roi d’Assyrie ne put enseigner que ce qu’il savait. Or, dans l’ancien royaume de Samarie, le Pentateuque était resté le code religieux par excellence, malgré les innombrables infractions auxquelles les Israélites s’étaient livrés. Par suite de l’antagonisme qui divisait les deux royaumes depuis Jéroboam, les livres sacrés postérieurs au schisme avaient été non avenus en Israël. Aussi les Samaritains n’admet-taient-ils que le Penlaleuque, à l’exclusion de toutes les autres Écritures. À plus forte raison ne tenaient-ils aucun compte de tous les développements doctrinaux ou législatifs ajoutés à la Loi par les docteurs pharisiens. Ils croyaient au Dieu unique, dont ils n’admettaient aucune représentation sensible, rompant ainsi avec la tradition des veaux d’or-de Jéroboam. Ils excluaient même soigneusement tout anthropomorphisme dans leur manière de parler de Dieu. Ils tenaient Moïse pour le prophète de Dieu et révéraient la sainteté de la Loi, qu’ils se piquaient de mieux observer que les Juifs. Ils croyaient aux bons et aux mauvais anges, au ciel et à l’enfer, au jugement

de la religion juive une position analogue à celle de l’Église grecque vis-à-vis du catholicisme. Par-dessus tout, ils se séparaient des Juifs pour la pratique du culte liturgique, qu’ils célébraient dans leur temple de Garizim. Apres la destruction de cet édifice, ils continuèrent à regarder la montagne comme leur lieu saint. Joa., IV, 19. Cf. J. C. Friedrich, Discussionum de christologia Samaritanorum liber, Leipzig, 1821 ; Gesenius, De Samaritanorum theologia ex fontibus ineditis conimentalio, Halle, 1822, p. 41-46 ; Schùrer, Geschichte des jûdischen Volkes, Leipzig, t. ii, 1898, p. 16-18.

2° Leur état religieux aux yeux des Juifs. — L’Ecclésiastique, l, 27, 28, traite sévèrement les Samaritains :

Il y a deux peuples que condamne mcn âme, Et un troisième qui n’est même pas un peuple : Les habitants de Séir, les Philistins Et le peuple insensé de la montagne de Sichem.

Les Septante remplacent même Séir par Samarie. Les Samaritains sont ainsi mis au même rang que les Iduméens et les Philistins idolâtres. Les contemporains de Notre-Seigneur croyaient lui adresser une

suprême injure en l’appelant « samaritain ». Joa., viii, 48. Par mépris, on appelait les Samaritains, du nom d’undes peuples idolâtres qui avaient colonisé Samarie, Cu’théens, IV Reg., xvii, 24, Kûlîm, Berachoth, vil, 1 ; vm, 8 ; Pea, ii, 7 ; Rosch haschana, II, 2 ; Nidda, IV, 1, 2 ; vii, 3, 4, 5 ; etc., Xo-jôaïoi, Josèphe, Ant. jud., IX, xiv, 3 ; XI, iv, 4 ; vii, 2 ; XIII, IX, 1. À certains moments d’exaspération, les Samaritains se vengeaient en jouant des mauvais tours aux Juifs. Comme ceux-ci allumaient des feux sur les montagnes pour annoncer la néoménie, les Samaritains en allumaient avant la date officielle pour tromper leurs adversaires. Cf. Rosch haschana, ii, 2, 4 ; Gem. Betza, 4, 2. Un jour, ils jetèrent des ossemenls humains dans le Temple, pour interrompre les solennités de la Pâque. Cf. Josèphe, Ant. jud., XVIII, ii, 2. La traversée de leur pays par les Israélites qui se rendaient à Jérusalem exposait ces derniers à toutes sortes d’avanies. Luc, ix, 52, 53. Cf. Josèphe, Ant. jud., XX, vi, 1 ; Bull, jud., II, LU, 3. Aussiles Galiléens préféraient-ils faire le tour par la Pérée. En général, les Juifs s’abstenaient de tout rapport avec les Samaritains. Joa., iv, 9. On en vint même à dire que manger une bouchée reçue des Samaritains équivalait à manger de la chair de porc. Cf. Schebiith, viii, 10 ; Tanchuma, fol. 43, 1. — Néanmoins, les docteurs juifs apportaient plus de modération dans leurs jugements sur les Samaritains. La. Samarie était regardée comme faisant partie de la Terre-Sainte. Cf. Mikvaolh, viii, 1. Josèphe, Bell, jud., 111, iii, 1, le suppose sans hésitation. Tout était pur en Samarie, la terre, l’eau, les maisons, les chemins. Cf. Jer. Aboda sara, fol. 44, 4. On pouvait faire la Pâque avec les azymes des Samaritains. Bab. Kidduschin, fol. 76, 1. La nourriture des Cuthéens était permise aux Juifs, pourvu qn’elle ne contint ni viii, ni vinaigre. Jer. Aboda sara, fol. 44, 4. Trois Samaritains devaient faire la prière avant le repas, aussi bien que trois Israélites. BeracJioth, vii, 1 ; viii, 8. L’indemnité de séjour était de droit pour la jeune fille samaritaine aussi bien que pour l’israélite. Kelhubolh, iii, l. Cependant on ne recevait de sacrifices liturgiques ni des Gentils, ni des Samaritains. Schekalim, i, 5. On doutait que ces derniers appartinssent réellement à la communauté d’Israël. Kidduschin, iv, 3. Mais on les distinguait très formellement des idolâtres. Berachoth, vu, 1 ; Déniai, iii, 4 ; v, 9 ; vi, 1 ; Tcmmoth, iii, 9. On les assimilait plus volontiers aux Sadduçéens : il Les Sadducéennes qui suivent les senlimenls de leurs pères sont semblables à des Samaritaines. » Nidda, iv, 2. En somme, les Samaritains étaient moins regardés comme des étrangers, que comme un peuple de race mélangée et de religion incomplète. 3 « Leur rôle dans l’Evangile. — Au début de son ministère évangélique, Notre-Seigneur se rendit en Samarie, au puits de Jacob. Le récit sacré.met en lumière, à cette occasion, les principaux traits qui caractérisent les Samaritains, l’antagonisme qui existé entre eux et les Juifs, leur persuasion qu’ils descendent de Jacob, leur culte pour le Garizini en opposition avec la préférence que les Juifs donnent à Jérusalem, leur attente du Messie qui doit instruire de toutes choses. Joa., iv, 9-25. Les disciples ne font aucune difficulté d’aller acheter des vivres dans une ville samaritaine et ils en rapportent. Joa., iv, 8, 31. Enfin, non seulement la Samaritaine croit en Jésus, mais les habitants de Sichar l’accueillent, beaucoup croient eux aussi et, sur leur demande, le Sauveur demeure deux jours avec eux. Joa., iv, 28-42. Plus tard, dans une ville du nord de la Samarie, Notre-Seigneur ne fut pas reçu par les habitants. Loin de les en châtier, il réprimanda sévèrement Jacques et Jean qui voulaient appeler le feu du ciel sur le bourg inhospitalier. Luc, îx, 51-56. Traité de Sama ritain et de possédé du démon, il ne releva pas le premier qualificatif et se contenta de repousser le second. Joa., viii, 48, 49. Il fit plus. Dans une de ses plus touchantes paraboles, il mit en’scène un pauvre Juif blessé, auquel un prêtre et un lévite qui passaient ne portèrent pas secours, tandis qu’un Samaritain en voyage s’arrêta, le soigna et le conduisit dans une hôtellerie. Quand le Sauveur demanda ensuite au docteur de la loi lequel des trois était le prochain du blessé, celui-ci, au lieu de répondre : « le Samaritain », s’abstint de prononcer ce nom abhorré et dit seulement : « Celui qui a pratiqué la miséricorde. » Luc, x, 30-37. Une autre fois, quand Notre-Seigneur eut guéri dix lépreux, un seul revint pour lui rendre grâces, tandis que les autres allaient se montrer aux prêtres. Ce lépreux reconnaissant était un Samaritain qui, sans doute, n’avait pas à se montrer aux prêtres juifs, mais seulement à ceux de son pays. Notre-Seigneur lit remarquer la démarche de ce lépreux, qu’ilappelaàXXoYEvik, alienigena, un étranger, c’est-à-dire un homme que les Juifs ne regardaient pas comme de la même race qu’eux et qui pourtant rendait mieux gloire à Dieu. Luc, xvii, 11-19. La manière dont Notre-Seigneur traite les Samaritains contraste donc, par sa sympathie, avec la rigueur habituelle des Juifs. — En envoyant ses Apôtres à leur mission d’essai, le Sauveur leur interdit le territoire des Gentils et les villes des Samaritains. Les difficultés qu’ils y auraient rencontrées eussent été trop considérables pour eux. Matth., x, 5. Mais ensuite ils reçurent l’ordre d’aller prêcher, après la réception du Saint-Esprit, dans la Judée, la Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre. Act., i, 8. La Samarie est mentionnée expressément, aussitôt après la Judée, pour montrer que la grâce appelle les Samarilains aussi bien que les Juifs. Simon le magicien s’était attaché les gens de ce pays par ses prestiges. Mais la prédication et les miracles de Philippe convertirent un bon nombre de Samarilains et, entre autres, le magicien lui-même, si bien que Pierre et Jean vinrent de Jérusalem pour leur donner le Saint-Esprit. Act., viii, 4-17, 25. L’Église ne fit ensuite que se développer dans ce pays, tout comme en Judée et en Galilée. Act., ix, 31. Plus tard, Paul et Barnabe traversèrent la Samarie et y encouragèrent les chrétiens. Act., xv, 3.

H. Lesêtre.
    1. SAMBUQUE##

SAMBUQUE (chaldéen : sabëkâ et sabëkâ ; Septante : aa|j. ?jx/i), instrument à cordes de la famille des harpes. Le nom grec de la sambuque, (japLëj-zr, dans les Septante, Çajji.ë-Jxr, dans Théodotion, n’est que le nom sémitique transformé. Le pi est une lettre de liaison qui remplace le renforcement ou redoublement de la labiale. La racine est : rpo, « entremêler, entrelacer, disposer obliquement (les cordes) ». À la première forme sabëkâ, Dan., iii, 5, les copistes ont substitué trois fois èabëkà, f.l, 10, ô. Sous ces deux orthographes, la sambuque fait partie de la nomenclature des instruments babyloniens mentionnée dans le récit de l’inauguration de la statue d’or de Nabuchodonosor. Voir Symphonie, Syringe.

Cet instrument affectait la même forme triangulaire que les petites harpes primitives. Voir Harpe, t. iii, col. 431. Comme le trigone, ibid., il comptait quatre ou cinq cordes, courtes, donnant par conséquent des sons aigus (voir Musique des Hébreux, t. iv, col. 1352), c’est-à-dire l’octave supérieure des instruments à ton normal, propres àaecompagner les voixde femme s. C’estd’ailleurs aux mains des femmes que les représentations anciennes mettent ces petites harpes. G. Weiss, Die musikalischen Instrumente in den heiligen Schriften des A. T., Graz, 1895, p. 67. Les auteurs anciens indiquent des joueuse » de sambuque, sambucistrix, parmi les musiciennes employées à Rome dans les festins. Weiss, p. 65, noie 4. '

La sambuque était donc une importation asiatique due aux Grecs. Strabon, x, 17. Suivant Gevaërt, Histoire et théorie de la musique dans l’antiquité, Gand, 1881, t. ir, p. 245, la sambuque serait identique à la lyre phénicienne, ).upoçoïvi ?. Mais le texte d’Athénée : xal tô zplyoowi… Sjpeov eO’pe ! J.i çr, (riv eïvat, a> ; xai xov xaXoûp-evov).upo ?o : vtxa [xaï zrf/ (?)] c « pl6Cxï]v, IV, p. 175, est peut-être incomplet, et semble en désaccord avec un autre passage du même, xiv, p. 636. De plus, il est incontestable que la sambuque appartenait à la famille des harpes et non à celle des lyres ou cithares. Les divers instruments de petite taille, soit à cordes, comme la sambrique, le phénicion, la magadis et peutêtre la peclis, soit même les instruments à vent, élaient appelés magadisants, c’est-à-dire oclaviants, les anciens se servant d’un chevalet, tiayâç, pour diminuer de la moitié de leur longueur les cordes tendues de ces instruments et leur faire produire les sons à l’octave supérieure. Il est vraisemblable, quoique les monuments ne l’indiquent pas d’une façon absolue, que le plectre fut substitué, dans le jeu de ces instruments à cordes hautes, à la percussion manuelle, pour diminuer la fatigue du joueur en même temps que pour augmenter la force de vibration de ces petites cordes. Voir Plectre, t. iv, col. 363. J. Parisot.

    1. SAMGAR##

SAMGAR (hébreu : Samgar ; Seplanle : E^sy^f)t fils d’Anath, le troisième juge d’Israël. Jud., iii, 31. Il tua 640 Philistins avec un aiguillon, qui est une arme redoutable en Palestine. Voir Aiguillon, 1. 1, col. 309, et tig. 62, col. 308. On a fait sur l'étymologie de son nom et sur la tribu à laquelle il appartenait des hypothèses nombreuses, mais toutes fort incertaines. Jud., iv, 6. .Débora rappelle l’exploit deSaingar dans son cantique. Jud., iv, 6.

    1. SAMIR##

SAMIR (hébreu : Sâmîr ; Septante : Eaiiip ; Alexandrinus, Jos., xv, 48 : Sassîp, et Jud., xi, 2 : Sajjiafet’a), ^. nom d’un lévite et de deux villes d’Israël.

1. SAMIR (hébreu : Sentir ; Septante : £a ; j.YJp), lévite, fils de Micha, de la famille de Caalh. I Par., xxiv, 24.

2. SAMIR, ville attribuée à la tribu de Juda.Jos., xv, 48. Elle est la première et avant Jether, Socoth, Danna, Dabir, Anab, Istemo, Anim, des villes indiquées « dans la montagne », c’est-à-dire à l’est de la plaine des Philistins. La plupart de ces dernières ont été retrouvées, du moins avec une très grande probabilité, sur les collines qui s'étendent au sud-ouest d’Hébron, dans le territoire qui fut détaché de celui attribué d’abord à Juda pour être donné à la tribu de Siméon ; c’est dans la même région que se doit chercher Samir. Les explorateurs l’ont généralement reconnue dans le Khirbet Sômara. Cette « localité ruinée », dont le nom est étymologiquement le même, est située à Il kilomètres au nord-ouest de 'Allir, à 8 à l’ouest-nord-ouest de Schûeikéh, à 4 au nord-ouest d’ed-Dâhariéh, à 3 au nord de 'Anâb et à 13 à l’ouest-nord-ouest d’es-Semû'a, localités communément identifiées avec Jéther, Socoth, JJabir, Anab et Istemo. On trouve en ce lieu de nombreuses citernes anciennes qui occupent un assez vaste espace, et aux alentours un grand nombre de grottes. La colline sur laquelle se trouvent ces restes s'élève de 637 mètres au-dessus de la mer. Voir V. Guérin, Judée, t. iii, p. 364 ; Palestine Exploration Fund, The Survey of Western Palestine, Menwirs, t. iii, p. 262.

L. Heidet.

3. SAMIR, ville de la montagne d'Éphraïm, résidence du juge Thola, où il fut enseveli. Jud., xi, 2. — Le copiste alexandrin en transcrivant son nom Eajiapst’a, semble la croire identique à Samarie ; mais le nom

de Samarie dérivé du nom de son propriétaire Somer

III Reg., xvi, 24, est de beaucoup postérieur. — Biêss identifie Samir avec le « Kh. Samir, à 7 kilomètres vers l’est d’Akrabéh ». Bïbel’Allas, Frihourg-en-Brisgau, 1887, p. 26. Les explorateurs anglais ont reconnu un ouâdî-Zdmir, à l’est d’Aqrdbéh, mais n’ont point trouvé de ruine du même nom. Cf. Map of Western Palestine, Londres, 1880, f » xv. La vallée peut cependant avoir été ainsi appelée d’une localité voisine du même nom disparue. On ne voit pas toutefois le molif qui aurait pu déterminer Thola, de la tribu d’Issachar, à chercher une région si écartée pour juger Israël. — Le rabbin J. Schwarz croit reconnaître Samir dans Çânûr dont la radicale m serait devenue, fait fréquent, n. Tebuath ha-Aréz, éd. Luncz, Jérusalem, 1900, p. 187. Il existe quelque ressemblance entre les noms, et Sânùr répond à la situation générale attribuée à Samir, mais on n’a pas d’autres raisons pour appuyer cette identification et la plupart des géographes ne croient pas pouvoir se prononcer. Cf. Armstrong, Wilson et Conder, Names and places in the Otd Testament, Londres, 1887, p. 156. L. Heidet.

    1. SAMMA##

SAMMA, nom dans la Vulgate de six personnages dont l’orthographe diffère en hébreu.

1. SAMMA (hébreu : Sammâh ; Septante : 2-jjr), fils de Raguël, chef de famille dans la descendance d'Ésaû, Gen., xxxvi, 13, 17 ; I Par., i, 37.

2. SAMMA (hébreu Sammdh ; Septante : Soifo ; 2aij.[Ac<), le troisième fils de Jessé, un des frères de David. I Reg. (Sam.), xvi, 9 ; xvii, 13. Il est appelé Simmaa, I Par., ii, 13 ; Semmaa, II Reg. (Sam.), xiii, 3, 32 ; et Samaa, I Par., xx, 7. Samuel, à qui il fut présenté à Bethléhem, déclara que ce n'était pas lui que Dieu avait choisi pour roi. I Reg., XVI, 9. Samma était avec ses deux aînés dans l’armée de Saiil, attaqué par les Philistins et par Goliath. I Reg., xvii, 13. Jonathan, qui tua un géant de Geth, élait son lils, I Par., xx, 7 (voir Jonathan 2, t. iii, col. 1614), de même que Jonadab, l’ami d’Ammon, fils de David. II Reg. (Sam.), xiii, 3, 32. Voir Jonadab 1, t. iii, col. 1603. — Voir aussi Samaa 1, col. 1397 ; Semmaa ; Simma 1.

3. samma (hébreu : Sema', à la pause, Sama' ; Septante : Si[iai), quatrième fils d’Hébron, de la tribu de Juda, descendant de Caleb, père de Raham. I Par., n, 43, 44.

4. SAMMA (hébreu : Sema' ; Septante : Satfii), fils de Joël et père d’Azaz, de la tribu de Ruben. I Par., v, 8..

5. SAMMA (hébreu : Samma' ; Septante : Sojj.i), le huitième des onze fils de Supha, de la tribu d’Aser. IPar., vii, 37.

6. SAMMA (hébreu : Sâmd' ; Septante : S* ; j.a()i ; A lexandrinus : Salifia), fils d’Holham. Il était avec son frère Jéhiel un des chefs des gardes de David. I Par., xi, 41. Voir Hotham 2, t. iii, col. 765.

    1. SAMMAA##

SAMMAA (hébreu : Sime’a' ; Septante : Eau.17) ; lévile, fils d’Oza et père d’IIaggia. I Par., vi, 30 (hébreu, 15). Il était de la branche de Mérari. Trois autres Israélites qui portent le même nom dans le texte hébreu, sont appelés dans la Vulgate : 1. Samaa, I Par., vi, 39 (hébreu, 24) ; 2. Samaa (voir Samaa 2, col. 1398, et Samaa 3, col. 1398) ; et 3. Simmaa, I Par., iii, 5. Voir Simmaa.

    1. SAMMÀi##

SAMMÀi (hébreu : Sammaï), nom de trois Israélites dans le texte hébreu. La Vulgate appelle l’un des trois, Séméi. I Par., ii, 28, 32.

1. SAMMAI (Septante : 2xii.sii ; ), fils de Récem et père, c’est-à-dire fondateur de la ville de Maon. Il était de la tribu de Juda. I Par., ii, 44-45.

2. SAMMAI (Septante : Sepit’i), le sixième filsd’Ezra, de la tribu de Juda. I Par., IV, 17. Certains interprètes pensent que le Simon nommé ꝟ. 20 n’est que le nom altéré de Sammaï.

    1. SAMMOTH##

SAMMOTH (hébreu : Sammôp ; Septante : Sa|ia<18), nom d’un garde du corps de David, qui était « Arorite ». Voir Arorite 2, t. j, col.U027. I Par., xi, 27. Il doit être le même que celui qui est appelé Semma de Harodi, II Reg. (Sam.), xxiii, 15, et que Samaoth le Jézérite qui commandait vingt-quatre mille hommes de l’armée de David le cinquième mois de l’année. I Par., xxvii, 5. Voir Samaoth, col. 1400.

SAMMUA [hébreu : Sammû’a, « renommé » ), nom de deux Israélites dans la Vulgate.Le texte hébreu appelle du même nom deux autres personnages dont le nom est écrit de plusieurs manières différentes en hébreu et dans la Vulgate. Voir Samua 1 et 2, col. 1435.

1. SAMMUA (Septante : Sa^our, )., fils de Zéchur, .qui représenta la tribu de Ruben parmi les douze espions que Moïse envoya dans la terre de Chanaan pour l’explorer. Num., xiii, 5.

2. SAMMUA (Septante : Sajio-ji), chef de la famille sacerdotale de Belgaï (voir t. i, col. 1561), du temps du grand-prêtre Joacim. Voir Joacim 1, t. iii, col. 1550.

    1. SAMOS##

SAMOS (Sipioc), lie située dans la partie orientale de la mer Egée) (15g. 292), non loin de la côte de Ljdie,

292. — Monnaie de Samos.

[CJAMIQN. Personnage nu, debout, de face, étendant la main droite, avec une chlamyde sur les épaules, et s’appuyant de la main gauche sur un sceptre. — ^. HPHC, c de Héra » (Junon). Paon.

en face de Milet et du promontoire de Mycale. Elle n’est séparée de ce dernier que par un canal large de moins de 2 kil., ou de 7 stades. Strabon, XIV, i, 12. Cf. Ptolémée, V, ii, 30. Elle était à 40 stades (7 kil. 400) de la pointe de Trogyle, Strabon, XIV, i, 13, qui baigne l’autre entrée de ce même canal, et à 70kil.auS.-S.-O. de Smyrne.

1° Géographie. — D’après Strabon, VIII, iii, 19, son nom signifiait « hauteur » ; on le lui avait donné parce qu’elle est toute en montagnes. Elle forme à elle seule, en effet, une masse énorme, mais qui n’est pas dénuée de beauté, soit pour la coupe, soit pour les contours de ses montagnes. Celles-ci se divisent en deux chaînes, qui traversent toute l’Ile et qui sont coupées par de nombreuses vallées ; l’une d’elles, l’Ampélos, estla plus étendue ; l’autre, le Kerki, contient le sommet le plus élevé de l’île, qui atteint 1570 mètres. Sa longueur est d’environ 44 kil. ; sa largeur varie de 6 à 19 kil. Elle a environ 140 kil. de pourtour, sans tenir compte des méandres de ses baies ; sa superficie est de 468 kil. carrés. Voir Strabon, XVI, i, 15 ; Pline, H. N., v, 37 ; V. Guérin, Vile de Patmos et de Samos, p. 140-146. Elle possédait plusieurs ports bien abrités et une population considérable ; mais une seule ville d’une certaine importance, nommée également Samos. Son climat a toujours été sec et bienfaisant. Arrosée par de

nombreux cours d’eau, elle est encore d’une grande fertilité, à tel point, dit Diodore de Sicile, v, 81, qu’on l’appelait « l’île des Bienheureux ». Ses récoltes abondantes, ses fruits succulents et ses roses jouissaient d’une grande renommée ; mais son viii, qui est aujourd’hui réputé dans le monde entier, passait, aux temps anciens, pour être inférieur à celui des îles voisines. Cf. Strabon, XIV, I, 15.

2° Histoire de Samos. — Ses premiers habitants furent des colons Lélèges, puis des Ioniens. Pausanias, VII, iv, 1-7. Ils formaient une petite population très active, que la nature même du pays obligeait de se consacrer pour la plupart à la navigation. Ils surent fort bien garantir leur indépendance durant le cours des siècles. Voir Hérodote, iii, 39-60, 139-149 ; vj, 22-25 ; ix, 90-106 ; Strabon, XIV, i, 16-18. De 536 à 522 avant J.-C, ils furent gouvernés par le prince Polycrate, à la cour duquel vivait le poète Anacréon. C’est sous son administration que l’Ile atteignit le faite de sa splendeur. Après sa mort, les Samiens passèrent sous la domination persane. À la suite de la bataille de Mycale (479 avant J.-C), où les Perses furent battus par les Grecs, ils s’associèrent pendant longtemps à la politique d’Athènes ; mais Périclès les soumit de force à la puissante cité (365-322 avant J.-C). Après des destinées diverses sous les successeurs d’Alexandre le Grand, l’île de Samos tomba, en 134, au pouvoir des Romains, en même temps que le royaume de Pergame, dont elle faisait alors partie. Ses nouveaux maîtres lui laissèrent une liberté apparente. Auguste la déclara même complètement autonome (19 avant J. C) ; mais Vespasien lui enleva ce privilège et la rattacha de nouveau à la province romaine d’Asie. Josèphe, Bell, jud., i, xxi, 11, et Ânt. jud., XVI, ii, 2 et 4, mentionne la générosité d’Hérode le Grand envers les habitants de Samos, à l’occasion d’une visite qu’il leur fit en compagnie de Marcus Agrippa. — Pythagore était originaire de l’île. On vantait ses poteries rouges, qui étaient exportées au loin. Plaute, Caplivi, II, ii, 41. Cf. Pline, H. iV., xxxv, 46, où il est parlé en ce sens de la Samia terra ; c’est ""* pourquoi nous lisons dans Is., xlv, 9, d’après la Vulgate : lesta de Samlis terrse. — Les habitants de Samos honoraient d’un culte spécial la déesse Junon (Héra), à laquelle ils avaient bâti un temple considérable. Hérodote, iii, 60 ; Virgile, JEn., i, 15-16 ; Pausanias, V, xtii, 8 ; Strabon, XIV, i, 14.

3° Samos dans l’Écriture. — Elle est mentionnée une fois dans l’Ancien Testament et une fois dans le Nouveau. I Mach., xv, 23, nous lisons son nom dans la liste des contrées auxquelles fut communiqué par les Romains un décret de leur sénat, favorable aux Juifs. Ce fait prouve qu’elle comptait un assez grand nombre de ceux-ci parmi ses habitants. Act., xx, 15, nous apprenons que saint Paul y fit escale à la fin de son troisième voyage apostolique, entre la station de Chio et celle de Milet. D’après une leçon adoptée par quelques critiques, c’est à la pointe de Trogyle qu’il se serait arrêté. Josèphe, Ant. jud., Il, ii, 4, raconte que les navires qui allaient de l’Hellespont en Syrie avaient coutume de mouiller devant Samos. — Voir Tournefort, Voyage du Levant, 1702, t. i, p. 156-157 ; Ross, Reisen auf den griechischen Insein, Stuttgart, 1843, p. 139-150 ; Lacroix, Les îles de la Grèce, in-8°, Paris, 1853, p. 323-350 ; V. Guérin, Description de Vile de Patmos et de Samos, in-8°, Paris, 1856, p. 123-321.

L. FlLLION.

    1. SAMOTHRACE##

SAMOTHRACE (Saaoepinrj), lie du nord de la mer Egée, située, Pline, H. N., iv, 23, à 38 milles romains de la côte thrace — la Turquie d’Europe actuelle — au sud-est de l’embouchure de la rivière Hébros et au nord de Lemnos (iig. 293). — Son nom signifie : la Samos thrace. En effet, comme l’île de Samos (col. 1431), elle forme en quelque sorte une

montagne énorme, dénudée, d’aspect grandiose ; son sommet principal atteint près de 1 700 mètres d’élévation. Aussi l’aperçoit-on de très loin : quand on la contemple de Troade, elle ferme l’horizon et domine l’Ile d’Imbros, placée entre elle et cette ville antique. 11., xiii, 1289. À l’exception du mont Athos, Samothrace est la contrée la plus élevée de tout l’Archipel. Ptolémée, III, ii, 14, signale, sur la côte septentrionale, une ville également nommée Samothrace. Mais, selon la remarque de Pline, loc. cit., l’île n’a jamais eu de port proprement dit, car elle manque totalement de golfes et de baies. Sa superiicie est de 180 kil. carrés.

— Ses premiers habitants furent des Phéniciens ; elle fut ensuite occupée par des Grecs appartenant à différentes provinces. N’ayant jamais eu qu’un petit nombre d’habitants, à cause de son sol ingrat, elle n’a joué qu’un rôle très secondaire dans l’histoire grecque ; son commerce aussi a toujours été insignifiant. Elle passa en même temps que la Macédoine sous la domination romaine, en 168 avant J.-C. L’année 46 de notre ère,

293. — Monnaie de Samothrace.

Buste de Pallas. — 13|. cAMOSPAKnN. Cybèle assise.

elle fut rattachée à la province de Thrace. — Dans l’antiquité, l’île devait presque toute sa réputation au culte des Cabires ou grands dieux, en l’honneur des T quels elle célébrait sous ses chênes gigantesques des « "mystères » qui étaient à peine moins en vogue que ceux d’Eleusis, et qui ne prirent fin qu’après le iie siècle chrétien. L’initiation à ce culte passait pour préserver de tout danger. Voir Diodore de Sicile, iii, 25 ; v, 45 ; Ptolémée, V, xi ; Pline, H. N., iv, 23 ; Mannert, Géographie der Griechen und Rômer, Nuremberg, 1792-1825, t. vii, p. 247-248. — D’après Art., xvi, 11, saint Paul mouilla pendant une nuit à Samothrace, lorsqu’il se rendait en Europe pour la première fois, durant son second voyage apostolique. Parti de. Troade, il arriva le même soir auprès de l’Ile ; ce qui suppose un vent très favorable, car souvent l’on met le double de temps pour franchir cette distance. — YoirConybeare et Howson, The Life and Letters of St. Paul, 2e édit., Londres, 1875, p. 217-220 ; Conze, Reise auf den Insein des thrazischen Meeres, Hannover, 1860 ; id., Archâologische Untersuchungen auf Samothraki, in-8°, Vienne, 1875-1880. L. Fillion.

    1. SAMRI##

SAMRI (hébreu : Simrî ; « mon gardien » ), nom en hébreu de quatre personnages, de deux dans la Vulgate, qui a écrit les noms des deux autres Semri, I Par., iv, 37, et xxvi, 10.

1. SAMRI (Septante : Eaiispi), père de Jédihel, et de Joha, deux des vaillants hommes de l’armée de David. I Par., xi, 45. Voir Jédihel 1 et Joha. 2, t. iii, col. 1218 et 1590.

2. SAMRI (Septante : Zauëpi), lévite, le premier nommé des fils d’Élisaphan, qui avec d’autres lévites et des prêtres purifièrent le Temple de Jérusalem sous le règne d’Ézéchias. II Par., xxix, 13.

    1. SAMS Al##

SAMS Al (hébreu : Sinisai’; Septanle ; Sa(i<{/ci), scribe ou secrétaire de Réum, fonctionnaire perse en Sa marie pour le roi Artaxerxès Ie’. 1 Esd., iv, 8, 9, 17, 23. Samarie était sans doute Araméen d’origine et ce fut lui probablement qui écrivit en araméen au roi de

Perse, ꝟ. 7, pour qu’il empêchât la restauration de Jérusalem. Voir Réum Béeltéem, col. 1078.

    1. SAMSARI##

SAMSARI (SamSerai, Septante : Y, xy.<japi), le premier nommé des six fils de Jéroham, de la tribu de Benjamin, qui habitèrent à Jérusalem. I Par., viii, 26. Voir Jéroham 2, t. iii, col. 1304.

    1. SAMSON##

SAMSON (hébreu : Simsôn ; Septante : 2au.iuv), juge d’Israël, fils de Manué, de la tribu de Dan. — 1° Sa mère n’est pas nommée. Elle était stérile et désirait vivement un fils. Un ange lui apparut, à Saraa, et lui annonça qu’elle concevrait et donnerait le jour à un enfant qui serait le défenseur de son peuple contre les Philistins. Il devrait vivre en nazaréen et ne point couper ses cheveux. À la demande de Manué, l’ange se montra une seconde fois. Il répéta ce qu’il avait déjà dit à la mère, puis il disparut dans la flamme d’un sacrifice offert à Jéhovah. L’enfant en venant au monde, reçut le nom de Samson. On a voulu* voir dans ce nom une preuve que Samson n’était qu’un mythe solaire, en le faisant dériver de Semés, « soleil », et l’on a voulu expliquer sa vie tout entière comme étant une description mythologique des bienfaits et plus encore des méfaits du soleil. Mais ce n’est là qu’un jeu d’esprit. Dieu suscita Samson pour résister aux Philistins dont le pouvoir s’étendait alors jusqu’au voisinage de Saraa. Le fils de Manué ne brisa pas leur force, parce qu’il n’eut jamais d’armée, mais seulement sa personne, pour les combattre. Il leur fit néanmoins beaucoup de mal, grâce à sa vigueur extraordinaire et à l’énergie dont Dieu l’avait doué, en lui conférant en même temps une force merveilleuse. Ses passions, auxquelles il ne sut pas résister, devinrent la cause des malheurs de la fin de sa vie ; il accomplit néanmoins la mission que Ja providence lui avait confiée. Jud., xiii.

2° Dès qu’il eut atteint l’âge d’homme, il voulut épouser malgré l’opposition de ses parents une Philistine de Tbamnatha, ville voisine de Saraa. En se rendant à Thamnatha, il tua un jeune lion et, quelques jours après, il trouva dans le squelette de l’animal un essaim d’abeilles et du miel. Lorsqu’il célébra son festin de noces, où prenaient part trente convives, il leur proposa, selon une coutume toujours vivante en Orient, une énigme. II leur dit :

De celui qui mange est sorti ce qu’on mange, Du fort est sorti le doux. Jud., xiv, 14.

On convint que les trente Philistins recevraient chacun une robe et un vêtement de rechange, s’ils devinaient l’énigme ; s’ils ne devinaient point, ils devraient au contraire les donnera Samson. Ils gagnèrent le pari, grâce à la complicité de la femme de Samson qui avait arraché l’explication à son mari et la leur livra. Irrité, le jeune époux partit pour Ascalon, y tua trente hommes et paya avec leurs dépouilles sa gageure. Ce fut là le commencement de la guerre qu’il fit aux Philistins.

3° Quelque temps après, il revint à Thamnatha pour voir sa femme, mais il la trouva mariée à un autre. Indigné de cette trahison, il résolut de se venger. La moisson était sur le point d’être coupée dans la fertile plaine de la Séphéla. Les chacals foisonnent en Palestine. Samson en rassembla trois cents, les lia deux à deux parla queue, attacha des torches enflammées entre eux et les lança ainsi dans les champs de blé qui furent promptement consumés. Voir Chacal, t. ii, col. 477. Celte destruction des récoltes par l’incendie est un acte de guerre qui a de tout temps été en usage en Orient. L’irritation des Philistins fui extrême. Ils exigèrent des hommes de Juda que Samson leur fût livré. Il s’était réfugié dans une caverne du rocher d’Étham. Il consentit à se laisser lier avec deux cordes neuves par ses

compatriotes et à être ainsi remis aux Philistins. Arrivé à Léchi (voir Léchi, t. iv, col. 145), il brisa ses liens, s’empara d’une mâchoire d’âne qu’il rencontra en cet endroit et avec cette arme improvisée, il battit mille Philistins. Voir Mâchoire, t. iv, fig. 102, col. 512. Jud., xv. 4° Plus tard, Samson s’étant rendu à Gaza, les Philistins, sachant qu’il était chez une femme de mauvaise vie, fermèrent la nuit les portes de la ville, afin de le mettre à mort le lendemain. Il se leva au milieu de la nuit, enleva les portes de la ville et les emporta. Mais son incontinence devait lui être fatale. Une femme de la vallée de Sorec au pied de Saraa, Dalila, pour laquelle il éprouvait une passion coupable, lui arracha le secret de sa force, lui fît couper les cheveux et le livra aux mains des Philistins qui lui crevèrent les yeux. Voir Dalila, t. ii, col. 1208. Ils le conduisirent à Gaza, le lièrent avec deux chaînes d’airain et l’obligèrent à tourner la meule pour moudre le grain, comme une femme. Cependant ses forces lui revinrent avec ses cheveux et, un jour de fête, les Philistins, offrant un sacrifice à Dagon, le firent venir pour le tourner en dérision. Le temple était soutenu par deux colonnes, qui portaient la toiture en terrasse, couverte de Philistins. Samson les renversa, le temple s’écroula ; le héros aveugle fut enseveli sous ses ruines, mais il fit périr plus de Philistins par sa mort que pendant sa vie entière. Ses parents recueillirent son corps et l’ensevelirent dans le tombeau de Manué son père. Jud., XVI. On n’a voulu voir de nos jours que des mythes dans l’histoire de ce héros extraordinaire et l’imagination s’est donné à son sujet libre carrière, mais le livre des Juges ne raconte point sa vie comme une vie ordinaire, la force dont il est doué est une force miraculeuse et surnaturelle, fruit de sa foi, comme le dit saint Paul. Heb., XI, 32. Voir I. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iii, p. 172-220.

    1. SAMUA##

SAMUA (Sammû’a), nom de deux Israélites dans la Vulgate. Voir Sammua, col. 1431.

1. SAMUA (Septante : E>t|jiai), le premier nommé parmi les fils du roi David qui lui naquirent à Jérusalem. II Reg. (Sam.), v, 14 ; I Par., xiv, 4. Il est aussi nommé le premier, I Par., iii, 5, sous la forme Simmaa, parmi les quatre fils de David et de Bethsabée. Dans ces trois passages, Salomon est nommé le quatrième parmi les fils de Bethsabée. Voir Salomon, i, col. 1382.

2. SAMUA (Septante : 2a(j.ou), lévite, père d’Âbda. II Esd., xi, 17. Son nom est écrit Séméias et celui de son fils, Obdia, dans I Par., ix, 16. Voir Abda 2, t. i, col. 19.

    1. SAMUEL##

SAMUEL (hébreu : Semû’êl, « exaucé par Dieu » ), nom de trois Israélites.

1. SAMUEL (Septante : EaXaiioyr, }.), fils d’Ammiud, de la tribu de Siméon, chef de cette tribu, qui fut chargé par Moïse avec les autres chefs des tribus du partage de la Terre Promise. Num., xxxiv, 20. Il faudrait peut-être lire Salamiel, comme Num., i, 6 ; ii, 12 ; vii, 36, 41 ; x, 19.

2. SAMUEL (hébreu : Semû’êl ; Septante : Siiao-jt)/), prophète et dernier juge d’Israël. — 1. Son enfance. — l°30° nom. — La signification de ce nom est indiquée par le texte sacré. La mère de Samuel l’appela ainsi parce que, dit-elle, mêyehôvdh se’ilfîv, « je l’ai demandé à Jéhovah ». I Reg., i, 20. Samuel veut donc dire « obtenu de Dieu », du verbe sdmâ, , « écouter, exaucer, accorder ». Josèphe, Ant. jud., V, X, 3, suppose que Samuel équivaut à Œaituyro ; , « demandé à Dieu ». L’étymologie qui le fait venir de semû’el, « nom de

Dieu », doit être écartée comme ne répondant pas à l’idée formulée par la mère du prophète.

2° Sa naissance. — L’enfant fut, pendant de longues années, demandé à Dieu par Anne, sa mère. Voir Anne, t. i, col. 627. Celle-ci eut enfin le bonheur de lui donner naissance. I Reg., i, 10-20. D’après I Par., vi, 22, Elcana, père de Samuel, était un Lévite de la famille de Caath ; Il n’était point prêtre, ne descendant pas de la famille d’Aaron. D’autre part, I Reg., 1, 1, il est appelé Éphratéen ! Ce terme est parfois synonyme d’Éphraïmite ; mais il peut aussi désigner celui qui est d’Éphrata, dans la tribu de Benjamin, ou celui qui réside dans la tribu d’Éphraïm. Voir Elcana, t. ii, col. 1646 ; Éphratéen, col. 1882. Ce dernier sens convient ici, puisqu’il est à la fois certain qu’Elcana était Lévite et qu’il habitait dans la montagne d’Éphraïm.

3° Sa consécration. — Anne, avait prorais de consacrer à Jéhovah le fils qu’il lui accorderait. I Reg., i, 11. Quand l’enfant fut venu au monde, elle le garda jusqu’à son sevrage, c’est-à-dire jusqu’à l’âge de trois ans environ, voir Sevrage, et elle le mena à Silo, au grand-prêtre Héli. Puis, ayant offert son sacrifice avec Elcana, elle donna le jeune Samuel à Jéhovah pour tous les jours de sa vie. C’était le vouer à la vie de nazaréen. Voir Nazaréat, t. iv, col. 1515. L’enfant fut alors laissé par ses parents, malgré son jeune âge, au service de Jéhovah devant le grand-prêtre Héli. I Reg., ii, ll.

4° Sa vocation. — Le grand-prêtre Héli était vieux, et ses fils pervers rendaient odieux le culte de Jéhovah par leur cupidité, sans que leur père songeât à les corriger. Voir Héli, t. iii, col. 567. De son côté, Samuel grandissant faisait le service devant Jéhovah, revêtu d’un éphod de lin. Voir Éphod, t. ii, col. 1868. Tous les ans, Anne venait à Silo avec Elcana pour offrir son sacrilice ; elle apportait à l’enfant une robe neuve qu’elle avait faite, et elle s’en retournait en emportant les bénédictions d’Héli. Celui-ci s’émut enfin des débauches de ses fils ; mais comme il ne réussit pas à les amender, un homme de Dieu vint lui annoncer le sort terrible qui l’attendait. Il est à croire que cet avertissement ne produisit pas sur le vieillard tout l’effet voulu, car Dieu le lui fit renouveler par le jeune Samuel. Une nuit, l’enfant reposait auprès de l’Arche, quand il s’entendit appeler. Aussitôt debout, il courut vers Héli qui le renvoya en lui disant qu’il ne l’avait pas appelé. Le même phénomène s’étant produit une seconde fois, le grand-prêlre commanda à Samuel, si la même voix se faisait entendre encore, de répondre : « Parlez, Jéhovah, car votre serviteur vous écoute. » Au troisième appel, l’enfant fit la réponse indiquée, et aussitôt Jéhovah lui annnonça que le châtiment naguère prédit par son envoyé contre Héli et sa maison allait s’exécuter, sans expiation possible. La prophétie précédente était ainsi authentiquée d’une manière indiscutable, car il n’était plus possible au grand-prêtre de douter que Jéhovah lui-même eût parlé. Le lendemain matin, Héli obligea Samuel à lui raconter tout ce qui s’était passé. I Reg., ii, 12-iu, 18. L’événement ne tarda pas à justifier la redoutable annonce. Les Philistins battirent Israël près d’Ében-Ézer, l’Arche fut prise par eux et les deux fils d’Héli périrent avec 30000 hommes de pied. À cette nouvelle, le grand-prêtre tomba à la renverse et se tua dans sa chute. I Reg., iv, 1-18.

II. Sa judicature. — 1° Le juge d’Israël. — Samuel était devenu grand. À Silo, Jéhovah continuait à lui parler, et ce que le prophète déclarait en son nom s’accomplissait. Aussi, dans tout le pays, reconnaissait-on en Samuel le « prophète de Jéhovah », c’est-à-direl’homme choisi pour parler et commander au nom de Dieu. Cette réputation, commencée au moment où Samuel fit connaître à Héli sa première révélation, ne fit que s’accentuer et se fortifier par la suite. I Reg., . Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/736 Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/737 Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/738 Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/739 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/740 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/741 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/742 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/743 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/744 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/745 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/746 MediaWiki:Proofreadpage pagenum template#lst:Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/747