Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 1/621-630

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Fascicules du tome 1
pages 611 à 620

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 1, pages 621 à 630

pages 631 à 640



Un avare idolâtre, & fou de son argent,
Rencontrant la disette au sein de l’abondance,
Appelle sa folie une rare prudence,
Et met toute sa gloire, & son souverain bien
A grossir son trésor qui ne lui sert de rien. Boil

☞ Ce mot s’emploie avec grâce au figuré. On dit que Dieu n’est pas avare de ses dons ; pour dire, qu’il les accorde à ceux qui les demandent. La nature a été avare de ses dons envers lui. C’est-à-dire ne lui a pas accordé de grands avantages, ou plutôt lui a refusé les avantages qu’elle accorde à d’autres, il n’en a pas été bien traité. Un homme avare de louange, est celui qui n’aime pas à louer, qui lui difficilement. Avare du temps, qui fait le ménager. Un Général avare du sang de ses soldats. Parcus sanguinis. Qui épargne le sang. Dans ces phrases, c’est un éloge.

Il fallut qu’au travail le corps rendu docile,
Forçât la terre avare à devenir fertile. Boil.

Souvent sur des fantômes vains
Notre raison séduite avec plaisir s’égare.
Elle-même jouit des objets qu’elle a feints,
Et cette illusion pour quelque temps repare
Le défaut des vrais biens que la nature avare
N’a pas accordés aux humains. Fonten

On dit proverbialement, que la Musique Dorienne est l’harmonie des avares, c’est-à-dire, qu’ils jouent de la harpe. Math. en la Vie d’Henri IV. Liv. IV. Ce proverbe vient d’une mauvaise allusion au verbe grec ἁρπάζω, qui signifie, prendre, ravir, dérober. A pere avare, enfant prodigue. A femme avare, galant escroc.

Pour exprimer que l’avare ne fait du bien qu’en mourant, on lui a donné pour devise une vipère, avec ce mot italien, N’offende viva, & ne risana morta.

AVARE, OU AVARITE. s. m. Avarus, Avaris. Nation septentrionale, qui n’a été connue que sous le jeune Justin, environ l’an 567 de J. C. Paul Diacre écrit que les Avares furent mis avec les Huns en possession de la Pannonie, par Alboin Roi des Lombards, lorsqu’il quitta ce pays-là pour venir s’établir en Italie. Des Annales de France manuscrites, citées par Baollandus, T. I, p. 716, disent que Thudun, homme puissant parmi les Avares, envoya l’an 795 des Ambassadeurs à Charlemagne, pour l’assûrer que lui & tout son peuple vouloient se donner à lui, & embrasser sous ses auspices la Religion Chrétienne, & que l’année suivante 796, il exécuta sa promesse. Les Annales de Fulde rapportent la même chose des Huns, selon la remarque de Bollandus ; ce qui fait croire que les Avares n’étoient point différens des Huns. en effet Paul Diacre,Liv. II, ch. 10, dit, Hunni qui & Avares ; c’est-à-dire, les Huns qu’on appelle aussi Avares. Dans la vie de S. Eutychius, Patriarche de Constantinople, les Avares, ou Abares, qui ravageoient l’Empire d’Irent au VIe siècle, sont appelés Ἀϐαρίκοι, Avarici. Voy. Abares.

AVAREMENT. adv. D’une manière avare. Avarè. Bertau a dit en une Epitaphe :

Passant, ce triste marbre avarement enterre
Les corps ensevelis de trois proches parens, &c.

Il n’est plus d’usage.

AVARIC. s. m. Avaricum. C’est le nom d’une ancienne ville des Gaules, dans le Berri. M. Catherinot, dans une dissertation intitulée, Le vrai Avaric, montre que l’Avaric des Anciens est Bourges, & non pas Vierzon ; & les preuves qu’il en apport sont si fortes, qu’il est impossible de n’être pas de son sentiment.

AVARICE. s. f. Passion d’amasser des richesses  ; trop grand attachement au bien, ☞ passion sordide & jalouse de posséder sans aucun dessein de faire usage. Avaritia. L’amour propre ayant pour objet les richesses, & les désirant avec une passion excessive, s’appelle avarice. Abad. L’avarice contient en soi tous les vices, comme la justice toutes les vertus. Entre toutes les passions, celle qui est la plus ignorée de ceux qui en sont possédés, c’est l’avarice. L’avarice est un effet de l’amour-propre, qui nous fait envisager toutes sortes d’avantages dans la possession des richesses, & nous les fait désirer ardemment. Bayl. Les avares déguisent leur avarice, sous le nom d’économie. Belle. S. Paul, Eph. v. 5, appelle l’avarice, une idolâtrie : parce que l’avare se fait un Dieu de son argent, & que, comme l’idolâtre, il adore l’or & l’argent, l’un en statue, l’autre en monnoie.

L’ambition, l’amour, l’avarice & la haine,
Tiennent comme unt força son esprit à la chaîne.

Boil.

Sans mentir, l’avarice est une étrange rage.Id.

L’avarice bientôt au teint livide & blême,
Sur son coffre de fer va s’asseoir elle-même ;
Pour ne le point ouvrir il abonde en raisons. Ren.

☞ L’amour des richesses n’est vice que par son excès : corrigé par une sage modération, il redeviendroit une affection innocente. Mais l’avarice dit quelque chose de plus qu’amour des richesses.

☞ AVARICIEUX, EUSE. adj. Avarus. On confond dans l’usage ordinaire les mots d’avare & d’avaricieux. Cependant ils ont leurs nuances. Il semble, dit M. l’Abbé Girard, qu’avare convient mieux lorsqu’il s’agit de l’habitude & de la passion même de l’avarice ; & qu’avaricieux se dit plus proprement, lorsqu’il n’est question que d’un acte ou d’un trait particulier de cette passion. Le premier de ces mots a aussi meilleure grâce dans le sens substantif, c’est-à-dire, pour la dénomination du sujet ; & le second dans le sens adjectif, c’est-à-dire, pour la qualification du sujet. Ainsi l’on dit, c’est un grand avare, c’est un avaricieux mortel. L’avare se refuse toutes choses ; l’avaricieux ne se les donne qu’à demi.

Le terme d’avare paroît avoir plus de force & plus d’énergie pour exprimer la passion sordide & jalouse de posséder sans aucun dessin de faire usage. Celui d’avaricieux paroît avoir plus de rapport à l’aversion mal placée de la dépense lorsqu’il est nécessaire de s’en faire honneur. On n’emploie jamais qu’en mauvaise part, & dans le sens littéral le mot d’avaricieux ; mais on se sert quelquefois de celui d’avare en bonne part dans le sens figuré. Un habile général ne paye point ses espions en homme avaricieux, & conduit ses troupes comme un homme avare su sang du soldat qu’il craint de prodiguer. M. L’Abbé Girard. Syn. Ce mot se prend quelquefois comme substantif. C’est un avaricieux. C’est une avaricieuse. Il est familier. Ac. Fr.

AVARIÉ, ÉE. adj. Il se dit des marchandises & effets qui ont été endommagés dans les vaisseaux marchands, pendant leur voyage, soit par tempête, naufrage échouement, ou autrement. Du café avarié. De la cochenille avariée.

AVARIE. s. f. Terme de Marine. C’est le dommage arrivé à un vaisseau, ou aux marchandises dont il est chargé, depuis le départ, jusqu’au retour. Damnum, jactura, detrimentum. On répute aussi pour avaries, les dépenses extraordinaires & imprévues faites pendant le voyage, soit pour le vaisseau, soit pour les marchandises, soit pour le tout ensemble. Il y a des avaries simples, qui sont les dommages arrivés aux marchandises par leur vice propre ; comme l’empirance, pourriture, dégât, mouillure d’eau, visite, & appréciation, ou pour les fauves, &c. dont la répartition ou contribution se fait au marc la livre entre l’assuré & les assureurs, & seulement sur les choses qui ont souffert le dommage. Les avaries ordinaires, sont les emballages, enfonçages, chariages, droits de celui qui fait ou adresse la cargaison, & le coût de l’assurances. Les autres avaries sont grosses & communes, comme toutes celles qui aviennent par tourmente, ou par la faute du maître du navire, pour pilotage, touage, lamanage, ancrage, & par un second fret qu’on est obligé de faire des vaisseaux ou alléges quand le navire a touché. Elles sont réglées au sou la livre, tant sur les propriétaires du vaisseau, que des marchandises. Elles sont réglées dans le titre IV, du livre III de l’Ordonnance de la Marine de 1681. Toutes ces distinctions y sont marquées précisément. On appelle aussi avarie commune, ou grosse avarie, celle qui avient par jet des marchandises, pour cables, voiles ou mats coupés pour le salut commun.

Il y a deux sortes d’avaries, dit un Auteur qui a fait un traité ou une dissertation sur les avaries ; l’une commune, & l’autre qu’on nomme grosse. La première est celle à laquelle les marchandises seules contribuent ; la seconde, où le vaisseau & les marchandises contribuent. Pour que la grosse ait lieu, il faut, dit le même Auteur, 1o. Que quelque chose ait été jetée en mer. 2o. Qu’au temps qu’on l’a jeté, il y eût une nécessité grande & inévitable de le faire. 3o. Que le Gouverneur ne l’ait fait qu’après avoir consulté les Marchands. 4o. Que cela ait été fait pour le salut commun de tout le navire. 5o. Qu’en conséquence le navire se soit sauvé & soit arrivé à bon port. Dans ces cas, tous ceux pour l’intérêt desquels la chose a été jetée en mer, doivent contribuer au dédommagement de celui à qui elle appartenoit ; tout doit entrer en contribution, même les pierres précieuses & les bijoux, qui ne chargent point le vaisseau, les esclaves & le navire même ; mais non pas les têtes libres, ni les vivres, nec Nautarum locaria. L’estimation se doit faire par des Experts. Il faut y distinguer les choses qui ont été jetées en mer, & celles qui ont été conservées. Le prix des premières doit être réglé sur ce qu’elles ont été achetées, & celui des secondes, sur ce qu’elles peuvent être vendues. Pour l’argent, il en faut considérer la valeur intrinsèque & l’extrinsèque. Rainoldus Christian. à Derschau in Nov. Mart. Balt. 1700, jul. p. 200.

Avarie, signifie aussi un droit qui se paye pour l’entretien d’un port, par chaque vaisseau qui y mouille. Mornac, sur la Loi 4. Dig. ad Legem Rhodiam de jactu, dit que ce mot est corrompu du grec βᾶρις, qui signifie Navire chez les Ioniens. Les Italiens & les Espagnols se servent du même terme.

Cela s’appelle en allemand haveren, d’où l’on a fait havaria, pour exprimer la même chose en latin. Ce mot, dit un Auteur Allemand, vient de hafen, qui signifie port. Les Espagnols appellent ce droit, El Gasto de haberia ; & D. Juan Solerzano, dans son ouvrage De Indiar. Gubernat. L. IV, c. 1, prétend que ce nom vient de l’Espagnol haber, bien, ou haberes, biens, qui vient du latin habere. Voyez ce qu’il en dit au même endroit. Les Espagnols disent en latin haberia, & non pas haveria, comme dans le Nord.

AVARIS. s. m. Terme de Relation. Droit ou taxe qui se lève dans les Etats du Grand Seigneur, lorsqu’il a besoin d’hommes dans ses armées de terre ou de mer. En ce cas les Moula-Cadis & les Cadis ont charge d’envoyer à Constantinople un certain nombre d’hommes, auquel l’étendue de leur juridiction est taxée, ou la somme de 25 écus par tête, selon la volonté du Prince. A. D. S. M. C’est ce tribut qui s’appelle avaris.

AVASAXA. Montagne de Laponie, un peu au Sud du Cercle polaire, près du Confluent du Tenglio & du Torno. Voyez le discours de M. de Maupertuis sur la figure de la terre. Cette montagne est à 15 lieues de Torno, sur le bord du fleuve ; l’accès n’en est pas facile. On y monte par la forêt, qui conduit jusqu’à environ la moitié de la hauteur : la forêt est là interrompue par un grand amas de pierres escarpées & glissantes, après lesquelles on la retrouve, & elle s’étend jusque sur le sommet. Le côté du nord est un précipice affreux de rochers, dans lesquels quelques faucons avoient fait leur nid : c’est au pied de ce précipice que coule le Tenglio. De cette montagne la vue est très-belle : nul objet ne l’arrête vers le midi, & l’on découvre une vaste étendue du fleuve Torno, du côté de l’est : elle poursuit le Tenglio jusque dans plusieurs lacs qu’il traverse. Du côté du nord la vue s’étend à 12 ou 15 lieues, où elle est arrêtée par une multitude de montagnes entassées les unes sur les autres, comme on représente le cahos. Entre cette montagne & Cuitaperi, le fleuve Torno est d’une grande largeur, & forme une espèce de lac. Maupertuis.

AVASTE. Terme de mer, pour dire, c’est assez, arrêtez-vous. Satis est, resiste, subsiste.

AVAUGOUR. s. f. & nom propre de femme. C’est ainsi qu’on nomme en divers endroits de Poitou sainte Valburge. Valburgis. Chast. 25 Fév. Voyez Valburge.

AVEAU-L’EAU. Sorte de phrase adverbiale dont se servent les Bateliers, pour dire, suivant le courant de l’eau. Secundùm flumen. Voyez Aval.

AUB.

AUBADE. s. f. Concert qu’on donne dès le matin vers l’aube du jour, à la porte ou sous les fenêtres de quelqu’un. Antelucanus ad fores alicujus gratulantium concentus. Les tambours, les haut-bois, vont donner des aubades à leurs Capitaines le jour de l’an, le jour de leur fête.

M. le Fevre dit qu’on appelle ces concerts Aubades, quòd sub albam, id est, auroram, edi soleant ; & l’étymologie est vraie.

Aubade, se dit figurément, à contre-sens, d’une insulte, ou affront qu’on fait à quelqu’un. Injuria, contumelia. Quand des Sergens viennent exécuter dans une maison, c’est une étrange aubade pour le maître. Il n’est reçu que dans le discours familier.

La pauvre Noblesse d’Anjou
Fut une nuit troussée en male
Par une troupe Impériale.
L’Allemagne a fort étalé
Le mérite de cette aubade :
Par-tout elle en a fait parade
Comme d’un succès signalé. Ab. Reg.

Souventes fois par-devant la maison
De Monseigneur viennent à grande foison
Donner aubade à coup de hacquebutes,
D’un autre accord qu’épinettes ou flûtes.Marot.

AUBAGNE. Aubanea & Albinia. Petite ville de France, en Provence, vers la côte de la mer, à trois lieues au levant de Marseille, à cinq d’Aix.

AUBAIN. s. m. Terme de Chancellerie & de Palais. Etranger qui habite dans un pays où il ne s’est point fait naturaliser. Hospes loci, peregrinus, advena. Le Roi prétend succéder à tous les Aubains, à l’exclusion de tous les autres Seigneurs. Un Aubain peut disposer de ses biens par donation entre-vifs, & non par testament. Les enfans d’un Aubain, nés en France, lui succèdent : leur naissance leur tient lieu de lettres de naturalité.

Nicod dérive ce mot de alibi natus. Cujas le dérive de advena ; car les Aubains sont ainsi appelés dans les Capitulaires de Charlemagne. Caseneuve, après M. du Cange, le tire du mot Albanus, nom qu’on a donné aux Ecossois, ou Hibernois, qui autrefois avoient coutume de voyager dans les pays étrangers, & de s’y habituer. Ils ont été appelés Aubains en France, ce qui s’est étendu à tous les autres étrangers. M. de Laurière, dans ses notes sur Ragueau, appuie son sentiment de différens passages d’Auteurs, qui montrent que les Anglois, les Ecossois, & les Irlandois, étoient autrefois les plus grands voyageurs du monde : il ajoute que l’étymologie d’Aubain, que quelques-uns font venir du mot albinus, formé d’alibi natus, est un jeu de mots ridicule.

Les Aubains ne peuvent posséder ni charges, ni bénéfices dans le Royaume, à moins qu’ils n’aient obtenu des lettres de naturalité. Les enfans d’un François habitué, & marié en pays étranger, ne sont point réputés Aubains, lorsqu’ils reviennent demeurer en France. De Lange. Les biens des Aubains morts sans enfans & sans héritiers, appartiennent au Roi par l’Ordonnance de S. Louis. Se aucun Aubain ou bastard muert sans hoirs, ou sans lignage, li Roi est hoir, ou li Sies sous qui il est, se il muert el cuer du Chastel.

Quelques Auteurs écrivent Aubin pour Aubain ; le plus grand nombre écrit Aubain : & cela fait l’usage.

AUBAINAGE. s. m. Qui s’est dit pour Aubaine. On a dit aussi Aubanie, Aubanité & Aubainette. Jus peregrinorum hæreditates adipiscendi. Les Chanoines de châlons ont droit d’aubainage & de successions de bâtards. D. S. Jul.

AUBAINE. s. f. Succession d’un étranger qui meurt dans un pays où il n’est pas naturalisé. Jus fisci, vel domini cui obveniunt bona peregrinorum. Un Ambassadeur non naturalisé mourant en France, n’est point sujet au droit d’Aubaine. Les Suisses, les Savoyards, les Ecossois, les Portugais, ceux de Cambrai & d’Avignon, ne sont point sujet au droit d’Aubaine, & sont réputés naturels & régnicoles. Bacquet a fait un beau Traité des droits d’Aubaine. Du Fresne, en son Journal des Audiences, a fait divers Traités du droit d’Aubaine, qui sont d’une grande instruction pour ceux qui fréquentent le Barreau. Deroch. Dans les Traités touchant les droits du Roi, par M. du Puy, il y en a un à la fin sur le droit d’Aubeine, (car il écrit toujours ainsi) dans lequel il examine si le droit d’Aubeine a lieu contre les Princes Souverains étrangers ; & si les parens François peuvent prétendre la part prétendue par leurs parens étrangers, à l’exclusion du Roi ; & il prouve la négative par plusieurs exemples.

l’Aubaine, en quelques Coutumes, est appelée Espavité, & les Aubains Espaves. Comme c’est un droit contraire à l’hospitalité, & à la liberté naturelle, Bouteiller dans son vieux style, l’appelle un droit haineux.

Un aigle sur le champ prétendant droit d’aubaine,
Ne fait point appeler un aigle à la huitaine. Boil

On ne connoît pas trop l’origine du droit d’aubaine. Il y a des Auteurs qui prétendent qu’il est aussi ancien que la Loi Salique ; d’autres disent qu’il est venu des Lombards, & citent sur cela leur Loi, L. 3, tit. 15, qui défendoit à l’étranger, quand il n’avoit point d’enfans légitimes, d’aliéner ses biens sans la permission du Roi. Brodeau sur Louet croit que ce droit a été introduit en France par les testamens de Charlemagne, & de Louis le Débonnaire, parce que ces deux Souverains, qui partagerent leur empire entre leurs enfans, les y réservent aux successions l’un de l’autre, & ordonnent que tous les sujets de ces jeunes Princes se succéderoient aussi les uns aux autres, comme si l’Empire n’eût point été divisé. M. de Laurière, après avoir rapporté ces opinions, dans ses notes sur Ragueau, dit son sentiment, qui est, que le droit d’aubaine tire son origine de ce qui arriva vers le commencement de la troisième race de nos Rois, lorsque les Seigneurs, après avoir ôté la liberté à leurs sujets, la ravirent aussi aux épaves & aux aubaines, qui vinrent dans leurs terres & leurs justices ; d’où il arrivoit que leurs successions, quand ils étoient morts sans enfans légitimes nés dans le Royaume, appartenoient aux Seigneurs. Nos Rois dans la suite jugerent à propos d’unir à leur Couronne un droit si considérable, ce qui étoit d’autant plus juste, qu’il n’y avoit qu’eux qui pussent accorder des lettres de naturalité. Les preuves de ce sentiment de M. de Laurière, se tirent d’un Cartulaire de Philippe-Auguste, de l’ancien Coutumier de Champagne, des Ordonnances de Charles VI.

Aubaine, signifie figurément, tout droit casuel, tout avantage inespéré qui arrive à quelqu’un. Quand il vaque quelques charges dans la Justice de ce Seigneur, ce sont de bonnes aubaines pour lui. Quand il vient quelque succession collatérale, ou inespérée, on dit que c’est une bonne aubaine.

Le P. Bouhours, dans le Recueil de vers qu’il a fait imprimer, écrit aubeine, & non pas aubaine, aussi-bien que M. du Puy, comme nous l’avons observé ci-dessus.

Et que peut faire un tas d’infortunés guerriers,
Qui vivant inconnus à l’ombre des lauriers,
Souffrent, en espérant quelque aubeine future,
Tous les divers fléaux dont tu fais la peinture ?

AUBAN. s. m. Terme de Coutume. On appelle droit d’Auban, un droit qui se paye ou au Seigneur, ou aux Officiers de Police, pour avoir permission d’ouvrir boutique. Il s’entend aussi de la permission même.

AUBANS. Terme de Marine. Funes nautici. Voy. Haut-bans.

AUBARADE. Ancien mot, qui signifie un lieu planté d’aubiers.

AUBE. s. f. Le point du jour, l’aurore, le crépuscule du matin. Diluculum. L’aube commençoit déjà à paroître, quand, &c. Il faut partir dès l’aube du jour.

Ce mot vient de alba, qui signifie blanc, parce que l’aube est proprement cette blancheur qui commence à paroître lorsque le Soleil se lève.

Les oiseaux amoureux, quand l’aube se réveille,
D’un chant mélodieux chatouillent mon oreille.

God.

L’Aube bientôt après d’une clef de vermeil,
Rouvre de l’Orient les portes du Soleil.

P. le Comte.

☞ Dans l’usage ordinaire ce mot ne va point seul. On dit l’aube du jour.

Aube de moulin, est la petite planche attachée aux coyaux sur la jante de la roue, qui le fait tourner en faisant résistance au passage de l’eau qui la pousse. Le locataire d’un moulin est obligé de l’entretenir d’aubes & de coyaux.

Aube. Vêtement de toile blanche qui descend jusqu’aux pieds, dont se revêtent les Prêtres, Diacres, & Sous-diacres, & quelquefois aussi les Clercs qui servent à l’Autel. Alba.

Ce mot vient aussi du latin alba. Le Curé est seulement revêtu de son Aube & de son étole quand il fait l’eau bénite. On appeloit aussi Aube, le vêtement blanc que dans la primitive Eglise on donnoit aux nouveaux baptisés la veille de Pâque, & qu’ils devoient porter huit jours ; d’où vient qu’on appeloit la semaine de Pâque Alba, & le Dimanche qui la terminoit, Dominica in albis.

Aube, en termes de Marine, est l’intervalle de temps depuis le soupé de l’équipage, jusqu’au temps qu’on prend le premier quart.

Aube. Rivière de Bourgogne, en France. Albula. Elle est près d’Auberive, passe à Bar-sur-Aube, à Arcis-sur-Aube, à Anglure, en Champagne, & peu après elle entre dans la Seine, à six lieues de Troies.

AUBEINE. s. f. Voyez Aubaine.

AUBENAS. Ville du Vivarais, en France. Albenacum, Albeniacum. Elle est sur l’Ardesche, entre le Puy & Viliers.

☞ AUBENTON, ou AUBANTON, Abamonium, ou Albamonium. Petite ville de France, en Picardie, dans la Thierache, proche la source de la rivière d’Oise, à six lieues de Rocroi.

AUBEPIN. s. m. AUBÉPINE. s. f. Le premier ne se trouve que dans quelques anciennes Poësies. Touts nos auteurs écrivent aujourd’hui aubépine, ou épine blanche, que le peuple appelle noble épine. Alba spina. Mespilus apii follis sylvestris. Arbre rangé parmi les Néfliers à cause de son fruit. Comme cet arbre ne craint point le froid ni le chaud, qu’il ne trace point, & qu’il est armé de piquants très-forts, on s’en sert pour faire des haies vives. Son tronc est plus ou moins gros, suivant son âge, & suivant qu’on le laisse croître ; il est recouvert d’une écorce cendrée qui est lavée d’un peu de pourpre sur les jeunes branches. Son bois est très-dur. Ses branches sont courtes, armées de piquants plus durs que son bois, & garnis de feuilles vertes, luisantes, coupées en quelques segmens comme les feuilles du persil. Ses fleurs naissent par bouquets d’une odeur agréable : elles sont blanches, de bonne odeur, petites, composées de cinq pétales. Plusieurs étamines occupent leur centre ; chaque fleur a son pédicule long de plus d’un pouce ; le calice qui soutient la fleur, devient un fruit gros comme un pois, rouge, charnu, douceâtre, un peu gluant au goût, & renferme un ou deux osselets ou noyaux, qui contiennent une petite amande. Ce fruit mûrit en Septembre & Octobre. Son écorce, son bois é ses feuilles sont astringentes ; ses fleurs sont laxatives. On greffe sur l’aubépine la plupart des fruits à noyaux, tels que la pêche, l’amande, l’abricot & la prune. On dit, l’aubépine est en fleur, pour signifier, qu’in est entré dans le printemps. Il se trouve quelquefois des pieds d’aubépine à fleur double.

Les Botanistes l’appellent Pyracantah, Oxyacantha Dioscoridis, ou Spina acuta ; & autrement en françois, buisson ardent ; parce que les Rabbins disent que le buisson dans lequel Dieu parut à Moyse étoit d’aubépine.

AUBER, plus communément AUBÈRE. adj. Qui ne se dit que d’un cheval qui a le poil couleur de pêcher, entre le blanc & le bai. Un cheval aubère est sujet à perdre la vûe, & peu estimé dans les Manéges.

AUBEREAU. Voyez Hoberau, & Auberier. Ce mot vient, selon quelques-uns, de l’italien Albergo.

☞ AUBERGE. s. f. Diversorium. Ce n’est pas, comme le disent les Vocabulistes, une maison où l’on est nourri & logé en payant. Cela conviendroit mieux à ce qu’on appelle pension. L’auberge est une maison où l’on donne à manger à tant par repas, & où on loge en chambre garnie. Un tel tient Auberge. Dîner à l’Auberge.

Ménage dérive ce mot de heriberga ou heribergium, qui se trouve dans les Capitulaires, pour signifier Hôtellerie : ce qui vient de l’allemand herbegen, qui signifie loger.

On appelle Auberge à Malte, les lieux où les Chevaliers qui y résident, sont nourris en commun, chacun selon sa langue, ou sa nation. Contubernium patrium Melitense. L’Auberge de Provence, de France, &c. L’hôtel de chaque langue est appelé Auberge, à cause que les Chevaliers de chaque langue y vont manger, & s’y assemblent d’ordinaire. Les Ordonnances du Chapitre général tenu sous le Grand-Maître Antoine de Paulo, Toulousain, portent que les Piliers, c’est-à-dire, les Chefs des langues, donnerons tous les jour à chaque Chevalier un rotolo, c’est-à-dire, environ trente-six onces de bœuf, mouton & veau, qui doit être fourni par le trésor commun, & lorsque l’on donne du porc frais ou salé, le tiers du rotolo ; les jours maigres du poisson, & au défaut de poisson, quatre œufs pour pitance. Chaque jour six petits pains & un quatuccio de vin sans eau, c’est-à-dire, la valeur de trois chopines. Il est défendu aux Chevaliers de mener des chiens à l’Auberge. Ils ne peuvent emporter de l’Auberge ni pain, ni vin, ni autre chose à manger. Trois fois seulement la semaine, pour de justes raisons, les Piliers doivent fournir la pitance aux Chevaliers hors de l’auberge, lorsqu’il la demandent ; mais ceux qui l’envoient chercher, ne doivent pas avoir déjeûner ce jour-là à l’auberge. Voyez le P. Héliot, T. III, p. 98. Enfin tous les règlemens faits pour les auberges, & sur la manière dont les Chevaliers doivent se comporter dans les auberges, font connoître combien est grande l’observance régulière qui se pratique à Malte.

Auberge, s. f. Espèce de pêche. En latin Auberia.

AUBERGISTE. s. m. Celui qui tient auberge. Caupo, stabularius. Il se dit particulièrement de ceux qui tiennent les petites auberges, où l’on vit à juste prix. Les Aubergistes sont obligés d’avertir tous les jours les Commissaires des gens qui arrivent chez eux, & de leur représenter tous les mois leurs registres pour être visés. De la Mar.

AUBERIVE. Village avec une abbaye de l’ordre de Cîteaux, à la source de l’Aube, aux confins de la Bourgogne & de la Champagne. Albaripa. ☞ Son nom lui vient de sa situation sur le bord de l’Aube.

AUBERON. s. m. Terme de Serrurerie. C’est un petit morceau de fer rivé au moraillon qui entre dans une serrure, à travers duquel passe le pène pour la fermer.

AUBERONNIERE. s. m. Terme de serrurerie. Moraillon, ou bande de fer, sur lequel un ou plusieurs auberons sont rivés.

AUBERT. s. m. Nom d’homme. Adebertus, Autpertas. S. Aubert fut mis sur le siége de Cambrai après la mort de l’Evêque Ablebert, l’an 633. Baill. Aubert, se dit aussi en quelques occasions pour Albert, Albertus, comme S. Aubert Moine de Landevenech ; & à Paris il y a une place qu’on appelle la Place Maubert, ce que l’on prétend être la même chose que la Place de Maître Albert. Platea Magistri Alberti. Mais hors ces noms, sur-tout quand on parle des personnes, il faut dire Albert, comme Albert le Grand, Maître de S. Thomas, l’Archiduc Albert, &c.

AUBERVILLIER. s. f. Espèce de laitue. Albertivilleriana. L’Aubervilliers se plante au mois d’Avril, & ne monte pas si aisément en graines que certaines autres. Chom. La laitue Aubervilliers devient extraordinairement dure, n’est guère bonne pour les salades, elle est meilleure pour le potage : elle a cependant une grande disposition à être amère. Id.

☞ AUBESSIN. s. f. Arbrisseau, autrement nommé épine blanche, qui sert à faire des haies vives.

☞ AUBETERRE. Ville de France, dans l’Angoumois, & non dans la Saintonge, comme le dit Baudrand, aux confins du Périgord, au bord occidental de la Dronne, au-dessous de Riberac, & au-dessus de Saint Aulaye. Albaterra.

☞ AUBETTE. (l’) Petite rivière de France, en Normandie, qui a sa source à S. Aubin, & se rend dans la Seine après avoir traversé une partie de la ville de Rouen. On a remarqué que cette petite rivière ne gèle jamais.

AUBIER, ou AUBOUR. s. m. Arbrisseau dont les rameaux ressemblent à ceux du sureau. Opulus. Ses feuilles sont larges, anguleuses, presque semblables à celles de la vigne. Ses fleurs sont de deux sortes, disposées en parasol : celles de la circonférence sont plus grandes que les autres, de belle couleur blanche, ressemblantes à des roues à cinq quartiers : elles ne laissent aucune graine après qu’elles sont passées. Les fleurs qui occupent le milieu, sont plus petites, & ressemblent à des godets coupés en cinq quartiers. Il succède à celles-ci une baie un peu plus grosse que celle du sureau, molle, rougissante à mesure qu’elle mûrit, dans laquelle est renfermée une semence dure, fort aplatie, échancrée en cœur. C. Bauhin l’appelle sambacus aquatica, flore simplici, & M. Tournefort opulus Ruelli. Il y a une autre espèce d’aubier dont les fleurs sont ramassées en rond ou en globe épais. M. Tournefort l’appelle opulus flore globoso. L’aubier sert à faire des bocages dans des maisons de plaisance.

Aubier, ou Aubour. Terme d’Histoire naturelle. Alburnum. On dit plus communément aubier. On entend par-là les couches de bois imparfait qui se trouvent entre le bois formé & l’écorce, ou la partie blanche & molle, qui est entre le vif de l’arbre & l’écorce.

Ces couches ligneuses commencent par être molles & herbacées, avant que d’avoir acquis la solidité du bois. elles ne passent pas subitement de l’état de molesse qu’elles ont d’abord à la dureté du bois parfait. Elles n’acquièrent toute la dureté dont elles sont capables, qu’après bien des années. Dans un jeune arbre les couches ligneuses (très-apparentes qui indiquent la crue de chaque année) sont de force, de dureté & de densité inégale, celles du centre étant les plus dures, & celles de la circonférence les plus tendres.

L’endurcissement des couches se fait donc par degrés, & de la couche la plus tendre à la plus dure ; on peut remarquer une nuance qui passe par des gradations insensibles. On y remarque seulement à la première un restant dont on est frappé, & c’est ce restant, cette différence de densité si aisée à appercevoir, qui distingue l’aubier du bois.

Comme la nature ne fait rien que progressivement, il n’est pas surprenant que le bois n’acquière sa dureté que peu-à-peu.

L’aubier est organisé ainsi que le bois. Il est formé de vaisseaux lymphatiques, de tissu cellulaire, de vaisseaux propres & de trachées, disposés par couches, comme dans le bois, dont il ne différe point essentiellement, puisqu’il deviendra bois quand il aura acquis avec le temps une plus grande dureté.

D’ailleurs, ajoute M. Duhamel, comme il ne se fait aucune production nouvelle entre le bois & l’aubier, il faut nécessairement conclure de ce que le bois parfait augmente en grosseur, qu’il ne peut acquérir cette augmentation que la conversion de l’aubier en bois.

L’aubier de chêne a un pouce, ou un pouce & demi d’épaisseur autour de l’arbre. Il est défendu par les statuts des Menuisiers & Charpentiers, d’employer du bois où il y ait de l’aubier, parce qu’il se pourrit trop tôt. Quand on équarrit le bois à vive arète, il en faut retrancher l’aubier.

Ce mot vient de alburnum, qui se trouve dans Pline, dont on a fait aubour, & de albarium, & albinum, dont on a fait aubier & aubin en la même signification, & cela fondé sur la couleur blanche de l’aubier. Ménag.

AUBIÉRE. Village d’Auvergne, province de France. Auberium. Il est au midi assez près de Clermont. Selon quelques Auteurs, c’est l’ancien Avitacum ; qui selon d’autres, est Chambon, village situé sur un lac auquel il donne son nom, au pied du mont d’Or, à quelques lieues au couchant de Clermont.

AUBIERGE. s. f. Nom de femme. Edelberga, edilburgis. Sainte Edilburge, que le peuple en France connoît mieux sous le nom de sainte Aubierge, étoit fille naturelle d’Anne, Roi des Anglois Orientaux, & fut troisième Abbesse de Farmoutier au VIIe & VIIIe siècle. Baill.

AUBIFOIN. s. m. Cyanus. Plante qui croît parmi les blés, qui porte des fleurs bleues, & qu’on appelle à cause de cela Bluet. Voyez Bluet ou Barbeau}}. Il y a le petit & le grand aubifoin. Le petit est celui qui vient dans les blés. Le grand se plaît sur les montagnes : ses fleurs sont quelquefois blanches. L’un & l’autre sont froids & secs, souverains pour les inflammations des yeux. Le grand aubifoin a les feuilles plus larges que le petit, plus velues, toutes entières, semblables à celle de la lycinis coronaria. Ses tiges sont plus grosses, plus velues & plus longues : ses fleurs sont bleues, beaucoup plus longues & plus larges ; pour le reste, il est comme le petit. Il fleurit depuis Mai jusqu’en Août. Chomel.

Il y a un autre aubifoin de levant qui croît en abondance dans les blés de Syrie, qui a une fleur jaune à cornets, presque semblable à un œillet. On en voit la description dans les Mémoires de Dodard.

AUBIGNAC. Village de la Marche, en France. {lang|la|Albiniacum}}. Il est entre Argenton & S. Benoît du Sault, aux confins du Berri.

AUBIGNI. Ville de Berri, en France. Albiniacum. Elle est sur la rivière de Nerre. La tour d’Aubigni est à 19°, 56’, 43” de longitude, & 47°, 29’, 13” de latitude. Cassini.

Il y a une petite ville de ce nom, en Champagne, élection de Reims, entre Mezière & Charleville.

Et en Artois un bourg considérable, chef lieu d’une des douze contrées de l’Artois.

AUBIN. s. m. Le blanc de l’œuf. Ovi album, Albumen. Il y a cent occasions où on se sert des aubins d’œufs.

Aubin, en termes de Manége, est l’allure d’un cheval qui tient de l’amble & du galop. Un cheval qui va l’aubin, est estimé.

AUBINET. En termes de Marine, on appelle saint Aubinet, un pont de cordes supporté par des bouts de mâts posés en travers sur le plat-bord à l’avant des vaisseaux-marchands, pour couvrir la cuisine & la marchandise.

☞ AUBONNE. Rivière de Suisse, au canton de Berne. Elle a sa source dans le Mont Jura, & se perd dans le lac de Genève, après avoir arrosé la ville d’Aubonne.

Aubonne, ou Aulbonne. Jolie petite ville de Suisse, au canton de Berne, au Bailliage d’Aubonne, sur la rivière de même nom, à trois quarts de lieu du lac.

AUBOUR. Voyez Aubier.

AUBOURS. s. m. C’est un arbre de médiocre hauteur, qui ressemble à l’anagyris, mais qui n’est point puant comme lui ; son tronc n’est pas bien gros ; son bois est dur ; ses rameaux sont étendus, couverts d’une écorce verte ; ses feuilles sont disposées trois à trois, grandes, pointues, vertes en dessus, sans poil, d’un vert pâle en dessous, & velues, attachées par une queue menue, ronde, velue ; ses fleurs sont rangées par un nerf long de plus d’un pied, menu, rond, velu, blanchâtre. Après que ces fleurs sont tombées, il paroît des gousses semblables à celles des pois, lesquelles contiennent des semences grosses comme des lentilles. Cet arbre croît aux lieux chauds, secs & montagneux. Ses feuilles sont digestives, résolutives, propres pour l’asthme, & pour exciter les mois aux femmes. ☞ Cet arbre est plus connu sous le nom d’Ebenée, ou de faux Ebenier. Voyez Ébénier.

AUBRAC. Alberacum. Ce lieu est situé sur les confins de trois provinces de France, la Guienne, le Languedoc & l’Auvergne, dans le diocèse de Rhodez, sur une rude & haute montagne, le plus souvent inaccessible, à cause des neiges & des brouillards épais dont elle est couverte pendant huit mois de l’année. Elle est à sept lieues de Rhodez, & à trois de tout autre bourg & village, entourée de forêts & de marécages, & dans une affreuse solitude. Il n’y a point d’autre maison en ce lieu, qu’un hôpital, dont nous allons parler, & un méchant cabaret à la porte de cet hôpital, aujourd’hui Dommerie.

Hospitaliers de l’hôpital d’Aubrac. C’est le nom des Religieux de l’hôpital, établi sur la montagne d’Aubrac. Cet hôpital fut fondé par Alard ou Adelard, Vicomte de Flandre, qui à son retour d’un pélerinage qu’il avoit fait à S. Jacques en Galice, étant tombé sur cette montagne dans une embuscade de voleurs, & se voyant en danger de perdre la vie, fit vœu de fonder en ce lieu un hôpital, & de le purger de voleurs, s’il échappoit de ce danger. Il en échappa, & accomplit son vœu en 1220. Cinq sortes de personnes composerent d’abord la Communauté de cet hôpital : des Prêtres pour le service de l’Eglise & pour administrer les sacremens aux pauvres ; des Chevaliers pour escorter les Pélerins, donner la chasse aux voleurs, & défendre l’hôpital ; des Frere clercs & laïques pour le service de l’hôpital, & des pauvres ; des Donnés qui avoient soin du temporel de l’hôpital & des femmes qui en dépendaient ; enfin des femmes de qualité, qui avoient sous elles plusieurs servantes pour le service des pauvres & des pélerins. Alard se consacra lui-même à Dieu dans cette maison, & en fut le premier supérieur. Pierre II, Evêque de Rhodez, à la prière de ces hospitaliers, leur donna en 1162, une règle tirée de celle de S. Augustin. Le P. Martène a donné cette règle dans sa dernière collection. Cette règle a été approuvée par sept Papes, Alexandre III, en 1164. Lucius III en 1181. Innocent III en 1216. Honorius III en 1226. Innoccent IV en 1246. Clément IV en 1267 ; & Nicolas V en 1289. Les Chevaliers de S. Jean de Jérusalem, sous Boniface VIII, & sous Jean XXII ; & les Templiers sous Clément V, ont tenté de faire unir le Monastère d’Aubrac à leur Ordre. Les uns & les autres ont échoué. Il y a eu d’autres hôpitaux dépendans d’Aubrac, comme il paroît par un règlement de l’an 1419. Le Supérieur s’appelle le Dom, ce qui a fait donner à ce bénéfice qui est en commende, le nom singulier de Dommerie. Voyez le P. Hélyot, T. III. Cette Domerie vaut 40000 livres de rente.

AUBRIER. s. m. Oiseau de proie, qui est la même chose que Hobereau. Pygargus. Il est ainsi nommé, parce qu’il est de pennage aubère. Voyez Hobereau.

AUBRINX. s. m. Nom d’homme. Albricus, ou peut-être Adelbricus. On conserve les ossemens de S. Aubrinx à Montbrison en Forêt, où on l’honore de temps immémorial comme Pontife. Le P. Chifflet a cru que c’est Adelricus, Evêque d’Autun, marqué dans les listes immédiatement devant Modoue. Mais on n’en fait nulle mémoire à Autun, en toute l’année. Chast. Aubrinx est la même chose qu’Aubry & Auvry. Id.

AUBRY. s. m. & nom propre. Adelbricus, albricus. Voyez Aubrinx.

AUBUSSON. Ville de la Marche, en France. Albua, Albussonium. Il est sur la Creuse, près de la Basse-Auvergne. Les Tapissiers d’Aubusson y portent un grand commerce. La maison d’Aubusson, dont étoient le Maréchal & le Duc de la Feuillade, a donné un Grand-Maître de Rhodes. Le P. Bouhours a écrit la vue du Grand-Maître d’Aubusson, qui défendit Rhodes avec toute la conduite & la valeur possible, contre les Turcs, auxquels il fit lever le siége malgré tous leurs efforts. Aubusson a 45°, 57’, 8” de latitude. Cassini.

AUC.

☞ AUCAGURELLE. Ville d’Afrique, en Ethopie, au royaume d’Adel, dont elle est la capitale.

AUCH, AUSCH, ou AUX. Voyez Ausch.

☞ AUCHI, ou AUXI le château. Bourg de France, avec titre de Marquisat, en Artois, sur l’Authie, à quatre lieues d’Hedin, & autant de Dourlens. Alcicum.

AUCHOIS, OISE. s. m. & f. Dict. de l’Ort. Voyez Auschois.

AUCTUAIRE. s. m. Terme de Bibliothécaire. Il signifie augmentation, addition, supplément. Supplementum. On n’a commencé à se servir de ce terme qu’à l’occasion des deux tomes que le P. Fronton du Duc ajouta en 1624, à la bibliothèque des Peres ; les questions théologiques avec les réponses que l’on a faussement attribuées à S. Césaire, furent mises au nombre de 195 dans l’auctuaire des Peres.

☞ AUCUN, UNE. Pronom indéfini, qui signifie nul. Nullus, nemo. Je ne connois aucun de vos Juges. Cet homme n’a aucun ami. Je n’ai aucune affaire à démêler avec lui. Je n’ai aucune prétention, aucune vue, aucun droit.

Ce même pronom est employé sans négation dans les phrases de doute & d’interrogation. Y a-t-il aucun parmi vous qui réclame contre une ordonnance si juste ? Est ne aliquis ? Je doute qu’il y ait aucun Auteur qui ose avancer que, &c. dubito an ullus fit, &c.

Il n’a de pluriel qu’en style Marotique & de Palais, où il signifie quelques-uns. Si aucuns viennent, &c. Si aucuns droits sont dûs.

AUCUNEFOIS. adv. Quelquefois. Aliquando, nonnunquam. Il y a aucunefois des pécheurs qui se corrigent. Il est hors d’usage.

AUCUNEMENT. adv. En aucune façon. Nullo modo, nullâ ratione. Il ne faut aucunement avoir commerce avec les méchans. Il se dit aussi à l’affirmative ; pour dire, en quelque façon. Aliquatenùs, quoquomodo. Il se connoît aucunement en médailles, en livres, en tableaux ; c’est-à-dire, pas trop bien. Ce mot est tout-à-fait hors d’usage en ce dernier sens. Mais c’est un terme usité au Barreau, & qui s’emploie dans les Arrêts ou Sentences, pour signifier en partie, à certains égards. Ayant aucunement égard à la requête d’un tel, veut dire, y ayant égard pour quelques points, & non pour le tout.

AUD.

AUDACE. s. f. Passion par laquelle l’ame s’excite é se porte à surmonter les plus grandes difficultés. Audacia, confidentia. Mithridate ne croyoit rien au-dessus de ses desseins & de son audace. Racin. Quand ce mot d’audace est employé seul, il se prend ordinairement en mauvaise part, & alors il signifie, hateur accompagnée de témérité. Ovide auroit poussé ses témérités plis loin, si Julie n’avoit réprimé son audace. Vill. Un soldat qui a l’audace de tirer l’épée contre son capitaine est puni de mort. Bessus n’eut pas assez d’audace pour excuser son crime. Vaug. Comment avoir l’audace de battre un Philosophe comme moi ! Mol. Il se prend quelquefois en bonne part, pour une entreprise hardie, sur-tout lorsqu’il est adouci, ou par quelque épithète favorable, ou par quelque autre substantif qui l’accompagne. Ainsi on dit, une belle audace, une noble audace.

L’été n’a point de feu, l’hiver n’a point de glace
Qui puisse retenir sa vigilante audace. Boil.

Mais ne craignez-vous que pour rire de vous,
Je ne ranime encor ma satyrique audace ? Id.

☞ C’est donc l’épithète qui détermine le mot audace à être pris dans un sens favorable. Mais seul & sans épithète qui change l’idée naturelle que nous y avons attachée, il ne peut être pris en bonne part.

Le sujet que l’on traite, peut encore rectifier ce mot, & lui donner un sens favorable. Par exemple, un autre cependant a fléchi son audace. Racin. En ce cas, il signifie, fierté. Trois cent Lacédémoniens eurent l’audace de s’opposer à toute l’armée de Perse au passage des Thermopyles. Alors il signifie, hardiesse, courage. ☞ Dans ce cas, on dit, audentia en latin, & audacia pour audace, témérité.

Que Corneille pour lui rallumant son audace,
Soit encor le Corneille & du Cid & d’Horace

Boil.

☞ La hardiesse, dit M. l’Abbé Girard, marque du courage & de l’assurance. L’audace marque de la hauteur & de la témérité. La hardiesse est pour les grandes qualités de l’ame, ce que le ressort est pour les autres pièces d’une montre : elle met tout en mouvement sans rien déranger : au lieu que l’audace, semblable à la main impétueuse d’un étourdi, met le désordre dans ce qui étoit fait pour l’accord & pour l’harmonie.

Audace. Depuis quelque temps on appelle audace, une gance qui étant attachée à une agrafe, sert à soutenir & à relever les bords d’un chapeau.

AUDACIEUSEMENT. adv. D’une manière audacieuse. Audacter, confidenter. Les mutins qui parlent audacieusement à leur Prince doivent être châtiés. ☞ Il se prend rarement en bonne part. Il se jeta audacieusement au milieu des ennemis. Acad. Fr.

Les circonstances seules peuvent changer sa signification naturelle.

AUDACIEUX, EUSE. adj. Plein d’audace. Audax, temerarius. Ce mot, selon quelques-uns, se prend en bonne & mauvaise part : mais selon le P. Bouhours, il ne se prend jamais qu’en mauvaise part, soit en vers, soit en prose. Les passions engendrent souvent celles qui leur sont contraire ; on est quelquefois ferme par foiblesse, & audacieux par timidité. Rochef. Icare étoit un jeune audacieux, qui périt pour vouloir voler trop haut.

Prométhée, l’audacieux fils de Japhet, déroba le feu du ciel pour le donner aux hommes. Le P. Tart.

Il est aussi substantif. C’est un audacieux, un jeune audacieux.

Et comment savez-vous si quelque audacieux
N’a point interrompu le cours de vos aïeux ?

Boil.

Audacieux. Audax, se prend quelquefois figurément ; c’est la plus audacieuse de toutes les figures. Balz.

N’est-ce pas l’homme enfin dont l’art audacieux
Dans le tour d’un compas a mesuré les cieux ?

Boil
.

Les Poëtes appellent aussi des monts, des rochers, des arbres, audacieux, qui semblent menacer le ciel par leur hauteur.

Audacieux, hardi, effronté, dans une signification synonyme. Une personne audacieuse parle d’un ton élevé ; son humeur hautaine lui fait oublier ce qu’elle doit à ses supérieurs. Un homme d’un caractère audacieux peut servir à insulter l’ennemi. Voyez les autres mots & Audace.

AUDARD. s. m. Nom d’homme. Theodardus. S. Thedard, ou saint Audard, Evêque de Narbonne, patron de Montauban, vivoit au IXe siècle. Bail. De saint Thodard, en retranchant un t, on a fait saint Audard.

AUDE. Petite rivière du Haut-Langeudoc. Atax. Elle prend sa source dans les Pyrénées : elle passe à Alet, à Limoux, à Carcassonne & à Narbonne, d’où, après s’être grossie de quelques autres petites rivières, elle va se jeter dans la Méditerrannée, dit Baudrand : ce qui a besoin d’explication. ☞ Une lieue au-dessus de Narbonne, cette rivière se partage en deux bras. Celui qui va à la gauche, qui est son vrai lit, se jette dans la Méditerrannée, trois lieues plus bas par l’embouchure dite le Grau de Vendre. L’autre bras, qui va à la droite, est un canal nommé la Robine, qui passe par Narbonne, & se jette deux lieues plus bas dans la mer méditerrannée, par l’étang de Sigan.

AU-DEÇA. Préposition qui signifie, de ce côté-ci, & qui régit le génitif. Cis, Citra, avec l’accusatif. Au-deçà de l’Euphrate. Vaug.

Au-deçà. adv. Citra. Il est au-deçà.

AUDÉEN. Voyez Audien.

AU-DELA. Préposition qui veut dire par-delà, de l’autre côté, & qui régit le génitif. Ultra, trans, avec l’accusatif. Il manquoit à vos aventures d’avoir un amant au-delà de l’Océan. Vorr.

Au-dela. adv. Ultrà. Il est passé au-delà. On ne voit au-delà qu’un obscur avenir. M. de Deshoul.

AUDENARDE. Nous disons & nous écrivons toujours en françois Oudenarde.

AUDEON. s. m. Audenus. Voyez Dadon.

AUDERVILLE. Bourg de France, dans le Contentin, pays de Normandie, & sur le bord de la mer. Auderici Villa.

AU-DEVANT. A la rencontre. Obviam. Voyez Devant.

AUDIEN, ENNE. s. m. & f. Audianus. Nom de Secte. Le Fondateur de cette Secte s’appeloit Audée, Audius, ou Audie. Ceux qui l’ont appelé Audée, ont appelé ses partisans non pas Audiens, mais audéens ; & ceux qui l’ont nommé Audius ou Audie, on donné le nom d’Audiens à ses disciples. S, Ephrem, S. Epiphane, &c. parlent de ces hérétiques, qui furent aussi nommés Antropomorphites. Audée, ou Audie, ou Audius, qui étoit de Mésopotamie, célébroit la Pâque le 14e de la Lune, comme les Juifs : il enseignoit que Dieu avoit une figure humaine : il croyoit que les ténèbres, l’eau & le feu n’avoient point de commencement. Les Audiens, ou Audéens, parurent sous l’empire de Constance, vers l’an 345.

AUDIENCE. s. f. Prononcez Audiance. ☞ Attention qu’on donne à celui qui parle. Je ne sais si audentia est latin en ce sens. Cicéron a dit à la vérité, audientiam sibi facere ; mais cela signifie se faire écouter, se procurer une attention favorable. Plaute a dit : audientiam, praco, fac populo. Je vous demande un moment d’audience. Donnez-moi un moment d’audience. Cet homme ne refuse audience à personne. Facilis in audiendis clientibus.

☞ Dans cette acceptation le mot d’Audience se dit plus particulièrement du temps que les Rois, les Princes, les Ministres constituées en dignité emploient à recevoir & à écouter les Ambassadeurs & ceux qui on à leur parler. Donner audience. Demander audience. Avoir, obtenir audience, être introduit à l’audience. Il y a aujourd’hui audience.

Il y a des audiences publiques & d’Etat, & des audiences privées & particulières. La première audience d’un Ambassadeur, & son audience de congé sont sur premier genre, & celles que l’Ambassadeur demande de temps en temps pour l’intérêt du Prince qu’il représente, sont du second genre. Cet Ambassadeur a envoyé demander audience. On l’a reçu à l’audience avec grande cérémonie. Auditus est.

On le dit encore du temps que les Prince donnent à écouter les demandes ou les plaintes de leurs sujets. Charles, Duc de Calabre, avoit une cloche à l’entrée de son Palais, que les pauvres sonnoient, quand ils vouloient avoir audience, & on les conduisoit aussitôt à lui. Deroch. Rodolphe, Fondateur de la Maison d’Autriche, disoit à ceux qui le blâmoient de ce qu’il donnoit audience à tout le monde : Pensez-vous qu’on m’a fait Empereur pour être enfermé dans une boîte ? Math. en la vie de Louis XI. Id.

Audience, se dit aussi des heures que les Ministres destinent à écouter les parties. Tempus audiendis litigantibus adscriptum.

Audience, se dit encore de la séance des Juges assemblés pour écouter les causes que plaident les Procureurs ou les Avocats. On dit dans ce sens, donner, refuser l’audience. Ouvrir, finir l’audience. Tenir l’audience, c’est y présider. Cause d’audience, celle qui doit être plaidée à l’audience.

J’aimais la biche en rut n’a pour faire d’impuissance
Traîné du fond des bois un cerf à l’audience. Boil.

Audience, signifie encore le lieu les Juges sont assemblés ; & collectivement, des personnes assemblées dans ce lieu pour écouter, pour assister à l’audience. Chasser quelqu’un de l’audience. Forum, auditorium. Toute l’audience applaudit à son discours, c’est--à-dire, tous ceux qui étoient dans le lieu où se donne l’audience, qui aderant. On dit aussi dans ce sens auditorium.

Audience Civile, est celle où se plaident les causes civiles:l’audience criminelle, celle où il s’agit de quelque crime. Cause d’audience, est celle qui se peut juger sur la seule plaidoirie des Avocats. Grande audience, est celle où sont jugées les causes mises au rôle aux jours ordinaires, & où les Juges sont assis sur les hauts siéges. Petites audiences, ou audiences à huis clos, sont celles où les Juges sont sur les bas siéges, & ne jugent que des causes de placets, ou des incidens & instructions de procès, ou des matières légères. On appelle par excellence la Grand-Chambre de l’audience, parce qu’il n’y avoit autrefois que celle-là où l’on plaidoit. Les ouvertures des audiences sont des cérémonies qu’on fait, lorsque le Parlement recommence ses séances après les vacations. On dit alors une Messe solennelle, & les Présidens & Avocats Généraux font des Harangues pour entretenir la discipline du Palais.

Audience. Terme de Géographie, se dit en parlant des pays de l’Amérique soumis à l’Espagne. Juridictio, Juridictionis diœcesis. Les Espagnols donnent le nom d’audience aux Tribunaux de Justice, qu’ils ont érigés dans l’Amérique. Ces audiences sont la même choses que les Parlemens en France. Elles jugent sans appel, & ont chacune leur ressort limité, qui renferme ordinairement plusieurs provinces ; toutes ces provinces, qui composent le ressort ou le district d’un Parlement, s’appellent en général audience, du même nom que le Tribunal auquel elles ressortissent. C’est pour cela que Samson dans ses Cartes a divisé la Nouvelle Espagne en autant d’audiences qu’il y a de ces Tribunaux, comme nous divisons la France en gouvernements. La Nouvelle Espagne comprend trois audiences, l’audience de Gaudalajara, l’audience du Méxique, & celle de Guatimala. On les trouve dans l’ordre que l’on vient de dire, en allant du Couchant au Levant. Tout ce qui passe de l’audience de Guatimala en Espagne, s’embarque à Cartagène des Indes. Maty. La ville de la Conception est de l’audience de Guatimala. Corn. Mais le bourg de la Conception est de l’audience du Méxique. Id.

Audience de congé. On dit figurément d’un moribond ou d’un vieillard qui fait son testament, qui recommande à quelqu’un sa famille, ses affaires, &c. qu’il prend son audience de congé; pour dire, qu’il sent qu’il va quitter le monde. Cela ne se dit que dans la conversation.

AUDIENCIER. Adj. ☞ Epithète par laquelle on désigne l’Huissier qui appelle les causes dans les audiences du Parlement & des autres Tribunaux. Les Huissiers Audienciers sont distingués des autres Huissiers & Sergens à verges. Voyez Huissier.

GRAND AUDENCIER. s. m. est un grand Officier de Chancellerie. In Judiciali Cancellarri Francæ prætorio supremo diplomat um ac rescriptorum relator. Amanuensium Decurio, scribarum Magister. Il y a quatre Grands Audienciers qui rapportent à Monsieur le Chancelier les Lettres de Noblesse, & autres Lettre d’importance. Les Audienciers de la petite Chancellerie mettent la taxe au haut des Lettres. Sur ces Audienciers & sur le Grand Audiencier, leurs devoirs, leurs droit & priviléges, voyez l’Histoire de la Chancellerie par Tesserau, l’un & l’autre Tome.

Quelques-uns croient que ce nom vient de ce que, comme il paroît par les formules de Marculphe, le papier, ou la lettre parlaquelle les Rois autrefois accordoient audience à quelqu’un, s’appeloit Charta audientialis.

☞ AUDIERNE. Bourg de France, en Bretagne, dans une situation agréble, près de la mer, dans une petite baie. C’est un assez bon havre.

AUDITEUR. s. m. Celui qui écoute. Singulièrement celui qui est présent à un sermon, à un discours prononcé en public. Auditor. Un Prédicateur doit édifier ses auditeurs par son exemple, aussi-bien que par son discours. Il est de l’adresse de l’Orateur de faire germer dans l’esprit de l’auditeur la réflexion même qu’il alloit faire, afin que son auditeur l’embrasse comme la sienne propre. Perrr. L’air de maître & de pédagogue révolte l’auditeur, qui ne veut pas qu’on s’élève trop au-dessus de lui, en le traitant de disciple. Id. L’Orateur qui ne dit que des choses vagues & générales, rallentit l’attention de l’auditeur. Bell.

Auditeur, se prend quelquefois pour Disciple, & en ce sens il se dit plus ordinairement des Anciens. Aristote avoit été auditeur de Platon.

On appelle Auditeur bénévole, un Auditeur qui n’est point prévenu ni pour ni contre. Acad. Fr.

On le dit quelquefois des personnes qui sont en conversation.

Evitez la plaisanterie,
Dont les traits médisans percent jusques au cœur :
Et pour réjouir l’auditeur,
Ne faites point de raillerie
Aux dépens de votre pudeur. Pavill.

Auditeur, se dit aussi de plusieurs Officiers commis pour ouir quelques comptes ou plaidoiries. Cognoscendis rationibus præfectus. Un Auditeur des Comptes est un Officier créé pour examiner & arrêter les comptes des Finances du Roi, & faire rapport à la Chambre des difficultés qui s’y trouvent, pour les juger. Anciennement on les appeloit Clercs ; ils renvoyoient les comptes, & en faisoient leur rapport sans avoir voix délibérative. On commença à leur donner la qualité d’Auditeurs vers la fin du XVe siècle ; & par une Ordonnance de Henri II. en 1551, il fut ordonné qu’on les appeleroit Conseillers du Roi, & Auditeurs ; & en 1552, il leur fut permis d’opiner sur les difficultés qui se présentoient dans les comptes dont ils étoient porteurs. Louis XII. en 1511, en avoit fixé le nombre à 16. Depuis il est monté jusqu’à 60. Pasq. Les Juges Auditeurs du Châtelet à Paris, sont des Juges subalternes, qui jugent sommairement à l’Audience toutes les causes jusqu’à la somme de 50 liv. Leurs sentences s’exécutent nonobstant l’appel. Un Auditeur de Rote, est un Officier que les Rois ou autres Souverains nomment pour être un des Juges du Tribunal de la Rote à Rome, de sorte qu’il y en a un Espagnol, un Allemand, &c. Le Pape nomme les autres. Auditor Rotæ. On les appelle Auditeurs de la Rote, ou Roue, parce qu’ils sont assis en rond. C’est une Juridiction que les Papes ont établie pour se décharger de la peine, & de l’embarras de juger les procès. Un Auditeur de la Chambre Apostolique à Rome, Auditor Cameræ Apostolicæ, est le Juge de la cour Romaine, & son autorité s’étend au spirituel sur toutes sortes de personnes, citoyens ou étrangers, Prélats, Princes, &c. Il connoît de toutes les appellations de l’Etat Ecclésiastique, même de tous les contrats où on s’est soumis aux censures ecclésiastiques, lesquelles il fulmine en cas de désobéissance.

Auditeur, est aussi un Officier d’un Cardinal & d’un Nonce. Ce sont des Ecclésiastiques, qui sont comme leurs premiers Secrétaires, ou plutôt les Chefs de leur Conseil. Le Cardinal N. a beaucoup perdu à la mort de son Auditeur. L’Auditeur de M. le Nonce est un habile Théologien. Le Cardinal Camerlingue à Rome, a sous lui un Auditeur Général & un Trésorier Général, qui sont les Chefs d’une Juridiction qu’ils exercent sous l’autorité de ce Cardinal.

Auditeur, est à Clugni le nom d’un Officier de cette Congrégation, qui s’élit dans le Chapitre général. Dans les Chapitres généraux on élit pour chacune des provinces, deux Visiteurs… Trois Auditeurs des Causes, & deux Auditeurs des Excuses. {lang|la|Cognitor causarum. Cognitor Excusationum}}. Ces noms marquent assez en quoi consistent ces offices. Les Auditeurs des Causes examinent & jugent les différens qui s’élèvent entre les différens membres du corps ; & les Auditeurs des Excuses jugent de la validité des excuses qu’apportent ceux qui veulent s’exempter de quelque chose.

Ce mot Auditeur s’est dit autrefois en Justice de plusieurs fonctions ; car il signifioit non-seulement Juge, mais aussi les Enquêteurs commis pour l’instruction des procès, & aussi pour en faire le rapport. On a appelé même les Notaires, Auditeurs, comme on voit aux coutumes d’Amiens, de Ponthieu, de Clermont, &c. & pareillement les témoins & assistans qui étoient présens à la passation, & à la lecture de quelque acte, ou qui le signoient. Du Cange.

Auditeur. Dans l’Histoire ecclésiastique c’est le nom des Catéchumènes du premier ordre. Auditor. Car il y avoit deux degrés de Catéchumènes. Les Oyarts, ou Auditeurs, qui se préparoient de loin à devenir chrétiens en écoutant les Instructions. Fleur. C’est-à-dire ceux qui étoient nouvellement reçus Catéchumènes, & qui étoient dans les premiers exercices, qui sont de s’instruire, & d’apprendre la doctrine chrétienne, en écoutant les explications qu’on leur en fait.

Auditeur. Dans la Secte des Manichéens ont appeloit Auditeurs ceux qui étoient par rapport aux véritablies Manichéens, ce qu’étoient dans l’église les Catéchumènes par rapport aux Chrétiens. Il y avoit parmi les Manichéens plusieurs ordres ; ceux qu’ils appeloient leurs Auditeurs, ne savoient pas le font de la secte. Il falloit monter par plusieurs degrés avant que d’être instruit de l’abomination. Bossuet.

AUDITIF, IVE. qui sert à l’ouie, ☞ qui appartient à l’organe de l’ouie. Terme d’Anatomie. Nerf auditif. Artères auditives. Veines auditives. Quod ad auditum pertinet. La septième paire de nerfs est l’auditive. Dronis. Le nerf auditif qui vient dans l’oreille de la cinquième conjugaison, suivant le compte des Anciens, & de la septième, suivant le compte des Modernes.

Le conduit auditif commence par le trou auditif extérieur, dont le bord est saillant, raboteux, & comme tout-à-fait interrompu en arrière vers l’apophyse mastoïdienne. Ce conduit a 5 ou 6 lignes ou plus. Il est creusé obliquement de derrière en devant, un peu courbé, & quelquefois comme en vis dans le milieu. Son calibre ou contour est à peu près ovale, plus large à son entrée que dans son milieu, d’où il s’élargit de nouveau à mesure qu’il avance. Winslow.

Le trou auditif est dans la face postérieure de l’apophyse pierreuse. Il est comme derrière le vestibule & la base du limaçon. Ce trou est une espèce de cul se sac qui se divise en deux fossettes, une grande & une petite. La grande est inférieure, & sert à la portion molle du nerf auditif, ou de la septième paire. La petite est supérieure, & sert d’embouchure à un petit conduit particulier, par lequel passe la portion dure du même nerf. Id.

AUDITION. s. f. Terme de Palais ☞ qui se dit uniquement dans ces deux phrases : audition de compte & audition des témoins. Examen & réception d’un compte, & réception des dépositions des témoins dans une enquête, ou une information.Auditio. L’Ordonnance veut que l’audition des témoins se fasse tant à charge, qu’à décharge. Les auditions des compte doivent être réglées article par article.

Audition Cathégorique. Terme de Palais. C’est quand on dit à sa patrie : n’est-il pas vrai que vous avez fait cela & cela ? N’est-il pas vrai que je vous ai prêté tant ? &c. Sur quoi on demande qu’elle s’explique clairement, & qu’elle lui soit confrontée, pour voir si elle aura le front de le nier en sa présence.

AUDITOIRE. s. m. Nom collectif. L’assemblée qui écoute quelqu’un qui parle en public. Auditorum cœtus, concio, Auditorium. Il faut qu’un Orateur gagne d’abord la bienveillance de son Auditoire.

Il signifie aussi, le siége où les Juges subalternes donnent audience. Auditorium. Les Juges doivent avoir un auditoire honorable & certain, & situé dans l’étendue de leur Juridiction. Il ne leur est point permis d’emprunter un auditoire hors de leur territoire ; ni de rendre leurs sentences dans un lieu ou suspect, ou peut honnête, comme un cabaret : c’est rendre méprisable la puissance publique. Par cette raison les deniers qui proviennent des amendes, sont d’ordinaire employés aux réparations de l’auditoire. A Rome les Magistrats avoient un auditoire, ou siége de Justice, selon leur dignité. Les magistrats supérieurs avoient de hauts siéges que les Latins appeloient tribunal : les petits avoient de bas siéges appelés subsellia. Les Juges pédanés ainsi nommés parce qu’ils jugeoient debout, tenoient leur siége au portique de l’empereur. Les Hébreux rendoient la Justice à la porte des villes. Autrefois les Juges des Seigneurs donnoient leur sentence sous l’orme, qui d’ordinaire étoit planté devant le manois seigneurial, & qui leur servoit d’auditoire. De-là vient que les Juges de villages sont appelés, Juges sous l’orme.

Auditoire, se trouve aussi pour le lieu où les Professeurs des arts & des sciences font leurs leçons. Il y avoit à Constantinople un capitole où les Professeurs des arts & des sciences avoient leur auditoire. Fleury.

AUDITRICE. s. f. Celle qui écoute. Quoique quelques personnes se servent de ce mot, il n’est pourtant pas encore marqué du sceau du public.

AUDIVI, AUDIVIT. Mots latins que l’on disoit autrefois pour crédit, pouvoir, autorité, comme l’on dit aujourd’hui audiat. Avoir de l’audiat.

Nature dit que mort a l’audivi
Au-dessus d’elle. Marot

J’avois pour lors grandaudivit :
Mais Absalon qui ceci vit, &c.

Jean du Molinet.

AUDORF. Voyez Adorf

AUDRU. s. f. Nom de femme. Austrudis. Austrude, vulgairement sainte Audru, & sainte Ostru, étoit fille du B. Blandin Balson, & de sainte Salaberge. Elle naquit au Diocèse de Toul vers l’an 534. Bail.

AUDRY. s. m. Nom d’homme. Aldricus. Saint Aldric, que le Vulgaire appelle sain Audry, Evêque de Sens, naquit vers l’an 780. Id.

Audry. s. f. Ethildrita, Etheldreda, Ediltruda. Nom de femme. Ethildrite, ou Etheldrède, que les Martyrologes nomment Editrude, & quelquefois Elidru, & que nous appelons vulgairement sainte Audry, fille d’Anne Roi d’Estangle, ou des Anglois orientaux, & de Héreswite, Princesse du sang des Rois de Northumbrie, naquit dans une famille de bénédiction. Baill.

AVE.

☞ AVE. Rivière de Portugal, communément appelée Rio d’Ave. Avus, Avi, Avonus. Elle coule dans la Province entre Duero & Minho, & se jette dans l’Océan à Villa de Conde. Corneille la nomme Rio d’Aves.

AVE. s. m. Mot lain, qui signifie, je vous salue. Il est devenu françois, parce qu’on dit, cinq Pater & cinq Ave. Il n’a point de pluriel. Il y a dans le Rosaire cent cinquante Ave, & quinze Pater. Le Ave d’un chapelet sont les menus grains, sur chacun desquels on dit Ave. C’est la prière qu’on fait à la Vierge, qui contient la salutation que lui fit l’Ange Gabriel au jour de l’Incarnation. Salutatio Angelica. Matthieu Arménien, premier envoyé des Abyssins aux Portugais, dit dans sa relation, que la salutation Angélique est fort en usage dans l’Eglise d’Ethiopie. Voyez Avé maria.

On dit d’un homme ignorant, ou négligent dans la Religion, qu’il ne sait par son Pater & son Ave, qu’il ne dit pas seulement un Pater & un Ave.

Etienne Guichard dérive ce mot Ave de l’hébreu ; car il prétend que de חוה, fut formé en latin, have, comme il se trouve souvent avec une aspiration, & puis ave simplement, omettant l’aspiration forte, comme au lieu de Hava, Eva. Ave tiré de cette racine signifie vive, vivez. Or quelques-uns prétendent que les Anciens disoient avo, pour saluto selon ce que dit Plaute dans le Pœnulus. Havo, cujates estis, aut quo ex oppido… D. Havo M. Salutat, &c. A la vérité on se trompe, Avo n’est point un mot latin ; c’est un terme Punique, ou Carthaginois, qui est l’impératif de חוה, & signifie la même chose que ave en latin ; mais cela n’en prouve pas moins que ave pourroit bien en effet avoir l’étymologie que Guichard lui donne.

AVÉ MARIA. s. m. Salutation Angélique ; la même prière dont nous venons de parler, & que souvent on appelle simplement Ave. On lui a donné ces noms, parce que ce sont les mots par lesquels elle commence ; comme nous appelons l’Oraison dominicale Paster noster ; car c’est assez la coutume de donner pour nom aux prières que l’on dit souvent, les mots par lesquels elles commencent. Le Salve Regina, le Credo, le Confiteor, le Te Deum, &c. Les Juifs en usent de même ; ils appellent une des prières qu’ils disent le plus souvent שמע, schema, parce qu’elle commence par ces mots du Deutéron. VI. 4. שמע ישראל, Ecoute, Israël, &c. Ils ont même donné aux livres & aux parasches ou divisions de l’Ecriture, pour noms les premiers mots par où elles commencent. Bereschit, Schemot, Vajikra, &c.

Au reste, ce nom Ave Maria, comme tous les autres semblables pris des premiers mots de la prières dont ils sont devenus, les noms, est masculin, & n’a point de pluriel. Je n’ai dit qu’un Ave Maria. Voilà un Ave Maria bien long. Vous faites vos Ave Maria bien courts.

On se sert de ce mot pour marquer un espace de temps bien court. Cela n’a duré qu’un Ave Maria. Je ne tarderai point, je ne ferai qu’un Pater & un Ave. En moins d’un Ave Maria, Catane fut abîmée dans le tremblement de terre de 1693. Ces expressions ne sont que du style familier & populaire.

On appelle l’Ave Maria d’un Sermon, l’exorde qu’on fait aux Sermons en France, avant qu’on fasse l’invocation du Saint-Esprit, par l’intercession de la Sainte Vierge, à laquelle on adresse cette prière. C’est aussi l’endroit du Sermon où le Prédicateur implore le secours du Saint-Esprit par l’intercession de la Sainte Vierge. Je suis venu avant l’Ave Maria. Acad. Fr.

On appelle aussi Ave Maria, ou prière de l’Ave Maria, la prière qu’on nomme autrement l’Angelus. Voy. Angelus.

Ave Maria. C’est ainsi qu’on appelle à Paris un Couvent de filles de l’Ordre de Saint François. C’est Louis XI qui fonda le Monastère de l’Ave Maria proche S. Paul. Les filles de l’Ave Maria mènent une vie très-austère. C’est aussi le nom de toute une Congrégation de l’Ordre de Sainte Claire, qui avec celles de la réforme de la bienheureuse Colette, ne voulut point recevoir les dispenses du jeûne perpétuel qu’Eugène IV donna à cet Ordre en 1447, en les réduisant aux jeûnes des Frères Mineurs. P. Hélyot, T. VII, p. 102, 103.

Ave Maria. Frères de l’Ave Maria. C’est, selon Crescenze, un nom que l’on a donné aux Servites. Voyez ce mot.

Ave Maria, ou simplement Ave, se dit aussi des grains du chapelet sur lesquels on dit un Ave.

AVEC. Préposition conjonctive, qui marque quelque assemblage, liaison, suite, connexité ou dépendance de quelque chose, & qui régit l’accusatif. Cum. Philippe aimoit Alexandre avec une tendresse extrême. Vaug. Il ne faut point qu’un Noble s’allie avec des roturiers. On ne peut voir prospérer les méchans qu’avec douleur. Avec tout cela il ne vaut rien. Nous verrons cela avec le temps. Il est allé avec cet Ambassadeur, c’est-à-dire, à sa suite. Avec tout son bien il ne laisse pas d’être malheureux. Je ferai cela avec l’aide de Dieu. La paix soit avec vous. Avec tout le respect que je vous dois.

Avec, signifie quelquefois la manière, ou les manières. Que me veut cet homme avec sa mine austère ? Que veut, que prétend, que dit cet hypocrite, avec son air modeste ? Quel fou avec son chapeau sur l’oreille, & ses airs de petit-maître ! Parler avec justesse. Se conduire avec prudence.

Il marque aussi l’instrument avec lequel on fait quelque chose. Il s’est voulu battre seul à seul avec l’épée, plutôt qu’avec le pistolet. On peint avec un pinceau ; on écrit avec une plume, ou avec un crayon. Ce convalescent ne peut encore marcher qu’avec un bâton.

Il désigne encore la matière dont une chose est faite. On dessine avec du crayon, ou avec de l’encre de la Chine. On bâtit avec du bois & avec des pierres. On ne doit bâtir qu’avec des matériaux solides. On fait des étoffes avec de la soie, & s’autres avec de la laine.

Observez que c’est une négligence vicieuse, de mettre deux avec qui se suivent de près, & qui ont des rapports différens, dont l’un regarde la personne, & l’autre la chose. Mais quand ils se rapportent tous deux ou à la chose, ou à la personne, c’est quelquefois une beauté. Tu sauras disputer avec les Sophistes, mais tu ne sauras pas vivre avec les hommes, disoit Socrate à Euclide, qui se plaisoit trop aux chicanes de la dispute. Ils ne choquent pas même, quelque multipliés qu’ils soient : pour avoir un véritable repos, il faut être bien avec Dieu, avec soi-même, & avec les autres. Vaug. Bouh.

Il est quelquefois absolu & sans complément. Il m’a pris mont manteau, & s’en est allé avec. Alors il se dit par redondance, & n’est que du style familier.

Cette préposition conjonctive s’emploie aussi dans le sens de Contre. Il s’est battu avec un tel. La France étoit en guerre avec l’Empereur. Acad. Fr.

On dit proverbialement la peste soit du fat, & du fat encore avec. La peste soit du coquin, & du coquin encore avec, &c.

☞ AVECQUE. Cum. Cette préposition est la même qu’avec. M. de voltaire, dans son Commentaire sur Corn. dit que c’est avec raison que nous avons rejeté avecque de la langue ; ce que étoit inutile & rude.

AVEIN, AVEINE, AVENNE. Bourg des Pays-bas Catholiques. Aveinum. Il est dans le duché de Luxembourg, entre les villes de S. Hubert, & de Marche en Famine. ☞ C’est là que l’armée de France commandée par les Maréchaux de Châtillon & de Brezé défit celle d’Espagne commandée par le Prince Thomas de Savoie, en 1635.

AVEINDRE. v. a. J’aveins. J’ai aveint. J’aveignis. J’aviendrai. Que j’aveigne. Que j’aveignisse. Tirer quelque chose d’un lieu où on l’avoit serrée. Promere, depromere, proferre. Les Marchands n’aveignent jamais leurs plus belles étoffes d’abord, ils font plusieurs montres. Aveindre du linge d’un coffre.

Ce mot vient du latin aveo, parce qu’on ne songe à aveindre que les choses qu’on désire avoir. Quoique ce soit un assez mauvais mot, il y a encore des personnes qui s’en servent, dans le sens qu’on vient de donner. Mais il ne faut pas lui donner la signification d’atteindre, ou d’attraper. Cela est si haut, que je n’y saurois aveindre, est mal dit. Il falloit dire, atteindre. Ce mot devroit être relegué dans le peuple. Cail. Aveignez-moi mon ouvrage… Je vous dis d’aveindre mon ouvrage de cette armoire. Ce mot d’aveindre me paroît du dernier bourgeois… Il falloit dire : tirer mon ouvrage de cette armoire… Les mots par où Montagne, Liv. III, de ses Essais, commence le ch. 7, intitulé de l’Incommodité de la Grandeur, sont ceux-ci : puisque nous ne la pouvons aveindre, vengeons-nous à en médire. M. Ménage, dans ses Origines Françoises au mot aveindre, après avoir rapporté ce passage de Montagne, remarque qu’au lieu d’aveindre, il y a dans l’édition de Paris de Christophe Journel, atteindre ; ce qui, à mon sens, est une corruption, plutôt qu’une correction. De la Monnoye.

AVEINT, EINTE. part.

AVEINE. Voyez Avoine.

AVEÏRO. Ville de Portugal. Elle est dans la province de Beïra, sur la rivière de Vouga, à une lieue de la mer, entre Porto & Conimbre. Aveïro est fortifiée, & l’on y fait quantité de fort bon sel. Elle a été réunie à la Couronne par l’Arrêt qui a condamné à mort le Duc d’Aveïro.

AVEÏROU. Rivière de Rouergue, en France. Avario, Averio, Averionius. Elle passe à Rhodès & à Ville-Franche ; & après avoir grossi ses eaux de plusieurs petites rivières, elle va les porter au Tarn, à quelques lieues au-dessous de Mantauban.

AVELANÉDE OU VALANÉDE. s. f. C’est la cosse du gland ; c’est-à-dire, ce petit vase, ou coque, auquel tient la queue du fruit, & qui est ornée d’une espèce de cizelure naturelle. On s’en sert pou passer les cuirs. Glandis putamen.

AVELETS. s. pl. Ce mot se trouve dans les Ordonnances de Metz, & veut dire les enfans des enfans. Nepotes.

AVELINE. s. f. Fruit rond, espèce de grosse noisette. Voyez ce mot. Avellana nux. On a dit aussi avellaine ; mais aveline est seul usité aujourd’hui.

Ménage dérive ce mot de avellana, que Servius dit avoir été fait de Avella, village de Campagnie, autour duquel il en croissoit beaucoup. Il y en avoit aussi beaucoup aux environs d’un autre lieu appelé Abellinum & c’est pour cela que Pline dit, qu’on les appela d’abord abelline, & ensuite avellane, d’où s’est fait le nom d’avelines.

AVELINIER, ou comme disent tous nos Auteurs un peu anciens, AVELAINIER. s. m. Avellana arbor. C’est l’arbres qui porte les avelines. On le nomme plus communément Coudrier. Voyez ce mot, & Noisettier.

AVELLA. Ville & Marquisat de la terre de Labour, au royaume de Naples. Abella, Avella. Elle se trouve vers les confins de la principauté ultérieure, dans l’Apennin, sur le Clanio, au-dessu de Nole.

AVELLANE. Voyez Font-avellane.

AVELLINO. Abellinum. ville de la Principauté ultérieure, au royaume de Naples, avec un Evêché suffragant de Bénévent. Elle est fort près de la rivière de Sabato, entre Salerne & Bénévent.

☞ AVEN. Rivière de l’Ecosse méridionale, dans la province de Lothian. Elle se rend dans le golfe de Firth. Elle est fort petite.

AVENAGE. s. m. Redevance en avoine qu’on doit à un Seigneur censier. Obligatio ad clientelaria avenarum vectigalia. Cette rerre a plusieurs droits de champages & d’avenages.

AVENANT, ANTE. adj. Qui a bonne grâce & bon air. Aptus, concinnus. C’est un homme fort avenant, qui est bien reçu par-tout. Cette femme est extrêmement avenante. Il n’est que du style familier.

Avenant. s. m. Vieux mot. Mérite, prix, valeur. Poës. du Roi de Nav.

Avenant, ou A l’avenant. adj. formé d’un gérondif du verbe avenir. Si accidat, si contingat. Le cas avenant de la vacance, de la mort. Style de contrats & d’actes publics.

Il signifie aussi, rapport, convenance. Il dépense beaucoup, mais il gagne à l’avenant, à proportion. Æquâ proportione. Style de conversation bourgeoise.

Avenant, en termes de Coutume, est la légitime & contingente portion du patrimoine auquel une fille peut succéder ab intestat. Legitima patrimonii portio quæ ad puellam pertinet. Le plus que l’avenant est la quatrième partie de ladite portion que les père & mère nobles, avant le mariage de leur fils aîné, peuvent donner en faveur de mariage, ou autre don de noces, à leur fille aînée, ou autre premièrement mariée. Ragueau. On appelle en Normandie, mariage avenant, la portion, & la légitime d’une fille, qui montre d’ordinaire au tiers de la succession paternelle & maternelle pour toutes