Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 1/631-640

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Fascicules du tome 1
pages 621 à 630

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 1, pages 631 à 640

pages 641 à 650



les filles ensemble. Art. 249 de la Coutume de Normandie.

AVENAY. ville de France. Avenacum, Avenæum. Elle est en Champagne, près de la Marne, au midi de Reims.

AVENCHE. Voyez Avanche.

AVÉNEMENT. s. m. Venue, arrivée. Adventus. ☞ Il ne se dit guère que pour désigner le temps auquel Jésus-Christ a paru sur la terre, & celui où il doit venir juger les hommes. Premier, second avénement du Messie. Les Juifs sont encore dans l’attente de l’avénement du Messie & de son règne temporel. Les Chrétiens attendent de second avénement de Jésus-Christ, quand il viendra juger les vivans & les morts. Les Prophètes avoient prédit deux avénemens de Jésus-Christ ; l’un dans l’humilité, & l’autre dans l’éclat. Nicol.

Avénement, se dit aussi du temps où les Princes parviennent à la couronne, de celui où ils prennent possession de leurs Etat. Regni, Principatûs initia. L’avénement de Tibère à l’Empire fut signalé par le meurtre d’Agrippa. Ablanc. Tous les corps payent un certain droit au Roi pour son joyeux avénement à la Couronne. Plusieurs Communautés font renouveler leurs priviléges par les Rois, au temps de leur joyeux avénement. Les Evêques exigeoient autrefois des présens à leur joyeux avénement. Le Pape accorde ordinairement un Jubilé pour son avénement au Pontificat.

AVENIR. v. n. Arriver vaut mieux : se dit de l’événement des choses ; de ce qui en peut arriver. Evenire, contigere. Je veux pousser cette affaire, quoiqu’il en puisse avenir. S’il vous avient jamais de retomber en faute, vous en serez châtié. Il est avenu tout le contraire de ce qu’on lui avoit prédit. S’il avient que je meure, ce sera d’amour. Gom. Il ne se conjugue que dans les troisièmes personnes.

AVENU, UE. part. Quod evenit, contigit. Il faut attendre que le cas soit avenu, avant que de faire cette demande. On dit au Palais, il faut regarder cette procédure comme non fait, & non avenue.

AVENIR. s. m. Temps futur, qui n’est pas encore présent. Futurum. Dieu, à qui l’avenir est présent, voyoit, &c. Peliss. Il seroit indigne de dieu, de se servir de signes aussi vagues, & aussi obscurs que le sont ceux que l’on débite pour des présages de l’avenir. Bayl. Comme le souvenir du passé donne du plaisir, l’espérance de l’avenir en donne aussi. M. Scud. C’est un effet de la Providence de dieu, de nous avoir caché nos maux, & de nous développer notre pénitence peine à peine, de peur que nous soyons rebutés. Il ménage nos craintes, & il épargne à notre foiblesse la connoissance importune d’un fâcheux avenir. Flech. La connoissance de l’avenir est réservée à Dieu. Les sciences qui prédisent l’avenir, sont toutes vaines & sans fondemens. Les Lois n’ont de force que pour l’avenir, & non point pour le passé. Dans le sombre avenir je ne vois pas trop clair. Bens. Nous ne nous tenons jamais au présent : nous anticipons l’avenir, comme trop lent, & pour le hâter ; & nous rappelons le passé pour l’arrêter comme trop prompt. Pasc. La curiosité insatiable de savoir l’avenir, a fait inventer une infinité de manières de divination toutes chimériques, dont les hommes n’ont pas laissé de se payer. Bayl. Pourquoi fouiller dans l’avenir pour se rendre malheureux. Port-R. Il y a de l’imprudence à hasarder l’avenir pour le présent. S. Evr. L’idée de la mort l’afflige d’autant plus, qu’elle ne lui laisse voir qu’un long avenir derrière un rideau, qui redouble ses inquiétudes. Abad. Le passé est un abîme qui engloutit toutes choses, & l’avenir est un autre abîme impénétrable. L’avenir s’écoule dan le passé. Nicol.

Le regret du passé, la peur de l’avenir,
Le chagrin du présent, penser qu’il faut finir ;
Ce sont les beaux présens que nous fait la raison.

S. Evr.
.

Vaines réflexions ! inutiles discours !
L’homme malgré votre secours,
Du frivole aveir sera toujours la dupe.

Des-Houl
.

Avenir, se dit quelquefois des personnes avenir, les hommes des siècles futurs, la postérité. Ainsi dans un sonnet aux officiers François qui servoient un Prince étranger, on a dit :

L’incrédule avenir refusera de croire
Qu’après avoir servi sous le plus grand des Rois,
Vous ayez lâchement abandonné ses lois,
Pour suivre des drapeaux qu’abhorre la victoire.

Oui, du malheur public s’en prenant à ton nom,
Le sévère avenir demandera raison.

Le P. Chomel. J.

Tout l’avenir dira, regrettant le repos
Que viendra lui ravir la fureur des Héros ;
Louis toujours vainqueur pendant dix ans de guerre,
Fit bien plus en calmant, qu’en soumettant la terre.

Avenir. Terme de Palais, assignation, ou acte qu’on signifie à une Procurent de partie adverse, pour se trouver à l’audience pour venir plaider. In jus vocation denuntiatio vadimonii. Il y a avenir précis à ce jour pour plaider. Donner, faire signifier un avenir.

A l’Avenir. Façon de parler adverbiale, qui signifie, désormais. Vous en userez à l’avenir comme il vous plaira. Ne faites plus cela à l’avenir. Acad. Fr.

AVENT. s. m. Le temps qui précède la fête de Noël. Il dure quatre semaines. Le premier dimanche de l’Avent est un dimanche de la première classe. Les Religieux & les personnes de piété jeûnent l’Avent comme le Carême. On ne marie point durant l’Avent sans dispense. Dans les premiers siècles de l’Eglise on jeûnoit pendant l’Avent trois fois la semaine, le lundi, le mercredi & le vendredi. Il est parlé de ce jeûne dans le neuvième Canon du Concile de Mâcon, tenu en 581. Mais il étoit en usage dès auparavant dans l’Eglise romaine, & même dans l’Eglise de France, où l’on prétend que Rupert, Evêque de Tours, l’introduisit. Quelques-uns croient que le Concile de Mâcon ne le prescrit qu’aux Clercs. Ensuite on jeûna tous les jours. Ce jeûne commençoit depuis la fête de S. Martin ; c’est pour cela qu’on l’appeloit le Carême de S. Matin. Les Capitulaires de Charlemagne nous apprennent aussi qu’on faisoit dans le IXe siècle un jeûne de quarante jours avant Noël. Les Clercs y ayant été obligés, comme nous l’avons dit, les personnes pieuses entre les laïques les imitèrent. La coutume s’en introduisit, & l’usage & la pratique en firent une loi. Cependant Amalarius témoigne dans le IXe siècle que cette pratique ne regardoit que les personnes pieuses. En 1270, Urbain V, au commencement de son pontificat, en fit une loi pour les Clercs de la cour romaine. L’Avent n’a pas toujours commencé au même temps. Dans l’office ambrosien il y a six dimanches de l’Avent, & le premier est celui qui suit la fête de S. Martin. S. Grégoire, dans son Sacramentaire, met cinq dimanches, qu’il appelle dimanches d’avant Noël, & qui sont comme les dimanches de l’Avent ; & l’on trouve que l’Avent est quelquefois appelé simplement Carême, Quadragesima, comme dans la vie de S. Dominique l’Enquirassé. On appelle aujourd’hui première semaine de l’Avent, celle par où l’Avent commence, & qui des quatre qui le composent est la plus éloignée de la fête de Noël. Nous apprenons d’Alamarius & de S. Grégoire, dans son Sacramentaire, qu’autrefois c’étoit tout le contraire, & que l’on appeloit première semaine de l’Avent, celle qui est la plus près de la fête de Noël, & qu’on appelle aujourd’hui la dernière. Aujourd’hui, dans toute l’Eglise romaine, l’Avent n’a que quatre dimanches, & le premier est le dimanche le plus proche de la S. André. Dans l’Eglise grecque il commence le 14 Novembre ; ce qui revient à l’ancienne pratique de le commencer à la S. Martin.

En parlant du temps de l’Avent, on dit aussi au pluriel, les Avents, la saison des Avents, les Avents de Noël. Ainsi la Quintinie dit ; les chasselas se maintiennent pour la plûpart au-delà de la saison des Avents. Il faut planter aux Avents.

☞ Toutes ces façons de parler me paroissent mauvaises, & je les crois plus en usage parmi le peuple, que parmi les honnêtes gens.

☞ Prêcher l’Avent, c’est prêcher pendant l’Avent. C’est un tel prédicateur qui prêche l’Avent. On dit de même jeûner l’Avent.

Avent, signifie aussi les Sermons qu’un prédicateur prêcher pendant l’Avent, & le livre qui contient ces Sermons, soit manuscrits, soit imprimés. L’Avent du P. Bourdaloue m’a coûté tant. L’Avent du P. Texier est intitulé, l’Impie malheureux : celui de Biroat, la condamnation du monde. C’étoit assez la coutume au commencement du dernier siècle, de faire tous les Sermons de l’Avent sous une seule idée, telle que les deux que l’on vient d’indiquer ; des les rapporter tous à cette idée, desorte qu’ils fissent un corps de sermons suivis & tendans tous au même but. Cette coutume a passé.

ADVENTICE. adj. Voyez Adventif.

AVENTIERS. adj. m. pl. on appelle en termes de Jurisprudences, biens aventiers, les biens qui procèdent de succession autre que celle des ascendans ; c’est la même chose qu’adventif, ou adventice.

AVENTIN. s. ou adj. m. Le mont Aventin. C’est une des sept montagnes de la ville de Rome. Mons Aventinus. C’est sur le mont Aventin que Romulus & Rémus prirent l’augure qui décida lequel des deux seroit le fondateur de Rome, & lui donneroit son nom. L’Aventin s’appelle aujourd’hui le Mont de Sainte Sabine, du nom d’une église qu’on y a bâtie.

☞ AVENTURE. Tout ce qui arrive aux personnes, soit que les choses viennent inopinément, soit qu’elles soient la suite d’une intrigue. Casus, fortuna.

Ce mot, dit M. l’Abbé Girarg, marque quelque chose qui tient plus du bonheur que du malheur. Il semble aussi que le hasard a plus de part dans l’idée d’aventure & d’accident, que dans celle d’événement. Il est peu de gens qui aient vécu dans le monde sans avoir eû quelque aventure bizarre. Les bonnes fortunes des jeunes gens sont des aventures. Voyez Événement, Accident.

Accident, se dit aussi de ces accidens surprenans & extraordinaires, qui sont souvent de pures imaginations, ou des entreprises hasardeuses, extraordinaires, merveilleuses, mêlées de magie ou d’enchantements, comme celles des Romans de Chevalerie. Il y a des gens qui sont sujets à trouver des aventures, & certains esprits romanesques qui courent après les aventures. Dom Quichote a voulu imiter les anciens Paladins, qui alloient chercher les aventures. L’Amadis est tout plein d’aventures périlleuses, surprenantes.

Dans ce sens on dit d’un homme qui aime les entreprises extraordinaires, qu’il aime les aventures, qu’il court après les aventures.

On dit d’une femme qui a fait parler d’elle par ses galanteries, que c’est une femme à aventures.

On fait de cent beautés les tristes aventures ;
Et l’empire amoureux est tout plein de parjures.

M. de la Suze.

Une aventure galante ne le touche point, à moins qu’elle ne soit assaisonnée de danger & de crainte. S. Evr. Les Portugais sont si superstitieux, qu’ils couvrent toutes les images de leurs chambres avant que d’achever une aventure amoureuse. Inq. de Goa. Il arrive souvent qu’à la lecture d’un roman, les filles se passionnent pour des intrigues, & des aventures chimériques. Fenel.

On dit, mettre de l’argent à la grosse aventure ; pour dire, le mettre à profit sur le négoce de mer, & sur la quille du vaisseau, au hasard de le perdre, si le vaisseau est pris ou fait naufrage. Le bureau des assurances répond de la grosse aventure. Voy. Assurance. (chambre d’).

☞ On dit, dire la bonne aventure, prédire par la chiromancie, ou de quelque façon que ce soit, ce qui doit arriver à quelqu’un.

☞ Quelquefois par aventure, on entend simplement hasard. C’est une grande aventure, si je n’en viens pas à bout.

A l’Aventure, au hasard, sans réflexion, sans dessein. Temerè, inconsultò, inconsideratè.

Errer à l’aventure, c’est marcher sans dessin, & sans savoir où l’on veut aller. C’est être imprudent, que de mettre tout à l’aventure, de faire tout à l’aventure ; c’est-à-dire, sans réflexion. Chacun a la liberté de dire à l’aventure tout ce qu’il pense. Pasc. Combien a-t-on vu de Ministres étourdis gouverner des Etats à l’aventure ? Balz. La plûpart des gens n’ont point de principes & vivent à l’aventure. La Bruy. Un baiser bien souvent se donne à l’aventure. La Sabl. d’aventure, par aventure ; phrases adverbiales, qui signifient par hasard. Fortè, fortuitò. Si d’aventure, ou par aventure il arrivoit ; c’est--à-dire, si le hasard vouloit que cela arrivât. Ces deux derniers sont du style badin & burlesque. Réfl.

On appelle aussi, mal d’aventure, un mal qui vient au bout des doigts, avec une inflammation & abcès, lorsqu’on s’est piqué. Paronychia. Il est fort différent du panaris, quoiqu’il vienne au même endroit. Voyez Panaris.

AVENTURER. v. a. Risquer, mettre au hasard, à l’aventure. Fortune committere, objicere. Il a aventuré sa fortune dans cette affaire. Cet argent est bien aventuré. On le dit souvent avec le pronom personnel, vous vous aventurez trop. Ce Capitaine s’est bien aventuré, d’entrer si avant dans le pays ennemi. Il n’est pas du style noble.

AVENTURÉ, ÉE. Qui est en danger d’être perdu. Quod in periculo est. Le diamant est bien aventuré. R. Caff. Coméd. Affaire aventurée.

Une dame aventurée au jeu de trictrac, est une dame qu’on avance d’abord beaucoup, sans être assuré de pouvoir la couvrir promptement. L. S.

AVENTUREUX, EUSE. adj. Qui s’aventure, qui s’expose témérairement au péril. Ad audendum projectus. Qui temerè fortune se committit. Je craint les guides aventureux. Le P. Tournemine. Ce soldat est fort aventureux. ☞ Ce terme vieillit, dit l’Académie. On peut bien le regarder comme vieux & suranné.

☞ AVENTURIER. s. m. Qui cherche les aventures, les occasions de la guerre, sans être attaché à aucun corps. On donnoit ce nom sous Louis XII & François I, à une sorte d’infanterie françoise fort mal habillée ; mais qui pour cela n’en étoit pas moins brave. elle fut soumise par François I, au Colonel général de l’infanterie. D’abord elle n’avoit point de solde, mais on lui fournissoit les étapes dans le royaume, & vivoit en pays ennemi du butin qu’elle y pouvoit faire. On la soumit enfin à la discipline militaire. On en voyoit encore sous Henri IV, mais il n’en a point paru depuis. Note sur Cl. Marot.

☞ Dans le discours familier, on le dit parmi nous d’un jeune homme qui cherche à plaire à toutes les femmes, sans s’attacher à aucune. C’est un jeune aventurier qui ne s’attache à rien, & qui se donne à tout. Vagus, circumforaneus amator.

Aventurier, signifie plus ordinairement parmi nous, un homme sans fortune, qui vit d’intrigues. C’est ce qu’on appelle autrement chevalier d’industrie. Alienâ vivere quadrâ peritus.

☞ Dans le commerce, ce terme désigne des gens sans qualité, qui s’intriguent dans les affaires. Défiez-vous de lui, c’est un aventurier. Se immiscere.

☞ On donne encore le nom d’aventurier à certains coureurs de mer, qui piratent sur les mers de l’Amérique, & qu’on appelle autrement, Flubustiers & Boucaniers. Voyez ces mots.

☞ En Angleterre on appelle aventuriers, les actionnaires des compagnies formées pour l’établissement des colonies.

☞ AVENTURIÈRE. s. f. Aventurière & femme qui vit d’intrigues, sont termes synonymes.

AVENTURINE. s. f. Pierre précieuse, jaunâtre, parsemée de plusieurs points d’or qui lui donnent un brillant admirable. Il y en a aussi de couleur d’olive. On en trouve de fort grands morceaux dans la Bohème & dans la Silésie.

Aventurine artificielle. C’est une sorte de verre mêlé avec de la limaille de cuivre, qui y éclate comme de petits grains d’or. Ce nom lui a été donné, parce que le secret en a été trouvé par aventure. ☞ Le hasard ayant fait tomber quelque limaille de cuivre dans le fourneau d’un verrier qui tenoit du verre en fusion, il y remarqua, quand la vitrification fut refroidie, des paillettes brillantes, dorées, qui donnoient à la masse un coup d’œil fort agréable. Les émailleurs s’en servent pour leurs ouvrages.

AVENUE. s. f. Passage pour aborder en quelque maison, en quelque ville. Aditus, introïtus. Les Archers ont occupé toutes les avenues de la maison pour prendre ce criminel. La cavalerie se saisit de toutes les avenues d’une place pour la bloquer ; elle occupe, elle bouche tous les passages. Le Général s’est emparé de toutes les avenues, & les a fait fermer par des retranchemens.

Avenue, est aussi une allée d’arbres plantés en étroite ligne, qui conduit à une maison de plaisance. Aditus ductis arboribus ad lineam consitus. Les avenues de Versailles, de Vincennes, &c. Voilà de belles avenues d’ormes.

Avenue, se dit figurément en choses morales, de l’entrée dans le monde, dans les charges, les emplois, de la route qui y donne entrée. Aditus. On crut devoir commencer à faire entrer Bernard dans le monde, toutes les avenues s’en ouvroient pour lui. Villef. Mauvaise locution.

AVEO. Voyez Abydos. C’est le nom qu’on lui donne aujourd’hui.

AVER. adj. Vieux mot. Avare.

Fols sont les avers & les chiches.

On dit aussi au féminin avère.

De leur avère hypocrisie.

AVERAT. s. m. Espèce de poire, autrement nommée robine. Voyez ce mot.

AVÉRER. v. a. Vérifier, prouver la vérité d’un fait. Explorare, probare, testari, evincere, demonstrare. On a tant fait de recherches, qu’on a avéré le crime dont il étoit accusé. C’est un fait qu’on ne peut avérer.

C’est un point délicat, & de pareils forfaits
Sans les bien avérer, ne s’imputent jamais.

AVÉRÉ, ÉE. part. Quand une partie ne veut pas prêter l’interrogatoire sur des faits à elle signifiés, l’Ordonnance veut que les faits soient tenus pour confessés & avérés. Exploratus, perspectus, compertus. Ce mot vien du latin verus véritable.

AVERNE. s. m. Terme poëtique, qui signifie l’enfer. Avernus.

Mais laissons aux Royaumes sombres
Errer la cohorte des ombres ;
Ne parlons point de Phlégéton,
Ni d’Averne, ni de Pluton. M. le Duc de Nevers,

dans les Divertissemens de Seaux,

Ce mot est tiré d’un lac d’Italie proche de Bayes, & d’un golfe que Strabon appelle Lucrinus lacus : il vient du grec ἄορνος, qui signifie avibus carens. Les Géographes Italiens l’appellent Lagidi Tripergola. Les Anciens croyoient que les vapeurs qui s’élevoient de ce lac, étoient si malignes, qu’elles étoient mortelles aux oiseaux qui passoient dessus ; ce qui, joint à sa profondeur, a donné lieu de croire que c’étoit une entrée de l’enfer. Vibius Sequester dit qu’il étoit d’une profondeur immense, qu’on n’y trouvoit point le fond, immensæ altitudinis, cujus ima pars apprehendi non potest. Lucain, Liv. II. v. 668, fait entendre la même chose, quand il dit qu’une haute montagne y seroit engloutie. ☞ C’est une exagération, puisqu’on a trouvé le fond avec une corde de quarante toises de longueur.

AVERRUNCUS. s. m. Averruncus. Dii Averrunci. C’étoit un ordre des Dieux chez les anciens Romains, ainsi appelés, parce que leur office étoit de détourner (avercuncare) les maux. Les Grecs appeloient ces sortes de Dieux, Ἀλεξίκακοι, ou bien Ἀποπομπαῖοι, & leur fête Ἀποπομπή ; ou enfin Ἀποτρόπαιοι. Voyez ci-dessus Apotropéen. Les Egyptiens avoient aussi leurs Dieux Averrunques, ou Averrunci, & ils les représentoient avec un visage & un geste menaçant, ou bien avec des fouets, ou des crocs à la main, &c. Isis étoit une Divinité de cette espèce, comme le P. Kirker le montre. Il y a des statues qui les représentent debout, d’autres à genoux, quelques-uns avec des têtes d’animaux, ou monstrueuses, d’autres avec des têtes humaines. Voyez le P. Kirker, Œd. Ægypt. Tom. III. pag. 487. & suiv.

AVERS. Averia. Terme de Coutume. C’est ainsi qu’on appelle en Normandie les animaux domestiques, & en Dauphiné les bêtes à laine. Voyez Basnage sur la Coutume de Normandie.

Cowel croit que ce mot pourroit bien venir du mot François avoir.

AVERS. Vieux mot. En comparaison. Les Anciens appeloient aussi Les Avares Avers. Gloss. des Poes. du Roi de Nav.

AVERSE. Voyez Adverse.

AVERSE. s. f. Ville du royaume de Naples. Aversa. Elle est dans la terre de Labour, entre Capoue & Naples. Ce nom signifie contraire, opposée, ennemie, & il lui fut donné, parceque Robert Guichard, Duc de la Pouille & de Calabre, la fit bâtir dans le douzième siècle, pour l’opposer à Naples.

A-VERSE. façon de parler adverbiale, qui ne se dit qu’en cette phrase, il pleut à verse ; pour dire, il pleut abondamment.

En termes de Jardinage & dans le discours familier, on en fait aussi un substantif féminin. Averse d’eau se dit d’une grande quantité d’eay de pluie survenue tout d’un coup par quelque orage. Pluvia vehementior. Il survint de si grandes & de si fréquentes averses d’eau, que tout paroissoit être devenu un étang. La Quint. ☞ Le mot d’eau est de trop. On dit simplement une averse. Ordinairement on dit, de si grandes agastes d’eau. Voyez Avalaison, Avalasse.

AVERSION. s. f. ☞ Haine conçue contre les personnes, ou contre les choses, & qui a sa source dans le tempérament ou dans le goût naturel. Aversatio, alienus animus, aversus. Témoigner une aversion étrange contre quelqu’un. Rochef. Prendre quelqu’un en aversion. Arn. Je ne saurois souffrir cet homme-là ; j’ai trop d’aversion pour lui, il m’a trop offensé. Le crime trouve moins d’aversion quand il est conduit avec adresse. S. Evr. Ceux que la passion d’être aimés rend si sensibles à l’aversion, l’attirent d’ordinaire par cette délicatesse incommode. Nicol. Il ne faut par proposer la vérité d’une manière chagrine, qui attire sur elle la haine & l’aversion des hommes. Port-R. Il n’y a point d’animaux plus farouches, que ceux qui font profession de mépris & d’aversion pour tout le genre humain. S. Evr.

Aversion, signifie aussi antipathie. Naturalis repugnantia. Il y a des gens qui ont une aversion naturelle pour les roses. On pardonne l’aversion qu’on a pour les serpens, pour les choses nuisibles. ☞ Antipathie conviendroit mieux dans ces phrases.

☞ L’aversion & l’antipathie, dit M. l’Abbé Girard, sont moins dépendantes de la liberté que la haine, & paroissent avoir leur source dans le tempérament & dans le goût naturel ; mais avec cette différence que l’’aversion a des causes plus connues.

☞ Les défauts que nous avons en horreur, & les façons d’agir opposées aux nôtres, nous donnent de l’aversion pour les personnes qui les ont ; elle ne cesse que lorsque ces personnes changent & s’accommodent à notre esprit & à nos mœurs, ou que nous changeons nous-mêmes, en prenant leurs inclinations.

☞ L’aversion fait qu’on évite les gens, & qu’on en regarde la société comme quelque chose de fort désagréable. Voyez Antipathie.

Aversion, en Médecine, action de détourner les humeurs vers une partie opposée, voit par révulsion, dérivation, ou répulsion. Aversio.

AVERTAIN. s. m. & nom propre d’homme. Albertanus. Zégers de Paul, Carme, a écrit en latin la vie du Bienheureux Avertain, qu’un autre Carme avoit composé en italien. Le Bienheureux Avertain étoit Limousin. Il mourut à Lucques au XIVe siècle, dans un voyage qu’il fit pour visiter les saints lieux de Rome.

AVERTIN. s. m. maladie d’esprit qui rend opiniâtre, furieux, ou emporté. Morositas. Quand son avertin le prend. ☞ Ce mot est vieux & hors d’usage.

C’est aussi une maladie des bêtes à corne & des brébis, causée par l’ardeur du soleil, principalement dans le mois de Mars, & qui leur offense tellement le cerveau, qu’ils sont tout étourdis, & ne font que tourner & sauter sans vouloir manger. Vertigo. L’avertin se guérit en faisant boire à l’animal du suc de bette, & lui faisant manger des feuilles de cette herbe, ou bien en lui faisant couler dans l’oreille du jus d’orvale. De Serres.

Ce mot vient de vertigo, qui signifie trouble d’esprit. Borel le dérive de ver, ou de avertere.

On dit proverbialement des enfans qui sont criards & mutins, qu’il les faut vouer à S. Avertin.

AVERTINEUX. s. m. Qui est attaqué de la maladie qu’on nomme avertin, c’est-à-dire, de la frénésie, car ces deux mots sont synonymes.

Quand on dit que S. Acaire guarissoit les acariâtres, je ne doute point qu’on n’ait regardé à l’origine de son nom. Autant est-il de S. Avertin qui guarit les avernaux, cousins germains des acariâtres. Pour le moins on dit que saint Avertin guarit tous maux de tête, desquels nous savons le plus grand être en ceux qu’on appelle avertineux. Apol. pour Hérodote, chap. 38, art. 7, tom. 3, p. 41 & 42 de l’édit.de la Haie 1735.

Nicot, Monet, & Cotgrave, non contens d’avoit mis avertineux dans leurs Dictionnaires, ont dit aussi s’avertiner, pour entrer en fureur, s’opiniâtrer. Voilà donc deux mots bannis en même temps de notre langue. Voyez Vertigineux.

AVERTIS. v. a. Apprendre à quelqu’un une chose qu’il lui importe de savoir, que nous ne voulons pas qu’il ignore ou qu’il néglige. Admonere. Cet espion avertit de tout ce que les ennemis entreprennent. Il faut l’avertir sans cesse de penser à ses devoirs. Un ami qui nous avertit judicieusement de nos fautes, est un bien inestimable. S. Evr. Les grands admirateurs sont de si sottes gens, qu’ils ont souvent besoin qu’on les avertisse quand il faut rire. Id. La mort qui nous avertit tous les jours du peu de temps que nous avons à jouir des biens fragiles du monde, ne modère point nos empressemens. P. Gail.

On dit en général qu’un homme est bien averti ; pour dire, qu’il est bien informé de ce qui se passe.

AVERTI, IE. part. Admonitus.

On appelle au Manége, un pas averti, ou un pas écouté, celui qui est réglé & soutenu, un pas d’école.

On dit en proverbe, qu’un averti en vaux deux ; pour dire, qu’un homme instruit, a un grand avantage, & qu’il est dangereux d’attaquer un homme qui est sur ses gardes. Avertir quelqu’un de son salut ; pour dire, lui apprendre une chose qui décide de toute sa fortune.

Avertir un cheval. Terme de Manégé. C’est le réveiller au moyen de quelques aides, lorsqu’il se néglige dans son exercice.

☞ AVERTISSEMENT. s. m. Admonitio. Instruction qu’on donne à quelqu’un pour réveiller son attention, pour lui apprendre des choses qu’on ne veut pas qu’il néglige. Ce mot vient du latin advertere, considérer. L’avertissement étant fait pour dissiper le doute & l’obscurité, il doit être clair & précis. Il a moins de rapport aux mœurs & à la conduite qu’avis & conseil. On dit des avertissemens, qu’ils sont nécessaires ou superflus.

Avertissement, est aussi le titre qu’on donne à une espèce de petite préface qu’on met à la tête d’un livre pour avertir le lecteur de quelque chose.

Avertissement, signifie aussi, pressentimens, avant-coureurs. La lassitude ou la pesanteur des membres, est un avertissement de quelque maladie.

☞ On dit familièrement, en parlant d’un accident ou de quelque chose qui peut servir à faire qu’on se tienne sur ses gardes, que c’est un avertissement au lecteur.

Avertissement, en termes de Palais, signifie les premières écritures qui servent à l’instruction d’un procès, pour déduire le fait & les moyens de droit. Il n’a pas encore communiqué son avertissement. Requête d’avertissement. Avertissement en droit que met & baille par-devant vous, &c.

Avertissement, se dit aussi d’une petite signification en papier timbré que les Receveurs de la Capitation envoient à ceux qui n’ont pas encore payé.

Avertissement, avis, conseil, considérés comme synonymes. Voyez au mot Avis les nuances qui les distinguent.

AVERTISSEUR. s. m. Celui qui avertit. Montagne. Il se dit particulièrement d’un Officier chez le Roi, qui avertit lorsque le Roi vient dîner. Admonitor, monitor. Il y a des Etats de la Maison du Roi qui en marquent deux qui servent par sémestre. Ces Officiers servent lorsque le Roi est en campagne.

AVES. Roi d’Aves. ☞ Corneille nomme ainsi la rivière que les Portugais nomment Roi d’Aves. Voyez Ave.

L’Îl d’Aves, ou des Oiseaux. Avium insula. Il y en a trois de ce nom. L’une est dans la mer du Nord, parmi les Antilles de Sotto Vento. La multitude des oiseaux qui s’y trouvent, lui a valu ce nom. La seconde est dans l’Archipel des Antilles, à l’ouest de la Guadaloupe. La troisième est dans l’Océan oriental, entre les îles des Larrons & la terre des Papous.

AVÉSA, AVÉSE. Petite rivière du duché d’Urbin, en Italie. Avesa, Aprusa. Elle a sa source au mont Saint Marino, traverse une partie de la Romagne, & se jette à Rimini dans le golfe de Venise.

AVESNE. Ville du Hainaut, aux Pays-Bas. Avenne. Elle est sur la rivière d’Hespres, entre Maubeuge & Landreci.

Avesne-le-Comte, est une autre ville de l’Artois, qui a eu titre de Comté. Avennæ Comitis, ou Comitatus.

Elle est voisine de la Picardie, du côté de Dourlens.

AVESPREMENT. s. f. Vieux mot. Le soir.

☞ AVESPRER. Vieux verbe neutre. Commencer à faire nuit. Advesperascere.

AVETTE. s. f. Vieux mot, qui signifie la même chose qu’Abeille. Ce mot vient de apicula.

☞ AVEU. s. m. Reconnoissance verbale, ou par écrit, d’avoir dit ou fait quelque chose. Confessio. L’aveu suppose souvent l’interrogation. On avoue ce qu’on a eu envie de cacher. La question fait avouer le crime. Un aveu qu’on ne demande pas, a quelque chose de noble ou de sot selon les circonstances, & l’effet qu’il doit produire. C’est manquer d’esprit, d’avouer sa faute sans être assuré que l’aveu en sera la satisfaction ; & c’est une sottise d’en faire la Confession sans espérance de pardon. Syn. Fr. Voyez Confession.

☞ Il se dit aussi du témoignage qu’on rend de ce qu’un autre a dit ou fait. C’est lui qui a le mieux fait, de l’aveu de tout le monde. Ac. Fr.

Aveu, signifie aussi, approbation, ou consentement donné par un supérieur à ce qu’un inférieur a fait, ou a dessein de faire. Approbatio, comprobatio. Il n’a rien fait que par l’aveu du Roi, ou de l’aveu de son pere. Il a l’aveu de ses parens pour ce mariage.

Aveu, en termes de Palais, signifie reconnoissance, ou acte qu’on est obligé de donner au Seigneur de fief, quarante jours après qu’on a fait la foi & hommage, contenant un dénombrement en particulier de toutes les terres qu’on avoue tenir de lui. Clientelaris juris professio. On le joint ordinairement avec le mot dénombrement. Il faut donner à la Chambre des Comptes un aveu & dénombrement de toutes les terres qu’on tient du Roi. Par la Coutume de Paris un aveu & dénombrement doit être blâmé dans les quarante jours après qu’il est donné, autrement il est reçu. En Normandie l’aveu peut être blâmé dans les quarante ans. Les aveus ne font preuve qu’entre ceux qui les donnent, ou qui les reçoivent.

On appelle communément un homme sans aveu, un vagabond, qui n’a ni feu, ni lieu, & qui n’a personne de qui il se réclame. Vagabundus. Les Ordonnances veulent que les Prévôts se saisissent des Bohémiens, vagabons, & gens sans aveu, & qu’ils les envoient aux galères.

AVEUER, ou AVUER. v. a. Terme de chasse, qui signifie, bien voir & discerner la perdrix au partir qu’elle fait, la suivre de l’œil. On dit encore, pointer l’œil, & choisir bien.

Ce mot vient de vue, qui vient de visus, videre.

AVEUGLE. adj. & s. m. & f. Qui est privé de la vue. Cœcus, oculorum sensu, vivendi sensu carens. Homme aveugle. Femme aveugle. Si un aveugle mène l’autre, ils tomberont tous deux dans la fosse.

On a vu à Paris un aveugle qui étoit excellent Organiste, qui discernoit fort bien toutes sortes de monnoies & de couleurs, & qui étoit bon joueur de cartes. On en a vu encore ailleurs. Aldrovandus nomme un Sculpteur qui devint aveugle à vingt ans, & qui dix ans après, fit une statue de marbre qui ressembloit parfaitement à Cosme II, Grand Duc de Toscane, & une d’argile qui ressembloit à Urbain VIII. Bartholin parle d’un Sculpteur aveugle en Danemarc, qui discernoit au simple toucher toute sorte de bois & de couleurs. Le Père Zahu de l’Ordre de Prémontré, a rapporté plusieurs exemples de choses difficiles faites par les aveugles, dans un livre publié en 1685, intitulé, Oculus artificialis. L’Auteur de l’ambassade de D. Garcie de Silva Figuéroa en Perse, rapporte qu’il y a certains lieux dans ce Royaume où l’on trouve un grand nombre d’aveugles de tout sexe & de tout âge, à cause de certaines mouches qui piquent les yeux, les lèvres, qui entrent dans les narines, & dont il est impossible de se garantir.

Ménage dérive ce mot de aboculus, ou abocellus, c’est-à-dire, sine oculis, comme amens, sine mente : ce sont des mots de la basse latinité.

On appelle aveugle-né, celui qui est aveugle en naissant. Jésus-Christ guérit l’aveugle-né.

On nomme à Smyrne des tapis aveugles, les grands tapis qui se vendent au pic, lorsque le travail ne rend pas bien le dessein.

Aveugle, en termes de Chimie, se dit des vaisseaux bouchés qui n’ont qu’une ouverture d’un côté, & point d’issue par l’autre. Ainsi on dit, un alembic aveugle. On appelle aussi un tuyau aveugle, celui qui est bouché par le haut. En Anatomie on appelle trou aveugle, la troisième cavité qui est dans l’oreille, qui est faite comme une coquille d’escargot, parce qu’elle est sans bout & sans issue. On l’appelle autrement labyrinthe. Il y a aussi un des intestins que les Médecins appellent aveugle, ou cœcum : c’est le premier qu’on appelle gros intestin. A la guerre il y a des grenades qu’on appelle aveugles. Voyez Grenade.

Aveugle, se dit en Chirurgie dans le même sens qu’en Chimie. Une canule dont le bout étoit aveugle, plus gros que de coutume, & percé de quantité de petits trous autour de la longueur. Littre, Acad. 1702. Mém. p. 258.

Aveugle, se dit dans le sens figuré, de ceux chez qui la passion offusque la raison, & empêche les fonctions de l’entendement : il se dit aussi de la passion même. L’homme est aveugle pour ses défauts, & clairvoyant pour ceux d’autrui. Les Dieux devroient être sourds aux aveugles souhaits. La Font. On est si partial, & si aveugle pour soi-même, que l’on blâme avec emportement dans les autres, des choses que l’on pratique tranquillement. S. Evr. Ceux que la Religion sépare, se regardent mutuellement comme des aveugles, & déplorent sans cesse l’égarement l’un de l’autre. Fonten. En entrant dans le cloître, il faut faire plier sa volonté sous le joug d’une obéissance aveugle.

Quelle aveugle fureur vous arme contre moi ?

Racine.

A mon aveugle amour tout paroît légitime. Id.

☞ On dit communément que le sort est aveugle, que la fortune est aveugle ; pour dire, qu’elle favorise des personnes indignes de ses faveurs. La fortune ne paroît jamais plus aveugle qu’à ceux à qui elle ne fait point de bien. Si l’art ne prend loin de conduire la nature, c’est une aveugle qui ne sait où elle va. Boil.

☞ Obéissance aveugle, obéissance entière aux ordres d’un supérieur.

Aveugle, se dit proverbialement en ces phrases. Un aveugle sans bâton ; c’est un homme qui n’a pas ce qui lui est le plus nécessaire:& en ce sens on dit, crier comme un aveugle qui a perdu son bâton. On dit, qu’au royaume des aveugles, les borgnes sont Rois ; pour dire, qu’avec des talens médiocres, on brille parmi des gens qui n’en ont point. C’est ce que dit à peu-près Sénèque, ep. 48. Navis quæ in flumine magna est, in mari parvula. Deroch. On dit que pour faire un bon ménage, il faut que l’homme soit sourd, & la femme aveugle ; pour dire, que la femme ne s’offense point des défauts de son mari, ni son mari des crieries de sa femme. On dit d’une chose facile à découvrir, qu’un aveugle y mordroit. On dit, que l’amour & la fortune sont aveugles, parce qu’ils favorisent souvent ceux qui le méritent le moins. On dit, il a changé son cheval borgne contre un aveugle ; pour dire, qu’on a perdu au change, qu’on a empiré son état en voulant le rendre meilleur. On dit dans le même style, il en juge comme un aveugle des couleurs ; pour dire, il en juge sans connoissance. Il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir ; ni pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Cela n’entre que dans le discours familier. On appelle aveugle retourné, un filou, ou quelqu’autre qui aura été marqué de la fleur de lis par la main du bourreau, parce que ces sortes de gens portent la fleur de lis sur le dos, & que les aveugles de l’Hôpital des Quinze-vingts à Paris en portent une de cuivre appliquée par-devant sur leur habit.

Il y a dans l’Anthologie Grecque quelques épigrammes sur des aveugles, Liv. I, ch, 4.

Aveugles. Hommes privés de la vue, qui forment au Japon un corps de savans fort considérés dans le pays. Ils se distinguent sur-tout par la fidélité de leur mémoire. Ils se transmettent les uns aux autres tous les événemens. Ils ont des Académies où l’on prend des grades. Hist. du Japon du P. Charlevoix.

AVEUGLEMENT. s. m. Privation du sens de la vue. Cœcitas. ☞ Ce mot n’est usité que dans un sens moral & figuré. Le Dict. de l’Ac. prétend qu’on dit aujourd’hui cécité dans le sens littéral. Ce dernier est tout latin ; mais il est commode ; & comme nous n’avons aucun mot pour exprimer la privation du sentiment de la vue, on peut choisir entre aveuglement ou cécité. Cela ne vaudroit-il pas mieux que d’être obligé de se servir de périphrase ? Son aveuglement est incurable, parce qu’il vient de naissance. Voyez aussi Cécité.

Figurément il se dit de la raison prévenue, & offusquée des nuages des passions. L’aveuglement des pécheurs n’est pas compréhensible. Dieu lui a fait la grâce de revenir de son aveuglement. J’ai regretté ce faux repos dont vous m’avez tiré ; & pourquoi ne me laissez-vous dans cet aveuglement tranquille dont jouissent tant de gens ? P. de Cl. Dans quel aveuglement ne tombe-t-on point, quand avec beaucoup de lumière on a peu d’humilité & de soumission ? Le Gend. Toutes les grandes erreurs ont eu leurs Martyrs. Misérable aveuglement de l’esprit humain ! Il s’ignore lui-même; & enivré de sa propre gloire, il s’imagine que c’est celle de Dieu. Pelisson.

Quel est l’aveuglement, & quel est le malheur
D’un Chrétien qui donne à la joie
Le temps qu’il doit à la douleur ? L’Abbé Tétu

AVEUGLÉMENT. adv. Il n’est d’usage qu’au figuré, & signifie d’une manière aveugle, sans raisonner ni murmurer. Temerè, cœco impetu. Il faut croire aveuglément tout ce que la foi nous enseigne. Les Supérieurs des Monastères veulent qu’on leur obéisse aveuglément, lors même qu’ils commandent exprès des choses extraordinaires, afin d’accoutumer leurs inférieurs à l’obéissance, &c. Le moyen de souffrir qu’on abandonne la raison & l’expérience, pour suivre aveuglément les imaginations d’Aristote ? Maleb. Rien ne distingue plus l’homme des bêtes, qui vont aveuglément où on les mène, que l’amour de la vérité. S. Evr. Il vaut mieux se soumettre aveuglément aux ordres du Ciel, que de vouloir changer les arrêts du destin selon notre caprice. M. Scud. Quelques-uns disent à l’aveugle, pour aveuglément ; mais les bons Auteurs ne s’en servent point, & le P. Bouhours condamne cette expression.

AVEUGLER. v. a. Rendre aveugle, priver de la vue. Cœcare, excœcare, obcœcare. Il fut aveuglé par les Infidèles qui lui crevèrent les yeux. En Orient on a coutume d’aveugler les Princes en leur présentant un bassin ardent auprès des yeux, comme firent Michel Paléologue, & Amurat II. Henri I, Roi d’Angleterre, a usé aussi de ce supplice, dont il est fait mention dans le Gorgias de Platon, d’où vient que les Italiens disent abbacinare ; pour dire, aveugler.

Aveugler, se dit par exagération, & signifie, éblouir, empêcher pour quelque temps la fonction de la vue. La trop grande lumière aveugle. Acad. Fr.

Aveugler, se dit figurément pour ôter l’usage de la raison. Il faut empêcher que les passions, l’intérêt, l’amour-propre, ne nous aveuglent. Il y a assez d’obscurité dans l’Ecriture pour aveugler les réprouvés, & assez de clarté pour les rendre inexcusables. Pasc. Les grandes fortunes aveuglent les hommes. Flech.

La fortune des Rois n’a rien qui m’éblouisse,
J’en regarde l’éclat sans en être aveuglé.

Campistron.

Je n’oserois parler de votre immensité ;
Tant d’éclat, tant de majesté
Aveugle l’humaine sagesse. L’Abbé Tétu.

En termes de guerre, on dit aveugler une casemate ; pour dire, dresser une batterie contre une casemate, pour démonter le canon, & le rendre inutile.

☞ Il est aussi réciproque au propre & au figuré. Il s’est aveuglé lui-même par les remèdes qu’il a appliqués sur ses yeux. Il ne faut point s’aveugler sur ses propres défauts, ni chercher des raisons pour s’étourdir. Bell.

AVEUGLÉ, ÉE. part. Cœcatus, excœcatus, obcœcatus. Il a les significations de son verbe au propre & au figuré.

AVEUGLETTE. s. f. Vieux mot. Aveuglement.

☞ On dit familièrement à l’aveuglette ; pour dire, à tâtons. Aller à l’aveuglette. On disoit autrefois à aveuglette.

AVEULAS. s. m. pl. Autrement les Aveugles. Cœci. C’étoit à Châlons sur Marne, dans le second faubourg, près du Pont Rupé, une manière de Communauté de Moines mariés, dont les femmes devoient avoir l’âge de cinquante ans pour y être reçues avec leurs maris. Ces Moines portoient des robes grises, & bien qu’ils eussent de bons yeux, ils ne laissoient pas d’être appelés les Aveugles ou Aveulas ; & avec cet habit & une sonette en main, ils avoient permission de quêter par la ville:ils alloient aux Processions générales, aux enterremens, & ensevelissoient les morts. Ils étoient obligés de se remarier six semaines après la mort de leurs femmes, à peine d’être mis hors de la maison. Ils étoient au nombre de douze, dont l’un portoit le titre de Prieur. On ne sait par qui, ni en quel temps ce Couvent avoit été fondé. L’Église sous le nom de Sainte Pudentienne, & une partie des bâtimens subsistent encore aujourd’hui. Feu M. Vialart, Evêque de Châlons, à qui cet établissement ne plaisoit pas, les supprima en 1641. Baugier, Mémoires Hist. de Champagne, T. II, p. 136, 137.

AVEZZANO. Village de l’Abruzze ultérieure, au royaume de Naples. Avezzanum. Il est près du lac Celano. Avezzano est l’ancien Alphabucelus, ville des Marses.

AUF.

☞ AUFEN, ou AVEN. Rivière de France, en Bretagne, qui a son embouchure dans la baie de Brest, entre Landevenec & le Faou.

☞ AUFENTE. Rivière d’Italie, dans l’État de l’Église, & dans la campagne de Rome. C’est l’ufens des anciens.

☞ AUFFAY. Altifagus. Bourg de France, en Normandie, dans le pays de Caux, sur la Scie.

☞ AUFNAY. Petite île de Suisse, dans le lac de Zurich.

AUG.

☞ AUGANS, ou AGUANES. Peuple d’Asie, dans l’Indoustan, entre Cabul & Candahar.

AUGE. s. f. Pierre, ou pièce de bois creusée qui sert à donner à manger ou à boire aux chevaux & autres animaux domestiques. Canalis, alveus. L’auge de pierre qui est auprès du puits. Auge de bois, qui se fait d’une longue pièce de bois creusée dans la longueur en forme de canal.

Auge, se dit aussi d’un vaisseau à gâcher du plâtre, qui sert aux Maçons, Couvreurs, Paveurs, &c. On appelle les Maçons qui ne sont point dans les atteliers, & qui cherchent de l’emploi pour les menues réparations, des Porte-auge.

l’Auge d’un moulin, est un vaisseau étroit par où s’écoule l’eau sur la roue d’un moulin pour la faire tourner.

Auge, chez les Serruriers, se dit d’une pierre, ou d’une pièce de bois creusée, dans laquelle ils ont de l’eau pour éteindre le fer au sortir de la forge.

Auge, se dit encore d’un tripot; & c’est une espère de saillie, qui est auprès des filets, & qui est destinée pour recevoir les balles.

Auge, est aussi un terme de Cartonnier. C’est une espère de grande huche où l’on jette les rognures de papier, lorsqu’elles sont broyées.

Auge à goudron. C’est le vaisseau de bois dans lequel on met le goudron pour y passer les cordages. Le fil qu’on passe dans l’auge est pressé de manière qu’il ne retienne que la quantité nécessaire du goudron.

☞ On se sert d’auges dans plusieurs autres métiers. C’est en général un vaisseau de bois ou de pierre, fixe ou transportable, de différente figure, mais toujours destiné à contenir un liquide ou un fluide.

Auge, sorte de supplice usité chez les anciens Perses. On mettoit le criminel à la renverse dans une auge, & après l’avoir lié par les pieds & par les mains aux quatre coins, on le couvroit d’une autre auge, à la reserve de la tête qui sortoit par un trou fait exprès. Dans cette posture on lui donnoit la nourriture nécessaire, jusqu’à ce que les vers, qui s’engendroient de ses excrémens, lui eussent ôté la vie, en rongeant ses entrailles, ce qui alloit ordinairement à vingt jours, pendant lesquels il souffroit des douleurs incroyables. C’est de ce supplice que l’eunuque Mithridate fut puni par les ordres d’Artaxercès. Mor. qui cite Prideaux, Hist. des Juifs.

Auges. s. f. En Astronomie, la même chose qu’apsides. Voyez ce mot.

Auge. Le pays d’Auge. Nom d’une partie de la Normandie, province de France. Algia. Elle est dans la partie occidentale de cette province, & comprend Séez, Diva, Pont l’Evêque, Falaise, Argentan, Hiesmes. Il va jusqu’à la mer Britannique. On ne dit point Auge seul, on joint le mot de Pays. Les Normands prononcent Ouche, ou plutôt Aouche, comme ils font toujours l’au. Le pays d’Auge est fertile en bons pâturages. Ceux qui sont de ce pays s’appellent Augerons.

Auge. (l’) Rivière de France, en Champagne. Elle passe à la Fere, traverse Sezanne, & tombe dans l’Aube, au-dessus d’Anglure.

AUGÉ. Terme de Mythologie. Nom propre de femme. Auge. Auge étoit fille d’Alcée. Elle eut d’Hercule un fils nommé Téléphe, dont elle alla accoucher dans les bois. Ce fils dans la suite s’avança beaucoup à la Cour de Téthras, roi de Mysie, chez qui Augé s’étoit réfugiée pour éviter la colère de son pere. Théléphe obtint du Roi Augé pour sa femme. Elle qui ne vouloit point épouser un aventurer, l’alloit tuer, lorsqu’elle fut effrayée par un serpent. Cet événement donna lieu à une conversation qui amena la reconnoissance de la mere & du fils.

AUGÉE. s. f. Ce que peut contenir une auge de plâtre, de ciment, de mortier. Plenus gypso, cæmento alveus.

AUGELA. Contrée de Barbarie en Afrique. Augela. Elle est dans la partie occidentale du désert de Barca, au pied des montagnes nommées Métes. Elle a retenu le nom de l’ancienne Augila, ou Ægila, ville qui étoit dans ce pays.

AUGELOT. s. m. Terme de Vigneron, usité sur-tout aux environs d’Auxerre. Petite auge, manière de petite auge, fosse en manière de petite auge. Alveolus. Planter de la vigne à l’augelot, c’est creuser de petites fosses, en façon de petite auge, dans laquelle on pose le chappon, ou crossette, qu’on recouvre de terre ensuite. Cette manière de planter la vigne est en usage sur-tout aux environs d’Auxerre. Liger.

☞ AUGELOTS, ou ANGELOTS. s. m. pl. Dans les salines, ce sont des cuillers de fer placées séparément entre les bourbons, sur le derrière de la poêle, où elles sont fixées, appuyées sur le fond, & dont l’usage est de recevoir & de retenir les écumes & crasses qui y sont portées par l’ébullition de l’eau. Encyc.

AUGERON, ONE. s. m. & f. Algiensis. Qui est d’Auge, en Normandie.

AUGET. s. m. Terme d’Oiselier. Petit vaisseau qu’on attache à la cage des petits oiseaux qu’on nourrit, où on met leur mangeaille. Alveolus.

Auget. Terme de Meûnier. C’est l’extrémité de la trémie d’un moulin par pù le grain coule & se distribue sur les meules.

Auget. Bassin des gouttières de plomb aux grands bâtimens.

Auget de mine. Terme d’Artillerie. C’est un petit canal carré, fait avec des planches longues & étroites, où l’on renferme le saucisson rempli de poudre, afin qu’il ne contracte aucune humidité. Il a environ trois pouces de diamètre. On observe de faire tenir, tant qu’on peut, le milieu de l’auget à la faucille.

☞ AUGIAN, ou AUJAN. Ville d’Asie, dans l’Azerbayan ou Aberbejan, au 4e climat. Long. 82 d. lat. 37 d. 48’.

AUGITES. s. m. Pierre précieuse, que bien des gens, à ce que dit Pline, croient être à peu-près la même chose que la callais. Elle est d’un vert pâle, & de moindre poids que la topase. Pline dit que la callais imite le saphir, mais qu’elle est plus blanche. Ἀυγίτης.

AUGIVE, ou OGIVE. s.f. Terme d’architecture. Arc d’une voûte qui n’est pas perpendiculaire à la direction de la voûte, mais en diagonale. On n’en voit de cette sorte que dans l’Architecture Gothique. Frézier. Ogive est seul usité.

AUGMENT. s. m. Terme de droit, qui ne se dit qu’en cette phrase. L’augement de dot : c’est ce que le mari donne à sa femme par son contrat de mariage en pays de Droit écrit, & qui lui tient lieu de ce qu’on appelle douaire en pays Coutumier. Auctus, incrementum, accretio, accessio.

Augment, en termes de Grammaires grecque, c’est l’augmentation de quantité par le changement d’une syllabe brève en longue ; c’est l’augment temporam : ou de lettre au commencement du verbe en certains temps ; c’est l’augment syllabique. Augmentum temporale, ou temporis : syllabicum, ou syllabæ. L’augment temporal se fait en changeant une voyelle brève en une longe, ou une diphtongue en une autre plus longue ; on l’appelle augment temporel, parce que la durée du temps qu’il faut employer à prononcer la syllabe, est plus grande après le changement, qu’auparavent. L’augment syllabique s’appelle ainsi, parce qu’on le fait en augmentant le nombre des syllabes au commencement du mot. Ce terme d’augment syllabique, qui n’est en usage que lorsqu’on parle de la langue grecque, pourroit être appliqué à la Grammaire des langues Orientales, où la même chose arrive.

AUGMENTATEUR. s. m. Celui qui augmente. M. Laurent-Josse Le Clerc, dans la Bibliothèque du Richelet, au commencement de l’article du Mercure Galant, dit qu’après le nombre assez grand des particularités littéraires qu’il y a puisées, il ne pourroit sans ingratitude, ni même sans injustice, souscrire au jugement que le premier Augmentateur de ce Dictionnaire en a porté au mot Galant.

AUGMENTATIF, IVE. adj. Qui augmente. Quod augendi vim habet. La particule très, qu’on ajoute aux noms, est une particule augmentative. ☞ Il n’est guère d’usage qu’en Grammaire, en parlant des particules ou de certaines terminaisons qui servent à augmenter le sens des noms & des verbes. La langue italienne a plusieurs terminaisons augmentatives.

☞ AUGMENTATION. s. f. Addition d’une chose à une autre de même nature. Accretio, amplificatio, incrementum. Le Roi donne des augmentations de gages, quand il fait quelques taxes sur des Offices. On doit rembourser les augmentations d’une maison, quand le possesseur en est évincé. Les secondes éditions d’un livre contiennent souvent des augmentations.

Augmentations, sont, dans l’art de bâtir, des ouvrages faits au-delà du prix dont on est convenu. On les paye d’ordinaire par estimation de gens experts. Voyez Addition.

☞ AUGMENTER. v. a. Rendre une chose plus grande ou plus abondante par une addition, faite de façon que ce qu’on y joint se confonde & ne fasse avec elle qu’une seule & même chose ; ou que du moins le tout ensemble ne soit considéré après la jonction que sous une idée identique. Augere, amplificare. On augmente une maison. On augmente la dose. On augmente sa fortune, son train, son équipage, sa dépense, &c.

☞ Ménage dérive ce mot d’augmentare, qui se trouve dans plusieurs Auteurs, & qui signifie la même chose. Il est neutre aussi : il augmente tous les jours en bien, en crédit, en force. Nos désirs augmentent toujours, tandis que nos forces diminuent. Sa folie, sa fureur augmente. La rivière croît, augmente à vue d’œil. Le chaud augmente. Les défauts de l’esprit augmentent en vieillissant, comme ceux du visage. Rochef

Augmenter, se dit aussi fort souvent avec le pronom personnel, & signifie, croître, acquérir de nouvelles force. Crescere, invalescere, increscere. La contagion s’augmente tous les jours. La maladie s’étoit augmentée. Le vent s’augmente beaucoup. Le combat s’augmentant.

Augmenter, ajouter, dans une signification synonyme. Les différences de ces deux verbes sont marquées par leur définition. On ajoute une chose à une autre. On augmente la même. Bien des gens ne font pas scrupule pour augmenter leur bien, d’y ajouter celui d’autrui. Ajouter est toujours actif. Augmenter, comme on vient de le voir, est actif et neutre. Notre ambition augmente avec notre fortune. Nous ne sommes pas plutôt revêtus d’une dignité, que nous pensons à y en ajouter une autre.

Augmenter, agrandir, considérés dans une signification asynonyme. On se sert d’augmenter, lorsqu’il s’agit de nombre, d’élévation, ou d’abondance ; & d’agrandir, lorsqu’il est question d’étendue. On agrandit une cour, une ville, un jardin. On augmente le nombre des citoyens, la dépense, les revenus.

☞ Le premier regarde particulièrement la quantité vaste & spacieuse : le second a plus de rapport à la quantité grosse & multipliée. On agrandit sa maison, quand on lui donne plus d’étendue par la jonction de quelques bâtimens sur les côtés : mais on dit qu’on l’augmente d’un étage ou de plusieurs chambres. En agrandissant son terrain, on augmente son bien.

☞ Toutes les choses de ce monde se font aux dépens les unes des autres. Le riche n’agrandit son domaine qu’en resserrant celui du pauvre ; le pouvoir n’augmente jamais que par la diminution de la liberté ; & je croirois presque que la nature n’a fait les gens d’esprit qu’aux dépens des sots.

☞ Les Princes s’agrandissent en reculant les bornes de leurs états, & croient par-là augmenter leur puissance : mais ils se trompent quelquefois en cela, car cet agrandissement ne produit qu’une augmentation de soins, & souvent même est la première cause de la décadence d’une monarchie.

Augmenter, croître, dans une signification synonyme. Les choses croissent par la nourriture qu’elles prennent. Elles augmentent par l’addition qui s’y fait de chose de la même espèce. Les blés croissent : la récolte augmente. Mieux on cultive un terrain, plus arbres y croissent, & plus les revenus augmentent.

Croître, ne signifie précisément que l’agrandissement de la chose indépendamment de ce qui le produit. Augmenter fait sentir qu’il est causé par une nouvelle quantité qui y survient. Dire que la rivière croît, c’est dire uniquement qu’elle devient plus haute, sans exprimer qu’elle le devient par l’arrivée d’une nouvelle quantité d’eau. Dire qu’elle augmente, c’est dire qu’il y arrive une nouvelle quantité d’eau qui la fait hausser. Et quoiqu’il y ait des occasions cette délicatesse de choix n’est de nulle importance, comme dans ce dernier exemple, il en est d’autres où il est à propos, même nécessaire d’avoir égard à l’idée particulière, & de faire un choix entre ces deux termes, selon la force du sens qu’on veut donner à son discours. Il est aisé de voir que l’un de ces mots a des places qui ne conviennent point à l’autre. Ne sent-on pas, du moins par un goût naturel, si ce n’est par réflexion, qu’il est mieux de dire, l’ambition croît à mesure que les biens augmentent, que de dire, l’ambition augmente à mesure que les biens croissent, d’après l’idée propre que l’on vient d’exposer ? Car enfin les biens consistant dans plusieurs différentes choses qui se réunissent dans la possession d’une seule personne, le mot augmenter qui marque l’addition d’une nouvelle quantité, leur convient mieux que celui de croître qui ne marque précisément que l’agrandissement d’une chose unique, fait par la nourriture, ou par une espèce de nourriture. Par la même raison, le mot croître figure mieux en cet endroit avec l’ambition, puisqu’elle est une seule passion, à qui les biens de la fortune semblent servir d’alimens, pour la soutenir & la faire agir avec plus de force & plus d’ardeur.

Les choses matérielles croissent par une addition intérieure & mécanique, qui fait l’essence de la nourriture propre & réelle. Elles augmentent par la simple addition extérieure d’une nouvelle quantité de même matière. Les choses spirituelles croissent pas une espèce de nourriture prise dans une sens figuré : elles augmentent, par l’addition des degrés jusqu’où elles sont portées. L’œuf ne commence à croître dans l’ovaire, que lorsque la fécondité l’a rendu propre à prendre de la nourriture ; & il n’en sort que lorsque son volume est assez augmenté pour causer de l’altération dans la membrane qui l’y enferme. Notre orgueil croît à mesure que nous nous élevons ; & il augmente quelquefois jusqu’à nous rendre haïssables à tout le monde.

AUGMENTÉ, ÉE. part. Auctus, aduactus, amplificatus.

AUGON. Augonius mons. Le mont Augon est une partie de l’Apennin, située dans le Pavésan. L’Anginus des anciens est ou le mont Augon, ou le Monte Codoro, qui est à la source de la Trébia.

AUGSBOURG. Voyez Ausbourg.

AUGST. Anciennement Augusta Rauracorum. Ville considérable & épiscopale. Aujourd’hui ce n’est qu’un village de Suisse, situé sur une colline, près du Rhin, dans le canton de Bâle, qui a profité de ses dépouilles.

Augst, est encore un village du Vimeu, en Picardie, au nord de la ville d’Eu. Augusta. Ce nom s’est formé du latin Augusta.

AUGURAL, ALE. adj. Ce qui appartient, ce qui a rapport à l’augure. Auguralis. La science augurale est l’art des augures. Le bâton augural, étoit un bâton de cérémonie que les augures portoient pour marque de leur qualité. Robe augurale.

AUGURE. s. m. Divination qu’on fait par l’observation du vol, du chant, & l’appétit des oiseaux, avec certaines cérémonies. Augurium, auspicium. L’observation des augures est fort ancienne. La coupe qui fut mise dans le sac de Benjamin, en Egypte, étoit celle dont Joseph se servoit pour lesaugures. Voyez Aldrovandus de Bologne, qui a expliqué assez amplement la manière dont se prenoient les augures, dans les Prolégomènes de son Ornithologie. Varron distingue quatre espèces générales d’augures, La Pyromantie, ou augure par le feu ; l’Aëromantie, ou augure par l’air ; l’Hydromantie, ou augure par l’eau ; & la Géomantie, ou augure par la terre. Les espèces particulières sont l’Alectoromantie, l’Anthropomantie, la Belomentie, la Catophromantie, la Gapnomantie, la Gastromentie, la Géomantie, l’Haruspicine, la Libanomantie, la Lécanomantie, la Nécromontie, la Pyroscopie, qu’on nomme aussi Pyromantie. Voyez ces mots chacun en son lieu. Rien ne paroît plus indigne de la gravité des Romains, que leurs augures. Les délibérations du Sénat, ou des Généraux, étoient dépendantes de l’appétit ou du dégoût d’un poulet. S. Evr.

La science des augures est plus ancienne que Rome, puisque sa fondation fut précédée d’un augure. Les Latins conviennent qu’elle lui étoit venue des habitans de la Toscane, chez lesquels dans les commencemens ils avoient soin d’entretenir six jeunes Praticiens, comme dans une espèce d’Académie, pour en apprendre de bonne heure les secrets & les principes. Les Toscans en attribuoient l’invention à un certain Tagès, espèce de Demi-Dieu, qu’un Laboureur avoit trouvé endormi sous une motte de terre, & qu’il avoit déterré avec le soc de sa charrue. Suidas en fait honneur à Télégonus, Pausanias à Parnasus fils de Neptune, qui vivoit avant le déluge. Les savans font descendre cette science successivement des Curiens, des Ciliciens, des Pisidiens, des Egyptiens, des Chaldéesn & des Phéniciens ; & ils remarquent que ces peuples de tout temps se sont distingués des autres par leur attention, à l’espèce de volatile qui abondoit d’une façon particulière dans leur pays. Desorte que leur commerce fréquent avec ces animaux, & le soin qu’ils prenoient de leur éducation, faisant leur occupation la plus ordinaire, ils s’imaginoient entendre mieux que les autres ce que signifioient leurs cris, leurs mouvemens, leurs postures & leurs différens ramages ; & c’est ce qui donna lieu à la superstition parmi ces peuples.

Ceux qui prétendent trouver l’origine de toutes choses dans l’écriture, rapportent celle-ci au premier homme, qui connoissoit à fond toutes les créatures ; ils ajoutent que de pere en fils elle passa à Noé, qui ne lâcha le corbeau & le pigeon, que suivant les principes de l’Omithomantie, de Noé à Cham, & de Cham au fameux Tagès, qu’ils font son arrière-petit-fils ; & qu’ils appellent Maloth, par le canal duquel cette mervilleurs science passa en Europe. Les Auteurs de ces rêveries n’hésitent pas non plus à mettre cette perfection au nombre de celles de Salomon. Ce sont des imaginations de Rabbins. Si nous voulons les en croire, nous trouverons dans l’écriture toutes les parties de cette science. Le tripudium des poulets dans ce passage de Job, XXXVIII, 35. Quis gallo dedit intelligentiam ? Les oscines, c’est-à-dire, les oiseaux qui instruisoient par leur chant, dans celui de l’Ecclésiaste, X, 26. Avis cœli proferet vocem ; & ceux qu’ils appeloient Præpetes, c’est-à-dire, qui prophétisoient par leur vol, dans la suite de ce même passage, & ales indicabit rem.

Ce qu’il y a de vrai, c’est que cette superstition est plus ancienne que l’Ecriture Sainte, puisqu’elle y est expressément interdite & condamnée, Levit. SIS, 26. Deut. XVIII, 10. La seule chose qui pourroit arrêter, c’est que le terme de l’original מנחש, vient de נחש, serpent. Mais ce qui justifie tous les Traducteurs qui l’expliquent par augur, & observateur des augures, c’est que οἰωνός, & augur en latin, s’appliquent indifféremment à toute sorte de présages, souvent même par préférence à ceux qui se tiroient des des serpents. Οἰωνός, ὄφις, dit, Hésychius dans son Dictionnaire, & Suidas, en parlant de Télégonus, qui, selon lui, avoit le premier inventé τὴν οἰωνοστικὴν, ajoute par forme d’explication, c’est-à-dire, le secret de comprendre ce que désignoit un serpent, ou une belette sur le toit. Aussi dans cette science, les serpens avoient autant & plus de considération que les oiseaux. On étoit même persuadé que les premiers Auteurs de cette science, la tenoient des serpens qui leur avoient léché les oreilles ; & qu’un homme à qui un serpent avoit léché cette partie de la tête, recevoit par-là la science infuse des augures. C’est ce que rapportent le Scoliaste d’Euripide des enfans de Priam, Hélénus & Cassandre. In Hecub, ad vers. 87. Celui d’Apollonius de Rhodes, in Argonaut. Lib. I, v. 1, & Apollodore, Biblioth. Lib. I, p. 47. Philostrate, dans la vie d’Apollonius, assure que les Indiens acquéroient la même intelligence en mangeant le cœur ou le foie de certains dragons ; & Eusébe semble autoriser cette tradition dans son Traité contre Hiéroclès.

Il est assez difficile de savoir sur quoi étoit fondée cette prévention des Anciens en faveur des oiseaux. Ils ne le savoient pas eux-mêmes. C’étoient, disoient-ils, ou un instinct particulier qui leur avoit été accordé par l’Auteur de la Nature, ou cela venoit de la métempsycose : les oiseaux étoient des hommes métamorphosés : ou bien c’est que leur éloignement de la terre, l’innocence de leur vie, la pureté de l’air qu’ils respirent, leur proximité u ciel, rendoient leurs sensations plus subtiles, & les mettoient en état de pénétrer plus aisément que nous dans les événemens futurs. Les plus raisonnables convenoient de bonne foi que ces prétendus Prophètes, prophétisoient sans le savoir, & sans y entendre finesse. Voyez Stace, Théb. L. III, v. 82. D’autres prétendoient que quoique les oiseaux n’y entendissent rien, cependant ils ne laissoient pas de pronostiquer les choses futures, parce que Dieu conduisoit leurs mouvemens, & qu’il le faisoit d’une manière si sûre, que les hommes qui les étudioient avec attention, en tiroient des inductions infaillibles. Mais Cicéron, tout augure qu’il étoit lui-même, se moque de cette superstition dans son Livre II de la Divination, & s’étonne que deux augures puissent s’entre-regarder sans éclater de rire.

M. Morin, dans les Mémoires de l’Académie des Belles-Lettres, rapport l’origine de la superstition des augures à deux causes. 1°. A l’usage de se déterminer dans les affaires hasardeuses & ambiguës par le sort. Chacun se le composoit à sa manière. Les personnes vives, brusquement de la première chose qui se présentoit, d’une paille, ou d’un coup de dés, afin de se délivrer plutôt de l’incertitude. Les personnes graves y apportoient plus de façons & plus de cérémonies. Ils commençoient par exposer l’affaire en question aux Dieux. Ils les supplioient de vouloir bien leur faire connoître le parti qu’ils devoient prendre ; & comme si les Dieux n’eussent pas pu trouver le moyen de leur expliquer leur volonté, ils se donnoient la liberté de leur prescrire certains signaux qu’ils imaginoient eux-mêmes, & auxquels ils attachoient des présages bons ou mauvais à leur discrétion. Ce qui composoit une espèce de chiffre entre Dieu & les hommes, dont il n’y avoit que le consultant qui eût la clef, & dont les oiseaux ou les animaux du pays faisoient ordinairement les caractères. 2°. La deuxième cause est tirée du sein de la nature. Les oiseaux ont reçu du Créateur des organes très délicats, qui leur font pressentir les changemens de l’air dès les premières approches ; pressentiment qu’ils donnent à connoître dans les occasions, ou par leur voix, ou par leur vol, ou par leurs différentes contenances, suivant les observations uniformes de tous les Naturalistes anciens & modernes. Cela supposé, il est aisé de comprendre comment les Anciens dans leur première simplicité, quand certaine température de l’air étoit importante pour leurs travaux, étudoient avec attention les postures des animaux, comme nous faisons aujourd’hui nos baromètres, afin de faire usage du temps présent, & de se précautionner contre le future. Ceux qui s’appliquoient d’une manière particulière à cette étude, & qui s’étoient fait une réputation dans ce genre de prophétie, se voyant consultés de tous côtés, entreprirent d’en étendre les bornes par un principe de charlatanerie ; c’est le sentiment de Varron.

On a depuis étendu cette signification, non-seulement à tous les présages, à tous les signes par lesquels on juge de l’avenir ; mais à tous les jugemens qu’on fait de l’avenir. C’est une folie de tirer un bon ou mauvais augure des choses qu’on rencontre en sortant de sa maison. Vous me donnez de bons augures de ma fortune. Voit.

On appelle un oiseau de mauvais augure, un hibou, une orfraie, &c.

I à sur de vieux cyprès dépouillés de verdure,
Nichent tous les oiseaux de malheureux augure.

Cer.

Il se dit aussi figurément, d’un homme odieux, ou qui apporte une mauvaise nouvelle, ou dont l’arrivée n’annonce que rien de funeste.

Augure, chez les Romains, étoit un officier employé à l’observation du vol, du chant & du manger des oiseaux. Augur. Cicéron étoit du collége des augures, qui fut d’abord composé de trois, puis de quatre, & enfin de neuf augures ; quatre Patriciens, & cinq Plébéiens. Le mot d’augure en ce sens, s’étend & s’applique à tous ceux qui conjecturent bien sur quelque chose que ce soit, & qui prévoient ce qui doit arriver. Celui qui conjecture bien, est un bon augure. Ablanc. L’Empereur Constance défendit de consulter les augures, comme des imposteurs. S. Evr. La dignité d’augure ne se perdoit que par la mort. Tillem.

Ce mot d’augure est composé du mot avis, & de garritus. Les augures prenoient garde au gazouillement des oiseaux. Le P. Pezron étoit fort embarrassé d’où venoit cette dernière syllabe gur, ainsi il l’alloit chercher en Gaule. Augur, dit-il, vient du celtique au, qui signifie le foie, & de gur, ou gar, qui veut dire une homme. Ainsi augur est proprement, & mot pour mot, homme de foie, c’est-à-dire, consultant le foie & devinant par le foie. ☞ Ce seroit confondre l’augure avec l’aruspice, deux espèces de divination très-distinguées. D’autres prétendent qu’il vient de l’arabe ogot, qui signifie bonheur. Festus le dérive ex avium gestu, de la contenant des oiseaux. Lloyd croit que ce mot vient d’avicurus ; que l’on a dit pour signifier un homme qui a soin d’élever & d’observer les oiseaux, comme on appeloit viocurus, un homme qui avoit soin des chemins:ensuite changeant le c en g, d’avicurus on a fait augur & augurium. M. Morin, dans les Mémoires de l’Académie des Belles-Lettres, T. I, p. 292, prétend qu’on peut encore le faire venir de l’Allemand, Aug & ur, qui doivent signifier dans cette langue une vue fort subtile, telle que le devoit être celle des gens de cette profession

AUGURE. v. a. Tirer une augure, une conjecture, un présage. Augurari. Quand l’éducation d’un Prince est mauvaise, on n’en doit augurer rien de bon. Il augura leur future grandeur par leur modestie. Ablanc. J’augure bien de cela.

AUGURÉ, ÉE. part. Il n’est guère en usage.

AUGUSTALE. s. m. Augustalis. On a donné ce nom chez les Romains; 1°. à ceux qui conduisoient les premiers rangs dans l’armée, comme le témoigne Végèce Rei milit. L. 2, C. 7. 2°. A des Magistrats dans les villes. Il en est parlé, L. Quinque Summates Cod. de Decur. Et Alciat l’interprète ainsi. 3°. Tous les officiers du palais de l’Empereur ont porté ce nom. 4°. Le gouverneur d’Egypte en particulier fut appelé Augustale, ou préfet Augustale, parce que ce fut Auguste qui établit cette charge après la défaite d’Antoine & de Cléopatre. Il résidoit à Alexandrie, & il en est souvent parlé dans Socrate, dans Sozomène, & dans d’autres Historiens.

☞ AUGUSTAUX. s. m. pl. Augustales, ou Sodales Augustales. Société de Prêtres institués en l’honneur d’Auguste, après que les Romains l’eurent mis au nombre des Dieux. Ce fut l’Empereur Tibère qui institua ce collège qu’il nomma Augustales pour offrir des sacrifices à Auguste dans le temple qu’il lui bâtit, & assigna des fonds pour la subsistance de ces Prêtres ; ce qui ne se pratiqua pas seulement à Rome, mais aussi dans les provinces des Gaules. Plusieurs villes en avoient six, d’où ils furent nommés IIIIIIVIRI Seviri Augustales. Lyon étoit du nombre de ces villes, comme le P. Ménestrier l’a montré dans son Hist. de Lyon, p. 77, par plusieurs anciennes inscriptions.

☞ On institua dans la suite des communautés de Prêtres en l’honneur des Empereurs qu’on déifioit après leur mort, & on les appela Augustales, d’un nom général, ou du nom de l’Empereur au service duquel ils étoient consacrés. Les nouveaux Empereurs se mettoient eux-mêmes du nombre des frères Augustaux, suivant en cela l’exemple de Tibère.

AUGUSTALES. s. f. pl. ou adjectif pris substantivement. Augustalia, ludi augustales. Fête instituée pour l’Empereur Auguste. Après qu’il eut terminé toutes les guerres, & réglé toutes les affaires de Sicile, de Grèce, d’Asie, de Syrie & des Parthes, il fut ordonné que le jour qu’il rentra dans Rome, seroit une fête, & qu’on l’appeleroit Augustales. On appela aussi de ce nom des jeux qui se célébroient en l’honneur du même Prince, le 4e des Ides d’Octobre, c’est-à-dire, le 12e du mois. C’est Tacite, L. I, C. 15, & Dion, L. 54 & 56, qui nous l’apprennent. On peut voir encore Jean Rosinus, Antiq. Rom. L. IV, c. 14, & L. V, c. 20. Je ne conçois pas pourquoi l’Auteur d’un nouveau Dictionnaire appelle cette fête Augustine ; car les Auteurs que j’ai cités, disent toujours Augustales & Augustalia.

AUGUSTBERG. Ville de la Haute-Saxe, bâtie dans le XVIe siècle par l’Electeur Auguste, qui lui a donné son nom. Augustoberga. Elle est dans la Misnie, au voisinage de la Bohème, sur la rivière de Schap.

AUGUSTE. adj. de t. g. Majestueux, vénérable, sacré. Augustus. César Auguste fut le second des Empereurs Romains. On le connoît & on le distingue des autres par ce nom, quoiqu’ils l’aient porté. On disoit d’Auguste après sa mort, qu’il auroit été à souhaiter qu’iln e fût jamais venu au monde, ou qu’il n’en fût jamais sorti. Ce titre d’honneur lui fut déféré après qu’il eut été confirmé par le sénat dans la puissance absolue. Ce terme emportoit quelque chose de sacré & de divin qui l’élevoit au-dessus du reste des hommes. Ses successeurs prirent la qualité d’Auguste ; ensorte que Empereur & Auguste c’étoit la même chose : ces deux mots étoient synonymes. Celui qui étoit destiné à succéder, & l’héritier présomptif de l’empire, étoit créé César : c’étoit un degré pour parvenir à être Auguste, ou Empereur. Le P. Pagi soutient le contraire, & qu’il falloit être Auguste avant que d’être déclaré César. M. Fléchier a rapporté que l’Empereur Valentinien I, fit proclamer Valens son frere Auguste, sans l’avoir auparavant déclaré César ; ce qui ne s’étoit pas encore pratiqué. Marc-Aurele ayant succédé à Antonin, créa aussi-tôt L. Verus César & Auguste. On vit alors, pour la première fois, deux Augustes en même temps ; c’est pourquoi on marqua cette année-là (161) dans les fastes, par le Consulat des deux Augustes. C’étoit un spectacle bien surprenant pour la ville de Rome, de se voir gouvernée par deux Souverains, après avoir vu verser tant de sang pour le choix d’un seul maître.

Les Princesses reçurent la qualité d’Auguste dès le haut Empire, & même celles qui ne furent jamais femmes d’Empereurs. On le trouve quelquefois employé pour Reine. Ainsi Hetric, ou Henri, dans le L. I. des miracles de S. Germain, appelle indifféremment Chrotechilde, femme de Clovis, ou Reine, ou Auguste. Voyez Lymnæus dans son IIe Livre du Droit public de l’Empire.

Théodebert, Roi de France, a le titre d’Auguste sur ses monnoies. Le Blanc. Childebert & Clotaire, son frere, prennent aussi le titre d’Auguste sur les monnoies. Roricon, en parlant de l’Ambassade que l’Empereur Anastase envoya à Clovis, dit que cet Empereur ordonna à ses Ambassadeurs de traiter Clovis non-seulement de Roi, ou de Consul, mais même d’Auguste. Grégoire de Tours ajoute que depuis ce jour-là il prit les titres de Consul & d’Auguste. Il n’est pas hors d’apparence que les enfans de Clovis, Childebert & Clotaire, aient pris, à l’imitation de leur père, ce titre d’Auguste, que leur neveu Théodebert avoit aussi porté. Id. De plus, la monnoie de Reccaréde fait voir que les Empereurs Romains n’étoient pas les seuls qui prenoient le titre d’Auguste, & que les Rois Visigoths le portoient quelquefois aussi bien qu’eux. Id.

On appelle l’Histoire Auguste, celle de six Auteurs latins qui ont écrit les vies des Empereurs Romains, depuis Adrien, jusqu’à Carin. On appelle par honneur Philippe II, Roi de France, Philippe Auguste. On appelle le Parlement, un Sénat auguste, une auguste Compagnie. On le dit plus proprement en matière de Religion. Il faut le prosterner devant l’auguste Majesté de Dieu, devant son Trône auguste, devant l’auguste Sacrement de l’Autel.

La mort de ses rigueurs ne dispense personne ;
L’auguste éclat d’une couronne
Ne peut en exempter nos Rois. Maucr.


Avec un port auguste en un état tranquille,
D’une main il soutient une superbe ville.

Le p. Chom. Jésuite.

Que de voir ces murs antiques,
Ces augustes basiliques,
Siéges des arts & des lois. Boutart.


Ce mot vient du Verbe augeo : augustus, tanquam supra fortem humanam auctus, c’est-à-dire, provectus, sublatus.

Auguste. Ce nom se donne à tout Empereur, ou Roi, qui est magnifique, & qui aime les belles Lettres.

Un Auguste aisément peut faire des Virgiles. Boil.

La France est maintenant le centre des grands Rois ;
L’univers, s’il devoit se choisr un Auguste,
Ne prendrait qu’un François. P. Delm.

Auguste. s. m. Terme de Fleuriste. Espèce d’œillet rouge. C’est un cramoisi & blanc, qui porte une grosse fleur, qui casseroit si on lui laissoit moins de 5 à 6 boutons. Sa plante est vigoureuse, & se trouve en Flandre.

C’est aussi une tulipe qui a trois couleurs, Colombin, blanc, & rouge.

Auguste-le-Grand. Terme de Fleuriste. Espèce d’œillet piqueté. C’est encore une tulipe couleur de rose éclatante, & blanc non d’entrée. Morin. Cult. des fl.

Auguste-triomphant. s. m. Terme de fleuriste. C’est un des plus beaux œillets piquetés, à cause de la largeur, & de la quantité de ses feuilles ; mais il est fort tardif à fleurir, à cause de la foiblesse & de la délicatesse de sa plante. Il faut lui donner du soleil jusqu’à midi ; le planter dans une terre légère, & lui laisser cinq ou six boutons ; autrement il creveroit. Il se trouve à Lille & à Paris. Morin. Cult. des fl.

AUGUSTIN. s. m. Augustinus. Nom d’homme. S. Augustin, Evêque d’Hippone, mourut en 430, le 28 Août, dans sa 76e année commencée. On a fait dans notre langue quelques applications du nom de ce Pere, que l’usage a approuvées. On appelle quelquefois Jansénius, Evêque d’Ipres, l’Augustin d’Ipres. Ses Sectateurs le disent, pour le comparer à S. Augustin, dont ils prétendent qu’il a développé le système. Les Catholiques le disent pour l’opposer au même S. Evêque d’Hippone, dont Jansénius a corrompu la doctrine. L’Augustin de Jansénius, est l’Ouvrage de Jansénius, Evêque d’Ipres, intitulé, Cornelii Jansenii Episcopi Iprensis Augustinus, divisé en trois Tomes, dont le premier comprend un Traité de l’hérésie Pélagienne, en huit Livres ; le IIe un Traité de la raison & de l’autorité dans les choses Théologiques ; un autre de la nature innocente ; un troisième de la nature tombée par le péché, en quatre Livres ; un quatrième de l’état de pure nature, en trois Livres : le IIIe comprend un Traité de la grâce deJésus-Christ Sauveur, en dix