Cours d’agriculture (Rozier)/PÉPINIÈRE (supplément)

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PÉPINIÈRE, (Jardinage pratique.) On appelle de ce nom un espace de terrain consacré au semis de graines d’arbres, de quelque espèce qu’elles soient, et à l’éducation, si on peut employer ce terme, des plants qu’elles ont produits, pendant les premières années de leur croissance.

Dès que l’homme ennuyé de la vie errante se fut fixé, il dut planter, dans le voisinage de sa demeure, les arbres dont le fruit lui servoit de nourriture, et ensuite semer leurs graines, pour remplacer ceux qu’il perdoit. Il y a donc tout lieu de croire que les pépinières sont aussi anciennes que la civilisation : aussi les trouve-t-on indiquées, par les historiens, à des époques très-reculées ; mais il ne paroît pas que l’antiquité leur ait donné toute l’importance qu’elles méritent, car les écrits agronomiques des Grecs et des Romains n’annoncent point que, même de leur temps, l’art du pépiniériste fût une science, ni son résultat un objet de commerce de quelque étendue.

Ce n’est que dans l’avant-dernier siècle seulement qu’on a commencé à former ce qu’on doit appeler véritablement une pépinière, car nos pères n’ont eu aucune idée des pépinières forestières, ni de celles d’arbres étrangers pour l’agrément, et ils ne savoient pas même d’après quels élémens il falloit diriger celles des arbres fruitiers. Ces dernières, de leur temps, s’entretenoient par des sauvageons arrachés dans les forêts, et greffés avec les espèces qu’on possédoit déjà, sans s’inquiéter s’il y en avoit ou non de meilleures, et sans, pour ainsi dire, leur donner de culture.

Alors, quand on vouloit planter ou repeupler un bois, on semoit les graines sur place, souvent sans aucune préparation ; ou on arrachoit du jeune plant dans un lieu, pour le placer dans un autre.

Les avantages des grandes pépinières marchandes, telles qu’on en voit actuellement autour de Paris et autres grandes villes de France, d’Angleterre, et d’Allemagne, sont si nombreux et si faciles à saisir, qu’il n’est plus permis de les révoquer en doute. Le fécond principe de la division du travail, si bien développé dans ces derniers temps, leur est applicable dans toute son étendue ; c’est-à-dire qu’un homme qui se dévoue exclusivement à la culture des arbres, qui réfléchit pendant toute l’année sur la théorie et la pratique de l’art qui les a pour objet, doit faire plus économiquement, et mieux que celui qui s’en occupe seulement pendant de courts instans pris sur d’autres occupations ; aussi est-ce aux pépiniéristes qu’on doit l’abondance et le bon marché des bonnes espèces d’arbres à fruits, jadis si difficiles à se procurer, des arbres étrangers, autrefois si rares, et les arbres forestiers, que la plupart des non-propriétaires ne pouvoient se procurer que par des délits contraires aux lois de la police rurale.

Nous possédons, en ce moment, tous les élémens propres à assurer la réussite des établissemens de ce genre, et le gouvernement, dont l’influence est si puissante, les encourage de toutes les manières, et principalement par l’exemple, comme le prouve la pépinière d’arbres fruitiers du Luxembourg, celles d’arbres étrangers et forestiers de Versailles ; car il sait qu’ils sont un des plus puissans moyens de prospérité nationale ; aussi le goût des plantations s’étend-il avec une rapidité telle, qu’il y a lieu de croire que bientôt elles ne seront plus étrangères à aucune partie de la France, et qu’elles contrebalanceront les inquiétans effets de la destruction des bois de haute-futaie, dont on se plaint par-tout et avec raison.

Le lieu à choisir, pour établir une pépinière, est une plaine, ou le bas d’un coteau abrité du vent du nord et du nord-est, par une chaîne de montagnes, ou par un massif de grands arbres. Le terrain doit être profond, ni trop sec, ni trop humide, d’une fertilité moyenne, et même au dessous de la moyenne.

Il peut paroître paradoxal à beaucoup de personnes de choisir un terrain de cette nature, plutôt qu’un meilleur ; mais il est très-certain qu’il doit être préféré.

En effet, les bons terrains étant beaucoup moins fréquens que les autres, il est très-probable que les arbres qui y auront été élevés seront placés à demeure dans un sol inférieur en qualité ; or, il est d’observation que, dans ce cas, ils languissent pendant long-temps, puis dépérissent, et finissent souvent par mourir ; tandis que ceux enlevés d’un terrain médiocre, pour être plantés dans un meilleur, reprennent facilement, croissent avec rapidité, et deviennent beaucoup plus beaux.

Ce fait est fondé sur ce que, lorsqu’une plante se trouve, pendant les premières années de son existence, dans la situation la plus favorable à sa croissance, ses vaisseaux prennent une amplitude proportionnée à l’abondance de la sève qu’elle reçoit ; mais, si cette situation change en mal, ces mêmes vaisseaux, ne recevant plus la même quantité de sève, ne peuvent plus s’en remplir, ni porter, par conséquent, toute la nourriture nécessaire aux extrémités des rameaux.

Quelque évidens que soient, sous les deux rapports de la théorie et de la pratique, les inconvéniens de placer une pépinière dans des terres trop fertiles, la plupart des spéculateurs, dans cette partie, les recherchent, parce que la grande majorité des acquéreurs se laissent séduire par la belle apparence des arbres qui y ont crû, et ne savent point qu’elle est pour eux l’indice caché d’une non-réussite presque certaine. Je ne puis donc trop répéter qu’il faut se défier des pousses vigoureuses, des larges feuilles, des jeunes arbres achetés dans une pépinière, et qu’on doit toujours comparer la nature du terrain dont ils sortent avec celle de celui où l’on veut les mettre.

Mais, pour en revenir à mon objet, tout terrain destiné à une pépinière doit être, au préalable, défoncé au moins de deux pieds, débarrassé des pierres qu’il contient, et rendu aussi uni que possible. Cette opération est d’autant plus importante, et mérite une surveillance d’autant plus active, qu’elle doit influer pendant plusieurs années sur les produits ; en conséquence, on veillera à ce que les ouvriers retournent toutes les parties du sol, brisent toutes les mottes avec soin, et enterrent profondément l’herbe de la surface pour l’empêcher de repousser. On fera enlever toutes les racines de chiendent, de liseron des champs, et autres plantes vivaces, dont la destruction n’est pas facile. En général, le défoncement à la pioche, ou mieux la tournée auvergnate, est toujours meilleure que celui à la bêche, et doit, par conséquent, être préféré ; mais, comme ce dernier est d’usage en certains pays, on se trouve souvent obligé de l’employer.

Le principe d’après lequel l’un et l’autre doivent être faits est que plus la terre est meuble, c’est-à-dire divisée, plus les racines des jeunes plants s’y insinuent facilement, et vont chercher au loin la nourriture qui leur est nécessaire. Ainsi celui où la terre aura été par-tout changée de place, et également brisée, sera bon, de quelque manière qu’il ait été fait.

Il est des personnes qui pensent qu’on doit donner jusqu’à quatre pieds au défoncement ; mais il est évident que c’est une dépense inutile, puisque rarement les racines d’un sujet, dans une pépinière, devront arriver aussi bas, ainsi que je le ferai voir par la suite, et qu’il seroit même généralement nuisible qu’elles y arrivassent.

Une des précautions à prendre, lorsqu’on procède à une opération de cette nature, c’est que la terre végétale ne soit pas enterrée trop profondément sous une terre inférieure en qualité ; car les semis et les plants d’un à deux ans ne pouvant en profiter, elle seroit par conséquent perdue pour eux. Dans le cas où la terre végétale n’auroit pas deux pieds de hauteur, il faudroit ou faire un défoncement moindre, ou mêler également la bonne et la mauvaise terre, ou apporter à la surface une terre de meilleure qualité.

Les défoncemens doivent précéder de plusieurs mois les plantations, pour que les terres du fond, répandues en surface, aient le temps de s’émietter aux pluies, aux gelées, aux neiges, et de s’imprégner des gaz bienfaisans atmosphériques.

Beaucoup de propriétaires, et presque tous les pépiniéristes de profession, mettent du fumier au fond de la fosse de leur défoncement ; mais, comme on l’a vu plus haut, ce n’est que dans les très-mauvais terrains qu’on doit se permettre cette pratique, encore n’est-ce que lorsqu’il n’est pas possible de se procurer de bonnes terres, des curures d’étang, des nettoyures de grands chemins, des gazons pris dans les bois ou dans les marais, etc., etc., tous articles qui produisent un meilleur effet, et sur-tout un effet plus durable que le fumier proprement dit, et qui n’ont aucun de ses inconvéniens.

Un excellent moyen à employer, lorsqu’on se trouve forcé d’établir une pépinière dans un sol qui renferme peu de terre végétale, c’est d’y apporter des terres d’une contexture contraire à celle qui y domine. Ainsi, avec une terre argileuse, on mélangera du sable ou une marne très-calcaire, et avec une terre sablonneuse ou calcaire, on unira de l’argile ou une marne très-argileuse. C’est l’analyse qui rigoureusement doit, dans ce cas, décider des proportions ; mais le seul coup d’œil suffit ordinairement pour les fixer. On peut croire avoir réussi, lorsqu’après ce mélange, la terre est bien meuble, absorbe l’eau avec facilité, et cependant ne la laisse pas perdre aisément, sans lui laisser le temps de se putréfier, ce qui pourrit les racines et fait périr les jeunes plants, sur-tout ceux à fruits, à noyaux, dans les arbres fruitiers, et les arbres de la famille des légumineuses, parmi les autres.

Ce moyen d’amélioration n’est pas praticable par-tout, et il est ordinairement très coûteux ; mais il agit sur les terres pour un grand nombre d’années, quelques uns disent même pour trente ans, espace de temps qu’on fixe ordinairement à une pépinière bien conduite, pour épuiser le terrain où elle est placée. Je dis bien conduite, car, si on place deux fois de suite des arbres de même nature, dans le même local, il le fatiguera bien plus que si on fait succéder des ormes à des chênes, des pruniers à des pommiers, des catalpa à des tulipiers, etc., etc., et par conséquent on avancera de beaucoup ce terme.

La pépinière défoncée et bien close en murs, haies ou fossés, sera partagée en carrés plus ou moins grands, selon son étendue, par des allées d’environ six à douze pieds de large et un peu creusées dans le sol, s’il est humide, exhaussées au contraire s’il est sec, afin de retenir les eaux pluviales, où elles tombent dans les carrés, et, dans l’autre cas, de leur servir d’égout ; et quelques uns de ces carrés, c’est-à-dire ceux destinés aux semis, seront subdivisés en planches de six pieds de large, séparées par des sentiers d’un pied. Ici, chaque espèce de pépinière commence déjà à exiger des opérations préliminaires différentes. Ainsi, dans celles destinées aux arbres forestiers et aux arbres fruitiers, où l’on ne craint ni le froid, ni le chaud, on n’a plus qu’à semer ou planter ; mais, dans celles des arbres étrangers et des arbres verts où l’on a à redouter tantôt les gelées et tantôt la trop grande force des rayons du soleil, il faut, au préalable, faire des abris pour garantir les jeunes plants, et même souvent les vieux, des inconvéniens qui seroient la suite de l’action de ces deux causes.

Pour ne point mettre de la confusion dans mon travail, je traiterai séparément des quatre natures de pépinières, quoique réellement on ne puisse pas établir, même en théorie, une ligne de démarcation entr’elles, et qu’il soit très-rare qu’on cherche à les isoler dans la pratique. Je parlerai donc successivement des soins et des travaux qu’exigent les pépinières des arbres forestiers, des arbres fruitiers, des arbres d’agrément et des arbres verts. J’éviterai d’entrer dans des détails d’application, pour ne pas être exposé à répéter ce qu’on peut trouver aux articles particuliers de chaque espèce, répandus dans le corps de cet Ouvrage, et les procédés communs à toutes les pépinières ne seront décrits qu’une seule fois, mais mentionnés avec indication du lieu du renvoi, dans toutes les circonstances où cela sera nécessaire.

Pépinière d’arbres forestiers. De toutes les espèces de pépinières, celle des arbres forestiers est la plus facile à former. Elle n’exige que peu d’instruction et de soins dans celui qui la dirige ; cependant sa réussite dépend de beaucoup de circonstances que l’homme le plus attentif ne saisit pas toujours. Aussi voit-on peut-être plus de mécomptes dans les spéculations qui les ont pour objet, que dans celles qui sont fondées sur des procédés plus savans ou plus délicats.

C’est principalement par des semis qu’on établit les pépinières forestières. Les chênes, les frênes, les charmes, les érables, les bouleaux, les hêtres, les châtaigniers, les cormiers, les coudriers, etc., ne se multiplient guères que par ce moyen ; cependant il est quelques espèces, telles que les tilleuls, les platanes, les buis, etc., qu’il est plus court de se procurer par marcottes, et d’autres que leur facilité de reprendre de bouture engage toujours de multiplier par ce moyen, tels que les peupliers, les saules, les aulnes, etc.

Comme c’est sur la bonne qualité des graines que se fondent les espérances de succès, lorsqu’on entreprend de former une pépinière de cette sorte, il faut, en conséquence, choisir les plus belles, les plus mûres, et ne pas craindre des frais pour se les procurer telles ; et, comme la plupart mûrissent à des époques différentes, il faut être attentif pour ne les pas manquer ; car souvent, il est difficile de les trouver à acheter, et il est toujours nuisible de le faire, soit sous le rapport de l’économie, soit sous celui, à mes yeux plus important, de la qualité.

Il est des graines d’arbres qui demandent à être semées immédiatement après leur maturité ; il en est d’autres qui peuvent attendre le printemps suivant, et quelques unes qui conservent plusieurs années leur faculté germinative. Cela tient à la nature de leur périsperme qui est, ou imprégné d’une huile susceptible de rancidité, dont l’acide réagissant sur le germe détruit son principe vital, comme dans la noix, la faîne, etc., ou formé d’une substance cornée qui, une fois desséchée, n’est plus susceptible de s’imbiber de l’eau nécessaire au développement du germe, comme dans le gland, la châtaigne, etc. Toutes les graines parviennent plus tôt ou plus tard, selon leurs espèces, et suivant la situation où elles se trouvent, à un de ces deux états. Je dis suivant la situation où elles se trouvent, parce que la chaleur accélère beaucoup la rancidité des graines huileuses, et, l’exposition à l’air, le dessèchement de celles qui ne le sont pas. Ainsi on peut les conserver plus long-temps, lorsqu’on prend les précautions convenables. Les graines qui sont renfermées dans une pulpe sont celles qui se conservent généralement le moins ; celles qui le sont dans une capsule perdent plus lentement leur faculté germinative, lorsqu’on les laisse dans cette capsule.

En général, il est bon, quand on le peut, de semer les graines au moment même de leur récolte ; la nature agit ainsi, et l’on ne se trompe jamais lorsqu’on la suit ; cependant, comme la plupart de ces graines sont recherchées par les animaux sauvages, il est quelquefois préférable de les tenir accumulées dans des fosses ou sous un tas de terre ou de sable pendant tout l’hiver, pour ne les semer qu’à l’époque de leur germination. Il est même quelques pépiniéristes qui attendent que cette germination soit déjà commencée, pour y procéder ; mais ils ont, la plupart, pour but de pouvoir pincer la radicule, afin que leurs arbres n’aient point de pivot. Cette méthode, utile dans quelques circonstances, doit être généralement réprouvée pour les arbres forestier, principalement ceux d’alignement, et en général tous ceux desquels on attend une longue durée, une résistance contre les vents impétueux, et la plus belle venue.

Ce qui vient d’être dit indique le meilleur moyen à employer pour envoyer des graines d’arbres des pays lointains. C’est de les stratifier avec de la terre ou de la mousse à peine humide, de les mettre dans des caisses de bois. Ces graines peuvent ainsi traverser les mers, éprouver une grande variété de température, et conserver leur faculté germinative pendant plusieurs années, tandis que, si elles eussent été simplement mises dans des sacs, elles l’eussent perdue au bout de quelques semaines.

Humbold a proposé de faire tremper les graines qui ont perdu leur faculté germinative par vétusté, dans une eau chargée d’acide muriatique oxigéné, pour les ramener à leur état primitif. Il explique ce fait par l’irritabilité qui est rappelée en elles par l’action de cet acide.

On peut conclure des observations précédentes, qu’il est possible de garder les graines des arbres indigènes qui n’en fournissent pas toutes les années, tels que le chêne, le hêtre, etc., en les enfouissant profondément, à cinq ou six pieds, par exemple, en grande masse, dans un terrain sec. On fait encore peu usage de ce moyen, parce qu’on n’y est pas invité par le besoin ; mais, si les pépinières forestières prennent, comme on doit l’espérer, toute l’extension dont elles sont susceptibles, il deviendra indispensable d’y avoir recours.

Il est trois manières de semer usitées dans les pépinières, savoir, à la volée, en rayon, et au plantoir. Les deux premières se pratiquent principalement pour les graines fines, telles que celles d’orme, de bouleau, etc. ; l’autre ne peut s’employer que pour les graines d’une certaine grosseur, telles que les glands, les noix, etc. Il n’y a pas de doute que cette dernière ne soit la meilleure, en ce que les plants qui en résultent, étant également espacés, jouissent tous du bénéfice de l’air, et ne se nuisent pas réciproquement par leurs racines ; mais très-souvent les avantages qui en résultent sont si peu sensibles, qu’ils ne valent pas l’emploi du temps qu’on leur a sacrifié. Il faut donc se borner à n’en faire usage que dans les semis des très-grosses semences ou d’espèces rares. Quant au choix entre les deux premières, il est assez difficile de le déterminer. Les pépiniéristes varient beaucoup d’opinion à cet égard : elles ont chacune des avantages et des inconvéniens. On peut leur appliquer la même observation que ci-dessus, c’est-à-dire que la différence qu’elles présentent dans leurs produits est trop peu marquée, pour mériter une préférence à l’une plutôt qu’à l’autre. La première est celle de la nature, aussi est-ce celle que j’aime le mieux employer, quoique la difficulté, qui consiste à répandre également la semence sur toute la surface du terrain, ne soit pas toujours facile à vaincre. Ce n’est que par une grande pratique qu’on peut espérer d’y parvenir. Il faut, de plus, avoir sur-tout attention de ne pas semer trop épais, parce qu’une portion du plant étoufferoit l’antre, et que ce qui resteroit viendroit moins beau.

La semence répandue sur le terrain doit être recouverte plus ou moins de terre, selon son espèce, par le moyen du râteau. Il seroit bon, en général, qu’elle le fût en terre plus meuble et plus substantielle que celle du sol ; c’est-à-dire avec une terre passée à la claie et préparée avec des détritus de végétaux, comme on le fait dans les pépinières d’arbres étrangers ; mais la dépense que cela occasionneroit s’y oppose presque toujours.

L’air est indispensable à la germination des plantes, ainsi que beaucoup de physiciens l’ont prouvé par des expériences directes. En conséquence, toute graine enfouie trop profondément ne se développe point et pourrit au bout d’un laps de temps plus ou moins considérable, suivant sa nature et celle du terrain où elle se trouve. Il faut donc qu’un pépiniériste ne couvre les graines qu’il sème, que de la quantité de terre strictement nécessaire au besoin qu’elles ont d’humidité. Chaque espèce de graines demande un degré d’enfouissement différent. En général, elles doivent être d’autant plus près de la surface qu’elles sont plus fines ; cependant quelques grosses espèces, le gland, par exemple, ne réussissent pas, si elles ont plus d’un pouce de terre au dessus d’elles. Celles qui demandent à être enterrées plus profondément sont les osseuses, comme les noix, les amandes, les aubépines, les nèfles, les sorbes, les cornouilles, les olives, etc., dont le germe a besoin d’un haut degré d’humidité, pour pouvoir écarter les battans de la boîte dans laquelle il est renfermé. Il faut même à la plupart de ces dernières, surtout lorsqu’elles n’ont pas été semées immédiatement après leur récolte, deux et quelquefois trois ans de séjour dans la terre, pour qu’elles puissent se développer. Ce sont celles-là principalement qu’il est utile de mettre au fermoir, c’est-à-dire d’enfouir, en masse, dans un terrain sec ou dans une cave, puisqu’on est presque certain qu’elles ne lèveront pas la première année, et que, par conséquent, outre le risque de les voir manger par les mulots et autres animaux, on perd le revenu du terrain où on les a semées. Il est cependant quelques graines moins dures, telles que celles du tilleul, du tulipier, etc., qui ne lèvent, la plupart du temps, que la seconde année. D’ailleurs, les anomalies, dans ce cas, sont assez fréquentes, c’est-à-dire que telle graine qui, ordinairement, lève l’année où elle est semée, ne germe quelquefois que la seconde année ; tandis qu’au contraire celle qu’on s’attendoit à ne voir lever que la seconde année, pousse dès la première. Il est donc assez difficile de donner des indications précises sur cet objet, et on est obligé de recommander, en conséquence, à tout pépiniériste qui aura semé une graine précieuse dont il ne connoît pas la manière d’être, sur-tout si elle est vieille, de ne pas remuer la terre où il l’aura placée, avant la quatrième année, puisque, jusqu’à cette époque, il peut encore espérer de la voir lever.

On connoît quelques graines, telles que celle de l’orme, qui mûrissent d’assez bonne heure pour donner du plant dès la même année, lorsqu’on les sème au moment de leur chute de l’arbre ; mais malheureusement pour les pépiniéristes, à qui elles font gagner une année, il n’y a que celles-là, parmi les arbres indigènes, qui jouissent de cette propriété.

Les graines semées sont abandonnées à elles-mêmes, quoiqu’il fût bon de les arroser quelquefois pendant les sécheresses ; mais cette opération, qu’on pratique beaucoup dans les pépinières d’arbres d’agrément, ne peut pas être ordinairement employée dans celles des arbres forestiers, à raison de la dépense.

Plusieurs quadrupèdes de la classe des rongeurs, et plusieurs oiseaux, recherchent les graines semées dans les pépinières, et causent souvent de grands dégâts, même lorsque le plant commence à poindre. Il faut donc les détruire ou les chasser.

Le plant levé auroit quelquefois besoin d’être garanti des dernières gelées du printemps ; mais, comme cela devient fort difficile et sur-tout fort coûteux dans une grande pépinière, on est exposé à supporter des pertes considérables par cette cause. Lorsqu’on a passé l’époque des gelées, on n’a plus à redouter que les grandes sécheresses, qui produisent souvent le même effet, et dont, pour la même raison, on ne peut empêcher les suites, quoique l’eau soit à portée.

En général, le plant ne demande, la première année, que deux ou trois sarclages et d’être éclairci lorsqu’il est trop épais.

Le plant de cet âge s’appelle pourrette, et est l’objet d’un assez grand commerce ; c’est-à-dire que des pépiniéristes, établis dans des lieux où le terrain est à bon marché, se bornent à semer des graines et à en vendre le plant, la première ou la seconde année, à d’autres pépiniéristes voisins des grandes villes, qui le repiquent et en font des arbres marchands, par la suite des procédés dont il va être question.

Quelques pépiniéristes pensent qu’il est avantageux de repiquer le plant dès l’hiver suivant ; mais le plus grand nombre d’entr’eux soutiennent qu’il ne doit l’être que la seconde année, pour les espèces les plus hâtives, et la troisième, pour celles qui le sont moins. Il est certain que des plants repiqués dans leur première jeunesse profitent mieux que ceux qui sont restés sur place, lorsque d’ailleurs ils peuvent être garantis de la trop grande ardeur du soleil, et d’une sécheresse trop prolongée ; mais comme, à raison de la dépense, on ne peut pas, ainsi que je l’ai observé plus haut, leur donner tous les soins qu’ils exigeroient, et que ce repiquage ne dispenseroit pas d’une nouvelle transplantation, un ou deux ans plus tard, ce qui augmenteroit encore cette dépense, je crois qu’on doit se ranger du dernier avis.

Il est une manière encore plus rustique, si je puis employer ce mot, de conduire les pépinières forestières, c’est celle où on laisse le plant dans le lieu du semis jusqu’à sa plantation définitive. On la préfère, à raison de sa grande économie, lorsqu’il s’agit de planter des forêts d’une vaste étendue ; alors les plants sont tenus très-clairs, et s’enlèvent généralement à deux ou trois ans. Je dis généralement, parce que quelques pépiniéristes les laissent plus longtemps en place, soit volontairement, soit par défaut de débit ; mais il est reconnu que, dans ce cas, leur reprise est moins assurée. Ainsi tout propriétaire qui établira une pépinière de ce genre, pour son usage personnel, n’attendra pas au delà de la troisième année pour en utiliser le plant, quelque peu avancé qu’il paroisse, parce qu’il doit être assuré qu’il profitera mieux dans le local qui lui est destiné, que dans celui où il a été semé, pourvu que les préparations données au terrain aient été faites convenablement. Cette manière a l’avantage de conserver presque tous les plants avec leurs pivots, ce qui est très-important, ainsi qu’on le verra plus bas.

Mais ici je sors de la pépinière, et il faut y revenir pour indiquer la suite des opérations que doit subir le plant, avant de devenir ce qu’on appelle, en termes de jardinage, un arbre fait, un arbre marchand.

Lorsqu’on veut arracher du plant dans l’intention de le transplanter, on doit procéder avec méthode, pour n’endommager que le moins possible les racines ; en conséquence, entamer la planche où il se trouve, par un de ses bouts, et, au moyen d’une fosse assez profonde pour atteindre l’extrémité des racines, miner le terrain pour l’enlever sans les offenser.

Malheureusement on n’en agit pas toujours ainsi ; on arrache à la bêche ou à la fourche, souvent même à la main seule ; aussi manque-t-il beaucoup de pieds à la reprise ; aussi les pieds qui reprennent deviennent-ils souvent foibles et rabougris, de forts et de droits qu’ils étoient. En général, il faut toujours rigoureusement conserver le plus de racines possible, même le pivot.

Même le pivot ! répéteront avec affectation les pépiniéristes attachés à la vieille routine : mais ne voyez-vous pas, diront-ils, que ce pivot, grandissant, s’enfoncera tellement en terre, que lorsque vous serez dans le cas de vendre l’arbre, il vous faudra faire un trou de 3 à 4 pieds, et encore, peut-être, pour ne pas arriver à sa pointe ! D’ailleurs, ajouteront-ils, ce pivot est inutile, puisque, coupé, il sera remplacé par trois ou quatre mères-racines qui fourniront beaucoup plus de chevelu, et par conséquent plus de moyens de subsistance que lui.

D’accord, leur répondrai-je ; mais la nature a donné ce pivot à la plupart des grands arbres, pour qu’ils puissent tirer leur nourriture de la profondeur de la terre, et en même temps s’affermir contre les efforts des vents. Devez-vous, pour vous éviter une légère peine de plus, les priver de ces deux précieux avantages ? Voyez ce parc, planté à si grands frais, il y a cinquante ans, et qui vient d’être coupé pour la première fois l’hiver dernier, pourquoi a-t-il perdu la plus grande partie de ses baliveaux de réserve par les ouragans de l’équinoxe ? c’est que tous les plants de chêne qui y ont été employés ont eu le pivot coupé. Pourquoi la moitié de cette avenue de platanes est-elle si belle, lorsque l’autre est si chétive ? c’est que la première a été formée avec de jeunes plants provenus de graines, et auxquels on avoit rigoureusement conservé le pivot, tandis que la seconde l’a été avec le produit de marcottes qui ne pouvaient pas en avoir.

Ce que je viens de dire conduit naturellement à parler d’une opération indispensable aux yeux de la plupart des pépiniéristes, quelque opposée qu’elle soit au but que tous se proposent : c’est celle qu’on appelle vulgairement l’habillement du plant, et qui consiste, outre la suppression du pivot, à raccourcir toutes les autres racines, et à réduire la tige à quelques pouces de hauteur.

Il faut discuter séparément les deux parties de cette opération, pour en prendre une idée juste, et éviter les erreurs qu’ont commises et ceux qui veulent l’appliquer à tous les cas, et ceux qui la repoussent généralement comme contraire à la nature.

Le simple bon sens suffit pour se convaincre qu’il est nuisible de couper non seulement le pivot, mais encore toutes les racines latérales et les fibrilles destinées à porter la sève dans le tronc, puisque, par là, les moyens de force végétative diminuent, et qu’il faut du temps pour que la portion de racine conservée se soit assez accrue pour réparer ses pertes. Ainsi, dans tous les cas, ce n’est qu’avec ménagement qu’on doit porter le fer sur les racines d’un arbre destiné à être planté, quel que soit son âge. Ainsi, il faut se borner à couper l’extrémité de celles qui ont été rompues par suite de l’arrachage, ou de celles qui s’emportent beaucoup au delà des autres. Ceux qui font autrement, et c’est par malheur le plus grand nombre, sont donc dans le cas d’être blâmés.

Lorsqu’on plante un arbre sans soin, contre saison, ou par un temps trop sec, sans lui couper la tête, l’extrémité de ses branches se dessèche avant que les racines aient pu prendre assez de force pour leur porter une sève réparatrice ; et si cette mort partielle n’occasionne pas la mort générale, elle retarde au moins la végétation ; mais, quand on prend toutes les précautions convenables dans la plantation de cet arbre, qu’on l’arrose et le garantit du hâle, il n’est jamais nécessaire de lui faire subir cette mutilation, comme on le verra à l’article des pépinières d’arbres d’agrément. Ce n’est, par conséquent, que dans les cas où l’on veut ménager la dépense, qu’on est forcé d’étêter le plant ; mais ce cas existe presque toujours dans les pépinières forestières : aussi coupe-t-on généralement la tête aux plants, et les inconvéniens qui en résultent paroissent souvent moindres que ceux qui seroient la suite du système contraire ; mais je crois cependant qu’on doit éviter, le plus possible, cette mutilation.

La distance à laquelle les plants doivent être placés dans une pépinière, varie selon la nature du sol, le temps probable qu’ils y resteront et l’espèce d’arbre. Ainsi ils seront plus écartés dans un terrain maigre, que dans un terrain fertile ; moins, s’ils sont destinés à y rester trois ans, que s’ils doivent n’en sortir qu’à six ; les peupliers d’Italie le seront moins que les ormes, à raison de la disposition pyramidale de leurs branches, etc. En général, il faut garder un juste milieu ; lorsque les plants sont trop écartés, leur cime ne conserve pas à leur pied cette fraîcheur qui leur est si avantageuse, ils filent moins régulièrement, et il en résulte une perte évidente de terrain ; lorsqu’ils sont trop serrés, ils s’étiolent, se nuisent réciproquement par leurs racines, par conséquent profitent moins, et ne recevant jamais sur leur écorce les rayons du soleil, ils ne s’endurcissent pas contre leur action, et risquent ensuite de périr, brûlés par eux, lorsqu’on les plante isolément. On ne fixera donc pas rigoureusement ici la distance la plus convenable ; mais on dira qu’elle ne doit pas être moindre d’un pied, ni plus forte que deux pieds en terrain de moyenne qualité : l’excès en plus est toujours moins à craindre que l’autre.

Il est plusieurs manières de mettre le plant en terre, ou en faisant une rigole de quatre pouces de large sur six ou huit de profondeur, ou en creusant, à la pioche ou à la bêche, une suite de trous de même largeur et profondeur, ou simplement en faisant usage du plantoir.

Ces trois manières s’emploient selon les circonstances.

La première est principalement en usage, lorsqu’on a des plants trop foibles qu’on veut faire fortifier avant de les mettre en ligne dans la pépinière, parce que, afin d’éviter un emploi inutile de terrain, on les place très-près les uns des autres ; on en fait aussi usage, lorsqu’on plante des marcottes de tilleuls, de platanes, etc., de la reprise desquelles on n’est pas assuré. Dans ces cas, on ne laisse le plant que pendant une ou au plus deux années dans ce local, après quoi on le place autre part, en espaçant convenablement les pieds ; cette manière s’appelle planter en jauge, parce qu’elle est analogue à l’opération qu’on appelle mettre en jauge, opération dont on parlera plus bas.

La seconde est la plus généralement employée, et certainement la plus avantageuse. Elle demande quelque habitude pour ouvrir le trou, empêcher les terres de retomber, placer le plant droit et à la profondeur convenable, étendre régulièrement ses racines, et les recouvrir de terre, le tout bien et vite. Il faudroit plusieurs pages pour détailler seulement tout ce qui a rapport à cette opération, une des plus importantes de l’art du pépiniériste, puisque c’est d’elle que dépend principalement la réussite de son entreprise ; et encore, ce que j’en dirais ne suffiroit pas pour guider la pratique. C’est en voyant faire, et encore mieux en faisant soi-même, qu’on acquiert le tour de main si difficile à décrire ; je me contenterai donc de dire que le plant ne doit être ni trop, ni trop peu enterré ; que ses racines doivent être étendues le plus possible, sans être mises dans une position forcée ; que la terre doit être légèrement tassée avec le pied ou le dos de la pioche, et non pas trépignée, comma on le fait trop souvent.

La troisième doit être réservée seulement pour les boutures, attendu que le plantoir durcit la terre en la tassant, et la rend par conséquent moins propre à donner passage aux racines du jeune plant ; d’ailleurs, elle ne fournit que rarement un trou assez grand pour donner à ces mêmes racines tout le développement convenable. Je puis presque toujours juger, lorsqu’on arrache un arbre dans une pépinière, s’il a été planté de cette manière, ses racines étant plus irrégulières et plus rapprochées, que lorsqu’on l’a planté par une des deux autres. Il n’est pas nécessaire que je m’étende sur la nécessité de faire toutes les plantations au cordeau, attendu que tout le monde sait que cela est aussi avantageux à l’accroissement du plant qu’à l’agrément du coup d’œil.

On n’arrose jamais le plant dans les pépinières forestières : aussi ne doit-on pas l’y mettre en terre dans un temps trop sec ; aussi sa réussite dépend-elle souvent du plus ou moins de pluie qui survient dans le premier mois après la transplantation.

Il est une attention importante à faire, lorsqu’on enlève du plant pour le placer dans un autre endroit de la pépinière, ou pour le vendre, c’est d’empêcher que sa racine ne soit desséchée par une trop longue exposition à l’air ; et quelquefois, dans certains états de l’atmosphère, moins d’une heure suffit pour frapper de mort, par cette cause qu’on appelle le hâle, celui qui paroissoit le plus vigoureux. En conséquence, il faut n’arracher son plant qu’à mesure qu’on le plante, et, lorsqu’on a été forcé d’en arracher une grande quantité à la fois, on doit le tenir constamment en jauge, c’est-à-dire recouvert d’un peu de terre. Il est bien des plantations qui périssent, parce qu’on n’a pas observé cette règle, que les ouvriers négligent souvent sans autre but que de s’éviter quelque travail. On sent, en effet, que les fibrilles du jeune plant sont si minces et si tendres, qu’un instant suffit pour que le soleil ou un air sec leur enlève toute leur eau de végétation, c’est-à-dire leur principe de vie, leur sang ; et il est d’observation qu’elles ne peuvent plus le reprendre, lorsqu’une fois elles l’ont perdue en majeure partie. Les arbres résineux sont particulièrement dans ce cas, comme on le verra plus bas.

Il n’est pas aussi indifférent, qu’on le croit communément, de placer le plant dans une pépinière, sur une direction plutôt que sur une autre ; mais c’est presque toujours la localité qui doit en décider. Il faut seulement faire en sorte que les rangées soient enfilées par le vent dominant, et que les arbres dont la croissance est la plus rapide, tels que les peupliers, les ormes, etc., soient placés au nord des autres, afin qu’ils ne leur nuisent point par leur ombrage.

Quelques personnes mettent beaucoup d’importance à conserver au plant, dans la pépinière, la même position relativement aux quatre points cardinaux, qu’il avoit dans l’endroit où il a été semé ; mais, quoique la théorie indique que tout changement à cet égard doit avoir quelque influence sur lui, cette influence est si peu considérable, qu’on ne s’en apperçoit pas dans la pratique, et que, par conséquent, les difficultés de l’exécution doivent décider à n’y faire aucune attention.

Les travaux à faire dans une plantation telle que celle dont il vient d’être question, pendant le cours de la première année, se bornent à des labours à la pioche ou à la bêche, aussi répétés qu’il convient, pour conserver la terre toujours meuble, et empêcher la croissance des mauvaises herbes : Il est assez difficile de donner des règles générales à cet égard, attendu que le nombre et l’époque de ces opérations dépendent de la nature des terrains et des circonstances atmosphériques. Un sol argileux, par exemple, a plus besoin de labours qu’un sol sablonneux, et, dans un tel terrain, ils sont plus utiles et plus faciles à exécuter dans une année ordinaire, que dans une très-sèche ou très-pluvieuse. Comme les labours à la bêche sont meilleurs, il faut en donner au moins un par an, pendant l’hiver ; les autres peuvent être faits à la binette plate, à raison de l’économie.

Il n’est pas besoin que je m’étende sur la nécessité de faire ces travaux avec un tel soin, qu’aucun plant ne soit blessé, ni déchaussé par les instrumens qu’on emploie, et sur les désavantages qu’on trouve à les entreprendre lorsque la terre est mouillée récemment.

C’est pendant la seconde année de la transplantation que les travaux d’une pépinière forestière sont les plus considérables, et doivent être suivis avec plus de soin. En effet, pendant le cours de l’année précédente, qu’ils aient eu ou n’aient pas eu la tête coupée, les plants ont poussé un grand nombre de branches latérales qui les font buissonner ; il s’agit de les supprimer, lorsqu’on en veut faire des arbres d’alignement ; c’est ce qu’on appelle mettre sur un brin ; et c’est souvent du choix de celui qu’on réserve pour faire la tige, que dépendra un jour la beauté de l’arbre. Cette opération ne doit pas être faite par une main novice ou inepte ; on doit la réfléchir sur chaque sujet, et la varier selon les circonstances qu’ils présentent. Ici, il faut encore se refuser à donner des exemples, par l’impossibilité d’entrer dans le détail de tous les cas qui peuvent se présenter ; quelques jours de pratique apprendront plus, à cet égard, que des pages de raisonnement. Il suffira de dire qu’il est bon de couper chaque branche, non immédiatement contre la tige principale, comme on le fait trop souvent, mais à un pouce de distance, afin qu’il se fasse une moindre extravasions de sève ; de choisir un temps sec et couvert, plutôt qu’aucun autre, afin que, d’une part, la perte de la sève soit encore moindre, et que, de l’autre, l’écorce, jusqu’alors ombragée par les feuilles, n’éprouve pas trop brusquement l’action desséchante du soleil ; de mettre des tuteurs à ceux des pieds qui auroient une courbure de nature à ne pouvoir disparoître par le seul effet de la force végétative.

L’opération de l’élagage des plants se fait ordinairement l’été, entre les deux sèves ; mais quelques personnes la font pendant l’hiver, sans doute abusivement, puisqu’ils perdent par là le bénéfice qu’une plus grande quantité de feuilles donne à la pousse du printemps.

Les labours doivent être, pendant cette année, aussi fréquens que pendant la première ; cependant quelques pépiniéristes en diminuent le nombre par économie, et prétendent que leur plant n’en souffre pas sensiblement ; ce qui est assez difficile à croire.

Quelquefois le plant n’a pas poussé assez vigoureusement la première année, soit à raison de la mauvaise nature du terrain, de l’époque trop reculée de la plantation, de la sécheresse qui l’a suivie, etc., pour qu’on puisse le mettre sur un brin la seconde. Il faut donc attendre la troisième, et alors il est presque toujours plus avantageux de le recéper ; c’est-à-dire de le couper rez terre, plutôt que de le laisser tel qu’il est, parce que ses racines, qui se sont fortifiées, pousseront alors des jets bien plus droits, bien plus vigoureux, et qui seront par conséquent plus utilement employés à former des tiges, que ceux qui ont été supprimés. Ce recépage doit être fait avec précaution, pour ne pas ébranler ou éclater les racines, et de manière que la plaie soit toujours orientée au nord pour diminuer les inconvéniens de son dessèchement trop rapide.

C’est le coup d’œil qui décide des cas où le recépage d’un plant est utile, et il est impossible de donner des règles fixes à cet égard. Quelques espèces d’arbres forestiers, l’orme, par exemple, s’y prêtent plus facilement que d’autres ; le chêne est celui qui craint le plus d’être tourmenté par la serpette. On trouve, à l’article de chaque arbre, l’exposé de la culture qui lui est la plus propre.

Les années suivantes, jusqu’à ce que les arbres sortent de la pépinière, les travaux consistent en deux, et même un seul labour par saison, et à l’émondage des branches qui auroient porté sur la tige, de celles qui pousseroient trop irrégulièrement sur les côtés de la tête, etc. Les petits soins de ce genre se montrent plus sur le terrain, qu’ils ne se décrivent ; en général, il ne faut plus tourmenter les arbres lorsqu’ils sont en pleine croissance ; car on peut assurer que les inconvéniens qui résultent du trop peu de travail sont bien moindres que ceux qui sont la suite d’une méthode contraire.

Quelques pépiniéristes, peu instruits des lois de la physique végétale, pensent faciliter la croissance de leurs arbres et assurer leur direction verticale, en enlevant, chaque année, tous les boutons latéraux qui se développent. Ils seroit superflu, aujourd’hui qu’on sait que les plantes vivent autant par leurs feuilles que par leurs racines, de se donner la peine de prouver l’absurdité de leur conduite ; et d’ailleurs il suffit de voir leurs arbres et de les comparer avec ceux qui ont été dirigés dans les principes énoncés plus haut, pour en être convaincu.

Toutes les fois qu’on veut priver le bas d’une tige des bourgeons qui l’empêchent de se former, il faut les arrêter ; c’est-à-dire casser leur extrémité, ou mieux la tordre avant la sève d’automne, et ne les couper rez l’écorce que l’hiver suivant ; souvent même il est inutile de les couper, attendu qu’ils se dessèchent naturellement par suite de l’opération précédente. En principe général, il ne faut jamais couper trop de rameaux à la fois à un jeune arbre dont on veut former la tête, parce que l’extravasion de suc, et la diminution de feuilles qui en est la suite, nuisent toujours à sa croissance.

Mais à quel âge les arbres doivent-ils quitter la pépinière ? On peut répondre que c’est entre quatre et six ans ; mais cela est soumis à des irrégularités d’une telle fréquence et d’une telle importance, qu’on ne peut réellement rien établir à cet égard. En effet, dans un bon terrain, les arbres croissent plus rapidement ; une ou deux années favorables de suite produisent le même effet dans un mauvais terrain. Telle année, la demande est considérable, telle autre, il ne se présente pas d’acquéreurs ; d’ailleurs, chaque espèce d’arbre a une progression de croissance différente des autres, et ceux qui l’ont plus lente peuvent et même doivent y rester plus long-temps. L’époque où un arbre n’est plus transplantable, à raison de sa grosseur, est la seule qu’on doive définitivement fixer, et elle est fort éloignée, pour la plupart, dans les terrains médiocres, tels que ceux où je suppose que se trouve la pépinière. En général, tout se réunit pour engager le pépiniériste à vendre ses arbres le plus tôt possible, après qu’ils sont formés, c’est-à-dire la quatrième ou cinquième année ; mais l’acquéreur a quelquefois intérêt d’attendre un ou deux ans de plus, sur-tout lorsqu’il veut planter une avenue, et plus souvent encore son ignorance le porte à croire qu’il y a, pour sa plus prompte jouissance, un avantage de les prendre les plus vieux possible.

Les précautions exigibles pour arracher les arbres faits de la pépinière, sont les mêmes que celles indiquées pour le plant, même elles doivent être encore plus sévères, attendu que le mal se répare alors plus difficilement. Il faut conserver le plus possible de racines, et prendre garde de casser, soit des branches de l’arbre qu’on arrache, soit celles de ses voisins. Les grands leviers dont on se sert, dans quelques pépinières, sont très-avantageux, en ce qu’ils arrachent les racines les plus inférieures, au lieu de les couper comme la pioche, et qu’ils enlèvent souvent la motte ; aussi ne puis-je trop en recommander l’emploi qui, d’ailleurs, économise beaucoup de temps.

Il est quelques espèces d’arbres, ainsi que je l’ai déjà dit plus haut, dont les branches couchées en terre prennent très-facilement racine, et d’autres dont les mêmes branches coupées et mises en terre en prennent également ; ce qui leur fait gagner deux ou trois ans sur ceux crûs par un semis de graines. Un avantage de cette nature doit engager et engage en effet les pépiniéristes à employer la méthode des marcottes et des boutures (c’est ainsi qu’on appelle les branches couchées et coupées pour la reproduction) plutôt que celles des semis, toutes les fois qu’ils le peuvent, quoique cette dernière soit certainement la meilleure sous tous les rapports.

Comme on fait généralement peu de marcottes dans les pépinières forestières, le tilleul et le platane étant presque les seuls arbres qu’on y élève par ce moyen, encore n’est-ce que pour suppléer au manque fréquent de la germination de leurs graines, je remettrai à en parler à l’article des pépinières d’arbres d’agrément, où l’on pratique fréquemment ce mode de reproduction. Je me bornerai donc ici à parler des boutures.

C’est principalement pour multiplier les espèces de la nombreuse famille des peupliers et des saules, que l’on emploie les moyens des boutures ; mais les espèces de plusieurs autres genres s’y prêtent également.

La base de l’opération consiste à couper des branches après l’hiver, avant le développement des bourgeons, et à les enfoncer plus ou moins en terre ; mais elle est soumise à plusieurs modifications, à raison de la nature des espèces. Ainsi il est quelques unes de ces espèces, comme le saule blanc, qui réussissent, lors même qu’on emploie des pousses de trois ou quatre ans, qu’on appelle plançons ; d’autres, comme le peuplier blanc, qui ne reprennent sûrement qu’autant qu’on fait usage de la pousse la plus nouvelle coupée avec une portion du bois de l’année antécédente. On appelle ces dernières crocettes, et ce sont celles qu’il est, en général, le plus sûr d’employer, parce que le vieux bois fait l’office de bourrelet et augmente, par conséquent, les chances de la reproduction, comme on le verra plus bas.

On est assez généralement dans l’usage de couper la tête aux boutures en les mettant en terre, mais l’expérience prouve que cette méthode est nuisible ; et en effet, si les arbres vivent autant par leurs feuilles que par leurs racines, et si ces dernières sont produites dans une bouture par la sève descendante, c’est folie que de diminuer le nombre des feuilles, en ne laissant que deux ou trois des boutons qui doivent en donner. Il n’y a qu’un cas où ce soit bon, c’est lorsqu’on plante une très-grosse bouture, un plançon de saule, par exemple, parce qu’il y a assez de sève dans la tige pour produire des racines, et qu’il ne peut pousser assez de racines la première année, pour suffire à la nourriture des branches. Au reste, ce que j’ai dit relativement aux cas où on doit se permettre de couper la tête des plants, s’applique complètement ici.

Les boutures se mettent en terre soit dans un trou fait à l’aide d’un plantoir, soit dans une fosse faite avec la bêche ou la pioche, soit dans une tranchée fort prolongée. Ces trois moyens réussissent également, lorsqu’ils sont convenablement mis en usage ; mais le dernier est préférable sous beaucoup de rapports, comme je le prouverai dans un instant.

Lorsque j’ai dit qu’un trou fait avec un plantoir étoit aussi bon que celui fait à la pioche, j’ai entendu qu’il étoit fait dans un terrain parfaitement meuble ; car les plantations de saules, sur les berges des fossés, qu’on fait généralement avec un plantoir de bois ou de fer enfoncé à coups de maillet, ne valent absolument rien, à raison de la compression ou du tassement produit dans la terre, tassement qui empêche ou au moins retarde le développement des racines, comme je l’ai déjà dit.

La plantation faite à la pioche peut, lorsqu’on le veut, se rapprocher de celle faite dans une tranchée ; mais alors elle est aussi longue, et par conséquent aussi coûteuse. Les avantages de cette dernière proviennent principalement, 1°. de ce qu’au lieu d’y placer la bouture perpendiculairement, comme dans celle au plantoir, on peut la coucher, lui faire faire un coude ou même un angle ; 2°. À ce que la terre dont on la recouvre est complètement meuble, et par conséquent fort propre à donner entrée aux foibles racines qui se développent d’abord sur la branche, ainsi que le prouve l’expérience.

Toute racine peut devenir branche, et toute branche racine, lorsqu’elle est mise dans une situation convenable. Toute racine s’augmente annuellement par le développement de nouveaux suçoirs, comme toute branche par celui de ses bourgeons ; la sève qui se trouve dans une branche peut agir indépendamment de celle des racines, lorsqu’elle éprouve seule les influences de la chaleur et de l’humidité ; toutes les fois que cette sève est interceptée, soit dans son ascension, soit dans sa dissension, il se forme un bourrelet à l’endroit de la ligature, et il se développe plus ou moins de bourgeons surnuméraires dans le reste de son étendue.

Ainsi, lorsqu’on coupe une racine et qu’on met à l’air son gros bout, la sève qui continue à monter développe une branche à ce bout, et il en provient un arbre.

Ainsi, lorsqu’on met une branche en terre, la sève continue à descendre, forme un bourrelet à son extrémité, et développe des suçoirs qui deviennent des racines.

Mais il faut, pour que ces effets aient lieu, que l’action de la sève soit tellement rapide, que, dans le premier cas, la branche pousse avant que la racine ait pu être frappée de pourriture ; et, dans le second, avant que la tige ait pu être desséchée par l’air. Voilà pourquoi les productions par racines, comme je le dirai plus bas, réussissent mieux dans un terrain sec, et pourquoi les boutures, au contraire, reprennent mieux dans un terrain humide ; et pourquoi enfin il faut cependant de la chaleur dans les deux cas ; car, sans chaleur, il n’y a point de végétation rapide.

Lorsqu’on couche, ou mieux encore, que l’on courbe une bouture dans la terre, on gêne la circulation de la sève, et on produit un effet analogue à celui de plusieurs bourrelets. On acquiert encore l’avantage de conserver une plus grande quantité de sève, et de lui faire ressentir plus facilement les influences de la chaleur solaire ; aussi, de toutes les espèces de boutures, celles-ci sont, je le répète, les plus assurées à la reprise.

Dans la théorie, toutes les plantes doivent reprendre de boutures ; mais, dans la pratique, il n’y a que celles dont l’organisation est molle et aqueuse qui réussissent en pleine terre. Celles dont le bois est dur et la végétation lente ne peuvent se reproduire par ce moyen, qu’autant qu’on accélère ou force leur végétation, au moyen d’une chaleur artificielle considérable ; c’est-à-dire en les mettant sous châssis ou dans une serre, et en leur fournissant toute l’humidité nécessaire. Il est d’ailleurs quelques moyens d’assurer la reprise des boutures de bois durs ; ainsi on dit qu’en brûlant l’extrémité d’une branche de chêne de deux ans, on peut espérer de la voir pousser des racines ; ainsi on dit qu’en trempant le bout des branches encore plus rebelles à la reproduction par boutures, dans l’acide muriatique oxigéné, on parvient à les y rendre propres. Ces moyens ont besoin d’être de nouveau pratiqués, pour acquérir plus d’authenticité ; car la nature est si variable dans les phénomènes qu’elle présente, qu’on est chaque jour exposé à interpréter faussement les faits les plus simples, lorsqu’on se lasse trop facilement de l’interroger.

Il est quelques espèces d’arbres dont les boutures doivent être faites en automne ; le plus grand nombre demande à l’être en hiver, et plusieurs au printemps, lorsque les bourgeons commencent à se développer ; mais la connoissance de ces détails appartient aux pépiniéristes des arbres et arbustes d’agrément. Celles qui nous occupent en ce moment se font en hiver, comme je l’ai déjà dit ; on les étête le plus généralement, c’est-à-dire qu’on ne leur laisse que deux ou trois yeux hors de terre, par le principe abusif rapporté plus haut. Le terrain qui leur convient est généralement un terrain gras et humide ; on les espace comme les plants d’un semis de deux ans, c’est-à-dire à douze ou quinze pouces, et on les met sur un brin ; on les recèpe, on les laboure positivement de même : il est donc inutile que je répète ce que j’ai dit ci-devant à cet égard.

Pépinière des arbres fruitiers. La plus grands importance que l’on met, en général, et que véritablement on doit mettre aux pépinières d’arbres fruitiers, auroient dû m’engager à commencer par elles ; mais les travaux qu’elles exigent étant plus compliqués que ceux des pépinières forestières, j’ai cru plus naturel de faire précéder l’exposé de ceux de ces dernières.

Comme je l’ai déjà dit, nos pères n’employoient, pour renouveler le peu d’arbres à fruits qu’ils cultivoient, que de jeunes plants crûs naturellement dans les forêts, et presque toujours directement mis en place, dans leurs jardins ou vergers, pour y être greffés. Encore aujourd’hui, dans quelques endroits reculés de la France, on se procure, par le même moyen, des sujets pour des plantations particulières ; mais tous les grands pépiniéristes y ont renoncé depuis long-temps, non seulement par l’impossibilité de trouver la quantité de plant nécessaire à leur exploitation, mais encore à cause de la mauvaise qualité de ce plant qui, le plus souvent, n’est pas produit par graines, mais par rejetons de vieux pieds toujours mal enracinés et d’âge différent. Cependant, comme ce plant provient du type originel de chaque espèce, et qu’il est en conséquence plus fort et plus robuste que tout autre, on ne doit pas négliger de se le procurer par le semis des graines des arbres sauvages ; c’est le produit de ces semis que l’on devroit exclusivement appeler sauvageons dans les pépinières. Il étoit bon de donner d’abord cette explication, pour ne pas induire en erreur le lecteur.

On a reconnu que les produits des graines d’arbres déjà améliorés par la culture fournissoient des sujets plus foibles, et plus soumis aux variations de l’atmosphère ; mais que les fruits des espèces que l’on greffoit sur eux étoient plus beaux et plus savoureux, que ceux de celles greffées sur les sauvageons véritables. On a donc dû semer aussi de ces graines, et c’est leur produit qu’on appelle franc dans les pépinières.

De plus, il est d’expérience que les greffes faites sur quelques espèces du même genre, ou sur quelques variétés de la même espèce, donnoient des fruits encore plus beaux et meilleurs, ou plus hâtifs ou plus tardifs ; et ces circonstances ont dû décider à employer fréquemment ces espèces et ces variétés.

Ainsi on ne doit pas semer indifféremment toutes espèces de graines dans une pépinière d’arbres fruitiers ; il faut auparavant fixer la la nature et le nombre des arbres à multiplier ; car, dans chaque espèce, l’art consiste à déterminer la production d’une variété plutôt que celle d’une autre.

On ne distingue, en général, que cinq sortes d’arbres dans les pépinières, mais qui se tiennent par des milliers de nuances dont la série est insensible, et dont on ne peut indiquer ni le commencement, ni la fin. Ce sont les arbres de tige ou plein-vent, les demi-tiges, les quenouilles, les nains, et dans chacune de ces variétés, les hâtifs et les tardifs.

Les espèces botaniques d’arbres fruitiers, qu’on cultive ordinairement dans les pépinières des environs de Paris, se réduisent à dix, savoir : au pommier, au poirier, au coignassier, au cerisier, au prunier, à l’amandier, à l’abricotier, au pêcher, au noyer et au châtaignier, auxquels on peut joindre le noisetier, le néflier, le cormier, la vigne, le figuier, le mûrier, le framboisier et le groseillier ; mais, lorsqu’on entre dans le détail de leurs variétés, qui sont les espèces des jardiniers, on en trouve plus de six cents.

La culture du noyer, du châtaignier, du cormier, du néflier, du noisetier, lorsqu’on ne les greffe pas, est absolument la même que celle des arbres forestiers (et on les greffe rarement dans le climat de Paris.) Celle de la vigne est suffisamment traitée à son article ; celle du framboisier et du groseillier n’a rien de remarquable, et s’assimile à celles des arbres d’agrément de la seconde classe ; enfin, celle du mûrier et du figuier rentre complètement dans celle des arbres d’agrément de la cinquième classe.

Il ne reste donc à s’occuper ici que de la culture des huit premières espèces, qui sont véritablement celles qu’on entend ordinairement par arbres fruitiers.

Ces espères se divisent en arbres à pepins, qui sont le pommier, le poirier et le coignassier ; et en arbres à noyaux, qui sont le prunier, le cerisier, l’abricotier, l’amandier et le pêcher ; et, comme ces deux séries demandent une culture particulière, et généralement commune aux espèces qui les composent, je traiterai de chacune séparément.

Les arbres à pepins, destinés à servir de sujets pour la greffe des espèces les plus perfectionnées, proviennent ou de graines, ou de marcottes, ou de boutures.

Les graines, comme je l’ai observé au commencement de cet article, doivent être prises, les unes sur les arbres crûs dans les forêts, ou provenant directement de ces derniers, les autres sur des arbres déjà améliorés par la greffe et une longue culture. Dans les deux cas, il faut la choisir la plus nourrie et la plus mûre possible ; la conserver dans le fruit même aussi long-temps que faire se peut, et ensuite dans une terre fraîche. On la sème immédiatement après le dégel, soit en rayons, soit à la volée ; mais, dans l’un et l’autre cas, toujours très-claire, et on ne la couvre que d’un doigt au plus de terre bien fine.

La plupart des pépiniéristes des environs de Paris, il faut le dire, ne prennent pas assez de précautions pour se procurer de la graine qui remplisse, autant qu’il seroit à désirer, les indications mentionnées plus haut. L’économie de temps et d’argent les détermine plus que l’intérêt de leurs acheteurs, et même le leur bien entendu ; en général, ils sèment les graines des pommes qui ont servi à faire du cidre, ou des poires qui ont été employées à faire du poiré, graines qu’ils se procurent facilement, à bon marché, et quoique provenant d’arbres améliorés par la culture, et pas aussi améliorés que d’autres, et qui leur servent à greffer indifféremment toutes les espèces, il en résulte qu’on ne trouve plus chez eux de véritables tiges ou plein-vent, c’est-à-dire des greffes faites sur de véritables sauvageons dont la durée se compte par siècles, et que leurs basses tiges ne fournissent pas de fruits aussi beaux et aussi savoureux que si elles provenoient de greffes faites sur des sujets produits par les graines des plus excellentes espèces. Beaucoup de ces pépiniéristes tirent, il est vrai, leurs sujets, à moitié formés, d’Orléans, Caen, etc. ; mais, quoique les pépiniéristes qui le leur vendent aient plus de facilité pour se procurer de la véritable graine de sauvageons, on dit qu’on ne doit pas plus compter sur le plant qu’ils fournissent aujourd’hui sous ce nom, que sur celui qu’on prend à Vitri.

Ce que je viens de dire doit convaincre de la nécessité de ne point confondre, dans le semis, les différentes espèces de graines, ou mieux, les graines des différentes variétés de fruits, puisque chaque variété, greffée avec la même espèce, doit donner un arbre d’autant plus rustique, que cette variété s’approchera plus du sauvageon, et fournira du fruit d’autant plus beau et savoureux, qu’il s’en éloignera davantage.

Il est bon de remarquer ici que quelques arbres très-vieux, ceux qui ne présentent plus aucun vestige de canal médullaire, ne produisent plus de graines, quoiqu’ils se chargent abondamment de fruits. Cette circonstance, qui est un inconvénient dans le cas dont il est ici question, devient un avantage dans quelque autre : par exemple, on recherche beaucoup, et avec raison, les nèfles sans noyaux, les raisins, les épines-vinettes, sans pépins, etc. ; les pépiniéristes, en conséquence, font tous leurs efforts pour les fixer dans cet état par la greffe. Quelquefois ils réussissent à avoir des fruits sans semence, dès la première année du rapport ; d’autres fois il faut attendre plusieurs années ; mais, dans ce cas, le nombre de ces années est beaucoup moindre, que si l’arbre parvenoit à cet état par le seul effort de la nature.

Le plant, levé, n’a besoin, la première année, que d’être sarclé avec beaucoup de soin, et arrosé quelquefois dans les grandes sécheresses. Il est des pépiniéristes qui arrosent fréquemment leur semis pour l’avancer, disent-ils ; c’est ce qu’ils appellent pousser à l’eau. Le semis ainsi traité est en effet plus beau et plus vigoureux, en apparence, que celui qui n’a reçu que les eaux du ciel ; mais on le fait tomber par-là dans les inconvéniens de celui qui a été semé dans une terre trop grasse. Dès qu’on cesse de l’abreuver, et il faut bien en venir là, sa belle apparence disparoît, il languit et finit par mourir ; il faut donc se bien garder d’en agir ainsi, lorsqu’on veut travailler utilement pour soi ou pour les autres.

Quelques pépiniéristes laissent leur plant en place pendant deux ans ; mais cette méthode ne peut être tolérée que lorsqu’on manque de place pour le repiquer, ou lorsqu’on sème pour vendre le plant à d’autres pépiniéristes qui le veulent fort et à bon marché.

L’opération du repiquage se fait dans l’hiver ; quelques pépiniéristes le commencent plus tôt, d’autres plus tard. On se dispute depuis longtemps pour décider si les plantations hâtives sont plus avantageuses que les tardives ; mais il semble que c’est faute de s’entendre, et d’avoir fixé des époques, ou motivé des circonstances ; car, telle plantation faite cette année tel jour, ne réussira pas aussi bien, l’année suivante, le même jour, si la saison est plus avancée ou plus retardée ; si l’atmosphère est plus sèche ou plus humide ; le temps plus chaud ou plus froid ; si elle a lieu dans un terrain différent dans les mêmes cas, ou dans des cas différens dans un même terrain. Les combinaisons des influences directes ou indirectes qui agissent continuellement sur les végétaux, et qui se modifient les unes par les autres, ne permettent pas, en général, d’établir les opérations de l’agriculture sur des bases rigoureusement mathématiques ; on doit se contenter dans ce cas, comme dans ceux qui ont rapport à la santé de l’homme, de probabilités plus ou moins approximatives.

Or donc, je dirai que, depuis le jour où la chute des feuilles a indiqué, non la cessation de la sève, comme on le croit communément, mais son ralentissement, jusqu’à celui où le grossissement des boutons annonce qu’elle reprend une nouvelle activité, on peut planter les arbres fruitiers, toutes les fois que le temps est doux et humide, et qu’on doit s’y refuser, quand il est froid et sec. Ce qui milite le plus en faveur des plantations hâtives, c’est que la terre a le temps de se tasser autour des racines, et que les jours pluvieux de l’hiver favorisent ce tassement ; tandis qu’au printemps, la végétation se développe souvent avec vigueur, par suite d’un temps humide et chaud, avant que les vides laissés dans la terre par l’opération de la plantation même aient pu se remplir ; ce qui évidemment nuit au succès de la reprise : mais, dans ce cas, on peut suppléer, par des arrosements, aux pluies naturelles.

L’arrachage du plant se fait avec les mêmes précautions que celui des arbres forestiers, c’est-à-dire, soit avec des fourches, soit avec la bêche, soit avec la pioche, et au moyen de tranchées approfondies autant que le pivot. Ici, se rencontre encore ce maudit pivot, sur la conservation ou la suppression duquel les cultivateurs ne sont point d’accord : en général, il est coupé sans miséricorde par tous les pépiniéristes ; mais je voudrois cependant qu’ils réservassent au moins celui du plant de sauvageon qui, étant destiné à former des arbres de plein-vent, doit jouir de tous ses moyens pour résister aux orages ; tandis que le franc, devant fournir des demi-tiges ou des espaliers, n’a pas besoin d’être si fortement attaché à la terre, et peut, par conséquent, être privé de son pivot avec moins d’inconvéniens. Je ne répéterai pas ce que j’ai déjà dit, à cet égard, à l’article des arbres forestiers ; il suffit d’avoir vécu quelques années dans les pays à cidre, où des cantons entiers perdent tous leurs arbres par l’effet d’un ouragan de quelques heures, pour pouvoir citer des faits en faveur de mon opinion, qui est également celle de tous les hommes éclairés qui pratiquent l’agriculture.

Il est assez rare qu’on coupe la tête au jeune plant des arbres fruitiers en les repiquant ; on réserve ordinairement cette opération pour la seconde année, encore est-ce dans l’intention de l’exercer seulement sur les sujets qui ont poussé irrégulièrement, ou dont la végétation est foible ; et, en cela, on agit conformément aux principes de la plus saine physique

Dans les pépinières d’arbres fruitiers, comme dans celles des arbres forestiers, on effectue le repiquage de trois manières ; et, comme dans ces dernières, on doit préférer, à celui au plantoir, celui fait à la pioche, dans des trous particuliers, ou dans de longues tranchées ; et ce, avec d’autant plus de raison, que le plant, me devant pas rester aussi long-temps en place, peut être un peu plus rapproché, c’est-à-dire à dix-huit ou vingt pouces.

Pendant le cours de la première année du repiquage, on ne donne que deux binages ou serfouissages, et des sarclages au besoin ; mais, la suivante, outre ces façons, on met sur un brin les pieds qui ont poussé plusieurs tiges, et on rabat ceux qui en ont poussé de trop irrégulières, ainsi que ceux qui annoncent, par une végétation languissante, qu’il n’y a pas de proportion entre la tige et les racines. Ces opérations se font comme pour les arbres forestiers, et avec les mêmes précautions.

Au commencement du printemps de la quatrième année, on ôte tous les talons des pieds qui ont été recépés, et on met des tuteurs à ceux qui prennent une mauvaise direction ; ensuite on donne un léger labour, ou à la bêche, ou à la pioche.

Les tuteurs, comme tout le mone le sait, sont destinés à protéger les jeunes arbres, à qui on a mal à propos coupé le pivot, contre l’action des vents, ou à assurer une greffe nouvelle qui pourroit être décollée par la même cause, ou enfin à redresser une tige tortue, ou qui prend une mauvaise direction. On en fait usage dans toutes les espèces de pépinières ; mais, comme ils coûtent ordinairement beaucoup, on les ménage le plus possible dans celles d’arbres fruitiers. Les conditions qu’on désire trouver en eux, c’est qu’ils soient droits, et d’un bois qui pourrisse difficilement. Ceux de châtaignier, ou de chêne refendu, sont préférables à tous les autres. Quand le robinier, faux acacia, sera assez multiplié chez nous, ce sera la meilleure essence de bois qu’on pourra employer à cet usage : ils dureront six fois plus que ceux de chêne. Lorsqu’on les place, il faut que ce soit de manière à ne blesser ni les racines, ni la tige du plant qu’ils sont destinés à soutenir. C’est à l’expérience à en trouver les moyens : entrer dans des détails, à cet égard, seroit mésuser de la patience du lecteur.

Dans le courant de chaque été, on tord tous les bourgeons qui se trouvent sur les tiges, et on arrête la croissance en hauteur, des tiges mêmes, en coupant à six ou sept pieds de terre de celles de ces dernières qui ne l’ont pas été la seconde année.

À la cinquième année, les arbres sont faits, et on peut les greffer en fente ; mais quelques pépiniéristes attendent la sixième année pour cette opération. Les raisons qu’on donne pour ou contre sont également bonnes, quand on considère quelques circonstances de localités ou de convenances, indépendantes des autres ; et, en définitif, il devient réellement indifférent, dans la plupart des cas, de la faire plus tôt ou plus tard. Il faut donc en abandonner la détermination à celui qui y a le plus d’intérêt. Il suffit qu’on fasse ses greffes en temps convenable, qu’on les choisisse de bonne nature, et qu’on préfère les espèces les plus parfaites aux inférieures, pour n’être pas dans le cas de mériter des reproches. Cependant, quand on attend trop long-temps pour entreprendre cette opération, on court risque de la manquer souvent ; mais il est rare que les pépiniéristes la fassent plus tard que la sixième année : ce sont les particuliers qui ont planté des sauvageons, ou des francs en place sur leurs terres, qui se donnent souvent ce tort.

Lorsqu’une greffe en fente a manqué, on n’a d’autre ressource que de la faire plus bas l’année suivante, ou d’en faire plusieurs, en écusson, sur deux ou trois des forts bourgeons qui ont poussé près de son sommet. Cette manière, qui commence à prévaloir dans les pépinières bien dirigées, a, entr’autres avantages, celui de ne pas affoiblir la valeur réelle de l’arbre ; car il est reconnu que, plus la greffe est basse, quelle que soit d’ailleurs la vigueur du sujet, et moins l’arbre en plein vent acquerra de beauté et de durée.

Lorsqu’on a coupé plusieurs fois ras de terre un arbre dont la greffe n’a pas réussi, on dit qu’il est reboté : dans ce cas, il ne devient jamais beau, vit moins long-temps, et est par conséquent dans le cas d’être rejeté par les acquéreurs. Les pépiniéristes honnêtes n’en mettent pas en vente de cette espèce : mais malheureusement ils ne le sont pas tous.

J’ai décrit les procédés de la culture du plant des arbres fruitiers destinés à former des hautes tiges ; cependant, il est presque toujours, au contraire, de l’intérêt du pépiniériste de le greffer en écusson, et sur-tout en écusson à œil dormant, la seconde ou la troisième année de la plantation, au plus tard. Quelquefois, les sujets sont assez forts, dès la première, pour supporter cette opération ; mais leur bois ne peut avoir acquis la consistance nécessaire à une parfaite réussite ; et, quand on veut avoir de bons arbres, on doit savoir attendre que ce bois soit complètement formé.

Le principal avantage qu’on retire de cette méthode, c’est que, la greffe manquant, on ne perd qu’une année, et que le sujet a conservé toute sa valeur, la plaie se refermant promptement ; tandis que, lorsque la greffe en fente n’a pas réussi, il faut attendre deux et souvent trois années, comme je l’ai dit plus haut.

On trouvera, au mot Greffe, le détail des différentes espèces de greffes, et des soins qu’elles demandent ; ainsi, on y renvoie le lecteur. Il suffira de dire ici que les tiges des greffes à œil donnant doivent être coupées après l’hiver, non, comme on le pratique souvent, à plus d’un pied au dessus de l’œil, mais le plus près de cet œil qu’il sera possible, sans nuire au développement ultérieur de son bourgeon. Le mieux est certainement de commencer la section au dessous de la greffe, et du côté de l’arbre qui lui est opposé, de la terminer à deux ou trois lignes au dessus d’elle, et de recouvrir sur-le-champ la plaie avec de l’onguent de Saint-Fiacre, ou tout autre qui empêche l’extravasion de la sève, et favorise la guérison de la blessure, en la privant d’air. Une greffe ainsi conduite se redresse bien plus promptement que celle à qui on a laissé un talon, qu’on est obligé d’enlever l’année suivante, au préjudice de la nouvelle pousse, que cela fatigue.

Non seulement, comme je l’ai dit, il faut se procurer des sujets pour la greffe des arbres de plein vent, mais encore il est nécessaire de se pourvoir de ceux qui fournissent des arbres nains de toutes les espèces : ces derniers sont entièrement le produit de l’art ; aussi ne durent ils pas autant que ceux greffés sur franc, et encore moins que ceux greffés sur sauvageons.

Un pépiniériste, on ignore à quelle époque, mais elle n’est pas très-reculée, a remarqué qu’une variété du pommier franc, qu’on a appelée doucin, plus foible que les autres, étoit, à raison de cette foiblesse même, plus propre à servir de sujet pour greffer les bonnes espèces de pommiers qu’on destinoit à former des demi-tiges, tels qu’espaliers, pyramides, etc. ; et cette variété est devenue un arbre de la première importance pour lui et ses successeurs dans son art.

Un autre cultivateur a trouvé, dans une plantation de ce doucin, un pied encore plus foible qu’on a nommé paradis ; et il l’a multiplié pour former, avec ses rejetons, après les avoir greffés, les meilleures espèces d’arbres nains, tels que quenouilles, espaliers à basses tiges, et autres.

Ainsi l’homme, en dégradant la nature, a su l’améliorer pour son avantage ; car il n’est personne qui ne sache que les pommes en espalier, ou en quenouilles, sont généralement plus belles, et meilleures que celles en plein vent : mais aussi les arbres qui les produisent vieillissent-ils bien plus tôt que les autres ; et une greffe sur paradis, par exemple, approche-t-elle de la décrépitude, quand la même sur sauvageon commence à entrer en plein rapport. Mais ce n’est pas d’idées philosophiques dont je dois occuper le lecteur, et je reviens en conséquence à mon objet.

Comme il est important de conserver l’état d’altération effective dans lequel se trouve le doucin, et encore plus le paradis, on a dû éviter de les multiplier par semences ; ce qui auroit exposé à les ramener à leur état primitif ; en conséquence, on les a toujours perpétués par le moyen des boutures, des marcottes, et des rejetons. On doit donc avoir, dans toutes les pépinières bien montées, un nombre de pieds proportionné à leur étendue, de ces deux variétés, destinés à les fournir des sujets dont elles ont besoin pour les natures d’arbres énoncées plus haut, et pour celles qui leur sont analogues.

On redoute, en général, de faire des boutures de ces deux espèces, parce qu’elles manquent souvent, et l’on préfère, en conséquence, les marcottes et les rejetons.

On peut avoir très-sûrement les premières, ou en couvrant de terre la base des jeunes pousses qui ont crû autour d’un vieux pied, coupé ras de terre, ou en les couchant dans des fosses disposées à cet effet, ainsi qu’on le dira à l’article des Pépinières d’arbres d’agrément, où l’on pratique plus fréquemment cette opération, que dans celles dont je m’occupe en ce moment.

Il est facile de se procurer les secondes en arrachant le tronc d’un vieux pied, et en laissant ses racines dans la terre, ou en le coupant ras de terre, et en empêchant les pousses de son tronc de se développer, ou simplement en blessant ses racines sans toucher au tronc.

Les mêmes pieds qui fournissent les marcottes produisent ordinairement, en même temps, des rejetons, et souvent en telle abondance, que, quelque familiarisé qu’on soit avec ce fait, on en est étonné chaque année.

Les marcottes, comme les rejetons, se lèvent dès l’hiver de la première année, et se plantent comme le plant du même âge. On leur donne les mêmes façons ; et, l’été de la seconde, le plant qu’elles ont produit est propre à être greffé en écusson, sorte de greffe qu’on pratique le plus volontiers sur cette espèce d’arbres, toujours à un ou deux pouces de terre. (Voyez aux mots Greffe et Pommier.) Quelques pépiniéristes les greffent même la première année, d’autres les greffent sur place, et ne les lèvent alors que la seconde année, au moment même de la vente. Ces deux méthodes peuvent être fructueuses pour eux, en ce qu’elles leur procurent plus promptement de l’argent ; mais elles ne fournissent jamais des arbres aussi sûrs à la reprise, et d’une aussi grande durée que ceux qui ont eu une année entière de pépinière, pendant laquelle ils se sont fait de bonnes racines.

En général, on enlève les arbres greffés sur doucin ou paradis, avant l’époque où il devient nécessaire de disposer leur tige, relativement à une destination quelconque ; ainsi il suffit au pépiniériste d’arrêter cette tige la troisième année, à quatre ou cinq pieds, en pinçant le bourgeon supérieur ; mais, quand leur séjour se prolonge dans les pépinières, il est souvent indispensable de les traiter comme s’ils étoient dans le jardin : ainsi, s’il veut en faire des quenouilles, il laissera croître tous les bourgeons latéraux, et les taillera l’année suivante. S’il veut en faire des espaliers, des buissons, etc., il rabattra la tige à deux ou trois yeux, et taillera les pousses l’année suivante, selon son intention ultérieure. Mais ces diverses opérations sortent des travaux de la pépinière, pour rentrer dans ceux du jardin ; en conséquence, on renvoie le lecteur aux mots Taille, Jardin et Pommier. Au reste, s’il est des pépiniéristes qui se livrent à ce genre de spéculation, sans y être forcés par le défaut de vente, c’est toujours dans des intentions blâmables ; car un arbre ainsi formé dans la pépinière, et qui y reste deux ou trois ans de plus, peut bien se vendre cher à l’acheteur ignorant, qui pense en avoir des fruits dès la première année de la plantation ; mais si, par hasard, il reprend, il ne fera jamais un bel arbre et ne vivra pas long-temps.

Il est à observer que les greffes sur doucin et paradis sont exposées à former un bourrelet monstrueux, qui est une maladie, une véritable exostose. On doit en conséquence rejeter tous les sujets qui portent ce caractère, comme ne devant durer que fort peu de temps.

Une partie des observations que je viens de faire sur les pommiers, s’appliquent aux poiriers. On sème les graines du poirier sauvage, pour avoir des sujets robustes, destinés à être greffés en arbres de plein vent. On sème les graines des meilleures espèces de poires cultivées, pour avoir des sujets plus foibles, mais plus propres à fournir de gros et d’excellens fruits en espaliers, en quenouilles, etc. Dans ces deux cas, les semis et le plant se conduisent, dans la pépinière, absolument comme ceux du pommier.

On n’a pas trouvé, parmi les variétés de poiriers cultivés, d’individus qui remplacent le doucin et le paradis ; mais on a remarqué très-anciennement que les bonnes espèces de poiriers greffés sur le coignassier, qui est une espèce botanique du même genre, moins élevée, (Voyez le mot Coignassier) donnoient du fruit bien plus promptement que lorsqu’on les greffoit sur franc ; de sorte que, quoique les arbres sur coignassier durent moins, on les a presque par-tout préférés, et que les pépiniéristes, en vendant quatre fois plus de cette sorte que des autres, ont été obligés de diriger leur culture en conséquence.

Ainsi, il faut donc avoir une grande quantité de jeunes cognassiers dans une pépinière, pour servir de sujets ; on se les procure ou par semis de graines, ou par rejets, ou par marcottes, ou par boutures, ou plus souvent par tous ces moyens à la fois. Ce que j’ai dit du doucin et du paradis s’applique complètement ici, excepté que le coignassier, reprenant très-facilement de boutures, on en fait beaucoup plus que des marcottes ; il est même plusieurs pépinières dont tous les sujets en proviennent.

Cependant, il faut l’avouer, si l’intérêt des pépiniéristes, sous plusieurs rapports, est de greffer toutes ces espères de poires sur coignassier, ce n’est pas toujours celui de l’acquéreur. Il est plusieurs de ces espèces, principalement parmi celles d’hiver, qui réussissent beaucoup mieux sur franc : cette circonstance, jointe au peu de durée des arbres greffés sur coignassier, doit engager tout propriétaire éclairé, qui dirige une pépinière pour son usage, à restreindre ces derniers à un moindre nombre.

Il en est de même des arbres en plein vent qu’on a l’intention de placer au milieu des champs, sur les berges des fossés, etc., et qu’on greffe ordinairement sur franc. Ils durent bien plus long-temps, et fournissent une plus grande abondance de fruits, lorsqu’ils ont été greffés sur des sauvageons auxquels on a conservé leur pivot.

La culture du coignassier, comme arbre à fruit, ne diffère pas de celle du poirier : on le laisse ordinairement croître en plein vent ; on le greffe avec la variété qu’on appelle de Portugal, dont le fruit est beaucoup plus gros, plus doux et plus odorant.

On multiplie, en général, dans les pépinières, tous les arbres à noyaux par le semis de leurs noyaux. Il en est quelques uns qu’on peut se procurer de rejetons ou de marcottes, principalement le cerisier et le prunier ; mais les sujets qu’on obtient ainsi sont inférieurs aux premiers.

Les graines des fruits à noyaux sont toutes du nombre de celles qui contiennent une huile susceptible de rancir, et par conséquent elles perdent promptement leur faculté germinative, si on n’empêche pas cette rancidité de se développer. Les pépiniéristes doivent donc, aussitôt que les fruits qui les renferment sont indiqués être à leur dernier degré de maturité par leur chute de l’arbre, ou les semer, ou employer les moyens propres à les conserver frais jusqu’au printemps suivant. Ces moyens sont, ou de les mettre dans une cave humide, ou de les stratifier avec de la terre ou du sable dans des pots ou dans des caisses qu’on laisse exposés à l’air, ou de les enfouir dans des fosses creusées dans un terrain sec.

Souvent on fait tremper ces graines dans l’eau, et même on les fait germer avant de les mettre en terre, afin d’assurer leur réussite, en diminuant l’espace de temps où elles auroient à craindre les atteintes des gelées et des rats. Quelques pépiniéristes emploient cette méthode, moins pour les motifs ci-dessus, que dans l’intention de pincer l’extrémité de la radicule, et d’empêcher par là la formation d’un pivot, tant ils ont de haine pour les indications de la nature. J’ai déjà développé mon opinion sur ce sujet, mais je répète ici que si on peut ôter sans inconvénient le pivot à un pécher qui doit former un espalier, on ne l’ôtera jamais impunément a un cerisier destiné à être planté au milieu d’une plaine, battu par les vents d’un bout de l’année à l’autre.

Les noyaux étant presque tous d’une grosseur notabble peuvent être semés facilement à la main, et espacés de manière à ce qu’il ne soit pas besoin de relever le plant qu’il produiront, avant l’époque où il doit être mis en place, c’est-à-dire à deux pieds ; mais ce moyen, quelque avantageux qu’il soit, est rarement employé dans les pépinières, à raison de la perte de terrain qu’il occasionne.

Il arrive très-souvent que ces noyaux, surtout lorsqu’ils n’ont pas été conservés avec les précautions indiquées plus haut, qu’ils ont eu le temps de se dessécher par leur exposition à l’air, ne lèvent que la seconde année, alors il faut savoir les attendre ; car, à moins de les relever pour les placer sur couche, il n’y a pus de moyen d’accélérer leur germination. Cette circonstance seule doit déterminer tous les pépiniéristes à ne mettre leurs noyaux en terre que lorsqu’ils sont germés, puisque c’est le seul cas où ils puissent être assurés de jouir de leur produit dans l’année même.

La connoissance particulière la plus importante à acquérir, pour un pépiniériste qui veut se livrer à la culture des arbres à fruits à noyaux, c’est celle des espèces sur lesquelles il est plus avantageux de greffer les autres, car les cinq genres actuellement reconnus par les botanistes comme par les jardiniers n’en font réellement qu’un dans la nature, et peuvent se suppléer, pour cette opération, presque dans tous les cas.

En général, ccomme le prunier est le plus facile à se procurer par rejetons ou par semis, comme l’amandier est le plus tôt propre à recevoir la greffe, ce sont ces deux arbres que l’on préfère d’employer dans les pépinières pour greffer, non seulement leurs variétés, mais encore celles de l’abricotier et du pêcher. Il est très-rare, en conséquence, qu’on y sème des noyaux de ces deux derniers arbres. Ou trouvera aux mots Prunier, Amandier, Abricotier et Pêcher, les indications nécessaires pour se guider dans le choix des sujets.

Le cerisier est, parmi les arbres à fruits à noyaux, celui dont la culture est la plus rustique, parce qu’on ne l’emploie guères qu’en plein vent, étant rebelle à la taille. (Voyez le mot Cerisier.) On se procure les sujets sur lesquels on le greffe en semant les noyaux des cerisiers cultivés, et encore mieux ceux du cerisier sauvage, appelé merisier, et du Sainte-Lucie. On les obtient quelquefois aussi des drageons qui viennent naturellement autour des vieux pieds, ou quand on force leurs racines à produire en les blessant. Ces plants sont conduits, dans la pépinière, comme ceux des arbres à pépins de haute tige, excepté que, comme ils poussent plus vite, on leur fait gagner un an, c’est-à-dire qu’on les met sur un brin, on les recèpe dès la seconde année, qu’on leur forme une tête la troisième, et qu’on les greffe en fente à cinq ou six pieds de haut la quatrième. Lorsque cette greffe en fente a manqué, on les écussonne, l’année suivante, sur le jeune bois qui a poussé près du sommet. On pratique rarement la greffe en écusson sur le plant de deux ans, parce qu’elle nuit à la beauté de la tige, et retarde son accroissement en grosseur.

La greffe des cerisiers sur le Sainte-Lucie doit être préférée seulement lorsque les arbres sont destinés à être plantés dans un terrain de mauvaise nature.

Le semis des pruniers ne diffère pas de celui des cerisiers ; cependant il demande quelques précautions de plus, parce que les fruits avec les noyaux desquels on le fait sont déjà plus loin de la nature primitive de l’espèce. Ainsi on a remarqué que les sujets provenant des damas d’Italie, du royal de Tours, de la Sainte-Catherine, etc., étoient plus vigoureux et plus propres à la greffe que les autres. On doit donc préférer les noyaux de ces espèces, et les prendre dans les fruits les plus beaux et les plus mûrs. Cependant beaucoup de pépiniéristes font justement le contraire ; ils choisissent les fruits du Saint-Julien et de la cerisette, arbres presque sauvages, et qui ne peuvent par conséquent qu’altérer la bonté et la beauté des espèces qu’ils greffent dessus le plant qu’ils en ont obtenu.

On multiplie beaucoup les pruniers par drageons, parce qu’il est facile de s’en procurer autour de tous les arbres qui ont été plantés sans pivot, qu’on gagne une année, et qu’on se dispense par ce moyen de l’embarras du semis ; mais un bon pépiniériste doit être modéré dans leur emploi, car ils ne donnent jamais des arbres aussi beaux que ceux greffés sur des sujets venus de graines, et ils s’épuisent promptement en poussant, chaque année, une immense quantité de rejetons. On peut aussi les reproduire de bouture, mais on le fait rarement.

Les pruniers se greffent comme les cerisiers ; cependant, comme ils se prêtent très-bien à la taille, on les place très-fréquemment en espalier, en contre-espalier, en quenouilles, et, pour cela, on greffe tous ceux qui ont cette destination, à œil dormant, fait à quelques pouces de terre.

Les pruniers provenant de rejetons peuvent être regardés comme faits à trois ans ; et à quatre, ceux provenant de graines ; quelques espèces, telles que le damas et le perdrigon, se multiplient sans le secours de la greffe, quoique cependant elles gagnent à être soumises à cette opération.

Les amandiers, les abricotiers et les pêchers exigent absolument la même culture dans la pépinière, excepté que, comme il est plus facile de semer leurs noyaux à la main, on les place toujours par rangées à distance de six pouces au moins, et que, comme leur coque est plus dure, on les enfonce de trois pouces en terre, ayant soin de mettre la pointe en bas. On ne doit semer leurs noyaux, autant que possible, qu’après les avoir au préalable fait germer dans la maison, ainsi que je l’ai déjà indiqué, parce que, de toutes les graines d’arbres fruitiers, ce sont les plus du goût des animaux du genre des rats, et que leur germe est facilement affecté des petites gelées du printemps. On choisit, en général, l’amande à coque tendre, comme exigeant moins de temps pour germer ; mais toutes peuvent être employées avec un égal avantage, et même beaucoup de pépiniéristes recherchent de préférence les amandes amères, comme fournissant des sujets plus beaux et plus robustes. L’amandier et le prunier suffisant aux besoins de sujets pour la greffe des abricotiers et des pêchers, il est rare, comme on l’a vu plus haut, qu’on sème aujourd’hui beaucoup de noyaux de ces deux derniers arbres dans les pépinières, mais certainement à tort, car ils donneroient nécessairement des nuances de fruits qui nous manquent, depuis qu’on les en a presque bannis. En général, le besoin de simplifier la besogne et d’amener l’économie a fait rejeter des pépinières, dont il est question en ce moment, plusieurs espèces d’arbres, et en a éloigné des opérations manuelles qui étoient utiles sous beaucoup de rapports. Il seroit en conséquence à désirer que les pépiniéristes se livrassent un peu moins à la culture routinière qu’ils ont apprise de leurs maîtres, et qu’ils revinssent à celle qui peut accélérer la perfection de leur art, afin de lui donner toute la considération dont il est susceptible. Il est bien rare qu’il sorte une nouvelle espèce des pépinières, tandis que les jardins du plus petit amateur en fournissent souvent.

Pourquoi ? parce que l’amateur observe ce qui se passe, calcule ses opérations, met de la suite dans ses expériences, etc. (Voyez au mot Espèce.)

Les amandiers, levés, sont sarclés et binés une ou deux fois, et la plupart greffés en écusson, à six pouces de terre, dans le courant de la première année. Pendant celui de la seconde, ils reçoivent les mêmes façons, et l’hiver suivant ils sont en état d’être enlevés pour être placés à demeure. C’est cette rapidité de la croissance de l’amandier qui le rend si intéressant pour les pépiniéristes, non seulement d’arbres fruitiers, mais encore d’arbres d’agrément, qui y greffent toutes les espèces de fruits à noyaux que fournissent la Perse, la Sibérie, etc.

La greffe en fente réussit rarement sur l’amandier, à raison de la grande quantité de gomme qui transude de son écorce, lorsqu’elle est coupée transversalement. En conséquence, lorsqu’un sujet est devenu trop fort pour être greffé en écusson, on lui coupé la tête pour déterminer la sortie de jeunes branches sur lesquelles on pratique cette dernière.

J’ai déjà dit qu’on greffoit le plus communément l’abricotier sur l’amandier ou sur le prunier : ainsi il n’a point de culture particulière dans les pépinières. Si on vouloit avoir des sujets francs, le semis de ses noyaux et la conduite du plant qu’ils auroient produit ne différeroient en rien de ce qui a été indiqué précédemment pour l’amandier.

Les mêmes observations s’appliquent au pêcher ; seulement je dois ajouter que quelques espèces de ce genre se reproduisent par le simple semis, mais que cependant il vaut mieux les greffer.

Les trois derniers arbres dont je viens de parler aiment une terre légère ou peu substantielle, et de la chaleur : en conséquence, leurs graines doivent être semées dans la partie de la pépinière la plus en rapport avec cette nature de terrain, et la mieux exposée aux rayons du soleil.

Pépinières d’arbres d’agrément. Autant les travaux qui se font annuellement dans une pépinière d’arbres forestiers, et même dans une pépinière d’arbres fruitiers, sont simples et faciles, autant ils sont nombreux et compliqués dans celle qui fait l’objet de cet article. En effet, chaque espèce d’arbres ou d’arbustes demande une culture différente, qu’il est souvent fort difficile de connoître, puisqu’elle s’exerce sur de nouveaux sujets, et qu’on n’a la plupart du temps à leur égard que des renseignemens fort vagues, ou même point du tout. Aussi faut-il dans celui qui entreprend de les diriger, non seulement des connoissances générales en culture, mais encore un esprit observateur qui puisse juger, par ce qui a été fait, de ce qu’il convient de faire, et qui sache changer de méthode avant que le non-succès d’une tentative ne soit arrivé à son dernier terme, c’est-à-dire à la perte du sujet sur lequel elle s’exerce.

Il est indispensable, comme je l’ai déjà dit, qu’une pépinière d’arbres étrangers ait de nombreux abris, principalement au nord et au midi, soit fixes, soit mobiles.

En généra], il est bon que cette pépinière soit exactement orientée, qu’elle soit entourée de murs d’une certaine hauteur, et qu’il passe dans son intérieur un courant d’eau, accompagné de bassins exposés au soleil.

L’eau de puits, outre la plus grande dépense de son extraction, a le grave inconvénient d’être, pendant l’été, à une température inférieure à celle de l’atmosphère, et de contenir, presque toujours, ou de la sélénite ou du carbonate calcaire, qui nuisent beaucoup au jeune plant, et même le font quelquefois périr en encroûtant ses racines.

Il est des graines d’arbres qui demandent à être semées à une exposition chaude, d’autres qui ne lèvent qu’à celle du nord. Celle du levant convient à beaucoup, et la pire est celle du couchant. Il faut donc qu’un pépiniériste dispose son terrain de manière à ne perdre aucun de ses abris. En conséquence, le pied de ses murs formera une planche d’une largeur proportionnée à sa hauteur, laquelle sera divisée en petits carrés pour recevoir les semences. Outre cela, si sa culture est fort étendue, il sera encore obligé de faire des abris au milieu des carrés de son jardin, pour suppléer à ceux qui lui manquent contre les murs.

Ces derniers sont de deux sortes, ou fixes, c’est-à-dire faits avec des murs ou des arbres qui se garnissent de branches jusqu’à la racine, ou mobiles, c’est-à-dire construits avec des planches, des claies, des paillassons et même des toiles.

Il est difficile de dire quels sont les meilleurs de ces abris, attendu qu’ils ont tous leurs avantages et leurs inconvéniens, relativement à telle ou telle espèce d’arbres. Il est presque toujours bon d’en avoir de toutes les espèces, lorsqu’on le peut, ainsi qu’on le verra par la suite.

Outre ces abris simples, il en est d’autres qui sont également employés dans une pépinière d’arbres d’agrément ; ce sont des cloches de verre de diverses espèces, des bâches à châssis, et des serres tempérées ou chaudes ; mais ces derniers entrent dans une série de travaux qui n’est que secondaire pour la plupart des cultivateurs. Il en a été question au mot Serre.

Les articles de culture qui entrent dans une pépinière de la nature de celle qui nous occupe sont très-nombreux, et augmentent chaque jour. On en compte en ce moment plus de deux mille, et on ne comprend pas dans ce nombre ceux qui sont encore très-rares, c’est-à-dire qui ne se trouvent que dans quelques jardins. Comme il est impossible d’entrer dans le détail de la manière dont chacun doit être traité, je renvoie, pour les détails, aux différens articles répandus dans ce Dictionnaire, et je me contente d’indiquer ici des généralités.

Les arbres et arbustes d’agrément qui se cultivent dans les pépinières peuvent être rangés sous sept classes ; savoir :

1°. Ceux du pays, qui sont destinés les uns à entrer dans les bosquets, les autres à servir de sujets pour la greffe des espèces étrangères, comme le frêne, le sycomore, le peuplier, l’aubépine, le rosier, etc. ;

2°. Ceux des pays étrangers, mais qui sont depuis long-temps acclimatés, et dont la culture ne diffère pas de celle des précédens, comme le marronnier d’Inde, le robinier ou acacia blanc, le lilas, le syringa, etc., qui servent également directement à l’embellissement des jardins, et indirectement comme de sujets pour greffer des espèces plus précieuses encore ;

3°. Ceux de la Sibérie et autres contrées orientales, telles que les baguenaudiers, les caraguas, les spirées, les tragacantha, etc. ;

4°. Ceux de l’Amérique septentrionale ou du nord de l’Europe, ou des plus hautes montagnes de tous pays, qui demandent impérieusement une terre de bruyère et une ombre constante, comme les kalmies, les rosages, les andromèdes, les clethra, les airelles, etc. ;

5°. Ceux des parties méridionales de l’Europe, et quelques autres de diverses parties du monde, qui gèlent l’hiver, mais qui peuvent être cependant cultivés en pleine terre, tels que le chêne vert, l’olivier, l’oranger, le myrte, le filaria, l’arbousier, les cistes, etc. ;

6°. Ceux du Cap de Bonne-Espérance, de la Nouvelle-Hollande, du nord de la Chine et du Japon, dont la nature exige une terre de bruyère, et de la chaleur ; dans cette classe se trouvent les bruyères, les protées, les banksies, les métrosideros, les mélaleuca, etc. ;

7°. Ceux d’entre les Tropiques, qui doivent être tenus pendant la plus grande partie de l’année dans une serre chaude, tels que les goyaviers, les cafés, etc. Je ne parlerai pas ici de ces derniers, dont la culture a été mentionnée à l’article Serre. (Voyez ce mot.)

Les arbres et arbustes des deux premières classes demandent la même culture, ou une culture peu différente de celle qu’ils auroient obtenue dans la pépinière forestiere. Ainsi on sème leurs graines à la volée ou en rayons sur des planches préparées par des labours, on repique le plant qu’elles ont produit la seconde, ou la troisième année ; on les met sur un brin, ou on les recèpe lorsque cela devient nécessaire ; je dis lorsque cela devient nécessaire, parce qu’il est quelques espèces qu’on conserve plus volontiers en buisson, comme le lilas, le syringa, etc., et d’autres qui souffrent difficilement cette opération, comme les noyers, les marronniers, etc.

Une partie des arbres de ces deux divisions, comme je l’ai déjà observé, sert immédiatement à l’ornement des jardins, et l’autre n’y est employée qu’après avoir reçu une greffe qui le transforme en espèce plus rare. Ainsi on met, sur le sycomore, l’érable jaspé, de Pensylvanie, et les variétés de ceux du pays : on place sur le frêne ordinaire tous les frênes étrangers ; sur le marronnier d’Inde, les trois espèces de pavia, etc.

C’est dans ces divisions que se trouvent la plupart des chênes, arbres qui ne reçoivent pas facilement les greffes en fente et en écusson, et qui doivent être greffés à l’anglaise. (Voyez le mot Greffe)

Il n’est pas du tout indifférent de placer une greffe sur tel arbre, plutôt que sur tel autre du même genre ou de genre analogue, l’expérience ayant appris que certaines espèces sont plus propres à les recevoir que d’autres. Ainsi, pour me pas sortir des exemples ci-dessus, je dirai que celles qu’on met sur le sycomore réussissent beaucoup plus souvent que celles qui sont faites sur le platanoïde ou sur l’érable commun : le développement détaillé de ce qu’on doit savoir à cet égard obligeroit d’écrire un volume. Je me trouve donc encore obligé de renvoyer aux articles particuliers de chaque arbre pour cet objet.

Mais je ne puis m’empêcher de citer encore le fait suivant.

Le sorbier hybride est un arbre de seconde grandeur, qui naturellement porte de fort grosses branches, et étend au loin ses rameaux. Quand on le greffe sur l’épine blanche, arbuste de nature deux ou trois fois plus foible, il pousse une grande quantité de petites branches qui forment pyramide ou boule ; ce qui lui donne un aspect très-propre à le faire rechercher dans les jardins, ainsi qu’on peut s’en convaincre dans le bosquet des tulipiers, à Versailles. Ce phénomène est dû à ce que les racines de l’épine ne sont pas assez grosses ni assez nombreuses pour fournir à l’arbre qu’a produit la greffe toute la sève nécessaire à sa croissance, et qu’il est obligé de s’en dédommager en poussant une bien plus grande quantité de feuilles qui rétablissent l’équilibre. Cela est si vrai que ces racines peuvent à peine soutenir le tronc et la tête de leur nourrisson, qui sont presque tous inclinés du côté opposé au vent dominant. Ce n’est qu’avec des soins continuels qu’on peut les conserver sur pied.

Lorsqu’une branche destinée à faire une greffe en fente accélère plus sa végétation que le sujet sur lequel on veut la placer, on la coupe et on la conserve dans un lieu frais. Quelques pépiniéristes coupent même toutes les greffes de cette espèce plusieurs jours avant de les employer, parce qu’ils prétendent que, par là, leur réussite est plus assurée.

Quand une branche sur laquelle on désire prendre des yeux pour faire des greffes en écusson n’est pas assez avancée, on arrête sa croissance en longueur, en coupant son extrémité. Alors son bois prend bien plus rapidement la densité qui lui est propre. On emploie aussi le même moyen pour conserver des tiges encore trop en sève, pour lesquelles on craindroit les premières gelées de l’hiver. Parmi les arbustes également ci-dessus mentionnés, il en est deux, le lilas et le syringa, qu’il est plus avantageux de multiplier par rejetons ou par marcottes, mais que cependant on obtient facilement de graines. Il en est d’autres, comme le chicot, (Guilandica dioica Lin.) le laurier sassafras, le redoul, etc., qui ne donnent presque jamais de graines dans le climat de Paris, et qu’on ne peut que difficilement reproduire par rejetons ou marcottes. Ces derniers se multiplient par racines, c’est-à-dire qu’on enlève quelques racines aux vieux pieds, et qu’après les avoir coupées en tronçons plus ou moins longs, on les met en terre pour donner de nouveaux pieds. Quelquefois ces racines poussent des tiges dès la première année ; mais le plus souvent ce n’est qu’à la seconde, à moins qu’on ne les avance en les plaçant, dans des terrines, sous un châssis. Dans tous les cas, il faut que ces racines n’aient ni trop d’humidité, ni trop de sécheresse, car dans les deux cas elles périroient immanquablement. Il est quelques espèces qui, quoique fournissant des graines ou se multipliant par marcottes ou boutures, sont plus avantageusement reproduites par cette voie, dans les pépinières : parmi elles on peut compter le langit, (Aylanthus Desf.) ; le mûrier à papier, (Broussonnetia L’Héritier) ; le redoul, (Coriaria Lin.) Ce dernier arbuste réussit mieux quand on emploie, au lieu de ses fibrilles, le collet de la racine dont on sépare le bourgeon en les éclatant avec une pioche. On appelle cette sorte de multiplication par éclats. On doit ranger dans la même classe de multiplication celle qui se fait en fendant une tige et ses racines en deux, trois, quatre ou un plus grand nombre de morceaux que l’on plante séparément ; mais ce mode, qui est fréquemment employé sur les plantes vivaces, ne l’est guères sur les arbres et arbustes.

C’est peut-être ici le lieu de parler des variétés, puisque ce sont les arbres et arbustes des classes dont je m’occupe en ce moment qui en fournissent le plus.

Il se développe quelques fois, dans les végétaux abandonnés à la nature, plus souvent encore dans ceux qui sont cultivés, des causes qui les font changer d’aspect, devenir plus ou moins différens de ceux qui leur ont donné naissance. Ainsi, lorsqu’une graine est semée dans un terrain extrêmement amélioré par les engrais, elle produit quelquefois un arbre dont les fleurs sont doubles, ou dont les feuilles acquièrent une grandeur démesurée. Ce sont des variétés par excès de nourriture. Ainsi, lorsqu’une graine est semée dans un très-mauvais sol, elle produit quelquefois un arbre dont ou la tige, ou les feuilles, ou les fleurs sont plus petites. Ce sont trois variétés par défaut de nourriture. Ainsi, lorsqu’un arbre souffre dans sa tige, dans ses feuilles et dans sa fleur, la première se contourne, les secondes se décolorent, passent en tout ou en partie au blanc ou au jaune ; les troisièmes prennent une couleur différente ou une forme bisarre ; ce sont cinq variétés par maladies. Les amateurs de culture ont mis, de tout temps, et mettent aujourd’hui plus que jamais, une grande importance à ces variétés ; le pépiniériste a dû en conséquence les rechercher, et ce, d’autant plus qu’elles ne lui coûtent guères plus à multiplier, et que, cependant, il les vend beaucoup plus cher que les espèces dont elles émanent.

Il arrive quelquefois que les graines d’une variété les reproduisent ; mais, en général, elles donnent le type de l’espèce. C’est donc par les greffes, les boutures, ou les marcottes qu’on les multiplie. On a remarqué que les greffes, sur-tout, fixoient les variétés, c’est-à-dire que si on enlève un œil sur un pied d’orme panaché naturellement, il fournira certainement une pousse panachée, tandis que le pied sur lequel il a été pris cessera de l’être l’armée suivante. C’est en saisissant ainsi, pour ainsi dire à la volée, des variétés, qu’on a doublé, triplé, quadruplé et même quintuplé quelques espèces, qu’on en a obtenu d’un aspect très-bisarre. Par exemple, l’érable platanoïde a fourni une variété dont la feuille a l’apparence à moitié desséchée ; le frêne a donné celle dont le bois est jaune et celle qu’on appelle parasol, dont les branches se recourbent constamment vers la terre ; l’orme nous en fait voir une dont les feuilles sont presque complètement blanches. Le houx seul en présente sept à huit, telles que celui à larges feuilles, à petites feuilles, à feuilles lancéolées, à feuilles hérissonnées, à feuilles panachées de jaune, à feuilles panachées de blanc, à feuilles tachetées de blanc dans leur milieu, etc. Un pépiniériste doit donc, lorsque le hasard lui procure une variété nouvelle, la fixer par la greffe. La science botanique n’y gagnera rien, il est vrai, mais les jouissances de l’homme en seront augmentées ; car, qui est-ce qui peut nier que la rose double ne soit plus agréable que la rose simple ?

Les arbres et arbustes de la troisième et de la quatrième classe sont ceux qui exercent le plus les pépiniéristes dont je décris en ce moment les travaux. Tous supportent nos hivers en pleine terre ; mais tous ont besoin de soins pendant leur enfance. C’est principalement pour eux qu’il est nécessaire de former des abris, de composer ou de choisir des terres particulières, etc.

La nature a voulu que la plupart des plantes fussent organisées pour croître sur tel sol plutôt que sur tel autre, et ce n’est presque jamais impunément qu’on contrarie cette destination ; cependant quelques uns se prêtent plus facilement à un changement à cet égard. Ainsi, le saule est évidemment un arbre aquatique, et cependant il pousse passablement bien dans un terrain sec ; mais jamais on ne pourra élever la bruyère sur un sol argileux. La connoissance des faits de ce genre, applicable à toutes les espèces d’arbres et d’arbustes qu’on cultive pour l’agrément, forme la partie la plus importante et la plus difficile de la science du pépiniériste ; mais il est peu d’entr’eux qui puissent s’astreindre à suivre rigoureusement à cet égard l’indication de la nature. Tous en général se contentent d’en approcher assez pour que la plus grande masse possible d’espèces puisse entrer dans leur culture, et telles de ces espèces qui ne se prêtent pas, à cet égard, au vœu de leur paresse ou de leur ignorance, sont traitées de rebelles et abandonnées comme ingrates.

On range sous deux dénominations générales les terres que l’on emploie pour cultiver les articles dont il est ici question ; savoir, terre franche et terre de bruyère ; mais elles se subdivisent ensuite sans fin, relativement aux proportions de leur composition.

La terre franche est celle qui contient de l’argile, du sable ou du calce, ou l’un et l’autre, et de l’humus, ancien détritus des végétaux. Elle est regardée comme excellente, lorsque ces matériaux y entrent par tiers ou par quart. Cette terre est très-substantielle et conserve long-temps l’eau des pluies. Lorsqu’elle est trop argileuse, on y ajoute du sable ; lorsqu’elle est trop sablonneuse, on y met de l’argile, et lorsqu’elle est trop maigre, on l’engraisse avec du fumier, du terreau de couche, du gazon, des curures d’étang, etc.

La terre de bruyère est une terre qui ne contient que du sable et de l’humus. Elle est estimée la meilleure lorsqu’elle contient un tiers ou même seulement un quart de ce dernier. Cette terre est par conséquent peu substantielle et laisse passer très-facilement les eaux de pluie. Lorsqu’elle est trop maigre, on y ajoute du terreau de feuilles ou du terreau de couche : tout autre mélange l’altérerait. On ne la trouve que dans certains cantons où elle est annoncée par l’arbuste qui lui a donné son nom. Pour la remplacer dans les pays qui en sont privés, il faut la composer artificiellement, soit avec du grès pilé, soit avec d’autres pierres quartzeuses, également pilées et passées dans un tamis de fil de fer assez fin pour que les plus gros grains ne surpassent pas une demi-ligne de diamètre. Le résultat se mélange dans les proportions indiquées avec du terreau de couche.

La terre de bruyère étant toujours friable, est très-propre à recevoir les plantes délicates ou dont les racines ne seroient pas assez fortes pour s’introduire dans la terre franche. Elle est sur-tout éminemment bonne pour la germination des semences dont la radicule n’a besoin de trouver que très-peu de substance nutritive dans la terre, attendu que les cotylédons lui fournissent la majeure partie de celle qui lui est nécessaire. De plus, elle absorbe, à raison de sa couleur noire, les rayons du soleil, et conserve la chaleur, qu’ils lui communiquent aussi bien que le meilleur terreau de couche. Aussi toutes les plantes, même les plus grosses et les plus rustiques, y germent elles mieux que dans toute autre ; mais comme elle laisse très-facilement perdre et par l’évaporation et par l’infiltration, l’eau nécessaire à la végétation, il faut l’arroser continuellement.

Les graines des arbres et arbustes, dont il est ici question, doivent toutes être semées dans de la terre de bruyère, et à l’exposition du nord, soit en pleine terre, soit dans des terrines ou dans des pots. La germination de quelques unes demande, de plus, à être provoquée par la chaleur d’une couche à châssis ; d’autres à être placées dans un local dont l’air se renouvelle très-lentement. Elles doivent toutes être arrosées fréquemment et légèrement, c’est-à-dire qu’il faut les entretenir dans une humidité constante, mais modérée. Il est bon souvent de les couvrir d’une couche de mousse qui leur conserve cette humidité, et il le seroit même toujours, si on n’avoit pas à craindre la pourriture des jeunes plants, que cette mousse favorise, et les ravages des insectes que son abri appelle.

La manière d’arroser n’est pas aussi indifférente que beaucoup de jardiniers le pensent. C’est de cette opération que dépend souvent la réussite ou la perte d’un semis tout entier. On doit d’abord éviter, comme je l’ai déjà indiqué, des eaux chargées de sélénite ou de carbonate calcaire, et n’employer celles de puits ou de fontaines, quelque bonnes qu’elles soient, que lorsqu’elles sont parvenues, par leur exposition à l’air, à la même température que lui. Si on néglige cette précaution, la mouillure retarde au lieu d’avancer la végétation. On doit encore imiter la pluie le plus exactement possible, en faisant tomber lentement et également l’eau de la pomme de l’arrosoir. Un arrosement trop rapide produit l’effet d’un orage, il ne mouille pas profondément la terre et en entraîne la surface. La quantité d’eau qu’il faut répandre, et l’instant de la journée où il est le plus utile d’arroser, varient suivant les saisons. Elle doit être plus forte en été qu’à toute autre époque ; après une longue sécheresse, que dans un temps humide. Elle sera encore plus abondante au printemps qu’en automne, parce que les semences sont à la surface de la terre où l’eau s’évapore facilement, et qu’elles ont besoin d’une grande humidité pour se ramollir et germer. En hiver, l’arrosement doit être extrêmement rare, parce que l’évaporation est presque nulle. Il se fera le matin, au printemps, pour que les graines profitent mieux de la chaleur du soleil du midi. Le soir, en été, pour que le jeune plant ne soit pas brûlé par l’activité des rayons de ce même soleil se brisant et formant l’effet d’une loupe dans les gouttes d’eau, et qu’il profite du défaut d’évaporation pendant la nuit.

Les plants levés doivent être laissés en place la première et même souvent la seconde année, pour qu’ils acquièrent de la force. Pendant ce temps, on continue à les arroser moins souvent, et on les sarcle quand ils en ont besoin. Lorsqu’ils sont jugés en état de supporter la transplantation, on les arrache, pour les repiquer dans une terre de bruyère neuve, à une distance de quelques pouces les uns des autres, trois ou quatre, par exemple, et avec les précautions requises ; c’est-à-dire en conservant toutes les racines et toutes les branches. Dans ce nouveau local, qui est également ombragé, elles n’ont besoin que d’arrosemens dans les grandes sécheresses, et de trois ou quatre légers binages ou serfouissages par an. À cette époque, le plant fait quelquefois l’objet d’un commerce particulier, comme celui des arbres forestiers et fruitiers du même âge.

C’est à la troisième ou à la quatrième année qu’on arrache de nouveau ces plants pour les vendre ou pour les placer à demeure, les uns dans une terre et une exposition quelconque, mais qui ne soient pas trop en opposition avec celles qu’ils quittent ; les autres toujours dans une terre de bruyère et à l’exposition du nord, mais à une distance les uns des autres proportionnée à la grandeur qu’ils sont susceptibles d’atteindre. Là, on jouit de tous leurs avantages, et on n’est tenu qu’aux labours ordinaires à tout jardin.

Le lieu destiné à recevoir une plantation de ce genre est appelé une plate-bande de terre de bruyère. Le pépiniériste est obligé d’en avoir, ainsi que l’amateur, parce que beaucoup des espèces qui s’y placent se multiplient plus rapidement de marcottes et de rejetons que de graines, et qu’il est de son intérêt de produire le plus dans le moins de temps possible. Il est donc nécessaire de parler de son établissement.

Sur la longueur d’un mur d’environ huit à dix pieds de haut, à son exposition septentrionale, on fait faire une tranchée de même largeur et d’une profondeur de six, huit, dix ou douze pouces, selon la nature des espèces de plantes qu’on est dans l’intention d’y placer, et selon le plus ou moins d’abondance de la terre de bruyère qu’on a à sa disposition. Le fond de cette tranchée est ensuite couvert de quatre pouces de sable pur, et rempli de terre de bruyère, passée à la claie, jusqu’à trois à quatre pouces au dessus du sol.

Lorsqu’on n’a pas suffisamment de terre de bruyère, on peut la suppléer dans le fond par des feuilles sèches, stratifiées avec de la terre ordinaire, dans une proportion calculée de manière à ce que le résultat se rapproche de la terre de bruyère par sa légèreté ; ensuite on couvre la surface de deux, trois ou quatre pouces de véritable terre de bruyère ou de terre factice, fabriquée comme je l’ai dit précédemment.

Le sable que j’ai conseillé de mettre au fond de la fosse est destiné à empêcher les vers blancs et les lombrics qui, pendant l’hiver, s’enfoncent à plus de six pieds, de monter au printemps dans la terre de bruyère, car ces animaux n’entrent pas volontiers dans le sable, où ils ne trouvent point de moyen de subsistance. On éloigne par cela même les courtilières qui vivent principalement de lombrics, et qui ne se trouvent abondamment que dans les lieux où ils sont communs.

Une plate-bande ainsi construite peut servir un grand nombre d’années sans être renouvelée entièrement ; mais il faut la recharger tous les trois ou quatre ans, pour renouveler ses principes de fertilité, et réparer les pertes qu’elle fait par l’effet des pluies, des vents, etc.

Les endroits destinés aux semis n’ont besoin que d’avoir une épaisseur d’un, deux à quatre pouces de terre de bruyère, et, par économie, on les y borne ordinairement ; mais lorsqu’on emploie, pour le même objet, une plate-bande, on doit s’attendre à des productions bien plus vigoureuses.

La distance où il convient de mettre les arbustes dans la terre de bruyère, dépend de leur espèce et de l’objet qu’on se propose ; mais, comme ils aiment généralement à avoir le pied ombragé, on ne doit les éloigner qu’autant qu’il est nécessaire pour pouvoir arracher les rejetons de l’un d’eux, sans nuire à ceux des autres, ou pour avoir la facilité de coucher leurs rameaux dans tous les sens et dans toute la longueur nécessaire, lorsqu’on a l’intention de les marcotter.

Celles des graines d’arbustes de terre de bruyère, qui, comme les rosages, les androgènes, les airelles, etc., demandent peu d’air et une fraîcheur constante pour pouvoir prospérer, se sèment ordinairement dans une terre de bruyère, placée à l’angle rentrant de deux murs très-élevés, ou dans une très-petite enceinte. Lorsqu’on ne jouit pas de localités de ce genre, on en fait avec des planches, des claies, des paillassons etc. ; ou mieux, on couvre le terrain d’une bâche de bois, dont on tient le châssis presque constamment fermé ou très-peu ouvert.

C’est ici le moment de dire que l’expérience a prouvé que les graines germoient beaucoup plus vite et mieux dans un air surchargé de carbone, et que les plants qu’elles produisoient ne pouvoient vivre qu’où il se trouve une certaine proportion d’oxigène. Il faut donc, toutes les fois qu’on sème des graines dans un lieu fermé, veiller attentivement sur leur germination, afin de leur donner de l’air au moment même où elles développent leurs feuilles séminales. C’est faute de faire attention à cette circonstance, que tant de pépiniéristes éprouvent la perte de semences précieuses ou de boutures importantes ; car ces dernières reprennent aussi plus facilement racine dans un air étouffé, et périssent ou fondent, comme disent les jardiniers, lorsqu’on ne renouvelle pas cet air au moment où elles commencent à pousser des feuilles.

On sème sur couches celles des graines des arbres et arbustes dont il est question en ce moment, qui viennent des pays plus chauds que celui où on les cultive, ainsi que celles dont on veut accélérer la germination et la pousse. Ces graines sont toujours mises dans des terrines ou des pots qu’on enterre dans la couche jusqu’au rebord, et qu’on laisse à l’air libre ou qu’on couvre, soit avec des cloches, soit avec des châssis.

Les couches qu’on emploie, dans ce cas, sont de deux sortes, c’est-à-dire des couches ordinaires de fumier de cheval neuf, ou des couches sourdes construites avec le fumier d’une vieille couche de l’espèce précédente, ou des feuilles sèches, ou de la paille et plus ou moins de fumier neuf, selon qu’on désire qu’elles soient plus ou moins chaudes. Elles doivent avoir au moins trois pieds de hauteur. On les place quelquefois au nord d’un mur, plus souvent au midi, et, dans ce dernier cas, on se procure le moyen de les abriter des rayons du soleil par des paillassons, des claies ou des toiles, qu’on enlève aux approches du coucher du soleil, et lorsque le ciel est couvert de nuages.

Les terrines sont presque toujours préférables aux pots, en ce qu’elles occasionnent une moindre perte de terrain sur la couche, et que la chaleur les pénétre plus aisément et plus également ; il faut les choisir bien cuites et exemptes de nœuds calcaires ; car lorsqu’elles n’ont pas ces qualités, la chaleur et l’humidité auxquelles elles sont exposées, les détruisent rapidement. On sait qu’on appelle terrines, des pots plus larges que hauts, et percés à leur fond d’un grand nombre de très-petits trous qu’on recouvre de tessons, c’est-à-dire, de morceaux de pots cassés.

Il y a plusieurs espèces de cloches. Les unes sont faites d’un seul morceau de verre ; les autres de plusieurs, assemblés au moyen du plomb. Ces dernières varient beaucoup dans leur forme et leurs dimensions ; et, quoique beaucoup plus chères que les premières, elles leur sont préférables, en ce qu’il est rare que tous leurs carreaux se cassent à la fois, et qu’il est facile de ménager à leur sommet une ouverture fermable à volonté pour renouveler l’air qu’elles contiennent ; mais elles ont l’inconvénient d’être toujours d’un verre à vitre peu coloré, qui repousse bien plus les rayons du soleil que le verre brun des premières.

On peut faire les caisses du châssis en pierre, en brique ou en bois. Ces dernières sont préférables, comme exigeant des avances moins considérables et perdant moins la chaleur dont le bois est un des plus mauvais conducteurs. Elles doivent être construites en planches de chêne peintes en dehors et charbonnées en dedans, fortifiées de tenons de fer en leurs angles. Les panneaux qu’elles supportent doivent être également de cœur de chêne, garnis de bandes de fer en équerre et de vitres, dont le verre ne surabonde pas en potasse et ne contienne pas de plomb ; car, dans ces deux cas, ils ne tarderoient pas à être altérés par les émanations du fumier.

Les semis sur couche des arbres et arbustes de la division qui nous occupe demandent des soins plus multipliés que ceux faits en pleine terre. D’abord, il faut examiner la couche qui pourroit être trop chaude et brûler les graines au lieu de les faire lever. On prévient ce grave inconvénient en n’y plaçant les terrines qu’après qu’elle a jeté son premier feu, époque qui varie en nombre de jours, selon la nature de la couche et l’état de l’atmosphère, et on apprécie son degré de chaleur au moyen d’un thermomètre ou d’un simple bâton enfoncé jusqu’à son centre, et au bout duquel on applique la main au moment même qu’on le retire. Ensuite il faut veiller à ce qu’il soit donné de l’air aux châssis ou aux cloches, aussi souvent qu’ils en ont besoin, pour renouveler celui qu’ils contiennent, et dissiper l’humidité qui s’y est accumulée, humidité dont l’excès produit la moisissure et la pourriture des feuilles ; il faut aussi donner de l’ombre à ceux ou à celles qui sont au soleil, toutes les fois que cela devient nécessaire. Une seule négligence peut faire souvent perdre, en un instant, un semis tout entier. Il est assez difficile d’indiquer, en détail, les circonstances où faut ouvrir ou fermer les châssis, leur donner le soleil ou l’ombre : le coup d’œil en décide toujours mieux que le raisonnement. Cependant on peut conseiller d’ouvrir le châssis, 1°. lorsqu’il a été long-temps sans prendre l’air, et, dans ce cas, de ne l’ouvrir que par gradation, ainsi que dans celui où l’air extérieur seroit plus froid de beaucoup de degrés que l’intérieur ; 2°. quand le soleil commence à monter sur l’horizon, pendant le printemps et l’automne, et du soir au matin pendant l’été.

Les châssis acquièrent d’autant plus de chaleur par l’effet des rayons du soleil, que les verres des panneaux en sont frappés plus perpendiculairement, et que ces verres sont plus colorés. Ils conservent beaucoup mieux cette chaleur, lorsque les panneaux sont doubles, triples, etc., ainsi que l’a prouvé Ducarla, dans les Mémoires du Musée de Paris.

Les sarclages et les arrosages se pratiquent sur les couches, comme en pleine terre ; seulement ces derniers doivent être ménagés. Il faut éviter les deux extrêmes, mais sur-tout la trop grande humidité ; car on a vu fréquemment des semis sous châssis, qui avaient une superbe apparence, être anéantis par suite d’un arrosement fait à contre-temps. Là, encore plus qu’ailleurs, il faut sur-tout ne mouiller que le soir, crainte des effets des coups de soleil.

Au printemps ou au commencement de l’automne de la seconde année, on sépare les plants pour les repiquer soit dans des pots, soit en pleine terre. Cette opération doit être faite, autant que possible, par un temps humide, afin que le hâle ne fasse pas faner les feuilles et même dessécher les tiges avant que les racines, qui souffrent toujours un peu, quelques précautions qu’on prenne, et qui par conséquent n’absorbent plus la même quantité de nourriture, aient repris toute leur action vitale. Les plants qui sont dans des pots doivent être mis à l’ombre, même, s’il se peut, sous un abri, et arrosés. Ceux destinés à la pleine terre, qu’on se rappelle exiger impérieusement l’ombre, seront espacés convenablement ; c’est-à-dire écartés proportionnellement à leurs forces actuelles et au temps qu’ils devront rester en place, et également arrosés. Les repiquages ne se font généralement que pour deux ans, et, en conséquence, on les espace d’autant moins, qu’il est avantageux qu’ils couvrent complètement le sol de leurs feuilles pour y entretenir la fraîcheur, et que le terrain où ils sont plantés est précieux, puisque c’est une plate bande de terre de bruyère. Cependant il ne faut pas trop les presser, car jamais des plantes de même nature, qui se gênent, ne prospèrent.

Il est bon d’observer, à l’occasion des arrosemens des pots, que, comme la terre de bruyère qu’on emploie pour le repiquage doit être fort sèche, afin de pouvoir la tasser plus facilement avec la main autour des racines du jeune plant, elle prend difficilement l’eau des premiers arrosages. On doit donc en faire de petits et de fréquens le premier jour, pour donner à l’eau le temps d’entrer dans la terre, et ne s’arrêter que lorsqu’on s’est assuré, par l’examen, que la mouillure pénètre jusqu’au fond. On sent combien une erreur de fait, dans ce cas, pourroit être nuisible, puisque le plant dont les racines resteroient dans une terre sèche périroit aussi immanquablement que celui qui auroit été oublié à l’air.

Les repiquages dans des pots se font ordinairement sur une table où il y a un gros tas de terre de bruyère, afin de les rendre plus faciles et moins fatigans pour ceux qui y travaillent. Je dis pour ceux qui y travaillent, parce que, pour accélérer la besogne, et, par conséquent, multiplier les chances de conservation, il est bon d’y employer au moins trois personnes simultanément ; savoir, une qui sépare le plant, une qui le place dans le nouveau pot, une qui apporte sur la table, à mesure du besoin, des pots préparés.

On appelle pots préparés des pots au fond desquels on a placé, sur le trou disposé pour l’écoulement des eaux superflues, un tesson de pot et une poignée de gros sable, et qu’on a à moitié remplis de terre. Le tesson a pour objet de retarder l’écoulement des eaux, et le sable, de les conserver dans ses interstices. Un pot trop percé et un qui ne l’est pas assez ont également de graves inconvéniens pour les plants qu’on y met. On en sent trop facilement les motifs, pour qu’il soit nécessaire de les développer ici.

L’opération du repiquage dans des pots ou en pleine terre n’est point difficile ; mais elle demande beaucoup d’attention de la part de celui qui la dirige ; car les plants sur lesquels elle s’exerce sont souvent d’une délicatesse extrême. Il faut sur-tout ne point casser les racines en enlevant le plant. En conséquence, après avoir mouillé la terre, on doit tâcher d’ôter la masse entière de la terrine en la renversant et soutenant la terre d’une main, tandis que de l’autre on donne quelques légers coups des bords de la terrine sur ceux de la table. Lorsque cela réussit, on opère l’isolation de chaque pied, en partageant la masse avec les mains ou avec la lame d’un couteau, aussi souvent qu’il est nécessaire. Lorsqu’on ne parvient pas à ôter la masse de terre de la terrine par la percussion, on enlève avec une lame de couteau, ou un morceau de bois taillé en spatule, le plant du bord où il y en a le moins, et on y pratique une tranchée qui facilite l’enlèvement de tout le reste.

Toute plante resserrée dans un pot, consommant rapidement la portion nutritive de la petite quantité de terre de bruyère qui lui est accordée, il faut lui en donner, autant que possible, de la nouvelle tous les ans, si on veut qu’elle profite. Cette opération, qui se fait assez ordinairement au commencement de l’automne, mais qu’on peut exécuter presqu’en tout temps, s’appelle rempotage, et se pratique ainsi : on ôte la plante du pot avec les précautions indiquées plus haut, puis, avec un couteau, on enlève toute la terre dont on peut la priver sans couper ses grosses racines, et on replace la motte dans un pot un peu plus grand, qu’on remplit de nouvelle terre de bruyère. On arrose ensuite et on laisse le pot à l’ombre pendant quelques jours, pour empêcher les effets du hâle. C’est presque toujours la moitié, plus rarement le tiers, et encore plus rarement le quart de la terre, qu’on enlève ainsi ; c’est au pépiniériste à en décider, d’après l’inspection des racines et le plus ou moins de vigueur de la plante. Il est de certains cas où on ne doit pas craindre de couper du chevelu, et, dans d’autres, où il faut le ménager. Ce sont principalement les bruyères, les phylica, protées, et autres de cette famille, ainsi que les arbres verts, qui sont dans ce dernier cas. Il est difficile de donner des règles générales à cet égard. Je dois dire seulement que toutes les racines qui se sont contournées, et celles qui sortent du pot, par le trou inférieur, doivent être retranchées sans ménagement.

Peu d’espèces d’arbres et d’arbustes de cette division, sont susceptibles de reprendre de bouture ; mais la majeure partie se multiplie très-facilement de rejetons et de marcottes. J’ai parlé, à l’article précédent, des multiplications par racines, attendu que ce sont les arbres et arbustes dont il y a été traité, qui y sont le plus propres. J’ai parlé de la voie des boutures, à l’article des Pépinières Forestières, ainsi je n’ai plus qu’à entrer ici dans quelques détails sur les rejetons et les marcottes.

On appelle rejetons de jeunes tiges qui sortent naturellement des racines d’un arbre ou arbuste, et qu’on peut enlever sans nuire à la tige principale. Les pépiniéristes influent rarement sur leurs productions ; mais ils le peuvent cependant, en blessant les racines, pour y développer, par l’interception de la sève, la formation d’un bourrelet d’où sortira un bourgeon. On se borne ordinairement à arracher ces rejetons tous les hivers, pour les planter séparément, et en faire de nouveaux pieds dont la culture se confond avec celle des plantes analogues.

Il n’en est pas de même des marcottes ; elles sont presque toujours dues à l’art, et elles forment un article important dans le travail d’un pépiniériste qui cultive des arbres ou arbustes d’agrément. Leur théorie consiste à déterminer une branche, en la mettant en terre, à pousser des racines et à servir ainsi de type à un nouvel individu de son espèce.

On compte trois différentes manières de marcotter, qui ont toutes leurs avantages et leurs inconvéniens, et qui sont applicables chacune à quelques espèces d’arbres plutôt qu’à d’autres.

1*. En bute. Elle consiste à couper un arbre rez terre, et lorsque la cépée est formée, c’est-à-dire au bout d’un an, couvrir la base des jeunes pousses qui la forment avec une terre assez dure, pour qu’elle conserve la forme pyramidale et l’humidité nécessaire.

On emploie rarement ce mode de marcottage dans les pépinières bien montées, parce qu’on n’est jamais certain qu’il produise son effet, à raison de la direction qu’on laisse aux jeunes pousses, et de ce que les espèces auxquelles on peut l’appliquer se soumettent également au suivant.

2°. En recouchage. Elle consiste à coucher en terre et à y assujettir par le moyen d’un crochet ou d’un corps lourd, soit les jeunes pousses d’un arbre recépé, soit les branches inférieures d’un arbuste, soit même toutes celles de celui qui est planté dans un pot et qu’on a inclinées suffisamment pour cela. Ce genre de marcottage est le plus généralement usité et le plus avantageux sous tous les rapports. On le fait ordinairement pendant l’hiver ; mais on peut le pratiquer, sans inconvénient, pour la plupart des arbres et arbustes, pendant presque toute l’année. Il demande des modifications dans certains cas. Ainsi il est quelquefois utile de contourner légèrement sur elle-même la branche qu’on y soumet, ou de la casser à moitié ; d’autres fois, de faire une ligature avec un fil de laiton ou une incision à l’écorce pour déterminer la formation d’un bourrelet, et, par suite la plus prompte sortie des suçoirs qui doivent fournir des racines.

Les marcottes de cette sorte doivent être assez enfoncées en terre, pour qu’elles se trouvent constamment entourées d’humidité ; mais la crainte de casser les branches avec lesquelles on les fait ne permet pas toujours de les voir arriver au point désirable. Dans ce cas, on opère en plusieurs temps. Par exemple, on met sur une branche une pierre du poids de deux livres, qui la tient parallèle au sol ; huit jours après, ou fait une excavation à la terre et on la charge d’un poids de quatre livres, et enfin on parvient à la fixer au fond de cette excavation. Il faut, par la raison ci-dessus énoncée, arroser les marcottes pendant les grandes chaleurs de l’été, et tenir toujours la terre meuble autour d’elles. Les branches de quelques espèces d’arbres et d’arbustes prennent ainsi racine en deux ou trois mois ; mais à la plupart il faut un an, et à quelques unes deux ou même trois ans, et beaucoup ne se prêtent pas à ce genre de multiplication, par des causes de différentes natures qu’il seroit trop long de détailler ici.

Lorsqu’on s’est assuré, par l’inspection, qu’une marcotte a jeté assez de racines pour pouvoir vivre par ses propres moyens, on la sépare de sa mère et on la plante autre part. Beaucoup de pépiniéristes mettent de l’intervalle entre l’époque de la séparation qu’on appelle le sevrage, et celle de l’arrachage, et, en général, ils sont dans le cas d’être imités, car ils suivent rigoureusement les principes de la saine physique ; mais, comme l’économie de temps doit aussi entrer en considération, on ne peut regarder ce retard comme très nécessaire, que lorsque les marcottes sont précieuses, ou qu’on s’est assuré qu’elles ne sont pas pourvues d’assez de racines.

3°. En pots en l’air. Il est des arbres dont les branches sont trop élevées pour être ramenées en terre, ou des arbustes trop précieux pour qu’on ose se permettre d’en altérer la forme par le marcottage ordinaire, et, pour les multiplier, on est obligé de pratiquer cette manière de marcotter qui se subdivise en deux, à raison de la position de la marcotte.

La première manière consiste à attacher un pot à une des grosses branches, d’un arbre ou à un pieu planté près de lui, et à plier un des rameaux du même arbre dans la terre de ce pot, où on l’assujettit avec un crochet ou avec un poids.

La seconde manière s’exécute en faisant passer la branche ou le rameau dans un trou ou une échancrure faite au pot à cet effet, ou en l’entourant d’un cornet de plomb ou d’une caisse de bois.

Dans ces deux cas, il est toujours avantageux de faire une ligature à la partie de la branche qui entre dans la terre du pot ou de ce qui le remplace, ou de lui enlever un anneau d’écorce, afin de déterminer la formation d’un bourrelet ; cependant on peut s’en éviter la peine, lorsqu’on a employé une branche qui soit de deux sèves, et que la ligne de partage de ces deux sèves est mise dans la terre.

Le point le plus difficile est d’entretenir dans ces pots, ainsi en l’air, le degré d’humidité nécessaire à la formation des racines, et il suffit, dans certains temps, que les arrosemens aient été oubliés une fois pour perdre le fruit de plusieurs mois et même de plusieurs années de soins. On y supplée par un moyen ingénieux, qui consiste à attacher un vase de verre ou de terre plein d’eau, sur une branche placée au dessus du pot de la marcotte, et de faire communiquer l’eau de ce vase, avec la terre de ce pot, par une petite corde de laine peu tordue ; l’eau, en vertu de sa propriété attractive, suinte à travers les fils de cette corde, et entretient une humidité constante autour de la marcotte, humidité qu’on peut concentrer encore en couvrant le pot d’une quantité de mousse suffisante pour en retarder l’évaporation.

Il est quelques espèces d’arbres et d’arbustes qui demandent qu’on laisse former leur bourrelet à l’air, avant de les mettre dans la terre ; d’autres qui, au contraire, exigent d’être enterrées à l’instant même où l’on a cerné leur écorce. L’expérience seule peut guider dans l’application de ces anomalies.

Ce que j’ai dit des soins à donner aux autres marcottes, avant et après leur sevrage, s’applique à celles-ci ; ainsi je n’entrerai dans aucun détail à leur sujet.

On ne doit pas faire trop de marcottes à la fois à un arbre précieux, parce qu’elles le fatiguent beaucoup, et quelquefois le font mourir. Il n’est pas rare de voir des pépiniéristes avides perdre, par ce moyen, les sujets sur lesquels ils fondoient les plus brillantes spéculations.

Les arbres ou arbustes de la cinquième division, que j’ai dit appartenir aux parties méridionales de l’Europe ou de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique, dont la température est la même, et être susceptibles de craindre la gelée dans le climat de Paris, demandent une culture un peu différente et des soins particuliers, aux approches de l’hiver et au commencement du printemps.

Leurs graines doivent être presque toutes semées dans des terrines sur couche, et, lorsqu’on veut les semer en pleine terre, il faut que ce soit contre un mur exposé au midi. Il faut de plus pouvoir couvrir, pendant l’hiver, leur jeune plant avec de la paille, de la fougère, des feuilles sèches, afin de les garantir de la gelée. Une terre sèche et substantielle leur convient généralement ; ainsi on leur ménagera les arrosemens et on les fumera. Du reste, on les sarcle et on les transplante, lorsqu’ils ont acquis deux ou trois ans, comme les autres, en ayant attention de les mettre, soit en les repiquant, soit en les plaçant à demeure, dans une bonne exposition, et de les couvrir aux approches de chaque hiver. Leur culture en pot est toujours préférable pour les pépiniéristes, et, alors, ils rentrent dans la culture de la classe suivante.

Ce mode de culture en pot est d’autant plus dans le cas d’être préféré, que plusieurs arbres ou arbustes de cette classe ne reprennent que fort difficilement à la transplantation, même à un âge peu avancé, particulièrement ceux qui conservent leurs feuilles pendant l’hiver, tels que les philaria, les alaternes, les chênes verts, etc.

Généralement, on se contente de couvrir ou d’entourer de paille ou de fumier non consommé les pieds des arbres et arbustes de cette division qu’on laisse en pleine terre ; mais il est beaucoup préférable de leur faire une espèce de petite serre, soit avec des planches, soit avec des bâtons, entourée de ces matières, et au sommet de laquelle on laisse un trou qui ne se bouche que dans les plus grands froids. Ainsi disposés, ces arbres ou arbustes conservent leurs feuilles et poussent même quelquefois ; mais on doit ne les mettra à l’air, au printemps, qu’avec précaution, c’est-à-dire ne les découvrir que lentement et par un temps doux, pour empêcher les funestes effets d’un air trop froid ou trop sec sur leurs bourgeons attendris par l’étiolement.

La plupart des arbres et arbustes dont il est ici question ne donnent point de graines dans le climat de Paris, et se multiplient difficilement de marcotte et encore plus de bouture ; mais on greffe quelques uns sur des espèces du même genre plus faciles à élever ; par exemple, l’arbousier à panicules, (arbutus andrachne L.) sur l’arbousier commun, (arbutus unedo L.) On est presque toujours obligé de se fournir de graines dans le pays natal : aussi sont-ils rares dans les pépinières, dont leur mauvaise tournure habituelle les repousse d’ailleurs. Il n’y a presque que l’oranger qui soit, parmi eux, généralement recherché. (Voyez, au mot Oranger, la culture particulière que demande cet arbre ; culture qui s’applique en partie à tous ceux de sa division.)

Le peu d’avantages que retire un pépiniériste des arbres et arbustes de la division précédente se compense par les bénéfices que lui procurent ceux de la sixième, qui en ce moment renferme les espèces les plus à la mode et les plus chères, quoique peut-être les plus faciles à multiplier.

On emploie à cette culture de la terre de bruyère, comme il a été mentionné plus haut. Les graines se sèment dans des terrines, qu’on enfonce dans le fumier d’une couche à châssis, et où reste le plant pendant une année entière. Le repiquage se fait ou dans d’autres terrines ou dans des pots, qu’on tient de même sous châssis, ou dans une serre modérément chaude, pendant toute l’année. Au printemps suivant, on les déplante encore pour les placer à demeure dans des pots d’une plus grande capacité.

Ces plantes, soit dans leur jeunesse, soit dans un âge plus avancé, craignent en général des arrosemens trop fréquens. Elles exigent même qu’on veille à ce qu’elles ne restent pas longtemps dans un air humide et stagnant qui, s’il ne leur est pas toujours mortel, manque rarement d’occasionner la chute de leurs feuilles. Le plus difficile de leur culture est de les tenir toujours dans une température égale, le froid et le chaud leur étant également contraires. Un coup de soleil, comme la plus petite gelée, suffisent pour les faire périr en un instant ; aussi l’exposition du midi ne leur convient-elle qu’autant qu’on peut les garantir des rayons du soleil, à l’époque de sa plus grande force, par le moyen de toiles, de paillassons ou de claies, etc., et cependant elles ne peuvent supporter l’exposition du nord que pendant les mois les plus chauds de l’année.

Lorsqu’on veut les laisser en pleine terre, pendant l’hiver, il faut de toute nécessité les renfermer dans une cage entourée de paille ou de fougère, et ouverte par son sommet ; car elles pourriroient certainement, si ces matières les touchoient et leur communiquoient l’humidité dont elles se chargent toujours par l’effet des pluies.

La plus grande partie des espèces de cette division se multiplient de marcottes et même de boutures, qui se font de la manière indiquée plus haut, et qui n’exigent que les soins qu’on donne à leurs mères. En général, elles reprennent en peu de mois, et souvent donnent des fleurs dans la même année, comme on peut facilement l’observer sur l’hortensia, actuellement si commune et si recherchée.

Pépinière d’arbres verts ou résineux. Par arbres verts, je n’entends ici que les espèces des genres pin, sapin, cyprès, thuya, genévrier et if, formant la famille des conifères de Jussieu, les autres arbres qui conservent leurs feuilles, pendant l’hiver, rentrant dans les diverses classes de ceux d’agrément. On les cultive généralement en concurrence avec les autres arbres et arbustes de pleine terre, et ils pourroient être compris parmi ceux qui composent la quatrième division des arbres et arbustes précédens ; mais, comme ils demandent à être traités un peu différemment, j’ai préféré en parler séparément.

Les graines des arbres verts se récoltent, les unes à la fin de l’été, comme les sapinettes ; les autres en automne, comme celles du pin Weymouth ; d’autres pendant l’hiver, comme celles du sapin, et, enfin d’autres au printemps, comme celles du pin sylvestre. Elles sont du nombre de celles qui peuvent se garder plusieurs années sans perdre leurs facultés végétatives. On les retire d’entre les écailles des cônes où elles sont renfermées, soit en exposant ces derniers au soleil sur des toiles ou des planches, soit en les brisant ou coupant avec un instrument de fer. Elles se sèment généralement au printemps, dès qu’il n’y a plus de gelées à craindre ; les espèces dont les pousses craignent la gelée, comme celles du pin pignon, dans des pots, sur couche, ou châssis ; les autres, et c’est la grande majorité, en pleine terre, à l’exposition du nord, dans une terre fraîche, meuble ou dans laquelle il entre une portion de terre de bruyère. On les répand aussi également que possible, pas trop épais ni trop clair ; on ne les recouvre que de quelques lignes de cette même terre, et on a soin de les arroser toutes les fois que la sécheresse de l’air l’exige.

Il est rare que les graines d’arbres verts ne lèvent pas la première année, excepté celles du genévrier et de l’if, qui ne lèvent quelquefois qu’au bout de trois ans ; et on peut croire que, lorsque cela arrive, c’est parce qu’elles n’ont pas eu assez d’humidité ; aussi quelques pépiniéristes les mettent-ils dans l’eau pendant un jour ou deux, avant de les confier à la terre, et ne manquent-ils pas de les arroser tous les jours ou tous les deux jours, jusqu’à l’apparition des folioles radicales.

Les plants levés n’ont besoin que d’être sarclés et arrosés dans les grandes sécheresses de l’été et après l’hiver ; lorsque leur végétation commence à se développer, on les enlève pour les repiquer dans une même exposition et dans une même nature de terrain, mais dans une autre place, à la distance de quatre ou six pouces, selon leur force.

Quelques pépiniéristes lèvent leur plant presqu’aussitôt qu’il est sorti de terre, et prétendent que sa réussite en est plus assurée ; mais il semble que cette pratique doit être réservée pour des cas rares, par exemple, lorsque des courtilières menacent son existence ; car à quoi bon avoir semé dans un local où on ne veut pas conserver le produit plus de huit à dix jours ?

Le plant repiqué est biné deux à trois fois chaque année, et même arrosé, si la prolongation de la sécheresse pendant l’été l’exige, et, au bout de deux ans, il est encore changé de place ; mais alors il a acquis assez de force pour pouvoir être planté au soleil et dans toute espèce de terre. On l’espace, dans ce cas, de deux à trois pieds.

La transplantation des arbres verts réussit rarement, quand elle est faite à une autre époque que celle où la sève commence à entrer en mouvement, c’est-à-dire au printemps ou à la fin de l’été, à moins qu’on ne les enlève avec la motte de terre qui les entoure. Plus que celle d’aucune autre espèce d’arbres, elle a besoin d’être faite avec les précautions requises. Une seule maîtresse racine cassée, ou le chevelu mis en terre dans une position forcée, suffit pour empêcher la reprise du pied le plus vigoureux. Ces racines craignent également le hâle, et quelques heures d’exposition à un air sec les frappe immanquablement de mort. Aussi, lorsqu’on veut transporter du plant pris dans une pépinière, faut-il avoir soin de se pourvoir de pots ou de paniers dans lesquels on puisse les mettre avec leur motte, ou, lorsque cette motte s’est brisée, plonger à plusieurs reprises leurs racines dans une boue faite avec une partie de terre franche, deux de bouse de vache et une d’eau.

Non seulement on ne doit couper aucunes racines aux arbres verts, mais encore aucunes branches ; car, à quelque époque de leur vie que ce soit, la serpette ne les touche pas sans inconvéniens. Ils veulent rester libres de se développer selon le vœu de la nature ; et certes, quand on compare leurs belles tiges, leurs nobles têtes, à celles des autres arbres que l’homme a soumis à ses caprices, on ne peut qu’applaudir à leur résistance.

Les arbres verts restent dans le local où ils ont été plantés en dernier, jusqu’à l’époque où ils sortent de la pépinière, époque qui ne peut pas s’étendre au delà de quatre ans, sans faire craindre qu’ils ne reprennent pas. L’âge le plus favorable est quatre, cinq et six ans, lorsqu’on veut jouir d’abord ; mais, quand on ne plante pas pour le moment, il est en général, plus sûr de mettre ces arbres en place, en sortant du premier ou du second repiquage, c’est-à-dire à deux ou trois ans.

Cette difficulté de la reprise des arbres verts détermine beaucoup de pépiniéristes à les repiquer dans des pots, au moyen de quoi on peut les transporter et les planter avec succès, à toutes les époques de l’année ; mais, comme ils craignent beaucoup la sécheresse, ainsi qu’il a déjà été dit, on risque de les perdre par un oubli de les arroser. Pour obvier à ce dernier inconvénient, on a proposé de les repiquer dans de petits pots que l’on enterreroit de manière que leur bord fût à trois ou quatre pouces de la surface du sol ; leurs racines, après avoir tourné autour du pot, en sortiroient et s’enfonceroient dans la terre, de manière que lorqu’on les arracheroit, il y auroit toujours une portion de ces racines dans la terre, et il suffiroit de fêler le pot, à la transplantation, pour le faire ensuite éclater par le seul effet de l’accroissement de la portion de racines qui est restée dans son intérieur. Des faits qui me sont personnels militent en faveur de cette méthode.

La voie des semis est presque la seule par laquelle on multiplie les arbres verts : cependant il en est quelques uns, tels que le pin du Canada, appelé meloch-spruce par les Anglais ; le cyprès de la Louisiane, les thuyas, l’if, etc., qui reprennent assez bien de bouture, lorsqu’on les fait en temps convenable et dans une terre propice, c’est-à-dire lorsqu’ils entrent en végétation, et dans une terre ombragée et médiocrement humide. D’autres, tels que le genévrier de Phénicie, le pin de Weymouth, le cèdre du Liban, le baumier, etc., peuvent, au milieu du cours de leur sève, être greffés sur des espèces plus communes de leur genre. Cette greffe se fait en écusson, lorsque les bourgeons sont en pleine activité de végétation, et exige qu’on empêche l’affluence de la résine sur l’œil, par l’enlèvement d’un segment de l’écorce au dessus de lui. (Voyez au mot Greffe.)

Observations Générales. Les arbres, dans les pépinières, sont sujets aux mêmes maladies que lorsqu’ils en sont dehors ; mais ces maladies sont plus dangereuses, parce qu’elles s’exercent sur des sujets qui ne jouissent pas encore de toute leur force de résistance. On en trouvera l’énumération au mot Maladie des arbres.

Mais il en est une qui y est rendue très commune par les pépiniéristes eux-mêmes, et dont je voudrois dire un mot ici. Ce sont les plaies produites par un instrument tranchant, pour accélérer la guérison desquelles on a indiqué une grande quantité de recettes, toutes plus compliquées les unes que les autres. Le vrai est que les plaies des arbres, comme celles des animaux, n’ont besoin, pour se cicatriser promptement, que d’être privées du contact de l’air. En conséquence, un emplâtre de bouse de vache, mêlée d’un tiers d’argile, c’est-à-dire ce qu’on appelle vulgairement l’onguent de St-Fiacre, est réellement ce qui convient le mieux dans tous les cas où l’on doit craindre la dépense ; et un composé d’un tiers d’argile desséchée et tamisée, d’un tiers de suif et d’un tiers de cire, est ce qu’on doit préférer, lorsqu’on n’est pas gêné par ce motif. Ce dernier doit être appliqué chaud, mais pas cependant brûlant, et tous deux font d’autant plus d’effet qu’il s’est passé moins de temps entre l’époque où la plaie a été produite et celle où l’on en fait usage.

J’ai observé que lorsqu’on enlevoit, avant la sève d’automne, au moyen d’un instrument bien tranchant, la surface du bord du bourrelet qui se forme toujours autour de la plaie d’un arbre bien portant, on accéléroit beaucoup le moment de la fermeture de cette plaie : la sève n’ayant plus à vaincre la résistance de l’écorce, déborde pour ainsi dire. Ce cas est le même que celui où l’on fend l’écorce d’un arbre longitudinalement, pour le faire croître plus promptement en grosseur.

Les insectes qui attaquent les arbres dans les pépinières sont les mêmes que ceux qui leur nuisent dans les bois ou dans les jardins, et les moyens de les en garantir sont absolument semblables ; mais il en est quelques uns dont les ravages se font bien cruellement sentir dans les pépinières, et dont, en conséquence, je dois parler spécialement.

Le premier est la courtilière (acheta grillotalpa Fab.) qui, pendant le printemps et l’été, laboure en tous sens les semis, coupe tous les plants qui se trouvent sur son passage, et cause des dégâts immenses, sur-tout dans les pépinières d’agrément.

Cet insecte est Carnivore : ainsi ce n’est point pour manger les racines du jeune plant, comme on le croit communément, qu’il le détruit, c’est pour courir après les vers de terre, les larves de hannetons, et autres insectes dont il se nourrit. Ce fait, je l’ai vérifié.

On trouve les courtilières principalement dans les pépinières dont le sol est meuble et un peu humide ; elles ne se voient presque jamais dans les terres argileuses, ou trop pierreuses, ou trop sablonneuses. La terre de bruyère en est exempte sur la montagne ; mais, dès qu’elle est apportée dans le jardin et régulièrement arrosée, elle s’y multiplie rapidement, au grand désespoir du cultivateur.

Ordinairement on enterre dans les pépinières des pots vernissés, à moitié pleins d’eau, de distance en distance, afin que les courtilières, qui voyagent pendant la nuit, puissent y tomber et s’y noyer. (Ces mêmes pots servent également à prendre les mulots qui dévastent aussi les semis.) Mais, comme ce moyen ne suffit pas, il faut le faire concourir avec d’autres, tels que de verser dans leurs trous, dès le commencement du printemps, de l’eau chargée d’huile qui, bouchant leurs stigmates, les font périr d’asphixie ; de suivre leurs galeries pendant la ponte, en prairial et messidor, jusqu’à ce qu’on trouve leur nid qu’on enlève ; d’accumuler du fumier, ou mieux du crottin de cheval dans des fosses, au commencement de l’hiver, afin que sa chaleur les y attire et qu’on puisse les tuer.

De tous ces moyens, le second est sans doute le meilleur, en ce qu’on détruit en un instant une génération entière ; mais il est le plus difficile à mettre à exécution. Un pépiniériste attentif pourra cependant, en donnant à ses ouvriers une petite gratification par chaque nid qu’ils auront découvert et enlevé, pendant le temps qu’il leur accorde pour le déjeuner, espérer de diminuer le nombre de ces animaux, pour n’être plus obligé à la même dépense l’année suivante. C’est ainsi que l’estimable cultivateur Feburier est parvenu à les détruire dans les belles plantations de renoncules, de tulipes, de jacinthes, etc., qu’il fait annuellement à Versailles, et qu’on va y admirer dans la saison.

Après la courtilière, c’est ce que les jardiniers appellent le ver blanc, c’est-à-dire la larve du hanneton, (melolonta vulgaris Fab.) qu’on a le plus à redouter dans les pépinières. Cet ennemi s’attache de préférence au jeune plant, pendant les deux ou trois premières années de sa transplantation, et en fait périr des quantités considérables. Celui-ci vit bien certainement aux dépens des racines qu’il attaque. Il se trouve principalement dans les terres meubles ou légères. Il craint la trop grande humidité. On peut prévenir ses ravages, en l’empêchant de naître ; c’est-à-dire en tuant tous les hannetons femelles qui arrivent dans la pépinière, chaque matin, avant qu’elles aient déposée leurs œufs. Lorsqu’ils sont nés, on n’a d’autre moyen de les détruire qu’en faisant de fréquens labours d’été, pendant lesquels on est bien attentif à ramasser ceux que la bêche met au jour. On parvient encore à se débarrasser de quelques uns en semant de la laitue, dont ils aiment la racine de préférence, et en allant les chercher autour, lorsqu’on voit par le fanage de ses feuilles qu’elle est attaquée par eux. Un pépiniériste soigneux fera la même recherche au pied de tous les plants qu’il jugera, au même signe, être attaqués par le ver blanc. Ces moyens sont chacun peu destructifs, mais leur réunion ne laisse pas que de produire de l’effet au bout de l’année. Le ver gris, dont se plaignent aussi quelquefois les pépiniéristes, est la larve ou chenille de plusieurs espèces de noctuelles, chenilles qui se cachent dans la terre pendant le jour, et qui alors rongent le collet de la racine des jeunes plants. On le détruit comme le précédent.

Les escargots et les limaces font quelquefois beaucoup de tort aux semis, en mangeant les cotylédons des jeunes pousses. On s’en débarrasse facilement, en plaçant autour de ces semis des planches ou des paillassons, élevés d’un pouce au dessus du sol, et sous lesquels ces animaux se retirent, chaque matin, pour éviter l’action des rayons du soleil sur leur corps. Ainsi, toutes les fois qu’un pépiniériste se plaint d’eux, c’est qu’il a négligé d’employer cet excellent et facile moyen.

Quant aux mulots et autres animaux du genre des rats, ce n’est qu’avec des pièges de diverses sortes ou des appâts empoisonnés qu’on peut leur faire la guerre avec succès ; mais ils ne nuisent aux pépinières, ainsi que les oiseaux, qu’au moment même des semis, et on peut toujours empêcher qu’ils ne prolongent leurs dégâts, en les inquiétant par une surveillance de tous les instans.

L’établissement des grandes pépinières marchandes et de leurs subdivisions a donné un grand essor au commerce des arbres et arbustes. Aujourd’hui on spécule sur leur formation, comme sur leur produit, c’est-à-dire que des capitalistes ou des jardiniers actifs et industrieux établissent des pépinières dont ils vendent les arbres, par grosses parties, à des marchands qui les placent, avec bénéfice, chez les, propriétaires de fonds de terre. Malheureusement le peu de délicatesse de quelques pépiniéristes, et leur avidité pour le gain, jettent sur ces établissemens, en général, un discrédit qui leur nuit beaucoup. On se plaint trop souvent d’avoir été trompé, pour croire que ce soit toujours l’effet d’un malentendu ou d’une erreur, comme le prétendent ordinairement ceux à qui on en fait le reproche. Il est, dit-on, de ces hommes déhontés, le rebut de la société, qui réunissent dans une même livraison tous les genres de friponneries, c’est-à-dire qu’ils fournissent des arbres crûs dans un terrain trop gras ou trop arrosé, greffés sur des sujets différens de ceux annoncés, portant des fruits autres que ceux demandés, d’une forme vicieuse, d’une nature foible, dont les racines ont été exposées exprès au hâle pour empêcher leur reprise, n’étant pas au nombre indiqué sur la facture, etc., etc. Il est extrêmement difficile d’établir des règles pour reconnoître ces friponneries ; mais le coup d’œil d’un homme exercé se méprend rarement. On y est moins sujet, il est facile de le croire, quand on va soi-même choisir ses arbres dans la pépinière, quand on les fait arracher, compter et emporter en sa présence. C’est donc en ne s’en rapportant qu’à lui-même qu’un amateur peut espérer d’en éviter la plus grande partie.

L’emballage des arbres qu’on destine à être envoyés au loin demande à être soigné, pour empêcher le hâle de dessécher leurs racines, et les accidens de la route de casser leurs branches. Aussi, après les avoir arrachés avec les précautions requises et indiquées plus haut, on entoure leurs racines avec de la mousse, du foin ou de la paille un peu humide, et leurs branches, que l’on violente le moins possible, avec de la paille, sèche ; le tout lié avec de la ficelle en trois ou quatre endroits. On peut encore, lorsqu’ils doivent aller loin, tremper les racines, de toutes les espèces, dans la boue indiquée à l’article des arbres résineux. On ne fait que pendant l’hiver, hors le temps des gelées s’entend, les expéditions de ce genre, qui ont pour objet des arbres fruitiers, des arbres forestiers et des arbres d’agrément qui peuvent leur être assimilés. Mais ceux de ces derniers qui se cultivent en pots peuvent être envoyés en tout temps, sur-tout lorsqu’après les avoir emballés comme ci-dessus, on les met dans une caisse disposée de manière à ce que les pots soient entassés sans aucun jeu aux deux extrémités, et que les tiges soient libres ou peu comprimées au milieu, qui sera en outre percé de quelques trous pour l’entrée de l’air.

Dans l’un et l’autre cas, chaque arbre portera ou son nom écrit sur du parchemin, ou un numéro frappé sur du plomb, et correspondant avec un catalogue.

Tel est le sommaire de la manutention actuelle des pépinières qui sont conduites par des jardiniers éclairés, par exemple, de celle qu’on suit dans les établissemens confiés à ma surveillance. Il auroit, sans doute, été désirable pour la plupart des lecteurs, que je fusse entré dans une plus grande quantité d’applications des principes qui y sont développés ; mais les bornes de cet Ouvrage ne me l’ont pas permis. Il en est de même de la théorie des procédés que j’ai été obligé, par la même raison, de passer sous silence ou de n’indiquer que d’une manière très-légère. Un traité des pépinières rempliroit seul, même sans verbiage, plusieurs volumes comme celui-ci, si on vouloit y faire entrer tous les élémens sur lesquels il doit reposer. C’est de l’estimable professeur Thouin que l’Europe doit attendre le bienfait de cet ouvrage, tel que je conçois qu’il doit être exécuté, et elle en jouira aussitôt que sa modestie lui permettra de livrer à l’impression le résultat des leçons qu’il fait, depuis plusieurs années, an Muséum d’Histoire naturelle de Paris, sur la science agricole. Tous les amis de l’agriculture doivent se réunir pour émettre le vœu, qu’il tarde le moins possible à faire jouir le public du fruit de ses travaux. (L.-A.-G. Bosc, Inspecteur des pépinières impériales de Versailles.)