Œuvres de Descartes/Édition Adam et Tannery/Tome 6/Texte entier

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René Descartes : Œuvres de Descartes, éd. Adam et Tannery, Tome 6




ŒUVRES
DE
DESCARTES

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DISCOURS DE LA MÉTHODE & ESSAIS

VI



M. Darboux, de l’Académie des Sciences, doyen de la Faculté des Sciences de l’Université de Paris, et M. Boutroux, de l’Académie des Sciences Morales et Politiques, professeur d’histoire de la philosophie moderne à la Sorbonne, ont suivi l’impression de cette publication en qualité de commissaires responsables.


ŒUVRES
DE
DESCARTES

PUBLIÉES
PAR
Charles ADAM & Paul TANNERY
SOUS LES AUSPICES
DU MINISTÈRE DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE

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DISCOURS DE LA MÉTHODE & ESSAIS
VI


PARIS
LÉOPOLD CERF, IMPRIMEUR-ÉDITEUR
12, RUE SAINTE-ANNE, 12

1902

AVERTISSEMENT



Le présent volume contient :

I° Le Discours de la Méthode et les Essais[1], d’après l’édition originale, publiée en 1637 à Leyde, chez Jan Maire, sans nom d’auteur, en format in-4o, avec deux paginations : 3-78 pour le Discours placé en tête, 1-418 pour les Essais, que suivent 31 pages non numérotées, contenant les Tables des matières ;

2° La version latine de cet ouvrage (Specimina Philosophiae[1]), version due à Etienne de Courcelles, Français établi à Amsterdam comme ministre protestant, et publiée à Amsterdam, chez Louis Elzevier, en 1644, en même temps que les Principia Philosophiae de Descartes. Les deux ouvrages dans cette édition, sont d’ordinaire réunis en un seul volume in-4o, les Specimina étant en tête, et comprenant d’abord 16 pages sans numéro (titre et indices), puis 331 pages numérotées. Le nom du traducteur n’y figure point, mais au contraire celui de Descartes attestant (voir ci-après p. 539) qu’il a revu et corrigé le texte, et l’avouant, au moins quant au sens, comme seconde édition.

Etienne de Courcelles avait laissé de côté le dernier des trois Essais, c’est-à-dire la Géométrie. Une version latine en parut également du vivant même de Descartes : Geometria, à Renato Des Cartes anno 1637 Gallicè edita ; nunc autem cum notis Florimondi de Beaune in Curia Blesensi Consiliarii Regii

in Latinam linguam versa, et Commentariis illustrata, opera atque studio Francisci à Schooten Leydensis, in Academia Lugduno-Batava Matheseos Professoris Belgicè docentis. (Lugduni Batavorum. Ex officina Ioannis Maire. M. DC. XLIX, in-4o[2].) Mais cette fois, quoiqu’en très bonnes relations avec Schooten, qu’on doit même tout à fait regarder comme son disciple en mathématiques, Descartes tint à lui laisser toute la responsabilité de cette édition, et il s’exprime nettement à cet égard dans une lettre à Mersenne du 4 avril 1648 [Correspondance, t. V, p. 145). Il nous suffisait donc de signaler en notes les quelques divergences, justifiées en général, que présente, avec le texte français, la version de Schooten, dont la fidélité est au reste remarquable et dont la latinité est beaucoup plus claire et correcte que Descartes ne semble l’avoir espéré.

Malheureusement, sous ce dernier rapport, la version d’Etienne de Courcelles laisse au contraire singulièrement à désirer, et entre les lignes dans lesquelles Descartes en constate l’exactitude (beaucoup trop littérale et obtenue, le plus souvent, à l’aide d’étranges gallicismes), on peut bien lire que, s’il avoue le sens, comme nous l’avons dit, il ne prend pas le style à son compte. Mais, s’il n’a pas voulu s’astreindre à le corriger et à y imprimer sa marque (ce qui lui aurait coûté plus de peine que de refaire lui-même toute la version), il n’en a pas moins certainement apporté des changements considérables : diverses inadvertances de la rédaction de 1637 ont disparu ; l’exposition, en plusieurs endroits, a subi un remaniement important ; les additions, plus ou moins notables, sont fréquentes[3]. Tout cela est aisément reconnaissable ; mais le critérium qu’il indique pour distinguer ses corrections, à savoir la liberté prise par rapport au texte de 1637, est évidemment insuffisant pour discerner sûrement les retouches de détail, lorsque l’au- teur n’a cherché, par le choix d’une expression, qu’à préciser un peu mieux sa pensée. Dans ces conditions, on doit dire que, pour s’assurer si Descartes, pour tel passage des Essais que l’on veut approfondir, n’a pas eu un repentir avant 1644, il faut toujours confronter avec soin le texte des Specimina. Nous avons donc jugé nécessaire de le donner intégralement, en petits caractères ; la seule indication des divergences, en notes sur le texte français, eût entraîné, soit une minutie excessive, soit des exclusions arbitraires ; d’autre part, la fréquence, dans la littérature philosophique, des renvois au texte des Specimina rendait désirable la réédition de ce texte.

Quant aux nombreuses éditions du premier ouvrage de Descartes, qui ont suivi sa mort, nous n’avions pas à en tenir compte, notre plan étant limité à la reproduction des éditions originales. Mais nous donnons celles-ci complètement, du titre aux tables des matières et aux privilèges. Exception n’a été faite que pour les errata, que nous avons naturellement corrigés en leur lieu.

Les dispositions typographiques convenables ont été prises pour indiquer le commencement et la fin de chaque page des éditions originales et pour établir la correspondance entre les pages de cette édition pour le texte français et pour le texte latin[4].

Il nous reste à dire quelques mots sur les principes que nous avons suivis pour l’orthographe, en particulier pour celle du texte français, qui seule peut faire question. Les Remarques sur l’orthographe de Descartes, insérées pages LXXIX-CV du Tome I de la Correspondance, nous dispensent de nouveaux développements sur ce sujet , mais nous avons à justifier les écarts apparents à l’annonce qui y a été faite que

nous suivrions scrupuleusement les éditions parues du vivant de l’auteur, et dont lui-même a corrigé le texte, lorsqu’on l’imprimait.

Nous n’avons nullement varié sur le principe ; nous considérons, au contraire, de plus en plus comme important de restituer aux écrits de Descartes la physionomie orthographique qui les a caractérisés.

En particulier, les singularités qu’offrait à cet égard le ’Discours de la Méthode, ne pouvaient manquer d’influer sur les lecteurs, surtout sur ceux pour qui il devint un livre de chevet. Cette influence, dont il serait aisé de fournir des exemples, se décèle, il est vrai, beaucoup plus dans les autographes du temps que dans les ouvrages imprimés. Mais elle persista longtemps et n’est point historiquement négligeable, ce qui serait un motif suffisant pour la fidèle reproduction du volume de 1637.

Cependant procéder en cette matière « comme en diplomatique » eût été, à l’égard de Descartes, une trahison d’autant plus flagrante qu’il a lui-même signalé, à propos de l'errata (voir ci-après, p. 514, note) que nombre de fautes restaient à corriger et que les distinctions (signes de ponctuation) laissaient souvent à désirer. L’édition de Jan Maire est d’ailleurs incontestablement très incorrecte au point de vue typographique : en particulier, l’orthographe d’un même mot et l’accentuation surtout sont singulièrement inconstantes.

L’excuse présentée par Descartes, à savoir que le compositeur n’entendait pas un mot de français, signifie toutefois seulement que l’auteur n’a pas trouvé, à Leyde, le précieux concours que prêtent d’ordinaire les protes et les tierceurs pour assurer la régularité de l’orthographe et pour faire disparaître les incorrections grammaticales ; car, plus le compositeur était ignorant du français, plus il a dû s’efforcer de suivre fidèlement la copie. Il faudrait donc pouvoir faire un départ entre les véritables fautes d’impression et les incorrections du manuscrit.

Or si, dans nombre de cas, la distinction est aisée à faire, dans beaucoup d’autres, on reste dans l’incertitude. D’autre part, le manuscrit était-il de la main de Descartes, ou avait-il fait préparer, pour l’imprimeur, des expéditions au net par un ou plusieurs copistes, qui auront pu introduire, plus ou moins accidentellement, des formes de leur propre orthographe, au lieu de celle de Descartes ? Au moins pour la Dioptrique, la copie était d’une main spéciale. Dans ce traité, en effet, tel que le donne l’édition de 1637, domine la forme ceste, tandis que, dans les autres parties de l’ouvrage, cette forme n’apparaît point, et qu’on voit irrégulièrement alterner les formes cette et cete, dont la dernière seule est authentiquement cartésienne, les autographes excluant absolument les deux autres.

En présence de ces difficultés, nous ne pouvions cependant nous résoudre à surcharger le bas des pages de variantes purement orthographiques. C’était absolument sans intérêt, puisque celles que nous avons données dans les volumes de la Correspondance constituent un ensemble de matériaux largement suffisant pour l’étude.

Nous avons donc convenu, tout d’abord, de corriger tacitement les fautes d’impression évidentes, ainsi que les inadvertances grammaticales (singulier pour pluriel, féminin pour masculin, ou inversement), qui devaient plutôt entacher déjà la copie. Nous n’avons pas eu plus de scrupule pour les incorrections de même ordre dans les formules algébriques de la Géométrie.

Nous avons, en second lieu, essayé de régulariser la ponctuation d’après le sens, tout en évitant de la moderniser systématiquement, ce qui est d’ailleurs incompatible avec la coupe des phrases de Descartes. Nous avons, d’autre part, conformé l’accentuation à l’usage du philosophe qui est bien établi[5].

Nous avons, au contraire, laissé en principe subsister les divergences d’orthographe ou les formes mal assurées, sauf à faire disparaître les anomalies trop choquantes (variations dans la même page ou forme unique contre de nombreux exemples d’une autre forme). Mais nous avons corrigé tout ce qui nous a paru, avec assez de probabilité, être dû, soit à des fautes d’impression, soit à des lapsus calami, soit enfin à des altérations dues aux copistes employés par Descartes.

En résumé, toutes les fois que nous avons douté s’il n’y avait pas eu, de la part de Descartes, soit une dérogation consciente à l’usage, soit une indifférence entre deux formes, nous nous sommes abstenus de toute correction ; nous avons corrigé, au contraire, lorsque nous n’avons pas cru que l’orthographe pût être celle que Descartes aurait réellement voulue en écrivant le mot avec attention[6].

Mais, si les principes que nous avons adoptés se justifient assez d’eux-mêmes, les avons-nous toujours appliqués d’une façon irréprochable ? Ils laissent une trop large part à l’appréciation individuelle pour nous mettre, dans le détail, à l’abri de toute critique, et nous-mêmes, après la dernière revision du texte original sur les feuilles de cette édition déjà tirées, nous éprouvons divers scrupules sur quelques cas où l’évidence ne nous semblait point contestable. Ainsi extrordinaire paraît une faute certaine ; nous avons donc imprimé extraordinaire, jusqu’au moment où nous avons constaté que l’autre forme est la seule qui se rencontre dans l’édition de 1637. De même leur, au pluriel du pronom possessif, semble bien être une forme consciemment adoptée par Descartes, au lieu de leurs. Dans un cas isolé, au contraire, si nous avons imprimé la plus grande part, nous devons cependant regarder comme possible que Descartes, par une élision conforme à une prononciation plus ou moins répandue, ait volontairement écrit la plus grand part, en omettant l’apostrophe à laquelle il ne fait d’ordinaire pas d’attention.

Nous ne pouvons donc affirmer qu’une chose, c’est que, nous étant chargés de la responsabilité du texte, l’un pour le Discours de la Méthode, l’autre pour les Essais, nous avons chacun fait de notre mieux pour garder un juste milieu entre les tendances à une systématisation trop rigoureuse ou à une fidélité trop servile. Quelques erreurs nous ont échappé avant la correction définitive ou se sont produites au tierçage. En voici le relevé :

Page 5, ligne 10, estimast] lire m’estimast.
Page 5, ligne 26, des] lire de tous les.
Page 25, ligne 8, le trait de séparation verticale doit être supprimé.
Page 28, lignes 8-9, il semble qu’on devrait lire : selon que nostre entendement la luy represente bonne ou mauuaise.
Page 44, ligne 24, après quelquefois, ajouter que.
Page 46, ligne 23, après trouuois, ajouter toutes.
Page 47, ligne 11, receptable] lire receptacle.
Page 50, ligne 3, ce] lire le.
Page 50, ligne 6, desenflent] lire se desenflent.
Page 53, ligne 17, après qu’vne, ajoutez seule.
Page 55, ligne 10, estres] lire estre. — Ligne 21 : recuës] lire receuës.
Page 55, ligne 26, ces] lire ses.
Page 71, ligne 1, subtiles] lire subtils.

Page 94, ligne 4, il n’est] lire il n’est pas.
Page 104, ligne 14, peut] lire peut bien.
Page 144, ligne 13, obiet] lire œil. — Correction indiquée par Descartes, Correspondance, t. II, p. 481, I. 7, et d’ailleurs introduite dans l’édition latine.
Page 146, ligne 30, encores] lire qu’encores.
Page 157, ligne 13, ces] lire ses.
Page 174, ligne 30, BDOR] lire DBOR.
Page 180, ligne 5, BI lire NI.
Page 462, ligne 4, iusques en E] lire iusques a E.




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DISCOURS
DE LA METHODE
Pour bien conduire ſa raiſon, & chercher
la verité dans les ſciences.
Plus
LA DIOPTRIQVE.
LES METEORES.
et
LA GEOMETRIE.

Qui ſont des eſſais de cete Methode.


a Leyde
De l’Imprimerie de Ian Maire.
cIↄ Iↄ c xxxvii.
Auec Priuilege.


DISCOURS

DE LA METHODE

POUR BIEN CONDUIRE SA RAISON ET CHERCHER
LA VERITÉ DANS LES SCIENCES

Si ce diſcours ſemble trop long pour eſtre tout leu en vne fois, on le pourra diſtinguer en ſix parties. Et, en la premiere, on trouuera diuerſes conſiderations touchant les ſciences. En la ſeconde, les principales regles de la Methode que l’Autheur a cherchée. En la 3, quelques vnes de celles de la Morale qu’il a tirée de cete Methode. En la 4, les raiſons par leſquelles il prouue l’exiſtence de Dieu & de l’ame humaine, qui ſont les fondemens de ſa Metaphyſique. En la 5, l’ordre des queſtions de Phyſique qu’il a cherchées & particulierement l’explication du mouuement du cœur & de quelques autres difficultez qui appartienent a la Medecine, puis auſſy la difference qui eſt entre noſtre ame & celle des beſtes. Et en la derniere, quelles choſes il croit eſtre requiſes pour aller plus auant en la recherche de la Nature qu’il n’a eſté, & quelles raiſons l’ont fait eſcrire.


Premiere
partie
.

Le bon ſens eſt la choſe du monde la mieux partagée : car chaſcun penſe en eſtre ſi bien pouruû, que ceux meſme qui ſont les plus difficiles a contenter en toute autre choſe, n’ont point couſtume d’en deſirer plus qu’ils en ont. En quoy il n’eſt pas vrayſemblable que tous ſe trompent ; mais plutoſt cela teſmoigne que la puiſſance de bien iuger, & diſtinguer le vray d’auec le faux, qui eſt proprement ce qu’on nomme le bon ſens ou la raiſon, eſt naturellement eſgale en tous les hommes ; et ainſi que la diuerſité de nos opinions ne vient pas de ce que les vns ſont plus raiſonnables que les autres, mais ſeulement de ce que nous conduiſons nos penſées par diuerſes voyes, & ne conſiderons pas les meſmes choſes. Car ce n’eſt pas aſſez d’auoir l’eſprit bon, mais le principal eſt de l’appliquer bien. Les plus grandes ames ſont capables des plus grans vices, auſſy bien que des plus grandes vertus ; et ceux qui ne marchent que fort lentement, peuuent auancer beaucoup dauantage, s’ils ſuiuent touſiours le droit chemin, que ne font ceux qui courent, & qui s’en eſloignent.

Pour moy, ie n’ay iamais preſumé que mon eſprit fuſt en rien plus parfait que ceux du commun ; meſme i’ay ſouuent ſouhaité d’auoir la penſée auſſy prompte, ou l’imagination auſſy nette & diſtincte, ou la memoire auſſy ample, ou auſſy preſente, que quelques autres. Et ie ne ſçache point de qualitez que celles cy, qui ſeruent a la perfection de l’eſprit : car pour la raiſon, ou le ſens, d’autant qu’elle eſt la ſeule choſe qui nous rend hommes, & nous diſtingue des beſtes, ie veux croyre qu’elle eſt toute entiere en vn chaſcun, & ſuiure en cecy l’opinion commune des Philoſophes, qui diſent qu’il n’y a du plus & du moins qu’entre les accidens, & non point entre les formes, ou natures, des indiuidus d’vne meſme eſpece.

Mais ie ne craindray pas de dire que ie penſe auoir eu beaucoup d’heur, de m’eſtre rencontré dés ma ieuneſſe en certains chemins, qui m’ont conduit a des conſiderations & des maximes, dont i’ay formé vne Methode, par laquelle il me ſemble que i’ay moyen d’augmenter par degrez ma connoiſſance, & de l’eſleuer peu a peu au plus haut point, auquel la mediocrité de mon eſprit & la courte durée de ma vie luy pourront permettre d’atteindre. Car i’en ay deſia recueilly de tels fruits, qu’encore qu’aux iugemens que ie fais de moymeſme, ie taſche touſiours de pencher vers le coſté de la defiance, plutoſt que vers celuy de la preſomption ; & que, regardant d’vn œil de Philoſophe les diuerſes actions & entrepriſes de tous les hommes, il n’y en ait quaſi aucune qui ne me ſemble vaine & inutile ; ie ne laiſſe pas de receuoir vne extreme ſatisfaction du progrés que ie penſe auoir deſia fait en la recherche de la verité, & de conceuoir de telles eſperances pour l’auenir, que ſi, entre les occupations des hommes purement hommes, il y en a quelqu’vne qui ſoit ſolidement bonne & importante, i’oſe croyre que c’eſt celle que i’ay choiſie.

Toutefois il ſe peut faire que ie me trompe, & ce n’eſt peuteſtre qu’vn peu de cuiure & de verre que ie prens pour de l’or & des diamans. Ie ſçay combien nous ſommes ſuiets a nous méprendre en ce qui nous touche, & combien auſſy les iugemens de nos amis nous doiuent eſtre ſuſpects, lorſqu’ils ſont en noſtre faueur. Mais ie ſeray bien ayſe de faire voir, en ce diſcours, quels ſont les chemins que i’ay ſuiuis, & d’y repreſenter ma vie comme en vn tableau, affin que chaſcun en puiſſe iuger, & qu’apprenant du bruit commun les opinions qu’on en aura, ce ſoit vn nouueau moyen de m’inſtruire, que i’adiouſteray a ceux dont i’ay couſtume de me ſeruir.

Ainſi mon deſſein n’eſt pas d’enſeigner icy la Methode que chaſcun doit ſuiure pour bien conduire ſa raiſon, mais ſeulement de faire voir en quelle ſorte i’ay taſché de conduire la miene. Ceux qui ſe meſlent de donner des preceptes, ſe doiuent eſtimer plus habiles que ceux auſquels ils les donnent ; & s’ils manquent en la moindre choſe, ils en ſont blaſmables. Mais, ne propoſant cet eſcrit que comme vne hiſtoire, ou, ſi vous l’aymez mieux, que comme vne fable, en laquelle, parmi quelques exemples qu’on peut imiter, on en trouuera peuteſtre auſſy pluſieurs autres qu’on aura raiſon de ne pas ſuiure, i’eſpere qu’il ſera vtile a quelques vns, ſans eſtre nuiſible a perſonne, & que tous me ſçauront gré de ma franchiſe.

I’ay eſté nourri aux lettres dés mon enfance, & pource qu’on me perſuadoit que, par leur moyen, on pouuoit acquerir vne connoiſſance claire & aſſurée de tout ce qui eſt vtile a la vie, i’auois vn extreme deſir de les apprendre. Mais ſitoſt que i’eu acheué tout ce cours d’eſtudes, au bout duquel on a couſtume d’eſtre receu au rang des doctes, ie changeay entierement d’opinion. Car ie me trouuois embaraſſé de tant de doutes & d’erreurs, qu’il me ſembloit n’auoir fait autre profit, en taſchant de m’inſtruire, ſinon que i’auois découuert de plus en plus mon ignorance. Et neanmoins i’eſtois en l’vne des plus celebres eſcholes de l’Europe, où ie penſois qu’il deuoit y auoir de ſçauans hommes, s’il y en auoit en aucun endroit de la terre. I’y auois appris tout ce que les autres y apprenoient ; & meſme, ne m’eſtant pas contenté des ſciences qu’on nous enſeignoit, i’auois parcouru tous les liures, traitans de celles qu’on eſtime les plus curieuſes & les plus rares, qui auoient pû tomber entre mes mains. Auec cela, ie ſçauois les iugemens que les autres faiſoient de moy ; & ie ne voyois point qu’on m’eſtimaſt inferieur a mes condiſciples, bien qu’il y en euſt deſia entre eux quelques vns, qu’on deſtinoit a remplir les places de nos maiſtres. Et enfin noſtre ſiecle me ſembloit auſſy fleuriſſant, & auſſy fertile en bons eſprits, qu’ait eſté aucun des precedens. Ce qui me faiſoit prendre la liberté de iuger par moy de tous les autres, & de penſer qu’il n’y auoit aucune doctrine dans le monde, qui fuſt telle qu’on m’auoit auparauant fait eſperer.

Ie ne laiſſois pas toutefois d’eſtimer les exercices, auſquels on s’occupe dans les eſcholes. Ie ſçauois que les langues, qu’on y apprent, ſont neceſſaires pour l’intelligence des liures anciens ; que la gentilleſſe des fables reſueille l’eſprit ; que les actions memorables des hiſtoires le releuent, & qu’eſtant leuës auec diſcretion, elles aydent a former le iugement ; que la lecture de tous les bons liures eſt comme vne conuerſation auec les plus honneſtes gens des ſiecles paſſez, qui en ont eſté les autheurs, & meſme vne conuerſation eſtudiée, en laquelle ils ne nous découurent que les meilleures de leurs penſées ; que l’Eloquence a des forces & des beautez incomparables ; que la Poëſie a des delicateſſes & des douceurs tres rauiſſantes ; que les Mathematiques ont des inuentions tres ſubtiles, & qui peuuent beaucoup ſeruir, tant a contenter les curieux, qu’a faciliter tous les arts, & diminuer le trauail des hommes ; que les eſcris qui traitent des meurs contienent pluſieurs enſeignemens, & pluſieurs exhortations a la vertu qui ſont fort vtiles ; que la Theologie enſeigne a gaigner le ciel ; que la Philoſophie donne moyen de parler vrayſemblablement de toutes choſes, & ſe faire admirer des moins ſçauans ; que la Iuriſprudence, la Medecine & les autres ſciences apportent des honneurs & des richeſſes a ceux qui les cultiuent ; et enfin, qu’il eſt bon de les auoir toutes examinées, meſme les plus ſuperſtitieuſes & les plus fauſſes, affin de connoiſtre leur iuſte valeur, & ſe garder d’en eſtre trompé.

Mais ie croyois auoir deſia donné aſſez de tems aux langues, & meſme auſſy a la lecture des liures anciens, & a leurs hiſtoires, & a leurs fables. Car c’eſt quaſi le meſme de conuerſer auec ceux des autres ſiecles, que de voyaſger. Il eſt bon de ſçauoir quelque choſe des meurs de diuers peuples, affin de iuger des noſtres plus ſainement, & que nous ne penſions pas que tout ce qui eſt contre nos modes ſoit ridicule, & contre raiſon, ainſi qu’ont couſtume de faire ceux qui n’ont rien vû. Mais lorſqu’on employe trop de tems a voyaſger, on deuient enfin eſtranger en ſon païs ; & lorſqu’on eſt trop curieux des choſes qui ſe pratiquoient aux ſiecles paſſez, on demeure ordinairement fort ignorant de celles qui ſe pratiquent en cetuycy. Outre que les fables font imaginer pluſieurs euenemens comme poſſibles qui ne le ſont point ; et que meſme les hiſtoires les plus fideles, ſi elles ne changent ny n’augmentent la valeur des choſes, pour les rendre plus dignes d’eſtre leuës, au moins en omettent elles preſque touſiours les plus baſſes & moins illuſtres circonſtances : d’où vient que le reſte ne paroiſt pas tel qu’il eſt, & que ceux qui reglent leurs meurs par les exemples qu’ils en tirent, ſont ſuiets a tomber dans les extrauagances des Paladins de nos romans, & a conceuoir des deſſeins qui paſſent leurs forces.

I’eſtimois fort l’Eloquence, & i’eſtois amoureux de la Poëſie ; mais ie penſois que l’vne & l’autre eſtoient des dons de l’eſprit, plutoſt que des fruits de l’eſtude. Ceux qui ont le raiſonnement le plus fort, & qui digerent le mieux leurs penſées, affin de les rendre claires & intelligibles, peuuent touſiours le mieux perſuader ce qu’ils propoſent, encore qu’ils ne parlaſſent que bas Breton, & qu’ils n’euſſent iamais apris de Rhetorique. Et ceux qui ont les inuentions les plus agreables, & qui les ſçauent exprimer auec le plus d’ornement & de douceur, ne lairroient pas d’eſtre les meilleurs Poëtes, encore que l’art Poëtique leur fuſt inconnu.

Ie me plaiſois ſurtout aux Mathematiques, a cauſe de la certitude & de l’euidence de leurs raiſons ; mais ie ne remarquois point encore leur vray vſage, & penſant qu’elles ne ſeruoient qu’aux Arts Mechaniques, ie m’eſtonnois de ce que, leurs fondemens eſtans ſi fermes & ſi ſolides, on n’auoit rien baſti deſſus de plus releué. Comme, au contraire, ie comparois les eſcris des anciens payens, qui traitent des meurs, a des palais fort ſuperbes & fort magnifiques, qui n’eſtoient baſtis que ſur du ſable & ſur de la bouë. Ils eſleuent fort haut les vertus, & les font paroiſtre eſtimables par deſſus toutes les choſes qui ſont au monde ; mais ils n’enſeignent pas aſſez a les connoiſtre, & ſouuent ce qu’ils appelent d’vn ſi beau nom, n’eſt qu’vne inſenſibilité, ou vn orgueil, ou vn deſeſpoir, ou vn parricide.

Ie reuerois noſtre Theologie, & pretendois, autant qu’aucun autre, a gaigner le ciel ; mais ayant apris, comme choſe tres aſſurée, que le chemin n’en eſt pas moins ouuert aux plus ignorans qu’aux plus doctes, & que les veritez reuelées, qui y conduiſent, ſont au deſſus de noſtre intelligence, ie n’euſſe oſé les ſoumettre a la foibleſſe de mes raiſonnemens, & ie penſois que, pour entreprendre de les examiner & y reuſſir, il eſtoit beſoin d’auoir quelque extraordinaire aſſiſtence du ciel, & d’eſtre plus qu’homme.

Ie ne diray rien de la Philoſophie, ſinon que, voyant qu’elle a eſté cultiuée par les plus excellens eſprits qui ayent veſcu depuis pluſieurs ſiecles, & que neanmoins il ne s’y trouue encore aucune choſe dont on ne diſpute, & par conſequent qui ne ſoit douteuſe, ie n’auois point aſſés de preſomption pour eſperer d’y rencontrer mieux que les autres ; et que, conſiderant combien il peut y auoir de diuerſes opinions, touchant vne meſme matiere, qui ſoient ſouſtenuës par des gens doctes, ſans qu’il y en puiſſe auoir iamais plus d’vne ſeule qui ſoit vraye, ie reputois preſque pour faux tout ce qui n’eſtoit que vrayſemblable.

Puis, pour les autres ſciences, d’autant qu’elles empruntent leurs principes de la Philoſophie, ie iugeois qu’on ne pouuoit auoir rien baſti, qui fuſt ſolide, ſur des fondemens ſi peu fermes. Et ny l’honneur, ny le gain qu’elles promettent, n’eſtoient ſuffiſans pour me conuier a les apprendre ; car ie ne me ſentois point, graces a Dieu, de condition qui m’obligeaſt à faire vn meſtier de la ſcience, pour le ſoulagement de ma fortune ; et quoy que ie ne fiſſe pas profeſſion de meſpriſer la gloire en Cynique, ie faiſois neanmoins fort peu d’eſtat de celle que ie n’eſperois point pouuoir acquerir qu’a faux titres. Et enfin, pour les mauuaiſes doctrines, ie penſois deſia connoiſtre aſſés ce qu’elles valoient, pour n’eſtre plus ſuiet a eſtre trompé, ny par les promeſſes d’vn Alchemiſte, ni par les predictions d’vn Aſtrologue, ny par les impoſtures d’vn Magicien, ny par les artifices ou la venterie d’aucun de ceux qui font profeſſion de ſçauoir plus qu’ils ne ſçauent.

C’eſt pourquoy, ſitoſt que l’aage me permit de ſortir de la ſuietion de mes Precepteurs, ie quittay entierement l’eſtude des lettres. Et me reſoluant de ne chercher plus d’autre ſcience, que celle qui ſe pourroit trouuer en moymeſme, ou bien dans le grand liure du monde, i’employay le reſte de ma ieuneſſe à voyaſger, a voir des cours & des armées, a frequenter des gens de diuerſes humeurs & conditions, a recueillir diuerſes experiences, a m’eſprouuer moymeſme dans les rencontres que la fortune me propoſoit, & partout à faire telle reflexion ſur les choſes qui ſe preſentoient, que i’en pûſſe tirer quelque profit. Car il me ſembloit que ie pourrois rencontrer beaucoup plus de verité, dans les raiſonnemens que chaſcun fait touchant les affaires qui luy importent, & dont l’euenement le doit punir bientoſt aprés, s’il a mal iugé, que dans ceux que fait vn homme de lettres dans ſon cabinet, touchant des ſpeculations qui ne produiſent aucun effect, & qui ne luy ſont d’autre conſequence, ſinon que peuteſtre il en tirera d’autant plus de vanité qu’elles ſeront plus eſlolgnées du ſens commun, a cauſe qu’il aura deu employer d’autant plus d’eſprit & d’artifice a taſcher de les rendre vrayſemblables. Et i’auois touſiours vn extreme deſir d’apprendre a diſtinguer le vray d’auec le faux, pour voir clair en mes actions, & marcher auec aſſurance en cete vie.

Il eſt vray que, pendant que ie ne faiſois que conſiderer les meurs des autres hommes, ie n’y trouuois gueres de quoy m’aſſurer, & que i’y remarquois quaſi autant de diuerſité que i’auois fait auparauant entre les opinions des Philoſophes. En ſorte que le plus grand profit que i’en retirois, eſtoit que, voyant pluſieurs choſes qui, bien qu’elles nous ſemblent fort extrauagantes & ridicules, ne laiſſent pas d’eſtre communement receuës & approuuées par d’autres grans peuples, i’apprenois a ne rien croyre trop fermement de ce qui ne m’auoit eſté perſuadé que par l’exemple & par la couſtume ; et ainſi ie me deliurois peu a peu de beaucoup d’erreurs, qui peuuent offuſquer noſtre lumiere naturelle, & nous rendre moins capables d’entendre raiſon. Mais aprés que i’eu employé quelques années a eſtudier ainſi dans le liure du monde, & a taſcher d’acquerir quelque experience, ie pris vn iour reſolution d’eſtudier auſſy en moymeſme, & d’employer toutes les forces de mon eſprit a choyſir les chemins que ie deuois ſuiure. Ce qui me reuſſit beaucoup mieux, ce me ſemble, que ſi ie ne me fuſſe iamais eſloigné, ny de mon païs, ny de mes liures.


Seconde
partie
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I’eſtois alors en Allemaigne, ou l’occaſion des guerres qui n’y ſont pas encore finies m’auoit appelé ; & comme ie retournois du couronnement de l’Empereur vers l’armée, le commencement de l’hyuer m’areſta en vn quartier, ou ne trouuant aucune conuerſation qui me diuertiſt, & n’ayant d’ailleurs, par bonheur, aucuns ſoins ny paſſions qui me troublaſſent, ie demeurois tout le iour enfermé ſeul dans vn poëſle, ou i’auois tout loyſir de m’entretenir de mes penſées. Entre leſquelles, l’vne des premieres fut que ie m’auiſay de conſiderer, que ſouuent il n’y a pas tant de perfection dans les ouurages compoſez de pluſieurs pieces, & faits de la main de diuers maiſtres, qu’en ceux auſquels vn ſeul a trauaillé. Ainſi voit on que les baſtimens qu’vn ſeul Architecte a entrepris & acheuez, ont couſtume d’eſtre plus beaux & mieux ordonnez, que ceux que pluſieurs ont taſché de racommoder, en faiſant ſeruir de vieilles murailles qui auoient eſté baſties a d’autres fins. Ainſi ces ancienes citez, qui, n’ayant eſté au commencement que des bourgades, ſont deuenuës, par ſucceſſion de tems, de grandes villes, ſont ordinairement ſi mal compaſſées, au pris de ces places regulieres qu’vn Ingenieur trace a ſa fantaiſie dans vne plaine, qu’encore que, conſiderant leurs edifices chaſcun a part, on y trouue ſouuent autant ou plus d’art qu’en ceux des autres, toutefois, a voir comme ils ſont arrangez, icy vn grand, là vn petit, & comme ils rendent les rues courbées & ineſgales, on diroit que c’eſt plutoſt la fortune, que la volonté de quelques hommes vſans de raiſon, qui les a ainſi diſpoſez. Et ſi on conſidere qu’il y a eu neanmoins de tout tems quelques officiers, qui ont eu charge de prendre garde aux baſtimens des particuliers, pour les faire ſeruir a l’ornement du public, on connoiſtra bien qu’il eſt malayſé, en ne trauaillant que ſur les ouurages d’autruy, de faire des choſes fort accomplies. Ainſi ie m’imaginay que les peuples qui, ayant eſté autrefois demi ſauuages, & ne s’eſtant ciuiliſez que peu a peu, n’ont fait leurs loix qu’a meſure que l’incommodité des crimes & des querelles les y a contrains, ne ſçauroient eſtre ſi bien policez que ceux qui, dés le commencement qu’ils ſe ſont aſſemblez, ont obſerué les conſtitutions de quelque prudent Legiſlateur. Comme il eſt bien certain que l’eſtat de la vraye Religion, dont Dieu ſeul a fait les ordonnances, doit eſtre incomparablement mieux réglé que tous les autres. Et pour parler des choſes humaines, ie croy que, ſi Sparte a eſté autrefois tres floriſſante, ce n’a pas eſté a cauſe de la bonté de chaſcune de ſes loix en particulier, vû que pluſieurs eſtoient fort eſtranges, & meſme contraires aux bonnes meurs, mais a cauſe que, n’ayant eſté inuentées que par vn ſeul, elles tendoient toutes a meſme fin. Et ainſi ie penſay que les ſciences des liures, au moins celles dont les raiſons ne ſont que probables, & qui n’ont aucunes demonſtrations, s’eſtant compoſées & groſſies peu a peu des opinions de pluſieurs diuerſes perſonnes, ne ſont point ſi approchantes de la verité, que les ſimples raiſonnemens que peut faire naturellement vn homme de bon ſens touchant les choſes qui ſe préſentent. Et ainſi encore ie penſay que, pource que nous auons tous eſté enfans auant que d’eſtre hommes, & qu’il nous a fallu long tems eſtre gouuernez par nos appetis & nos Precepteurs, qui eſtoient ſouuent contraires les vns aux autres, & qui, ny les vns ny les autres, ne nous conſeilloient peuteſtre pas touſiours le meilleur, il eſt preſqu’impoſſible que nos iugemens ſoient ſi purs, ny ſi ſolides qu’ils auroient eſté, ſi nous auions eu l’vſage entier de noſtre raiſon dés le point de noſtre naiſſance, & que nous n’euſſions iamais eſté conduits que par elle.

Il eſt vray que nous ne voyons point qu’on iette par terre toutes les maiſons d’vne ville, pour le ſeul deſſein de les refaire d’autre façon, & d’en rendre les ruës plus belles ; mais on voit bien que pluſieurs font abatre les leurs pour les rebaſtir, & que meſme quelquefois ils y ſont contrains, quand elles ſont en danger de tomber d’elles meſmes, & que les fondemens n’en ſont pas bien fermes. A l’exemple de quoy ie me perſuaday, qu’il n’y auroit veritablement point d’apparence qu’vn particulier fiſt deſſein de reformer vn Eſtat, en y changeant tout dés les fondemens, & en le renuerſant pour le redreſſer ; ny meſme auſſy de reformer le cors des ſciences, ou l’ordre eſtabli dans les eſcholes pour les enſeigner ; mais que, pour toutes les opinions que i’auois receuës iuſques alors en ma creance, ie ne pouuois mieux faire que d’entreprendre, vne bonne fois, de les en oſter, affin d’y en remettre par aprés, ou d’autres meilleures, ou bien les meſmes, lorſque ie les aurois aiuſtées au niueau de la raiſon. Et ie creu fermement que, par ce moyen, ie reuſſirois a conduire ma vie beaucoup mieux que ſi ie ne baſtiſſois que ſur de vieux fondemens, & que ie ne m’appuiaſſe que ſur les principes que ie m’eſtois laiſſé perſuader en ma ieuneſſe, ſans auoir iamais examiné s’ils eſtoient vrais. Car, bien que ie remarquaſſe en cecy diuerſes difficultez, elles n’eſtoient point toutefois ſans remede, ny comparables a celles qui ſe trouuent en la reformation des moindres choſes qui touchent le public. Ces grans cors ſont trop malayſez a releuer, eſtant abatus, ou meſme a retenir, eſtant eſbranſlez, & leurs cheutes ne peuuent eſtre que tres rudes. Puis, pour leurs imperfections, s’ils en ont, comme la ſeule diuerſité qui eſt entre eux ſuffit pour aſſurer que pluſieurs en ont, l’vſage les a ſans doute fort adoucies ; & meſme il en a euité ou corrigé inſenſiblement quantité, auſquelles on ne pourroit ſi bien pouruoir par prudence. Et enfin, elles ſont quaſi touſiours plus ſupportables que ne ſeroit leur changement : en meſme façon que les grans chemins, qui tournoyent entre des montaignes, deuienent peu a peu ſi vnis & ſi commodes, a force d’eſtre frequentez, qu’il eſt beaucoup meilleur de les ſuiure, que d’entreprendre d’aller plus droit, en grimpant au deſſus des rochers, & deſcendant iuſques au bas des precipices.

C’eſt pourquoy ie ne ſçaurois aucunement approuuer ces humeurs brouillonnes & inquietes, qui, n’eſtant appelez, ny par leur naiſſance, ny par leur fortune, au maniement des affaires publiques, ne laiſſent pas d’y faire touſiours, en idée, quelque nouuelle reformation. Et ſi ie penſois qu’il y euſt la moindre choſe en cet eſcrit, par laquelle on me pûſt ſoupçonner de cete folie, ie ſerois tres marry de ſouffrir qu’il fuſt publié. Iamais mon deſſein ne s’eſt eſtendu plus auant que de taſcher a reformer mes propres penſées, & de baſtir dans vn fons qui eſt tout a moy. Que ſi, mon ouurage m’ayant aſſez pleu, ie vous en fais voir icy le modelle, ce n’eſt pas, pour cela, que ie veuille conſeiller a perſonne de l’imiter. Ceux que Dieu a mieux partagez de ſes graces, auront peuteſtre des deſſeins plus releuez ; mais ie crains bien que cetuy-cy ne ſoit deſia que trop hardi pour pluſieurs. La ſeule reſolution de ſe défaire de toutes les opinions qu’on a receuës auparauant en ſa creance, n’eſt pas vn exemple que chaſcun doiue ſuiure ; et le monde n’eſt quaſi compoſé que de deux ſortes d’eſpris auſquels il ne conuient aucunement. A ſçauoir, de ceux qui, ſe croyans plus habiles qu’ils ne ſont, ne ſe peuuent empeſcher de precipiter leurs iugemens, ny auoir aſſez de patience pour conduire par ordre toutes leurs penſées : d’où vient que, s’ils auoient vne fois pris la liberté de douter des principes qu’ils ont receus, & de s’eſcarter du chemin commun, iamais ils ne pourroient tenir le ſentier qu’il faut prendre pour aller plus droit, & demeureroient eſgarez toute leur vie. Puis, de ceux qui, ayant aſſez de raiſon, ou de modeſtie, pour iuger qu’ils ſont moins capables de diſtinguer le vray d’auec le faux, que quelques autres par leſquels ils peuuent eſtre inſtruits, doiuent bien plutoſt ſe contenter de ſuiure les opinions de ces autres, qu’en chercher eux meſmes de meilleures.

Et pour moy, i’aurois eſté ſans doute du nombre de ces derniers, ſi ie n’auois iamais eu qu’vn ſeul maiſtre, ou que ie n’euſſe point ſceu les differences qui ont eſté de tout tems entre les opinions des plus doctes. Mais ayant appris, dés le College, qu’on ne ſçauroit rien imaginer de ſi eſtrange & ſi peu croyable, qu’il n’ait eſté dit par quelqu’vn des Philoſophes ; et depuis, en voyaſgeant, ayant reconnu que tous ceux qui ont des ſentimens fort contraires aux noſtres, ne ſont pas, pour cela, barbares ny ſauuages, mais que pluſieurs vſent, autant ou plus que nous, de raiſon ; et ayant conſideré combien vn meſme homme, auec ſon meſme eſprit, eſtant norri dés ſon enfance entre des François ou des Allemans, deuient different de ce qu’il ſeroit, s’il auoit touſiours veſcu entre des Chinois ou des Canibales ; et comment, iuſques aux modes de nos habits, la meſme choſe qui nous a plû il a dix ans, & qui nous plaira peuteſtre encore auant dix ans, nous ſemble maintenant extrauagante & ridicule : en ſorte que c’eſt bien plus la couſtume & l’exemple qui nous perſuade, qu’aucune connoiſſance certaine, & que neanmoins la pluralité des voix n’eſt pas vne preuue qui vaille rien, pour les veritez vn peu malayſées a découurir, a cauſe qu’il eſt bien plus vrayſemblable qu’vn homme ſeul les ait rencontrées que tout vn peuple : ie ne pouuois choiſir perſonne dont les opinions me ſemblaſſent deuoir eſtre preferées a celles des autres, & ie me trouuay comme contraint d’entreprendre moymeſme de me conduire.

Mais, comme vn homme qui marche ſeul & dans les tenebres, ie me reſolu d’aller ſi lentement, & d’vſer de tant de circonſpection en toutes choſes, que, ſi ie n’auançois que fort peu, ie me garderois bien, au moins, de tomber. Meſme ie ne voulu point commencer a reietter tout a fait aucune des opinions, qui s’eſtoient pû gliſſer autrefois en ma creance ſans y auoir eſté introduites par la raiſon, que ie n’euſſe auparauant employé aſſez de tems a faire le proiet de l’ouurage que i’entreprenois, & a chercher la vraye Methode pour paruenir a la connoiſſance de toutes les choſes dont mon eſprit ſeroit capable.

I’auois vn peu eſtudié, eſtant plus ieune, entre les parties de la Philoſophie, a la Logique, & entre les Mathematiques, a l’Analyſe des Geometres & a l’Algebre, trois ars ou ſciences qui ſembloient deuoir contribuër quelque choſe a mon deſſein. Mais, en les examinant, ie pris garde que, pour la Logique, ſes ſyllogiſmes & la pluſpart de ſes autres inſtructions ſeruent plutoſt a expliquer a autruy les choſes qu’on ſçait, ou meſme, comme l’art de Lulle, a parler, ſans iugement, de celles qu’on ignore, qu’a les apprendre. Et bien que elle contiene, en effect, beaucoup de preceptes tres vrais & tres bons, il y en a toutefois tant d’autres, meſlez parmi, qui ſont ou nuiſibles ou ſuperflus, qu’il eſt preſque auſſy malayſé de les en ſeparer, que de tirer vne Diane ou vne Minerue hors d’vn bloc de marbre qui n’eſt point encore eſbauché. Puis, pour l’Analyſe des anciens & l’Algebre des modernes, outre qu’elles ne s’eſtendent qu’a des matieres fort abſtractes, & qui ne ſemblent d’aucun vſage, la premiere eſt touſiours ſi aſtrainte a la conſideration des figures, qu’elle ne peut exercer l’entendement ſans fatiguer beaucoup l’imagination ; et on s’eſt tellement aſſuieti, en la derniere, a certaines reigles & a certains chiffres, qu’on en a fait vn art confus & obſcur, qui embarraſſe l’eſprit, au lieu d’vne ſcience qui le cultiue. Ce qui fut cauſe que ie penſay qu’il falloit chercher quelque autre Methode, qui, comprenant les auantages de ces trois, fuſt exempte de leurs defaux. Et comme la multitude des loix fourniſt ſouuent des excuſes aux vices, en ſorte qu’vn Eſtat eſt bien mieux reiglé, lorſque, n’en ayant que fort peu, elles y ſont fort eſtroitement obſeruées ; ainſi, au lieu de ce grand nombre de preceptes dont la Logique eſt compoſée, ie creu que i’aurois aſſez des quatre ſuiuans, pouruû que ie priſſe vne ferme & conſtante reſolution de ne manquer pas vne ſeule fois a les obſeruer.

Le premier eſtoit de ne receuoir iamais aucune choſe pour vraye, que ie ne la connuſſe euidemment eſtre telle : c’eſt a dire, d’euiter ſoigneuſement la Precipitation, & la Preuention ; & de ne comprendre rien de plus en mes iugemens, que ce qui ſe preſenteroit ſi clairement & ſi diſtindement a mon eſprit, que ie n’euſſe aucune occaſion de le mettre en doute.

Le ſecond, de diuiſer chaſcune des difficultez que i’examinerois, en autant de parcelles qu’il ſe pourroit, & qu’il ſeroit requis pour les mieux reſoudre.

Le troiſieſme, de conduire par ordre mes penſées, en commençant par les obiets les plus ſimples & les plus ayſez a connoiſtre, pour monter peu a peu, comme par degrez, iuſques a la connoiſſance des plus compoſez ; et ſuppoſant meſme de l’ordre entre ceux qui ne ſe precedent point naturellement les vns les autres.

Et le dernier, de faire partout des denombremens ſi entiers, & des reueuës ſi generales, que ie fuſſe aſſuré de ne rien omettre.

Ces longues chaiſnes de raiſons, toutes ſimples & faciles, dont les Geometres ont couſtume de ſe ſeruir, pour paruenir a leurs plus difficiles demonſtrations, m’auoient donné occaſion de m’imaginer que toutes les choſes, qui peuuent tomber ſous la connoiſſance des hommes, s’entreſuiuent en meſme façon, & que, pouruû ſeulement qu’on s’abſtiene d’en receuoir aucune pour vraye qui ne le ſoit, & qu’on garde touſiours l’ordre qu’il faut, pour les deduire les vnes des autres, il n’y en peut auoir de ſi eſloignées, auſquelles enfin on ne paruiene, ny de ſi cachées qu’on ne découure. Et ie ne fus pas beaucoup en peine de chercher par leſquelles il eſtoit beſoin de commencer : car ie ſçauois deſia que c’eſtoit par les plus ſimples & les plus ayſées a connoiſtre ; & conſiderant qu’entre tous ceux qui ont cy deuant recherché la verité dans les ſciences, il n’y a eu que les ſeuls Mathematiciens qui ont pû trouuer quelques demonſtrations, c’eſt a dire quelques raiſons certaines & euidentes, ie ne doutois point que ce ne fuſt par les meſmes qu’ils ont examinées ; bien que ie n’en eſperaſſe aucune autre vtilité, ſinon qu’elles accouſtumeroient mon eſprit a ſe repaiſtre de veritez, & ne ſe contenter point de fauſſes raiſons. Mais ie n’eu pas deſſein, pour cela, de taſcher d’apprendre toutes ces ſciences particulieres, qu’on nomme communement Mathematiques ; & voyant qu’encore que leurs obiets ſoient differens, elles ne laiſſent pas de s’accorder toutes, en ce qu’elles n’y conſiderent autre choſe que les diuers rappors ou proportions qui s’y trouuent, ie penſay qu’il valoit mieux que i’examinaſſe ſeulement ces proportions en general, & ſans les ſuppoſer que dans les ſuiets qui ſeruiroient a m’en rendre la connoiſſance plus ayſée ; meſme auſſy ſans les y aſtreindre aucunement, affin de les pouuoir d’autant mieux appliquer aprés a tous les autres auſquels elles conuiendroient. Puis, ayant pris garde que, pour les connoiſtre, i’aurois quelquefois beſoin de les conſiderer chaſcune en particulier, & quelquefois ſeulement de les retenir, ou de les comprendre pluſieurs enſemble, ie penſay que, pour les conſiderer mieux en particulier, ie les deuois ſuppoſer en des lignes, a cauſe que ie ne trouuois rien de plus ſimple, ny que ie pûſſe plus diſtinctement repreſenter a mon imagination & a mes ſens ; mais que, pour les retenir, ou les comprendre pluſieurs enſemble, il falloit que ie les expliquaſſe par quelques chiffres, les plus courts qu’il ſeroit poſſible ; et que, par ce moyen, i’emprunterois tout le meilleur de l’Analyſe Geometrique & de l’Algebre, & corrigerois tous les defaus de l’vne par l’autre.

Comme, en effect, i’oſe dire que l’exacte obſeruation de ce peu de preceptes que i’auois choiſis, me donna telle facilité a demeſler toutes les queſtions auſquelles ces deux ſciences s’eſtendent, qu’en deux ou trois mois que i’employay a les examiner, ayant commencé par les plus ſimples & plus generales, & chaſque verité que ie trouuois eſtant vne reigle qui me ſeruoit aprés a en trouuer d’autres, non ſeulement ie vins a bout de pluſieurs que i’auois iugées autrefois tres difficiles, mais il me ſembla auſſy, vers la fin, que ie pouuois determiner, en celles meſme que i’ignorois, par quels moyens, & iuſques où, il eſtoit poſſible de les reſoudre. En quoy ie ne vous paroiſtray peuteſtre pas eſtre fort vain, ſi vous conſiderez que, n’y ayant qu’vne verité de chaſque choſe, quiconque la trouue en ſçait autant qu’on en peut ſçauoir ; et que, par exemple, vn enfant inſtruit en l’Arithmetique, ayant fait vne addition ſuiuant ſes reigles, ſe peut aſſurer d’auoir trouué, touchant la ſomme qu’il examinoit, tout ce que l’eſprit humain ſçauroit trouuer. Car enfin la Methode qui enſeigne a ſuiure le vray ordre, & a denombrer exactement toutes les circonſtances de ce qu’on cherche, contient tout ce qui donne de la certitude aux reigles d’Arithmetique.

Mais ce qui me contentoit le plus de cete Methode, eſtoit que, par elle, i’eſtois aſſuré d’vſer en tout de ma raiſon, ſinon parfaitement, au moins le mieux qui fuſt en mon pouuoir ; outre que ie ſentois, en la prattiquant, que mon eſprit s’accouſtumoit peu a peu a conceuoir plus netement & plus diſtinctement ſes obiets, & que, ne l’ayant point aſſuiettie a aucune matiere particuliere, ie me promettois de l’appliquer auſſy vtilement aux difficultez des autres ſciences, que i’auois fait a celles de l’Algebre. Non que, pour cela, i’oſaſſe entreprendre d’abord d’examiner toutes celles qui ſe preſenteroient ; car cela meſme euſt eſté contraire a l’ordre qu’elle preſcrit. Mais, ayant pris garde que leurs principes deuoient tous eſtre empruntez de la Philoſophie, en laquelle ie n’en trouuois point encore de certains, ie penſay qu’il faloit, auant tout, que ie taſchaſſe d’y en eſtablir ; & que, cela eſtant la choſe du monde la plus importante, & où la Precipitation & la Preuention eſtoient le plus a craindre, ie ne deuois point entreprendre d’en venir a bout, que ie n’euſſe attaint vn aage bien plus meur que celuy de vingt trois ans, que i’auois alors ; et que ie n’euſſe, auparauant, employé beaucoup de tems a m’y preparer, tant en deracinant de mon eſprit toutes les mauuaiſes opinions que i’y auois receuës auant ce tems là, qu’en faiſant amas de pluſieurs experiences, pour eſtre aprés la matiere de mes raiſonnemens, & en m’exerçant touſiours en la Methode que ie m’eſtois preſcrite, affin de m’y affermir de plus en plus.


Troisiesme
partie
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Et enfin, comme ce n’eſt pas aſſez, auant de commencer a rebaſtir le logis ou on demeure, que de l’abattre, & de faire prouiſion de materiaux & d’Architectes, ou s’exercer ſoymeſme a l’Architecture, & outre cela d’en auoir ſoigneuſement tracé le deſſein ; mais qu’il faut auſſy s’eſtre pouruû de quelque autre, où on puiſſe eſtre logé commodement pendant le tems qu’on y trauaillera ; ainſi, affin que ie ne demeuraſſe point irreſolu en mes actions, pendant que la raiſon m’obligeroit de l’eſtre en mes iugemens, & que ie ne laiſſaſſe pas de viure dés lors le plus hureuſement que ie pourrois, ie me formay vne morale par prouiſion, qui ne conſiſtoit qu’en trois ou quatre maximes, dont ie veux bien vous faire part.

La premiere eſtoit d’obeir aux lois & aux couſtumes de mon païs, retenant conſtanment la religion en laquelle Dieu m’a fait la grace d’eſtre inſtruit dés mon enfance, & me gouuernant, en toute autre choſe, ſuiuant les opinions les plus moderées, & les plus eſloignées de l’excés, qui fuſſent communement receuës en pratique par les mieux ſenſez de ceux auec leſquels i’aurois a viure. Car, commençant dés lors a ne conter pour rien les mienes propres, a cauſe que ie les voulois remettre toutes a l’examen, i’eſtois aſſuré de ne pouuoir mieux que de ſuiure celles des mieux ſenſez. Et encore qu’il y en ait peuteſtre d’auſſy bien ſenſez, parmi les Perſes ou les Chinois, que parmi nous, il me ſembloit que le plus vtile eſtoit de me regler ſelon ceux auec leſquels i’aurois a viure ; et que, pour ſçauoir quelles eſtoient veritablement leurs opinions, ie deuois plutoſt prendre garde a ce qu’ils prattiquoient qu’a ce qu’ils diſoient ; non ſeulement a cauſe qu’en la corruption de nos mœurs il y a peu de gens qui veuillent dire tout ce qu’ils croyent, mais auſſy a cauſe que pluſieurs l’ignorent eux meſmes ; car l’action de la penſée par laquelle on croit vne choſe, eſtant differente de celle par laquelle on connoiſt qu’on la croit, elles ſont ſouuent l’vne ſans l’autre. Et entre pluſieurs opinions eſgalement receuës, ie ne choiſiſſois que les plus moderées : tant a cauſe que ce ſont touſiours les plus commodes pour la prattique, & vrayſemblablement les meilleures, tous excés ayant couſtume d’eſtre mauuais ; comme auſſy affin de me détourner moins du vray chemin, en cas que ie failliſſe, que ſi, ayant choiſi l’vn des extremes, c’euſt eſté l’autre qu’il euſt fallu ſuiure. Et, particulierement, ie mettois entre les excés toutes les promeſſes par leſquelles on retranche quelque choſe de ſa liberté. Non que ie deſaprouuaſſe les lois qui, pour remedier a l’inconſtance des eſprits foibles, permettent, lorſqu’on a quelque bon deſſein, ou meſme, pour la ſeureté du commerce, quelque deſſein qui n’eſt qu’indifferent, qu’on face des vœux ou des contrats qui obligent a y perſeuerer ; mais a cauſe que ie ne voyois au monde aucune choſe qui demeuraſt touſiours en meſme eſtat, & que, pour mon particulier, ie me promettois de perfectionner de plus en plus mes iugemens, & non point de les rendre pires, i’euſſe penſé commettre vne grande faute contre le bon ſens, ſi, pour ce que i’approuuois alors quelque choſe, ie me fuſſe obligé de la prendre pour bonne encore aprés, lorſqu’elle auroit peuteſtre ceſſé de l’eſtre, ou que i’aurois ceſſé de l’eſtimer telle.

Ma ſeconde maxime eſtoit d’eſtre le plus ferme & le plus reſolu en mes actions que ie pourrois, & de ne ſuiure pas moins conſtanment les opinions les plus douteuſes, lorſque ie m’y ſerois vne fois determiné, que ſi elles euſſent eſté tres aſſurées. Imitant en cecy les voyaſgeurs qui, ſe trouuant eſgarez en quelque foreſt, ne doiuent pas errer en tournoyant, tantoſt d’vn coſté, tantoſt d’vn autre, ny encore moins s’areſter en vne place, mais marcher touſiours le plus droit qu’ils peuuent vers vn meſme coſté, & ne le changer point pour de foibles raiſons, encore que ce n’ait peuteſtre eſté au commencement que le haſard ſeul qui les ait determinez a le choiſir : car, par ce moyen, s’ils ne vont iuſtement où ils deſirent, ils arriueront au moins a la fin quelque part, où vrayſemblablement ils ſeront mieux que dans le milieu d’vne foreſt. Et ainſi, les actions de la vie ne ſouffrant ſouuent aucun delay, c’eſt vne verité tres certaine que, lorſqu’il n’eſt pas en noſtre pouuoir de diſcerner les plus vrayes opinions, nous deuons ſuiure les plus probables ; et meſme, qu’encore que nous ne remarquions point dauantage de probabilité aux vnes qu’aux autres, nous deuons neanmoins nous determiner a quelques vnes, & les conſiderer aprés, non plus comme douteuſes, en tant qu’elles ſe rapportent a la prattique, mais comme tres vrayes & tres certaines, a cauſe que la raiſon qui nous y a fait determiner, ſe trouue telle. Et cecy fut capable dés lors de me deliurer de tous les repentirs & les remors, qui ont couſtume d’agiter les conſciences de ces eſpris foibles & chancelans, qui ſe laiſſent aller inconſtanment a prattiquer, comme bonnes, les choſes qu’ils iugent aprés eſtre mauuaiſes.

Ma troiſieſme maxime eſtoit de taſcher touſiours plutoſt a me vaincre que la fortune, & a changer mes deſirs que l’ordre du monde ; et generalement, de m’accouſtumer a croire qu’il n’y a rien qui ſoit entierement en noſtre pouuoir, que nos penſées, en ſorte qu’aprés que nous auons fait noſtre mieux, touchant les choſes qui nous ſont exterieures, tout ce qui manque de nous reuſſir eſt, au regard de nous, abſolument impoſſible. Et cecy ſeul me ſembloit eſtre ſuffiſant pour m’empeſcher de rien deſirer a l’auenir que ie n’acquiſſe, & ainſi pour me rendre content. Car noſtre volonté ne ſe portant naturellement a deſirer que les choſes que noſtre entendement luy repreſente en quelque façon comme poſſibles, il eſt certain que, ſi nous conſiderons tous les biens qui ſont hors de nous comme eſgalement eſloignez de noſtre pouuoir, nous n’aurons pas plus de regret de manquer de ceux qui ſemblent eſtre deus a noſtre naiſſance, lorſque nous en ſerons priuez ſans noſtre faute, que nous auons de ne poſſeder pas les royaumes de la Chine ou de Mexique ; & que faiſant, comme on dit, de neceſſité vertu, nous ne deſirerons pas dauantage d’eſtre ſains, eſtant malades, ou d’eſtre libres, eſtant en priſon, que nous faiſons maintenant d’auoir des cors d’vne matiere auſſy peu corruptible que les diamans, ou des ailes pour voler comme les oiſeaux. Mais i’auouë qu’il eſt beſoin d’vn long exercice, & d’vne meditation ſouuent reïterée, pour s’accouſtumer a regarder de ce biais toutes les choſes ; et ie croy que c’eſt principalement en cecy que conſiſtoit le ſecret de ces Philoſophes, qui ont pû autrefois ſe ſouſtraire de l’empire de la Fortune, & malgré les douleurs & la pauureté, diſputer de la felicité auec leurs Dieux. Car s’occupant ſans ceſſe a conſiderer les bornes qui leur eſtoient preſcrites par la Nature, ils ſe perſuadoient ſi parfaitement que rien n’eſtoit en leur pouuoir que leurs penſées, que cela ſeul eſtoit ſuffiſant pour les empeſcher d’auoir aucune affection pour d’autres choſes ; & ils diſpoſoient d’elles ſi abſolument, qu’ils auoient en cela quelque raiſon de s’eſtimer plus riches, & plus puiſſans, & plus libres, & plus hureux, qu’aucun des autres hommes, qui n’ayant point cete Philoſophie, tant fauoriſez de la Nature & de la Fortune qu’ils puiſſent eſtre, ne diſpoſent iamais ainſi de tout ce qu’ils veulent.

Enfin, pour concluſion de cete Morale, ie m’auiſay de faire vne reueuë ſur les diuerſes occupations qu’ont les hommes en cete vie, pour taſcher a faire chois de la meilleure ; & ſans que ie vueille rien dire de celles des autres, ie penſay que ie ne pouuois mieux que de continuër en celle la meſme ou ie me trouuois, c’eſt a dire, que d’employer toute ma vie a cultiuer ma raiſon, & m’auancer, autant que ie pourrois, en la connoiſſance de la verité, ſuiuant la Methode que ie m’eſtois preſcrite. I’auois eſprouué de ſi extremes contentemens, depuis que i’auois commencé a me ſeruir de cete Methode, que ie ne croyois pas qu’on en puſt receuoir de plus doux, ny de plus innocens, en cete vie ; et deſcouurant tous les iours par ſon moyen quelques veritez, qui me ſembloient aſſez importantes, & communement ignorées des autres hommes, la ſatisfaction que i’en auois rempliſſoit tellement mon eſprit que tout le reſte ne me touchoit point. Outre que les trois maximes precedentes n’eſtoient fondées que ſur le deſſein que i’auois de continuer a m’inſtruire : car Dieu nous ayant donné a chaſcun quelque lumiere pour diſcerner le vray d’auec le faux, ie n’euſſe pas creu me deuoir contenter des opinions d’autruy vn ſeul moment, ſi ie ne me fuſſe propoſé d’employer mon propre iugement a les examiner, lorſqu’il ſeroit tems ; et ie n’euſſe ſceu m’exemter de ſcrupule, en les ſuiuant, ſi ie n’euſſe eſperé de ne perdre pour cela aucune occaſion d’en trouuer de meilleures, en cas qu’il y en euſt. Et enfin ie n’euſſe ſceu borner mes deſirs, ny eſtre content, ſi ie n’euſſe ſuiui vn chemin par lequel, penſant eſtre aſſuré de l’acquiſition de toutes les connoiſſances dont ie ſerois capable, ie le penſois eſtre, par meſme moyen, de celle de tous les vrais biens qui ſeroient iamais en mon pouuoir ; d’autant que, noſtre volonté ne ſe portant a ſuiure ny a fuir aucune choſe, que ſelon que noſtre entendement la luy repreſente bonne ou mauuaiſe, il ſuffit de bien iuger, pour bien faire, & de iuger le mieux qu’on puiſſe, pour faire auſſy tout ſon mieux, c’eſt a dire, pour acquerir toutes les vertus, & enſemble tous les autres biens, qu’on puiſſe acquerir ; & lorſqu’on eſt certain que cela eſt, on ne ſçauroit manquer d’eſtre content.

Aprés m’eſtre ainſi aſſuré de ces maximes, & les auoir miſes a part, auec les veritez de la foy, qui ont touſiours eſté les premieres en ma creance, ie iugay que, pour tout le reſte de mes opinions, ie pouuois librement entreprendre de m’en defaire. Et d’autant que i’eſperois en pouuoir mieux venir a bout, en conuerſant auec les hommes, qu’en demeurant plus long tems renfermé dans le poiſle ou i’auois eu toutes ces penſées, l’hyuer n’eſtoit pas encore bien acheué que ie me remis a voyaſger. Et en toutes les neuf années ſuiuantes, ie ne fi autre choſe que rouler çà & là dans le monde, taſchant d’y eſtre ſpectateur plutoſt qu’acteur en toutes les Comedies qui s’y iouent ; et faiſant particulierement reflexion, en chaſque matiere, ſur ce qui la pouuoit rendre ſuſpecte, & nous donner occaſion de nous meſprendre, ie déracinois cependant de mon eſprit toutes les erreurs qui s’y eſtoient pû gliſſer auparauant. Non que i’imitaſſe pour cela les Sceptiques, qui ne doutent que pour douter, & affectent d’eſtre touſiours irreſolus : car, au contraire, tout mon deſſein ne tendoit qu’a m’aſſurer, & a reietter la terre mouuante & le ſable, pour trouuer le roc ou l’argile. Ce qui me reuſſiſſoit, ce me ſemble, aſſez bien, d’autant que, taſchant a deſcouurir la fauſſeté ou l’incertitude des propoſitions que i’examinois, non par de foibles coniectures, mais par des raiſonnemens clairs & aſſurez, ie n’en rencontrois point de ſi douteuſes, que ie n’en tiraſſe touſiours quelque concluſion aſſez certaine, quand ce n’euſt eſté que cela meſme qu’elle ne contenoit rien de certain. Et comme en abatant vn vieux logis, on en reſerue ordinairement les demolitions, pour ſeruir a en baſtir vn nouueau ; ainſi, en détruiſant toutes celles de mes opinions que ie iugeois eſtre mal fondées, ie faiſois diuerſes obſeruations, & acquerois pluſieurs experiences, qui m’ont ſerui depuis a en eſtablir de plus certaines. Et de plus, ie continuois a m’exercer en la Methode que ie m’eſtois preſcrite ; car, outre que i’auois ſoin de conduire generalement toutes mes penſées ſelon ſes reigles, ie me reſeruois de tems en tems quelques heures, que i’employois particulierement a la prattiquer en des difficultez de Mathematique, ou meſme auſſy en quelques autres que ie pouuois rendre quaſi ſemblables a celles des Mathematiques, en les détachant de tous les principes des autres ſciences, que ie ne trouuois pas aſſez fermes, comme vous verrés que i’ay fait en pluſieurs qui ſont expliquées en ce volume. Et ainſi, ſans viure d’autre façon, en apparence, que ceux qui, n’ayant aucun employ qu’a paſſer vne vie douce & innocente, s’eſtudient a ſeparer les plaiſirs des vices, & qui, pour iouir de leur loyſir ſans s’ennuyer, vſent de tous les diuertiſſemens qui ſont honneſtes, ie ne laiſſois pas de pourſuiure en mon deſſein, & de profiter en la connoiſſance de la verité, peuteſtre plus que ſi ie n’euſſe fait que lire des liures, ou frequenter des gens de lettres.

Toutefois ces neuf ans s’eſcoulerent auant que i’euſſe encore pris aucun parti, touchant les difficultés qui ont couſtume d’eſtre diſputées entre les doctes, ny commencé a chercher les fondemens d’aucune Philoſophie plus certaine que la vulgaire. Et l’exemple de pluſieurs excelens eſpris, qui, en ayant eu cy deuant le deſſein, me ſembloient n’y auoir pas reuſſi, m’y faiſoit imaginer tant de difficulté, que ie n’euſſe peuteſtre pas encore ſitoſt oſé l’entreprendre, ſi ie n’euſſe vû que quelques vns faiſoient deſia courre le bruit que i’en eſtois venu a bout. Ie ne ſçaurois pas dire ſur quoy ils fondoient cete opinion ; & ſi i’y ay contribué quelque choſe par mes diſcours, ce doit auoir eſté en confeſſant plus ingenuëment ce que i’ignorois, que n’ont couſtume de faire ceux qui ont vn peu eſtudié, & peuteſtre auſſy en faiſant voir les raiſons que i’auois de douter de beaucoup de choſes que les autres eſtiment certaines, plutoſt qu’en me vantant d’aucune doctrine. Mais ayant le cœur aſſez bon pour ne vouloir point qu’on me priſt pour autre que ie n’eſtois, ie penſay qu’il faloit que ie taſchaſſe, par tous moyens, a me rendre digne de la reputation qu’on me donnoit ; et il y a iuſtement huit ans, que ce deſir me fit reſoudre a m’eſloigner de tous les lieux ou ie pouuois auoir des connoiſſances, & a me retirer icy, en vn païs où la longue durée de la guerre a fait eſtablir de tels ordres, que les armées qu’on y entretient ne ſemblent ſeruir qu’a faire qu’on y iouiſſe des fruits de la paix auec d’autant plus de ſeureté, & où parmi la foule d’vn grand peuple fort actif, & plus ſoigneux de ſes propres affaires, que curieux de celles d’autruy, ſans manquer d’aucune des commoditez qui ſont dans les villes les plus frequentées, i’ay pû viure auſſy ſolitaire & retiré que dans les deſers les plus eſcartez.


Quatriesme
partie
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Ie ne ſçay ſi ie doy vous entretenir des premieres meditations que i’y ay faites ; car elles ſont ſi Metaphyſiques & ſi peu communes, qu’elles ne ſeront peuteſtre pas au gouſt de tout le monde. Et toutefois, affin qu’on puiſſe iuger ſi les fondemens que i’ay pris ſont aſſez fermes, ie me trouue en quelque façon contraint d’en parler. I’auois dés long temps remarqué que, pour les meurs, il eſt beſoin quelquefois de ſuiure des opinions qu’on ſçait eſtre fort incertaines, tout de meſme que ſi elles eſtoient indubitables, ainſi qu’il a eſté dit cy-deſſus ; mais, pourcequ’alors ie deſirois vacquer ſeulement a la recherche de la verité, ie penſay qu’il faloit que ie fiſſe tout le contraire, & que ie reiettaſſe, comme abſolument faux, tout ce en quoy ie pourrois imaginer le moindre doute, affin de voir s’il ne reſteroit point, apres cela, quelque choſe en ma creance, qui fuſt entierement indubitable. Ainſi, a cauſe que nos ſens nous trompent quelquefois, ie voulû ſuppoſer qu’il n’y auoit aucune choſe qui fuſt telle qu’ils nous la font imaginer. Et pourcequ’il y a des hommes qui ſe méprenent en raiſonnant, meſme touchant les plus ſimples matieres de Geometrie, & y font des Paralogiſmes, iugeant que i’eſtois ſuiet a faillir, autant qu’aucun autre, ie reiettay comme fauſſes toutes les raiſons que i’auois priſes auparauant pour Demonſtrations. Et enfin, conſiderant que toutes les meſmes penſées, que nous auons eſtant eſueillez, nous peuuent auſſy venir, quand nous dormons, ſans qu’il y en ait aucune, pour lors, qui ſoit vraye, ie me reſolu de feindre que toutes les choſes qui m’eſtoient iamais entrées en l’eſprit, n’eſtoient non plus vrayes que les illuſions de mes ſonges. Mais, auſſitoſt aprés, ie pris garde que, pendant que ie voulois ainſi penſer que tout eſtoit faux, il falloit neceſſairement que moy, qui le penſois, fuſſe quelque choſe. Et remarquant que cete verité : ie penſe, donc ie ſuis, eſtoit ſi ferme & ſi aſſurée, que toutes les plus extrauagantes ſuppoſitions des Sceptiques n’eſtoient pas capables de l’eſbranſler, ie iugay que ie pouuois la receuoir, ſans ſcrupule, pour le premier principe de la Philoſophie, que ie cherchois.

Puis, examinant auec attention ce que i’eſtois, & voyant que ie pouuois feindre que ie n’auois aucun cors, & qu’il n’y auoit aucun monde, ny aucun lieu ou ie fuſſe ; mais que ie ne pouuois pas feindre, pour cela, que ie n’eſtois point ; & qu’au contraire, de cela meſme que ie penſois a douter de la verité des autres choſes, il ſuiuoit tres euidenment & tres certainement que i’eſtois ; au lieu que, ſi i’euſſe ſeulement ceſſé de penſer, encore que tout le reſte de ce que i’auois iamais imaginé, euſt eſté vray, ie n’auois aucune raiſon de croire que i’euſſe eſté : ie connû de la que i’eſtois vne ſubſtance dont toute l’eſſence ou la nature n’eſt que de penſer, & qui, pour eſtre, n’a beſoin d’aucun lieu, ny ne depend d’aucune choſe materielle. En ſorte que ce Moy, c’eſt a dire, l’Ame par laquelle ie ſuis ce que ie ſuis, eſt entierement diſtincte du cors, & meſme qu’elle eſt plus aiſée a connoiſtre que luy, & qu’encore qu’il ne fuſt point, elle ne lairroit pas d’eſtre tout ce qu’elle eſt.

Aprés cela, ie conſideray en general ce qui eſt requis a vne propoſition pour eſtre vraye & certaine ; car, puiſque ie venois d’en trouuer vne que ie ſçauois eſtre telle, ie penſay que ie deuois auſſy ſçauoir en quoy conſiſte cete certitude. Et ayant remarqué qu’il n’y a rien du tout en cecy : ie penſe, donc ie ſuis, qui m’aſſure que ie dis la verité, ſinon que ie voy tres clairement que, pour penſer, il faut eſtre : ie iugay que ie pouuois prendre pour reigle generale, que les choſes que nous conceuons fort clairement & fort diſtinctement, ſont toutes vrayes ; mais qu’il y a ſeulement quelque difficulté a bien remarquer quelles ſont celles que nous conceuons diſtinctement.

En ſuite de quoy, faiſant reflexion ſur ce que ie doutois, & que, par conſequent, mon eſtre n’eſtoit pas tout parfait, car ie voyois clairement que c’eſtoit vne plus grande perfection de connoiſtre que de douter, ie m’auiſay de chercher d’où i’auois appris a penſer a quelque choſe de plus parfait que ie n’eſtois ; & ie connu euidenment que ce deuoit eſtre de quelque nature qui fuſt en effect plus parfaite. Pour ce qui eſt des penſées que i’auois de pluſieurs autres choſes hors de moy, comme du ciel, de la terre, de la lumiere, de la chaleur, & de milles autres, ie n’eſtois point tant en peine de ſçauoir d’où elles venoient, a cauſe que, ne remarquant rien en elles qui me ſemblaſt les rendre ſuperieures a moy, ie pouuois croyre que, ſi elles eſtoient vrayes, c’eſtoient des dependances de ma nature, en tant qu’elle auoit quelque perfection ; & ſi elles ne l’eſtoient pas, que ie les tenois du neant, c’eſt a dire, qu’elles eſtoient en moy, pourceque i’auois du defaut. Mais ce ne pouuoit eſtre le meſme de l’idée d’vn eſtre plus parfait que le mien : car, de la tenir du neant, c’eſtoit choſe manifeſtement impoſſible ; et pourcequ’il n’y a pas moins de repugnance que le plus parfait ſoit vne ſuite & vne dependance du moins parfait, qu’il y en a que de rien procede quelque choſe, ie ne la pouuois tenir non plus de moy meſme. De façon qu’il reſtoit qu’elle euſt eſté miſe en moy par vne nature qui fuſt veritablement plus parfaite que ie n’eſtois, & meſme qui euſt en ſoy toutes les perfections dont ie pouuois auoir quelque idée, c’eſt a dire, pour m’expliquer en vn mot, qui fuſt Dieu. A quoy i’adiouſtay que, puiſque ie connoiſſois quelques perfections que ie n’auois point, ie n’eſtois pas le ſeul eſtre qui exiſtaſt (i’vſeray, s’il vous plaiſt, icy librement des mots de l’Eſchole), mais qu’il falloit, de neceſſité, qu’il y en euſt quelque autre plus parfait, duquel ie dependiſſe, & duquel i’euſſe acquis tout ce que i’auois. Car, ſi i’euſſe eſté ſeul & independant de tout autre, en ſorte que i’euſſe eu, de moy meſme, tout ce peu que ie participois de l’eſtre parfait, i’euſſe pû auoir de moy, par meſme raiſon, tout le ſurplus que ie connoiſſois me manquer, & ainſi eſtre moy meſme infini, eternel, immuable, tout connoiſſant, tout puiſſant, & enfin auoir toutes les perfections que ie pouuois remarquer eſtre en Dieu. Car, ſuiuant les raiſonnemens que ie viens de faire, pour connoiſtre la nature de Dieu, autant que la miene en eſtoit capable, ie n’auois qu’a conſiderer de toutes les choſes dont ie trouuois en moy quelque idée, ſi c’eſtoit perfection, ou non, de les poſſeder, & i’eſtois aſſuré qu’aucune de celles qui marquoient quelque imperfection, n’eſtoit en luy, mais que toutes les autres y eſtoient. Comme ie voyois que le doute, l’inconſtance, la triſteſſe, & choſes ſemblables, n’y pouuoient eſtre, vû que i’euſſe eſté moy meſme bien ayſe d’en eſtre exempt. Puis, outre cela, i’auois des idées de pluſieurs choſes ſenſibles & corporelles : car, quoy que ie ſuppoſaſſe que ie reſuois, & que tout ce que ie voyois ou imaginois eſtoit faux, ie ne pouuois nier toutefois que les idées n’en fuſſent veritablement en ma penſée ; mais pourceque i’auois deſia connu en moy tres clairement que la nature intelligente eſt diſtincte de la corporelle, conſiderant que toute compoſition teſmoigne de la dependance, & que la dependance eſt manifeſtement vn defaut, ie iugeois de la, que ce ne pouuoit eſtre vne perfection en Dieu d’eſtre compoſé de ces deux natures, & que, par conſequent, il ne l’eſtoit pas ; mais que, s’il y auoit quelques cors dans le monde, ou bien quelques intelligences, ou autres natures, qui ne fuſſent point toutes parfaites, leur eſtre deuoit dependre de ſa puiſſance, en telle ſorte qu’elles ne pouuoient ſubſiſter ſans luy vn ſeul moment.

Ie voulu chercher, aprés cela, d’autres veritez, & m’eſtant propoſé l’obiet des Geometres, que ie conceuois comme vn cors continu, ou vn eſpace indefiniment eſtendu en longueur, largeur, & hauteur ou profondeur, diuiſible en diuerſes parties, qui pouuoient auoir diuerſes figures & grandeurs, & eſtre meuës ou tranſpoſées en toutes ſortes, car les Geometres ſuppoſent tout cela en leur obiet, ie parcouru quelques vnes de leurs plus ſimples demonſtrations. Et ayant pris garde que cete grande certitude, que tout le monde leur attribuë, n’eſt fondée que ſur ce qu’on les conçoit euidenment, ſuiuant la reigle que i’ay tantoſt dite, ie pris garde auſſy qu’il n’y auoit rien du tout en elles qui m’aſſuraſt de l’exiſtence de leur obiet. Car, par exemple, ie voyois bien que, ſuppoſant vn triangle, il falloit que ſes trois angles fuſſent eſgaux a deux droits ; mais ie ne voyois rien pour cela qui m’aſſuraſt qu’il y euſt au monde aucun triangle. Au lieu que, reuenant a examiner l’idée que i’auois d’vn Eſtre parfait, ie trouuois que l’exiſtence y eſtoit compriſe, en meſme façon qu’il eſt compris en celle d’vn triangle que ſes trois angles ſont eſgaux a deux droits, ou en celle d’vne ſphere que toutes ſes parties ſont eſgalement diſtantes de ſon centre, ou meſme encore plus euidenment ; et que, par conſequent, il eſt pour le moins auſſy certain, que Dieu, qui eſt cet Eſtre parfait, eſt ou exiſte, qu’aucune demonſtration de Geometrie le ſçauroit eſtre.

Mais ce qui fait qu’il y en a pluſieurs qui ſe perſuadent qu’il y a de la difficulté a le connoiſtre, & meſme auſſy a connoiſtre ce que c’eſt que leur ame, c’eſt qu’ils n’eſleuent iamais leur eſprit au dela des choſes ſenſibles, & qu’ils ſont tellement accouſtumez a ne rien conſiderer qu’en l’imaginant, qui eſt vne façon de penſer particuliere pour les choſes materielles, que tout ce qui n’eſt pas imaginable, leur ſemble n’eſtre pas intelligible. Ce qui eſt aſſez manifeſte de ce que meſme les Philoſophes tienent pour maxime, dans les Eſcholes, qu’il n’y a rien dans l’entendement qui n’ait premierement eſté dans le ſens, où toutefois il eſt certain que les idées de Dieu & de l’ame n’ont iamais eſté. Et il me ſemble que ceux qui veulent vſer de leur imagination, pour les comprendre, font tout de meſme que ſi, pour ouïr les ſons, ou ſentir les odeurs, ils ſe vouloient ſeruir de leurs yeux : ſinon qu’il y a encore cete difference, que le ſens de la veuë ne nous aſſure pas moins de la verité de ſes obiets, que font ceux de l’odorat ou de l’ouye ; au lieu que ny noſtre imagination ny nos ſens ne nous ſçauroient iamais aſſurer d’aucune choſe, ſi noſtre entendement n’y interuient.

Enfin, s’il y a encore des hommes qui ne ſoient pas aſſez perſuadez de l’exiſtence de Dieu & de leur ame, par les raiſons que i’ay apportées, ie veux bien qu’ils ſçachent que toutes les autres choſes, dont ils ſe penſent peut eſtre plus aſſurez, comme d’auoir vn cors, & qu’il y a des aſtres & vne terre, & choſes ſemblables, ſont moins certaines. Car, encore qu’on ait vne aſſurance morale de ces choſes, qui eſt telle, qu’il ſemble qu’a moins que d’eſtre extrauagant, on n’en peut douter, toutefois auſſy, a moins que d’eſtre déraiſonnable, lorſqu’il eſt queſtion d’vne certitude metaphyſique, on ne peut nier que ce ne ſoit aſſés de ſuiet, pour n’en eſtre pas entierement aſſuré, que d’auoir pris garde qu’on peut, en meſme façon, s’imaginer, eſtant endormi, qu’on a vn autre cors, & qu’on voit d’autres aſtres, & vne autre terre, ſans qu’il en ſoit rien. Car d’où ſçait on que les penſées qui vienent en ſonge ſont plutoſt fauſſes que les autres, vû que ſouuent elles ne ſont pas moins viues & expreſſes ? Et que les meilleurs eſprits y eſtudient, tant qu’il leur plaira, ie ne croy pas qu’ils puiſſent donner aucune raiſon qui ſoit ſuffiſante pour oſter ce doute, s’ils ne preſuppoſent l’exiſtence de Dieu. Car, premierement, cela meſme que i’ay tantoſt pris pour vne reigle, a ſçauoir que les choſes que nous conceuons tres clairement & tres diſtinctement, ſont toutes vrayes, n’eſt aſſuré qu’a cauſe que Dieu eſt ou exiſte, & qu’il eſt vn eſtre parfait, & que tout ce qui eſt en nous vient de luy. D’où il ſuit que nos idées ou notions, eſtant des choſes reelles, & qui vienent de Dieu, en tout ce en quoy elles ſont claires & diſtinctes, ne peuuent en cela eſtre que vrayes. En ſorte que, ſi nous en auons aſſez ſouuent qui contienent de la fauſſeté, ce ne peut eſtre que de celles, qui ont quelque choſe de confus & obſcur, a cauſe qu’en cela elles participent du neant, c’eſt a dire, qu’elles ne ſont en nous ainſi confuſes, qu’a cauſe que nous ne ſommes pas tous parfaits. Et il eſt euident qu’il n’y a pas moins de repugnance que la fauſſeté ou l’imperfection procede de Dieu, en tant que telle, qu’il y en a, que la verité ou la perfection procede du neant. Mais ſi nous ne ſçauions point que tout ce qui eſt en nous de reel & de vray, vient d’vn eſtre parfait & infini, pour claires & diſtinctes que fuſſent nos idées, nous n’aurions aucune raiſon qui nous aſſuraſt, qu’elles euſſent la perfection d’eſtre vrayes.

Or, aprés que la connoiſſance de Dieu & de l’ame nous a ainſi rendus certains de cete regle, il eſt bien ayſé a connoiſtre que les reſueries que nous imaginons eſtant endormis, ne doiuent aucunement nous faire douter de la verité des penſées que nous auons eſtant eſueillez. Car, s’il arriuoit, meſme en dormant, qu’on euſt quelque idée fort diſtincte, comme, par exemple, qu’vn Geometre inuentaſt quelque nouuelle demonſtration, ſon ſommeil ne l’empeſcheroit pas d’eſtre vraye. Et pour l’erreur la plus ordinaire de nos ſonges, qui conſiſte en ce qu’ils nous repreſentent diuers obiets en meſme façon que font nos ſens exterieurs, n’importe pas qu’elle nous donne occaſion de nous deſfier de la verité de telles idées, a cauſe qu’elles peuuent auſſy nous tromper aſſez ſouuent, ſans que nous dormions : comme lorſque ceux qui ont la iauniſſe voyent tout de couleur iaune, ou que les aſtres ou autres cors fort eſloignez nous paroiſſent beaucoup plus petits qu’ils ne ſont. Car enfin, ſoit que nous veillions, ſoit que nous dormions, nous ne nous deuons iamais laiſſer perſuader qu’a l’euidence de noſtre raiſon. Et il eſt a remarquer que ie dis, de noſtre raiſon, & non point, de noſtre imagination ny de nos ſens. Comme, encore que nous voyons le ſoleil tres clairement, nous ne deuons pas iuger pour cela qu’il ne ſoit que de la grandeur que nous le voyons ; et nous pouuons bien imaginer diſtinctement vne teſte de lion entée ſur le cors d’vne cheure, ſans qu’il faille conclure, pour cela, qu’il y ait au monde vne Chimere : car la raiſon ne nous dicte point que ce que nous voyons ou imaginons ainſi ſoit veritable. Mais elle nous dicte bien que toutes nos idées ou notions doiuent auoir quelque fondement de verité ; car il ne ſeroit pas poſſible que Dieu, qui eſt tout parfait & tout veritable les euſt miſes en nous ſans cela. Et pourceque nos raiſonnemens ne ſont iamais ſi euidens ny ſi entiers pendant le ſommeil que pendant la veille, bien que quelquefois nos imaginations ſoient alors autant ou plus viues & expreſſes, elle nous dicte auſſy que nos penſées ne pouuant eſtre toutes vrayes, a cauſe que nous ne ſommes pas tous-parfaits, ce qu’elles ont de verité doit infalliblement ſe rencontrer en celles que nous auons eſtant eſueillez, plutoſt qu’en nos ſonges.


Cinquiesme
partie
.

Ie ſerois bien ayſe de pourſuiure, & de faire voir icy toute la chaiſne des autres veritez que i’ay deduites de ces premieres. Mais, a cauſe que, pour cet effect, il ſeroit maintenant beſoin que ie parlaſſe de pluſieurs queſtions, qui ſont en controuerſe entre les doctes, auec leſquels ie ne deſire point me brouiller, ie croy qu’il ſera mieux que ie m’en abſtiene, & que ie die ſeulement en general quelles elles ſont, affin de laiſſer iuger aux plus ſages, s’il ſeroit vtile que le public en fuſt plus particulierement informé. Ie ſuis touſiours demeuré ferme en la reſolution que i’auois priſe, de ne ſuppoſer aucun autre principe, que celuy dont ie vien de me ſeruir pour demonſtrer l’exiſtence de Dieu & de lame, & de ne receuoir aucune choſe pour vraye, qui ne me ſemblaſt plus claire & plus certaine que n’auoient fait auparauant les demonſtrations des Geometres. Et neantmoins, i’oſe dire que, non ſeulement i’ay trouué moyen de me ſatisfaire en peu de tems, touchant toutes les principales difficultez dont on a couſtume de traiter en la Philoſophie, mais auſſy, que i’ay remarqué certaines loix, que Dieu a tellement eſtablies en la nature, & dont il a imprimé de telles notions en nos ames, qu’aprés y auoir fait aſſez de reflexion, nous ne ſçaurions douter qu’elles ne ſoient exactement obſeruées, en tout ce qui eſt ou qui ſe fait dans le monde. Puis en conſiderant la ſuite de ces loix, il me ſemble auoir deſcouuert pluſieurs veritez plus vtiles & plus importantes, que tout ce que i’auois appris auparauant, ou meſme eſperé d’apprendre.

Mais pourceque i’ay taſché d’en expliquer les principales dans vn Traité, que quelques conſiderations m’empeſchent de publier, ie ne les ſçaurois mieux faire connoiſtre, qu’en diſant icy ſommairement ce qu’il contient. I’ay eu deſſein d’y comprendre tout ce que ie penſois ſçauoir, auant que de l’eſcrire, touchant la Nature des choſes Materielles. Mais, tout de meſme que les peintres, ne pouuant eſgalement bien repreſenter dans vn tableau plat toutes les diuerſes faces d’vn cors ſolide, en choiſiſſent vne des principales qu’ils mettent ſeule vers le iour, & ombrageant les autres, ne les font paroiſtre, qu’en tant qu’on les peut voir en la regardant : ainſi, craignant de ne pouuoir mettre en mon diſcours tout ce que i’auois en la penſée, i’entrepris ſeulement d’y expoſer bien amplement ce que ie conceuois de la Lumiere ; puis, a ſon occaſion, d’y adiouſter quelque choſe du Soleil & des Eſtoiles fixes, a cauſe qu’elle en procede preſque toute ; des Cieux, a cauſe qu’ils la tranſmettent ; des Planetes, des Cometes, & de la Terre, a cauſe qu’elles la font refleſchir ; & en particulier de tous les Cors qui ſont ſur la terre, a cauſe qu’ils ſont ou colorez, ou tranſparens, ou lumineux ; & enfin de l’Homme, a cauſe qu’il en eſt le ſpectateur. Meſme, pour ombrager vn peu toutes ces choſes, & pouuoir dire plus librement ce que i’en iugeois, ſans eſtre obligé de ſuiure ny de refuter les opinions qui ſont receuës entre les doctes, ie me reſolu de laiſſer tout ce Monde icy a leurs diſputes, & de parler ſeulement de ce qui arriueroit dans vn nouueau, ſi Dieu creoit maintenant quelque part, dans les Eſpaces Imaginaires, aſſez de matiere pour le compoſer, & qu’il agitaſt diuerſement & ſans ordre les diuerſes parties de cete matiere, en ſorte qu’il en compoſaſt vn Chaos auſſy confus que les Poetes en puiſſent feindre, & que, par apres, il ne fiſt autre choſe que preſter ſon concours ordinaire a la Nature, & la laiſſer agir ſuiuant les Loix qu’il a eſtablies. Ainſi, premierement, ie deſcriuis cete Matiere, & taſchay de la repreſenter telle qu’il n’y a rien au monde, ce me ſemble, de plus clair ny plus intelligible, excepté ce qui a tantoſt eſté dit de Dieu & de lame : car meſme ie ſuppoſay, expreſſement, qu’il n’y auoit en elle aucune de ces Formes ou Qualitez dont on diſpute dans les Eſcholes, ny generalement aucune choſe, dont la connoiſſance ne fuſt ſi naturelle a nos ames, qu’on ne puſt pas meſme feindre de l’ignorer. De plus, ie fis voir quelles eſtoient les Loix de la Nature ; et ſans appuier mes raiſons ſur aucun autre principe, que ſur les perfections infinies de Dieu, ie taſchay a demonſtrer toutes celles dont on euſt pu auoir quelque doute, & a faire voir qu’elles ſont telles, qu’encore que Dieu auroit creé pluſieurs mondes, il n’y en ſçauroit auoir aucun, où elles manquaſſent d’eſtre obſeruées. Apres cela, ie monſtray comment la plus grande part de la matiere de ce Chaos deuoit, en ſuite de ces loix, ſe diſpoſer & s’arrenger d’vne certaine façon qui la rendoit ſemblable a nos Cieux ; comment, cependant, quelques vnes de ſes parties deuoient compoſer vne Terre, & quelques vnes des Planetes & des Cometes, & quelques autres vn Soleil & des Eſtoiles fixes. Et icy, m’eſtendant ſur le ſuiet de la lumiere, i’expliquay bien au long quelle eſtoit celle qui ſe deuoit trouuer dans le Soleil & les Eſtoiles, & comment de la elle trauerſoit en vn inſtant les immenſes eſpaces des cieux, & comment elle ſe refleſchiſſoit des Planetes & des Cometes vers la Terre. I’y adiouſtay auſſy pluſieurs choſes, touchant la ſubſtance, la ſituation, les mouuemens & toutes les diuerſes qualitez de ces Cieux & de ces Aſtres ; en ſorte que ie penſois en dire aſſez, pour faire connoiſtre qu’il ne ſe remarque rien en ceux de ce monde, qui ne deuſt, ou du moins qui ne pûſt, paroiſtre tout ſemblable en ceux du monde que ie deſcriuois. De là ie vins a parler particulierement de la Terre : comment, encore que i’euſſe expreſſement ſuppoſé que Dieu n’auoit mis aucune peſanteur en la matiere dont elle eſtoit compoſée, toutes ſes parties ne laiſſoient pas de tendre exactement vers ſon centre ; comment, y ayant de l’eau & de l’air ſur ſa ſuperficie, la diſpoſition des cieux & des aſtres, principalement de la Lune, y deuoit cauſer vn flus & reflus, qui fuſt ſemblable, en toutes ſes circonſtances, a celuy qui ſe remarque dans nos mers ; & outre cela vn certain cours, tant de l’eau que de l’air, du leuant vers le couchant, tel qu’on le remarque auſſy entre les Tropiques ; comment les montaignes, les mers, les fontaines & les riuieres pouuoient naturellement s’y former, & les metaux y venir dans les mines, & les plantes y croiſtre dans les campaignes, & generalement tous les cors qu’on nomme meſlez ou compoſez s’y engendrer. Et entre autres choſes, a cauſe qu’aprés les aſtres ie ne connois rien au monde que le feu qui produiſe de la lumiere, ie m’eſtudiay a faire entendre bien clairement tout ce qui appartient a ſa nature, comment il ſe fait, comment il ſe nourrit ; comment il n’a quelquefois que de la chaleur ſans lumiere, & quelquefois que de la lumiere ſans chaleur ; comment il peut introduire diuerſes couleurs en diuers cors, & diuerſes autres qualitez ; comment il en fond quelques vns, & en durcit d’autres ; comment il les peut conſumer preſque tous, ou conuertir en cendres & en fumée ; et enfin, comment de ces cendres, par la ſeule violence de ſon action, il forme du verre : car cete tranſmutation de cendres en verre me ſemblant eſtre auſſy admirable qu’aucune autre qui ſe face en la nature, ie pris particulierement plaiſir a la deſcrire.

Toutefois ie ne voulois pas inferer de toutes ces choſes, que ce monde ait eſté creé en la façon que ie propoſois ; car il eſt bien plus vrayſemblable que, dés le commencement, Dieu l’a rendu tel qu’il deuoit eſtre. Mais il eſt certain, & c’eſt vne opinion communement receuë entre les Theologiens, que l’action, par laquelle maintenant il le conſerue, eſt toute la meſme que celle par laquelle il l’a creé ; de façon qu’encore qu’il ne lui auroit point donné, au commencement, d’autre forme que celle du Chaos, pouruû qu’ayant eſtabli les Loix de la Nature, il luy preſtaſt ſon concours, pour agir ainſi qu’elle a de couſtume, on peut croyre, ſans faire tort au miracle de la creation, que par cela ſeul toutes les choſes qui ſont purement materielles auroient pû, auec le tems, s’y rendre telles que nous les voyons a preſent. Et leur nature eſt bien plus ayſée a conceuoir, lorſqu’on les voit naiſtre peu a peu en cete ſorte, que lorſqu’on ne les conſidere que toutes faites.

De la deſcription des cors inanimez & des plantes, ie paſſay a celle des animaux & particulierement a celle des hommes. Mais, pourceque ie n’en auois pas encore aſſez de connoiſſance, pour en parler du meſme ſtyle que du reſte, c’eſt a dire, en demonſtrant les effets par les cauſes, & faiſant voir de quelles ſemences, & en quelle façon, la Nature les doit produire, ie me contentay de ſuppoſer que Dieu formaſt le cors d’vn homme, entierement ſemblable a l’vn des noſtres, tant en la figure exterieure de ſes membres qu’en la conformation interieure de ſes organes, ſans le compoſer d’autre matiere que de celle que i’auois deſcrite, & ſans mettre en luy, au commencement, aucune ame raiſonnable, ny aucune autre choſe pour y ſeruir d’ame vegetante ou ſenſitiue, ſinon qu’il excitaſt en ſon cœur vn de ces feux ſans lumiere, que i’auois deſia expliquez, & que ie ne conceuois point d’autre nature que celuy qui échaufe le foin, lorſqu’on l’a renfermé auant qu’il fuſt ſec, ou qui fait bouillir les vins nouueaux, lorſqu’on les laiſſe cuuer ſur la rape. Car examinant les fonctions, qui pouuoient en ſuite de cela eſtre en ce cors, i’y trouuois exactement toutes celles qui peuuent eſtre en nous ſans que nous y penſions, ny par conſequent que noſtre ame, c’eſt a dire, cete partie diſtincte du cors dont il a eſté dit cy deſſus que la nature n’eſt que de penſer, y contribuë, & qui ſont toutes les meſmes en quoy on peut dire que les animaux ſans raiſon nous reſemblent : ſans que i’y en pûſſe pour cela trouuer aucune, de celles qui, eſtant dependantes de la penſée, ſont les ſeules qui nous apartienent en tant qu’hommes, au lieu que ie les y trouuois toutes par aprés, ayant ſuppoſé que Dieu creaſt vne ame raiſonnable, & qu’il la ioigniſt a ce cors en certaine façon que ie deſcriuois.

Mais, affin qu’on puiſſe voir en quelle ſorte i’y traitois cete matiere, ie veux mettre icy l’explication du Mouuement du Cœur & des Arteres, qui eſtant le premier & le plus general qu’on obſerue dans les animaux, on iugera facilement de luy ce qu’on doit penſer de tous les autres. Et affin qu’on ait moins de difficulté a entendre ce que i’en diray, ie voudrois que ceux qui ne ſont point verſez en l’Anatomie priſſent la peine, auant que de lire cecy, de faire couper deuant eux le cœur de quelque grand animal qui ait des poumons, car il eſt en tous aſſez ſemblable a celuy de l’homme, & qu’ils ſe fiſſent montrer les deux chambres ou concauitez qui y ſont. Premierement, celle qui eſt dans ſon coſté droit, a laquelle reſpondent deux tuyaux fort larges : a ſçauoir la vene caue, qui eſt le principal receptacle du ſang, & comme le tronc de l’arbre dont toutes les autres venes du cors ſont les branches, & la vene arterieuſe, qui a eſté ainſi mal nommée, pourceque c’eſt en effect vne artere, laquelle prenant ſon origine du cœur, ſe diuiſe, aprés en eſtre ſortie, en pluſieurs branches qui ſe vont reſpandre partout dans les poumons. Puis, celle qui eſt dans ſon coſté gauche, a laquelle reſpondent en meſme façon deux tuyaux, qui ſont autant ou plus larges que les precedens : a ſçauoir l’artere veneuſe, qui a eſté auſſy mal nommée, a cauſe qu’elle n’eſt autre choſe qu’vne vene, laquelle vient des poumons, ou elle eſt diuiſée en pluſieurs branches, entrelacées auec celles de la vene arterieuſe, & celles de ce conduit qu’on nomme le ſifflet, par où entre l’air de la reſpiration ; & la grande artere, qui, ſortant du cœur, enuoye ſes branches par tout le cors. Ie voudrois auſſy qu’on leur montraſt ſoigneuſement les onze petites peaux, qui, comme autant de petites portes, ouurent & ferment les quatre ouuertures qui ſont en ces deux concauitez : a ſçauoir, trois a l’entrée de la vene caue, où elles ſont tellement diſpoſées, qu’elles ne peuuent aucunement empeſcher que le ſang qu’elle contient ne coule dans la concauité droite du cœur, & toutefois empeſchent exactement qu’il n’en puiſſe ſortir ; trois a l’entrée de la vene arterieuſe, qui, eſtant diſpoſées tout au contraire, permetent bien au ſang, qui eſt dans cete concauité, de paſſer dans les poumons, mais non pas a celuy qui eſt dans les poumons d’y retourner ; & ainſi deux autres a l’entrée de l’artere veneuſe, qui laiſſent couler le ſang des poumons vers la concauité gauche du cœur, mais s’oppoſent a ſon retour ; & trois a l’entrée de la grande artere, qui luy permetent de ſortir du cœur, mais l’empeſchent d’y retourner. Et il n’eſt point beſoin de chercher d’autre raiſon du nombre de ces peaux, ſinon que l’ouuerture de l’artere veneuſe, eſtant en ouale a cauſe du lieu ou elle ſe rencontre, peut eſtre commodement fermée auec deux, au lieu que les autres, eſtant rondes, le peuuent mieux eſtre auec trois. De plus, ie voudrois qu’on leur fiſt conſiderer que la grande artere & la vene arterieuſe ſont d’vne compoſition beaucoup plus dure & plus ferme, que ne ſont l’artere veneuſe & la vene caue ; & que ces deux derniers s’eſlargiſſent auant que d’entrer dans le cœur, & y font comme deux bourſes, nommées les oreilles du cœur, qui ſont compoſées d’vne chair ſemblable à la ſiene ; et qu’il y a touſiours plus de chaleur dans le cœur, qu’en aucun autre endroit du cors ; et enfin, que cete chaleur eſt capable de faire que, s’il entre quelque goutte de ſang en ſes concauitez, elle s’enfle promtement & ſe dilate, ainſi que font generalement toutes les liqueurs, lorſqu’on les laiſſe tomber goutte a goutte en quelque vaiſſeau qui eſt fort chaud.

Car, aprés cela, ie n’ay beſoin de dire autre choſe, pour expliquer le mouuement du cœur, ſinon que, lorſque ſes concauitez ne ſont pas pleines de ſang, il y en coule neceſſairement de la vene caue dans la droite, & de l’artere veneuſe dans la gauche ; d’autant que ces deux vaiſſeaux en ſont touſiours pleins, & que leurs ouuertures, qui regardent vers le cœur, ne peuuent alors eſtre bouchées ; mais que, ſitoſt qu’il eſt entré ainſi deux gouttes de ſang, vne en chacune de ſes concauitez, ces gouttes, qui ne peuuent eſtre que fort groſſes, a cauſe que les ouuertures par où elles entrent ſont fort larges, & les vaiſſeaux d’où elles vienent fort pleins de ſang, ſe rarefient & ſe dilatent, a cauſe de la chaleur qu’elles y trouuent, au moyen de quoy, faiſant enfler tout le cœur, elles pouſſent & ferment les cinq petites portes, qui ſont aux entrées des deux vaiſſeaux d’où elles vienent, empeſchant ainſi qu’il ne deſcende dauantage de ſang dans le cœur ; et continuant a ſe rarefier de plus en plus, elles pouſſent & ouurent les ſix autres petites portes, qui ſont aux entrées des deux autres vaiſſeaux par où elles ſortent, faiſant enfler par ce moyen toutes les branches de la vene arterieuſe & de la grande artere, quaſi au meſme inſtant que le cœur ; lequel, incontinent aprés, ſe deſenfle, comme font auſſy ces arteres, a cauſe que le ſang qui y eſt entré s’y refroidiſt, & leurs ſix petites portes ſe referment, & les cinq de la vene caue & de l’artere veneuſe ſe rouurent, & donnent paſſage a deux autres gouttes de ſang, qui font derechef enfler le cœur & les arteres, tout de meſme que les precedentes. Et pourceque le ſang, qui entre ainſi dans le cœur, paſſe par ces deux bourſes qu’on nomme ſes oreilles, de là vient que leur mouuement eſt contraire au ſien, & qu’elles ſe deſenflent, lorſqu’il s’enfle. Au reſte, affin que ceux qui ne connoiſſent pas la force des demonſtrations Mathematiques, & ne ſont pas accoutumez a diſtinguer les vrayes raiſons des vrayſemblables, ne ſe haſardent pas de nier cecy ſans l’examiner, ie les veux auertir que ce mouuement, que ie vien d’expliquer, ſuit auſſy neceſſairement de la ſeule diſpoſition des organes qu’on peut voir a l’œil dans le cœur, & de la chaleur qu’on y peut ſentir auec les doigts, & de la nature du ſang qu’on peut connoiſtre par experience, que fait celuy d’vn horologe, de la force, de la ſituation, & de la figure de ſes contrepois & de ſes rouës.

Mais ſi on demande comment le ſang des venes ne s’eſpuiſe point, en coulant ainſi continuellement dans le cœur, & comment les arteres n’en ſont point trop remplies, puiſque tout celuy qui paſſe par le cœur s’y va rendre, ie n’ay pas beſoin d’y reſpondre autre choſe, que ce qui a deſia eſté eſcrit par vn medecin d’Angleterre,Heruæus,
de motu cordis.
auquel il faut donner la louange d’auoir rompu la glace en cét endroit, & d’eſtre le premier qui a enſeigné qu’il y a pluſieurs petits paſſages aux extremitez des arteres, par où le ſang qu’elles reçoiuent du cœur entre dans les petites branches des venes, d’où il ſe va rendre derechef vers le cœur, en ſorte que ſon cours n’eſt autre choſe qu’vne circulation perpetuelle. Ce qu’il prouue fort bien, par l’experience ordinaire des chirurgiens, qui ayant lié le bras mediocrement fort, au deſſus de l’endroit où ils ouurent la vene, font que le ſang en ſort plus abondamment que s’ils ne l’auoient point lié. Et il arriueroit tout le contraire, s’ils le lioient au deſſous, entre la main & l’ouuerture, ou bien, qu’ils le liaſſent tres fort au-deſſus. Car il eſt manifeſte que le lien mediocrement ſerré, pouuant empeſcher que le ſang qui eſt deſia dans le bras ne retourne vers le cœur par les venes, n’empeſche pas pour cela qu’il n’y en viene touſiours de nouueau par les arteres, a cauſe qu’elles ſont ſituées au deſſous des venes, & que leurs peaux, eſtant plus dures, ſont moins ayſées a preſſer, & auſſy que le ſang qui vient du cœur tend auec plus de force a paſſer par elles vers la main, qu’il ne fait a retourner de là vers le cœur par les venes. Et puiſque ce ſang ſort du bras par l’ouuerture qui eſt en l’vne des venes, il doit neceſſairement y auoir quelques paſſages au-deſſous du lien, c’eſt a dire vers les extremitez du bras, par où il y puiſſe venir des arteres. Il prouue auſſy fort bien ce qu’il dit du cours du ſang, par certaines petites peaux, qui ſont tellement diſpoſées en diuers lieux le long des venes, qu’elles ne luy permetent point d’y paſſer du milieu du cors vers les extremitez, mais ſeulement de retourner des extremitez vers le cœur ; et de plus, par l’experience qui monſtre que tout celuy qui eſt dans le cors en peut ſortir en fort peu de tems par vne ſeule artere, lorſqu’elle eſt coupée, encore meſme qu’elle fuſt eſtroitement liée fort proche du cœur, & coupée entre luy & le lien, en ſorte qu’on n’euſt aucun ſuiet d’imaginer que le ſang qui en ſortiroit vint d’ailleurs.

Mais il y a pluſieurs autres choſes qui teſmoignent que la vraye cauſe de ce mouuement du ſang eſt celle que i’ay dite. Comme, premierement, la difference qu’on remarque entre celuy qui ſort des venes & celuy qui ſort des arteres, ne peut proceder que de ce qu’eſtant rarefié, & comme diſtilé, en paſſant par le cœur, il eſt plus ſubtil & plus vif & plus chaud incontinent aprés en eſtre ſorti, c’eſt a dire, eſtant dans les arteres, qu’il n’eſt vn peu deuant que d’y entrer, c’eſt a dire, eſtant dans les venes. Et ſi on y prend garde, on trouuera que cete difference ne paroiſt bien que vers le cœur, & non point tant aux lieux qui en ſont les plus eſloignez. Puis la dureté des peaux, dont la vene arterieuſe & la grande artere ſont compoſées, monſtre aſſez que le ſang bat contre elles auec plus de force que contre les venes. Et pourquoy la concauité gauche du cœur & la grande artere ſeroient elles plus amples & plus larges, que la concauité droite & la vene arterieuſe ? Si ce n’eſtoit que le ſang de l’artere veneuſe, n’ayant eſté que dans les poumons depuis qu’il a paſſé par le cœur, eſt plus ſubtil & ſe rarefie plus fort & plus ayſement, que celuy qui vient immediatement de la vene caue. Et qu’eſt-ce que les medecins peuuent deuiner, en taſtant le pouls, s’ils ne ſçauent que, ſelon que le ſang change de nature, il peut eſtre rarefié par la chaleur du cœur plus ou moins fort, & plus ou moins viſte qu’auparauant ? Et ſi on examine comment cette chaleur ſe communique aux autres membres, ne faut-il pas auouër que c’eſt par le moyen du ſang, qui paſſant par le cœur s’y reſchauffe, & ſe reſpand de là par tout le cors. D’où vient que, ſi on oſte le ſang de quelque partie, on en oſte par meſme moyen la chaleur ; et encore que le cœur fuſt auſſy ardent qu’vn fer embraſé, il ne ſuffiroit pas pour reſchauffer les pieds & les mains tant qu’il fait, s’il n’y enuoyoit continuellement de nouueau ſang. Puis auſſy on connoiſt de là, que le vray vſage de la reſpiration eſt d’apporter aſſez d’air frais dans le poumon, pour faire que le ſang, qui y vient de la concauité droite du cœur, où il a eſté rarefié & comme changé en vapeurs, s’y eſpaiſſiſſe, & conuertiſſe en ſang derechef, auant que de retomber dans la gauche, ſans quoy il ne pourroit eſtre propre a ſeruir de nouriture au feu qui y eſt. Ce qui ſe confirme, parce qu’on void que les animaux qui n’ont point de poumons, n’ont auſſy qu’vne ſeule concauité dans le cœur, & que les enfans, qui n’en peuuent vſer pendant qu’ils ſont renfermez au ventre de leurs meres, ont vne ouuerture par où il coule du ſang de la vene caue en la concauité gauche du cœur, & vn conduit par où il en vient de la vene arterieuſe en la grande artere, ſans paſſer par le poumon. Puis la coction, comment ſe feroit-elle en l’eſtomac, ſi le cœur n’y enuoyoit de la chaleur par les arteres, & auec cela quelques vnes des plus coulantes parties du ſang, qui aydent a diſſoudre les viandes qu’on y a miſes ? Et l’action qui conuertiſt le ſuc de ces viandes en ſang, n’eſt elle pas ayſée a connoiſtre, ſi on conſidere qu’il ſe diſtile, en paſſant & repaſſant par le cœur, peuteſtre par plus de cent ou deux cent fois en chaſque iour ? Et qu’a t on beſoin d’autre choſe, pour expliquer la nutrition, & la production des diuerſes humeurs qui ſont dans le cors, ſinon de dire que la force, dont le ſang en ſe rarefiant paſſe du cœur vers les extremitez des arteres, fait que quelques vnes de ſes parties s’areſtent entre celles des membres où elles ſe trouuent, & y prenent la place de quelques autres quelles en chaſſent ; et que, ſelon la ſituation, ou la figure, ou la petiteſſe des pores qu’elles rencontrent, les vnes ſe vont rendre en certains lieux plutoſt que les autres, en meſme façon que chaſcun peut auoir vû diuers cribles, qui eſtant diuerſement percez ſeruent a ſeparer diuers grains les vns des autres ? Et enfin ce qu’il y a de plus remarquable en tout cecy, c’eſt la generation des eſprits animaux, qui ſont comme vn vent tres ſubtil, ou plutoſt comme vne flame tres pure & tres viue, qui, montant continuellement en grande abondance du cœur dans le cerueau, ſe va rendre de là par les nerfs dans les muſcles, & donne le mouuement a tous les membres ; ſans qu’il faille imaginer d’autre cauſe, qui face que les parties du ſang, qui, eſtant les plus agitées & les plus penetrantes, ſont les plus propres a compoſer ces eſprits, ſe vont rendre plutoſt vers le cerueau que vers ailleurs ; ſinon que les arteres, qui les y portent, ſont celles qui vienent du cœur le plus en ligne droite de toutes, & que, ſelon les regles des Mechaniques, qui ſont les meſmes que celles de la nature, lorſque pluſieurs choſes tendent enſemble a ſe mouuoir vers vn meſme coſté, où il n’y a pas aſſez de place pour toutes, ainſi que les parties du ſang qui ſortent de la concauité gauche du cœur tendent vers le cerueau, les plus foibles & moins agitées en doiuent eſtre détournées par les plus fortes, qui par ce moyen s’y vont rendre ſeules.

I’auois expliqué aſſez particulierement toutes ces choſes, dans le traité que i’auois eu cy deuant deſſein de publier. Et enſuite i’y auois monſtré quelle doit eſtre la fabrique des nerfs & des muſcles du cors humain, pour faire que les eſprits animaux, eſtant dedans, ayent la force de mouuoir ſes membres : ainſi qu’on voit que les teſtes, vn peu aprés eſtre coupées, ſe remuent encore, & mordent la terre, nonobſtant qu’elles ne ſoient plus animées ; quels changemens ſe doiuent faire dans le cerueau, pour cauſer la veille, & le ſommeil, & les ſonges ; comment la lumiere, les ſons, les odeurs, les gouts, la chaleur, & toutes les autres qualitez des obiets exterieurs y peuuent imprimer diuerſes idées, par l’entremiſe des ſens ; comment la faim, la ſoif, & les autres paſſions interieures, y peuuent auſſy enuoyer les leurs ; ce qui doit y eſtre pris pour le ſens commun, où ces idées ſont receuës ; pour la memoire, qui les conſerue ; & pour la fantaiſie, qui les peut diuerſement changer, & en compoſer de nouuelles, & par meſme moyen, diſtribuant les eſpris animaux dans les muſcles, faire mouuoir les membres de ce cors, en autant de diuerſes façons, & autant a propos des obiets qui ſe preſentent a ſes ſens, & des paſſions interieures qui ſont en luy, que les noſtres ſe puiſſent mouuoir, ſans que la volonté les conduiſe. Ce qui ne ſemblera nullement eſtrange a ceux qui, ſçachant combien de diuers automates, ou machines mouuantes, l’induſtrie des hommes peut faire, ſans y employer que fort peu de pieces, a comparaiſon de la grande multitude des os, des muſcles, des nerfs, des arteres, des venes, & de toutes les autres parties, qui ſont dans le cors de chaſque animal, conſidereront ce cors comme vne machine, qui, ayant eſté faite des mains de Dieu, eſt incomparablement mieux ordonnée, & a en ſoy des mouuemens plus admirables, qu’aucune de celles qui peuuent eſtre inuentées par les hommes.

Et ie m’eſtois icy particulierement areſté a faire voir que, s’il y auoit de telles machines, qui euſſent les organes & la figure d’vn ſinge, ou de quelque autre animal ſans raiſon, nous n’aurions aucun moyen pour reconnoiſtre qu’elles ne ſeroient pas en tout de meſme nature que ces animaux ; au lieu que, s’il y en auoit qui euſſent la reſſemblance de nos cors, & imitaſſent autant nos actions que moralement il ſeroit poſſible, nous aurions touſiours deux moyens tres certains, pour reconnoiſtre qu’elles ne ſeroient point pour cela de vrais hommes. Dont le premier eſt que iamais elles ne pourroient vſer de paroles, ny d’autres ſignes en les compoſant, comme nous faiſons pour declarer aux autres nos penſées. Car on peut bien conceuoir qu’vne machine ſoit tellement faite qu’elle profere des paroles, & meſme qu’elle en profere quelques vnes a propos des actions corporelles qui cauſeront quelque changement en ſes organes : comme, ſi on la touche en quelque endroit, qu’elle demande ce qu’on luy veut dire ; ſi en vn autre, qu’elle crie qu’on luy fait mal, & choſes ſemblables ; mais non pas qu’elle les arrenge diuerſement, pour reſpondre au ſens de tout ce qui ſe dira en ſa preſence, ainſi que les hommes les plus hebetez peuuent faire. Et le ſecond eſt que, bien qu’elles fiſſent pluſieurs choſes auſſy bien, ou peuteſtre mieux qu’aucun de nous, elles manqueroient infalliblement en quelques autres, par leſquelles on découuriroit quelles n’agiroient pas par connoiſſance, mais ſeulement par la diſpoſition de leurs organes. Car, au lieu que la raiſon eſt vn inſtrument vniuerſel, qui peut ſeruir en toutes ſortes de rencontres, ces organes ont beſoin de quelque particuliere diſpoſition pour chaque action particuliere ; d’où vient qu’il eſt moralement impoſſible qu’il y en ait aſſez de diuers en vne machine, pour la faire agir en toutes les occurrences de la vie, de meſme façon que noſtre raiſon nous fait agir.

Or, par ces deux meſmes moyens, on peut auſſy connoiſtre la difference, qui eſt entre les hommes & les beſtes. Car c’eſt vne choſe bien remarquable, qu’il n’y a point d’hommes ſi hebetez & ſi ſtupides, ſans en excepter meſme les inſenſez, qu’ils ne ſoient capables d’arrenger enſemble diuerſes paroles, & d’en compoſer vn diſcours par lequel ils facent entendre leurs penſées ; et qu’au contraire, il n’y a point d’autre animal, tant parfait & tant heureuſement né qu’il puiſſe eſtre, qui face le ſemblable. Ce qui n’arriue pas de ce qu’ils ont faute d’organes, car on voit que les pies & les perroquets peuuent proferer des paroles ainſi que nous, & toutefois ne peuuent parler ainſi que nous, c’eſt a dire, en teſmoignant qu’ils penſent ce qu’ils diſent ; au lieu que les hommes qui, eſtans nés ſours & muets, ſont priuez des organes qui ſeruent aux autres pour parler, autant ou plus que les beſtes, ont couſtume d’inuenter d’eux meſmes quelques ſignes, par leſquels ils ſe font entendre a ceux qui, eſtans ordinairement auec eux, ont loyſir d’apprendre leur langue. Et cecy ne teſmoigne pas ſeulement que les beſtes ont moins de raiſon que les hommes, mais qu’elles n’en ont point du tout. Car on voit qu’il n’en faut que fort peu, pour ſçauoir parler ; & d’autant qu’on remarque de l’ineſgalité entre les animaux d’vne meſme eſpece, auſſy bien qu’entre les hommes, & que les vns ſont plus ayſez a dreſſer que les autres, il n’eſt pas croyable qu’vn ſinge ou vn perroquet, qui ſeroit des plus parfaits de ſon eſpece, n’égalaſt en cela vn enfant des plus ſtupides, ou du moins vn enfant qui auroit le cerueau troublé, ſi leur ame n’eſtoit d’vne nature du tout differente de la noſtre. Et on ne doit pas confondre les paroles auec les mouuemens naturels, qui teſmoignent les paſſions, & peuuent eſtre imitez par des machines auſſy bien que par les animaux ; ny penſer, comme quelques Anciens, que les beſtes parlent, bien que nous n’entendions pas leur langage : car s’il eſtoit vray, puiſqu’elles ont pluſieurs organes qui ſe rapportent aux noſtres, elles pourroient auſſy bien ſe faire entendre a nous qu’a leurs ſemblables. C’eſt auſſy vne choſe fort remarquable que, bien qu’il y ait pluſieurs animaux qui teſmoignent plus d’induſtrie que nous en quelques vnes de leurs actions, on voit toutefois que les meſmes n’en teſmoignent point du tout en beaucoup d’autres : de façon que ce qu’ils font mieux que nous, ne prouue pas qu’ils ont de l’eſprit ; car, a ce conte, ils en auroient plus qu’aucun de nous, & feroient mieux en toute choſe ; mais plutoſt qu’ils n’en ont point, & que c’eſt la Nature qui agiſt en eux, ſelon la diſpoſition de leurs organes : ainſi qu’on voit qu’vn horologe, qui n’eſt compoſé que de rouës & de reſſors, peut conter les heures, & meſurer le tems, plus iuſtement que nous auec toute noſtre prudence.

I’auois deſcrit, aprés cela, l’ame raiſonnable, & fait voir qu’elle ne peut aucunement eſtre tirée de la puiſſance de la matiere, ainſi que les autres choſes dont i’auois parlé, mais qu’elle doit expreſſement eſtre creée ; et comment il ne ſuffit pas qu’elle ſoit logée dans le cors humain, ainſi qu’vn pilote en ſon nauire, ſinon peuteſtre pour mouuoir ſes membres, mais qu’il eſt beſoin qu’elle ſoit iointe & vnie plus eſtroitement auec luy, pour auoir, outre cela, des ſentimens & des appetits ſemblables aux noſtres, & ainſi compoſer vn vray homme. Au reſte, ie me ſuis icy vn peu eſtendu ſur le ſuiet de l’ame, a cauſe qu’il eſt des plus importans ; car, aprés l’erreur de ceux qui nient Dieu, laquelle ie penſe auoir cy deſſus aſſez refutée, il n’y en a point qui eſloigne plutoſt les eſprits foibles du droit chemin de la vertu, que d’imaginer que l’ame des beſtes ſoit de meſme nature que la noſtre, & que, par conſequent, nous n’auons rien a craindre, ny a eſperer, aprés cete vie, non plus que les mouſches & les fourmis ; au lieu que, lorſqu’on ſçait combien elles different, on comprent beaucoup mieux les raiſons, qui prouuent que la noſtre eſt d’vne nature entierement independante du cors, & par conſequent, qu’elle n’eſt point ſuiette a mourir auec luy ; puis, d’autant qu’on ne voit point d’autres cauſes qui la deſtruiſent, on eſt naturellement porté a iuger de là qu’elle eſt immortelle.


Sixiesme
partie
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Or il y a maintenant trois ans que i’eſtois paruenu a la fin du traité qui contient toutes ces choſes, & que ie commençois a le reuoir, affin de le mettre entre les mains d’vn imprimeur, lorſque i’appris que des perſonnes, a qui ie defere & dont l’authorité ne peut gueres moins ſur mes actions, que ma propre raiſon ſur mes penſées, auoient deſapprouué vne opinion de Phyſique, publiée vn peu auparauant par quelque autre, de laquelle ie ne veux pas dire que ie fuſſe, mais bien que ie n’y auois rien remarqué, auant leur cenſure, que ie puſſe imaginer eſtre preiudiciable ny a la Religion ny a l’Eſtat, ny, par conſequent, qui m’euſt empeſché de l’eſcrire, ſi la raiſon me l’euſt perſuadée, & que cela me fit craindre qu’il ne s’en trouuaſt tout de meſme quelqu’vne entre les mienes, en laquelle ie me fuſſe mépris, nonobſtant le grand ſoin que i’ay touſiours eu de n’en point receuoir de nouuelles en ma creance, dont ie n’euſſe des demonſtrations tres certaines, & de n’en point eſcrire, qui puſſent tourner au deſauantage de perſonne. Ce qui a eſté ſuffiſant, pour m’obliger a changer la reſolution que i’auois euë de les publier. Car, encore que les raiſons, pour leſquelles ie l’auois priſe auparauant, fuſſent tres fortes, mon inclination, qui m’a touſiours fait haïr le meſtier de faire des liures, m’en fit incontinent trouuer aſſez d’autres, pour m’en excuſer. Et ces raiſons de part & d’autre ſont telles, que non ſeulement i’ay icy quelque intereſt de les dire, mais peut-eſtre auſſy que le public en a de les ſçauoir.

Ie n’ay iamais fait beaucoup d’eſtat des choſes qui venoient de mon eſprit, & pendant que ie n’ay recueilly d’autres fruits de la methode dont ie me ſers, ſinon que ie me ſuis ſatisfait, touchant quelques difficultez qui appartienent aux ſciences ſpeculatiues, ou bien que i’ay taſché de regler mes meurs par les raiſons qu’elle m’enſeignoit, ie n’ay point creu eſtre obligé d’en rien eſcrire. Car, pour ce qui touche les meurs, chaſcun abonde ſi fort en ſon ſens, qu’il ſe pourroit trouuer autant de reformateurs que de teſtes, s’il eſtoit permis a d’autres qu’a ceux que Dieu a eſtablis pour ſouuerains ſur ſes peuples, ou bien auſquels il a donné aſſez de grace & de zele pour eſtre prophetes, d’entreprendre d’y rien changer ; et bien que mes ſpeculations me pleuſſent fort, i’ay creu que les autres en auoient auſſy, qui leur plaiſoient peut-eſtre dauantage. Mais, ſitoſt que i’ay eu acquis quelques notions generales touchant la Phyſique, & que, commençant a les eſprouuer en diuerſes difficultez particulieres, i’ay remarqué iuſques où elles peuuent conduire, & combien elles different des principes dont on s’eſt ſerui iuſques a preſent, i’ay creu que ie ne pouuois les tenir cachées, ſans pecher grandement contre la loy qui nous oblige a procurer, autant qu’il eſt en nous, le bien general de tous les hommes. Car elles m’ont fait voir qu’il eſt poſſible de paruenir a des connoiſſances qui ſoient fort vtiles a la vie, & qu’au lieu de cete Philoſophie ſpeculatiue, qu’on enſeigne dans les eſcholes, on en peut trouuer vne pratique, par laquelle connoiſſant la force & les actions du feu, de l’eau, de l’air, des aſtres, des cieux, & de tous les autres cors qui nous enuironnent, auſſy diſtinctement que nous connoiſſons les diuers meſtiers de nos artiſans, nous les pourrions employer en meſme façon a tous les vſages auſquels ils ſont propres, & ainſi nous rendre comme maiſtres & poſſeſſeurs de la Nature. Ce qui n’eſt pas ſeulement a deſirer pour l’inuention d’vne infinité d’artifices, qui feroient qu’on iouiroit, ſans aucune peine, des fruits de la terre & de toutes les commoditez qui s’y trouuent, mais principalement auſſy pour la conſeruation de la ſanté, laquelle eſt ſans doute le premier bien, & le fondement de tous les autres biens de cete vie ; car meſme l’eſprit depend ſi fort du temperament, & de la diſpoſition des organes du cors, que s’il eſt poſſible de trouuer quelque moyen, qui rende communement les hommes plus ſages & plus habiles qu’ils n’ont eſté iuſques icy, ie croy que c’eſt dans la Medecine qu’on doit le chercher. Il eſt vray que celle qui eſt maintenant en vſage, contient peu de choſes dont l’vtilité ſoit ſi remarquable ; mais, ſans que i’aye aucun deſſein de la meſpriſer, ie m’aſſure qu’il n’y a perſonne, meſme de ceux qui en font profeſſion, qui n’auouë que tout ce qu’on y ſçait n’eſt preſque rien, a comparaiſon de ce qui reſte a y ſçauoir, & qu’on ſe pourroit exemter d’vne infinité de maladies, tant du cors que de l’eſprit, & meſme auſſy peuteſtre de l’affoibliſſement de la vieilleſſe, ſi on auoit aſſez de connoiſſance de leurs cauſes, & de tous les remedes dont la Nature nous a pourueus. Or, ayant deſſein d’employer toute ma vie a la recherche d’vne ſcience ſi neceſſaire, & ayant rencontré vn chemin qui me ſemble tel qu’on doit infalliblement la trouuer, en le ſuiuant, ſi ce n’eſt qu’on en ſoit empeſché, ou par la brieueté de la vie, ou par le defaut des experiences, ie iugeois qu’il n’y auoit point de meilleur remede contre ces deux empeſchemens, que de communiquer fidellement au public tout le peu que i’aurois trouué, & de conuier les bons eſprits a taſcher de paſſer plus outre, en contribuant, chaſcun ſelon ſon inclination & ſon pouuoir, aux experiences qu’il faudroit faire, & communiquant auſſy au public toutes les choſes qu’ils apprendroient, affin que les derniers commençant ou les precedens auroient acheué, & ainſi ioignant les vies & les trauaux de pluſieurs, nous allaſſions tous enſemble beaucoup plus loin, que chaſcun en particulier ne ſçauroit faire.

Meſme ie remarquois, touchant les experiences, qu’elles ſont d’autant plus neceſſaires, qu’on eſt plus auancé en connoiſſance. Car, pour le commencement, il vaut mieux ne ſe ſeruir que de celles qui ſe preſentent d’elles meſmes a nos ſens, & que nous ne ſçaurions ignorer, pouruû que nous y facions tant ſoit peu de reflexion, que d’en chercher de plus rares & eſtudiées : dont la raiſon eſt que ces plus rares trompent ſouuent, lorſqu’on ne ſçait pas encore les cauſes des plus communes, & que les circonſtances dont elles dependent ſont quaſi touſiours ſi particulieres & ſi petites, qu’il eſt tres malayſé de les remarquer. Mais l’ordre que i’ay tenu en cecy a eſté tel. Premierement, i’ay taſché de trouuer en general les Principes, ou Premieres Cauſes, de tout ce qui eſt, ou qui peut eſtre, dans le monde, ſans rien conſiderer, pour cet effect, que Dieu ſeul, qui l’a creé, ny les tirer d’ailleurs que de certaines ſemences de Veritez qui ſont naturellement en nos ames. Aprés cela, i’ay examiné quels eſtoient les premiers & plus ordinaires effets qu’on pouuoit deduire de ces cauſes : et il me ſemble que, par la, i’ay trouué des Cieux, des Aſtres, vne Terre, & meſme, ſur la terre, de l’Eau, de l’Air, du Feu, des Mineraux, & quelques autres telles choſes, qui ſont les plus communes de toutes & les plus ſimples, & par conſequent les plus ayſées a connoiſtre. Puis, lorſque i’ay voulu deſcendre a celles qui eſtoient plus particulieres, il s’en eſt tant preſenté a moy de diuerſes, que ie n’ay pas creu qu’il fuſt poſſible a l’eſprit humain de diſtinguer les Formes ou Eſpeces de cors qui ſont ſur la terre, d’vne infinité d’autres qui pourroient y eſtre, ſi c’euſt eſté le vouloir de Dieu de les y mettre, ny, par conſequent, de les rapporter a noſtre vſage, ſi ce n’eſt qu’on viene au deuant des cauſes par les effets, & qu’on ſe ſerue de pluſieurs experiences particulieres. En ſuite de quoy, repaſſant mon eſprit ſur tous les obiets qui s’eſtoient iamais preſentez a mes ſens, i’oſe bien dire que ie n’y ay remarqué aucune choſe que ie ne peuſſe aſſez commodement expliquer par les Principes que i’auois trouuez. Mais il faut auſſy que i’auouë, que la puiſſance de la Nature eſt ſi ample & ſi vaſte, & que ces Principes ſont ſi ſimples & ſi generaux, que ie ne remarque quaſi plus aucun effect particulier, que d’abord ie ne connoiſſe qu’il peut en eſtre deduit en pluſieurs diuerſes façons, & que ma plus grande difficulté eſt d’ordinaire de trouuer en laquelle de ces façons il en depend. Car a cela ie ne ſçay point d’autre expedient, que de chercher derechef quelques experiences, qui ſoient telles, que leur euenement ne ſoit pas le meſme, ſi c’eſt en l’vne de ces façons qu’on doit l’expliquer, que ſi c’eſt en l’autre. Au reſte, i’en ſuis maintenant la, que ie voy, ce me ſemble, aſſez bien de quel biaiz on ſe doit prendre a faire la plus part de celles qui peuuent ſeruir a cet effect ; mais ie voy auſſy qu’elles ſont telles, & en ſi grand nombre, que ny mes mains, ny mon reuenu, bien que i’en euſſe mille fois plus que ie n’en ay, ne ſçauroient ſuffire pour toutes ; en ſorte que, ſelon que i’auray deſormais la commodité d’en faire plus ou moins, i’auanceray auſſy plus ou moins en la connoiſſance de la Nature. Ce que ie me prometois de faire connoiſtre, par le traité que i’auois eſcrit, & d’y monſtrer ſi clairement l’vtilité que le public en peut receuoir, que i’obligerois tous ceux qui deſirent en general le bien des hommes, c’eſt a dire, tous ceux qui ſont en effect vertueux, & non point par faux ſemblant, ny ſeulement par opinion, tant a me communiquer celles qu’ils ont deſia faites, qu’a m’ayder en la recherche de celles qui reſtent a faire.

Mais i’ay eu, depuis ce tems la, d’autres raiſons qui m’ont fait changer d’opinion, & penſer que ie deuois veritablement continuër d’eſcrire toutes les choſes que ie iugerois de quelque importance, a meſure que i’en découurirois la verité, & y apporter le meſme ſoin que ſi ie les voulois faire imprimer : tant affin d’auoir d’autant plus d’occaſion de les bien examiner, comme ſans doute on regarde touſiours de plus prés a ce qu’on croit deuoir eſtre veu par pluſieurs, qu’a ce qu’on ne fait que pour ſoy meſme, & ſouuent les choſes, qui m’ont ſemblé vrayes, lorſque i’ay commencé a les conceuoir, m’ont parû fauſſes, lorſque ie les ay voulu mettre ſur le papier ; qu’affin de ne perdre aucune occaſion de profiter au public, ſi i’en ſuis capable, & que, ſi mes eſcrits valent quelque choſe, ceux qui les auront aprés ma mort, en puiſſent vſer, ainſi qu’il ſera le plus a propos ; mais que ie ne deuois aucunement conſentir qu’ils fuſſent publiez pendant ma vie, affin que ny les oppoſitions & controuerſes, auſquelles ils ſeroient peuteſtre ſuiets, ny meſme la reputation telle quelle, qu’ils me pourroient acquerir, ne me donnaſſent aucune occaſion de perdre le tems que i’ay deſſein d’employer a m’inſtruire. Car, bien que il ſoit vray que chaſque homme eſt obligé de procurer, autant qu’il eſt en luy, le bien des autres, & que c’eſt proprement ne valoir rien que de n’eſtre vtile a perſonne, toutefois il eſt vray auſſy que nos ſoins ſe doiuent eſtendre plus loin que le tems preſent, & qu’il eſt bon d’omettre les choſes qui apporteroient peuteſtre quelque profit a ceux qui viuent, lorſque c’eſt a deſſein d’en faire d’autres qui en apportent dauantage a nos neueux. Comme, en effect, ie veux bien qu’on ſçache que le peu que i’ay appris iuſques icy, n’eſt preſque rien, a comparaiſon de ce que i’ignore, & que ie ne deſeſpere pas de pouuoir apprendre ; car c’eſt quaſi le meſme de ceux qui découurent peu a peu la verité dans les ſciences, que de ceux qui, commençant a deuenir riches, ont moins de peine a faire de grandes acquiſitions, qu’ils n’ont eu auparauant, eſtant plus pauures, a en faire de beaucoup moindres. Ou bien on peut les comparer aux chefs d’armée, dont les forces ont couſtume de croiſtre a proportion de leurs victoires, & qui ont beſoin de plus de conduite, pour ſe maintenir aprés la perte d’vne bataille, qu’ils n’ont, aprés l’auoir gaignée, a prendre des villes & des prouinces. Car c’eſt veritablement donner des batailles, que de taſcher a vaincre toutes les difficultez & les erreurs, qui nous empeſchent de paruenir a la connoiſſance de la verité, & c’eſt en perdre vne, que de receuoir quelque fauſſe opinion, touchant vne matiere vn peu generale & importante ; il faut, aprés, beaucoup plus d’adreſſe, pour ſe remettre au meſme eſtat qu’on eſtoit auparauant, qu’il ne faut a faire de grans progrés, lorſqu’on a deſia des principes qui ſont aſſurez. Pour moy, ſi i’ay cy deuant trouué quelques veritez dans les ſciences (& i’eſpere que les choſes qui ſont contenuës en ce volume feront iuger que i’en ay trouué quelques vnes), ie puis dire que ce ne ſont que des ſuites & des dependances de cinq ou ſix principales difficultez que i’ay ſurmontées, & que ie conte pour autant de batailles où i’ay eu l’heur de mon coſté. Meſme ie ne craindray pas de dire, que ie penſe n’auoir plus beſoin d’en gaigner que deux ou trois autres ſemblables, pour venir entierement a bout de mes deſſeins ; et que mon aage n’eſt point ſi auancé que, ſelon le cours ordinaire de la Nature, ie ne puiſſe encore auoir aſſez de loyſir pour cet effect. Mais ie croy eſtre d’autant plus obligé a ménager le tems qui me reſte, que i’ay plus d’eſperance de le pouuoir bien employer ; et i’aurois ſans doute pluſieurs occaſions de le perdre, ſi ie publiois les fondemens de ma Phyſique. Car, encore qu’ils ſoient preſque tous ſi euidens, qu’il ne faut que les entendre pour les croire, & qu’il n’y en ait aucun, dont ie ne penſe pouuoir donner des demonſtrations, toutefois, a cauſe qu’il eſt impoſſible qu’ils ſoient accordans auec toutes les diuerſes opinions des autres hommes, ie preuoy que ie ſerois ſouuent diuerti par les oppoſitions qu’ils feroient naiſtre.

On peut dire que ces oppoſitions ſeroient vtiles, tant affin de me faire connoiſtre mes fautes, qu’affin que, ſi i’auois quelque choſe de bon, les autres en euſſent par ce moyen plus d’intelligence, &, comme pluſieurs peuuent plus voir qu’vn homme ſeul, que commençant des maintenant a s’en ſeruir, ils m’aydaſſent auſſy de leurs inuentions. Mais, encore que ie me reconnoiſſe extremement ſuiet a faillir, & que ie ne me fie quaſi iamais aux premieres penſées qui me vienent, toutefois l’experience que i’ay des obiections qu’on me peut faire, m’empeſche d’en eſperer aucun profit : car i’ay deſia ſouuent eſprouué les iugemens, tant de ceux que i’ay tenus pour mes amis, que de quelques autres a qui ie penſois eſtre indifferent, & meſme auſſy de quelques vns dont ie ſçauois que la malignité & l’enuie taſcheroit aſſez a découurir ce que l’affection cacheroit a mes amis ; mais il eſt rarement arriué qu’on m’ayt obiecté quelque choſe que ie n’euſſe point du tout preueuë, ſi ce n’eſt qu’elle fuſt fort éloignée de mon ſuiet ; en ſorte que ie n’ay quaſi iamais rencontré aucun cenſeur de mes opinions, qui ne me ſemblaſt ou moins rigoureux, ou moins equitable, que moy meſme. Et ie n’ay iamais remarqué non plus, que, par le moyen des diſputes qui ſe pratiquent dans les eſcholes, on ait découuert aucune verité qu’on ignoraſt auparauant ; car, pendant que chaſcun taſche de vaincre, on s’exerce bien plus a faire valoir la vrayſemblance, qu’a peſer les raiſons de part & d’autre ; & ceux qui ont eſté long tems bons auocats, ne ſont pas pour cela, par aprés, meilleurs iuges.

Pour l’vtilité que les autres receuroient de la communication de mes penſées, elle ne pourroit auſſy eſtre fort grande, d’autant que ie ne les ay point encore conduites ſi loin, qu’il ne ſoit beſoin d’y aiouſter beaucoup de choſes, auant que de les appliquer a l’vſage. Et ie penſe pouuoir dire, ſans vanité, que, s’il y a quelqu’vn qui en ſoit capable, ce doit eſtre plutoſt moy qu’aucun autre : non pas qu’il ne puiſſe y auoir au monde pluſieurs eſprits incomparablement meilleurs que le mien ; mais pource qu’on ne ſçauroit ſi bien conceuoir vne choſe, & la rendre ſiene, lorſqu’on l’apprent de quelque autre, que lorſqu’on l’inuente ſoy meſme. Ce qui eſt ſi veritable, en cete matiere, que, bien que i’aye ſouuent expliqué quelques vnes de mes opinions a des perſonnes de tres bon eſprit, & qui, pendant que ie leur parlois, ſembloient les entendre fort diſtinctement, toutefois, lorſqu’ils les ont redites, i’ay remarqué qu’ils les ont changées preſque touſiours en telle ſorte que ie ne les pouuois plus auouër pour mienes. A l’occaſion de quoy ie ſuis bien ayſe de prier icy nos neueux, de ne croire iamais que les choſes qu’on leur dira vienent de moy, lorſque ie ne les auray point moy meſme diuulguées. Et ie ne m’eſtonne aucunement des extrauagances qu’on attribue a tous ces anciens Philoſophes, dont nous n’auons point les eſcrits, ny ne iuge pas, pour cela, que leurs penſées ayent eſté fort deraiſonnables, veu qu’ils eſtoient des meilleurs eſprits de leurs tems, mais ſeulement qu’on nous les a mal rapportées. Comme on voit auſſy que preſque iamais il n’eſt arriué qu’aucun de leurs ſectateurs les ait ſurpaſſez ; et ie m’aſſure que les plus paſſionnez de ceux qui ſuiuent maintenant Ariſtote, ſe croyroient hureux, s’ils auoient autant de connoiſſance de la Nature qu’il en a eu, encore meſme que ce fuſt a condition qu’ils n’en auroient iamais dauantage. Ils ſont comme le lierre, qui ne tend point a monter plus haut que les arbres qui le ſoutienent, & meſme ſouuent qui redeſcend, aprés qu’il eſt paruenu iuſques a leur faiſte ; car il me ſemble auſſy que ceux la redeſcendent, c’eſt-a-dire, ſe rendent en quelque façon moins ſçauans que s’ils s’abſtenoient d’eſtudier, leſquels, non contens de ſçauoir tout ce qui eſt intelligiblement expliqué dans leur autheur, veulent, outre cela, y trouuer la ſolution de pluſieurs difficultez, dont il ne dit rien & auſquelles il n’a peuteſtre iamais penſé. Toutefois, leur façon de philoſopher eſt fort commode, pour ceux qui n’ont que des eſprits fort mediocres ; car l’obſcurité des diſtinctions & des principes dont ils ſe ſeruent, eſt cauſe qu’ils peuuent parler de toutes choſes auſſy hardiment que s’ils les ſçauoient, & ſouſtenir tout ce qu’ils en diſent contre les plus ſubtils & les plus habiles, ſans qu’on ait moyen de les conuaincre. En quoy ils me ſemblent pareils a vn aueugle, qui, pour ſe battre ſans deſauantage contre vn qui voit, l’auroit fait venir dans le fonds de quelque caue fort obſcure ; et ie puis dire que ceux cy ont intereſt que ie m’abſtiene de publier les principes de la Philoſophie dont ie me ſers : car eſtans tres ſimples & tres euidens, comme ils ſont, ie ferois quaſi le meſme, en les publiant, que ſi i’ouurois quelques feneſtres, & faiſois entrer du iour dans cete caue, ou ils ſont deſcendus pour ſe battre. Mais meſme les meilleurs eſprits n’ont pas occaſion de ſouhaiter de les connoiſtre : car, s’ils veulent ſçauoir parler de toutes choſes, & acquerir la reputation d’eſtre doctes, ils y paruiendront plus ayſement en ſe contentant de la vrayſemblance, qui peut eſtre trouuée ſans grande peine en toutes ſortes de matieres, qu’en cherchant la verité, qui ne ſe découure que peu a peu en quelques vnes, & qui, lorſqu’il eſt queſtion de parler des autres, oblige a confeſſer franchement qu’on les ignore. Que s’ils preferent la connoiſſance de quelque peu de veritez a la vanité de paroiſtre n’ignorer rien, comme ſans doute elle eſt bien preferable, & qu’il vueillent ſuiure vn deſſein ſemblable au mien, ils n’ont pas beſoin, pour cela, que ie leur die rien dauantage que ce que i’ay deſia dit en ce diſcours. Car, s’ils ſont capables de paſſer plus outre que ie n’ay fait, ils le ſeront auſſy, a plus forte raiſon, de trouuer d’eux meſmes tout ce que ie penſe auoir trouué. D’autant que, n’ayant iamais rien examiné que par ordre, il eſt certain que ce qui me reſte encore a découurir, eſt de ſoy plus difficile & plus caché, que ce que i’ay pû cy deuant rencontrer, & ils auroient bien moins de plaiſir a l’apprendre de moy que d’eux meſmes ; outre que l’habitude qu’ils acquerront, en cherchant premierement des choſes faciles, & paſſant peu a peu par degrez a d’autres plus difficiles, leur ſeruira plus que toutes mes inſtructions ne ſçauroient faire. Comme, pour moy, ie me perſuade que, ſi on m’euſt enſeigné, dés ma ieuneſſe, toutes les veritez dont i’ay cherché depuis les demonſtrations, & que ie n’euſſe eu aucune peine a les apprendre, ie n’en aurois peuteſtre iamais ſceu aucunes autres, & du moins que iamais ie n’aurois acquis l’habitude & la facilité, que ie penſe auoir, d’en trouuer touſiours de nouuelles, a meſure que ie m’applique a les chercher. Et en vn mot, s’il y a au monde quelque ouurage, qui ne puiſſe eſtre ſi bien acheué par aucun autre que par le meſme qui l’a commencé, c’eſt celuy auquel ie trauaille.

Il eſt vray que, pour ce qui eſt des experiences qui peuuent y ſeruir, vn homme ſeul ne ſçauroit ſuffire a les faire toutes ; mais il n’y ſçauroit auſſy employer vtilement d’autres mains que les ſienes, ſinon celles des artiſans, ou telles gens qu’il pourroit payer, & a qui l’eſperance du gain, qui eſt vn moyen tres efficace, feroit faire exactement toutes les choſes qu’il leur preſcriroit. Car, pour les volontaires, qui, par curioſité ou deſir d’apprendre, s’offriroient peuteſtre de luy ayder, outre qu’ils ont pour l’ordinaire plus de promeſſes que d’effect, & qu’ils ne font que de belles propoſitions dont aucune iamais ne reüſſit, ils voudroient infalliblement eſtre payez par l’explication de quelques difficultez, ou du moins par des complimens & des entretiens inutiles, qui ne luy ſçauroient couſter ſi peu de ſon tems qu’il n’y perdiſt. Et pour les experiences que les autres ont deſia faites, quand bien meſme ils les luy voudroient communiquer, ce que ceux qui les nomment des ſecrets ne feroient iamais, elles ſont, pour la pluſpart, compoſées de tant de circonſtances, ou d’ingrediens ſuperflus, qu’il luy ſeroit tres malayſé d’en déchiffrer la verité ; outre qu’il les trouueroit preſque toutes ſi mal expliquées, ou meſme ſi fauſſes, a cauſe que ceux qui les ont faites ſe ſont efforcez de les faire paroiſtre conformes a leurs principes, que, s’il y en auoit quelques vnes qui luy ſeruiſſent, elles ne pourroient derechef valoir le tems qu’il luy faudroit employer a les choiſir. De façon que, s’il y auoit au monde quelqu’vn, qu’on ſceuſt aſſurement eſtre capable de trouuer les plus grandes choſes, & les plus vtiles au public qui puiſſent eſtre, & que, pour cete cauſe, les autres hommes s’efforçaſſent, par tous moyens, de l’ayder a venir a bout de ſes deſſeins, ie ne voy pas qu’ils peuſſent autre choſe pour luy, ſinon fournir aux frais des experiences dont il auroit beſoin, & du reſte empeſcher que ſon loiſir ne luy fuſt oſté par l’importunité de perſonne. Mais, outre que ie ne preſume pas tant de moy meſme, que de vouloir rien promettre d’extraordinaire, ny ne me repais point de penſées ſi vaines, que de m’imaginer que le public ſe doiue beaucoup intereſſer en mes deſſeins, ie n’ay pas auſſy l’ame ſi baſſe, que ie vouluſſe accepter de qui que ce fuſt aucune faueur, qu’on puſt croyre que ie n’aurois pas meritée.

Toutes ces conſiderations iointes enſemble furent cauſe, il y a trois ans, que ie ne voulu point diuulguer le traité que i’auois entre les mains, & meſme que ie fus en reſolution de n’en faire voir aucun autre, pendant ma vie, qui fuſt ſi general, ny duquel on pûſt entendre les fondemens de ma Phyſique. Mais il y a eu depuis derechef deux autres raiſons, qui m’ont obligé a mettre icy quelques eſſais particuliers, & a rendre au public quelque compte de mes actions & de mes deſſeins. La premiere eſt que, ſi i’y manquois, pluſieurs, qui ont ſceu l’intention que i’auois euë cy deuant de faire imprimer quelques eſcrits, pourroient s’imaginer que les cauſes pour leſquelles ie m’en abſtiens, ſeroient plus a mon deſauantage qu’elles ne ſont. Car, bien que ie n’ayme pas la gloire par excés, ou meſme, ſi ie l’oſe dire, que ie la haïſſe, en tant que ie la iuge contraire au repos, lequel i’eſtime ſur toutes choſes, toutefois auſſy ie n’ay iamais taſché de cacher mes actions comme des crimes, ny n’ay vſé de beaucoup de precautions pour eſtre inconnu ; tant a cauſe que i’euſſe creu me faire tort, qu’a cauſe que cela m’auroit donné quelque eſpece d’inquietude, qui euſt derechef eſté contraire au parfait repos d’eſprit que ie cherche. Et pourceque, m’eſtant touſiours ainſi tenu indifferent entre le ſoin d’eſtre connu ou ne l’eſtre pas, ie n’ay pû empeſcher que ie n’acquiſſe quelque ſorte de reputation, i’ay penſé que ie deuois faire mon mieux pour m’exempter au moins de l’auoir mauuaiſe. L’autre raiſon, qui m’a obligé a eſcrire cecy, eſt que, voyant tous les iours de plus en plus le retardement que ſouffre le deſſein que i’ay de m’inſtruire, a cauſe d’vne infinité d’experiences dont i’ay beſoin, & qu’il eſt impoſſible que ie face ſans l’ayde d’autruy, bien que ie ne me flatte pas tant que d’eſperer que le public prene grande part en mes intereſts, toutefois ie ne veux pas auſſy me defaillir tant a moy-meſme, que de donner ſuiet a ceux qui me ſuruiuront, de me reprocher quelque iour, que i’euſſe pû leur laiſſer pluſieurs choſes beaucoup meilleures que ie n’auray fait, ſi ie n’euſſe point trop negligé de leur faire entendre en quoy ils pouuoient contribuer a mes deſſeins.

Et i’ay penſé qu’il m’eſtoit ayſé de choiſir quelques matieres, qui, ſans eſtre ſuietes a beaucoup de controuerſes, ny m’obliger a declarer dauantage de mes principes que ie ne deſire, ne lairroient pas de faire voir aſſez clairement ce que ie puis, ou ne puis pas, dans les ſciences. En quoy ie ne ſçaurois dire ſi i’ay reuſſi, & ie ne veux point preuenir les iugemens de perſonne, en parlant moy-meſme de mes eſcrits ; mais ie ſeray bien ayſe qu’on les examine, & affin qu’on en ait d’autant plus d’occaſion, ie ſupplie tous ceux qui auront quelques obiections a y faire, de prendre la peine de les enuoyer a mon libraire, par lequel en eſtant auerti, ie taſcheray d’y ioindre ma reſponſe en meſme tems ; & par ce moyen les lecteurs, voyant enſemble l’vn & l’autre, iugeront d’autant plus ayſement de la verité. Car ie ne promets pas d’y faire iamais de longues reſponſes, mais ſeulement d’auouër mes fautes fort franchement, ſi ie les connois, ou bien, ſi ie ne les puis aperceuoir, de dire ſimplement ce que ie croyray eſtre requis, pour la defence des choſes que i’ay eſcrites, ſans y adiouſter l’explication d’aucune nouuelle matiere, affin de ne me pas engager ſans fin de l’vne en l’autre.

Que ſi quelques vnes de celles dont i’ay parlé, au commencement de la Dioptrique & des Meteores, chocquent d’abord, a cauſe que ie les nomme des ſuppoſitions, & que ie ne ſemble pas auoir enuie de les prouuer, qu’on ait la patience de lire le tout auec attention, & i’eſpere qu’on s’en trouuera ſatisfait. Car il me ſemble que les raiſons s’y entreſuiuent en telle ſorte que, comme les dernieres ſont demonſtrées par les premieres, qui ſont leurs cauſes, ces premieres le ſont reciproquement par les dernieres, qui ſont leurs effets. Et on ne doit pas imaginer que ie commette en cecy la faute que les Logiciens nomment vn cercle ; car l’experience rendant la plus part de ces effets tres certains, les cauſes dont ie les deduits ne ſeruent pas tant a les prouuer qu’a les expliquer ; mais, tout au contraire, ce ſont elles qui ſont prouuées par eux. Et ie ne les ay nommées des ſuppoſitions, qu’affin qu’on ſçache que ie penſe les pouuoir deduire de ces premieres veritez que i’ay cy deſſus expliquées, mais que i’ay voulu expreſſement ne le pas faire, pour empeſcher que certains eſprits, qui s’imaginent qu’ils ſçauent en vn iour tout ce qu’vn autre a penſé en vingt années, ſi toſt qu’il leur en a ſeulement dit deux ou trois mots, & qui ſont d’autant plus ſuiets a faillir, & moins capables de la verité, qu’ils ſont plus penetrans & plus vifs, ne puiſſent de la prendre occaſion de baſtir quelque Philoſophie extrauagante ſur ce qu’ils croyront eſtre mes principes, & qu’on m’en attribue la faute. Car, pour les opinions qui ſont toutes mienes, ie ne les excuſe point comme nouuelles, d’autant que, ſi on en conſidere bien les raiſons, ie m’aſſure qu’on les trouuera ſi ſimples, & ſi conformes au ſens commun, qu’elles ſembleront moins extraordinaires, & moins eſtranges, qu’aucunes autres qu’on puiſſe auoir ſur meſmes ſuiets. Et ie ne me vante point auſſy d’eſtre le premier Inuenteur d’aucunes, mais bien, que ie ne les ay iamais receuës, ny pource qu’elles auoient eſté dites par d’autres, ny pource qu’elles ne l’auoient point eſté, mais ſeulement pource que la raiſon me les a perſuadées.

Que ſi les artiſans ne peuuent ſi toſt executer l’inuention qui eſt expliquée en la Dioptrique, ie ne croy pas qu’on puiſſe dire, pour cela, qu’elle ſoit mauuaiſe : car, d’autant qu’il faut de l’adreſſe & de l’habitude, pour faire & pour aiuſter les machines que i’ay deſcrites, ſans qu’il y manque aucune circonſtance, ie ne m’eſtonnerois pas moins, s’ils rencontroient du premier coup, que ſi quelqu’vn pouuoit apprendre, en vn iour, a iouer du luth excellemment, par cela ſeul qu’on luy auroit donné de la tablature qui ſeroit bonne. Et ſi i’eſcris en François, qui eſt la langue de mon païs, plutoſt qu’en Latin, qui eſt celle de mes Precepteurs, c’eſt a cauſe que i’eſpere que ceux qui ne ſe ſeruent que de leur raiſon naturelle toute pure, iugeront mieux de mes opinions, que ceux qui ne croyent qu’aux liures anciens. Et pour ceux qui ioignent le bon ſens auec l’eſtude, leſquels ſeuls ie ſouhaite pour mes iuges, ils ne ſeront point, ie m’aſſeure, ſi partiaux pour le Latin, qu’ils refuſent d’entendre mes raiſons, pourceque ie les explique en langue vulgaire.

Au reſte, ie ne veux point parler icy, en particulier, des progrés que i’ay eſperance de faire a l’auenir dans les ſciences, ny m’engager enuers le public d’aucune promeſſe, que ie ne ſois pas aſſuré d’accomplir ; mais ie diray ſeulement que i’ay reſolu de n’employer le tems qui me reſte a viure, a autre choſe qu’a taſcher d’acquerir quelque connoiſſance de la Nature, qui ſoit telle qu’on en puiſſe tirer des regles pour la Medecine, plus aſſurées que celles qu’on a euës iuſques a preſent ; et que mon inclination m’eſloigne ſi fort de toute ſorte d’autres deſſeins, principalement de ceux qui ne ſçauroient eſtre vtiles aux vns qu’en nuiſant aux autres, que, ſi quelques occaſions me contraignoient de m’y employer, ie ne croy point que ie fuſſe capable d’y reuſſir. De quoy ie fais icy vne declaration, que ie ſçay bien ne pouuoir ſeruir a me rendre conſiderable dans le monde, mais auſſy n’ay ie aucunement enuie de l’eſtre ; et ie me tiendray touſiours plus obligé a ceux, par la faueur deſquels ie iouiray ſans empeſchement de mon loiſir, que ie ne ſerois a ceux qui m’offriroient les plus honorables emplois de la terre.

FIN.



LA DIOPTRIQUE
LA DIOPTRIQVE


Diſcours Premier.
DE LA LVMIERE.


Toute la conduite de noſtre vie depend de nos ſens, entre leſquels celuy de la veüe eſtant le plus vniuerſel & le plus noble, il n’y a point de doute que les inuentions qui ſeruent a augmenter ſa puiſſance ne ſoyent des plus vtiles qui puiſſent eſtre. Et il eſt malaiſé d’en trouuer aucune qui l’augmente dauantage que celle de ces merueilleuſes lunettes, qui, n’eſtant en vſage que depuis peu, nous ont deſia découuert de nouueaus aſtres dans le ciel, & d’autres nouueaus obiets deſſus la terre, en plus grand nombre que ne ſont ceus que nous y auions veus auparauant : en ſorte que, portant noſtre veüe beaucoup plus loin que n’auoit couſtume d’aller l’imagination de nos peres, elles ſemblent nous auoir ouuert le chemin pour paruenir a vne connoiſſance de la Nature beaucoup plus grande & plus parfaite qu’ils ne l’ont eue. Mais, a la honte de nos ſciences, cette inuention, ſi vtile & ſi admirable, n’a premierement eſté trouuée que par l’experience & la fortune. Il y a enuiron trente ans, qu’vn nommé Iaques Metius*, de la ville d’Alcmar en Hollande, homme qui n’auoit iamais eſtudié, bien qu’il euſt vn pere & vn frere qui ont fait proſeſſion des | mathematiques, mais qui prenoit particulierement plaiſir a faire des miroirs & verres bruſlans, en compofant meſme l’hyuer auec de la glace, ainfi que l’experience a monſtré qu’on en peut faire, ayant a cete occaſion pluſieurs verres de diuerſes formes, s’auiſa par bonheur de regarder au trauers de deus, dont l’vn eſtoit vn peu plus eſpais au milieu qu’aus extremités, & l’autre au contraire beaucoup plus eſpais aus extremités qu’au milieu, & il les appliqua ſi heureuſement aus deus bouts d’vn tuyau, que la premiere des lunettes dont nous parlons, en fut compoſée. Et c’eſt ſeulement ſur ce patron, que toutes les autres qu’on a veües depuis ont eſté faites, ſans que perſonne encore, que ie ſçache, ait ſuſſiſanment determiné les figures que ces verres doiuent auoir. Car, bien qu’il y ait eu depuis quantité de bons eſprits, qui ont fort cultiué cete matiere, & ont trouué a ſon occaſion pluſieurs choſes en l’Optique, qui valent mieux que ce que nous en auoient laiſſé les anciens, toutefois, a cauſe que les inuentions vn peu malayſées n’arriuent pas a leur dernier degré de perfection du premier coup, il eſt encore demeuré aſſés de difficultés en celle cy, pour me donner ſuiet d’en eſcrire. Et d’autant que l’execution des choſes que ie diray, doit dependre de l’induſtrie des artiſans, qui pour l’ordinaire n’ont point eſtudié, ie taſcheray de me rendre intelligible a tout le monde, & de ne rien omettre, ny ſuppoſer, qu’on doiue auoir appris des autres ſciences. C’eſt pourquoy ie commenceray par l’explication de la lumiere & de ſes rayons ; puis, ayant fait vne brieue deſcription des parties de l’œil, ie diray particulierement en quelle ſorte ſe fait la viſion ; & en fuite, | ayant remarqué toutes les choſes qui ſont capables de la rendre plus parfaite, i’enſeigneray comment elles y peuuent eſtre adiouſtées par les inuentions que ie deſcriray.

Or, n’ayant icy autre occaſion de parler de la lumiere, que pour expliquer comment ſes rayons entrent dans l’œil, & comment ils peuuent eſtre détournés par les diuers cors qu’ils rencontrent, il n’eſt pas beſoin que i’entreprene de dire au vray quelle eſt ſa nature, & ie croy qu’il ſuffira que ie me ſerue de deus ou trois comparaiſons, qui aydent a la conceuoir en la façon qui me ſemble la plus commode, pour expliquer toutes celles de ſes proprietés que l’expérience nous fait connoiſtre, & pour deduire en ſuite toutes les autres qui ne peuuent pas ſi ayſement eſtre remarquées ; imitant en cecy les Aſtronomes, qui, bien que leurs ſuppoſitions ſoyent preſque toutes fauſſes ou incertaines, toutefois, a cauſe qu’elles ſe rapportent a diuerſes obſeruations qu’ils ont faites, ne laiſſent pas d’en tirer pluſieurs conſequences très vrayes & très aſſurées.

Il vous eſt bien ſans doute arriué quelque fois, en marchant de nuit ſans flambeau, par des lieux vn peu difficiles, qu’il falloit vous ayder d’vn baſton pour vous conduire, & vous aués pour lors pû remarquer, que vous ſentiés, par l’entremiſe de ce baſton, les diuers obiects qui ſe rencontroyent autour de vous, & meſme que vous pouuiés diſtinguer s’il y auoit des arbres, ou des pierres, ou du ſable, ou de l’eau, ou de l’herbe, ou de la boüe, ou quelqu’autre choſe de ſemblable. Il eſt vray que cete ſorte de ſentiment eſt vn peu confuſe & obſcure, en ceus qui n’en ont pas vn long vſage ; mais conſiderés la | en ceus qui, eſtant nés aueugles, s’en ſont ſeruis toute leur vie, & vous l’y trouuerés ſi parfaite & ſi exacte, qu'on pourroit quaſi dire qu’ils voyent des mains, ou que leur baſton eſt l’organe de quelque ſixieſme ſens, qui leur a eſté donné au defaut de la veüe. Et pour tirer vne comparaiſon de cecy, ie deſire que vous penſiés que la lumiere n’eſt autre choſe, dans les corps qu’on nomme lumineux, qu’vn certain mouuement, ou vne action fort promte & fort viue, qui paſſe vers nos yeux, par l’entremiſe de l’air & des autres corps tranſparens, en meſme façon que le mouuement ou la reſiſtence des corps, que rencontre cet aueugle, paſſe vers ſa main, par l’entremiſe de ſon baſton. Ce qui vous empeſchera d’abord de trouuer eſtrange, que ceſte lumiere puiſſe eſtendre ſes rayons en vn inſtant, depuis le ſoleil iuſques a nous : car vous ſçaués que l’action, dont on meut l’vn des bouts d’vn baſton, doit ainſy paſſer en vn inſtant iuſques a l’autre, & qu’elle y deuroit paſſer en meſme ſorte, encores qu’il y auroit plus de diſtance qu’il n’y en a, depuis la terre iuſques aux cieux. Vous ne trouuerés pas eſtrange non plus, que par ſon moyen nous puiſſions voir toutes ſortes de couleurs ; & meſme vous croyrés peuteſtre que ces couleurs ne ſont autre choſe, dans les corps qu’on nomme colorés, que les diuerſes façons, dont ces corps la reçoyuent & la renuoyent contre nos yeux : ſi vous conſiderés que les différences, qu’vn aueugle remarque entre des arbres, des pierres, de l’eau, & choſes ſemblables, par l’entremiſe de ſon baſton, ne lui ſemblent pas moindres que nous font celles qui ſont entre le rouge, le iaune, le verd, & tou|tes les autres couleurs ; & toutefois que ces différences ne ſont autre choſe, en tous ces corps, que les diuerſes façons de mouuoir, ou de réſiſter aux mouuemens de ce baſton. En ſuite de quoy vous aurés occaſion de iuger, qu’il n’eſt pas befoin de ſuppoſer qu’il paſſe quelque choſe de materiel depuis les obiects iuſques a nos yeux, pour nous faire voir les couleurs & la lumiere, ny meſme qu’il y ait rien en ces obiects, qui ſoit ſemblable aux idées ou aux ſentimens que nous en auons : tout de meſme qu’il ne ſort rien des corps, que ſent vn aueugle, qui doiue paſſer le long de ſon baſton iuſques a ſa main, & que la reſiſtence ou le mouuement de ces corps, qui eſt la ſeule cauſe des ſentimens qu’il en a, n’eſt rien de ſemblable aux idées qu’il en conçoit. Et par ce moyen voſtre eſprit ſera deliuré de toutes ces petites images voltigeantes par l’air, nommées des eſpeces intentionelles, qui trauaillent tant l’imagination des Philoſophes. Meſme vous pourrés ayſement décider la queſtion, qui eſt entre eux, touchant le lieu d’où vient l’action qui cauſe le ſentiment de la veüe : car, comme noſtre aueugle peut ſentir les corps qui ſont autour de luy, non ſeulement par l’action de ces corps, lors qu’ils ſe meuuent contre ſon baſton, mais auſſy par celle de ſa main, lors qu’ils ne font que luy reſiſter ; ainſy faut il auoüer que les obiects de la veüe peuuent eſtre ſentis, non ſeulement par le moyen de l’action qui, eſtant en eux, tend vers les yeux, mais auſſy par le moyen de celle qui, eſtant dans les yeux, tend vers eux. Toutefois, pour ce que cete action n’eſt autre choſe que la lumiere, il faut remarquer qu’il n’y a que ceux qui peuuent voir pendant | les tenebres de la nuit, comme les chats, dans les yeux deſquels elle ſe trouue ; & que, pour l’ordinaire des hommes, ils ne voyent que par l’action qui vient des obiects : car l’experience nous monſtre que ces obiects doiuent eſtre lumineux ou illuminés pour eſtre veus, & non point nos yeux pour les voir. Mais, pour ce qu’il y a grande difference entre le baſton de cet aueugle & l’air ou les autres corps tranſparens, par l’entremiſe deſquels nous voyons, il faut que ie me ſerue encores icy d’vne autre comparaiſon.

Voyés vne cuue au temps de vendange, toute pleine de raiſins a demi foulés, & dans le fons de laquelle on ait fait vn trou ou deux, comme A & B, par où le vin doux, qu’elle contient, puiſſe couler. Puis penſés que, n’y ayant point de vuide en la Nature, ainfy que preſque tous les Philoſophes auoüent, & neantmoins y ayant pluſieurs pores en tous les corps que nous aperceuons autour de nous, ainſy que l’experience peut monſtrer fort clairement ; il eſt neceſſaire que ces pores ſoyent remplis de quelque matiere fort ſubtile & fort fluide, qui s’eſtende ſans interruption depuis les Aſtres iuſques a nous. Or, cete matiere ſubtile eſtant comparée auec le vin de cete cu|ue, & les parties moins fluides ou plus groſſieres, tant de l’air que des autres cors tranſparens, auec les grappes de raiſins qui ſont parmi : vous entendrés facilement que, comme les parties de ce vin, qui ſont par exemple vers C, tendent a deſcendre en ligne droite par le trou A, au meſme inſtant qu’il eſt ouuert, & enſemble par le trou B, & que celles qui ſont vers D, & vers E, tendent auſſy en meſme tems a deſcendre par ces deux trous, ſans qu’aucune de ces actions ſoit empeſchée par les autres, ny auſſy par la reſiſtence des grappes qui ſont en cete cuue : nonobſtant que ces grappes, eſtant ſoutenües l’vne par l’autre, ne tendent point du tout a deſcendre par ces trous A & B, comme le vin, & meſme qu’elles puiſſent cependant eſtre meües, en pluſieurs autres façons, par ceux qui les foulent : ainſy toutes les parties de la matiere ſubtile, que touche le coſté du Soleil qui nous regarde, tendent en ligne droite vers nos yeux au meſme inſtant qu’ils font ouuers, ſans s’empeſcher les vnes les autres, & meſme ſans eſtre empeſchées par les parties groſſieres des cors tranſparens, qui ſont entre deux : ſoit que ces cors ſe meuuent en d’autres façons, comme l’air, qui eſt preſque touſiours agité par quelque vent ; ſoit qu’ils ſoyent ſans mouuement, comme peut eſtre le verre ou le criſtal. Et remarqués icy qu’il faut diſtinguer entre le mouuement, & l’action ou inclination a ſe mouuoir. Car on peut fort bien conceuoir que les parties du vin, qui ſont par exemple vers C, tendent vers B, & enſemble vers A, nonobſtant qu’elles ne puiſſent actuellement ſe mouuoir vers ces deus coſtés en meſme temps ; & qu’elles tendent ex|actement en ligne droite vers B & vers A, nonobſtant qu’elles ne ſe puiſſent mouuoir ſi exactement vers la ligne droite, a cauſe des grappes de raiſins qui ſont entre deus : & ainſy, penſant que ce n’eſt pas tant le mouuement, comme l’action des cors lumineus qu’il faut prendre pour leur lumiere, vous deués iuger que les rayons de cete lumiere ne ſont autre choſe, que les lignes ſuiuant leſquelles tend cete action. En ſorte qu’il y a vne infinité de tels rayons qui vienent de tous les poins des cors lumineus, vers tous les poins de ceus qu’ils illuminent, ainſy que vous pouués imaginer vne infinité de lignes droites, ſuiuant leſquelles les actions, qui vienent de tous les poins de la ſuperficie du vin CDE, tendent vers A, & vne infinité d’autres, ſuiuant lefquelles les actions, qui vienent de ces meſmes poins, tendent auſſy vers B, ſans que les vnes empeſchent les autres.

Au reſte, ces rayons doiuent bien eſtre ainſy touſiours imaginés exactement drois, lors qu’ils ne paſſent que par vn ſeul cors tranſparent, qui eſt par tout eſgal a ſoy-meſme : mais, lors qu’ils rencontrent quelques autres cors, ils ſont ſuiets a eſtre détournés par eux, ou amortis, en meſme façon que l’eſt le mouuement d’vne balle, ou d’vne pierre iettée dans l’air, par ceux qu’elle rencontre. Car il eſt bien ayſé a croire que l’action ou inclination a ſe mouuoir, que i’ay dit deuoir eſtre priſe pour la lumiere, doit ſuiure en cecy les meſmes loys que le mouuement. Et afin que i’explique cete troiſieſme comparaiſon tout au long, conſiderés que les corps, qui peuuent ainſy eſtre rencontrés par vne balle qui paſſe dans l’air, ſont ou mous, ou durs, ou liquides ; & que, s’ils | ſont mous, ils arreſtent & amortiſſent tout a fait ſon mouuement : comme lors qu’elle donne contre des toiles, ou du ſable, ou de la boüe ; au lieu que, s’ils ſont durs, ils la renuoyent d’vn auſtre coſté ſans l’arreſter ; & ce, en pluſieurs diuerſes façons. Car ou leur fuperficie eſt toute eſgale & vnie, ou rabotteuſe & ineſgale ; & derechef, eſtant eſgale, elle eſt ou platte, ou courbée ; & eſtant ineſgale, ou ſon ineſgalité ne conſiſte qu’en ce qu’elle eſt compoſée de pluſieurs parties diuerſement courbées, dont chacune eſt en ſoy aſſés vnie ; ou bien elle conſiſte, outre cela, en ce qu’elle a pluſieurs diuers angles ou pointes, ou des parties plus dures l’vne que l’autre, ou qui ſe meuuent, & ce, auec des varietés qui peuuent eſtre imaginées en mille ſortes. Et il faut remarquer que la baie, outre ſon mouuement ſimple & ordinaire, qui la porte d’vn lieu en l’autre, en peut encores auoir vn deuxieſme, qui la fait tourner autour de ſon centre, & que la viteſſe de cetuy cy peut auoir pluſieurs diuerſes proportions auec celle de l’autre. Or, quand pluſieurs baies venant d’vn meſme coſté, rencontrent vn cors, dont la ſuperficie eſt toute vnie & eſgale, elles ſe refleſchiſſent eſgalement, & en meſme ordre, en ſorte que, ſi cete ſuperficie eſt toute plate, elles gardent entre elles la meſme diſtance, apres l’auoir rencontrée, qu’elles auoyent auparauant ; & ſi elle eſt courbée en dedans ou en dehors, elles s’approchent ou s’eſloignent en meſme ordre les vnes des autres, plus ou moins, a raiſon de cete courbure. Comme vous voyés icy les bales A, B, C, qui, apres auoir rencontré les ſuperficies des cors D, E, F, ſe refleſchiſſent vers G, H, I. Et ſi ces bales | rencontrent vne ſuperficie ineſgale, comme L ou M, elles ſe refleſchiſſent vers diuers coſtés, chaſcune ſelon la ſituation de l’endroit de cete ſuperficie qu’elle touche. Et elles ne changent rien que cela en la façon de leur mouuement, lors que ſon ineſgalité ne conſiſte qu’en ce que ſes parties ſont courbées diuerſement. Mais elle peut auſſy conſiſter en pluſieurs autres choſes & faire, par ce moyen, que, ſi ces bales n’ont eu auparauant qu’vn ſimple mouuement droit, elles en perdent vne partie, & en acquerent au lieu vn circulaire, qui peut auoir diverſe proportion auec ce qu’elles retienent du droit, ſelon que la ſuperficie du cors qu’elles rencontrent peut eſtre diuerſement diſpoſée. Ce que ceux qui iouent a la paume eſprouuent aſſés, lors que leur bale rencontre de faux quareaux, ou bien qu’ils la touchent en biaiſant de leur raquette, ce qu’ils nomment, ce me ſemble, coupper ou friſer. Enfin, conſiderés que, ſi vne bale qui ſe meut rencontre obliquement la ſuperficie d’vn cors liquide, par lequel elle puiſſe paſſer plus ou moins facilement que par celuy d’où elle ſort, elle ſe détourne & change ſon cours | en y entrant : comme, par exemple, ſi eſtant en l’air au point A, on la pouſſe vers B, elle va bien en ligne droite depuis A iuſques a B, ſi ce n’eſt que ſa peſanteur ou quelqu’autre cauſe particuliere l’en empeſche ; mais, eſtant au point B où ie ſuppoſe qu’elle rencontre la ſuperficie de l’eau C B E , elle ſe détourne & prend ſon cours vers I, allant derechef en ligne droite depuis B iuſques a I, ainſy qu’il eſt ayſé a verifier par l’experience. Or il faut penſer, en meſme façon, qu’il y a des cors qui, eſtant rencontrés par les rayons de la lumiere, les amortiſſent, & leur oſtent toute leur force, a ſçauoir ceux qu’on nomme noirs, leſquels n’ont point d’autre couleur que les tenebres ; & qu’il y en a d’autres qui les font refleſchir, les vns au meſme ordre qu’ils les reçoiuent, a ſçauoir ceux qui, ayant leur ſuperficie toute polie, peuuent ſeruir de miroirs tant plats que courbés, & les autres confuſement vers pluſieurs coſtés ; & que derechef, entre ceux cy, les vns font refleſchir ces rayons ſans aporter aucun autre changement en leur action, a ſçauoir ceux qu’on nomme blancs, & les autres y aportent auec cela vn changement ſemblable a celuy que reçoit le mouuement d’vne balle quand on la 5 frize, a ſçauoir ceux qui ſont rouges, ou iaunes, ou bleus, ou de quelque autre telle couleur. Car ie penſe pouuoir determiner en quoy | conſiſte la nature de chacune de ces couleurs, & le faire voir par experience ; mais cela paſſe les bornes de mon ſuiet. Et il me ſuffit 10 icy de vous auertir que les rayons, qui tombent ſur les cors qui ſont colorés & non polis, ſe refleſchiſſent ordinairement de tous coſtés, encore meſme qu’ils ne vienent que d’vn ſeul collé : comme, encores que ceux qui tombent ſur la ſuperficie 15 du cors blanc AB, ne vienent que du flambeau C, ils ne laiſſent pas de ſe refleſchir tellement de tous coſtés, qu’en quelque lieu qu’on poſe l’œil, 20 comme par exemple vers D, il s’en trouue touſiours pluſieurs venans de chaſque endroit de cete ſuperficie A B, qui tendent vers luy. Et meſme, ſi l’on ſuppoſe ce cors fort delié comme vn papier ou vne toile, en ſorte que le iour pafle au trauers, encores 25 que l’œil ſoit d’autre coſté que le flambeau, comme vers E, il ne lairra pas de ſe refleſchir vers luy quelques rayons de chacune des parties de ce cors. Enfin, conſiderés que les rayons ve détournent auſſy, en meſme façon qu’il a eſté dit d’vne bale, quand ils 30

rencontrent obliquement la ſuperficie d’vn cors tranſ
La Dioptrique - Discours II. 93

par lequel ils pénètrent plus ou moins facilement que par celui d'où ils viennent, et cette façon de se détourner s'appelle en eux réfraction

DE LA RÉFRACTION. Discours Second.

D’autant que nous aurons besoin ci-après de savoir exactement la quantité de cette réfraction, et qu’elle peut assez commodément être entendue par la comparaison dont je viens de me servir, je crois qu’il est à propos que je tache ici tout d’un train de l’expliquer, et que je parle premièrement de la réflexion, afin d’en rendre l’intelligence d’autant plus aisée. Pensons donc qu’une balle étant poussée de A vers B rencontre au point B la superficie de la terre CBE, qui, l’empêchant de passer outre, est cause qu’elle se détourne ; et voyons vers quel côté.

Mais afin de ne nous embarrasser point en des nouvelles difficultés, supposons que la terre est parfaitement plate et dure, et que la balle va toujours d’égale vitesse, tant en descendant qu’en remontant, sans nous enquérir en aucune façon de la puiſſance qui continue de la mouuoir, apres qu’elle n’eſt plus touchée de la raquette, ny conſiderer aucun effect de ſa peſanteur, ny de ſa groſſeur, ny de ſa figure. Car il n’eſt icy queſtion d’y regarder de ſi prés, & il n’y a aucune | de ces choſes qui ait lieu 5 en l’action de la lumiere a laquelle cecy ſe doit rapporter. Seulement faut il remarquer, que la puiſſance, telle qu’elle ſoit, qui fait continuer le mouuement de cete balle, eſt differente de celle qui la determine a ſe mouuoir pluſtoſt vers vn coſté que vers vn autre, 10 ainſy qu’il eſt très ayſé a cognoiſtre de ce que c’eſt la force dont elle a eſté pouſſée par la raquette, de qui depend ſon mouuement, & que cete meſme force l’auroit pû faire mouuoir vers tout autre coſté, auſſy facilement que vers B, au lieu que c’eſt la ſituation de 15 cete raquette qui la determine a tendre vers B, & qui auroit pu l’y determiner en meſme façon, encores qu’vne autre force l’auroit meue. Ce qui monſtre deſia qu’il n’eſt pas impoſſible que cete balle ſoit détournée par la rencontre de la terre, & ainſy, que la 20 determination qu’elle auoit a tendre vers B ſoit changée, ſans qu’il y ait rien pour cela de changé en la force de ſon mouuement, puis que ce ſont deux choſes diuerſes, & par conſequent qu’on ne doit pas imaginer qu’il ſoit neceſſaire qu’elle s’areſte quelque moment 25 au point B auant que de retourner vers F, ainſy que font pluſieurs de nos Philoſophes ; car, ſi ſon mouuement eſtoit vne foix interrompu par cet arreſt, il ne ſe trouueroit aucune cauſe, qui le fiſt par après recommencer. De plus, il faut remarquer que la 30 determination a ſe mouuoir vers quelque coſté peut, auſſy bien que le mouuement & generalement que toute autre ſorte de quantité, eſtre diuiſée entre toutes les parties deſquelles on peut imaginer qu’elle eſt compoſée ; & qu’on peut ayſement imaginer que celle de 5 la balle qui ſe meut d’A vers B eſt compoſée de deux autres, | dont l’vne la fait deſcendre de la ligne A F vers la ligne C E, & l’autre en meſme temps la fait aller de la gauche A C 10 vers la droite F E, en ſorte que ces deux, iointes enſemble, la conduiſent iuſques a B ſuiuant la ligne droite A B. Et en ſuite il eſt 15 ayfé a entendre, que la rencontre de la terre ne peut empeſcher que l’vne de ces deux determinations, & non point l’autre en aucune façon. Car elle doit bien empeſcher celle qui faiſoit deſcendre la balle d’A F vers C E, a cauſe qu’elle occupe tout l’eſpace qui eſt 20 au deſſous de C E ; mais pourquoy empeſcheroit elle l’autre, qui la faiſoit auancer vers la main droite, vû qu’elle ne luy eſt aucunement oppoſée en ce ſens là ? Pour trouuer donc iuſtement vers quel coſté cete balle doit retourner, deſcriuons vn cercle du centre 25 B, qui paſſe par le point A, & diſons qu’en autant de temps qu’elle aura mis a ſe mouuoir depuis A iuſques a B, elle doit infalliblement retourner depuis B iuſques a quelque point de la circonference de ce cercle, d’autant que tous les points qui ſont auſſy 30 diſtans de cetuy cy B qu’en eſt A, ſe trouuent en cete circonference, & que nous ſuppoſons le mouuement de cete balle eſtre touſiours eſgalement viſte. Puis afin de ſçauoir preciſement auquel de tous les points de cete circonference elle doit retourner, tirons trois lignes droites | AC, HB & FE perpendiculaires ſur C E, & en telle ſorte, qu’il n’y ait ni plus 5 ni moins de diſtance entre A C & H B qu’entre H B & F E ; & diſons, qu’en autant de temps que la bale a mis a s’auancer vers le coſté droit, depuis A, l’vn des poins de la ligne AC, iuſques a B, l’vn de ceux de la ligne H B, elle doit auſſy s’auancer depuis la ligne 10 H B iuſques a quelque point de la ligne F E ; car tous les poins de cete ligne FE ſont autant eſloignés de H B en ce ſens là, l’vn comme l’autre, & autant que ceux de la ligne A C ; & elle eſt auſſy autant determinée a s’auancer vers ce coſté-là, qu’elle a eſté 15 auparauant. Or eſt il qu’elle ne peut arriuer en meſme tems en quelque point de la ligne F E, & enſemble a quelque point de la circonference du cercle A F D, ſi ce n’eſt au point D, ou au point F, d’autant qu’il n’y a que ces deux, où elles s’entrecoupent l’vne l’autre ; ſi 20 bien que, la terre l’empeſchant de paſſer vers D, il faut conclure qu’elle doit aller infalliblement vers F. Et ainſy vous voyés facilement comment ſe fait la reflexion, a ſçauoir ſelon vn angle touſiours eſgal a celuy qu’on nomme l’angle d’incidence. Comme, 25 fi vn rayon, venant du point A, tombe au point B ſur la ſuperficie du miroir plat C B E, il ſe refleſchiſt vers F, en ſorte que l’angle de la reflexion F B E n’eſt ne plus ne moins grand que celuy de l’incidence A B C. 30

Venons maintenant a la Refraction. Et premierement ſuppoſons qu’vne bale, pouſſée d’A vers B, rencontre au point B, non plus la ſuperficie de la terre, mais vne toile C B E, qui ſoit ſi foible & deliée que 5 cete bale ait la force de la rompre & de paſſer tout au trauers, en perdant feulement vne partie de ſa viteſſe, a ſçauoir, 10 par exemple, la | moitié. Or cela poſé, afin de ſçauoir quel chemin elle doit ſuiure, conſiderons de rechef que ſon mouuement differe entierement de ſa determination a ſe mouuoir pluſtoſt vers vn 15 coſté que vers vn autre, d’où il ſuit que leur quantité doit eſtre examinée ſeparement. Et conſiderons auſſy que, des deux parties dont on peut imaginer que cete determination eſt compoſée, il n’y a que celle qui faiſoit tendre la bale de haut en bas, qui 20 puiſſe eſtre changée en quelque façon par la rencontre de la toile ; & que, pour celle qui la faiſoit tendre vers la main droite, elle doit touſiours demeurer la meſme quelle a eſté, a cauſe que cete toile ne luy eſt aucunement oppoſée en ce ſens là. Puis, 25 ayant deſcrit du centre B le cercle A F D, & tiré a angles droits ſur C B E les trois lignes droites A C, H B, F E, en telle ſorte qu’il y ait deux fois autant de diſtance entre F E & H B qu’entre H B & A C, nous verrons que cete bale doit tendre vers le point I. Car, 30 puiſqu’elle perd la moitié de ſa viteſſe, en trauerſant la toile C B E, elle doit employer deux fois autant de tems a paffer au deffous, depuis B iuſques a quelque point de la circonference du cercle AFD, qu’elle a fait au deffus a venir depuis A iufques a B. Et puis qu’elle ne perd rien du tout de la determination qu’elle auoit a s’auan|cer vers le cofté droit, en deux fois autant de tems qu’elle en a mis a paffer depuis la ligne AC iufques a HB, elle doit faire deux fois autant de chemin vers ce mefme cofté, & par confe- quent arriuer a quelque point de la ligne droite FE, au mefme inftant qu’elle arriue auffi a quelque point 10 de la circonference du cercle AFD. Ce qui feroit im- poffible, fi elle n’alloit vers I, d’autant que c’eſt le feul point au-deffous de la toile CBE, où le cercle AFD & la ligne droite FE s’entrecoupent. H 17-18. Penfons maintenant que la bale qui vient d’A vers 15 D, rencontre au point B, non plus vne toile, mais de l’eau, dont la ſuperficie CBE lui ofte iuſtement la moitié de fa viteffe, ainſi que faifoit cete toile. 20 Et le reſte pofé comme deuant, ie dis que cete bale doit paffer de B en ligne droite, non vers D, mais vers I. Car, premie— 25 rement, il eſt certain que la ſuperficie de l’eau la doit détourner vers là en mefme façon que la toile, vû qu’elle luy ofte tout autant de fa force, & qu’elle luy eft oppofée en mefme fens. Puis, pour le reſte du cors de l’eau qui remplift tout l’eſpace qui eft 30 depuis B iuſques a I, encores qu’il luy reſiſte plus N 5

i8-ig.

La Dioptrique. — Discours II.

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ou moins que ne faiſoit l’air que nous y ſuppoſions auparauant, ce n’eſt pas a dire pour cela qu’il doiue plus ou moins la détourner : car il ſe peut ouurir, | pour luy faire paſſage, tout auſſi facilement vers vn coſté que vers vn autre, au moins ſi on ſuppoſe touſiours, comme nous faiſons, que ny la peſanteur ou légèreté de cete bale, ny ſa groſſeur, ny ſa ſigure, ny aucune autre telle cauſe eſtrangere ne change ſon cours. Et on peut icy remarquer, qu’elle eſt d’autant plus détournée par la ſuperſicie de l’eau ou de la toile, qu’elle la rencontre plus obliquement, en forte que, fi elle la rencontre a angles droits, comme lors qu’elle eſt pouſſée d’H vers B, elle doit paſſer outre en ligne droite vers G, ſans aucunement ſe détourner. Mais ſi elle eſt pouffée ſuiuant vne ligne comme AB, qui ſoit fi fort inclinée ſur la ſuperſicie de l’eau ou de la toile CBE, que la ligne FE, eſtant tirée comme tantoſt, ne coupe point le cercle AD, cete bale ne doit aucunement la pénétrer, mais reiaillir de ſa ſuperſicie B vers l’air L, tout de mefme que fi elle y auoit rencontré de la terre. Ce qu’on a quelquefois expérimenté auec regret, lorſque, faiſant tirer pour plaiſir des pièces d’Artillerie vers le fons d’vne riuiere, on a bleſſé ceux qui eftoyent de l’autre coſté ſur le riuage. Mais faiſons encore icy vne autre ſuppoſition, & penſons que la bale, ayant eſté premièrement pouſſée d’A vers B, eſt pouſſée derechef, eſtant au point B, Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/122 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/123 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/124 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/125 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/126 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/127 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/128 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/129 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/130 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/131 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/132 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/133 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/134 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/135 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/136 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/137 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/138 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/139 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/140 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/141 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/142 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/143
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justement au point T ; et les autres s'en doivent écarter quelque peu tout à l'entour, ainsi que j'expli-

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dément remarquer diverses particularités dont je désire ici vous avertir, afin que vous en fassiez l’ex
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l’expérience, si vous ne l’avez encore jamais faite. Voyez donc premièrement que, si on ne met aucun verre au-devant du trou qu’on aura fait en cette chambre, il paraîtra bien quelques images sur le linge, pourvu que le trou soit fort étroit, mais qui seront fort confuses et imparfaites, et qui le seront d’autant plus que ce trou sera moins étroit ; et qu’elles seront aussi d’autant plus grandes qu’il y aura plus de distance entre lui et le linge : en sorte que leur grandeur doit avoir à peu près même proportion avec cette distance que la grandeur des objets qui les causent avec la distance qui est entre eux et ce même trou. Comme il est évident que, si ACB est l’objet, D le trou, et EGF l’image, EG est à FD comme AB est à CD.

Puis, ayant mis un verre en forme de lentille au-devant de ce trou, considérez qu’il y a certaine distance déterminée à laquelle, tenant le linge, les images paraissent fort distinctes, et que, pour peu qu’on l’éloigné ou qu’on l’approche davantage du verre, elles commencent à l’être moins ; et que cette distance doit être mesurée par l’espace qui est, non pas entre le linge et le trou, mais entre le linge et le verre : en sorte que, si Ton met le verre un peu au-delà du trou de part ou d’autre, le linge en doit aussi être d’autant approché ou reculé ; et qu’elle dépend en partie de la figure de ce verre, et en partie aussi de l’éloignement des objets : car, en laissant l’objet en même lieu, moins les superficies Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/149
128 Œuvres de Descartes.

les raisons sont fort aisées à déduire de ce que j’ai dit ; et elles seront bien plus vôtres, s’il vous faut user d’un peu de réflexion pour les concevoir, que si vous les trouviez ici mieux expliquées.

Au reste, les images des objets ne se forment pas seulement ainsi au fond de l’œil, mais elles passent encore au-delà jusqu’au cerveau, comme vous entendrez facilement, si vous pensez que, par exemple, les rayons qui viennent dans l’œil de l’objet V touchent au point R l’extrémité de l’un des petits filets Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/151 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/152 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/153 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/154
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jet VXY, considérés tous ensemble, dans le fond de l’œil A que dans celui de l’œil B, toutefois pourceque ces rayons ne s’y étendent qu’en l’espace TR, qui est plus petit que n’est HI, dans lequel ils s’étendent au fond de l’œil B, ils y doivent agir avec plus de force contre chacune des extrémités du nerf optique qu’ils y touchent, ce qui est fort aisé à calculer ; car si, par exemple, l’espace HI est quadruple de TR, et qu’il contienne les extrémités de quatre mille des petits filets, du nerf optique, TR ne contiendra que celles de mille, et par conséquent chacun de ces petits filets sera mû dans le fond de l’œil A par la millième partie des forces qu’ont tous les rayons qui y entrent, jointes ensemble, et dans le fond de l’œil B par le quart de la millième partie seulement. Il faut aussi considérer qu’on ne peut discerner les parties des corps qu’on regarde qu’en tant qu’elles diffèrent en quelque façon de couleur, et que la vision distincte de ces couleurs ne dépend pas seulement de ce que tous les rayons qui viennent de chaque point de l’objet se rassemblent à peu près en autant d’autres divers points au fond de l’œil, et de ce qu’il n’en vient aucun autre d’ailleurs vers ces mêmes points, ainsi qu’il a été tantôt amplement expliqué, mais aussi de la multitude des petits filets du nerf optique qui sont en l’espace qu’occupe l’image au fond de l’œil. Car si, par exemple, l’objet VXY est Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/156

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stituée de la nature pour faire non seulement que l’âme connaisse en quel endroit est chaque partie du corps qu’elle anime au respect de toutes les autres, mais aussi qu’elle puisse transférer de là son attention à tous les lieux contenus dans les lignes droites qu’on peut imaginer être tirées de l’extrémité de chacune de ces parties et prolongées à l’infini.

Comme lorsque l'aveugle, dont nous avons déjà tant parlé ci-dessus, tourne sa main A vers E, ou C aussi vers E, les nerfs insérés en cette main causent un certain changement en son cerveau qui donne moyen à son âme de connaître non seulement le lieu A ou C, mais aussi tous les autres qui sont en la ligne droite AE ou CE, en sorte qu’elle peut porter son attention jusqu’aux objets B et D, et déterminer les lieux où ils sont, sans connaître pour cela ni penser aucunement à ceux où sont ses deux mains. Et ainsi, lorsque notre œil ou notre tête se tourne vers quelque côté, notre âme, en est avertie par le changement que les nerfs, insérés dans les muscles qui servent à ces mouvements, causent en notre cerveau.

Comme ici, en l’œil RST[18], il faut penser que la situation du petit filet du nerf optique, qui est au point R, ou S, ou T, est suivie d’une autre certaine situation de la partie du cerveau 7, ou 8, ou 9, qui fait que l’âme peut connaître tous les lieux qui sont en la ligne RV, ou SX, ou TY ; de façon que vous ne devez pas trouver étrange que les objets puissent être vus en leur vraie situation,
136 Œuvres de Descartes.

nonobstant que la peinture qu’ils impriment

dans l’œil en ait une toute contraire : ainsi que notre aveugle peut sentir en même temps l’objet B, qui est à droite, par l’entremise de sa main gauche ; et D, qui est à gauche, par l’entremise de sa main droite. Et, comme cet aveugle ne juge point qu’un corps soit double, encore qu’il le touche de ses deux mains, ainsi, lorsque nos yeux sont tous deux disposés en la Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/159 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/160

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prement à voir, mais à imaginer sa distance. Comme,

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regardant de loin quelque corps que nous avons acPage:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/162 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/163

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en même temps en leurs vrais lieux par l’entremise de l’autre œil RST, ils sembleront doubles. En même façon que, touchant la petite boule G des deux doigts A et D croisés l’un sur l’autre, on en pense toucher deux, à cause que, pendant que ces doigts se retiennent l’un l’autre ainsi croisés, les muscles de chacun d’eux tendent à les écarter, A vers C et D vers F, au moyen de quoi les parties du cerveau, d’où viennent les nerfs qui sont insérés en ces muscles, se trouvent disposées en la façon qui est requise pour faire qu’ils semblent être A vers B et D vers E, et par conséquent y toucher deux diverses boules H et I. De plus, à cause que nous sommes accoutumés de juger que les impressions qui meuvent notre vue viennent des lieux vers lesquels nous devons regarder pour les sentir, quand il arrive qu’elles viennent d’ailleurs, nous y pouvons facilement être trompés ; comme ceux qui ont les yeux infectés de la jaunisse, ou bien qui regardent au travers d’un verre jaune, ou qui sont enfermés dans une chambre où il n’entre aucune lumière que par de tels verres, attribuent cette couleur à tous les corps qu’ils regardent. Et celui qui est dans la chambre obscure, que j’ai tantôt décrite[7], attribue au corps blanc RST les couleurs des objets VXY, à cause que c’est seulement vers lui qu’il dresse sa vue, Et les yeux A,B,C,D,E,F voyant les objets T,V,X,Y,Z,U, au travers des verres N,0,P, et dans les miroirs Q,R,S, les jugent être aux points G,H,I,K,L,M ;

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V,Z être plus petits, et X,U plus grands qu’ils ne sont : ou bien aussi X,U plus petits et avec cela renversés, à savoir, lorsqu’ils sont un peu loin des yeux C,F, d’autant que ces verres et ces miroirs détournent les rayons qui viennent de ces objets en telle


sorte que ces yeux ne les peuvent voir distinctement qu’en se disposant comme ils doivent être pour regarder vers les points G, H, I, K, L, M, ainsi que connaitront facilement ceux qui prendront la peine de Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/166 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/167
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de leur distance, mais aussi en ce que leurs images s’impriment plus grandes dans le fond de l’œil : car il faut remarquer que les bouts des filets du nerf optique qui le couvrent, encore que très petits, ont néanmoins quelque grosseur ; en sorte que chacun d’eux peut être touché en l’une de ses parties par un objet, et en d’autres par d’autres ; et que, n’étant toutefois capable d’être mû que d’une seule façon à chaque fois, lorsque la moindre de ses parties est touchée par quelque objet fort éclatant, et les autres par d’autres qui le sont moins, il suit tout entier le mouvement de celui qui est le plus éclatant, et en représente l’image sans représenter celle des autres. Comme si les bouts de ces petits filets sont 1 ,2,3, et que les rayons qui viennent, par exemple, tracer l’image d’une étoile sur le fond de l’œil s’y étendent sur celui qui est marqué I et tant soit peu au-delà tout autour sur les extrémités des six autres marqués 2, sur lesquels je suppose qu’il ne vient point d’autres rayons, que fort faibles, des parties du ciel voisines à cette étoile, son image s’étendra en tout l’espace qu’occupent ces six marqués 2, et même peut-être encore en tout celui qu’occupent les douze marqués 3, si la force du mouvement est si grande qu’elle se communique aussi à eux.

Et ainsi, vous voyez que les étoiles, quoiqu’elles paraissent assez petites, paraissent néanmoins beaucoup plus grandes qu’elles ne devraient à raison de leur extrême distance ; et qu’encore qu’elles ne soient pas entièrement rondes, elles ne lairraient pas de paraître telles, comme Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/169 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/170 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/171 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/172 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/173 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/174 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/175 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/176 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/177 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/178 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/179 Page:Descartes - Œuvres, éd. 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Adam et Tannery, VI.djvu/246 choſes qui appartienent a la Geométrie : car ceux qui font vn peu verſés en cete ſcience les pourront aſſés entendre d’eux meſmes, & ie me perſuade que les autres fe|ront plus ayſes de m’en croire, que d’auoir 5 la peine de les lire. Au reſte, affin que tout ſe face par ordre, ie voudrois, premierement, qu’on s’exerçaſt a polir des verres, plats d’vn coſté & conuexes de l’autre, qui euſſent la figure d’vne hyperbole dont les poins bruſlans fuſſent a deux ou trois pieds l’vn de 10 l’autre : car cete longeur eſt ſuffiſante pour vne lunete qui ſerue a voir aſſés parfaittement les obiets inacceſſibles. Puis ie voudrois qu’on fiſt des verres concaues de diuerſes figures, en les creuſant touſiours de plus en plus, iuſques a ce qu’on euſt trouué par 15 experience la iuſte figure de celuy qui rendroit cete lunete la plus parfaitte qu’il ſoit poſſible, & la mieux proportionnée a l’œil qui auroit a s’en ſeruir. Car vous ſçaués que ces verres doiuent eſtre vn peu plus concaues pour ceux qui ont la veuë courte que pour les 20 autres. Or, ayant ainvi trouué ce verre concaue, d’autant que le meſme peut ſeruir au meſme œil pour toute autre forte de lunetes, il n’eft plus befoin, pour les lunetes qui ſeruent a voir les obiets inacceſſibles, que de s’exercer a faire d’autres verres conuexes qui 25 doiuent eſtre poſés plus loin du concaue que le premier, & a en faire auſſy par degrés qui doiuent eſtre poſés de plus en plus loin, iuſques a la plus grande diftance qu’il fe pourra, & qui foient auffy plus grands a proportion. Mais notés que, d’autant que ces verres 30 conuexes doiuent eſtre poſés plus loin des concaues,

& par conſequent auſſy de l’œil, d’autant doiuent ils Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/248 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/249 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/250 Les Météores
LES MÉTÉORES.
DISCOURS PREMIER.
DE LA NATURE DES CORPS TERRESTRES.

Nous avons naturellement plus d’admiration pour les choses qui sont au-dessus de nous que pour celles qui sont à pareille hauteur, ou au-dessous ; et quoique les nues n’excèdent guère les sommets de quelques montagnes, et qu’on en voie même souvent de plus basses que les pointes de nos clochers, toutefois, à cause qu’il faut tourner les yeux vers le ciel pour les regarder, nous les imaginons si relevées, que même les poètes et les peintres en composent le trône de Dieu, et font que là il emploie ses propres mains à ouvrir et fermer les portes des vents, à verser la rosée sur les fleurs, et à lancer la foudre sur les rochers. Ce qui me fait espérer que si j’explique ici leur nature, en telle sorte qu’on n’ait plus occasion d’admirer rien de ce qui s’y voit, ou qui en descend, on croira facilement qu’il est possible en même

façon de trouver les causes de tout ce qu’il y a de plus admirable dessus la terre.
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Œuvres de Descartes.

Je parlerai en ce premier discours de la nature des corps terrestres en général, afin de pouvoir mieux expliquer dans le suivant celle des exhalaisons et des vapeurs. Puis à cause que ces vapeurs s’élevant de l’eau de la mer forment quelquefois du sel au-dessus de sa superficie, je prendrai de là occasion de m’arrêter un peu à le décrire, et d’essayer en lui si on peut connaître les formes de ces corps que les philosophes disent être composés des éléments par un mélange parfait, aussi bien que celles des météores, qu’ils disent n’en être composés que par un mélange imparfait. Après cela, conduisant les vapeurs par l’air, j’examinerai d’où viennent les vents ; et les faisant assembler en quelques endroits, je décrirai la nature des nues ; et faisant dissoudre ces nues, je dirai ce qui cause la pluie, la grêle et la neige, où je n’oublierai pas celle dont les parties ont la figure de petites étoiles à six pointes très parfaitement compassées, et qui, bien qu’elle n’ait point été observée par les anciens, ne laisse pas d’être l’une des plus rares merveilles de la nature. Je n’oublierai pas aussi les tempêtes, le tonnerre, la foudre, et les divers feux qui s’allument en l’air, ou les lumières qui s’y voient ; mais, surtout, je tâcherai de bien dépeindre l’arc-en-ciel, et de rendre raison de ses couleurs, en

telle sorte qu’on puisse aussi entendre la nature de toutes celles qui se trouvent en d’autres sujets ; à quoi j’ajouterai la cause de celles qu’on voit communément dans les nues, et des cercles qui environnent les astres, et enfin la cause des soleils, ou des lunes, qui paraissent quelquefois plusieurs ensemble.
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Les Météores - Discours I.

Il est vrai que la connaissance de ces choses dépendant des principes généraux de la nature, qui n’ont point encore été, que je sache, bien expliqué, il faudra que je me serve, au commencement, de quelques suppositions, ainsi que j’ai fait en la Dioptrique ; mais je tâcherai de les rendre si simples et si faciles, que vous ne ferez peut-être pas difficulté de les croire, encore que je ne les aie point démontrées.

Je suppose premièrement que l’eau, la terre, l’air, et tous les autres tels corps qui nous environnent, sont composés de plusieurs petites parties de diverses figures et grosseurs, qui ne sont jamais si bien arrangées, ni si justement jointes ensemble, qu’il ne reste plusieurs intervalles autour d’elles ; et que ces intervalles ne sont pas vides, mais remplis de cette matière fort subtile, par l’entremise de laquelle j’ai dît ci-dessus que se communiquait l’action de la lumière. Puis, en particulier, je suppose que les petites parties dont l’eau est composée sont longues, unies et

glissantes, ainsi que de petites anguilles, qui, quoiqu’elles se joignent et s’entrelacent, ne se nouent » ni ne s’accrochent jamais pour cela en telle façon qu’elles ne puissent aisément être séparées ; et au contraire que presque toutes celles, tant de la terre que même de l’air, et de la plupart des autres corps, ont des figures fort irrégulières et inégales, en sorte qu’elles ne peuvent être si peu entrelacées qu’elles ne s’accrochent et se lient les unes aux autres, ainsi que font les diverses branches des arbrisseaux qui croissent ensemble dans une haie. Et lorsqu’elles se
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Œuvres de Descartes.
lient en cette sorte, elles composent des corps durs comme de la terre, du bois, ou autres semblables, air lieu que si elles sont simplement posées l’une sur l’autre, sans être que fort peu ou point du tout entrelacées, et qu’elles soient avec cela si petites qu’elles puissent être mues et séparées par l’agitation de la matière subtile qui les environne, elles doivent occuper beaucoup d’espace, et composer des corps liquides fort rares et fort légers, comme des huiles ou de l’air. De plus il faut penser que la matière subtile qui remplit les intervalles qui sont entre les parties de ces corps est de telle nature qu’elle ne cesse jamais de se mouvoir çà et là grandement vite, non point toutefois exactement de même vitesse , en tous lieux et en tous temps, mais qu’elle se meut communément un peu plus vite vers la perficie de la terre, qu’elle ne fait au haut de l’air où sont les nues, et plus vite vers les lieux proches de l’équateur, que vers le pole, et au même lieu plus vite lété que l’hiver, et le jour que la nuit. Dont la raison est évidente, en supposant que la lumière n’est autre chose qu’un certain mouvement, ou une action dont les corps lumineux poussent cette matière subtile de tous côtés autour d’eux en ligne droite, ainsi qu’il a été dit en la Dioptrique. Car il suit de là que les rayons du soleil tant droits que réfléchis, la doivent agiter davantage le jour que la nuit, et l’été que l’hiver, et sous l’équateur que sous les poles, et contre la terre que vers les nues. Puis il faut aussi penser que cette matière subtile est composée de diverses parties qui bien qu’elles soient toutes très petites, le sont toutefois
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Les Météores - Discours I.

beaucoup moins les unes que les autres, et que les plus grosses, ou, pour mieux parler, les moins petites, ont toujours le plus de force, ainsi que généralement tous les grands corps en ont plus que les moindres, quand ils sont autant ébranlés. Ce qui fait que moins cette matière est subtile, c’est-à-dire composée de parties moins petites, plus elle peut agiter les parties des autres corps ; et ceci fait aussi qu’elle est ordinairement le moins subtile aux lieux et aux temps où elle est le plus agitée, comme vers la superficie de la terre que vers les nues, et sous l’équateur que sous les


Pôles, & en efté qu’en hyuer, & de iour que de nuit. Dont la raifon eft que les plus grofles de fes parties. ayant le plus de force, peuuent le mieux aller vers i5 les lieux où, l’agitation eftant plus grande, il leur eft plus ayfé de continuer leur mouuement. Toutefois, il y en a toufiours quantité de fort petites qui fe coulent parmi ces plus grofles. Et il eft a remarquer que tous les cors terreftres ont bien des pores, par où »6 ces plus petites peuuent pafler, mais qu’il y en a plu- fieurs qui les ont fi eftroits, ou tellement difpofés, qu’ils ne reçoiuent point les plus grofles; & que ce font ordinairement ceux cy qui fe fentent les plus froids quand on les touche, ou feulement quand on

  • S s’en approche. Comme, d’autant que les marbres &

les metaus fe fentent plus froids que le bois, on doit penfer que leurs pores ne reçoiuent pas fi facilement les parties fubtiles de cete matière, & que les pores de la glace les reçoiuent encore moins facilement o que ceux des marbres ou des metaus, d’autant qu’elle eft encore plus froide. Car ie fuppofe icy que, pour 236 Œuvres de Descartes. 161-162. le froid & le chaud, il n’eft point befoin de conceuoir autre chofe, finon que les petites parties des cors que nous touchons, eftant agitées plus ou moins fort que de couftume, foit par les petites parties de cete ma- tière fubtile, foit par telle autre caufe que ce puiffe * eftre, agitent aufly plus ou moins les petits filets de ceux de nos nerfs qui | font les organes de l’attou- chement; & que, lorfqu’elles les agitent plus fort que de couftume, cela caufe en nous le fentiment de la chaleur ; au lieu que, lorfqu’elles les agitent moins «o fort, cela caufe le fentiment de la froideur. Et il eft bien ayfé a comprendre, qu’encore que cete matière fubtile ne fepare pas les parties des cors durs, qui font comme des branches entrelacées, en mefme façon quelle fait celles de l’eau & de tous les autres cors <* qui font liquides, elle ne laiffe pas de les agiter & faire trembler plus ou moins, félon que fon mouue- ment eft plus ou moins fort, & que fes parties font plus ou moins grottes : ainfi que le vent peut agiter toutes les branches des arbriffeaus dont vne paliffade so eft compofée, fans les ofter pour cela de leurs places. Au refte, il faut penfer qu’il y a telle proportion entre la force de cete matière fubtile, & la refiftence des parties des autres cors, que, lorfqu’elle eft autant agitée, & qu’elle n’eft pas plus fubtile qu’elle a cou- »î ftume d’eftre en ces quartiers contre la terre, elle a la force d’agiter & de faire mouuoir feparement l’vne de l’autre, & mefme de plier la plufpart des petites par- ties de l’eau entre lefquelles elle fe glifle, & ainfi de la rendre liquide ; mais que, lorfqu’elle n’eft pas plus îo agitée, ny moins fubtile, quelle a couftume d’eftre Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/259 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/260 iugeant toutes d’vne meſme matière, ie croy que chaſcune pourroit eſtre rediuiſée en vne infinité de façons, & quelles ne différent entre elles que comme des pierres de pluſieurs diuerſes figures, qui auroient 5 eſté couppées d’vn meſme rocher. Puis, ſçachés auſſy que, pour ne point rompre la paix auec les Philoſophes, ie ne veux rien du tout nier de ce qu’ils imaginent dans les cors de plus que ie n’ay dit, comme leurs formes ſubſtantielles, leurs qualités reelles, | & 10 choſes ſemblables, mais qu’il me ſemble que mes raiſons deuront etre d’autant plus approuuées, que ie les feray dépendre de moins de choſes.


DES VAPEVRS ET DES EXHALAISONS. Difcours Second.

i5 Si vous confiderés que la matière fubtile, qui eft dans les pores des cors terreftres, eftant plus fort agitée vne fois que l’autre, foit par la prefence du foleil, foit par telle autre caufe que ce puiffe eftre, agite auffy plus fort les petites parties de ces cors ; vous entendrés facilement qu’elle doit faire que celles qui font affés petites, & auec cela de telles figures ou en telle ûtuation qu elles fe peuuent ayfement feparer de leurs voyfines, s’efcartent ça & là les vnes des autres, & s’efleuent en l’air ; non point par quelque Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/262 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/263 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/264 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/265 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/266 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/267 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/268 Page:Descartes - Œuvres, éd. 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Car il eſt bien vrayſemblable que la meſme cauſe, qui auoit pû compoſer tout vn cercle de glace de quelques vnes des parties exterieures de la nuë, auoit diſpoſé les 5 autres voyſines a faire paroiſtre ces couronnes. De façon que, ſi on n’en obſerue pas touſiours de telles, lors qu’on voit pluſieurs ſoleils, c’eſt que l’eſpaiſſeur de la nuë ne s’eſtend 10 pas touſiours au delà du cercle de glace qui l’enuironne ; ou bien qu’elle eſt ſi opaque & obſcure, qu’on ne les apperçoit pas au 15 trauers. Pour le lieu où ſe voyent ces couronnes, c’eſt touſiours autour du vray ſoleil, & elles n’ont aucune coniunction auec 20 ceux qui ne font que paroiſtre ; car, bien que les deux K & N ſe rencontrent icy en l’interſection de l’exterieure & du cercle blanc, c’eſt choſe qui n’eſt 25 arriuée que par hazard, & ie m’aſſure que le meſme ne ſe vit point aux lieux vn peu loin de Rome, où ce meſme | Phainomene fut remarqué. Mais ie ne iuge pas pour cela que leur centre ſoit touſiours en la ligne droite tirée de l’œil vers le ſoleil, ſi preciſement qu’y 30 eſt celuy de l’arc-en-ciel ; car il y a cela de difference, que les gouttes d’eau, eſtant rondes, cauſent touſiours meſme refraction en quelque ſituation qu’elles ſoient ; au lieu que les parcelles de glace, eſtant plates, la cauſent d’autant plus grande qu’elles ſont regardées plus obliquement. Et pource que, lorſqu’elles ſe forment par le tournoyement d’vn vent ſur la circonference 5 d’vne nuë, elles y doiuent eſtre couchées en autre ſens que lorſqu’elles ſe forment au deſſus ou au deſſous, il peut arriuer qu’on voye enſemble deux couronnes, l’vne dans l’autre, qui ſoient a peu prés de meſme grandeur, & qui n’ayent pas iuſtement le 10 meſme centre.

De plus, il peut arriuer qu’outre les vens qui enuironnent cete nuë, il en paſſe quelqu’vn par deſſus ou par deſſous, qui derechef y formant quelque ſuperficie de glace, cauſe d’autres variétés en ce Phainomene 15 ; comme peuuent encore faire les nuës d’alentour, ou la pluie, s’il y en tombe. Car les rayons, ſe refleſchiſſant de la glace d’vne de ces nuës vers ces gouttes, y repreſenteront des parties d’arc-en-ciel, dont les ſituations ſeront fort diuerſes. Comme auſſy 20 les ſpectateurs, n’eſtant pas au deſſous d’vne telle nuë, mais a coſté entre pluſieurs, peuuent voir d’autres cercles & d’autres ſoleils. De quoy ie ne croy pas qu’il ſoit beſoin que ie vous entretiene dauantage ; car i’eſpere que ceux qui auront compris tout ce qui 25 | a eſté dit en ce traité, ne verront rien dans les nuës a l’auenir, dont ils ne puiſſent ayſement entendre la cauſe, ny qui leur donne ſuiet d’admiration.

FIN.
LA GEOMETRIE
Avertissement.
Jusques ici j’ai tâché de me rendre intelligible à tout le monde ; mais pour ce traité, je crains qu’il ne pourra être lu que par ceux qui savent déjà ce qui est dans les livres de géométrie ; car, d’autant qu’ils contiennent plusieurs vérités fort bien démontrées, j’ai cru qu’il seroit superflu de les répéter, et n’ai pas laissé pour cela de m’en servir.
La Géométrie




LIVRE PREMIER.


Des problèmes qu’on peut construire sans y employer que des cercles et des lignes droites.


Tous les problèmes de géométrie se peuvent facilement réduire à tels termes, qu’il n’est besoin par après que de connaître la longueur de quelques lignes droites pour les construire. Comment le calcul d’Arithmétique se rapporte aux opérations de Géométrie.

Et comme toute l’arithmétique n’est composée que de quatre ou cinq opérations, qui sont, l’addition, la soustraction, la multiplication, la division, et l’extraction des racines, qu’on peut prendre pour une espèce de division *[8] ; ainsi n’a-t-on autre chose à faire en Géométrie touchant les lignes qu’on cherche pour les préparer à être connues, que leur en ajouter d’autres, ou en ôter ; ou bien en ayant une que je nommerai l’unité pour la rapporter d’autant mieux aux nombres, et qui peut ordinairement être prise à discrétion, puis en ayant encore deux autres, en trouver une quatrième qui soit à l’une de ces deux comme l’autre est à l’unité, ce qui est le même que la multiplication ; ou bien en trouver une quatrième qui soit à l’une de ces deux comme l’unité est à l’autre, ce qui est le même que la division ; ou enfin trouver une ou deux, ou plusieurs moyennes proportionnelles entre l’unité et quelque autre ligne, ce qui est le même que tirer la racine carrée ou cubique, etc. Et je ne craindrai pas d’introduire ces termes d’arithmétique en la géométrie, afin de me rendre plus intelligible.

La Multiplication Soit, par exemple, AB l’unité, et qu’il faille multiplier BD par BC, je n’ai qu’à joindre les points A et C, puis tirer DE parallèle à CA, et BE est le produit de cette multiplication.

La Diuiſion. Ou bien, s’il faut diviser BE par BD, ayant joint les points E et D, je tire AC parallèle à DE, et BC est le produit de cette division.

L’Extraction de la racine quarrée. Ou s’il faut tirer la racine carrée de GH, je lui ajoute en ligne droite FG, qui est l’unité, et divisant FH en deux parties égales au point K, du centre K je tire le cercle FIH, puis élevant du point G une ligne droite jusqu’à I à angles droits sur FH, c’eſt GI, la racine cherchée. Ie ne dis rien ici de la racine cubique, ni des autres, à cause que j’en parlerai plus commodément ci-apres.

Mais souvent on n’a pas besoin de tracer ainsi ces Comment on peut vſer de chiffres en Geometrie. lignes sur le papier, et il suffit de les désigner par quelques lettres, chacune par une seule. Comme pour ajouter la ligne BD à GH, je nomme l’une a et l’autre b, et écris a + b ; et a — b pour soustraire b de a ; et ab pour les multiplier l’une par l’autre ; et pour diviser a par b ; et aa ou pour multiplier a par soi-même ; et pour le multiplier encore une fois par a, et ainsi à l’infini ; et pour tirer la racine carrée de  ; et , pour tirer la racine cubique de , et ainsi des autres.

Où il est à remarquer que par , ou , ou semblables, je ne conçois ordinairement que des lignes toutes simples, encore que pour me servir des noms usités en l’algèbre je les nomme des quarrés ou des cubes, etc.

Il est aussi à remarquer que toutes les parties d’une même ligne se doivent ordinairement exprimer par autant de dimensions l’une que l’autre, lorsque l’unité n’est point déterminée en la question, comme ici en contient autant que ou dont se compose la ligne que j’ai nommée  ; mais que ce n’est pas de même lorsque l’unité est déterminée, à cause qu’elle peut être sous-entendue partout où il y a trop ou trop peu de dimensions : comme s’il faut tirer la racine cubique de , il faut penser que la quantité est divisée une fois par l’unité, & que l’autre quantité b est multipliée deux fois par la même[9].

Au reste, afin de ne pas manquer à se souvenir des noms de ces lignes, il en faut toujours faire un registre séparé à mesure qu’on les pose ou qu’on les change, écrivant par exemple :

AB1, c’est-à-dire AB égal à 1.
GHa.
BDb, etc.

Comment il faut venir aux Equations qui ſeruent à reſoudre les probleſmes. Ainſi, voulant résoudre quelque problème, on doit d’abord le considérer comme déjà fait, et donner des noms à toutes les lignes qui semblent nécessaires pour le construire, aussi bien à celles qui sont inconnues qu’aux autres. Puis, sans considérer aucune différence entre ces lignes connues et inconnues, on doit parcourir la difficulté selon l’ordre qui montre le plus naturellement de tous en quelle sorte elles dépendent mutuellement les unes des autres, jusqu’à ce qu’on ait trouvé moyen d’exprimer une même quantité en deux façons, ce qui se nomme une équation ; car les termes de l’une de ces deux façons sont égaux à ceux de l’autre. Et on doit trouver autant de telles équations qu’on a supposé de lignes qui étaient inconnuës. Ou bien, s’il ne s’en trouve pas tant, et que nonobstant on n’omette rien de ce qui est désiré en la question, cela témoigne qu’elle n’est pas entièrement déterminée. Et lors on peut prendre à diſcretion des lignes connuës pour toutes les inconnues auxquelles ne correspond aucune équation. Après cela, s’il en reste encore plusieurs, il se faut servir par ordre de chacune des équations qui restent aussi, soit en la considérant toute seule, soit en la comparant avec les autres, pour expliquer chacune de ces lignes inconnues, et faire ainsi, en les démêlant, qu’il n’en demeure qu’une seule égale à quelque autre qui soit connue, ou bien dont le carré, ou le cube, ou le carré de carré, ou le sursolide, ou le carré de cube, etc., soit égal à ce qui se produit par l’addition ou soustraction de deux ou plusieurs autres quantités, dont l’une soit connue, et les autres soient composées de quelques moyennes proportionnelles entre l’unité et ce carré, ou cube, ou carré de carré, etc., multipliées par d’autres connues. Ce que j’écris en cette ſorte :

z = b,

ou z2 = — az + b2,

ou z3 = + az2 + b2zc3,

ou z3 = az3c3z + d4, etc.[10] ;

C’est-à-dire z, que je prends pour la quantité inconnue, est égale à b ; ou le carré de z est égal au carré de b moins a multiplié par z ; ou le cube de z est égal à a multiplié par le carré de z plus le carré de b multiplié par z moins le cube de c ; & ainſi des autres.

Et on peut touſiours reduire ainſi toutes les quantités inconnues à une seule, lorsque le problème se peut construire par des cercles et des lignes droites, ou aussi par des sections coniques, ou même par quelque autre ligne qui ne soit que d’un ou deux degrés plus composée. Mais je ne m’arrête point à expliquer ceci plus en détail, à cause que je vous ôterais le plaisir de l’apprendre de vous-même, et l’utilité de cultiver votre esprit en vous y exerçant, qui est à mon avis la principale qu’on puisse tirer de cette science. Aussi que je n’y remarque rien de si difficile que ceux qui seront un peu versés en la géométrie commune et en l’algèbre, ait qui prendront garde à tout ce qui est en ce traité, ne puissent trouver.

C’eſt pourquoi je me contenterai ici de vous avertir que, pourvu qu’en démêlant ces équations, on ne manque point à se servir de toutes les divisions qui seront possibles, on aura infailliblement les plus simples termes auxquels la question puiſſe eſtre reduite.

Quels ſont les probleſmes plans. Et que ſi elle peut être résolue par la géométrie ordinaire, c’est-à-dire en ne se servant que de lignes droites et circulaires tracées sur une superficie plate, lorsque la dernière équation aura été entièrement démêlée, il n’y restera tout au plus qu’un carré inconnu, égal à ce qui se produit de l’addition ou soustraction de sa racine multipliée par quelque quantité connue, et de quelque autre quantité aussi connue.

Comment ils ſe reſoluent. Et lors cette racine, ou ligne inconnue, se trouve aisément ; car si j’ai par exemple :

z2 = az + b2,
ie fais le triangle rectangle NLM, dont le côté LM est égal a b, racine carrée de la quantité connue bb, & l’autre LN est , la moitié de l’autre quantité connue qui était multipliée par z, que je suppose être la ligne inconnue ; puis prolongeant MN, la base de ce triangle, jusqu’à 0, en sorte que NO soit égale à NL, la toute OM est z, la ligne cherchée[11]. Et elle s’exprime en cette ſorte :
.

Que si j’ai y2 = — ay + b2,

& que y soit la quantité qu’il faut trouver, je fais le même triangle rectangle NLM, et de sa base MN j’ôte NP égale à NL, et le reste PM est y, la racine cherchée. De façon que j’ai

.

Et tout de meſme ſi i’auois

x4 = — ax2 + b2.

PM serait x2 et j’aurais

 ;

& ainsi des autres. Enfin si j’ai

z2 = az – b2,

je fais NL égale à , et LM égale à b comme devant, puis, au lieu de joindre les points M, N, je tire MQR parallèle à LN, et du centre N par L ayant décrit un cercle qui la coupe aux points Q et R, la ligne cherchée z est MQ, ou bien MR, car en ce cas elle s’exprime en deux façons, à savoir

,

et

.


Et si le cercle, qui ayant son centre au point N, passe par le point L, ne coupe ni ne touche la ligne droite MQR, il n’y a aucune racine en l’Équation, de façon qu’on peut assurer que la construction du problème proposé est impossible.

Au reste, ces mêmes racines se peuvent trouver par une infinité d’autres moyens, et j’ai seulement voulu mettre ceux-ci, comme fort simples, afin de faire voir qu’on peut construire tous les problèmes de la géométrie ordinaire sans faire autre chose que le peu qui est compris dans les quatre figures que j’ai expliquées. Ce que je ne crois pas que les anciens aient remarqué ; car autrement ils n’eussent pas pris la peine d’en écrire tant de gros livres où le seul ordre de leurs propositions nous fait connaître qu’ils n’ont point eu la vraie méthode pour les trouver toutes, mais qu’ils ont ſeulement ramaſſé celles qu’ils ont rencontrées.

Et on peut le voir aussi fort clairement de ce que Pappus a mis au commencement de son septième livre, où après s’être arrêté quelque temps à dénombrer tout ce qui avait été écrit en géométrie par ceux qui l’avaient précédé, il parle enfin d’une question qu’il dit que ni Euclide, ni Apollonius, ni aucun autre, n’avaient su entièrement résoudre ; et voici ſes mots[12] :

Ie cite plutoſt la verſion latine que le texte grec, affin que chaſcun l’entende plus ayſement. Quem autem dicit (Apollonius) in tertio libro locum ad tres et quatuor lineas ab Euclide per fectum non esse, neque ipse per ficere poterat, neque aliquis alius ; sed neque paululum quid addere üs, qux Euclides scripsit, per ea tantum conica, quœ usque ad Euelidis tempora praemonstrata sunt, etc.

Et un peu après il explique ainsi quelle est cette question :

At locus ad tres et quatuor lineas, in quo (Apollonius) magnifies se jactat, et ostentat, nulla habita gratia ei, qui prius scripserat, est hujusmodi. Si positione datis tribus rectis lineis ab uno et eodem puncto, ad tres lineas in datis angulis rectœ linew ducantur, et data sit proportio rectanguli contenti duabus ductis ad quadratum reliquX : punctum contingit positione datum solidum locum, hoc est unana ex tribus conicis sectionibus. Et si ad quatuor rectas lineas positione datas in datis angulis lineœ ducantur, et rectanguli duabus dutctis contenti ad contentum duabus reliquis proportio data sit : similiter punctum datam coni sectionem positione continget. Si quidem igitur ad duas tantum locus planus ostensus est. Quod si ad pluies quam quatuor, punctum continget lotos non adhuc cognitos, sed lineas tantum dictas ; quales auteur sint, vel quam habeant proprietatem, non constat : earum unam, neque primam, et qua manifestissima videtur, composuerunt ostendentes utilem esse. Propositiones auteur ipsarum hœ sunt.

Si ab aliquo puncto ad positione datas rectas lineas quinque ducantur recta linex in datis angulis, et data sit proportio solidi parallelepipedi rectanguli, quod tribus ductis lineis continetur ad solidum parallelepipedum rectangulum, quod continetur reliquis duabus, et data quapiam linea, punctum positione datam lineam continget. Si auteur ad sex, et data sit proportio solidi tribus lineis contenti ad solidum, quod tribus reliquis continetur ; cursus punctum continget positione datam lineam. Quod si ad pluies quam sex, non adhuc habent dicere, an data sit proportio cujuspiam contenti quatuor lineis ad id quod reliquis continetur, quoniam non est aliquid contentum pluribus quam tribus dimensionibus.

Où je vous prie de remarquer en passant que le scrupule que faisaient les anciens d’user des termes de l’arithmétique en la géométrie, qui ne pouvait procéder que de ce qu’ils ne voyaient pas assez clairement leur rapport, causait beaucoup d’obscurité et d’embarras en la façon dont ils s’expliquaient ; car Pappus poursuit en cette sorte :

Acquiescunt auteur his, qui paulo ante talia interpretati sunt ; neque unum aliquo pacte comprehensibile signi ficantes quod his continetur. Licebit auteur per conjunctas proportiones hic, et dicere, et demonstrare universe in dictis proportionibus, atque his in hune modum. Si ab aliquo puncto ad positione datas rectas lineas ducantur recta linex in datas angulis, et data sit proportio conjuncta ex ea, quam habet una ductaruin ad unam, et altera ad alteram, et alla ad aliam, et relique ad datam lineam, si sint septem ; si vero octo, et reliqua ad reliquam punctum continget positione datas lineas. Et similiter quotcumque sint impares vel pares multitudine, cum hxc, ut dixi, loto ad quatuor lineas respondeant, nullum igitur posuerunt ita ut linea nota sit, etc.

La queſtion donc qui avait été commencée à résoudre par Euclide et poursuivie par Apollonius, sans avoir été achevée par personne, était telle : Ayant trois ou quatre, ou plus grand nombre de lignes droites données par position ; premièrement on demande un point duquel on puisse tirer autant d’autres lignes droites, une sur chacune des données, qui fassent avec elles des angles donnés, et que le rectangle contenu en deux de celles qui seront ainsi tirées d’un même point, ait la proportion donnée avec le carré de la troisième, s’il n’y en a que trois ; ou bien avec le rectangle des deux autres, s’il y en a quatre ; ou bien, s’il y en a cinq, que le parallélépipède composé de trois ait la proportion donnée avec le parallélépipède composé des deux qui restent, et d’une autre ligne donnée ; ou s’il y en a six, que le parallélépipède composé de trois ait la proportion donnée avec le parallélépipède des trois autres ; ou s’il y en a sept, que ce qui se produit lorsqu’on en multiplie quatre l’une par l’autre, ait la raison donnée avec ce qui se produit par la multiplication des trois autres, et encore d’une autre ligne donnée ; ou s’il y en a huit, que le produit de la multiplication de quatre ait la proportion donnée avec le parallélépipède des trois autres. Ou s’il y en a sept, que ce qui se produit lorsqu’on en multiplie quatre l’une par l’autre, ait la raison donnée avec ce qui se produit par la multiplication des trois autres, et encore d’une autre ligne donnée. Ou s’il y en a 5 huit, que le produit de la multiplication de quatre ait la proportion donnée avec le produit des quatre autres. Et ainsi cette question peut s’étendre à tout autre nombre de lignes. Puis à cause qu’il y a toujours une infinité de divers points qui peuvent satisfaire à ce qui est ici demandé, il est aussi requis de connaître et de tracer la ligne dans laquelle ils doivent tous se trouver. Et Pappus dit que lorsqu’il n’y a que trois ou quatre lignes droites données, c’est en une des trois sections coniques ; mais il n’entreprend point de la déterminer ni de la décrire, non plus que d’expliquer celles où tous ces points se doivent trouver, lorsque la question est proposée en un plus grand nombre de lignes. avec le produit des quatre autres ; et ainsi cette question peut s’étendre à tout autre nombre de lignes. Puis à cause qu’il y a toujours une infinité de divers points qui peuvent satisfaire à ce qui est ici demandé, il est aussi requis de connaître et de tracer la ligne dans laquelle ils doivent tous se trouver. Et Pappus dit que lorsqu’il n’y a que trois ou quatre lignes droites données, c’est en une des trois sections coniques ; mais il n’entreprend point de la déterminer ni de la décrire, non plus que d’expliquer celles où tous ces points se doivent trouver, lorsque la question est proposée en un plus grand nombre de lignes. Seulement il ajoute que les anciens en avaient imaginé une qu’ils montraient y être utile, mais qui semblait la plus manifeste, et qui n’était pas toutefois la première. Ce qui m’a donné occasion d’essayer si, par la méthode dont je me sers, on peut aller aussi loin qu’ils ont été.

Reſponſe a la queſtion de Pappus. Et, premierement, i’ay connu que cette question n’étant proposée qu’en trois, ou quatre, ou cinq lignes, on peut toujours trouver les points cherchés par la géométrie simple, c’est-à-dire en ne se servant que de la règle et du compas, ni ne faisant autre chose que ce qui a déjà été dit ; excepté seulement lorsqu’il y a cinq lignes données, si elles sont toutes parallèles. Auquel cas, comme aussi lorsque la question est proposée en six, ou 7, ou 8, ou 9 lignes, on peut toujours trouver les points cherchés par la géométrie des solides, c’est-à-dire en y employant quelqu’une des trois sections coniques ; excepté seulement lorsqu’il y a neuf lignes données, si elles sont toutes parallèles : auquel cas, derechef, et encore en 10, 11, 12 ou 13 lignes, on peut trouver les points cherchés par le moyen d’une ligne courbe qui soit d’un degré plus composé que les sections coniques ; excepté en treize, si elles sont toutes parallèles : auquel cas, et en quatorze, 15, 16 et 17, il y faudra employer une ligne courbe encore d’un degré plus composée que la précédente, et ainsi à l’infini.

Puis j’ai trouvé aussi que lorsqu’il n’y a que trois ou quatre lignes données, les points cherchés se rencontrent tous, non seulement en l’une des trois sections coniques, mais quelquefois aussi en la circonférence d’un cercle ou en une ligne droite ; et que lorsqu’il y en a cinq, ou six, ou sept, ou huit, tous ces points se rencontrent en quelqu’une des lignes qui sont d’un degré plus composées que les sections coniques, et il est impossible d’en imaginer aucune qui ne soit utile à cette question ; mais ils peuvent aussi derechef se rencontrer en une section conique, ou en un cercle, ou en une ligne droite. Et s’il y en a 9, ou 10, ou 11, ou 12, ces points se rencontrent en une ligne qui ne peut être que d’un degré plus composée que les précédentes ; mais toutes celles qui sont d’un degré plus compoſées y peuvent ſeruir, & ainſi a l’infini.

Au reste, la première et la plus simple de toutes, après les sections coniques, est celle qu’on peut décrire par l’intersection d’une parabole et d’une ligne droite, en la façon qui sera tantôt expliquée. En sorte que je pense avoir entièrement satisfait à ce que Pappus nous dit avoir été cherché en ceci par les anciens ; et je tâcherai d’en mettre la démonstration en peu de mots, car il m’ennuie déjà d’en tant écrire.

Soient AB, AD, EF, GH, etc., plusieurs lignes données par position, et qu’il faille trouver un point, comme C, duquel ayant tiré d’autres lignes droites sur les données, comme CB, CD, CF et CH, en sorte que les angles CBA, CDA, CFE, CHG, etc., soient donnés, et que ce qui est produit par la multiplication d’une partie de ces lignes soit égal à ce qui est produit par la multiplication des autres, on bien qu’ils aient quelque autre proportion donnée, car cela ne rend point la question plus difficile.

Comment on doit poſer les termes pour Premierement, je suppose la chose comme déjà faite, et pour me démêler de la confusion de toutes ces lignes, je considère l'une des données, et l'une de celles qu'il faut trouver, par exemple AB et CB, comme les principales et auxquelles je tâche de rapporter ainsi toutes les autres. Que le segment de la ligne AB, qui est entre les points A et B, soit nommé x; et que BC soit nommé y ; et que toutes les autres lignes données soient prolongées jusqu’à ce qu'elles coupent ces deux aussi prolongées, s'il est besoin, et si elles ne leur sont point parallèles ; comme vous voyez ici qu'elles coupent la ligne AB aux points A, E, G, et BC aux points R, S, T. Puis à cause que tous les angles du triangle ARB sont donnés, la proportion qui est entre les côtés AB et BR est aussi donnée, et je la pose comme de z à b, de façon que AB étant x, BR sera et la toute CR sera , à cause que le point B tombe entre C et R ; car si R tombait entre C et B, CR serait et si C tombait entre B et R, CR serait . Tout de même les trois angles du triangle DRC sont donnés, et par conséquent aussi la proportion qui est entre les côtés CR et CD, que je pose comme de z à c, de façon que CR étant , CD sera . Après cela, pourceque les lignes AB, AD et EF sont données par position, la distance qui est entre les points A et E est aussi donnée, et si on la nomme k, on aura EB égal à k + x ; mais ce serait k - x si le point B tombait entre E et A ; et - k + x si E tombait entre A et B. Et pourceque les angles du triangle ESB sont tous donnés, la proportion de BE à BS est aussi donnée, et je la pose comme de z à d, si bien que BS est , et la toute CS est  ; mais ce serait , si le point S tombait entre B et C ; et ce serait , si C tombait entre B et S. De plus les trois angles du triangle FSC sont donnés, et ensuite la proportion de CS à CF, qui soit comme de z à e, et la toute CF sera . En meſme façon AG que je nomme 1 est donnée, et BG est l - x, et à cause du triangle BGT, la proportion de BG à BT est aussi donnée, qui soit comme de z à f, et BT sera {fl – fx}/z et CT = {zy + fl – fx}/z. Puis derechef la proportion de CT à CH est donnée à cause du triangle TCH, et la posant comme de z à g, on aura CH = .

Et ainsi vous voyez qu'un tel nombre de lignes données par position qu'on puisse avoir, toutes les lignes tirées dessus du point C à angles donnés, suivant la teneur de la question, se peuvent toujours exprimer chacune par trois termes, dont l'un est composé de la quantité inconnue y, multipliée ou divisée par quelque autre connue ; et l'autre de la quantité inconnue x, aussi multipliée ou divisée par quelque autre connuë ; et le troisième d’une quantité toute connue. Excepté seulement si elles sont parallèles, ou bien à la ligne AB, auquel cas le terme composé de la quantité x sera nul ; ou bien à la ligne CB, auquel cas celui qui est composé de la quantité y sera nul, ainsi qu’il est trop manifeste pour que je m’arrête à l’expliquer. Et pour les signes + et — qui se joignent â ces termes, ils peuvent être changés en toutes les façons imaginables.

Puis vous voyez aussi que, multipliant plusieurs de ces lignes l’une par l’autre, les quantités x et y qui se trouvent dans le produit n’y peuvent avoir que chacune autant de dimensions qu’il y a eu de lignes à l’explication desquelles elles servent, qui ont été ainsi multipliées ; en sorte qu’elles n’auront jamais plus de deux dimensions en ce qui ne sera produit que par la multiplication de deux lignes ; ni plus de trois, en ce qui ne sera produit que par la multiplication de trois ; et ainſi à l’infini.

Comment on trouue que ce probleſme eſt plan lorſqu’il n’eſt point propoſé en plus de 5 lignes. De plus, à cause que pour déterminer le point C, il n’y a qu’une seule condition qui soit requise, à savoir que ce qui est produit par la multiplication d’un certain nombre de ces lignes soit égal, ou, ce qui n’est de rien plus malaisé, ait la proportion donnée à ce qui est produit par la multiplication des autres ; on peut prendre à discrétion l’une des deux quantités inconnues x ou y, et chercher l’autre par cette équation, en laquelle il est évident que, lorsque la question n’est point posée en plus de cinq lignes, la quantité x, qui ne sert point à l’expression de la première, peut toujours n’y avoir que deux dimensions. De façon que, prenant une quantité connue pour y, il ne restera que

x2 = + ou - ax + ou - b2 ;

& ainsi on pourra trouver la quantité x avec la règle et le compas, en la façon tantôt expliquée. Même, prenant successivement infinies diverses grandeurs pour la ligne y, on en trouvera aussi infinies pour la ligne x, et ainsi on aura une infinité de divers points, tels que celui qui est marqué C, par le moyen desquels on décrira la ligne courbe demandée.

Il se peut faire aussi, la question étant proposée en six ou plus grand nombre de lignes, s’il y en a entre les données qui soient parallèles à BA ou BC, que l’une des deux quantités x ou y n’ait que deux[13] dimensions en l’équation, et ainsi qu’on puisse trouver le point C avec la règle et le compas. Mais au contraire si elles sont toutes parallèles, encore que la question ne soit proposée qu’en cinq lignes, ce point C ne pourra ainsi être trouvé, à cause que la quantité x ne se trouvant point en toute l’équation, il ne sera plus permis de prendre une quantité connue pour celle qui est nommée y, mais ce sera celle qu’il faudra chercher. Et, pourcequ’elle aura trois dimensions, on ne le pourra trouver qu’en tirant la racine d’une équation cubique, ce qui ne se peut généralement faire sans qu’on y emploie pour le moins une section conique. Et encore qu’il y ait jusqu’à neuf lignes données, pourvu qu’elles ne soient point toutes paralleles, on peut touſiours faire que l’Equation ne monte que iuſque au quarré de quarré ; au moyen de quoy, on la peut auſſy touſiours reſoudre par les ſections coniques, en la façon que i’expliqueray cy aprés. Et encore qu’il y en ait iuſques a treize, on peut touſiours 5 faire qu’elle ne monte que iuſques au quarré de cube ; en ſuite de quoy, on la peut reſoudre par le moyen d’vne ligne qui n’eſt que d’vn degré plus compoſée que les ſections coniques, en la façon que i’expliqueray auſſy cy aprés. Et cecy eſt la premiere partie de ce 10 que i’auois icy à demonſtrer ; mais avant que ie paſſe a la ſeconde, il eſt beſoin que je die quelque choſe en general de la nature des lignes courbes.|



LA GEOMETRIE


LIVRE SECOND.
De la nature des lignes courbes.

Quelles ſont les lignes courbes qu’on peut receuoir en Geométrie. Les anciens ont fort bien remarqué qu’entre les problèmes de géométrie, les uns sont plans, les autres solides et les autres linéaires, c’est-à-dire que les uns peuvent être construits en ne traçant que des lignes droites et des cercles ; au lieu que les autres ne le peuvent être, qu’on n’y emploie pour le moins quelque section conique ; ni enfin les autres, qu’on n’y emploie quelque autre ligne plus composée. Mais je m’étonne de ce qu’ils n’ont point outre cela distingué divers degrés entre ces lignes plus composées, et je ne saurais comprendre pourquoi ils les ont nommées mécaniques plutôt que géométriques. Car de dire que c’ait été à cause qu’il est besoin de se servir de quelque machine pour les décrire, il faudrait rejeter par même raison les cercles et les lignes droites, vu qu’on ne les décrit sur le papier qu’avec un compas et une règle, qu’on peut auſſy nommer des machines. Ce n’eſt pas non plus a cauſe 20 que les instruments qui servent à les tracer, étant plus composés que la règle et le compas, ne peuvent être si justes ; car il faudrait pour cette raison les rejeter des mécaniques, où la justesse des ouvrages qui sortent de la main est désirée, plutôt que de la géométrie, où c’est seulement la justesse du raisonnement qu’on recherche, et qui peut sans doute être aussi parfaite touchant ces lignes que touchant les autres. Je ne dirai pas aussi que ce soit à cause qu’ils n’ont pas voulu augmenter le nombre de leurs demandes, et qu’ils se sont contentés qu’on leur accordât qu’ils pussent joindre deux points donnés par une ligne droite, et décrire un cercle d’un centre donné qui passât par un point donné ; car ils n’ont point fait de scrupule de supposer outre cela, pour traiter des sections coniques, qu’on pût couper tout cône donné par un plan donné. Et il n’est besoin de rien supposer pour tracer toutes les lignes courbes que je prétends ici d’introduire, sinon que deux ou plusieurs lignes puissent être mues l’une par l’autre, et que leurs intersections en marquent d’autres ; ce qui ne me paraît en rien plus difficile. Il est vrai qu’ils n’ont pas aussi entièrement reçu les sections coniques en leur géométrie, et je ne veux pas entreprendre de changer les noms qui ont été approuvés par l’usage ; mais il est, ce me semble, très clair que, prenant comme on fait pour géométrique ce qui est précis et exact, et pour mécanique ce qui ne l’est pas, et considérant la géométrie comme une science qui enseigne généralement à connaître les mesures de tous les corps, on n’en doit pas plutôt exclure les lignes les plus composées que les plus ſimples, pourvu qu’on les puisse imaginer être décrites par un mouvement continu, ou par plusieurs qui s’entre-suivent, et dont les derniers soient entièrement réglés par ceux qui les précèdent ; car par ce moyen on peut toujours avoir une connaissance exacte de leur mesure. Mais peut-être que ce qui a empêché les anciens géomètres de recevoir celles qui étaient plus composées que les sections coniques, c’est que les premières qu’ils ont considéré, ayant par hasard été la spirale, la quadratrice et semblables, qui n’appartiennent véritablement qu’aux mécaniques, et ne sont point du nombre de celles que je pense devoir ici être reçues, à cause qu’on les imagine décrites par deux mouvements séparés, et qui n’ont entre eux aucun rapport qu’on puisse mesurer exactement ; bien qu’ils aient après examiné la conchoïde, la cissoïde, et quelque peu d’autres qui en sont, toutefois à cause qu’ils n’ont peut-être pas assez remarqué leurs propriétés, ils n’en ont pas fait plus d’état que des premières ; ou bien c’est que, voyant qu’ils ne connaissaient encore que peu de choses touchant les sections coniques, et qu’il leur en restait même beaucoup, touchant ce qui se peut faire avec la règle et le compas, qu’ils ignoraient, ils ont cru ne devoir point entamer de matière plus difficile. Mais pourceque j’espère que dorénavant ceux qui auront l’adresse de se servir du calcul géométrique ici proposé, ne trouveront pas assez de quoi s’arrêter touchant les problèmes plans ou solides, je crois qu’il est à propos que je les invite à d’autres recherches, où ils ne manqueront jamais d’exercice plus simples, pourvu qu’on les puisse imaginer être décrites par un mouvement continu, ou par plusieurs qui s’entre-suivent, et dont les derniers soient entièrement réglés par ceux qui les précèdent ; car par ce moyen on peut toujours avoir une connaissance exacte de leur mesure. Mais peut-être que ce qui a empêché les anciens géomètres de recevoir celles qui étoilent plus composées que les sections coniques, c’est que les premières qu’ils ont considéré, ayant par hasard été la spirale, la quadratrice et semblables, qui n’appartiennent véritablement qu’aux mécaniques, et ne sont point du nombre de celles que je pense devoir ici être reçues, à cause qu’on les imagine décrites par deux mouvements séparés, et qui n’ont entre eux aucun rapport qu’on puisse mesurer exactement ; bien qu’ils aient après examiné la conchoïde, la cissoïde, et quelque peu d’autres qui en sont, toutefois à cause qu’ils n’ont peut-être pas assez remarqué leurs propriétés, ils n’en ont pas fait plus d’état que des premières ; ou bien c’est que, voyant qu’ils ne connaissaient encore que peu de choses touchant les sections coniques, et qu’il leur en restait même beaucoup, touchant ce qui se peut faire avec la règle et le compas, qu’ils ignoraient, ils ont cru ne devoir point entamer de matière plus difficile. Mais pourceque j’espère que dorénavant ceux qui auront l’adresse de se servir du calcul géométrique ici proposé, ne trouveront pas assez de quoi s’arrêter touchant les problèmes plans ou solides, je crois qu’il est à propos que je les invite à d’autres recherches, où ils ne manqueront iamais d’exercice.

Voyez les lignes AB, AD, AF et semblables, que je suppose avoir été décrites par l’aide de l’instrument YZ[14], qui est composé de plusieurs règles tellement jointes que celle qui est marquée YZ étant arrêtée sur la ligne AN, on peut ouvrir et fermer l’angle XYZ, et que lorsqu’il est tout fermé, les points B, C, D, <E>[15], F, G, H sont tous assemblés au point A ; mais qu’à mesure qu’on l’ouvre, la règle BC, qui est jointe à angles droits avec XY au point B, pousse vers Z la règle CD, qui coule sur YZ en faisant toujours des angles droits avec elle ; et CD pousse DE, qui coule tout de même sur YX en demeurant parallèle à BC ; DE pousse EF, EF pousse FG, celle-ci pousse GH, et on en peut concevoir une infinité d’autres qui se poussent consécutivement en même façon, et dont les unes fassent toujours les mêmes angles avec YX & les autres avec YZ. Or, pendant qu’on ouvre ainsi l’angle XYZ, le point B décrit la ligne AB, qui est un cercle ; et les autres points D, F, H, où se font les intersections des autres règles, décrivent d’autres lignes courbes AD, AF, AH, dont les dernières sont par ordre plus composées que la première, et celle-ci plus que le cercle ; mais je ne vois pas ce qui peut empêcher qu’on ne conçoive aussi nettement et aussi distinctement la description de cette première que du cercle, ou du moins que des sections coniques ; ni ce qui peut empêcher qu’on ne conçoive la seconde, et la troisième, et toutes les autres qu’on peut décrire, aussi bien que la première ; ni par conséquent qu’on ne les reçoive toutes en même façon pour servir aux spéculations de géométrie.

La façon de diſtinguer toutes ces lignes courbes en certains genres, et de connoiſtre le rapport qu’ont tous leurs poins a ceux des lignes droites. Ie pourrais mettre ici plusieurs autres moyens pour tracer et concevoir des lignes courbes qui seraient de plus en plus composées par degrés à l’infini ; mais pour comprendre ensemble toutes celles qui sont en la nature, et les distinguer par ordre en certains genres, je ne sache rien de meilleur que de dire que tous les points de celles qu’on peut nommer géométriques, c’est-à-dire qui tombent sous quelque mesure précise et exacte, ont nécessairement quelque rapport à tous les points d’une ligne droite, qui peut être exprimée par quelque équation, en tous par une même ; et que, lorsque cette équation ne monte que jusqu’au rectangle de deux quantités indéterminées, ou bien au carré d’une même, la ligne courbe est du premier et plus simple genre, dans lequel il n’y a que le cercle, la parabole, l’hyperbole et l’ellipse qui soient comprises ; mais que lorsque l’équation monte iuſques a la trois ou quatrième dimension des deux, ou de l’une des deux quantités indéterminées : car il en faut deux pour expliquer ici le rapport d’un point à un autre : elle est du second ; et que lorsque l’équation monte jusqu’à la cinquième ou sixième dimension, elle est du troisième ; et ainsi des autres à l’infini.

Comme si je veux savoir de quel genre est la ligne EC, que j’imagine être décrite par l’intersection de la règle GL et du plan rectiligne CNKL, dont le côté KN est indéfiniment prolongé vers C, et qui, étant mu sur le plan de dessous en ligne droite, c’est-à-dire en telle sorte que son diamètre KL se trouve toujours appliqué sur quelque endroit de la ligne BA prolongée de part et d’autre, fait mouvoir circulairement cette règle GL autour du point G, à cause qu’elle lui est tellement jointe qu’elle passe toujours par le point L. Je choisis une ligne droite comme AB, pour rapporter à ses divers points tous ceux de cette ligne courbe EC ; et en cette ligne AB je choisis un point comme A, pour commencer par lui ce calcul. Je dis que je choisis et l’un et l’autre, à cause qu’il est libre de les prendre tels qu’on veut ; car encore qu’il y ait beaucoup de choix pour rendre l’équation plus courte et plus aisée, toutefois en quelle façon qu’on les prenne, on peut toujours faire que la ligne paraisse de même genre, ainsi qu’il est aisé à démontrer. Après cela prenant un point à discrétion dans la courbe, comme C, sur lequel je suppose que l’instrument qui sert à la décrire est appliqué, je tire de ce point C la ligne CB parallèle à GA, et pourceque CB et BA sont deux quantités indéterminées et inconnues, je les nomme l’une y et l’autre x; mais afin de trouver le rapport de l’une à l’autre, je considère aussi les quantités connues qui déterminent la description de cette ligne courbe, comme GA, que je nomme a, KL que je nomme b, et NL, parallèle à GA, que je nomme c; puis je dis, comme NL est à LK, ou c à b, ainsi CB ou y est à BK, qui est par conséquent  : et BL est , et AL est . De plus, comme CB est à LB, ou y à , ainsi a ou GA est à LA ou ; de façon que, multipliant la seconde par la troisième, on produit , qui est égale à , qui se produit en multipliant la première par la dernière : et ainsi l’équation qu’il fallait trouver est

,

de laquelle on connaît que la ligne EC est du premier genre, comme en effet elle n’est autre qu’une Hyperbole[Sch. 1].

Que si, en l’instrument qui sert à la décrire, on fait qu’au lieu de la ligne droite CNK, ce soit cette hyperbole, ou quelque autre ligne courbe du premier genre, qui termine le plan CNKL, l’intersection de cette ligne et de la règle GL décrira, au lieu de l’hyperbole EC, une autre ligne courbe qui sera d’un second genre. Comme si CNK est un cercle dont L soit le centre, on décrira la première conchoïde des anciens ; et si c’est une parabole dont le diamètre soit KB, on décrira la ligne courbe que j’ai tantôt dit être la première et la plus simple pour la question de Pappus, lorsqu’il n’y a que cinq lignes droites données par position ; mais si au lieu d’une de ces lignes courbes du premier genre, c’en est une du second qui termine le plan CNKL, on en décrira, par son moyen, une du troisième, ou si c’en est une du troisième, on en décrira une du quatrième, et ainsi à l’infini, comme il est fort aisé à connaître par le calcul. Et en quelque autre façon qu’on imagine la description d’une ligne courbe, pourvu qu’elle soit du nombre de celles que je nomme géométriques, on pourra toujours trouver une équation pour déterminer tous ses points en cette sorte.

Au reste, je mets les lignes courbes qui font monter cette équation jusqu’au carré, au même genre que celles qui ne la font monter que jusqu’au cube ; et celles dont l’équation monte au carré de cube, au même genre que celles dont elle ne monte qu’au sursolide, et ainsi des autres : dont la raison est qu’il y a règle générale pour réduire au cube toutes les difficultés qui vont au carré de carré, & au sursolide toutes celles qui vont au carré de cube ; de façon qu’on ne les doit point estimer plus composées.

Mais il est à remarquer qu’entre les lignes de chaque genre, encore que la plupart soient également composées, en sorte qu’elles peuvent servir à déterminer les mêmes points et construire les mêmes problèmes, il y en a toutefois aussi quelques-unes qui sont plus simples, et qui n’ont pas tant d’étendue en leur puissance ; comme entre celles du premier genre, outre l’ellipse, l’hyperbole et la parabole, qui sont également composées, le cercle y est aussi compris, qui manifestement est plus simple ; et entre celles du second genre, il y a la conchoïde vulgaire, qui a son origine du cercle ; et il y en a encore quelques autres qui, bien qu’elles n’aient pas tant d’étendue que la plupart de celles du même genre, ne peuvent toutefois être mises dans le premier.

Suite de l’explication de la queſtion de Pappus miſe au liure precedent. Or, après avoir ainsi réduit toutes les lignes courbes à certains genres, il m’est aisé de poursuivre en la démonstration de la réponse que j’ai tantôt faite à la question de Pappus ; car premièrement, ayant fait voir ci-dessus que, lorsqu’il n’y a que trois ou quatre lignes droites données, l’équation qui sert à déterminer les points cherchés ne monte que jusqu’au carré, il est évident que la ligne courbe où se trouvent ces points est nécessairement quelqu’une de celles du premier genre, à cause que cette même équation explique le rapport qu’ont tous les points des lignes du premier genre à ceux d’une ligne droite ; et que lorsqu’il n’y a point plus de huit lignes droites données, cette équation ne monte que jusqu’au carré de carré tout au plus, et que par conséquent la ligne cherchée ne peut être que du second genre, ou au-dessous ; et que lorſqu’il n’y a point plus de 8 lignes données, l’équation ne monte que jusqu’au carré de cube, et que par conséquent la ligne cherchée n’est que du troisième genre, ou au-dessous ; et ainsi des autres. Et même à cause que la position des lignes droites données peut varier en toutes sortes, et par conséquent faire changer tant les quantités connues que les signes + et — de l’équation, en toutes les façons imaginables, il est évident qu’il n’y a aucune ligne courbe du premier genre qui ne soit utile à cette question, quand elle est proposée en quatre lignes droites ; ni aucune du second qui n’y soit utile, quand elle est proposée en huit ; ni du troisième, quand elle est proposée en douze ; et ainsi des autres : en sorte qu’il n’y a pas une ligne courbe qui tombe sous le calcul et puisse être reçue en géométrie, qui n’y soit utile pour quelque nombre de lignes.

Solution de cete queſtion, quand elle n’eſt propoſée qu’en 3 ou 4 ligne Mais il faut ici plus particulièrement que je détermine et donne la façon de trouver la ligne cherchée qui sert en chaque cas, lorsqu’il n’y a que trois ou quatre lignes droites données ; et on verra, par même moyen, que le premier genre des lignes courbes n’en contient aucunes autres que les trois sections coniques et le cercle.

Reprenons les quatre lignes AB, AD, EF et GH données ci-dessus, et qu’il faille trouver une autre ligne, en laquelle il se rencontre une infinité de points tels que C, duquel ayant tiré les 4 lignes CB, CD, CF,
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325-326.
Œuvres de Descartes.

et CH, à angles donnés, sur les données, CB multipliée par CF, produit une somme égale à CD, multipliée par CH.

C'est-à-dire ayant fait CB = y, CD = ,

CF = et CH = l'équation est

au moins en supposant ez plus grand que eg car s'il était moindre, il faudrait changer tous les signes + et -Erreur de référence : Paramètre invalide dans la balise <ref>. Et si la quantité se trouvait nulle, ou moindre que rien en cette équation, lorsqu'on a ſupposé le point C en l'angle DAG, il faudrait le supposer aussi en l'angle DAE, ou EAR, ou RAG, en
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La Géométrie. — Livre II.

changeant les signes + et – selon qu’il serait requis à cet effet. Et si en toutes ces 4 positions la valeur de y se trouvait nulle, la question serait impossible au cas proposé[Sch. 2]. Mais supposons-la ici être possible, et pour en abréger les termes, au lieu des quantités écrivons 2m, et au lieu de écrivons , et ainsi nous aurons y2 = dont la racine est

et derechef pour abréger, au lieu de , écrivons o ;

et au lieu de écrivons[16] , car ces quantités étant toutes données, nous les pouvons nommer comme il nous plaît et ainsi nous avons

qui doit être la longueur de la ligne BC, en laissant AB, ou x indéterminée. Et il est évident que la question n’étant proposée qu’en trois ou quatre lignes, on peut toujours avoir de tels termes, excepté que quelques-uns d’eux peuvent être nuls, et que les signes + et - peuvent diversement être changés.

Après cela je fais KI égale et parallèle à BA, en sorte qu'elle coupe de BC la partie BK égale à m, à cause qu'il y a ici + m ; et je l'aurais ajoutée en tirant cette ligne IK de l'autre côté, s'il aurait eu -m ; et je ne l'aurais point du tout tirée, si la quantité m eut été nulle. Puis je tire aussi IL, en sorte que la ligne IK est à KL, comme z est à n. c'est-à-dire que IK étant x, KL est . Et par même moyen je connais aussi la proportion qui est entre KL, et IL, que je pose comme entre n et a : si bien que KL étant , iL est . Et je fais que le point K soit entre L et C, à cause qu'il y a ici  ; au lieu que j'aurais mis L entre K et C, si j'eusse eu  ; et je n'eusse point tiré cette ligne IL, si eût été nulle.

Or cela fait, il ne me reste plus pour la ligne LC, que ces termes d'où je vois que s'ils étaient nuls, ce point C ſe trouverait en la ligne droite IL ; et que s’ils étaient tels que la racine s’en pût tirer, c’est-à-dire que m2 et étant marqués d’un même signe + [ou -][17], o2 fût égal à 4pm, ou bien que les termes m2 et ox, ou ox et fussent nuls, ce point C se trouverait en une autre ligne droite qui ne serait pas plus malaisée à trouver que IL[Sch. 3]. Mais lorsque cela n’est pas, ce point C est toujours en l’une des trois sections coniques, ou en un cercle[Sch. 3], dont l’un des diamètres est en la ligne IL, et la ligne LC est l’une de celles qui s’appliquent par ordre à ce diamètre ; ou au contraire LC est parallèle au diamètre, auquel celle qui et en la ligne IL et appliquée par ordre[18]. À savoir si le terme , est nul cette section conique et une Parabole ; et s’il est marqué du signe +, c’est une Hyperbole, et enfin s’il et marqué du signe - c’est une Ellipse. Excepté seulement si la quantité a2m est égale à pz2, et que l’angle ILC soit droit ; auquel cas on a un cercle au lieu d’une Ellipse. Que si cette section est une Parabole, son côté droit est égal à , et son diamètre et toujours en la ligne IL, et pour trouver le point N, qui en est le sommet, il faut faire IN égale à  ; et que le point I soit entre L et N, si les termes sont +m2 + ox ; ou bien que le point L, soit entre I et N, s’ils sont +m2 - ox ; ou bien il faudrait que N fût entré I et L, s’il y avait -m2 + ox. Mais il ne peut jamais y avoir - m2, en en la façon que les termes ont ici été posés. Et enfin le point N serait le même que le point I si la quantité m2 était nulle. Au moyen de quoi il et aisé de trouver cette Parabole par le premier Problème du premier livre d’Apollonius[Sch. 4].

| Que si la ligne demandée est un cercle, ou une ellipse, ou une hyperbole, il faut premièrement chercher le point M, qui en est le centre, et qui est toujours en la ligne droite IL, ou on le trouve en prenant pour IM en sorte que si la quantité o est nulle, ce centre est justement au point I. Et si la ligne cherchée est un cercle, ou une Ellipse, on doit prendre le point M du même côté que le point L, au respect du point I, lorsqu’on a +ox ; et lorsqu’on a –ox, on le doit prendre de l’autre. Mais tout au contraire en l’hyperbole, si on a -ox, ce centre M doit être vers L ; et si on a +ox, il doit être de l’autre côté.

Après cela, le
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La Géométrie. — Livre II.

côté droit de la figure doit être lorsqu'on a +m2, et que la ligne cherchée est un cercle, ou une Ellipse ; ou bien lorsqu'on a -m2, et que c'est une Hyperbole, et il doit être si la ligne cherchée étant un cercle, ou une Ellipse, on a - m2 ; ou bien si étant une Hyperbole et la quantité o2 étant plus grande que 4mp, on a +m2. Que si la quantité m2 est nulle, ce côté droit est et si ox est nulle, il est . Puis pour le côté traversant, il faut trouver une ligne qui sera ce côté droit, comme a2m est à pz2 ; à savoir si ce côté droit est le traversant est [Sch. 5] ; & en tous ces cas le diamètre de la section et en la ligne IM, et LC et l'une de celles qui lui sont appliquées par ordre[19]. Si bien que faisant MN égale a la moitié du côté traversant et le prenant du même côté du point M, qu'est le point L, on a le point N pour le sommet de ce diamètre ; ensuite de quoi il est aisé de trouver la section par les second et troisième problèmes du premier livre d'Apollonius[Sch. 5].

Mais quand cette section étant une Hyperbole, on à +m2; et que la quantité o2 et nulle ou plus petite que 4pm, on doit tirer du centre M la ligne MOP parallèle à LC, et CP parallèle à LM, et faire MO égale à ou bien la faire égale à m si la quantité ox est nulle. Puis considérer le point O, comme le sommet de cette Hyperbole ; dont le diamètre et OP, et CP la ligne qui lui eſt appliquée par ordre, et son côté droit est et son côté traversant est Excepté quand ox est nulle, car alors le côté droit est , et le traversant est 2m ; et ainsi il est aisé de la trouver par le troisième problème du premier livre d'Apollonius.

Demonſtration de tout ce qui vient d’eſtre expliqué. Et les démonstrations de tout ceci sont évidentes car composant un espace des quantités que j’ai assignées pour le côté droit, et le traversant, et pour le segment du diamètre NL, ou OP, suivant la teneur du 11e, du 12e et du 13e théorèmes du premier livre d'Apollonius, on trouvera tous les mêmes termes dont est composé le carré de la ligne CP, ou CL, qui est appliquée par ordre à ce diamètre. Comme en cet exemple, ôtant IM qui est , de NM qui est , j’ai IN, à laquelle ajoutant IL, qui est j’ai NL qui est et ceci étant multiplié par , qui et le côté droit de la figure, il vient

pour le rectangle, duquel il faut ôter un espace qui soit au carré de NL comme le côté droit est au traversant, et ce carré de NL est

qu’il faut diviser par a2m et multiplier par pz2, à cause que ces termes expliquent la proportion qui et entre le côté traversant et le droit, et il vient

ce qu’il faut ôter du rectangle précédent, et on trouve pour le carré de CL, qui par conséquent et une ligne appliquée par ordre dans une Ellipse, ou dans un cercle, au segment du diamètre NL.

Et si on veut expliquer toutes les quantités données par nombres, en faisant par exemple :

EA = 3, AG = 5, AB = BR, BS = BE,GB = BT, CD = CR, CF = 2CS, CH = CT, & que l’angle ABR soit de 60 degrés ; et enfin que le rectangle des deux CB, et CF, soit égal au rectangle des deux autres CD et CH ; car il faut avoir toutes ces choses afin que la question soit entièrement déterminée. et avec cela supposant AB = x; et CB = y, on trouve par la façon ci-dessus expliqué

y2 = 2y - xy + 5x - x2

Si bien que BK doit être 1, et KL doit être la moitié da KI, et pourceque l’angle IKL ou ABR est de 60 degrés, et KIL qui est la moitié de KIB ou IKL, de 30, ILK est droit. Et pourceque IK ou AB est nommé x, KL est x, et IL est , et la quantité qui eſtoit tantôt nommée z est 1, celle qui était a est , celle qui était m est 1, celle qui était o est 4, et celle qui était p est , de façon qu’on a pour IM, et pour NM ; et pourceque a2m ; qui est est ici égal à pz2, et que l’angle ILC est droit, on trouve que la ligne courbe NC est un cercle. Et on peut examiner facilement examiner tous les autres cas de la sorte.

Quels ſont les lieux plans et ſolides, et la façon de les trouuer tous. Au reſte, à cause que les équations qui ne montent que jusqu’au carré sont toutes comprises en ce que je viens d’expliquer, non seulement le problème des anciens en trois et quatre lignes est ici entièrement achevé, mais aussi tout ce qui appartient à ce qu’ils nommaient la composition des lieux solides, et par conséquent aussi à celle des lieux plans, à cause qu’ils sont compris dans les solides. Car ces lieux ne sont autre
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La Géométrie. — Livre II.

chose, sinon que, lorsqu'il est question de trouver quelque point auquel il manque une condition pour être entièrement déterminé, ainsi qu'il arrive en cet exemple, tous les points d'une même ligne peuvent être pris pour celui qui est demandé. Et si cette ligne est droite ou circulaire, on la nomme un lieu plan. Mais si c'est une parabole, ou une hyperbole, ou une ellipse, on la nomme un lieu solide : et toutefois et quand cela est, on peut venir à une équation qui contient deux quantités inconnues, et est pareille à quelqu'une de celles que je viens de résoudre. Que si la ligne qui détermine ainsi le point cherché est d'un degré plus composée que les sections coniques, on la peut nommer, en même façon, un lieu sursolide, et ainsi des autres. Et s'il manque deux conditions à la détermination de ce point, le lieu où il se trouve est une superficie, laquelle peut être tout de même ou plate, ou sphérique, ou plus composée. Mais le plus haut but qu'aient eu les anciens en cette matière a été de parvenir à la composition des lieux solides ; et il semble que tout ce qu'Apollonius a écrit des sections coniques n'a été qu'à dessein de la chercher.

De plus, on voit ici que ce que j'ai pris pour le premier genre des lignes courbes n'en peut comprendre aucunes autres que le cercle, la parabole, l'hyperbole et l'ellipse, qui est tout ce que j'avais entrepris de prouver.


Quelle est la première et la plus simple de toutes les lignes courbes qui servent à la question des anciens quand elle est proposée en cinq lignes

Que si la question des anciens est proposée en cinq lignes qui soient toutes parallèles, il est évident que le point cherché sera toujours en une ligne droite ;
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Œuvres de Descartes.

Quelle est la première et la plus simple de toutes les lignes courbes qui servent à la question des anciens quand elle est proposée en cinq lignes

Mais si elle est proposée en cinq lignes, dont il y en ait quatre qui soient parallèles, et que la cinquième les coupe à angles droits, et même que toutes les lignes tirées du point cherché les rencontrent aussi à angles droits, et enfin que le parallélépipède composé de trois des lignes ainsi tirées sur trois de celles qui sont parallèles soit égal au parallélépipède composé proposée en des deux lignes tirées, l'une sur la quatrième de celles qui sont parallèles, et l'autre sur celle qui les coupe à angles droits, et d'une troisième ligne donnée ; ce qui est, ce semble, le plus simple cas qu'on puisse imaginer après le précédent, le point cherché sera en la ligne courbe qui est décrite par le mouvement d'une parabole, en la façon ci-dessus expliquée.

Soient par exemple les lignes données[20] AB, IH, ED, GF, et GA, et qu'on demande le point C, en sorte que tirant CB, CF, CD, GH et CM à angles droits sur les données, le parallélépipède des trois CF, CD et CH soit égal à celui des deux autres CB et CM, et d'une troisième qui soit AL. Je pose

GB = y, CM = x, AI ou AE ou GE = a,

de façon que le point C étant entre les lignes AB et DE, j'ai

CF = 2a - y, CD = a - y, et CH = y + a ;

et multipliant ces trois l'une par l'autre, j'ai

y3 - 2ay2 - a2y + 2a3,

égal au produit des trois autres, qui est axy. Après cela je considère la ligne courbe CEG, que j'imagine être décrite par l'intersection de la
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La Géométrie. — Livre II.

parabole CKN, qu'on fait mouvoir en telle sorte que son diamètre KL est toujours sur la ligne droite AB, et de la règle GL qui tourne cependant autour du point G en telle sorte qu'elle passe toujours dans le plan de cette parabole par le point L. Et je fais KL = a, et le côté droit principal, c'est-à-dire celui qui se rapporte à l'essieu de cette parabole, aussi égal à a, et GA = 2a, et CB ou MA = y, et CM ou AB = x. Puis à cause des triangles semblables GMC et CBL, GM qui est 2a - y, est à MC qui est x, comme CB qui est y, est à BL qui est par conséquent . Et pourceque KL est a, BK est , ou bien . Et enfin pourceque ce même BK, étant un segment du diamètre de la parabole, est à BC qui lui est appliquée par ordre, comme celle-ci est au côté droit qui est a, le calcul montre que

y3 - 2ay2 - a2y + 2a2 est égal à axy;

et par conséquent que le point C est celui qui était demandé. Et il peut être pris en tel endroit de la ligne CEG qu'on veuille choisir, ou aussi en son
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Œuvres de Descartes.

adjointe cEGc, qui se décrit en même façon, excepté que le sommet de la parabole est tourné vers l'autre côté, ou enfin en leurs contreposées NIo, nIO, qui sont décrites par l'intersection que fait la ligne GL en l'autre côté de la parabole KN.

Or encore que les parallèles données AB, IH, ED, et GF, ne fussent point également distantes, et que GA ne les coupât point à angles droits, ni aussi les lignes tirées du point C vers elles, ce point C ne laisserait pas de se trouver toujours en une ligne courbe qui serait de même nature : et il s'y peut aussi trouver quelquefois, encore qu'aucune des lignes données ne soient parallèles. Mais si lorsqu'il y en a quatre ainsi parallèles, et une cinquième qui les traverse, et que le parallélépipède de trois des lignes tirées du point cherché, l'une sur cette cinquième, et les deux autres sur deux de celles qui sont parallèles, soit égal à celui des deux tirées sur les deux autres parallèles, et d'une autre ligne donnée : ce point cherché est en une ligne courbe d'une autre nature, à savoir en une qui est telle, que toutes les lignes droites appliquées par
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La Géométrie. — Livre II.

ordre à son diamètre étant égales à celles d'une section conique, les segments de ce diamètre qui sont entre le sommet et ces lignes ont même proportion à une certaine ligne donnée, que cette ligne donnée a aux segments du diamètre de la section conique, auxquels les pareilles lignes sont appliquées par ordre. Et je ne saurais véritablement dire que cette ligne soit moins simple que la précédente, laquelle j'ai cru toutefois devoir prendre pour la première, à cause que la description et le calcul en sont en quelque façon plus faciles.

Pour les lignes qui servent aux autres cas, je ne m'arrêterai point à les distinguer par espèces, car je n'ai pas entrepris de dire tout ; et, ayant expliqué la façon de trouver une infinité de points par où elles passent, je pense avoir assez donné le moyen de les décrire.

Quelles sont les lignes courbes qu'on décrit en trouvant plusieurs de leurs points qui peuvent être reçues en géométrie

Même il est à propos de remarquer qu'il y a grande différence entre cette façon de trouver plusieurs points pour tracer une ligne courbe, et celle dont on se sert pour la spirale et ses semblables ; car par cette dernière on ne trouve pas indifféremment tous les points de la ligne qu'on cherche, mais seulement ceux qui peuvent être déterminés par quelque mesure plus simple que celle qui est requise pour la composer ; et ainsi, à proprement parler, on ne trouve pas un de ses points, c'est-à-dire pas un de ceux qui lui sont tellement propres qu'ils ne puissent être trouvés que par elle ; au lieu qu'il n'y a aucun point dans les lignes qui servent à la question proposée, qui ne se puisse rencontrer entre ceux qui se déterminent par la façon tantôt expliquée. Et pour cette façon de tracer une ligne courbe, en trouvant indifféremment plusieurs de ses points, ne s’étend qu’à celles qui peuvent aussi être décrites par un mouvement régulier et continu, on ne la doit pas entièrement rejeter de la géométrie.


Quelles sont aussi celles qu’on décrit avec une corde qui peuvent y être reçues

Et on n’en doit pas rejeter non plus celle où on se sert d’un fil ou d’une corde repliée pour déterminer l’égalité ou la différence[21] de deux ou plusieurs lignes droites qui peuvent être tirées de chaque point de la courbe qu’on cherche, à certains autres points, ou sur certaines autres lignes à certains angles, ainsi que nous avons fait en la Dioptrique pour expliquer l’ellipse et l’hyperbole ; car encore qu’on n’y puisse recevoir aucunes lignes qui semblent à des cordes, c’est-à-dire qui deviennent tantôt droites et tantôt courbes, à cause que la proportion qui est entre les droites et les courbes n’étant pas connue, et même, je crois, ne le pouvant être par les hommes, on ne pourrait rien conclure de là qui fût exact et assuré. Toutefois à cause qu’on ne se sert de cordes en ces constructions que pour déterminer des lignes droites dont on connaît parfaitement la longueur, cela ne doit point faire qu’on les rejette.


Que, pour trouver toutes les propriétés des lignes courbes, il suffit de savoir le rapport qu’ont tous leurs points à ceux des lignes droites ; et la façon de tirer d’autres lignes qui les coupent en tous ces points à angles droits

Or de cela seul qu’on sait le rapport qu’ont tous les points d’une ligne courbe à tous ceux d’une ligne droite, en la façon que j’ai expliquée, il est aisé de trouver aussi le rapport qu’ils ont à tous les autres points et lignes données ; et ensuite de connaître les diamètres, les essieux, les centres et autres lignes
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La Géométrie. — Livre II.

ou points à qui chaque ligne courbe aura quelque rapport plus particulier ou plus simple qu'aux autres ; et ainsi d'imaginer divers moyens pour les décrire, et d'en choisir les plus faciles ; et même on peut aussi, par cela seul, trouver quasi tout ce qui peut être déterminé touchant la grandeur de l'espace qu'elles comprennent, sans qu'il soit besoin que j'en donne plus d'ouverture. Et enfin pour ce qui est de toutes les autres propriétés qu'on peut attribuer aux lignes courbes, elles ne dépendent que de la grandeur des angles qu'elles font avec quelques autres lignes. Mais lorsqu'on peut tirer des lignes droites qui les coupent à angles droits, aux points où elles sont rencontrées par celles avec qui elles font les angles qu'on veut mesurer, ou, ce que je prends ici pour le même, qui coupent leurs contingentes, la grandeur de ces angles n'est pas plus malaisée à trouver que s'ils étaient compris entre deux lignes droites. C'est pourquoi je croirai avoir mis ici tout ce qui est requis pour les éléments des lignes courbes, lorsque j'aurai généralement donné la façon de tirer des lignes droites qui tombent à angles droits sur tels de leurs points qu'on voudra choisir. Et j'ose dire que c'est ceci le problème le plus utile et le plus général, non seulement que je sache, mais même que j'aie jamais désiré de savoir en géométrie.

Façon générale pour trouver des lignes droites qui coupent les courbes données ou leurs contingentes à angles droits

Soit CE la ligne courbe, et qu'il faille tirer une ligne droite par le point C, qui fasse avec elle des angles droits. Je suppose la chose déjà faite, et que la ligne cherchée est CP, laquelle je prolonge jusqu(’au)
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342-343.
Œuvres de Descartes.

au point P, ou elle rencontre la ligne droite GA, que je suppose être celle aux points de laquelle on rapporte tous ceux de la ligne CE : en sorte que faisant MA ou CB = y et CM ou BA = x, j’ai quelque équation, qui explique le rapport, qui est entre x et y. Puis je fais PC = s et PA = v, ou PM = v - y, et à cause du triangle rectangle PMC, j’ai s2 qui est le carré de la base égal à x2 + v2 - 2vy + y2, qui sont les carrés des deux côtés ; c’est-à-dire j’ai

,

ou bien

,

et par le moyen de cette équation, j’ôte de l’autre équation qui m’explique le rapport qu’ont tous les points de la courbe CB à ceux de la droite GA, l’une des deux quantités indéterminées x ou y ce qui est aisé à faire en mettant partout

,

au lieu de x, et le carré de cette somme au lieu de x2, et son cube au lieu de x3, et ainsi des autres, si c’est x que je veuille ôter ; ou bien si c’est y, en mettant en son lieu ,

et le carré, ou le cube, etc. de cette somme, au lieu de y2 ou y3, etc. De façon qu’il reste toujours après cela une équation, en laquelle il n’y a plus qu’une seule quantité indéterminée, x ou y.

Exemple de cette opération en une ellipse et en une parabole du second genre[22].

Comme si CE est une Ellipse, et que MA soit le segment de son diamètre, auquel CM soit appliquée par ordre, et qui ait r pour son côté droit et q pour le
343-344.
415
La Géométrie. — Livre II.

traversant, on a par le treizième théorème du premier livre d’Apollonius,

,

D’où ôtant x2, il reste

,

ou bien

,

car il est mieux en cet endroit de considérer ainsi ensemble toute la somme, que d’en faire une partie égale à l’autre.

Tout de même si CE est la ligne courbe décrite par le mouvement d’une Parabole en la façon ci-dessus expliquée, et qu’on ait posé b pour GA, c pour KL et d pour le côté droit du diamètre KL en la parabole, l’équation qui explique le rapport qui est entre x et y est

y3 - by2 - cdy + bcd +dxy = 0,

d’où ôtant x, on a  ;

et remettant en ordre ces termes par le moyen de la multiplication, il vient

[23],

et ainsi des autres.
416
344-345.
Œuvres de Descartes.

Autre exemple en un ovale du second genre [24]

Même encore que les points de la ligne courbe ne se rapportaient pas, en la façon que j’ai dite à ceux d'une ligne droite, mais en toute autre qu'on saurait imaginer, on ne laisse pas de pouvoir toujours avoir une telle équation. Comme si CE est une ligne, qui ait tel rapport aux trois points F, G et A, que les lignes droites tirées de chacun de ses points comme C, jusqu’au point F, surpassent la ligne SA d'une quantité, qui ait certaine proportion donnée à une autre quantité dont GA surpasse les lignes tirées des mêmes points jusqu’à G.

Faisons GA = b, AF = c et prenant à discrétion le point C dans la courbe, que la quantité dont CF surpasse SA, soit à celle dont GA surpasse GC, comme d à c, en sorte que si cette quantité qui est indéterminée se nomme z, FC est c + z

et GC est .

Puis posant MA = y, GM est b - y, et FM est c + y, et à cause du triangle rectangle CMG, ôtant le carré de GM du carré de GC, on a le carré de CM, qui est

.

Puis ôtant le carré de FM du carré de FC, on a encore le carré de CM en d'autres termes, à savoir z2 + 2cz – 2cy - y2 ; et ces termes étant égaux aux précédents, ils font connaître y ou MA, qui est

,
et substituant cette somme au lieu de y dans le carré
345-346.
417
La Géométrie. — Livre II.

de CM, on trouve qu’il s’exprime en ces termes

.

Puis supposant que la ligne droite PC rencontre la courbe à angles droits au point C, et faisant PC = s et PA = v comme devant, PM est v - y ; et à cause du triangle rectangle PCM, on a r2 - v2 + 2vy - y2 pour le carré de CM, ou derechef ayant au lieu de y substitué la somme qui lui est égale, il vient

pour l’équation que nous cherchions.

Or après qu’on a trouvé une telle équation, au lieu de s’en servir pour connaître les quantités x ou y, ou z, qui sont déjà données, puisque le point C est donné, on la doit employer à trouver v ou s, qui déterminent le point P, qui est demandé. Et à cet effet il faut considérer, que si ce point P est tel qu’on le désire, le cercle dont il sera le centre, et qui passera par le point C, y touchera la ligne courbe CE, sans la couper ; mais que si ce point P, est tant soit peu plus proche, ou plus éloigné du point A, qu’il ne doit, ce cercle coupera la courbe, non seulement au point C, mais aussi nécessairement en quelque autre. Puis il faut aussi considérer, que lorsque ce cercle coupe la ligne courbe CE, l’équation par laquelle on cherche la quantité x ou y, ou quelque autre semblable, en supposant PA et PC être connues, contient nécessairement deux racines, qui sont inégales. Car par exemple si ce cercle
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346-347.
Œuvres de Descartes.

coupe la courbe aux points C et E, ayant tiré EQ parallèle à CM, les noms des quantités indéterminées x et y, conviendront aussi bien aux lignes EQ et QA, qu’à CM et MA ; puis PE est égale à PC, à cause du cercle, si bien que cherchant les lignes EQ et QA, par PE et PA qu’on suppose comme données, on aura la même équation que si on cherchait CM et MA par PC, PA, d’où il suit évidemment, que la valeur de x ou de y, ou de telle autre quantité qu’on aura supposée, sera double en cette équation, c’est-à-dire qu’il y aura deux racines inégales entre elles, et dont l’une sera CM, l’autre EQ, si c’est x qu’on cherche, ou bien l’une sera MA et l’autre QA, si c’est y ; et ainsi des autres. Il est vrai que si le point E ne se trouve pas du même côté de la courbe que le point C, il n’y aura que l’une de ces deux racines qui soit vraie, et l’autre sera renversée, ou moindre que rien : mais plus ces deux points C et E, sont proches l’un de l’autre, moins il y a de différence entre ces deux racines ; et enfin elles sont entièrement égales, s’ils sont tous deux joints en un ; c’est-à-dire si le cercle, qui passe par C, y touche la courbe CE sans la couper.

De plus il faut considérer, que lorsqu’il y a deux racines égales en une équation, elle a nécessairement la même forme, que si on multiplie par soi-même la quantité qu’on y suppose être inconnue, moins la quantité connue qui lui est égale, et qu’après cela si cette dernière somme n’a pas tant de dimensions que

347-348.
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La Géométrie. — Livre II.

la précédente, on la multiplie par une autre somme qui en ait autant qu’il lui en manque ; afin qu’il puisse y avoir séparément équation entre chacun des termes de l’une et chacun des termes de l’autre.

Comme par exemple je dis que la première équation trouvée ci-dessus, à savoir

doit avoir la même forme que celle qui se produit en faisant e égal à y, et multipliant y - e par soi-même, d’où il vient

y2 - 2ey + e2,

en sorte qu’on peut comparer séparément chacun de leurs termes, et dire que puisque le premier qui est y2 est tout le même en l’une qu’en l’autre,

le second qui est en l’une

est égal au second de l’autre qui est -2ey, d’où cherchant la quantité v qui est la ligne PA, on a

à cause que nous avons suppose e égal à y, on a

.

Et ainsi on pourrait trouver s par le troisième terme

mais pourceque la quantité v détermine assez le point P, qui est le seul que nous cherchions, on n’a pas besoin de passer outre.
420
348.
Œuvres de Descartes.

Tout de même la seconde équation trouvée ci-dessus[25], à savoir

,[26]

doit avoir même forme, que la somme qui se produit lorsqu’on multiplie

y2 - 2ey + e2 par y4 + fy3 + g2y2 + h3y + k4

qui est

[27]

de façon que de ces deux équations j’en tire six autres, qui servent à connaître les six quantités f, g, h, k, v et s.

D’où il est sort aisé à entendre, que de quelque genre, que puisse être la ligne courbe proposée, il vient toujours par cette façon de procéder autant d’équations, qu’on est obligé de supposer de quantités, qui sont inconnues. Mais pour démêler par ordre ces équations, et trouver enfin la quantité v, qui et la seule dont on a besoin, et à l’occasion de laquelle on cherche les autres, il faut premièrement par le second terme chercher f, la première des quantités inconnues de la dernière somme, et on trouve f = 2e - 2b.

Puis par le dernier il faut chercher k, la dernière des quantités inconnues de la même somme, et on trouve


349-350.
421
La Géométrie. — Livre II.

Puis par le troisième terme il faut chercher g la seconde quantité, et on a

g2 = 3e2 - 4be – 2cd + b2 + d2.

Puis par le pénultième il faut chercher h, la pénultième quantité, qui est

.

Et ainsi il faudrait continuer suivant ce même ordre jusqu’à la dernière, s’il y en avait d’avantage en cette somme ; car c’est chose qu’on peut toujours faire en même façon.

Puis par le terme qui suit en ce même ordre, qui est ici le quatrième, il faut chercher la quantité v, et on a

ou mettant y au lieu de e qui lui est égal on a

pour la ligne AP.

Et ainsi la troisième équation, qui est

422
350.
Œuvres de Descartes.

a la même forme que z2 - 2fz + f2,

en supposant f égal à z, si bien qu’il y a derechef équation entre -2f ou -2z, et

.

d’où on connaît que la quantité v est

.


Façon générale pour trouver des lignes droites qui coupent les courbes données ou leurs contingentes à angles droits

C’est pourquoi, composant la ligne AP de cette somme égale à v, dont toutes les quantités sont connues, et tirant du point P ainsi trouvé, une ligne droite vers C, elle y coupe la courbe CE à angles droits ; qui est ce qu’il fallait faire. Et je ne vois rien qui empêche qu’on n’étende ce problème en même façon à toutes les lignes courbes qui tombent sous quelque calcul géométrique.

Même il est à remarquer, touchant la dernière somme, qu’on prend à discrétion pour remplir le nombre des dimensions de l’autre somme lorsqu’il y en manque, comme nous avons pris tantôt

y4 + fy3 + g2y2 + h3y + k4

que les signes + et - y peuvent être supposés tels qu’on veut, sans que la ligne v ou AP se trouve diverse pour cela, comme vous pourrez aisément voir par expérience : car s’il fallait que je m’arrêtasse à
350-352.
423
La Géométrie. — Livre II.

démontrer tous les théorèmes dont je fais quelque mention, je serais contraint d’écrire un volume beaucoup plus gros que je ne désire. Mais je veux bien en passant vous avertir que l’invention de supposer deux équations de même forme, pour comparer séparément tous les termes de l’une à ceux de l’autre, et ainsi en faire naître plusieurs d’une seule, dont vous avez vu ici un exemple, peut servir à une infinité d’autres problèmes, et n’est pas l’une des moindres de la méthode dont je me sers.

Je n’ajoute point les constructions par lesquelles on peut décrire les contingentes ou les perpendiculaires cherchées, ensuite du calcul que je viens d’expliquer, à cause qu’il est toujours aisé de les trouver, bien que souvent on ait besoin d’un peu d’adresse pour les rendre courtes et simples.


Exemple de la construction de ce problème en la conchoïde

Comme par exemple, si DC est la première conchoïde des anciens[28], dont A soit le pôle et BH la règle, en sorte que toutes les lignes droites qui regardent vers A, et sont comprises entre la courbe CD et la droite BH, comme DB et CE, soient égales, et qu’on veuille trouver la ligne CG qui la coupe au point C à angles droits, on pourrait, en cherchant dans la ligne BH le point par où cette ligne CG doit passer, selon la méthode ici expliquée, s’engager dans un
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352-353.
Œuvres de Descartes.

calcul autant ou plus long qu’aucun des précédents. Et toutefois la construction qui devrait après en être déduite est fort simple. Car il ne faut que prendre CF en la ligne droite CA, et la faire égale à CH qui est perpendiculaire sur HB ; puis du point F tirer FG parallèle à BA et égale à EA ; au moyen de quoi on a le point G, par lequel doit passer CG la ligne cherchée.


Explication de quatre nouveaux genres d’ovales qui servent à l’optique

Au reste, afin que vous sachiez que la considération des lignes courbes ici proposée n’est pas sans usage, et qu’elles ont diverses propriétés qui ne cèdent en rien à celles des sections coniques, je veux encore ajouter ici l’explication de certaines ovales que vous verrez être très utiles pour la théorie de la catoptrique et de la dioptrique. Voici la façon dont je les décris :

Premièrement, ayant tiré les lignes droites FA et AR, qui s’entrecoupent au point A, sans qu’il importe à quels angles, je prends en l’une le point F à discrétion, c’est-à-dire plus ou moins éloigné du point A, selon que

je veux faire ces Ovales plus ou moins
353.
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La Géométrie. — Livre II.

grandes, et de ce point F, comme centre, je décris un cercle qui passe quelque peu au-delà du point A, comme par le point 5. Puis de ce point 5 je tire la ligne droite 56, qui coupe l’autre au point 6, en sorte que A6 soit moindre que A5 selon telle proportion donnée qu’on veut, à savoir selon celle qui mesure les réfractions si on s’en veut servir pour la dioptrique. Après cela je prends aussi le point G en la ligne FA du côté où est le point 5, à discrétion, c’est-à-dire en faisant que les lignes AF et GA ont entre elles telle proportion donnée qu’on veut. Puis je fais RA égale à GA en la ligne A6, et du centre G décrivant un cercle dont le rayon soit égal à R6, il coupe l’autre cercle de part et d’autre au point 1, qui est l’un de ceux par où doit passer la première des ovales cherchées. Puis derechef du centre F je décris un cercle qui passe un peu au-deçà ou au-delà du point 5, comme par le point 7, et ayant tiré la ligne droite 78 parallèle à 56, du centre G je décris un autre cercle dont le rayon est égal à la ligne R8 ; et ce cercle coupe celui qui passe par le point 7 au point 1, qui est encore l’un de ceux de la même ovale ; et ainsi on en peut trouver autant d’autres qu’on voudra, en tirant derechef d’autres lignes parallèles à 78, et d’autres cercles des centres F et G.

Pour la seconde ovale[29], il n’y a point de différence, sinon qu’au lieu de AR, il faut de l’autre côté du point A prendre AS égal à AG, et que le rayon du cercle décrit du centre G, pour couper celui qui est décrit du centre F et qui passe par le point 5, soit
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353-355.
Œuvres de Descartes.
.

égal à la ligne S6, ou qu’il soit égal à S8, si c’est pour couper celui qui passe par le point 7, et ainsi des autres ; au moyen de quoi ces cercles s’entre-coupent aux points marqués 2, 2, qui sont ceux de cette seconde ovale A2X.


Pour la troisième et la quatrième, au lieu de la ligne AG il faut prendre AH de l’autre côté du point A, à savoir du même qu’est le point F ; et il y a ici de plus à observer que cette ligne AH doit être plus grande que AF, laquelle peut même être nulle, en sorte que le point F se rencontre où est le point A en la description de toutes ces ovales. Après cela les lignes AR et AS étant égales à AH, pour décrire la troisième ovale A3Y, je fais un cercle du centre H, dont le rayon est égal à S6, qui coupe au point 3 celui du centre F, qui passe par le point 5 ; et un autre dont le rayon est égal à S8, qui coupe celui qui
355-356.
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La Géométrie. — Livre II.

passe par le point 7 au point aussi marqué 3, et ainsi des autres. Enfin, pour la dernière ovale, je fais des cercles du centre H, dont les rayons sont égaux aux lignes R6, R8, et semblables, qui coupent les autres cercles aux points marqués 4.

On pourrait encore trouver une infinité d’autres moyens pour décrire ces mêmes ovales ; comme par exemple, on peut tracer la première AV, lorsqu’on suppose les lignes FA et AG être égales, si on divise
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356-357.
Œuvres de Descartes.

la toute FG au point L, en sorte que FL soit à LG comme A5 à A6, c’est-à-dire qu’elles aient la proportion qui mesure les réfractions. Puis ayant divisé AL en deux parties égales au point K, qu’on fasse tourner une règle comme EF autour du point F, en pressant du doigt G la corde EC, qui étant attachée au bout de cette règle vers E, se replie de C vers K, puis de K derechef vers C, et de C vers G, où son autre bout soit attaché, en sorte que la longueur de cette corde soit composée de celle des lignes GA, plus AL, plus FE, moins AF ; et ce sera le mouvement du point C qui décrira cette ovale, à l’imitation de ce qui a été dit en la Dioptrique de l’ellipse et de l’hyperbole; mais je ne veux point m’arrêter plus longtemps sur ce sujet.


Or, encore que toutes ces ovales semblent être quasi[-ment] de même nature, elles sont néanmoins de quatre divers genres, chacun desquels contient sous soi une infinité d’autres genres, qui derechef contiennent chacun autant de diverses espèces que fait le genre des ellipses ou celui des hyperboles ; car selon que la proportion qui est entre les lignes A5, A6, ou sem
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La Géométrie. — Livre II.

blables, est différente, le genre subalterne de ces ovales est différent ; puis selon que la proportion qui est entre les lignes AF, et AG, ou AH est changée, les ovales de chaque genre subalterne changent d’espèce ; et selon que AG ou AH est plus ou moins grande, elles sont diverses en grandeur ; et si les lignes A5 et A6 sont égales, au lieu des ovales du premier genre ou du troisième, on ne décrit que des lignes droites ; mais au lieu de celles du second on a toutes les hyperboles possibles, et au lieu de celles du dernier toutes les ellipses.


Les propriétés de ces ovales touchant les réflexions et les réfractions.

Outre cela, en chacune de ces ovales il faut considérer deux parties qui ont diverses propriétés ; à savoir en la première, la partie qui est vers A, fait que les rayons qui étant dans l’air viennent du point F, se retournent tous vers le point G, lorsqu’ils rencontrent la superficie convexe d’un verre dont la superficie est 1A1, et dans lequel les réfractions se font telles que, suivant ce qui a été dit en la Dioptrique, elles peuvent toutes être mesurées par la proportion qui est entre les lignes A5 et A6 ou semblables, par l’aide desquelles on a décrit cette ovale.
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358-359.
Œuvres de Descartes.

Mais la partie qui est vers V fait que les rayons qui viennent du point G se réfléchiraient tous vers F, s’ils y rencontraient la superficie concave d’un miroir dont la figure fût 1V1, et qui fût de telle matière qu’il diminuât la force de ces rayons, selon la proportion qui est entre les lignes A5 et A6 ; car de ce qui a été démontré en la Dioptrique, il est évident que, cela posé, les angles de la réflexion seraient inégaux, aussi bien que sont ceux de la réfraction, et pourraient être mesurés en même sorte.


En la seconde ovale la partie 2A2 sert encore pour les réflexions dont on suppose les angles être inégaux, car étant en la superficie d’un miroir composé de même matière que le précédent, elle ferait tellement réfléchir tous les rayons qui viendraient du point G, qu’ils sembleraient après être réfléchis venir du point F. Et il est à remarquer qu’ayant fait la ligne AG beaucoup plus grande que AF, ce miroir serait convexe au milieu vers A, et concave aux extrémités ; car telle est la figure de cette ligne, qui en cela représente plutôt un cœur qu’une ovale.

Mais son autre partie X2 sert pour les réfractions, et fait que les rayons qui étant dans l’air tendent vers F, se détournent vers G en traversant la superficie d’un verre qui en ait la figure.

La troisième ovale sert toute aux réfractions, et fait que les rayons qui étant dans l’air tendent vers F, se vont rendre vers H dans le verre, après qu’ils ont traversé sa superficie dont la figure est A3Y3, qui est
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La Géométrie. — Livre II.

convexe partout, excepté vers A où elle est un peu concave, en sorte qu’elle a la figure d’un cœur aussi bien que la précédente; et la différence qui est entre les deux parties de cette ovale consiste en ce que le point F est plus proche de l’une que n’est le point H, et qu’il est plus éloigné de l’autre que ce même point H.

En même façon la dernière ovale sert toute aux réflexions, et fait que si les rayons qui viennent du point H rencontraient la superficie concave d’un miroir de même matière que les précédents, et dont la figure fût A4Z4, ils se réfléchiraient tous vers F.

De façon qu’on peut nommer les points F et G ou H les points brûlants de ces ovales, à l’exemple de ceux des ellipses et des hyperboles, qui ont été ainsi nommés en la Dioptrique.


Démonstration de ces propriétés de ces ovales touchant les réflexions et les réfractions.

J’omets quantité d’autres réfractions et réflexions qui sont réglées par ces mêmes ovales, car n’étant que les converses ou les contraires de celles-ci, elles en peuvent

facilement être déduites. Mais il ne faut pas que j’omette la démonstration de ce que j’ai dit ; et à cet effet prenons, par exemple le point C, à discrétion en la première partie de la première de ces ovales ; puis tirons la ligne droite CP, qui coupe la courbe au point C à angles droits, ce qui est facile par le problème précédent. Car prenant b pour AG,
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360-361.
Œuvres de Descartes.

c pour AF, c + z pour FC et supposant que la proportion qui est entre d et e, que je prendrai ici toujours pour celle qui mesure les réfractions du verre proposé, désigne aussi celle qui est entre les lignes A5, et A6, ou semblables, qui ont servi pour décrire cette ovale, ce qui donne pour GC : on trouve que la ligne AP est

ainsi qu’il a été montré ci-dessus[30].

De plus du point P ayant tiré PQ à angles droits sur la droite FC, et PN aussi à angles droits sur GC Considérons que si PQ est à PN, comme d est à e, c’est-à-dire, comme les lignes qui mesurent les réfractions du verre convexe AC, le rayon qui vient du point F au point C, doit tellement s’y courber en entrant dans ce verre, qu’il s’aille rendre après vers G : ainsi qu’il est très évident de ce qui a été dit en la Dioptrique. Puis enfin voyons par le calcul, s’il est vrai, que PQ soit à PN ; comme d est à e. Les triangles rectangles PQF et CMF sont semblables ; d’où il suit que CF est à CM, comme FP est à PQ ; et par conséquent que FP, étant multipliée par CM, et divisée par CF, est égale à PQ. Tout de même les triangles rectangles PNG, et CMG sont semblables; d’où il suit que GP, multipliée par CM, et divisée par CG, est égale à PN. Puis à cause que les multiplications, ou divisions, qui se font de deux quantités par une même, ne changent point la
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433
La Géométrie - Livre II.

proportion qui est entre elles ; si FP multipliée par CM ; et divisée par CF, est à GP multipliée aussi par CM et divisée par CG ; comme d est à e, en divisant l’une et l’autre de ces deux sommes par CM, puis les multipliant toutes deux par CF, et derechef par CG, il reste FP multipliée par CG, qui doit être à GP multipliée par CF, comme d est à e.

Or par la construction FP est

Ou blen

FP =

et CG est

si bien que multipliant FP par CG il vient

Puis GP est

ou bien

GP =

et CF est c + z

Si bien que multipliant GP par CF, il vient

Et pourceque la première de ces sommes divisée par d, est la même que la seconde divisée par e, il est manifeste, que FP multipliée par CG est à GP multipliée par CF ; c’est-à-dire que PQ est à PN, comme d est à e, qui est tout ce qu’il fallait démontrer.

Et sachez que cette même démonstration s’étend à tout ce qui a été dit des autres réfractions ou réflexions, qui se font dans les ovales proposées sans
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362-363
Œuvres de Descartes.

qu’il y faille changer aucune chose, que les signes + et - du calcul, c’est pourquoi chacun les peut aisément examiner de soi-même, sans qu’il soit besoin que je m’y arête.


Mais il faut maintenant que je satisfasse à ce que j’ai omis en la Dioptrique, lorsqu’après avoir remarqué qu’il peut y avoir des verres de plusieurs diverses figures qui fassent aussi bien l’un que l’autre que les rayons venant d’un même point de l’objet s’assemblent tous en un autre point après les avoir traversés ; et qu’entre ces verres, ceux qui sont fort convexes d’un côté et concaves de l’autre ont plus de force pour brûler que ceux qui sont également convexes des deux côtés ; au lieu que tout au contraire ces derniers sont les meilleurs pour les lunettes. Je me suis contenté d’expliquer ceux que j’ai cru être les meilleurs pour la pratique, en supposant la difficulté que les artisans peuvent avoir à les tailler. C’est pourquoi, afin qu’il ne reste rien à souhaiter touchant la théorie de cette science, je dois expliquer encore ici la figure des verres qui, ayant l’une de leurs superficies autant convexe ou concave qu’on voudra, ne laissent pas de faire que tous les rayons qui viennent vers eux d’un même point, ou parallèles, s’assemblent après en un même point ; et celles des verres qui font le semblable, étant également convexes des deux côtés, ou bien la convexité de l’une de leurs superficies ayant la proportion donnée à celle de l’autre.

Comment on en peut faire un qui fasse le même, et que la convexité de l’une de ses superficies ait la proportion donnée avec la convexité ou, concavité de l’autre

Posons pour le premier cas, que les points G, Y, C et F étant donnés, les rayons qui viennent du point G ou bien qui sont parallèles à GA se doivent assembler
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435
La Géométrie - Livre II.

au point F, après avoir traversé un verre si concave, que Y étant le milieu de sa superficie intérieure, l’extrémité en soit au point C, en sorte que la corde CMC et la flèche YM de l’arc CYC sont données. La question va là, que premièrement il faut considérer de laquelle des ovales expliquées, la superficie du verre YG doit avoir la figure, pour faire que tous les rayons qui étant dedans tendent vers un même point, comme vers H, qui n’est pas encore connu, s’aillent rendre vers un autre, à savoir vers F, après en être sortis. Car il n’y a aucun effet touchant le rapport des rayons, changé par réflexion ou réfraction d’un point à un autre, qui ne puisse être causé par quelqu’une de ces ovales ; et on voit aisément que celui-ci le peut être par la partie de la troisième ovale qui a tantôt été marquée 3A3, ou par celle de la même qui a été marquée 3Y3, ou enfin par la partie de la seconde qui a été marquée 2X2. Et pourceque ces trois tombent ici sous même calcul, on doit, tant pour l’une que pour l’autre, prendre Y pour

leur sommet, C pour l’un des points de leur circonférence, et F pour l’un de leurs points brûlants ; après quoi il ne reste plus à chercher que le point H qui doit être l’autre point brûlant. Et on le trouve en considérant que la différence qui est entre les lignes FY et FC doit être à celle qui est entre les lignes HY
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364-365
Œuvres de Descartes.

et HC comme d est à e, c’est-à-dire comme la plus grande des lignes qui mesurent les réfractions du verre proposé est à la moindre, ainsi qu’on peut voir manifestement de la description de ces ovales. Et pourceque les lignes FY et FC sont données, leur différence l’est aussi, et ensuite celle qui est entre HY et HC, pourceque la proportion qui est entre ces deux différences est donnée. Et de plus, à cause que YM est donnée, la différence qui est entre MH et HG l’est aussi ; et enfin pourceque CM est donnée, il ne reste plus qu’à trouver MH le côté du triangle rectangle CMH dont on a l’autre côté CM, et on a aussi la différence qui est entre CH la base et MH le côté demandé ; d’où il est aisé de le trouver : car si on prend k pour l’excès de GH sur MH, et n pour la longueur de la ligne CM, on aura pour MH. Et après avoir ainsi le point H, s’il se trouve plus loin du point Y,

que n’en est le point F, la ligne CY doit être la première partie de l’ovale du troisième genre, qui a tantôt été nommée 3A3. Mais si HY est moindre que FY: ou bien elle surpasse HF de tant, que leur différence est plus grande à raison de la toute FY, que n’est e la moindre des lignes qui mesurent les réfractions comparée avec d la plus grande, c’est-à-dire que faisant HF = c, et HY = c + h, dh est plus grande que 2ce + eh, et lors CY doit être la seconde partie de la même ovale du troisième genre, qui a tantôt été nommée 3Y3 : ou bien dh est égale ou moindre que 2ce + eh, et lors CY doit être la
365-366
437
La Géométrie - Livre II.

seconde partie de l’ovale du second genre, qui a ci-dessus été nommée 2X2 : et enfin si le point H est le même que le point F, ce qui n’arrive que lorsque FY et FC sont égales, cette ligne YC est un cercle.

Après cela il faut chercher CAC l’autre superficie de ce verre, qui doit être une ellipse dont H soit le point brûlant, si on suppose que les rayons qui tombent dessus soient parallèles ; et lors il est aisé de la trouver. Mais si on suppose qu’ils viennent du point G, ce doit être la première partie d’une ovale du premier genre dont les deux points brûlants soient G et H, et qui passe par le point C ; d’où on trouve le point A pour le sommet de cette ovale, en considérant que GC doit être plus grande que GA d’une quantité qui soit à celle dont HA surpasse HC, comme d à e ; car ayant pris k pour la différence qui est entre CH et HM, si on suppose x pour AM, on aura x - k pour la différence qui est entre AH et CH ; puis si on prend g pour celle qui est entre GC et GM qui sont données, on aura g + x pour celle qui est entre GG, et GA ; et pour cette dernière g + x est à l’autre x - k comme d est à e,
on a

ou bien pour la ligne x, ou AM, par laquelle on détermine le point A qui était cherché.


Comment on en peut faire un qui fasse le même, et que la convexité de l’une de ses superficies ait la proportion donnée avec la convexité ou, concavité de l’autre.

Posons maintenant pour l’autre cas, qu’on ne donne que les points G, C et F, avec la proportion qui est
438
366-367
Œuvres de Descartes.

est entre les lignes AM et YM, et qu’il faille trouver la figure du verre ACY qui fasse que tous les rayons qui viennent du point G s’assemblent au point F.

On peut derechef ici se servir de deux ovales dont l’une AG ait G et H pour ses points brûlants, et l’autre CY ait F et H pour les siens. Et pour les trouver, premièrement, supposant le point H, qui est commun à toutes deux, être connu, je cherche AM par les trois points G, C, H, en la façon tout maintenant expliquée, à savoir, prenant k pour la différence qui est entre CH et HM, et g pour celle qui est entre GC et GM, et AG étant la première partie de l’ovale du premier genre, j’ai pour AM ; puis je cherche aussi MY par les trois points F, C, H, en sorte que CY soit la première partie d’une ovale du troisième genre ; et prenant y pour MY,

et f pour la différence qui est entre CF et FM, j’ai f + y pour celle qui est entre CF et FY; puis ayant déjà k pour celle qui est entre CH et HM, j’ai k + y pour celle qui est entre CH et HY, que je sais devoir être à f + y comme e est à d, à cause de l’ovale du troisième genre, d’où je trouve que y ou MY est  ; puis joignant ensemble les deux quantités trouvées pour AM et MY, je trouve pour la toute AY : d’où il suit que, de quelque côté que soit supposé le point H, cette ligne AY est tou
367-368
439
La Géométrie - Livre II.

toujours composée d’une quantité qui est à celle dont les deux ensemble GC et CF surpassent la toute GF, comme e, la moindre des deux lignes qui servent à mesurer les réfractions du verre proposé, est à d - e la différence qui est entre ces deux lignes, ce qui est un assez beau théorème. Or, ayant ainsi la toute AY, il la faut couper selon la proportion que doivent avoir ses parties AM et MY; au moyen de quoi, pourcequ’on a déjà le point M, on trouve aussi les points A et Y, et ensuite le point H par le problème précédent. Mais auparavant il faut regarder si la ligne AM ainsi trouvée est plus grande que , ou plus petite, ou égale. Car si elle est plus grande, on apprend de là que la courbe AC doit être la première partie d’une ovale du premier genre, et CY la première d’une du troisième, ainsi qu’elles ont été ici supposées ; au lieu que si elle est plus petite, cela montre que c’est GY qui doit être la première partie d’une ovale du premier genre, et que AC doit être la première d’une du troisième; enfin si AM est égale à , les deux courbes AC et CY doivent être deux hyperboles.

On pourrait étendre ces deux problèmes à une infinité d’autres cas que je ne m’arrête pas à déduire, à cause qu’ils n’ont eu aucun usage en la dioptrique.

On pourrait aussi passer outre et dire, lorsque l’une des superficies du verre est donnée, pourvu qu’elle ne soit que toute plate, ou composée de sections coniques ou de cercles, comment on doit faire son autre superficie, afin qu’il transmette tous les rayons d’un point donné à un autre point aussi donné. Car ce n’est rien
440
368-369
Œuvres de Descartes.

de plus difficile que ce que je viens d’expliquer, ou plutôt c’est chose beaucoup plus facile à cause que le chemin en est ouvert.

Mais j’aime mieux que d’autres le cherchent, afin que s’ils ont encore un peu de peine à le trouver, cela leur fasse d’autant plus estimer l’invention des choses qui sont ici démontrées.


Comment on peut rapporter tout ce qui a été dit des lignes courbes décrites sur une superficie plate, à celles qui se décrivent dans un espace qui a trois dimensions ou bien sur une superficie courbe

Au reste je n’ai parlé en tout ceci que des lignes courbes qu’on peut décrire sur une superficie plate, mais il est aisé de rapporter ce que j’en ai dit à toutes celles qu’on saurait imaginer être formées par le mouvement régulier des points de quelque corps dans un espace qui a trois dimensions : à savoir, en tirant deux perpendiculaires de chacun des points de la ligne courbe qu’on veut considérer, sur deux plans qui s’entre-coupent à angles droits, l’une sur l’un et l’autre sur l’autre. Car les extrémités de ces perpendiculaires décrivent deux autres lignes courbes, une sur chacun de ces plans, desquelles on peut en la façon ci-dessus expliquée déterminer tous

les points et les rapporter à ceux de la ligne droite qui est commune à ces deux plans, au moyen de quoi ceux de la courbe qui a trois dimensions sont entièrement déterminés. Même si on veut tirer une ligne droite qui coupe cette courbe au point donné à angles droits, il faut seulement tirer deux autres lignes droites dans les deux plans, une en chacun, qui coupent à angles droits les deux lignes courbes qui y sont aux deux points où tombent les perpendiculaires qui viennent de ce point donné. Car ayant élevé deux autres plans, un sur chacune de ces lignes droites, qui coupe à angles droits le plan où elle est, on aura l’intersection de ces deux plans
369
441
La Géométrie - Livre II.

plans pour la ligne droite cherchée. Et ainsi je pense n’avoir rien omis des éléments qui sont nécessaires pour la connaissance des lignes courbes.


L’alinéa qui précède est, dans la Géométrie de Descartes, le seul endroit où il aborde réellement un problème concernant les trois dimensions. Or précisément, la solution qu’il indique est erronée, et il est singulier qu’aucun de ses contemporains ne l’ait remarqué. Non seulement, en un point donné d’une courbe gauche, il y a une infinité de normales situées dans un même plan ; mais encore la droite construite par Descartes ne peut être normale que dans des cas très particuliers, comme on le voit aisément si, au lieu d’une courbe, on considère une droite dans l’espace et ses projections sur deux plans rectangulaires.

La théorie des ovales (pp. 424-431 ci-avant) fera l’objet d’une Note dans le volume des Œuvres contenant les écrits posthumes.

Quant à l’élégante construction de la normale à la conchoïde (pp. 423-424), elle a récemment été l’objet d’une remarquable divination de M. Zeuthen {Nyt Tidsskrift for Matematik de C. Juel et V. Trier, Copenhague, 1900, pp. 49-58).

Cette normale est la diagonale d’un parallélogramme dont les côtés, dirigés suivant le rayon vecteur CA et la perpendiculaire CH à la droite fixe BH, sont inversement proportionnels aux vitesses de variation (ou aux différentielles) de AC et de CH. On a, en effet, aisément : (AC — EC) CH = EC . AB ; d’où

.
==
La Géométrie
==


LIVRE TROISIÈME.


De la construction des problèmes qui sont solides, ou plus que solides


De quelles lignes courbes on peut se servir en la construction de chaque problème.

Encore que toutes les lignes courbes qui peuvent être décrites par quelque mouvement régulier doivent être reçues en la géométrie, ce n’est pas à dire qu’il soit permis de se servir indifféremment de la première qui se rencontre pour la construction de chaque problème, mais il faut avoir soin de choisir toujours la plus simple par laquelle il soit possible de le résoudre. Et même il est à remarquer que par les plus simples on ne doit pas seulement entendre celles qui peuvent le plus aisément être décrites, ni celles qui rendent la construction ou la démonstration du problème proposée plus facile, mais principalement celles qui sont du plus simple genre qui puisse servir à déterminer la quantité qui est cherchée.


Exemple touchant l’invention de plusieurs moyennes proportionnelles.

Comme, par exemple, je ne crois pas qu’il y ait aucune façon plus facile pour trouver autant de moyennes proportionnelles qu’on veut, ni dont la
370-371.
443
La Géométrie. — Livre III.

démonstration soit plus évidente, que d’y employer les lignes courbes qui se décrivent par l’instrument XYZ ci-dessus expliqué. Car, voulant trouver deux moyennes proportionnelles entre YA et YE, il ne faut que décrire un cercle dont le diamètre soit YE, et pource que ce cercle coupe la courbe AD au point D,


YD est l’une des moyennes proportionnelles cherchées, dont la démonstration se voit à l’œil par la seule application de cet instrument sur la ligne YD ; car, comme YA ou YB, qui lui est égale, est à YC, ainsi YC est à YD, et YD à YE.

Tout de même pour trouver quatre moyennes proportionnelles entre YA et YG, ou pour en trouver six entre YA et YN, il ne faut que tracer le cercle YFG qui, coupant AF au point F, détermine la ligne droite YF qui est l’une de ces quatre proportionnelles; ou YHN qui, coupant AH au point H, détermine YH l’une des six; et ainsi des autres.

Mais pourceque la ligne courbe AD est du second
444
371-372.
Œuvres de Descartes.

genre, et qu’on peut trouver deux moyennes proportionnelles par les sections coniques qui sont du premier ; et aussi pourcequ’on peut trouver quatre ou six moyennes proportionnelles par des lignes qui ne sont pas de genres si composés que sont AF et AH, ce serait une faute en géométrie que de les y employer. Et c’est une faute aussi, d’autre côté, de se travailler inutilement à vouloir construire quelque problème par un genre de lignes plus simple que sa nature ne permet.


De la nature des équations.

Or, afin que je puisse ici donner quelques règles pour éviter l’une et l’autre de ces deux fautes, il faut que je dise quelque chose en général de la nature des équations, c’est-à-dire des sommes composées de plusieurs termes partie connus, et partie inconnus, dont les uns sont égaux aux autres, ou plutôt qui, considérés tous ensemble, sont égaux à rien : car ce sera souvent le meilleur de les considérer en cette sorte.

Combien il peut y avoir de racines en chaque équation.

Sachez donc qu’en chaque équation, autant que la quantité inconnue a de dimensions, autant peut-il y avoir de diverses racines, c’est-à-dire de valeurs de cette quantité ; car, par exemple, si on suppose x égale à 2, ou chaque bien x - 2 égal à rien; et derechef x = 3, ou bien x – 3 = 0; en multipliant ces deux équations

x - 2 = 0, et x - 3 = 0,

l’une par l’autre, on aura

x2 - 5x + 6 = 0,

ou bien

x2 = 5x - 6,
qui est une équation en laquelle la quantité x vaut 2 et tout ensemble vaut 3. Que si derechef on fait
372-373.
445
La Géométrie. — Livre III.
x – 4 = 0,

et qu’on multiplie cette somme par

x2 - 5x + 6 = 0,

on aura

x3 - 9x2 + 26x – 24 = 0,

qui est une autre équation en laquelle x, ayant trois dimensions, a aussi trois valeurs, qui sont 2, 3 et 4.


Quelles sont les fausses racines.

Mais souvent il arrive que quelques-unes de ces racines soient fausses ou moindres que rien ; comme si on suppose que x désigne aussi le défaut d’une quantité qui soit 5, on a

x + 5 = 0,

qui, étant multiplié par

x3 - 9x2 + 26x – 24 = 0,

fait

x4 - 4x3 – 19x2 + 106x - 120 = 0

pour une équation en laquelle il y a quatre racines, à savoir trois vraies qui sont 2, 3, 4, et une fausse qui est 5.


Comment on peut diminuer le nombre des dimensions d’une équation, lorsqu’on connaît quelqu’une de ses racines.

Et on voit évidemment de ceci que la somme d’une équation qui contient plusieurs racines peut toujours être divisée par un binôme composé de la quantité inconnue moins la valeur de l’une des vraies racines, laquelle que ce soit, ou plus la valeur de l’une des fausses ; au moyen de quoi on diminue d’autant ses dimensions.


Comment on peut examiner si quelque quantité donnée est la valeur d’une racine

Et réciproquement que si la somme d’une équation ne peut être divisée par un binôme composé de la quantité inconnue + ou - quelque autre quantité, cela témoigne que cette autre quantité n’est la valeur d’aucune de ses racines. Comme cette dernière

x4 - 4x3 – 19x2 + 106x – 120 = 0
peut bien être divisée, par x - 2, et par x - 3, et par
446
373-374.
Œuvres de Descartes.

x - 4, et par x + 5 ; mais non point par x + ou - aucune autre quantité. Ce qui montre qu’elle ne peut avoir que les quatre racines 2, 3, 4, et 5.


Combien il peut y avoir de vraies racines dans chaque équation.

On connaît aussi de ceci combien il peut y avoir de vraies racines, et combien de fausses en chaque Équation. À savoir il y en peut avoir autant de vraies, que les signes + et - s’y trouvent de fois être changés ; et autant de fausses qu’il s’y trouve de fois deux signes + ou deux signes - qui s’entresuivent. Comme en la dernière, à cause qu’après + x4 il y a - 4x3, qui est un changement du signe + en -, et après –19x2 il y a +106x, et après +106x il y a –120 qui sont encore deux autres changements, on connaît qu’il y a trois vraies racines ; et une fausse, à cause que les deux signes -, de 4x3 et 19x2 s’entresuivent.


Comment on fait que les fausses racines deviennent vraies, et les vraies fausses.

De plus il est aisé de faire en une même Équation, que toutes les racines qui étaient fausses deviennent vraies, et par même moyen que toutes celles qui étaient vraies deviennent fausses : à savoir en changeant tous les signes + ou - qui sont en la seconde, en la quatrième, en la sixième ou autres places qui se désignent par les nombres pairs, sans changer ceux de la première, de la troisième, de la cinquième et semblables qui se désignent par les nombres impairs. Comme si au lieu de

+ x4 - 4x3 – 19x2 + 106x – 120 = 0

on écrit

+ x4 + 4x3 – 19x2 - 106x – 120 = 0

on a une Équation en laquelle il n’y a qu’une vraie racine, qui est 5, et trois fausses qui sont 2, 3 et 4.


Comment on peut augmenter ou diminuer les racines d’une équation sans les connaître

Que si sans connaître la valeur des racines d’une Équation, on la veut augmenter, ou diminuer de quelque quantité connue, il ne faut qu’au lieu du terme inconnu en supposer un autre, qui soit plus ou moins grand de cette même quantité, et le substituer partout en la place du premier.

Comme si on veut augmenter de 3 la racine de cette Équation
x4 + 4x3 – 19x2 -106x – 120 = 0 il faut prendre y au lieu d’ x, et penser que cette quantité y est plus grande qu’ x de 3, en forte que y - 3 est égal à x, et au lieu d’ x2, i1 faut mettre le carré d’ y - 3 qui est y2 - 6y + 9 et au lieu d’ x3 il faut mettre son cube qui est y3 - 9y2 + 27y - 27, et enfin au lieu d’ x4 il faut mettre son carré de carré qui est y4 – 12y3 + 54y2 – 108y + 81. Et ainsi décrivant la somme précédente en substituant par tout y au lieu d’ x on a

y4 - 12y3 + 54y2 - 108y + 81  
  + 4y3 - 36y2 + 108y - 108  
    - 19y2 + 114y - 171  
      - 106y + 318  
        - 120  
---- ---- ---- ---- ----  
y4 - 8y3 - y2 + 8y * [31] = 0

ou bien y3 – 8y2 - y + 8 = 0,

où la vraie racine qui était 5 est maintenant 8, à cause du nombre trois qui lui est ajouté.
448
375.
Œuvres de Descartes.

Que si on veut au contraire diminuer de trois la racine de cette même Équation , il faut faire y + 3 = x et y2 + 6y + 9 = x2 et ainsi des autres de façon qu’au lieu de

x4 + 4x3 – 19x2 -106x – 120 = 0

on met

y4 + 12y3 + 54y2 + 108y + 81  
  + 4y3 + 36y2 + 108y + 108  
    - 19y2 - 114y - 171  
      - 106y - 318  
        - 120  
---- ---- ---- ---- ----  
y4 + 16y3 + 71y2 - 4y - 420 = 0


Qu’en augmentant ainsi les vraies racines on diminue les fausses, ou au contraire.

Et il est à remarquer qu’en augmentant les vraies racines d’une Équation, on diminue les fausses de la même quantité ; ou au contraire en diminuant les vraies, on augmente les fausses. Et que si on diminue soit les unes soit les autres, d’une quantité qui leur soit égale, elles deviennent nulles, et que si c’est d’une quantité qui les surpasse, de vraies elles deviennent fausses, ou de fausses vraies. Comme ici en augmentant de 3 la vraie racine qui était 5, on a diminué de 3 chacune des fausses , en sorte que celle qui était 4 n’est plus que 1, et celle qui était 3 est nulle, et celle qui était 2 est devenue vraie et est 1, à cause que - 2 + 3 fait + 1. C’est pourquoi en cette Équation y3 – 8y2 - y + 8 = 0

il n’y a plus que 3 racines, entre lesquelles il y en a
375-376
449
La Géométrie. — Livre III.

deux qui sont vraies, 1 et 8, et une fausse qui est aussi 1.

Et en cette autre

y4 + 16y3 + 71y2 - 4y – 420 = 0

il n’y en a qu’une vraie qui est 2, à cause que + 5 - 3 fait + 2, et trois fausses qui sont 5, 6 et 7.

Comment on peut ôter le second terme d’une équation.

Or par cette façon de changer la valeur des racines sans les connaître, on peut faire deux choses, qui auront ci-après quelque usage : la première est qu’on peut toujours ôter le second terme de l’Équation qu’on examine, à savoir en diminuant les vraies racines, de la quantité connue de ce second terme divisée par le nombre des dimensions du premier, si l’un de ces deux termes étant marqué du signe +, l’autre est marqué du signe - ; ou bien en l’augmentant de la même quantité, s’ils ont tous deux le signe +, ou tous deux le signe -. Comme pour ôter le second terme de la dernière Équation qui est

y4 + 16y3 + 71y2 - 4y – 420 = 0

ayant divisé 16 par 4, à cause des 4 dimensions du terme y4 , il vient derechef 4, c’est pourquoi je fais z - 4 = y, et j’écris

z4 - 16z3 + 96z2 - 256z + 256  
  + 16z3 - 192z2 + 768z - 1024  
    + 71z2 - 568z + 1136  
      - 4z + 16  
        - 420  
___ ______ _______ _______ ______  
z4 * - 25z2 - 60 z - 36 = 0


où la vraie racine qui était 2 est 6, à cause qu’elle
450
376-377.
Œuvres de Descartes.

est augmentée de 4 ; et les fausses qui étaient 5, 6, et 7, ne sont plus que 1, 2 et 3 ; à cause qu’elles sont diminuées chacune de 4.

Tout de même si on veut ôter le second terme de

x4 - 2ax3 + (2a2 - c2)x2 -2a3x + a4 = 0,

pourceque divisant 2a par 4 il vient il faut faire et écrire

z4 + 2 az3 + 3/2a2z2 + 1/3a3z + 1/16a4  
  - 2 az3 - 3a2z2 - 3/2a3z + 1/4a4  
    + 2a2z2 + 2a3z + 1/2a4  
    - c2z2 - 2ac2z - 1/4a2c2  
      - 2a3z’ - a4  
        + a4  
___ ______ __________ ___________ _______________  
z4 * +(1/2a2-c2)z2 -(a3+ac2)z +5/16a4 - 1/4a2c2 =0

et si on trouve après la valeur de z, en lui ajoutant on aura celle de x.

Comment on peut faire que toutes les fausses racines d’une équation deviennent vraies sans que les vraies deviennent fausses.

La seconde chose, qui aura ci-après quelque usage est, qu’on peut toujours en augmentant la valeur des vraies racines, d’une quantité qui soit plus grande que n’est celle d’aucune des fausses, faire qu’elles deviennent toutes vraies, en sorte qu’il n’y ait point deux signes + ou deux signes - qui s’entrent-suivent, et outre cela que la quantité connue du troisième terme soit plus grande que le carré la moitié de celle du second.

Car encore que cela se fasse, lorsque ces fausses racines sont inconnues, il est aisé néanmoins
377-378.
451
La Géométrie. — Livre III.

de juger à peu près de leur grandeur, et de prendre une quantité, qui les surpasse d’autant, ou de plus, qu’il n’est requis à cet effet.

Comme si on a

x6 + nx5 - 6n2x4 + 36n3x3 – 216n4x2 + 1296n5x – 7776n6 = 0 ;

en faisant y - 6n = 0, on trouvera

y6 -36n}y5 +540n2}y4 -4320n3}y3 +19440n4’}’y2 +46656n5}y +46656n6
  + n - 30n2 + 360n3 -2160n4 +6480n5 -7776n6
    - 6n2 + 144n3 -1296n4 +5184n5 -7776n6
      + 36n3 - 648n4 + 3888n5 - 7776n6
        - 216n4 + 2592n5 - 7776n6
          + 1296n5 - 7776n6
            - 7776n6
__ ______ _________ __________ __________ __________ ________
y6 - 35ny5 + 504n2y4 - 3780n3y3 + 15120n4y2 + 27216n5y *     = 0 ;


Où il est manifeste, que 504n2, qui est la quantité connue du troisième terme est plus grande, que le carré de , qui est la moitié de celle du second. Et il n’y a point de cas, pour lequel la quantité, dont on augmente les vraies racines, ait besoin à cet effet d’être plus grande, à proportion de celles qui sont données, que pour celui-ci.


Comment on fait que toutes les places d’une équation soient remplies.


Mais à cause que le dernier terme s’y trouve nul, si on ne désire pas que cela soit, il faut encore augmenter tant soit peu la valeur des racines ; et ce ne saurait être de si peu, que ce ne soit assez pour cet effet. Non plus que lorsqu’on veut accroître le nombre des dimensions de quelque Équation, et faire que toutes les places de ses termes soient remplies. Comme si au lieu de

x5 * * * * - b = 0,

on veut avoir une Équation, en laquelle la quantité inconnue ait six dimensions, et dont aucun des termes ne soit nul, il faut premièrement pour

x5 * * * * - b = 0,
452
378-379.
Œuvres de Descartes.

écrire

x6 * * * * - bx = 0 ;

puis ayant fait y - a = x, on aura


y6 - 6ay5 + 15a2y4 - 20a3y3 + 15a4y2 - (6a5 + b)y + a6 + ab = 0 ;

où il est manifeste que tant petite que la quantité a soit supposée, toutes les places de l’Équation ne laissent pas d’être remplies.


Comment on peut multiplier ou diviser les racines d’une équation.

De plus on peut, sans connaître la valeur des vraies[32] racines d’une Équation, les multiplier ou diviser toutes, par telle quantité connue qu’on veut. Ce qui le fait en supposant que la quantité inconnue étant multipliée, ou divisée, par celle qui doit multiplier ou diviser les racines est égale à quelque autre. Puis multipliant, ou divisant la quantité connue du second terme, par cette même qui doit multiplier, ou diviser les racines, et par son carré, celle du troisième, et par son cube, celle du quatrième, et ainsi jusqu’au dernier.


Comment on réduit les nombres rompus d’une équation à des entiers.

Ce qui peut servir pour réduire à des nombres entiers et rationaux, les fractions, ou souvent aussi les nombres sourds, qui se trouvent dans les termes des équations. Comme si on a

,

et qu’on veuille en avoir une autre en sa place, dont tous les termes s’expriment par des nombres rationaux ; il faut supposer , et multiplier par
379-380.
453
La Géométrie. — Livre III.

la quantité connue du second terme, qui est aussi , et par son carré qui est 3 celle du troisième qui est , et par son cube qui est  ; celle du dernier, qui est . Ce qui fait

y3 – 3 y2 + .

Puis si on en veut avoir encore une autre en la place de celle-ci, dont les quantités connues ne s’expriment que par des nombres entiers ; il faut supposer z = 3y, et multipliant 3 par 3, par 9, et par 27 on trouve

z3 - 9z2 + 26z – 24 = 0,

où les racines étant 2, 3 et 4, on connaît de là que celles de l’autre d’auparavant étaient , 1, et et que celles de la première étaient , et .


Comment on rend la quantité connue de l’un des termes d’une équation égale à telle autre qu’on veut.

Cette opération peut aussi servir pour rendre la quantité connue de quelqu’un des termes de l’équation égale à quelque autre donnée, comme si ayant

x3 - b2x + c3 = 0.

On veut avoir en sa place une autre Équation, en laquelle la quantité connue, du terme qui occupe la troisième place, à savoir celle qui est ici b2,soit 3 a2, il faut supposer

puis écrire .


Que les racines, tant vraies que fausses, peuvent être réelles ou imaginaires.

Au reste tant les vraies racines que les fausses ne sont pas toujours réelles ; mais quelquefois seulement imaginaires c’est-à-dire que l’on peut toujours en imaginer autant que j’ai dit en chaque équation, mais qu’il n’y a quelquefois aucune quantité qui corres
434
380-381.
Œuvres de Descartes.

ponde à celle qu’on imagine. Comme encore qu’on en puisse imaginer trois en celle-ci,

x3 - 6x2 + 13x - 10 = 0,

il n’y en a toutefois qu’une réelle, qui est 2, et pour les deux autres, quoi qu’on les augmente, ou diminue, ou multiplie en la façon que je viens d’expliquer, on ne saurait les rendre autres qu’imaginaires.


La réduction des équations cubiques lorsque le problème est plan.

Or quand pour trouver la construction de quelque problème, on vient à une Équation, en laquelle la quantité inconnue a trois dimensions ; premièrement si les quantités connues, qui y sont, contiennent quelques nombres rompus, il les faut réduire à d’autres entiers, par la multiplication tantôt expliquée ; et s’ils en contiennent de sourds, il faut aussi les réduire à d’autres rationaux, autant qu’il sera possible, tant par cette même multiplication, que par divers autres moyens, qui sont assez faciles à trouver. Puis examinant par ordre toutes les quantités, qui peuvent diviser sans fraction le dernier terme, il faut voir, si quelqu’une d’elles, jointe avec la quantité inconnue par le signe + ou -, peut composer un binôme, qui divise toute la somme ; et si cela est le Problème est plan, c’est-à-dire il peut être construit avec la règle et de compas ; car ou bien la quantité connue de ce binôme est la racine cherchée ; ou bien l’équation étant divisée par lui, se réduit à deux dimensions, en sorte qu’on en peut trouver après la racine, par ce qui a été dit au premier livre.

Par exemple, si on a

y6 – 8y4 – 124y2 – 64 = 0, le dernier terme, qui est 64, peut être divisé sans fraction par 1, 2, 4, 8, 16, 32 et 64. C’est pourquoi il faut examiner par ordre si cette Équation ne peut point être divisée par quelqu’un des binômes, y2 - 1 ou y2 + 1, y2 - 2 ou y2 + 2, y2 -4 etc. et on trouve qu’elle peut l’être par y2 - 16, en cette sorte :

+ y6 – 8y4 – 124y2 – 64 = 0
- y6 – 8y4 – 4y2 _______
_______ _______ _______ - 16
0 – 16y4 – 128y2  
  _______ _______  
  - 16 - 16[33]  
_______ _______ _______ _______
  y4 + 8y2 + 4 = 0.


La façon de diviser une équation par un binôme qui contient sa racine.

Je commence par le dernier terme, et divise -64 par –16 ce qui fait +4, que j’écris dans le quotient, puis je multiplie +4 par +y2, ce qui fait - 4y2 ; c’est pourquoi j’écris –4y2 en la somme, qu’il faut diviser car il y faut toujours écrire le ligne + ou - tout contraire a celui que produit la multiplication et joignant que je divise derechef par - 16,

et j’ai +8y2, pour mettre dans le quotient et en le multipliant par y2, j’ai -8y4, pour joindre avec le terme qu’il faut diviser, qui est aussi - 8y4, et ces deux ensemble font - 16y4, que je divise par -16, ce qui fait +y4 pour le quotient, et -y6 pour joindre avec +y6, ce qui fait 0, et montre que la division est achevée. Mais s’il était resté quelque quantité, ou bien qu’on n’eut pu diviser sans fraction quelqu’un des termes précédents, on eut par là reconnu, quelle ne pouvait être faite.
456
382-383.
Œuvres de Descartes.

Tout de même si on a

y6 + (a2 - c2)y4 + (-a4 + c4)y2 - (a6 + 2a4c2 + a2c4) = 0,

le dernier terme se peut diviser sans fraction par a, a2, a2 + c2,
a3 + ac2 et semblables.

Mais il n’y en a que deux qu’on ait besoin de considérer, à savoir a2, a2 + c2 ; car les autres donnant plus ou moins de dimensions dans le quotient, qu’il n’y en a en la quantité connue du pénultième terme, empêcheraient que la division ne s’y pût faire. Et notez, que je ne compte ici les dimensions de y6, que pour trois, à cause qu’il n’y a point de y5, ni de y3, ni de y en toute la somme. Or en examinant le binôme y2 - a2 - c2 = 0, on trouve que la division se peut faire par lui en cette sorte.

+ y6 + a2} y4 - a4} y2  - a6 }
  -2c2} + c4}  -2a4c2} = 0
      - a2c4 }
- y6 -2a2} y4 - a4} y2  - a6 }
  + c2} - a2c2}  -’a2y4}
_______ _________ _________ ___________
0 ÷ - a2- c2 ÷ - a2- c2 ÷ - a2- c2
_______ _________ _________ ___________
  + y4 +2a2} y2 + a4 } = 0
    - c2} +a2c2}

ce qui montre que la racine cherchée est a2 + c2. Et la preuve en est aisée à faire par la multiplication.

Quels problèmes sont solides lorsque l’équation est cubique.

Mais lorsqu’on ne trouve aucun binôme, qui puisse ainsi diviser toute la somme de l’équation proposée, il est certain que le Problème qui en dépend est so
383-384.
457
La Géométrie. — Livre III.

lide. Et ce n’est pas une moindre faute après cela, de tâcher à le construire sans y employer que des cercles et des lignes droites, que ce serait d’employer des sections coniques à construire ceux auxquels on n’a besoin que de cercles : car enfin tout ce qui témoigne quelque ignorance s’appelle faute.


La réduction des équations qui ont quatre dimensions lorsque le problème est plan ; et quels sont ceux qui sont solides.

Que si on a une Équation dont la quantité inconnue ait quatre dimensions, il faut en même façon, après en avoir ôté les nombres sourds et rompus s’il y en a, voir si on pourra trouver quelque binôme, qui divise toute la ont somme, en le composant de l’une des quantités, qui divisent sans fraction le dernier terme. Et si on en trouve un, ou bien la quantité connue de ce binôme est la racine cherchée ; on du moins après cette division, il ne reste en l’équation que trois dimensions, en suite de quoi il faut derechef l’examiner en la même sorte. Mais lorsqu’il ne se trouve point de tel binôme, il faut en augmentant, ou diminuant la valeur de la racine, ôter le second terme de la somme, en la façon tantôt expliqué. Et après la réduire à une autre, qui ne contienne que trois dimensions. Ce qui se fait en cette sorte.

Au lieu de + x4 ± px2 ± qx ± r = 0

il faut écrire + y6 ± py4 + (p2 ± 4r)y2 - 4q = 0

Et pour les signes + ou - que j’ai omis, s’il y a

eu +p en la précédente Équation, il faut mettre en celle-ci +2p,ou s’il y a eu -p, il faut mettre -2p. et au contraire s’il y a eu +r, il faut mettre -4r, ou s’il y
458
384.
Œuvres de Descartes.

a eu -r, il faut mettre +4r, et soit qu’il y ait eu +q, ou - q, il faut toujours mettre – q2, et +p2, au moins si on suppose que x4, et y6 sont marqués du signe +, car ce serait tout le contraire si on y supposait le signe -.


Par exemple si on a

x4 - 4x2 - 8x + 35 = 0

il faut écrire en son lieu

y6 - 8y4 - 124y2 - 64 = 0,

car la quantité que j’ai nommé p étant -4, il faut mettre -8y4 pour 2py4 ; et celle, que j’ai nommée r étant 35, il faut mettre (16 – 140)y2, c’est-à-dire -124y2, au lieu de (p2 - 4r)y2 ; et enfin q étant 8, il faut mettre -64, pour -q2. Tout de même au lieu de

x4 - 17x2 - 20x – 6 = 0

il faut écrire

y6 - 34y 4 + 313y2 - 400 = 0 ;

Car 34 est double de 17, et 313 en est le carré joint au quadruple de 6, et 400 est le carré de 20.

Tout de même aussi au lieu de

,

Il faut écrire

y6 + (a2 - 2c2)y 4 + (c4 - a4)y2 - a6 - 2a4c2 - a2c4 = 0 ;

Car p est à a2 - c2, et p2 est a4 - a2c2 + c4,

et 4 r est a4 + a2c2,

et enfin -q2 est -a6 - 2a4c2 - a2c4.
384-385.
459
La Géométrie. — Livre III.

Après que l’équation est ainsi réduite à trois dimensions, il faut chercher la valeur de y2 par la méthode déjà expliquée ; et si elle ne peut être trouvée, on n’a point besoin de passer outre ; car il suit de là infailliblement que le problème est solide. Mais si on la trouve, on peut diviser par son moyen la précédente Équation en deux antres, en chacune desquelles la quantité inconnue n’aura que deux dimensions, et dont les racines seront les mêmes que les siennes. À savoir, au lieu de

x4 ± px 2 ± qx ± r = 0,

il faut écrire ces deux autres

± ± ,

et

± ± .

Et pour les signes + et - que j’ai omis, s’il y a +p en l’équation précédente, il faut mettre en chacune de celles-ci ; et , s’il y a en l’autre -p. Mais il faut mettre en celle où il y a -yx ; et en celle où il y a +yx, lorsqu’il y a +q en la première ; et au contraire s’il y a -q, il faut mettre , en celle où il y a -yx; et en celle où il y a +yx. Ensuite de quoi il est aisé de connaître toutes les racines de l’équation proposée, et par conséquent de construire le problème, dont elle contient la solution, sans y employer que des cercles, et des lignes droites.

Par exemple à cause que faisant y6 - 34y4 + 313y2 - 400 = 0,

pour x4 - 17x2 - 20x – 6 = 0, on trouve que y2 est 16, on doit au lieu de cette équation

x4 - 17x2 - 20x – 6 = 0,

écrire ces deux autres

+ x2 - 4x – 3 = 0,

et

+ x2 + 4x + 2 = 0,

car y est 4, est 8, p est 17, et q est 20, de façon que

fait –3,

et fait +2.

Et tirant les racines de ces deux Équations, on trouve toutes les mêmes, que si on les tirait de celle où est x4, à savoir on en trouve vue vraie, qui est , et trois fausses, qui sont , et .

Ainsi ayant x4 *[34] - 4x2 - 8x + 35 = 0,

pourceque la racine de

y6 - 8y4 124y2 - 64 = 0,

est derechef 16, il faut écrire

x2 - 4x + 5 = 0

et

x2 + 4x + 7 = 0,

Car ici

fait 5,

et fait 7.s /> Et pourcequ’on ne trouve aucune racine, ni vraie, ni fausse, en ces deux dernières Équations, on connaît delà que les quatre de l’Équation dont elles procèdent sont imaginaires ; et que le Problème, pour lequel on l’a trouvée, est plan de sa nature ; mais qu’il ne saurait en aucune façon être construit, à cause que les quantités données ne peuvent se joindre.

Tout de même ayant

,

pourcequ’on trouve a2 + c2 pour y2, il faut écrire

,

et .

Car y est et est , et est .

D’où on connaît que la valeur de z est

,

ou bien

.

Et pourceque nous avons fait ci-dessus , nous apprenons que la quantité x, pour la connaissance de laquelle nous avons fait toutes ces opérations, est

.


Exemple de l’usage de ces réductions

Mais afin qu’on puisse mieux connaître l’utilité de
462
387-388.
Œuvres de Descartes.

de cette règle, il faut que je l’applique à quelque problème.

Si le carré AD et la ligne BN étant donnés, il faut prolonger le côté AC jusqu’à E, en sorte que EF, tirée de E vers B, soit égale à NB : on apprend de Pappus, qu’ayant premièrement prolongé BD jusqu’à G, en sorte que DG soit égale à DN, et ayant décrit un cercle dont le diamètre soit BG, si on prolonge la ligne droite AC, elle rencontrera la circonférence de ce cercle au point E qu’on demandait. Mais pour ceux qui ne sauraient point cette construction, elle serait assez difficile à rencontrer ; et, en la cherchant par la méthode ici proposée, ils ne s’aviseraient jamais de prendre DG pour la quantité inconnue, mais plutôt CF ou FD, à cause que ce sont elles qui conduisent le plus aisément à l’équation ; et lors ils en trouveraient une qui ne serait pas facile à démêler sans la règle que je viens d’expliquer. Car posant a pour BD ou CD, et c pour EF, et x pour DF, on a CF = a - x, et comme CF ou a - x est à FE ou c, ainsi FD ou x est à BF, qui par conséquent est . Puis à cause du triangle rectangle BDF dont les côtés sont l’un x et l’autre a, leurs carrés, qui sont x2 + a2, sont égaux à celui de la base, qui est  ; de façon que, multipliant le tout par x2 - 2ax + a2, on trouve que l’équation est

x4 - 2ax3 + 2a2x2 - 2a3x + a4 = c2x2,
, ou bien
x4 - 2ax3 + (2a2 - c2) x2 - 2a3x + a4 = 0.

Et on connaît par les règles précédentes que sa racine, qui est la longueur de la ligne DF, est

.

Que si on posait BF, ou CE[35], ou BE, pour la quantité inconnue, on viendrait derechef à une équation en laquelle il y aurait quatre dimensions, mais qui serait plus aisée à démêler ; et on y viendrait assez aisément, au lieu que si c’était DG qu’on supposât, on viendrait beaucoup plus difficilement à l’équation, mais aussi elle serait très simple. Ce que je mets ici pour vous avertir que, lorsque le problème proposé n’est point solide, si en le cherchant par un chemin on vient à une équation fort composée, on peut ordinairement venir à une plus simple en le cherchant par un autre.

Je pourrais encore ajouter diverses règles pour démêler les équations qui vont au cube ou au carré de carré, mais elles seraient superflues ; car lorsque les problèmes sont plans on en peut toujours trouver la construction par celles-ci.


Règle générale pour réduire toutes les équations qui passent le carré de carré.

Je pourrais aussi en ajouter d’autres pour les équations qui montent jusqu’au sursolide, ou au carré de cube, ou au-delà, mais j’aime mieux les comprendre toutes en une, et dire en général que,
464
389-390.
Œuvres de Descartes.

lorsqu’on a tâché de les réduire à même forme que celles d’autant de dimensions qui viennent de la multiplication de deux autres qui en ont moins, et qu’ayant dénombré tous les moyens par lesquels cette multiplication est possible, la chose n’a pu succéder par aucun, on doit s’assurer qu’elles ne sauraient être réduites à de plus simples ; en sorte que si la quantité inconnue a trois ou quatre dimensions, le problème pour lequel on la cherche est solide, et si elle en a cinq ou six, il est d’un degré plus composé, et ainsi des autres.

Au reste, j’ai omis ici les démonstrations de la plupart de ce que j’ai dit, à cause qu’elles m’ont semblé si faciles que, pourvu que vous preniez la peine d’examiner méthodiquement si j’ai failli, elles se présenteront à vous d’elles-mêmes ; et il sera plus utile de les apprendre en cette façon qu’en les lisant.

Façon générale pour construire tous les problèmes solides réduits à une équation de trois ou quatre dimensions.

Or quand on est assuré, que le Problème proposé est solide, soit que l’équation par laquelle on le cherche monte au carré de carré, soit qu’elle ne monte que jusqu’au cube, on peut toujours en trouver la racine par l’une des trois sections coniques, laquelle que ce soit ou même par quelque partie de l’une d’elles, tant petite qu’elle puisse être ; en ne se servant au reste que de lignes droites et de cercles. Mais je me contenterai ici de donner vue règle générale pour les trouver toutes parle moyen d’une Parabole, à cause qu’elle est en quelque façon la plus simple.

Premièrement il faut ôter le second terme de l’équation proposée, s’il n’est déjà nul, et ainsi la réduire à telle forme :

z3 = ± apz2 ± a2q, si la quantité inconnue n’a que trois dimensions ;

ou bien à telle z4 = ± apz2 ± a2qz ± a3r, si elle en a quatre ;

ou bien en prenant a pour l’unité, à telle z3 = ± az ± q,

et à telle z4 = ± pz2 ± qz ± r.

Après cela supposant que la Parabole FAG est déjà décrite, et que son essieu est ACDKL, et que son côté droit est a ou 1, dont AC est la moitié, et enfin que le point C est au dedans de cette Parabole, et que A en est le sommet ; il faut faire CD = , et la prendre du même côté, qu’est le point A au regard du point C[36], s’il y a + p en l’équation ; mais s’il y a - p il faut la prendre de l’autre côté.

Et du point D, ou bien, si la quantité p était nulle, du point C il faut élever une ligne à angles droits jusqu’à E, en sorte qu’elle soit égale à . Et enfin, du centre E il faut décrire le cercle FG, dont le demi-diamètre soit AE, si l’équation n’est que cubique, en sorte que la quantité r soit nulle.

Mais quand il y a + r il faut dans cette ligne AE prolongée, prendre d’un côté AR égale à r, et de l’autre AS égale au coté droit de la Parabole qui est r, et ayant décrit un cercle dont le diamètre soit RS, il faut faire AH perpendiculaire sur AE, laquelle AH rencontre ce cercle RHS au point H, qui est celui par où l’autre cercle FHG doit passer.

Et quand il y a - r il faut après avoir ainsi trouvé la ligne AH, inscrire AI, qui lui soit égale, dans un autre cercle, dont AE soit le diamètre, et lors, c’est par le point I que doit passer FIG le premier cercle cherché. Or ce cercle FG peut couper, ou toucher la Parabole en 1, ou 2, ou 3, ou 4 points, desquels tirant des perpendiculaires sur l’essieu[37], on a toutes les racines de l’équation tant vraies, que fausses. À savoir si la quantité q est marqué du signe +, les vraies racines seront celles de ces perpendiculaires, qui se trouveront du même côté de la parabole, que E le centre du cercle, comme FL ; et les autres, comme GK, seront fausses : mais au contraire si cette quantité q est marquée du signe -, les vraies seront celles de l’autre côté ; et les fausses, ou moindres que rien seront du côté où est E le centre du cercle. Et enfin si ce cercle ne coupe, n’y ne touche la Parabole en aucun point, cela témoigne qu’il n’y a aucune racine ni vraie ni fausse en l’équation, et qu’elles sont toutes imaginaires. En sorte que cette règle est la plus générale, et la plus accomplie qu’il soit possible de souhaiter.

Et la démonstration en est fort aisée. Car si la ligne GK, trouvée par cette construction, se nomme z, AK sera z2 à cause de la Parabole, en laquelle GK doit être moyenne proportionnelle, entre AK, et le côté droit qui est 1 ; puis si de AK j’ôte AC, qui est , et CD qui est ,

il reste DK, ou EM, qui est ,

dont le carré est :

z4pz2z2 +  ; et à cause que DE, ou KM est , la toute GM est ,

dont le carré est ,

et assemblant ces deux carrés, on a

z4pz2 + qz + ,

pour le carré de la ligne GE, à cause qu’elle est la base du triangle rectangle EMG.

Mais à cause que cette même ligne GE est le demi-­diamètre du cercle FG, elle se peut encore expliquer en d’autres termes, à savoir ED étant ,

et AD étant ,

EA est , à cause de l’angle droit ADE, puis HA étant moyenne proportionnelle entre AS qui est 1 et AR qui est r, elle est . et à cause de l’angle droit EAH, le carré de HE, ou EG est

 ;

si bien qu’il y a Équation entre cette somme et la précédente, ce qui est le même que

z4 = pz2qz + r.

et par conséquent la ligne trouvée GK qui a été nommée z est la racine de cette Équation, ainsi qu’il fallait démontrer. Et si vous appliquez ce même calcul à tous les autres cas de cette règle, en changeant les signes + et - selon l’occasion, vous y trouverez votre compte en même sorte, sans qu’il soit besoin que je m’y arête.

L’invention de quatre moyennes proportionnelles.

Si on veut donc suivant cette règle trouver deux moyennes proportionnelles entre les lignes a et q ; chacun sait que posant z pour l’une, comme a est à z, ainsi z à , et à

de façon qu’il y a Équation entre q et , c’est-à-dire

z3 = a2q.

Et la Parabole FAG étant décrite, avec la partie de son essieu AC, qui est la moitié du côté droit ; il faut du point C élever la perpendiculaire CE égale à et du centre E par A, décrivant le cercle AF, on trouve FL et LA, pour les deux moyennes cherchées.


La façon de diviser un angle en trois.

Tout de même si on veut diviser l’angle NOP, ou bien l’arc, ou portion de cercle NQTP, en trois parties égales ; faisant NO = 1, pour le rayon du cercle et, pour la subtendue de l’arc donné, et NQ = z pour la subtendue du tiers de cet arc ; l’équation vient

z3 = 3z - q.

Car ayant tiré les lignes NQ, OQ, OT, et faisant

QS parallèle à TO, on voit que comme NO est à NQ, ainsi NQ à QR, et QR à RS ; en sorte que NO étant 1, et NQ étant z, QR est z2, et RS est z3 ; et à cause qu’il s’en faut seulement RS ou z3 que la ligne NP, qui est q, ne soit triple de NQ, qui est z, on a

q = 3z - z3

ou bien

z3 = 3z - q.

Puis la Parabole FAG étant décrite et CA la moitié de son côté droit principal étant on prend CD = et la perpendiculaire DE = , et que du centre E, par A, on décrive le cercle FAgG, il coupe cette Parabole aux trois points F, g et G, sans compter le point A qui en est le sommet. Ce qui montre qu’il y a trois racines en cette Équation, à savoir les deux GK et gk, qui sont vraies ; et la troisième qui est fausse, à savoir FL. Et de ces deux vraies c’est gk la plus petite qu’il faut prendre pour la ligne NQ qui était cherchée. Car l’autre GK est égale à NV, la subtendue de la troisième partie de l’arc NVP, qui avec l’autre arc NQP achève le cercle. Et la fausse FL est égale à ces deux ensemble QN et NV, ainsi qu’il est aisé à voir par le calcul.

Que tous les problèmes solides se peuvent réduire à ces deux constructions.

Il serait superflu que je m’arrêtasse à donner ici d’autres exemples ; car tous les Problèmes qui ne sont que solides se peuvent réduire à tel point, qu’on n’a aucun besoin de cette règle pour les construire, sinon en tant qu’elle sert a trouver deux moyennes proportionnelles, ou bien à diviser un angle en trois parties égales. Ainsi que vous connaîtrez en considérant, que leurs difficultés peuvent toujours être comprises en des Équations, qui ne montent que jusqu’au carré de carré, ou au cube : et que toutes celles qui montent au carré de carré, se réduisent au carré, par le moyen de quelques autres, qui ne montent que jusqu’au cube : et enfin qu’on peut ôter le second ternie de celles-ci. En sorte qu’il n’y en a point qui ne se puisse réduire à quelqu’une de ces trois formes :

z3 = - pz + q.

z3 = + pz + q.

z3 = + pz - q.

Or si on a z3 = - pz + q, la règle dont Cardan attribue l’invention à un nommé Scipio Ferreus, nous apprend que la racine est :

[38].

Comme aussi lorsqu’on a z3 = + pz + q, et que le carré de la moitié du dernier terme est plus grand que le cube du tiers de la quantité connue du pénultième, une pareille règle nous apprend que la racine est :

.


D’où il parait qu’on peut construire tous les Problèmes, dont les difficultés se réduisent à l’une de ces deux formes, sans avoir besoin des sections coniques pour autre chose, que pour tirer les racines cubiques de quelques quantités données, c’est-à-dire pour trouver deux moyennes proportionnelles entre ces quantités et l’unité.

Puis si on a z3 = +pz + q, et que le carré de la moitié du dernier terme ne soit point plus grand que le cube du tiers de la quantité connue du pénultième, en supposant le cercle NQPV, dont le demi-diamètre NO soit , c’est-à-dire la moyenne proportionnelle entre le tiers de la quantité donnée p et l’unité ; et supposant aussi la ligne NP inscrite dans ce cercle qui soit , c’est-à-dire qui soit à l’autre quantité donne q comme l’unité est au tiers de p ; il ne faut que diviser chacun des deux arcs NQP et NVP en trois parties égales, et on aura NQ, la subtendue du tiers de l’un, et NV la subtendue du tiers de l’autre, qui jointes ensemble composeront la racine cherchée.


Enfin si on a z3 = pz - q, en supposant derechef le cercle NQPV, dont le rayon NO soit et l’inscrite NP soit , NQ la subtendue du tiers de l’arc NQP sera l’une des racines cherchées, et NV la sustendue du tiers de l’autre arc sera l’autre. Au moins si le carré de la moitié du dernier terme, n’est point plus grand, que le cube du tiers de la quantité connue du pénultième. car s’il était plus grand, la ligne NP ne pourrait être inscrite dans le cercle, à cause quelle serait plus longue que son diamètre: Ce qui serait cause que les deux vraies racines de cette Équation ne seraient qu’imaginaires, et qu’il n’y en aurait de réelles que la fausse, qui suivant la règle de Cardan serait[39]

La façon d’exprimer la valeur de toutes les racines des équations cubiques, et ensuite de toutes celles qui ne montent que jusqu’au carré de carré.

Au reste, il est à remarquer que cette façon d’exprimer la valeur des racines par le rapport qu’elles ont aux côtés de certains cubes dont il n’y a que le contenu qu’on connaisse, n’est en rien plus intelligible, ni plus simple, que de les exprimer par le rapport qu’elles ont aux subtendues de certains arcs, ou portions de cercles, dont le triple est donné. En sorte que toutes celles des Équations cubiques qui ne peuvent être exprimées par les règles de Cardan, le peuvent être autant ou plus clairement par la façon ici proposée.

Car si par exemple, on pense connaître la racine de cette Équation :

z3 = + pz + q,

à cause qu’on sait qu’elle est composée de deux lignes, dont l’une est le côté d’un cube, duquel le contenu est , ajouté au côté d’un carré, duquel derechef le contenu est  ; et l’autre est le côté d’un autre cube, dont le contenu est la différence qui est entre , et le côté de ce carré dont le contenu est , qui est tout ce qu’on en apprend par la règle de Cardan. Il n’y a point de doute qu’on ne connaisse autant ou plus distinctement la racine de celle-ci

z3 = + pz - q,


en la considérant inscrite dans un cercle, dont le demi-diamètre est , et sachant qu’elle y est la subtendue d’un arc dont le triple a pour subtendue . Même ces termes mes sont beaucoup moins embarrassés que les autres, et ils se trouveront beaucoup plus cours si on veut user de quelque chiffre particulier pour exprimer ces subtendues, ainsi qu’on fait du chiffre pour exprimer le côté des cubes.

Et on peut aussi, en suite de ceci, exprimer les racines de toutes les Équations qui montent jusqu’au carré de carré, par les règles ci-dessus expliquées. En sorte que je ne sache rien de plus à désirer en cette matière. Car enfin la nature de ces racines ne permet pas qu’on les exprime en termes plus simples, ni qu’on les détermine par aucune construction qui soit ensemble plus générale et plus facile.


Pourquoi les problèmes solides ne peuvent être construits sans les sections coniques, ni ceux qui sont plus composés sans quelques autres lignes plus composées.


Il est vrai que je n’ai pas encore dit sur quelles raisons je me fonde, pour oser ainsi assurer si une chose est possible ou ne l’est pas. Mais, si on prend garde comment, par la méthode dont je me sers, tout ce qui tombe sous la considération des Géomètres se réduit à un même genre de Problèmes, qui est de chercher la valeur des racines de quelqu’Équation, on jugera bien qu’il n’est pas malaisé de faire un dénombrement de toutes les voies par lesquelles on les peut trouver, qui soit suffisant pour démontrer qu’on a choisi la plus générale et la plus simple.

Et particulièrement pour ce qui est des Problèmes solides, que j’ai dit ne pouvoir être construis, sans qu’on y emploie quelque ligne plus composée que la circulaire, c’est chose qu’on peut assez trouver, de ce qu’ils se réduisent tous à deux constructions ; en l’une desquelles il faut avoir tout ensemble les deux points, qui déterminent deux moyennes proportionnelles entre deux lignes données, et en l’autre les deux points, qui divisent en trois parties égales un arc donné : car d’autant que la courbure du cercle ne dépend, que d’un simple rapport de toutes ses parties, au point qui en est le centre ; on ne peut aussi s’en servir qu’à déterminer un seul point entre deux extrêmes, comme à trouver une moyenne proportionnelle entre deux lignes droites données, ou diviser en deux un arc donné ; au lieu que la courbure des sections coniques, dépendant toujours de deux diverses choses, peut aussi servir à déterminer deux points différents.

Mais pour cette même raison, il est impossible qu’aucun des Problèmes qui sont d’un degré plus composés que les solides, et qui présupposent l’invention de quatre moyennes proportionnelles, ou la division d’un angle en cinq parties égales, puissent être construits par aucune des sections coniques. C’est pourquoi je croirai faire en ceci tout le mieux qui se puisse, si je donne une règle générale pour les construire, en y employant la ligne courbe qui se décrit par l’intersection d’une Parabole et d’une ligne droite en la façon ci-dessus expliquée. Car j’ose assurer qu’il n’y en a point de plus simple en la nature, qui puisse servir à ce même effet ; et vous avez vu comme elle suit immédiatement les sections coniques, en cette question tant cherchée par les anciens, dont la solution enseigne par ordre toutes les lignes courbes, qui doivent être reçues en Géométrie.


Façon générale pour construire tous les problèmes réduits à une équation qui n’a point plus de six dimensions.


Vous savez déjà comment, lorsqu’on cherche les quantités qui sont requises pour la construction de ces Problèmes, on les peut toujours réduire a quelque Équation, qui ne monte que jusqu’au carré de cube, ou au sursolide. Puis vous savez aussi comment, en augmentant la valeur des racines de cette Équation, on peut toujours faire qu’elles deviennent toutes vraies et avec cela que la quantité connue du troisième terme soit plus grande que le carré de la moitié de celle du second ; et enfin comment, si elle ne monte que jusqu’au sursolide, on la peut hausser jusqu'au carré de cube ; et faire que la place d’aucun de ses termes ne manque d’être remplie.

Or afin que toutes les difficultés, dont il est ici question, puissent être résolues par une même règle, je désire qu’on face toutes ces choses, et par ce moyen qu’on les réduise toujours à une Équation de telle forme

y6 - py5 + qy4 - ry3 + sy2 - ty + v = 0

et en laquelle la quantité nommée q soit plus grande que le carré de la moitié de celle qui est nommée p.

Puis ayant fait la ligne BK indéfiniment longue des deux côtés du point B ayant tiré la perpendiculaire AB, dont la longueur soit il faut dans un plan séparé décrire une Parabole, comme CDF dont le côté droit principal soit

que je nommerai n pour abréger.

Après cela il faut poser le plan dans lequel est cette Parabole sur celui ou sont les lignes AB
478
404-405.
Œuvres de Descartes.

et BK, en sorte que son essieu DE se rencontre justement au-dessus de la ligne droite BK ; et ayant pris la partie de cet essieu, qui est entre les points E et D, égale à , il faut appliquer sur ce point E une longue règle, en telle façon qu’étant aussi appliquée sur le point A du plan de dessous, elle demeure toujours jointe à ces deux points, pendant qu’on haussera ou baissera la Parabole tout le long de la ligne BK, sur laquelle son essieu est appliqué au moyen de quoi l’intersection de cette Parabole et de cette règle, qui se fera au point C, décrira la ligne courbe ACN, qui est celle dont nous avons besoin de nous servir pour la construction du Problème proposé. Car après qu’elle est ainsi décrite, si on prend le point L en la ligne BK, du côté vers lequel est tourné le sommet de la Parabole, et qu’on face BL égale à DE, c’est-à-dire à  ; puis du point L, vers B, qu’on prenne en la même ligne BK, la ligne LH, égale à , et que du point H ainsi trouvé, on tire à angles droits, du côté qu’est la courbe ACN, la ligne HI, dont la longueur soit

,

qui pour abréger sera nommée  ; et après, ayant joint les points L et I, qu’on décrive le cercle LPI, dont IL soit le diamètre ; et qu’on inscrive en ce cercle la ligne LP dont la longueur soit  ;

Puis enfin du centre I, par le point P

ainsi trouvé, qu’on décrive le cercle PCN. Ce cercle coupera ou touchera la ligne courbe ACN, en autant de points qu’il y aura de racines en l’équation : en sorte que les perpendiculaires tirées de ces points sur la ligne BK, comme CG, NR, QO et
405-407.
479
La Géométrie. — Livre III.

semblables, seront les racines cherchées. Sans qu’il y ait aucune exception ni aucun défaut en cette règle. Car si la quantité s était si grande, à proportion des autres p, q, r, t et v, que la ligne LP se trouvât plus grande que le diamètre du cercle IL, en sorte qu’elle n’y put être inscrite, il n’y aurait aucune racine en l’équation proposée qui ne fût imaginaire ; non plus que si le cercle IP était si petit, qu’il ne coupât la courbe ACN en aucun point. Et il la peut couper en six différents ainsi qu’il peut y avoir six diverses racines en l’équation. Mais lorsqu’il la coupe en moins, cela témoigne qu’il y a quelques unes de ces racines qui sont égales entre elles, ou bien qui ne sont qu’imaginaires.

Que si la façon de tracer la ligne ACN par le mouvement d’une Parabole vous semble incommode, il est aisé de trouver plusieurs autres moyens pour la décrire.

Comme si ayant les mêmes quantités que devant pour AB et BL ; et la même pour BK, qu’on avait posée pour le côté droit principal de la Parabole, on décrit le demi
480
407-409.
Œuvres de Descartes.

cercle KST dont le centre soit pris à discrétion dans la ligne BK, en sorte qu’il coupe quelque part la ligne AB, comme au point S, et que du point T, du il finit, on prenne vers K la ligne TV, égale à BL; puis ayant tiré la ligne SV, qu’on en tire une autre, qui lui soit parallèle, par le point A, comme AC; et qu’on en tire aussi une autre par S, qui soit parallèle à BK, comme SC ; le point C, ou ces deux parallèles se rencontrent, sera l’un de ceux de la ligne courbe cherchée. Et on en peut trouver, en même sorte, autant d’autres qu’on en désire.

Or la démonstration de tout ceci est assez facile. car appliquant la règle AE avec la Parabole ED sur le point C ; comme il est certain qu’elles peuvent y être appli­quées ensemble , puisque ce point C est en la courbe ACN, qui est décrite par leur intersection ; si CG se nomme y, GD sera , à cause que le côté droit, qui est n, est à CG, comme CG à GD, et ôtant DE, qui est de GD, on a , pour GE. Puis à cause que AB est a BE comme CG est à GE ; AB étant BE est

Et tout de même en supposant que le point C de la courbe a été trouvé par l’intersection des lignes droites, SC parallèle à BK, et AC parallèle à SV. SB gui est égale à CG, est y : et BK étant égale au côté droit de la Parabole, que j’ai nommé n, BT est car comme KB est à BS, ainsi BS est à BT. Et TV étant la même que BL, c’est à dire , BV est et comme SB est à BV, ainsi AB est à BE, qui est par conséquent

comme devant,
409.
481
La Géométrie. — Livre III.

D’où on voit que c’est une même ligne courbe qui se décrit en ces deux façons.

Après cela, pourceque BL et DE sont égales, DL et BE le sont aussi : de façon qu’ajoutant LH, qui est , à DL qui est ,

on a la toute DH, qui est

et en ôtant GD , qui est

on a GH, qui est

Ce que j’écris par ordre en cette sorte

.
482
49-411.
Œuvres de Descartes.


Et le carré de GH est

,

Et en quelque autre endroit de cette ligne courbe qu’on veuille imaginer le point C, comme vers N, ou vers Q, on trouvera toujours que le carré de là ligne droite, qui est entre le point H et celui où tombe la perpendiculaire du point C sur BH, peut être exprimé en ces mêmes termes, et avec les mêmes signes + et -.

De plus IH étant et LH étant ,

IL est

à cause de l’angle droit IHL ;

et LP étant

IP ou IC est

à cause aussi de l’angle droit IPL. Puis ayant fait CM perpendiculaire sur IH, IM est la différence qui est entre IH et HM ou CG, c’est a dire entre et y,

en sorte que son carré est toujours

qui étant ôté du carré de de IC il reste

pour le carré de CM, qui est égal au carré de GH déjà trouvé. Ou bien en faisant que cette somme soit divisée comme l’autre par n2y2, on a

puis remettant

, pour n2y4 ;

Et pour 2my3 ;

et multipliant l’une et l’autre somme par n2y2, on a :

,

égal à

 ;

C’est à dire qu’on a

y6 - py5 + qy4 - ry3 + sy2 - ty + u = 0.

D’où il paraît que les lignes CG, NR, QO, et semblables sont les racines de cette Équation, qui est ce qu’il fallait démontrer.


Créer quatre moyennes proportionnelles[40]


Ainsi donc si on veut trouver quatre moyennes proportionnelles entre les lignes a et b, ayant posé x pour la première, l’Équation est :

x5 - a4b = 0,

ou bien x6 - a4bx = 0. Et faisant y – a = x il vient

y6 - 6ay5 + 15a2y4 - 20 a3y3 + 15 a4y2 - (6a5 + a4b) + a6 + a5b = 0.

C’est pourquoi il faut prendre 3a pour la ligne AB, et

pour BK ou le côté droit de la parabole que j’ai nommé n, et pour DE ou BL. Et après avoir décrit la ligne courbe ACN sur la mesure de ces trois, il faut faire

et

et ,

car le cercle qui, ayant son centre au point I passera par le point P ainsi trouvé, coupera la courbe aux deux points C et N, desquels ayant tiré les perpendiculaires NR et CG, si la moindre NR est ôtée de la plus grande CG, le reste sera x, la première des quatre moyennes cherchées.

Il est aisé en même façon de diviser un angle en cinq parties égales, et d’inscrire une figure de onze ou treize côtés égaux dans un cercle, et de trouver une infinité d’autres exemples de cette règle.

Toutefois il est à remarquer qu’en plusieurs de ces exemples il peut arriver que le cercle coupe si obliquement la parabole du second genre, que le point de leur intersection soit difficile à reconnaître, et ainsi
412-413.
485
La Géométrie. — Livre III.

que cette construction ne soit pas commode pour la pratique ; à quoi il serait aisé de remédier en composant d’autres règles à l’imitation de celle-ci, comme on en peut composer de mille sortes.

Mais mon dessein n’est pas de faire un gros livre, et je tâche plutôt de comprendre beaucoup en peu de mots, comme on jugera peut-être que j’ai fait, si on considère qu’ayant réduit à une même construction tous les problèmes d’un même genre, j’ai tout ensemble donné la façon de les réduire à une infinité d’autres diverses, et ainsi de résoudre chacun d’eux en une infinité de façons ; puis outre cela, qu’ayant construit tous ceux qui sont plans en coupant d’un cercle une ligne droite, et tous ceux qui sont solides en coupant aussi d’un cercle une parabole, et enfin tous ceux qui sont d’un degré plus composés en coupant tout de même d’un cercle une ligne qui n’est que d’un degré plus composée que la parabole, il ne faut que suivre la même voie pour construire tous ceux qui sont plus composés à l’infini : car, en matière de progressions mathématiques, lorsqu’on a les deux ou trois premiers termes, il n’est pas malaisé de trouver les autres. Et j’espère que nos neveux me sauront gré, non seulement des choses que j’ai ici expliquées, mais aussi de celles que j’ai omises volontairement, afin de leur laisser le plaisir de les inventer.

FIN.
Avertissement.

Ceux qui ne visitent les Tables des livres qu'affin d’y choisir les matières qu’ils veulent voir, & de s’exempter de la peine de lire le reste, ne tireront aucune satisfaction de celle-ci : car l’explication des questions qui y font marquées dépend quasi toujours si expressément de ce qui les précède, & souvent aussi de ce qui les suit, qu’on ne la saurait entendre parfaitement si on ne lifl avec attention tout le Hure. Mais pour ceux qui l’auront déjà lu, & qui sauront assez bien les chofes les plus générales qu’il contient, cette Table leur pourra servir, tant a les faire souvenir des endroits où il est parlé des plus particulières qui feront échappées de leur mémoire, que souvent aussi a leur faire prendre garde a celles qu’ils auront peut être

passées fans les remarquer. Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/509 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/510 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/511 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/512 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/513 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/514 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/515 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/516 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/517 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/518 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/519 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/520 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/521 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/522 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/523 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/524 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/525 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/526 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/527 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/528 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/529 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/530 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/531 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/532
TABLE DES MATIERES DE LA GEOMETRIE


Livre premier


Des problèmes qu’on peut construire sans y
employer que des cercles et des lignes droites



Comment le calcul d’arithmétique se rapporte aux opérations de géométrie ..... page 369

Comment se font géométriquement la multiplication, la division et l’extraction de la racine carrée ..... page 370

Comment on peut user de chiffres en géométrie ..... page 371

Comment il faut venir aux équations qui servent à résoudre les problèmes ..... page 372

Quels sont les problèmes plans, et comment ils se résolvent ..... page 374

Exemple tiré de Pappus ..... page 377

Réponse à la question de Pappus ..... page 380

Comment on doit poser les termes pour venir à l’équation en cet exemple ..... page 382

Comment on trouve que ce problème est plan lorsqu’il n’est point proposé en plus de cinq lignes..... page 385

Discours second.
DE LA NATURE DES LIGNES COURBES.


Quelles sont les lignes courbes qu’on peut recevoir en géométrie ..... page 388

La façon de distinguer toutes ces lignes courbes en certains genres, et de connaître le rapport qu’ont tous leurs points à ceux des lignes droites ..... page 392[41]


Note : Les numéros de page de l’édition de 1637 ont été remplacés par ceux de cette édition Adam et Tannery.
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TABLE DE LA GEOMETRIE


Façon générale pour construire tous les problèmes solides réduits à une équation de trois ou quatre dimensions ..... page 464
L’invention de deux moyennes proportionnelles ..... page 469
La division de l’angle en trois ..... page 470
Que tous les problèmes solides se peuvent réduire à ces deux constructions ..... page 471
La façon d’exprimer la valeur de toutes les racines des équations cubiques, et ensuite de toutes celles qui ne montent que jusqu’au carré de carré ..... page 473
Pourquoi les problèmes solides ne peuvent être construits sans les sections coniques, ni ceux qui sont plus composés sans quelques autres lignes plus composées ..... page 475
Façon générale pour construire tous les problèmes réduits à une équation qui n’a point plus de six dimensions..... page 476

L’invention de quatre moyennes proportionnelles ..... page 483


FIN[42]
Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/537 Renatï Des Cartes

S P E C I M I N A PHILOSOPHIE : SEV DISSERTATIO D E M E T H O D O Redè regendx rationis , & veritatis in fcicntiis inveftigandae : D ï O P T R I C E, E T M E T E O R A. Ex Gallico trar.jlata , & al AuRore perlefta , Vâriifqut. in loris emendata. A M S TE LO D A M /, Apud Ludovic u m Elzevirium. cIdIdc XL1V. Cutn P’rivilttriit . PRIVILEGE Louïs, par la grâce de Dieu Roy de France et de Navarre, à nos amés et féaux Conseillers les gens tenans nos cours de Parlement, Baillifs, Senes-chaux, Prevosts, Juges, ou leurs Lieutenans, et autres nos juges et officiers quelconques, A chascun d’eux, ainsy qu’il appartiendra, salut. L’invention des Sciences et des Arts accompagnez de leurs démonstrations, et des moyens de les metre à exécution, estant une production des Esprits qui sont plus excellens que le commun, a fait que les Princes et les Estats en ont tousjours receu les inventeurs avec toutes sortes de gratifications, afin que, ces choses introduites es lieux de leur obéissance, ils en devienent plus florissans. Ainsy nostre bien amé Des Cartes nous a fait remonstrer qu’il a par une longue estude rencontré et demonstré plusieurs choses utiles et belles, auparavant incognües dans les Sciences humaines, et concernant divers arts avec les moyens de les mettre en exécution. Toutes lesquelles choses il offre de bailler au publiq, en luy accor dant qu’il puisse faire imprimer des traitez qu’il en a composez et composera cy après, soit de théorie soit de pratique, séparément et conjointement en telle part que bon luy semblera dedans ou dehors nostre Royaume, et par telles personnes qu’il voudra de nos sujets et autres, avec les defences accoustumées en cas pareil, Nous requérant humblement nos lettres à ce nécessaires. A ces causes désirant gratifier ledit Des Cartes et faire cognoistre que c’est à luy que le publiq a l’obligation de ses inventions, nous avons, par ces presantes, accordé, permis, voulons et nous plaist que ledit Des Cartes puisse faire et face imprimer toutes les œuvres qu’il a composées et qu’il composera touchant les sciences humaines, en tel nombre de traitez et de volumes que ce soit, séparément et conjointement, en telle part que bon luy semblera, dedans et dehors nostre obéissance, par telles personnes qu’il voudra choisir de nos sujets ou autres. Et que pendant le terme de dix années consécutives à conter pour chascun volume ou traité du jour qu’il sera parachevé d’imprimer, mesme auparavant ce terme commencé, aucun ne puisse imprimer ou faire imprimer en tout ny en partie, sous quelque prétexte ou déguisement que ce puisse estre, aucune des œuvres dudit Des Cartes, que ceux de nos sujets ou autres ausquels il en aura donné la permission, ny personne en vendre et débiter d’autre impression que de celle qui aura esté faite par sa permission, à peine de Mille livres d’amande, confisquation de tous les exemplaires, despens, dommages et interests, applicables moitié aux pauvres et moitié au profit dudit Des Cartes. Si vous mandons et à chascun de vous enjoignons par ces présentes que du contenu en icelles vous faites, laissez et souffrez jouir et user pleinement et paisiblement ledit Des Cartes, faisant cesser tous troubles et empeschemens contraires. Et d’autant que de ces présentes on pourroit avoir affaire en plusieurs lieux, Nous voulons qu’au vidimus et extrait d’icelles deument collationné par un de nos amez et féaux Conseillers et Secrétaires, foy soit adjoustée comme au présent original. Car tel est nostre plaisir. Donné à Paris le IIII jour de May mil six cens trente sept et de nostre règne le vingtiesme. Par le Roy en son Conseil Ceberet et scellé du grand seau de cire jaune sur simple queuë. Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/541 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/542 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/543 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/544 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/545 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/546 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/547 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/548 Page:Descartes - Œuvres, éd. 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Et tedâ alterutrà ex his fuperficiebus opaco aliquo cor|pore, in quo fit 296 anguftum foramen, quale eft DE, obfervavi radios, per illud fora- men tranfeuntes atque inde effufos in linteum aut chartam albam FGH, omnes colores Iridis ibi depingere, & quidem femper ru- brum in F & caeruleum feu violaceum in H. . Unde primùm didici, curvaturam fuperficiei guttarum gene- rationi colorum minime neceffariam efle ; haec enim cryftallus fuper- ficiem nullam habet quae non fit plana; neque anguli magnitudinem fub quo apparent : hîc enim, permanentibus illis, mutari poteft, &, licèt fieri poffit ut radii tendentes ad F jam magis, jam minus incurventur quàm eûmes ad H, femper tamen qui ad F rubrum depingent, & caeruleum qui ad H ; neque etiam reflexionem : hîc étenim nulla omnino eft ; nec denique faapius iteratas refradiones, cùm hîc tantummodo unica fiât. Sed judicabam unicam ad minimum requiri, & quidem talem ut ejus effedus aliâ contraria non deftruatur. Nam experientia docet, fi fuperficies MN & NP parallelœ forent, radios, tantundem per alteram eredos quantum per unam frange- rentur, | nullos colores depiduros. .Neque dubitabam quin & lumen neceffarium fit ad horum colorum produdionem; fine illo enim nil cernimus. Et prasterea obfervavi umbram quoque aut limitationem luminis requiri : dempto enim corpore opaco quod in NP, colores FGH ftatim evanefcunt : atque, fi fatis laxam apenuram DE facia- mus, rubrum, croceum & flavum, quae ad F, non latius propterea expanduntur, ut nec viride, caeruleum & violaceum, qua? ad H ; fed totum fpatium intermedium, litterâ G notatum, album remanet. . Quibus animadverfis, intelligere conatus fum quare hi | colores 297 alii fint in H quàm in F, cùm tamen refradio, umbra & lumen, eodem modo in utroque concurrant. Et, confideratâ luminis naturà quemadmodum illam in Dioptrica defcripfi, nempe tanquam adionem vel motum materia: cujufdam valde fubtilis, cujus partes tanquam exiguae fphasrulœ per poros corporum terreftrium devoluta; confpi- ciendœ funt, agnovi has fphasrulas, pro diverfitate caufarum quse harum motus déterminant, diverfimode moveri ; & fpeciatim omnes

refradiones, quae in eandem partem fiunt, illas ita difponere ut in Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/725 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/726 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/727 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/728 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/729 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/730 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/731 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/732 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/733 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/734 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/735 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/736 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/737 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/738 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/739 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/740 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/741 Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/742
NOTE SUR LE PROBLÈME DE PAPPUS
GEOMETRIE DE DESCARTES, page 377.

Traduction du texte grec de Pappus, d’après l’édition de Fr. Hultsch

(Pappi Alexandrini Collectionis quœ supersunt, vol. II, Berlin, Weidmann, 1877, pp. 676-680).

Nous donnons tout d’abord le passage, visé dans ce texte, du préambule du livre I des Coniques d’Apollonius :

« Le livre III contient nombre de théorèmes remarquables, qui sont

» utiles pour la synthèse des lieux plans et la détermination des condi-

» tions de possibilité des problèmes. La plupart de ces théorèmes et les

» plus beaux sont nouveaux ; leur découverte nous a fait reconnaître

» qu’Euclide n’a pas effectué la synthèse du lieu à 3 et 4 lignes, mais seu-

» lement celle d’une partie de ce lieu prise au hasard, et qu’il ne s’en est

» même pas heureusement tiré ; c’est que, sans nos découvertes, il n’était

» pas possible de faire la synthèse complète. »


Pappus : « Mais ce lieu à 3 et 4 lignes, dont Apollonius dit, à propos

» de son livre III, qu’Euclide ne l’a pas complètement traité, lui-même,

» pas plus qu’aucun autre, n’aurait pu l’achever, ni même rien ajouter à

» ce qu’Euclide en a écrit, du moins en s’en tenant exclusivement aux

» Éléments des Coniques déjà démontrés au temps d’Euclide... »


« Voici quel est ce lieu à 3 et 4 lignes, à propos duquel Apollonius se

» décerne de grands éloges pour ses additions et dont il aurait dû savoir

» gré au premier qui en a écrit. Si, trois droites étant données de posi-

» tion, on mène d’un même point, sur ces trois droites, trois autres sous

» des angles donnés, et qu’on donne le rapport du rectangle compris sous

» deux des menées au carré de la troisième, le point se trouvera sur un

» lieu solide donné de position, c’est-à-dire sur l’une des trois coniques.


» Si c’est sur quatre droites données de position que l’on mène des droites

» sous des angles donnés, et qu’on donne le rapport du rectangle de deux

» des menées à celui des deux autres, le point se trouvera de même sur

» une section conique donnée de position. D’autre part, si les droites

» sont seulement au nombre de deux, il est établi que le lieu est plan ; mais,

» s’il y a plus de quatre droites, le lieu du point n’est plus de ceux qui

» soient connus ; il est de ceux qu’on appelle simplement lignes (sans en

» savoir davantage sur leur nature ou leurs propriétés), et on n’a fait la
722 Note sur le Problème de Pappus.

» synthèse d’aucune de ces lignes, ni montré qu’elle servît pour ces lieux,

» pas même pour celle qui semblerait la première et la plus indiquée.

» Voici comment on propose ces lieux. »


« Si d’un point on mène à cinq droites données de position d’autres

» droites sous des angles donnés, et qu’on donne le rapport entre le paral-

» lelépipède rectangle compris sous trois des menées et le parallélépipède

» rectangle compris sous les deux autres et sous une donnée, le point se

» trouvera sur une ligne donnée de position. »


« Si les droites données sont au nombre.de six, et que l’on donne le

» rapport du solide compris sous trois des menées au solide compris sous

» les trois autres, le point se trouvera de même sur une ligne donnée de

» position. »


« S’il y a plus de six droites, on ne peut plus dire que l’on donne le

» rapport entre quelque objet compris sous quatre droites et le même

» compris sous les autres, puis qu’il n’y a rien qui soit compris sous plus

» de trois dimensions. Cependant, peu de temps avant nous, on s’est

» accordé la liberté de parler ainsi, sans rien désigner pourtant qui soit

» aucunement intelligible, en disant le compris sous telles droites par

» rapport au carré de telle droite ou au compris sous telles autres. Il était

» cependant aisé, au moyen des rapports composés, d’énoncer et de

» prouver en général les propositions précitées et celles qui suivent.


» Voici comment : »

« Si d’un point on mène à des droites données de position d’autres

» droites sous des angles donnés et que l’on donne le rapport composé de

» celui de l’une des menées à une autre, de celui des menées d’un second

» couple, de celui des menées d’un troisième, enfin de celui de la der-

» nière à une donnée, s’il y a sept droites en tout, ou bien de celui des

» deux dernières, s’il y en a huit, le point se trouvera sur une ligne

» donnée de position. »


» On pourra dire de même, quel que soit le nombre des droites, pair

» ou impair. Mais, comme je l’ai dit, pour aucun de ces lieux qui suivent

» celui à 4 droites, il n’y a eu une synthèse faite qui permette de con-

» naître la ligne. »


OBSERVATIONS.

Nous avons déjà, dans le tome IV de la Correspondance (éclaircissement, p. 364-366), discuté le passage particulièrement obscur du texte de Pappus (ci-avant, p. 378, 1. 6-10), et nous en avons donné une traduction un peu différente de celle qui précède, pour laquelle nous avons suivi la leçon des manuscrits.

Nous ajouterons ici quelques autres remarques, d’abord sur le passage de Pappus, puis sur la solution de Descartes.


I. La façon dont les anciens traitaient le lieu à trois et quatre droites a
Note sur le Problème de Pappus. 723

été magistralement élucidée dans le remarquable ouvrage de M. Zeuthen, de Copenhague, ouvrage traduit en allemand par M. von Fischer-Benzon, sous le titre : Die Lehe von den Kegelschnitten in Altertum (Copenhague, Höst, 1886). Nous relèverons donc seulement, ici, ce qui, dans le langage d’Apollonius et de Pappus, pouvait induire en erreur, au XVIIe siècle, sur l’histoire réelle de ce problème.

Il a dû être posé et résolu, par les procédés d’analyse géométrique des anciens, dans un ouvrage un peu antérieur à Euclide, les cinq Livres des Lieux Solides d’Aristée (lesquels contenaient d’ailleurs certainement les éléments de nombre de théories qui font défaut dans les Coniques d’Apollonius, et que, par suite, on a cru à tort ignorées de lui, comme les propriétés du foyer de la parabole, des directrices des coniques, etc.).

La synthèse, dont la marche était tout indiquée par l’analyse, n’offrait d’intérêt que comme exercice ou application à des données particulières ; mais il importait de réunir et d’établir les divers théorèmes nécessaires, soit pour la faciliter, soit pour la rendre complète. Ce fut le but (et non pas la synthèse elle-même) que paraît s’être proposé Euclide dans une partie de ses quatre Livres des Coniques, ouvrage qui n’était déjà plus étudié au temps de Pappus ; Euclide semble s’y être borné à réunir les travaux synthétiques des géomètres plus anciens, et cela, pour faciliter en particulier l’étude des Lieux Solides d’Aristée. Apollonius accomplit, dans son troisième Livre, la théorie laissée imparfaite (un des grands progrès qu’il réalisa fut, en particulier, la considération simultanée des deux hyperboles opposées, ou, comme nous le disons, des deux branches d’une même hyperbole) ; mais ce Livre ne pouvait être utilisé, pour le lieu à trois ou quatre droites, que si l’on connaissait déjà la solution analytique, qui, seule, pouvait mettre en lumière la véritable portée des théorèmes d’Apollonius et la façon de les appliquer.

Au commencement du XVIIe siècle, les géomètres, n’ayant plus l’ouvrage d’Aristée, pas plus que les Coniques d’Euclide, ne disposant que des quatre premiers Livres d’Apollonius et des indications très insuffisantes de Pappus, avaient donc, pour résoudre la question du lieu à trois et quatre droites, à retrouver l’analyse ancienne, dont ils ignoraient les procédés, ou à essayer une divination réellement difficile.

Aussi Descartes ne pouvait guère mieux choisir que ce lieu pour illustrer, par un exemple frappant, l’emploi de la méthode analytique nouvelle qu’il avait conçue pour faciliter l’application du calcul algébrique à la géométrie.

Le problème avait été proposé par Golius à Mydorge, au moins dès 1630 (Correspondance, tome I, p. 256, 1. 18), et à Descartes en 1631 (Ibid., p. 232-235). Dès avant la publication de sa Géométrie, Descartes l’indique à Mersenne, en t632 et 1 634, comme un problème à poser à Roberval (Ibid., p. 256 et 288). Avant 1637, Fermat (Œuvres de F., II, p. 105, 1. 2) l’avait résolu à la façon des anciens ; sa solution, très élégante, pour le lieu à trois droites, se trouvé seule conservée. Roberval ne parait

s’en être occupé que plus tard, mais le 4 août 1640 (Ibid., p. 201, 8), il
724
Note sur le Problème de Pappus.


écrit à Fermat : « Depuis cette invention (celle de sa méthode des tan-

» gentes), je me suis appliqué aux lieux solides ad tres et quatuor lineas,

» lesquels j’ai entièrement restitués, quoique, pour n’y rien oublier, il ne

» faille guère moins de discours qu’aux six premiers Livres des Elé-

» ments. » Il avait donc dû faire la synthèse complète.


2. Le problème général, tel que l’énonce Pappus pour un nombre quelconque de droites, peut aisément se poser comme suit. Soient :

A1 = 0, A2 = 0, ….. An = 0,
B1 = 0, B2 = 0, ….. Bn = 0,

les équations de 2n droites en coordonnées rectangulaires ou obliques, λ un coefficient arbitraire, l’équation du lieu à 2n droites sera :

A1 A2 … An-1 An ± λ B1 B2 … Bn-1 Bn = 0,

tandis que celle du lieu à 2n - 1 droites serait :

A1 A2 … An-1 An ± λ B1 B2 … Bn-1 = 0.

Dans les deux cas, l’équation est du degré n, mais, à cause du double signe λ, elle représente l’ensemble de deux courbes de ce même degré, circonstance que n’a pas relevée l’auteur de la Géométrie.

Il est à remarquer que la définition de Pappus pour le lieu en général, quand le nombre des droites est impair, ne concorde pas avec sa définition particulière pour le lieu à trois droites, qui revient à l’équation :

A1 A2 ± λ B2 = 0.

Enfin, c’est par suite d’une heureuse erreur, puisqu’elle lui a fait aborder au moins deux cas simples du lieu à cinq lignes, que Descartes a interprété la traduction de Commandin comme si les anciens avaient traité l’un de ces cas. Quoique le texte de Pappus reste douteux, il a certainement voulu dire tout le contraire.

3. Dans sa solution générale, Descartes reconnaît nettement la nature algébrique de la courbe et le degré de l’équation ; seulement, de même qu’il classe les problèmes d’après le degré de la courbe à employer pour les résoudre avec un cercle et non avec une ligne droite, il comprend sous un même genre, d’ordre n, les courbes de degré 2n et 2n - 1. Cette nomenclature amène quelques ambiguïtés.

D’autre part, il affirme que toute courbe du genre n (degré 2n) peut être lieu pour 4n droites. Ceci est vrai pour n = 1 ; il suffit de remarquer, pour les courbes du second degré, que, le lieu passant en général par chacune des intersections d’une droite A avec une droite B, on a ici quatre points et que le coefficient λ donne la cinquième condition pour déterminer la conique. La proposition est encore vraie pour n = 2 (lieu à huit droites). Mais, pour les valeurs supérieures de n, le nombre des conditions nécessaires pour déterminer la courbe générale du degré 2n, dépasse celui des conditions du problème. Il n’y a donc en général, si

n > 2, que certaines espèces de courbes du degré 2n qui jouissent de la
725
Note sur le Problème de Pappus.

propriété que leur équation puisse se mettre sous la forme de l’équation du lieu à 4 n droites.

4. Descartes explique très clairement sa solution pour le premier cas simple du lieu à cinq lignes qu’il a traité ; quant au second, ce qu’il dit est d’une obscurité probablement volontaire, et même inexact, si on le prend à la lettre. Car, supposant le lieu rapporté à un diamètre (soit l’axe des x) et à l’axe conjugué passant par le sommet (l’axe des y) , il dit que les ordonnées y sont égales à celles d’une section conique, dont les abscisses z formeraient, avec les abscisses correspondantes x du lieu, un produit constant, soit m2. C’est-à-dire que l’on aurait :

y2 = 2 pzp/a z2 et zx = m2.

Mais il est clair qu’à moins de supposer nul le terme en z2, l’équation en x et y sera alors du quatrième degré et non du troisième, comme elle doit être pour un lieu à cinq lignes ; que, d’autre part, si la conique est simplement une parabole y2 = 2 pz, l’équation du lieu prendra la forme xy2 = k3 qu’on ne voit pas le moyen de mettre sous celle qui correspond au cas examiné par Descartes.

Il a dû supposer les quatre droites parallèles symétriques par rapport à l’axe des x, et prendre la droite les traversant comme axe des y ; les équations des cinq droites sont alors :

y - a = 0, y + a = 0, y - b = 0, y + b = 0, x = 0,

et celle du lieu :

x (y2 - b2) = m (y2 - a2)

En posant ma2 = b2c, c - m = n, x = c + x’ , on ramène cette équation à la forme y2 = (b2x’ )/(x’ + n).

En posant maintenant x’ + n = n2/z on a y2 = (b2/n) (n - z). On arrive bien ainsi à l’équation d’une parabole ; seulement l’abscisse du lieu n’est pas, comme le dit Descartes, comptée à partir du sommet, mais bien à partir de la rencontre de l’axe des x avec une perpendiculaire, asymptote de deux branches de la courbe.

5. En ce qui concerne l’analyse du lieu à quatre droites, que Descartes a présentée sous forme d’une discussion générale de l’équation du second degré à deux inconnues, on peut remarquer qu’il a omis de considérer le cas où le coefficient de y2 est nul. Il a lui-même reconnu cette omission et l’a signalée dans sa lettre à Debeaune du 20 fév. 1639 (t. II de cette édition, p. 511, 1. 3) ; il y fait déjà probablement allusion le 31 mars 1638 (t. II, p. 84, 1. 7), plutôt qu’au cas que nous avons supposé visé, dans la note sur ce passage.

Paul Tannery.
FIN.


TABLE DES MATIÈRES

————


Avertissement 
 V


Frontispice des ESSAIS 
 XIII


Discours de la Méthode 
 1


La Dioptrique 
 79


Les Météores 
 229


La Géométrie 
 367


Tables 
 487


Frontispice des Specimina Philosophiæ 
 517'


Indices 
 519/


Dissertatio de Methodo 
 540


Dioptrice 
 584


Meteora 
 651


Note sur le Problème de Pappus 
 721







Achevé d’imprimer
par LÉOPOLD CERF
12, rue Sainte-Anne, à Paris
le 20 novembre 1902

  1. a et b Voir ci-après le titre complet sur la reproduction phototypique du frontispice de l’édition originale.
  2. Schooten donna en 1659 une seconde édition (Amsterdam, Louis et Daniel Elzevier), dans laquelle ses commentaires sont sensiblement développés, et qui, grossie d’opuscules tant de lui-même que de Hudde, H. van Heuraet, Florimond Debeaune, Jean de Witt, constitue, en Jeux volumes, un véritable corpus de la géométrie cartésienne à cette date. C’est de cette seconde édition que nous nous sommes particulièrement servi .
  3. Elles ont été, au moins les plus saillantes, indiquées entre guillemets dans le texte latin.
  4. Pour le texte français, les numéros des pages originales figurent sur la ligne du titre courant ; pour le texte latin, voir la note de la page 540.
  5. Je dois ajouter, cependant, que, pour la facilité de la lecture, j’ai imprimé régulièrement , adverbe, dans les trois Essais, alors que l’usage le plus fréquent de Descartes est de ne pas mettre l’accent, pas plus que pour la conjonction. De même pour , adverbe ; au contraire, pour à, préposition, l’omission de l’accent n’amène jamais d’hésitation. (T.)
  6. Les formes corrigées se réduisent aux suivantes, en dehors des fautes d’impression proprement dites :
    1° Emploi de l'y ou de l'i. — Ayt, croire, aussytost.
    2° Diphtongues. — Ceuillir et receuillirneuds. — transparant.
    3° Pluriel. — Nez (nés), difficultéz, esloignez. La forme des pluriels en és est à peu près exclusivement employée dans l’édition de 1637. Mais au moment où elle paraissait, Descartes, à en juger par son errata, se serait précisément rallié à la forme ezEstans (forme isolée, en regard d’estant). — Toutefoix.
    4° S d’accentuation. — Voyage, batissoit, pretast, inegale. — Despendre (l’étymologie latine exige dependre), étois. — Cest, cét, cestuy.
    5° Lettres doublées ou non prononcées. — Celluy, cella, parfaitte. esclattant, temps, trouts. — Pieres. rons.
    6° Emploi de l'x. — Reflection.
  7. a. « Voir la figure en la page 6l. « (P. l39 ci-avant.)
  8. Nous indiquons, par des étoiles, les endroits auxquels se rapportent les commentaires de Schooten dans ses éditions latines de la Géométrie (1649 et 1659). La lettre de renvoi correspondante est, pour cette page, A.
  9. Sous-entendez vnité.
  10. z4 = + az3 + b2z2 + c3z + d4(Schooten)
  11. On voit qu’en tout ce passage, Descartes ne reconnaît nullement les racines négatives des équations.
  12. Voir, à la fin du volume, la Note I, où est donnée la traduction de ce passage latin et où il est commenté. Descartes reproduit le texte de la version, parfois inexacte, de Commandin : Pappi Alexandrini mathematicæ collectiones a Federico Commandino Vrbinate in latinum conversæ et commentariis illustratæ. — Pisauri, apud Hieronymum Concordiam, 1588 (1602). — Venetiis, apud Franciscum de Franciscis Senensem, 1589. — Même édition sous trois tirages différents.
  13. « aut etiam unam » ajoute Schooten.
  14. XYZ Schooten.
  15. E a été ajouté par Schooten.
  16. Nous ajoutons le signe -, qui manque dans l’édition princeps et aussi bien dans les éditions latines de Shooten.
  17. Les mots entre crochets ont été supprimés par Schooten dans l’édition de 1659.
  18. Ce second cas est celui où IL, ne rencontrant pas la conique, n’était pas alors considérée comme un diamètre.
  19. qui luy eſt appliquée, Desc.
  20. cherchées, Desc., dans Schooten
  21. Lire « l’égalité de la somme ou de la différence »
  22. Titre dans la table des matières
  23. y6-2by5+(b2-2cd+d2)y4+(4bcd-2d2v)y3+(c2d2-d2s2+d2v2-2b2cd)y2-2bc2d2y+b2c2d2=0
  24. Titre dans la table des matières
  25. Page 415
  26. y6-2by5+(b2-2cd+d2)y4+(4bcd-2d2v)y3+(c2d2-d2s2+d2v2 -2b2cd)y2 -2bc2d2y +b2c2d2=0.
  27. y6 + (f-2e)y5 + (g2-2ef+e2)y4 + (h3-2eg2+e2f)y3 + (k4-2eh3+e2g2)y2 + (-e2h3-2ek4)y + e2k4
  28. Étant donné une directrice (BH), un pôle A non situé sur (BH), et un module b, à partir d’un point B de la directrice, on construit les deux points D et D’ de la droite (AB) situés à une distance b de P tels que : AD = AD’ = b. La conchoïde de droite est le lieu géométrique des points D et D’ lorsque le point B parcourt (BH).
  29. Géométriquement identique à la 3e, comme la 1re l'est à la 4e
  30. Page 422
  31. Descartes emploie l’astérisque pour désigner la place des termes manquants ;
  32. Schooten a omis, avec raison, de traduire ce mot « vraies ».
  33. Les deux membres 16 de cette ligne devraient ce semble être affectés du signe -.
  34. L’astérisque, omis par Descartes, a été rétabli par Schooten.
  35. Schooten supprime ici ou CE, qu’il rajoute après FD page 462. l. 19.
  36. Lire « qu'est le point C au regard du point A ».
  37. Axe.
  38. Dans ces formules de Cardan, le facteur C indique la racine cubique.
  39. En valeur absolue conformément à l’habitude de Descartes quand il énonce des racines fausses (négatives).
  40. Il semble qu'il faille restituer cette manchette
  41. Ce titre se trouve en haut de la page suivante
  42. Après Les fautes de l’impression, qui occupent une page, on lit : On trouvera aussi en plusieurs endroits des définitions fort mal mises, et quantité d’autres fautes de peu d’importance : lesquelles on excusera facilement quand on saura que l’Auteur ne fait pas profession d’être Grammairien, et que le Compositeur dont le Libraire s’est servi n’entend pas un mot de Français.


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