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Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 1/891-900

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Fascicules du tome 1
pages 881 à 890

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 1, pages 891 à 900

pages 901 à 910


Milan ; qui étoit une simple maison de Gentil’homme, entourrée de fossés, dans laquelle les Impériaux s’étant postés en l’année 1522, soutinrent l’assaut de l’Armée françoise, conduite par le sieur de Lautrec, du temps de François I, & cette bataille s’appela la journée de la Bicoque.

BICOQUETS. s. m. pl. Vieux mot. Sorte de parure de femme.

☞ BICORNE. adj. vieux. Bicornis. Qui a deux cornes. La lune bicorne. Rab. Gorg.L. I, c. 9.

☞ BICORNIGER. adj. Surnom latin de Bacchus, quelquefois représenté avec deux cornes.

BICORNIS. s. m. Terme d’Anatomie. Plusieurs ne font qu’un muscle de deux des extenseurs du bras, le long & le court, & ils les appellent Radial externe, & d’autres bicornis. Dionis.

BICQUETER. Voyez Biqueter.

BID.

☞ BIDACHE. Château & petite ville de France, dans la basse Navarre, aux confins de la Gascogne. La terre & seigneurie appartient aux Ducs de Grammont. Quelques-uns écrivent Bidasche.

☞ BIDASSOA. Petite rivière qui sépare la France de l’Espagne. Elle a sa source dans les Pyrénées, & son embouchure dans le golfe de Gascogne, entre fontarabie, & Audage. C’est dans une île formée par cette rivière que se tinrent en 1669, les Conférences pour la paix des Pyrénées, d’où lui vient le nom de l’Ile des Conférences. Elle s’appeloit auparavant l’Ile des Faisans.

BIDAUCT. s. m. Nom que les Teinturiers donnent à la suie de cheminée dont ils se servent pour les couleurs brunes, tirant sur le brun, & autres semblables.

BIDAUS, ou BIDEAUX. s. m. pl. Vieux mot françois qui signifioit autrefois des gens de guerre à pied, qu’on a appelés autrement Pitauts. Voyez ce mot.

☞ BIDENS. Plante. Voyez Tête cornue.

BIDENTALE. s. m. Prêtre chez les anciens Romains. Bidentalis. Les Bidentales étoient des Prêtres institués pour faire certaines cérémonies & les expiations prescrites, lorsque la foudre étoit tombée quelque part. La première & la principale étoit un sacrifice d’une brebis de deux ans, qui en latin s’appelle bidens. De-là le lieu frappé de la foudre s’appelait bidental : il n’étoit point permis d’y marcher : on l’entouroit de murailles ou de palissades : on y dressoit un autel, & les Prêtres qui faisoient ces cérémonies, du même mot bidens, étoient nommés Bidentales. Ce mot se trouve dans les Inscriptions antiques. Par exemple, Semoni Sancto Deo Fidio Sacrum Sex. Pompeius Sp. F. Col. Mvssianvs Qvinqvennalis de Cvr. Bidentalis Donvm Dedit.

BIDET. s. m. Cheval de petite taille. Mannus. Les meilleurs bidets viennent en France. Pégase fut un bon bidet. Voit. Poussez votre bidet. Mol. c’est-à-dire figurément, poussez votre fortune, perséverez. Ce mot a aussi signifié un petit pistolet de poche.

On appelle double bidet, un cheval de taille médiocre, au dessus de celle du bidet.

Bidet, signifie encore un petit établi de Menuisier, qui est portatif.

On dit, passer pour bidet, passer franc, ne rien payer ; parce que les Messagers ne payent rien pour le bidet qui leur sert de monture. Dans les régals qui se font à piquenique, on mène quelquefois le jeune fils de quelqu’un des Convives, qui passe pour bidet.

Bidet se dit aussi chez les Ciriers, d’un instrument de buis, taillé à plusieurs pans par un bout, pour former les trous du cierge pascal, où l’on met des clous d’encens.

Bidet, est aussi un meuble de garde-robe, servant à la propreté.

☞ On disoit autrefois au tric-trac, charger le bidet, pour, mettre un grand nombre de Dames sur une même flèche.

BIDON. s. m. Terme de Marine. C’est un vaisseau de bois dont on se sert sur mer, pour mettre la boisson de chaque plat de l’équipage, il contient sept chopines pour sept personnes. On l’appelle autrement canette. Ceux qui sont d’étain ou de terre cuite, s’appellent frisons.

Bidon, se dit aussi dans l’Infanterie, d’un vaisseau de fer-blanc, propre à porter la boisson. Lagena. Un baril ou bidon de fer blanc. Bombelles.

BIDORIS. s. m. Diminutif du bidet. C’est le terme familier dont les Officiers subalternes d’Infanterie appellent leur monture. J’achèterai un bidoris, je monterai sur mon bidoris. Il se dit généralement de tous les petits chevaux de peu de conséquence.

☞ BIDOURLE. Petite rivière de France, en bas Languedoc, qui prend sa source aux Cévennes, & se rend dans l’étang de Peraut, près d’Aigues-mortes.

☞ BIDOUZE. Rivière de France, en basse Navarre, qui a sa source dans l’Ostabares, aux Pyrénées, & se perd dans l’Adour, après avoir passé à Bidache.

BIE.

☞ BIEEZ. Bacia. Petite ville de la haute Pologne, au Palatinat de Cracovie.

☞ BIEL. Petite ville d’Espagne, en Arragon, au diocèse de Pampelune. C’est l’ancien Ebellanum, selon Baudrand.

Biel, en Suisse. Voyez Bienne.

☞ BIELA. Ville de l’Empire Russien, capitale de la principauté de même nom, aux confins de la Lithuanie.

☞ BIELAOSERO, ou BELOZERO. Province de l’Empire Russien, avec titre de duché. Elle a pour capitale une ville du même nom, au nord du lac qui donne le nom à l’un & à l’autre.

☞ BIELICA. Petite ville de Lithuanie, au Palatinat de Troki.

BIELLE. Petite ville de Piémont, en Italie. Bugella, Gaumellum, Laumellum.

BIELLOIS. Bugellensis ager. Petit pays de Piémont, qui tire son nom de la ville de Bielle qui en est capitale. Les Italiens l’appellent Bielèse.

☞ BIELSK, ou Bielsko. Ville de Pologne, au duché & Palatinat de Podlaquie, dans la petite Pologne.

☞ BIEN. s. m. Ce mot, dans sa première signification, est synonyme avec bon, bonum. On le dit généralement de tout ce qui peut nous rendre heureux ; de ce qui nous est utile, avantageux, convenable. La santé est un bien, la force du corps, la richesse, le plaisir, &c. sont des biens. En Morale, la vertu seule est un bien, puisqu’elle seule peut nous rendre heureux. Le souverain bien est celui auquel on doit rapporter toutes choses. La Religion nous apprend que Dieu est notre souverain bien.

☞ Epicure faisoit consister le souverain bien dans le plaisir, & le souverain mal dans la douleur, ce qu’il ne faut pas entendre à la lettre des seuls plaisirs des sens, mais encore de ceux du cœur & de l’esprit, que la raison approuve, & qui ne sont point suivis du repentir.

☞ L’École de Zenon, opposée à celle d’Épicure, faisoit consister le souverain bien dans la vertu seule, & soutenoit que la douleur n’étoit pas un mal.

Tout ce qui est propre à causer, ou à augmenter le plaisir en nous, se nomme bien, & le contraire mal. C’est sur ce bien & sur ce mal que roulent toutes nos passions.

Un avare idolâtre, & fou de son argent
Mettra toute sa gloire & son souverain bien,
A grossir un trésor qui ne lui sert de rien. Boil.


Pour mieux les supporter (les maux) il est un sûr moyen ;
C’est qu’entre plusieurs maux que l’on avoit à craindre,
Du moindre mal il faut se faire un bien.

On dit en Théologie, l’Arbre de la science du bien & du mal. Voyez au mot Arbre.

Bien, en termes de Jurisprudence, signifie, toutes sortes de possessions & de richesses ; tout ce qu’on possède en fonds de terre, en argent ou autrement. Bona, divitiæ, fortuna, opes. Il y a deux sortes de biens ; les meubles, Res moventes, mobiles ; & les immeubles, Res non moventes, immobiles.

On ne doit pas quitter les biens éternels pour les biens temporels. Malheur à celui qui usurpe le bien d’autrui. Qui confisque le corps, confisque les biens ; pour dire, que tous les biens des condamnés au supplice, ou au bannissement perpétuel, appartiennent au Fisc. On dit qu’un homme s’oblige corps & biens ; pour dire, qu’outre ses biens qu’il hypothèque, il s’oblige personnellement, & se soumet encore à demeurer en prison, faute d’exécuter ce qu’il promet. On dit aussi, séparer de corps & de biens ; pour dire, faire jouir une femme de son bien propre, & la séparer de son mari, tant à l’égard du lit que des biens.

On appelle un Curateur aux biens vacans, celui qu’on nomme pour défendre une succession abandonnée, où il n’y a point d’héritiers.

On appelle Cession de biens, une renonciation qu’un débiteur fait en Justice à tous ses biens, qui pour cela étoit autrefois obligé de porter un bonnet vert. Il faut qu’une caution donne un état de ses biens & facultés. Thémistocle disoit : j’aime mieux pour ma fille un homme qui ait besoin de bien, que du bien qui ait besoin d’un homme. Ablanc. Il faut savoir mépriser les richesses, les hommes, & tous ces autres biens en apparence, qui ne passeront jamais pour de véritables biens dans l’esprit du sage. Boil. Le bien contribue beaucoup à affermir les hommes dans la vertu au lieu que la pauvreté est une tentation continuelle. Le Mait. Sans le bien, la Grandeur des Grands n’est que bassesse, & c’est l’instrument le plus nécessaire à leur fortune. Id. On dit par manière de proverbe, tous biens sont communs, & n’y a moyens que de les avoir, mais il faut qu’ils soient légitimes. Loisel.

Etant nés pour jouir d’une gloire infinie,
Lui préférer des biens qui durent un moment,
C’est une espèce de manie,
Qui va jusqu’à l’enchantement. L’Ab. Tetu

Les biens se divisent 1°. en meubles, mobilia ; & en immeubles, immobilia. 2°. En propres, avita, paterna, hereditaria ; en acquêts, alio quam hæreditatis jure acquisita, adopta ; & en conquêts, à viro & uxore stante societate acquisita. 3°. En droits réels, jura realia ; & en droits personnels, jura persionalia, quæ personas afficiunt. 4°. En nobles, nobilia, immunia ; & en roturiers, non immunia.

Les biens adventifs, adventitia, sont ceux qui procèdent d’ailleurs que de successions de pere ou de mere, d’ayeul ou d’ayeule.

Les biens du Domaine de la Couronne, ad siscum spectantia, ne peuvent être aliénés à perpétuité, si ce n’est par échange : ils peuvent être vendus à la faculté de rachat perpétuel.

Les biens dotaux, dotalia, sont ceux qui procèdent de la dot, & dont l’aliénation n’est pas permise au mari.

Les biens paraphernaux, paraphernalia, sont ceux desquels la femme donne la jouissance à son mari, à condition de les retiter quand il lui plaît.

Les biens prospectifs, prospectitia, sont ceux qui viennent de la succession directe.

Les biens réceptifs, receptitia, étoient ceux que les femmes pouvoient retenir en pleine propriété, pour en jouir à part, à la différence des paraphernaux & des dotaux.

Les biens vacans, vacantia, sont ceux qui se trouvant abandonnés, soit parce que les héritiers renoncent, soit parce que le défunt n’a point d’héritiers.

Bien, se dit aussi pour signifier un héritage particulier. Fundus. Ce Gentilhomme a un beau bien dans telle Paroisse ; pour dire, un beau domaine, un grand territoire, un bon revenu.

Bien, se dit aussi des fruits des héritages. Fructus, fruges. La gelée est bonne pour les biens de la terre, & fait mourir la vermine. Les Rogations sont instituées pour prier Dieu pour les biens de la terre.

Bien, en Physique & en Morale, se dit encore de tout ce qui accommode nos affaires, de tout ce qui nous est utile, de tout ce qui nous peut procurer quelqu’avancement, de tout ce qui regarde notre intérêt & notre profit, ou qui conserve ou rétablit notre santé. Bonum, commodum, utilitas. Cet homme étoit ruiné, la succession de son oncle lui a fait tous les biens du monde. Ce Seigneur fait du bien à ses domestiques. Les avis de ce Magistrat vont toujours au bien public, mais d’un air farouche. S. Evr. Un ambitieux ne voulant du bien qu’à lui seul, tâche de persuader qu’il en veut à tous, afin que tous lui en fassent. La Br. Les gens vains regardent ceux à qui ils ont fait du bien comme leurs débiteurs, & comme leurs inférieurs. S. Evr. En amour, un peu d’absence fait grand bien. Rab. Un remède pris à propos fait grand bien.

Bien, se prend aussi pour plaisir, joie. Gaudium, voluptas, lætitia. Tous les maux que j’ai soufferts, n’égalent pas le bien de l’avoir vue. Voit. C’est la condition humaine d’être assujettie à des révolutions du bien au mal, & du mal au bien. Flech.

Bien, se dit aussi pour faveur, grâce, bienfait, bon office, Beneficium favor, gratia. Ton amour est un bien qui m’est justement dû. Main. Votre Majesté ne se seroit pas grand tort, si elle me faisoit un peu de bien. Scar. Je lui ferai tant de bien, disoit Henri IV en parlant d’un homme qui ne l’aimoit pas, que je l’obligerai à m’aimer. Vous m’avez fait un grand bien par vos avis.

Bien, se prend encore pour louange. Laus. Cet homme est obligeant ; il dit du bien de tout le monde. Chacun dit du bien de son cœur, & personne n’en ose dire de son esprit. Rochef. Ne parler de personne ni en bien, ni en mal. Voit.

Bien, se dit aussi de ce qui regarde la vertu, l’honnêteté, la valeur. Probitas, virtus. On dit, les gens de bien, des gens de bien ; pour dire, des gens vertueux, bons chrétiens. Ce Prélat est un grand homme de bien. On exhorte les autres à faire le bien, il suffisoit de le proposer à cette Princesse. Flech. Nul ne fait le bien pour le bien : tous les hommes ont leurs vues. Gom. Nous sommes portés au bien ou au mal, selon les premières impressions que nous recevons. S. Evr.

Je souffrirois plutôt l’affront du cocuage,
Que d’être le mari de ces femmes de bien.
Dont la mauvaise humeur fait un procès sur rien.

Mol.

Cet étranger a bonne mine, il sent son bien. Corneille a dit d’un homme brave, tu n’as fait le devoir que d’un homme de bien, pour dire, d’un homme généreux.

Bien. Avantage. On appelle biens du corps, la santé, la force : biens de l’esprit, les talens : & biens de l’ame, les vertus. Les biens de l’ame sont préférables aux biens de l’esprit ; & les biens de l’esprit sont préférables à ceux du corps. Acad. Fr. Comme il y a bien & mieux, il y a aussi mal & pis ; c’est-à-dire, que comme il y a plusieurs sortes de biens, les uns plus grands que les autres ; il y a aussi des maux plus grands les uns que les autres.

Bien, se dit aussi figurément pour science, lumière, connoissance , & généralement pour tous les avantages de l’esprit. Dotes ingenii, animi bona. Ce Philosophe égaloit les richesses des Rois par les biens de l’esprit. S. Ev.

Bien, se dit aussi en plusieurs phrases adverbiales, & alors il se prend pour beaucoup, ou pour sagement, ou pour commodément, ou pour justement. Multùm, prudenter, commodè, rectè. Ainsi on doit rapporter à l’une ou à l’autre de ces quatre significations les exemples qui suivent comme, il y a bien à profiter auprès de vos Docteurs. Pasc. Il feroit fort bien de se taire. Voit. Quand on est bien, il s’y faut tenir. Elle mérite bien cela. Mol. Bien marque aussi quelquefois la capacité, le pouvoir de faire une chose, comme quand on dit, ferez-vous bien cela ? Je le ferai bien. Je m’acquitterai bien de cette commission. Bien se dit aussi pour, véritablement, à la vérité : Il est bien en chemin, mais il n’est pas encore arrivé. Bien a encore plusieurs autres significations qu’on peut voir dans les exemples suivans, & qui se rapportent plus ou moins à ce qu’on a déjà dit. Cela va de bien en mieux. Cet homme est fort bien dans ses affaires. On dit qu’un homme est bien mal ; pour dire, qu’il est dangereusement malade. Sa maladie le tourne en bien. Il boit & mange bien. Il est bien buvant & bien mangeant. On lui a donné des remède bien à propos. Cela n’est pas venu à bien, n’a pas profité. Il y avoit bien du monde à ce sermon. Cette affaire ira bien autrement qu’on ne pense. Cet homme fait bien tout ce qu’il fait, il dit bien. Ces vers sont bien tournés. Il a fait cela tant mal que bien. On dit qu’un homme voit bien clair ; pour dire, qu’il est bien intelligent. Il n’en faut parler ni en bien, ni en mal. Vous en parlez bien à votre aise. C’est bien dit. Bien loin que cela lui serve, il lui pourra nuire. Ce critique ne trouve rien de bien. Il s’emploie aussi dans la signification d’à-peu-près, environ. Il y a bien trois ans que je ne l’ai vu. Et quelquefois il ne s’emploie que par redondance, & pour donner plus de force à ce qu’on dit. Auriez-vous bien l’assurance de le nier ? Je le savois bien. Acad. Fr. On dit aussi, un homme bien fait, une femme bien faite ; pour dire, belle & de bonne mine. On dit aussi par interjection, Hé bien ! qu’est-ce ? hé bien ! achevez. On dit aussi, bien bien, quand on veut témoigner quelque approbation, ou faire quelque menace. Vouloir bien, donner son consentement.

Bien, employé pour marquer le superlatif en françois, ou le plus haut degré des qualités des êtres, est pris ordinairement comme synonime à très & à fort, & l’on dit dans le même sens ; très sage, fort sage, bien sage. Cependant ils n’ont pas la même énergie, & il y a entr’eux quelque petite différence.

☞ Le mot de très, dit M. l’Abbé Girard, paroît marquer précisément le superlatif, & le représenter comme idée principale, sans mélange d’autre idée ni d’aucun sentiment. C’est ainsi qu’on dit, Dieu est très-juste.

☞ Le mot de fort, marque peut-être moins le superlatif, mais il y ajoute une espèce d’affirmation. Ainsi quand on dit, les hommes sont fort mauvais, on fait autant d’attention à la certitude qu’on a de leur méchanceté, qu’au degré où ils la portent.

☞ Le mot de bien marque encore moins le superlatif que fort, mais il exprime presque toujours un sentiment d’admiration. C’est ainsi que l’on dit la Providence est bien grande. Vous êtes bien hardi de me parler ainsi ! on exprime peut-être moins le degré de hardiesse, que l’étonnement qu’elle produit.

☞ M. L’abbé Girard trouve encore une autre différence plus sensible entre ces mots, c’est que très ne convient que dans le sens naturel & littéral. Quand on dit qu’un homme est très sage, cela veut dire qu’il l’est véritablement, au lieu que fort & bien peuvent être employés dans un sens ironique, fort, lorsque l’ironie fait entendre qu’on pêche par défaut ; & bien, lorsque l’ironie fait entendre qu’on pêche par excès. C’est être fort sage que de quitter ce qu’on a, pour courir après ce qu’on ne sauroit avoir ! c’est être bien patient que de souffrir des coups de bâton sans en rendre !

☞ Je ne crois pas cette distinction aussi bien fondée que la première, & je ne vois pas pour quoi le mot très ne pourroit pas se prendre ironiquement. On le prend tous les jours dans ce sens là dans la conversation.

On dit proverbialement, bien attaqué, bien défendu. autant vaut bien battu, que mal battu. Un fou avise bien un sage. On dit aussi, nul bien sans peine ; pour dire, que tout ce qui est avantageux, coûte à acquérir ; que c’est un grand bien qu’une chose soit arrivée ; pour dire, que c’est un grand bonheur ; & qu’on n’aura ni bien, ni repos qu’une chose ne soit faite ; pour dire, qu’on ne fera point dans un état tranquille, que cela ne soit fait. Acad. Fr. Quand biens viennent, ils viennent en monceaux. Bien est en sa maison, qui de ses voisins est aimé.

Vicinis gratus, sibimet solet esse beatus.

BIEN-AIMÉ, ÉE. adj. Qui est fort chéri, qui est aimé par préférence à tout autre. Dilectus. C’est son fils bien-aimé, sa fille bien-aimée. Dans le Baptême & dans la Transfiguration de Jésus-Christ, on entendit une voix du ciel, qui dit, celui-ci est mon fils bien-aimé.

Bien-aimé, est aussi substantif. C’est le bien-aimé de la maison, c’est la bien-aimée de sa mere. Il est dit dans l’écriture, qu’au jour du Jugement, Jésus-Christ dira aux Elus, venez les bien-aimés de mon Pere.

BIEN-DIRE. s. m. Langage poli & éloquent, manière de s’exprimer agréable & engageante. Ils sont les arbitres souverains du bien-dire. Se mettre sur son bien-dire. Mais cette phrase est un peu proverbiale. Il ne suffisoit pas d’opiner succinctement dans le Sénat, si l’on ne soutenoit son avis par son esprit, & par son bien-dire. Morabain p. 147. ☞ Ce mot n’est d’usage que dans le discours familier, & en se moquant de quelqu’un qui se pique de bien parler. Quand il se met sur son bien-dire Acad. Fr.

BIEN-DISANT, ANTE. adj. Qui parle bien, qui parle avec élégance, & avec politesse. Disertus, elegans, politus. Les gens de Cour se piquent d’être bien-disans. Cependant ce mot ayant quelque chose de comique, ne se doit guère employer que dans le style simple & familier. C’est un amant bien-disant & matois. Voit.

Un de ce dernier ordre,
Propre, toujours rasé, bien-disant & beau fils.

La Font.

Il se dit aussi quelquefois par opposition à médisant. Acad. Fr.

BIEN-ETRE. s. m. Situation & état d’une personne qui vit commodément, & à qui rien ne manque, suivant sa condition. Sors hominis cui nihil deest. Cet homme avoit beaucoup perdu au système du papier ; mais il lui est venu une succession qui l’a remis dans son bien-être. Si l’on renonce quelquefois à sa patrie pour se transporter ailleurs, c’est que l’amour de notre bien-être est fort au-dessus de la patrie. Desfontaines. L’amour du repos n’est pas la plus forte des passions, mais l’amour du bien-être. Id. C’est dans les occupations utiles à la société, que l’homme doit chercher son bien-être. On dit que quelqu’un a le nécessaire, mais qu’il n’a pas le bien-être. Acad. Fr. 1740. Je serai trop récompensé, quand je me rendrai le témoignage que j’ai contribué à votre bien-être. Voltaire. On dit que la nature a donné l’être aux hommes, & leurs parens le bien-être ; pour dire, la naissance & l’éducation. Furétière au mot être.

L’amour du bien-être est moins une passion, que la source naturelle de toutes les passions. Cette vérité morale est si claire, qu’aucun paradoxe ne sauroit l’obscurcir. Obs. sur les Ecrits mod. tom. XXV, p.76, 77. L’amour de notre bien-être est fort au dessus de celui de la patrie, que nous n’aimons, & que nous ne devons aimer que par rapport à nous, ainsi que tout autre chose. p. 320. Voyez Amour propre.

Nous sommes peut-être redevables de ce mot à M. d’Urfé, qui s’en est servi dans son Epitre au Roi Henri IV, à qui il a dédié la première partie de son ouvrage. Une passion outrée pour la liberté, rend la nation angloise ennemie de son repos & de son bien-être. Desfontaines. Sur le moindre mécontentement, nos matelots se retirent dans les pays étrangers ; c’est le caractère des François naturellement portés à chercher leur bien-être hors de leur patrie, lorsqu’ils ne l’y trouvent point. Id. Les grands talens & les ouvrages de la grande espèce nuisent au repos & au bien-être de leurs auteurs. Moncrif.

BIENFACTEUR, ou BIENFAICTEUR, ou BIENFAITEUR, s. m. BIENFACTRICE, ou BIENFAICTRICE, ou BIENFAITRICE. s. f. Celui ou celle qui a donné, qui a fait un bien de quelqu’un. De aliquo benè meritus ; ou benè mérita. On ne peut parler contre son bienfaiteur sans ingratitude.

Il n’y a point de mot dans la langue françoise, sur lequel les opinions soient plus partagées, que sur celui de bienfacteur, de bienfaiteur, ou de bienfaicteur. Je dirois bienfaicteur avec Messieurs de Voiture, Pélisson & Corneille.

☞ L’Académie dit Bienfaicteur. Pourquoi un c dans ce mot. On dit bienfait sans c : pourquoi ne diroit-on pas bienfaiteur ? Celui qui fait du bien pour en tirer du profit, ne mérite point d’être appelé un bienfaicteur ; son action n’est un commerce, & une négociation. L’antiquité a fait les idoles de ses bienfaicteurs, & n’a pris pour objets de ses adorations religieuses, que ceux qui le devoient être de la reconnoissance publique. Le Mait. Un homme enivré de la félicité du siècle jouit des bienfaits sans regarder le bienfaiteur. Flech.

On appelle dans les Couvents bienfacteurs & bienfactrices, (on doit dire bienfaiteurs ou bienfaicteurs) ceux qui ont fait les fondations, ou qui y ont apporté de grands biens en y entrant, ou qui en ont fait sans y entrer. Autrefois les noms des bienfacteurs s’écrivoient dans le Missel. On les mettoit aussi dans le Calendrier des Moines morts.

BIEN-FAIRE. v. a. S’acquitter comme il faut de son devoir. Officio recte fungi, partes implere. Je fais bien, j’ai bien fait, je fis bien, je ferai bien. Il faut tâcher de bien faire ce que l’on nous ordonne. Il a bien fait sa commission.

Bien-faire. v. n. Obliger quelqu’un par quelque libéralité, par quelque service. Benè mereri de aliquo, præstare officium alicui. On dit plus ordinairement faire du bien.

BIENFAISANCE. s. f. Inclination à faire du bien. Benignè faciendi voluntas. Ce mot est nouveau, & a été hasardé par M. l’Abbé de Saint Pierre dans cette phrase : L’esprit de la vraie Religion & le principal but de l’Evangile, c’est la bienfaisance, c’est-à-dire, la pratique, de la charité envers le prochain. Mém. de Trév. Mai 1725.

Ils croient que Dieu se plaisoit davantage à entendre chanter les louanges, qu’à voir pratiquer la justice & la bienfaisance. L’Ab. de S. Pierre. Pierre l’Hermite croyoit que le Pèlerinage à Jérusalem étoit plus efficace pour le salut, que l’observation de la justice, & la pratique de la patience envers son prochain, & des autres œuvres de bienfaisance. Id.

M. l’Abbé Desfontaines dit, en parlant de M. Rollin, combien de choses ne nous auroit pas pu dire M. Crevier, au sujet de sa bienfaisance, de sa candeur, de la générosité, de ses aumônes & de sa piété tendre & sincère ? Les Journalistes de Trévoux ont employé ce mot en parlant de Madame Rouve. On en fait une dévote parfaite, & l’on donne de grands éloges à sa bienfaisance & à sa générosité, vertus qui brillent le plus dans sa conduite. Messieurs Boutet pere & fils faisoient huit cens livres de pension à M. Rousseau. Il est à propos que ce fait passe à la postérité, avec les honneurs dus à la noble bienfaisance, exercée à l’égard des illustres malheureux. Jugemens sur quelques ouvrages nouveaux. Tom. I, p. 68. Ce mot signifie en ce dernier exemple libéralité, munificence, générosité. Depuis que j’ai vu que parmi les chrétiens on abusoit du terme de charité dans la persécution que l’on faisoit à ses ennemis, & que les hérétiques disent qu’ils pratiquent la charité chrétienne en persécutant d’autres hérétiques, ou les catholiques mêmes… j’ai cherché un terme qui nous rappelât précisément l’idée de faire du bien aux autres, & je n’en ai pas trouvé de plus propre pour me faire entendre, que le terme de bienfaisance. S’en servira qui voudra, mais enfin il me fait entendre, & il n’est pas équivoque. M. L’Abbé de S. Pierre, dans le 2e tom. de juillet 1726, p. 57 & 58 des Mém. de Trév. ☞ Ce terme paroît expressif & analogue. M. de Voltaire s’en est servi dans son discours sur ce que c’est que la vertu. Voici ce qu’en dit cet illustre Auteur.

Certain Législateur, dont la plume féconde
Fit tant de vains projets pour le bien de ce monde,
Et qui depuis trente ans écrit pour des ingrats,
Vient de créer un mot qui manque à Vaugelas,
Ce mot est bienfaisance : il me plaît, il rassemble,
Si le cœur est en cru, bien des vertus ensemble.
Petits Grammairiens, grands Précepteurs des sots,
Qui pesez la parole, & mesurez les mots,
Pareille expression vous paroît hasardée,
Mais l’Univers entier doit en chérir l’idée.

M. l’Abbé Desfontaines, Obs. sur les Ecrits mod. tom. XXX, pag. 124, 125.

BIENFAISANT, ANTE. adj Beneficus. Qui a l’inclination à obliger, à faire du bien aux autres. Il faut qu’un seigneur soit bienfaisant, s’il veut gagner l’amitié du peuple.

Il a un comparatif : n’avois-je pas raison de trouver étrange, que vous, le meilleur, & le mieux faisant de tous les hommes, me refusassiez cinq ou six lignes ? Volt. Je ne crois pas que d’autres aient hasardé ce mot.

BIEN FAIT, AITE. ad. Qui a de la beauté, de l’agrément, de la grâce, qui est bien tourné. Egregius, elegans, venustus, ad unguem factus. Voilà un ouvrage bien fait, une commission bien faite. Cet homme est très-bien fait. C’est un esprit bien fait, un cœur bien fait. On dit aussi, c’est l’homme le mieux fait que j’aie vu : c’est la fille la mieux faite de France.

BIENFAIT, s. m. ☞ Synonyme de grâce, lorsque ce mot signifie un bien que l’on fait a quelqu’un sans y être obligé. Voyez grâce, faveur, office, service. Beneficium, gratia. Les bienfaits s’oublient plus aisément que les injures. Sénèque a écrit un beau traité des Bienfaits, qui a été traduit par Malherbe. Pour conserver de la reconnoissance, il faut s’arrêter au bienfait, sans en rechercher la source, qui est d’ordinaire fort corrompue. Nicol. Ceux que la fortune aveugle & sans choix a comme accablés de ses bienfaits, en jouissent avec orgueil & sans modération. La Bruy. Les bienfaits même veulent être assaisonnés de manières obligeantes. Beil. Un bienfait reproché tient toujours lieu d’offense. Racin. C’est un crime, dit Sénèque, que de rendre le bienfait aussitôt qu’il est reçu, & d’obliger celui qui le fait à le reprendre. Rochef.

☞ Le plus flatteur & le plus solide de tous les plaisirs, c’est d’avoir fait des grâces au-dessus de toute reconnoissance. Ne comptons point nos bienfaits ; ne songeons qu’à les multiplier, mais nos bienfaits ne parleront pour nous qu’autant que nous saurons les taire. Obligeons promptement : la lenteur diminue le prix des biens qu’on attend de nous, ou fait du moins qu’on les paye de trop d’impatience. Si nous recevons quelque grâce, ne pénétrons pas jusqu’à l’intention de celui qui nous l’a faite : nous y pourrions découvrir des motifs qui diminueroient notre reconnoissance, & rien ne doit jamais la diminuer.

☞ On dit proverbialement qu’un bienfait n’est jamais perdu, pour dire que les moindres personnes à qui l’on fait du bien, peuvent trouver occasion de le reconnoître. On dit proverbialement & figurément qu’il y a des gens qui écrivent les injures sur le cuivre, & les bienfaits sur le sable ; pour dire qu’ils n’oublient point les injures, & qu’ils perdent bientôt le souvenir des bienfaits.

☞ On dit bienfait du temps, en parlant d’événemens, d’occasions favorables, qui peuvent faire réussir nos projets. Il attendoit tout du bienfait du temps : il mettoit la ressource dans le bienfait du temps. Le Cardinal Mazarin attendoit des occasions favorables, une division dans le Parlement, une mutation dans les peuples, la majorité du Roi, bref le bienfait du temps qui ne peut manquer à celui qui dispose de l’autorité Royale. Mém. de la Rochefoucault.

Bienfaits. s. m. pl. Bonnes actions, actions méritoires. Dieu tiendra compte à ses élus de leurs bienfaits. Dans ce sens il n’est pas usité.

Bienfait, en termes de Coutumes, se dit aussi de la troisième partie des biens successifs du père & de la mère, dont la jouissance par usufruit étoit donnée aux puînés, & entr’autres en la Coutume d’Anjou.

Bienfait. ☞ Divinité du Paganisme. Beneficium. A la honte de l’humanité, c’est de tous les Dieux celui dont le culte est le plus négligé. L’Égoïsme a pris la place. C’est Démocrite qui fit un Dieu du bienfait. V. Pline, Liv. XI, ch. 7, Budé sur les Pandectes, pag. 46, & Cyraldus, Synt. Deor. pag. 53. Démocrite ne reconnoissoit que les deux Divinités, la Peine & le Bienfait.

BIENFAITEUR. Le Cardinal son bienfaiteur. Fléch. Vie de Xim. Voyez Bienfacteur.

BIENHEURÉ, ÉE. adj. Bienheureux. Vieux mot. Fortunatus, beatus, a, um.

Vous élirez quelque bienheuré lieu,
Là où viendra de vous deux au milieu,
Pallas sans plus.

Marot.

BIENHEUREUX, EUSE, adj. & f. Il faut prononcer bienheureux, & non pas bienhureux. Celui qui jouit de la béatitude. Beatus, beati, cœli cives, cœlites. Le Paradis est le séjour des Bienheureux. La Bienheureuse Vierge Marie. Les Bienheureux Apôtres. Voyez Béatitude.

Bienheureux, se dit aussi de ceux qui sont morts en odeur de sainteté, & que l’Eglise a destinés pour être canonisés, dont elle a approuvé cependant la vénération. Beati. Le titre de Bienheureux ne peut être donné que par l’Eglise ; quand ce titre est donné à quelqu’un par ceux qui en écrivent la vie, ou qui en parlent, ce n’est qu’un témoignage de l’opinion qu’ils ont de sa sainteté, qui n’a nulle autorité ; un Evêque particulier ne peut pas même donner le titre de Bienheureux. Aussi quand l’Eglise le donne, elle fait faire un procès, qui prouve les vertus héroïques & les miracles de celui à qui elle le donne ; c’est toujours en vue de la canonisation qu’elle le donne ; mais le culte qu’elle permet de rendre à un Bienheureux, est différent de celui qu’elle fait rendre à un Saint canonisé. Voyez Béatification, qui est le degré pour arriver à la Canonisation.

Bienheureux, en termes de l’Ecriture, se dit de ceux qui ont les qualités comprises dans les huit Béatitudes mentionnées dans l’Evangile. Bienheureux sont les pauvres d’esprit, les pacifiques, les affligés, &c.

Bienheureux, en morale, se dit de ceux qui jouissent des choses dont la possession fait le bonheur de la vie, les biens, les honneurs, les amis, la santé : ceux qui dans un état avantageux trouvent la matière des plaisirs, & la facilité de les prendre, Voyez Bonheur. Fortunatus, felix.

Bienheureux, disent les Encyc. s’applique à des événemens particuliers, Heureux à tout le système de la vie. On est bienheureux d’avoir échappé à tel danger. On est heureux de se bien porter.

Lorsque ce mot est joint avec un verbe, il ne fait plus un seul mot ; mais alors le mot de bien devient adverbe, & est séparé de l’adjectif heureux. Je le tiens bienheureux d’en être échappé. Acad. Franç.

BIEN LOIN. Conjonctive qui signifie, au lieu, & qui veut un infinitif avec la particule de. Tantùm abest ut, &c. adeò non, ut, &c. Bien loin de se repentir, il s’obstine dans son crime. Bien loin d’être notre ami, il est au contraire notre plus dangereux ennemi. Bien loin de lui envoyer des députés, ils vinrent escarmoucher. Ablanc. Il y en a qui construisent aussi bien loin avec le subjonctif du verbe, précédé de la particule que. Bien loin qu’il soit homme à vous faire satisfaction, il est homme à vous quereller. Bien loin que le discours soit affoibli par l’arrangement des mots, il ne peut sans cela avoir aucune force.

☞ BIENNAL, ALE adj. Qui dure deux ans. Biennis. Exercice biennal d’un Office, Privilége biennal.

☞ BIENNE, ou BIEN. Bienna. Ville de Suisse, alliée aux Cantons, près du Lac de même nom, entre Neutchâtel & Soleurre.

☞ Le Lac de Bienne, Biennensis lacus, que les Allemands appellent Bielersée, ou Bieler-zée, est au nord-est du lac de Neuf-Châtel, avec lequel il communique par la Tièle, Canal qui sépare le pays de Neuf-Châtel & le Canton de Berne.

BIEN QUE. Conjonctive qui régit le subjonctif, & qui signifie, quoique, encore que. Etiamsi, quamvis, etsi. Bien que la beauté & la force du corps vous donnent de l’avantage par-dessus les autres. Bien que ce qu’il y a de plus terrible semble devoir tomber sur moi. Bien qu’il n’y ait aucun danger pour vous. Mais il faut remarquer sur cette conjonctive bien que, lorsque la période a plusieurs membres, que le mot bien ne veut pas être répété, surtout dans le style simple & historique. Exemple, Bien que l’expérience nous fasse voir, qu’il n’y a point d’innocence à l’épreuve de la calomnie, & que les plus gens de bien soient exposés à la persécution. C’est ainsi qu’il faut écrire, au lieu de répéter bien que dans le second membre de cette période, en disant & bien que les gens de bien, &c. Ce mot n’est pas du style noble.

BIENSÉAMMENT. adv. Avec bienséance. Ce mot se trouve dans quelque écrits, mais qui n’ont pas assez d’autorité pour lui donner cours.

BIENSÉANCE. s. f. ☞ En morale, signifie la convenance des actions & des discours par rapport aux personnes, à l’âge, au sexe, au temps, au lieu, aux usages de la société. Decorum, decentia, condecentia. Nous sommes honnêtes par l’observation des bienséances & des usages de la société. Les bienséances sont d’une étendue infinie, le sexe, l’âge, le caractère, imposent des devoirs différens ; & si l’on n’observe pas toutes ces différences, qui font la bienséance, l’on passe pour un homme impoli. Bel. Il est de la bienséance de se tenir dans une posture honnête devant les Dames. La bienséance exige de nous plusieurs devoirs. Il faut en toutes choses garder les bienséances. Combien de gens font des crimes de tous leurs soupçons, & décrient la vertu même, quand elle ne garde pas à leur gré toutes leurs rigoureuses bienséances. Fléch. La bienséance est la moindre de toutes les lois, & la plus suivie. Rochef. Les femmes choisissent bien souvent la dévotion, comme une bienséances de l’âge. La Bruy. Le Tasse ne garde pas aussi exactement que Virgile toutes les bienséances des mœurs, mais il ne s’égare pas comme l’Arioste. Bouh. L’étroite bienséance doit être gardée jusqu’à la scène. Boil. Il y a des choses qu’on peut faire impunément, & que la bienséance ne permet pas. S. Evr. Rien n’est plus contraire à la bienséance, que d’en observer avec trop d’affectation toutes les règles & toutes les lois. Voyez encore Decorum.

De la pudeur sauvez les apparences,
C’est satisfaire aux lois de son devoir,
Que d’en garder toutes les bienséances. Montr.

Abaissons-nous, ma sœur, ajustons-nous au temps,
Et ne ménageons plus ces tristes bienséances,
Qui nous ôtent le fruit du plus beau de nos ans.

Moliere.

Bienséance, se dit aussi dans un sens physique, de ce qui est commode, utile, & avantageux. Commodum, utilitas, convenientia. Il a acheté cette maison, cette terre, par ce qu’elle étoit à sa bienséance ; dans son voisinage. On a dans ce quartier toutes choses à sa bienséance, l’Eglise, le marché, la rivière, &c.

☞ On dit, par droit de bienséance ; pour dire, sans autre droit que celui de sa propre convenance, de sa propre utilité. Il a pris cela par droit de bienséance.

Bienséance, en Architecture, se prend comme synonime à convenance. Voyez ce mot.

BIENSÉANT, ANTE. adj. Ce qui sied bien de faire ou de dire. Decorus, decens. Il est bienséant à une femme d’être modeste dans ses airs & son habillement.

BIENTENANT, ANTE. adj. Terme de Palais. Qui possede les biens & les héritages qui ont appartenu à un autre : qui possede des biens à titre de succession, d’achat, d’acquisition. On assigne les tiers acquéreurs en déclarations d’hypothèque comme bientenans. On recherche les malversations des Financiers contre leurs héritiers & bientenans.

BIENVEIGNER. v. a. Vieux mot, qui se trouve dans Nicot, & qui signifie, saluer quelqu’un, le féliciter sur quelque bonheur qui lui est arrivé, le recevoir avec bienveillance & affection. Salutare aliquem, alicui gratulari.

Bienveigner. Louer, célébrer par ses louanges. Laudare, celebrare.

Je te supplie par la grande liesse
Du bien de paix, si j’ai prins hardiesse
De bienveigner une Dame si haute,
Ne l’estimer présomption ne faute. Marot.

BIENVEILLANCE. s. f. Affection, bonne volonté qu’on a pour quelqu’un, disposition à lui faire du bien. Benevolentia. Il ne se dit que du supérieur à l’égard de l’inférieur. L’Orateur dans son exorde doit gagner la bienveillance de ses auditeurs. Un serviteur qui a la bienveillance de son maître. Je vous demande, Monsieur, l’honneur de votre protection & de votre bienveillance. Voiture.

☞ Les Encyclopédistes définissent la bienveillance, un sentiment que Dieu imprime dans tous les cœurs, par lequel nous sommes portés à nous vouloir du bien les uns aux autres. Il n’est aucun homme qui n’en porte dans le cœur les sémences prêtes à éclore en faveur de l’humanité & de la vertu, dès qu’un sentiment supérieur n’y fait point d’obstacle. N’est-ce pas là donner une signification trop étendue à la bienveillance, & la confondre avec l’humanité qui est précisément cet intérêt que les hommes prennent au sort de leurs semblables, en général, en considération seulement de leur simple qualité d’hommes, & sans leur être unis par les liens du sang, de l’amour ou de l’amitié ? Cette affection pour les hommes en général est la source de toutes les vertus sociales. La bienveillance qui en découle, paroît avoir un objet déterminé. L’usage d’ailleurs a voulu que le mot de bienveillance ne se dit que du supérieur à l’égard de l’inférieur. Le Prince honore quelqu’un de sa bienveillance. Nous avons de la bienveillance pour ceux qui se trouvent placés au dessous de nous, & ils cherchent à se concilier notre bienveillance.

L’impôt de la bienveillance inventé en Angleterre par Edouard IV, supprimé par Richard III, & rétabli par le Parlement, sous Henri VIII, étoit une taxe à laquelle chacun se cottisoit à proportion selon son revenu. Larrey. C’est ce que nous pourrions appeler en France Don gratuit, si ce terme n’étoit pas affecté par l’usage aux contributions que le Clergé s’impose.

BIENVEILLANT, ANTE. adj. Qui veut du bien à quelqu’un, qui a de la bienveillance pour lui. Bénévolus. Ce mot n’est pas fort en usage.

BIENVENU, UE. adj. Qui se dit de ceux dont l’arrivée est souhaitée en quelqu’endroit, qui sont bien reçus & regardés de bon œil. Qui feliciter & optatò advenit. Les honnêtes gens sont toujours bienvenus par-tout. Quand vous voudrez venir chez moi, vous serez le bienvenu, la bienvenue. Gratus omnibus expectatusque venies..

☞ On dit proverbialement : soyez le bienvenu, soyez la bienvenue, on est toujours bienvenu quand on apporte.

BIENVENUE. s. f. Bonne arrivée, heureuse arrivée. Célébrer la bienvenue. Ce terme n’est que du style enjoué, ou familier, & populaire. Une Ballade élégante présentée à feu Monseigneur à son retour du Camp de Compiègne, commence ainsi :

Je viens, Monseigneur, hardiment
Célébrer votre bienvenue,
Et le guerrier amusement
Où les Princes si galamment
Passerent Bellone en revue.

Il se dit proprement de la première fois qu’on arrive en quelqu’endroit, ou qu’on est reçu en quelque corps.

Bienvenue, est en style familier ce que les Romains appellent sur leurs médailles Felix Adventus, comme dans celles de Dioclétien, Constantin le Grand, Valentinien, Valere Maximin, &c. ou simplement Adventus : comme dans celles de Neron, de Vitellius, de Trajan, d’Hadrien, de Pescennius Niger, de Caracalla, de Geta, de Severe, &c.

Bienvenue, est aussi le repas qu’on donne à ceux avec qui on entre en quelque espèce de communauté. Festum epulum amicis adventum gratulantibus datum. Les prisonniers font payer la bienvenue à tous ceux qui entrent dans la prison ; les écoliers à ceux qui entrent dans un Collége. Le Roi, par son Ordonnance de 1670 pour les matières criminelles, défend, à peine de punition exemplaire, aux Géoliers, Greffiers, Guichetiers, & à l’ancien des prisonniers, sous prétexte de bienvenue, de rien prendre des prisonniers en argent ou en vivres, quand même il leur seroit volontairement offert.

BIENVOULU, UE. adj. Qui est aimé, pour qui on a de l’estime & de la vénération, Gratus, acceptus, verendus. Ce Prince a été si doux & si juste, qu’il a été toujours bienvoulu de son peuple. Ce mot ne se dit presque plus. Voy. Vouloir.

BIERE. s. f. Cercueil, espèce de coffre de bois où l’on met un corps mort. Feretrum, sandapila, capulus. La bière est un séjour par trop mélancolique. Moliere.

Ce mot vient de l’Allemand baer, ou baar, signifiant la même chose, d’où les Italiens ont fait bara, & les Anglois beer. Ménage.

BIÈRE. s. f. Espèce de boisson faite d’orge, de froment, d’avoine, ou d’une autre sorte de blé. Cervisia, ou cerevisia. On y ajoute du houblon, pour lui donner le goût du vin ; c’est-à-dire, que lorsque l’orge & le froment ont bouilli, on tire la liqueur de la chaudière, & qu’on le fait passer sur le houblon, qui est dans une espèce de canal à part ; là on laisser pendant un temps la liqueur prendre le goût du houblon. Cette boisson enivre comme le vin, & cette ivresse dure même plus long-temps, à cause que la bière étant plus matérielle, à cause que la bière étant plus matérielle, est plus difficile à digérer que le vin. Marthiole croit que le Zythum & le Curmi des Anciens n’étoient autre chose que la bière dont on use en Allemagne, en Flandre, en France, & en plusieurs autres endroits de l’Europe, & qu’il n’y avoit pas plus de différence entre le Zythum & le Curmi, qu’entre la manière de la faire, qui augmentoit ou diminuoit la propriété de ces breuvages. En effet, ajoute-t-il, quoique toutes les bières se fassent d’orge, ou de froment, ou d’avoine, elles ont pourtant différens goûts, selon qu’elles sont différemment brassées. Les unes sont douces & agréables à boire, & il y en a d’autres qui sont âpres & amères. Les unes sont troubles, & les autres claires. Pour faire la bière, il faut que les Brasseurs donnent au grain un commencement de germination, & qu’ils concentrent ensuite dans le même grain la disposition qu’il avoit à germer, en le séchant. On y ajoute trois fois autant d’autre grain non germé, qui sont ensemble moulus grossièrement. On jette sur le tout de l’eau à demi bouillante, & ensuite de la froide ; & après avoir agité le tout, on le laisse quatre ou cinq jours dans un vaisseau couvert jusqu’à une parfaite fermentation. Quelques-uns y ajoutent de l’ivroie pour irriter davantage le goût. Il faut que la bière soit bien cuite, bien épurée, & qu’elle ne soit point récente & nouvelle lorsqu’on la boit ; autrement elle fermente dans l’estomac, & elle excite des bouillonnemens dans le corps qui nuisent à la santé. Les Anglois, pour la faire plus agréable, jettent dans les tonneaux, après qu’elle est brassée, du sucre, de la cannelle, & des clous de girofle ; les Flamands, du miel & des épices. Dioscoride dit que la vieille bière engendre enfin la lèpre. On sophistique la bière en y jetant de la chaux, pour lui donner plus de force, en y mêlant de la suie au lieu de houblon.

Les anciens Statuts des Brasseurs de Paris de l’an 1292, l’appellent cervoise, & portent que nul n’en peut faire, sinon d’eau, & de grain, c’est à savoir, d’orge de méteil ou de dragée ; c’est-à-dire, de seigne & d’avoine mêlés ensemble, & non point de baie, piment ou poix de résine ; que telles choses ne sont mie bonnes ne loyaux à mettre en cervoise ; car elles sont mauvaises au chief & au corps, aux malades & aux sains. Ils défendent encore de vendre de la bière aigre ou tournée. Les Règlemens de 1630 défendent d’y mettre ivroie, sarasin, ni autre mauvaises matières : les houblons ne doivent point être mouillés, échauffés, moisis ni gâtés.

Levure de bière, est l’écume de la bière qui sort par le bondon. Dans une grande dispute qu’il y eut à Paris en 1668, sur la levure de bière dont se servoient les Boulangers pour levain, Messieurs Pasin, Brayer, Blondel, & Courtois, parlent ainsi de la bière. La bière, dit Cornelius Tacitus, de Morib. Germ. cette triste boisson faite de houblon, d’orge ou de froment corrompu, & d’eau gâtée, souvent même tirée des marres, n’a pas été plutôt inventée, qu’elle a été condamnée par Dioscoride, Galie, & les autres Médecins, & par les hommes les plus éclairés. Tous l’accusent de nuire à la tête, aux nerfs & aux parties membraneuses, d’engendrer un très-mauvais suc, de causer une ivresse plus longue & plus fâcheuse que celle du vin, & tantôt la difficulté, la suppression d’urine, quelquefois aussi la ladrerie. D’autres Médecins la défendirent, & entr’autres Messieurs Perrault & Raissant, qui disent, entr’autres choses dans leurs avis : le bruit que la bière a d’être faite avec de l’arsenic, n’est fondé que sur une équivoque de la langue Flamande, dans laquelle Batten Bruick signifie tout ensemble la nourriture & le poison des rats ; c’est-à-dire, le grain dont on fait la bière, que les rats aiment, & l’arsenic qui les tue. Le houblon aussi n’est point une plante malfaisante ; au contraire, tous les Médecins le louent de la propriété qu’il a de purifier le sang, & d’ôter les obstructions ; c’est pourquoi il a été ajouté à la bière, pour corriger les vices dont on accusoit celle des anciens, qui étoit différente de la nôtre, parce qu’elle étoit sans houblon.

Dans les Coutumes de Flandre, on appelle ban de bière, un impôt qu’on leve sur la bière, ou bierbank, qui signifie aussi taverne.

Bière. On appelle bière de Mars, la bière brassée dans le mois de Mars. Acad. Fr.

On dit proverbialement d’un portail mal fait ou ridicule, que c’est une enseigne à bière. Les ivrognes disent aussi qu’ils ne veulent point mettre leurs corps en bière ; pour dire, boire de la bière au lieu de vin.

Ce mot vient de l’allemand bier, signifiant la même chose, que Vossius dérive du latin bibere. Plusieurs autres le dérivent de l’hébreu bar, qui signifie blé dont on le fait ; d’autre de bion, dont Pline fait mention en parlant de breuvage. Le P. Pezron dit que bière, est un mot celtique, dont vient l’allemand berie ou berrie, non pas bier.

☞ BIETALA. Ville de la grande Tartarie, sur les frontières du Royaume de Barantola. C’est la résidence ordinaire du grand Lama, ou Pontife des Tartares.

☞ BIETIGKHEIM. Ville d’Allemagne, en Suabe, dans le Wurtenberg.

☞ BIETTE. Petite rivière de France, dans l’Artois, qui perd son nom dans le Lis. M. de l’Isle la nomme Clarence, & Robec, après qu’elle est jointe à la Nave.

BIÈVRE. s. m. Espèce de loutre & de castor, qui vit dans l’eau & sur terre. Castor, fiber. Cet animal est couvert d’une peau pleine de poils mous & drus. il a la tête semblable à un rat. Ses yeux, sa langue & ses dents, ressemblent aux yeux, à la langue & aux dents, d’un cochon. Son museau ressemble à celui d’un barbet : ses pieds de devant sont semblables à ceux d’un singe, ses pieds de derrière à ceux d’une oie. Le bièvre a au-deçà & au-delà de ses parties naturelles deux tumeurs, de la liqueur desquelles on se sert en Médecine. On prend des bièvres dans la province de Batta, dans la basse-Ethiopie, & leur peau est si chère, qu’elle est du prix d’un esclave ; c’est pourquoi personne n’en porte que par la permission du Roi. Dapper.

Bièvre, est aussi un oiseau de rivière, gros comme une moyenne oie sauvage. Il a le bec long, menu, dentelé, crochu par le bout, & semblable à celui de la piette de mer. Il a une crête sur le cou, la tête grosse & de couleur fauve, & le dessus du dos cendré, tirant sur la couleur plombée. Son ventre est presque blanc, & ses pieds rougeâtres. Ses yeux ne sont pas grands, ses ailes petites, eu égard à la grosseur de son corps ; elles ont une ligne blanche qui les traverse : son bec est long de trois doigts, rouge par-dessous & brun par-dessus. L’on y voit deux trous qui servent à la respiration. Sa queue est ronde comme celle des oiseaux de rivière. Il fait son nid sur les arbres & parmi les rochers. Il a une cavité ou bourse dans le corps, composée de membranes. Elle sert à conserver l’air ; c’est une partie qui est particulière aux oiseaux qui plongent. L’on ne fait pas grand cas de la bonté & de la délicatesse de sa chair. On le nomme en latin mergorum maxima. On le nomme bièvre en françois, parce qu’il est du naturel de l’animal amphibie nommé bièvre, qui fait grand dégat de poisson.

Menage dérive ce mot de bebrus, que les Latin des bas siècles ont dit pour fiber, aussi-bien que baver & beveron. Les Anglois & les Allemands l’appellent bever, les Anglo-Saxons befer. Voyez Castor.

BIÈVRE. Bivara. Petite rivière qui passe à Paris, & qui y sert aux belles teintures de la manufacture des Gobelins. Les eaux de la Bièvre ont des qualités singulières pour les teintures, sur-tout pour celle de l’écarlate. Cette rivière a été nommée Gobelin, d’un Jean Gobelin qui demeuroit sur ses bords. T. Corn. On la nomme aujourd’hui communément la rivière des Gobelins, ☞ & de Gentilly. Après avoir coulé dans les terres de chevreuse, elle passe au Pant-Antoni, Arcueil, à Gentilly, aux fauxbourgs de la porte S. Bernard. Elle entroit autrefois par des canaux dans la ville, & passoit sous la rue de Bièvre. Elle est sujette à des inondations qui ont fait quelquefois de grands ravages.

BIEZ. s. m. Canal qui renferme & conduit des eaux pour les faire tomber sur la roue d’un moulin, & les arrière-biez font les biez qui sont au-delà en remontant. Le biez d’un moulin. On disoit autrefois bier : ce qui a fait croire à quelques-uns que ce mot venoit de bière, parce que le biez en a la figure.

Du Cange dérive ce nom de bedale, qu’on a dit dans la basse latinité en la même signification. Je crois qu’il vient de via aquæ, comme étant un conduit d’eau, en lui donnant la prononciation gasconne.

BIF.

BIFFAGE. s. m. Vieux mot, qui veut dire examen : il se dit des comptes. Biffage des comptes. Examen rationum.

☞ BIFFERÆ PLANTÆ, en Botanique, sont celles qui fleurissent & fructifient deux fois chaque année.

BIFFE. s. f. Fausse apparence. Il voit que ce n’est que biffe & piperie. Ce mot signifie proprement une pierre fausse selon Nicot. Montagne, liv. I de ses Essais, chap. 42, & M. Coste, notes 12 & 13 sur ce ch. Je ne sais pas dans quelle édition de Nicot M. Coste a trouvé biffe : il n’est point dans celle de Paris in-fol 1606, c’est apparemment dans le Nicot augmenté par de Brosse, & publié pour la première fois en 1614, le même qu’il cite en sa 14e note sur le 2e chap. du 3e liv. au sujet de macheure, tache, contusion, meurtrissure. Ce n’est pas macheure, (on a mis macule dans l’édit. de Paris in-12, 1659, to. III, p. 47.) c’est plutôt, dit Montagne, une teinture universelle qu’une tache. La Noue, dans son Dictionnaire des rimes, p. 46, col. 2, explique aussi biffe au propre par hapelourde, faux diamant. Cotgrave dit de même, que biffe est une pierre précieuse contrefaite.

☞ v. a. Rayer, effacer une écriture, en sorte qu’on ne la puisse plus lire. delere. C’est particulièrement un terme de Palais. L’arrêt porte que telles paroles seront biffées d’un tel écrit. Biffer une clause d’un testament. Quand les emprisonnemens sont déclarés injurieux, on ordonne que l’écrou sera rayé & biffé.

Biffer, se dit aussi en matière de comptes. Biffer un article. On le dit aussi métaphoriquement de quelque ouvrage que l’on défait, que l’on rompt, que l’on déchire. Ainsi un poëte a dit d’un ouvrage de tapisserie, ou de broderie :

Coups de ciseaux au travers de l’ouvrage,
De mon labeur effacèrent les traits ;

Point ni resta, qi ne reçût outrage ;
Tout fut biffé. Jugez de mes regrets.

Nouv. choix d. p. d. p.

BIFFÉ, ÉE. part. Écriture biffée, écrou rayé & biffé. Deletus.

BIFURCATION. Terme de Botanique. C’est ce qu’on nommoit autrefois le fourc, l’endroit où une branche se sépare en deux & devient fourchue. Les Galinsectes se tiennent ordinairement dans les bifurcations des petites branches de l’orme. Reaumur.

Bifurcation. Terme d’Anatomie. État ou disposition d’une partie qui se divise en deux, qui fourche. Bifurcatio.

Se BIFURQUER. v. récip. Se diviser en deux, avoir deux fourchons. Terme de Dentiste. On voit des dents molaires, dont les racines se bifurquent vers le bout. M. Fauchard. ☞ On peut le dire de même en Anatomie & en Botanique. Branche qui se bifurque. Ramus bifurcus, bifurcatus, bifidus.

BIG.

BIGAILLE. s. f. Terme générique qui comprend tous les Insectes volatils, comme mouches, moucherons, vareurs, moustiques, cousins, tavets, maringouins, &c. Ces marécages couverts entretiennent un nombre infini de moustiques, maringouins, vareurs, & autres bigailles, qui dévorent ceux qui sont à leur portée le jour & la nuit. P. Labat. Il sembloit que tous les atômes de l’air fussent convertis en moustiques, en maringouins & en une autre espèce de bigaille qu’on appelle des vareurs. Id.

☞ BIGAME. adj. Souvent employé substantivement. C’est un terme de Jurisprudence, qui signifie qui est marié à deux personnes en même-temps. Il est Bigame. Bigamus, ou Digamus. On le dit également d’une femme. Elle est Bigame. A Rome celui qui avoit contracté deux mariages en même temps, étoit noté d’infamie par l’Edit du Préteur. On punissoit ci-devant les bigames de mort, mais par erreur, car il n’y a pas d’Ordonnance qui les condamnent à ce supplice ; maintenant on leur impose d’autres punitions.

☞ Les hommes sont ordinairement condamnés au Carcan & aux Galères, les femmes au bannissement.

Bigame, en Droit canonique, se dit de celui qui a épousé deux femmes successivement, ou qui ne s’étant marié qu’une fois, a épousé une veuve. En l’un & l’autre cas on est irrégulier, & l’on ne peut être promu aux Ordres sacrés sans dispense. Ce point de discipline est fondé sur ce que saint Paul dit dans son Epître à Tire, chap. 1. Mari d’une seule femme. C’est pourquoi les Bigames n’étoient point admis aux Ordres sacrés ; soit que la bigamie fût réelle pour avoir épousé deux femmes, soit qu’elle fût interprétative, pour avoir épousé une veuve, ou une fille qui a été corrompue avant son mariage. Ceux-là même passoient pour bigames, qui avoient fait vœu de virginité avant leur mariage ; & l’Eglise observoit une si grande rigueur à l’égard des bigames, que le Pape Léon I, ne voulut jamais permettre à un Evêque de Mauritanie de les ordonner. Le P. Doucin, dans son Histoire du Nestorianisme, dit qu’Irénée étant bigame, en ce qu’il avoit été marié deux fois, avoit été élu Evêque de Tyr contre les Canons. S. Jérôme, Gennadius & les Grecs, ne regardoient comme bigames que ceux qui avoient épousé deux femmes successivement, depuis qu’ils avoient épousé deux femmes successivement, depuis qu’ils avoient reçu le baptême ; mais saint Ambroise, saint Innocent & saint Augustin, ont regardé avec l’Eglise latine, comme bigames, ceux qui avoient épousé deux femmes, quand même ils auroient épousé la première avant que d’être baptisés. Voyez le P. Thomassin. Saint Epiphane dit, hær. 59, n. 4, que l’Eglise observe exactement de ne point ordonner les bigames, quoiqu’ils n’aient épousé la seconde femme qu’après la mort de la première. Dans le 6, 7 & 8e siècles, les bigames n’étoient exclus, tant en Orient qu’en Occident, que de l’Episcopat, la Prêtrise & le Diaconat : ils pouvoient recevoir les Ordre intérieurs avec dispense de leur Evêque, selon plusieurs Théologiens, & plusieurs Canonistes, qui citent pour eux saint Thomas ; mais le P. Thomassin dit que les Cardinaux interprètes du Concile de Trente, & Sixte IV, ont déclaré qu’il falloit, même en ce cas, avoir recours au Pape.

☞ BIGAMIE. s. f. Crime d’une personne qui est mariée en même-temps à deux autres. Digamia, ou Bigamia. Mariage avec deux personnes vivantes, dans le même-temps.

Ce mot vient du grec διγαμία, qui signifie un double mariage.

Bigamie, est aussi une qualité contractée par le mariage de deux femmes qu’on épouse successivement, & par un mariage avec une veuve, ou avec une femme débauchée. La première espèce de bigamie s’appelle réelle, & la seconde, interprétative. La Bigamie cause une irrégularité qui exclut un homme de l’entrée aux Ordres, tant sacrés que mineurs, & qui l’empêche d’exercer ceux qu’il a reçus. Confer. d’Ang. Tr. des Irrégularit. Le Pape Innocent I, dans sa Décrétale à Victrice, Evêque de Rouen, déclare qu’il y a bigamie, & par conséquent irrégularité, quand même le premier mariage auroit été contracté avant le baptême, parce que le mariage n’est pas comme les péchés qui sont effacés par le baptême.

Il y a une troisième espèce de bigamie, qu’on appelle par ressemblance : elle est encourue par le mariage qu’un homme engagé dans les Ordres sacrés, ou qui a fait profession dans quelqu’Ordre religieux, contracte avec une fille : l’Evêque peut dispenser, au moins en certaines occasions, de l’irrégularité qu’elle produit. Ducasse.

Bigamie, se dit aussi dans les choses spirituelles. Quand on possède deux bénéfices incompatibles, de même nature, comme deux Evêchés, deux Cures, deux Chanoinies, sub eodem tecto, &c. on commet une bigamie spirituelle. Voyez la déclaration du Roi, du 12 de Février 1681, sur l’incompatibilité des bénéfices.

BIGARADE. s. f. Sorte d’orange d’un goût amer, qui a sur la peau plusieurs pointes & excroissances. Malum aureum. Un jus de bigarade. Dans la classe des oranges aigres, les bigarades sont les meilleures, les plus belles & les plus considérables. La Quint. T. des Or. c. 12.

La diversité de sa couleur & l’inégalité de sa figure, lui ont fait donner le nom de bigarade en Provence.

Bigarade. s. f. C’est aussi une espèce de poire grosse, plate, d’un gris jaunâtre, & qui a la chair cassante : elle se nomme autrement Tulipée, ou Vilaine d’Anjou. La Quint.

BIGARRAT. s. m. Pendant la ligue, tous ceux qui tenoient le parti du Roi, furent appelés Bigarrats. Bouché. Hist. de Prov. T. II, p. 704, & De Ruffi, Hist. de Mars. Liv. VIII, p. 371, & suivantes. Celui-ci écrit Bigarras.

BIGARREAU. s. m. Fruit rouge, blanc & doucereux, qui vient au temps des cerises, qui a la chair plus ferme, & de figure moins ronde que les cerises, & approchant de celle d## "BIGARRAT" ##un cœur ; qui ressemble à une guigne, & qui a été ainsi appelé, à cause qu’il est bigarré de rouge, de blanc, & de noir. Cerasa duracina. Le Bigarreau est un très-bon fruit en arbre de tige. La Quint.

Il y a aussi un Bigarreau qu’on appelle cœur. Voyez Cerise.

☞ BIGARREAUTIER. s. m. Espèce de cerisier, arbre qui produit les bigarreaux. Cerusus duracinus. Voy. Cerisier. La Quintinie écrit bigarrotier. Il donne aussi le nom de bigarreau au bigarreautier. Le bigarreau, dit-il, a son fruit ferme, croquant, longuet & carré, mais toujours fort doux & fort agréable. Le bois en est fort gros, assez badinant, & la feuille longuette. Cela est contre l’usage.

BIGARRER. v. a. Diversifier de couleurs tranchantes ou mal assorties. {(lang|la|Variegare, vario colore distinguere}}. Les masques, les bouffons portent des habits bigarrés. Les Sergens, en faisant leurs exploits, portoient autrefois des manteaux bigarrés, comme on voit dans la Farce de Patelin.

Bigarrer, au fig. On commence à vouloir dans les discours une pointe de poësie, non qu’il faille les bigarrer des rapsodies d’Accius & de Pacuvius, mais bien y faire transpirer l’esprit d’Horace, de Virgile, & de Lucain. Morabin, p. 79.

Menage dérive ce mot de bivariare, qu’on a dit bisvarare, d’où il dérive aussi bigarreau, & bigearre : Pasquier le dérive de virgatus, & diversis coloribus partitus.

BIGARRÉ, ÉE. part. Qui est couvert, qui est diversifié de couleurs tranchantes & mal assorties. Variegatus, varius, discolor, versicolor. Il avoit un habit bigarré. Ils reluisoient, non pas d’or ni de parures bigarrées, mais d’acier bien poli. Vaug. Une compagnie bigarrée est une troupe de gens ramassés par hasard, qui n’ont ni le même génie, ni les mêmes inclinations. Un discours bigarré de phrases recherchées, & de paroles étudiées, donne dans la vûe des personnes peu intelligentes ; mais il paroît ridicule aux gens de bon goût. Port-royal.

BIGARROTIER. Voyez Bigarreautier & Cerisier.

BIGARRURE. s. f. Mauvais assortiment de couleurs & d’ornemens sur un habit, sur des meubles, &c. Insulsa, inepta varietas. ☞ La bigarrure suppose un assemblage mal assorti, que le caprice forme pour se réjouir, ou que le maivais goût adopte, dit M. l’Abbé Girard. La bigarrure des couleurs & des ornemens fait des habits ridicules, ou de théâtre. Voyez Variétés, Diversités.

Bigarrure, se dit aussi des Ouvrages d’esprit, composés de plusieurs choses qui n’ont aucune liaison ni relation ensemble. Mala congeries, farrago. Les bigarrures de Tabourot, qui y prend le nom de sieurs des Accords : c’est un livre d’une façon extraordinaire, fait de plusieurs pièces ramassées. Pasquier, L. VIII de ses Lettres, f. 245, loue aussi des bigarrures de Tabourot, comme pleines de gentillesse & de naïveté d’esprit, & bigarrées & diversifiées d’une infinité de beaux traits : au reste, cet ouvrage est un mauvais livre, rempli de sottise. La bigarrure de ce chapitre vous plaira. Balzac. N’est-ce pas profaner le sérieux, que de le mêler avec du comique ? Quelle bigarrure ! Amusemens sérieux & comiques.

Bigarrure, en termes de Fauconnerie, se dit des taches rousses & noires, ou diversités de couleurs qui rendent le pennage d’un oiseau bigarré. Versicolor.

BIGAT. s. m. Bigatus nummus. C’est le nom d’une ancienne monnoie des Romains, qui étoit d’argent, & sur laquelle étoit d’un côté un char tiré par deux chevaux, en latin biga. C’est de-là qu’elle avoit pris son nom. Pline, L. XXXIII, c. 3. C’étoit le denier dont la marque fut, au temps de la République, un char conduit par une victoire, & tiré par deux chevaux ou par quatre, d’où ils furent appelés ou bigats ou quadrigats, quadrigæti. Quelquefois sur le ’bigat, au lieu de deux chevaux, le char est tiré par deux cerfs, comme sur les médailles de la famille Axsia : dans la famille Crepereia deux hippopotames portent un Neptune sur leurs queues. Plusieurs des médailles que nous appelons consulaires, sont des bigats.

BIGE. s. f. ☞ Charriot à deux chevaux de front, tiré par deux chevaux, attelé de deux chevaux, tiré par deux chevaux unis sous un même joug, sont disent les Vocabulistes, Biga. Quoique ces sortes de mots ne soient pas dans l’usage, & qu’il n’y ait que quelques Savans qui s’en servent en certaines rencontres, cependant ils sont très-utiles, & épargnent des périphrases. Les Biges a les quadriges étoient les charriots qui couroient dans la lice. Dans des temps plus anciens, les biges étoient aussi d’un usage fort commun à la guerre & dans les combats. Dans Homère, dans Hésiode, dans Virgile, tous les Héros combattent en bige, c’est-à-dire, dans un char traîné par deux chevaux. Il y a des biges sur plusieurs médailles, sur-tout sur celles qu’on nomme consulaires, sur celles de Syracuse, &c.

Ce mot est formé du latin biga, qui se dit comme pour bijuga, & signifie un char qui a deux chevaux, ou autres animaix attelés à son joug, ou qui a un joug de deux animaux, de bis & jugum, ou qui a un double joug, & probablement ce mot a passé, par métaphore, des voitures tirées par des bœufs à celles qui étoient attelées de chevaux : ou bien les chevaux même dans des commencemens étoient enharnachés d’une espèce de joug, qui leur portoit sur le garot, ou sur le cou.

BIGEARRE. Voyez Bizarre.

Se BIGEARRER. v. recip. Le Roi d’Espagne n’osant recommencer la guerre, pendant que la France étoit florissante, unie, bien d’accord, & de même volonté, il a taché de semer la division & la discorde parmi nous, & sitôt qu’il a vu nos Princes se mécontenter, ou se bigearrer, il s’est secrétement jeté à la traverse, pour encourager l’un des partis, nourrit & fomenter nos divisions, & les rendre immortelles, pour nous amuser à nous quereller, entrebattre & entretuer l’un & l’autre, afin d’être cependant laissé en paix, & tandis que nous nous affoiblirions, croître & s’augmenter de notre perte & diminution... Sat. Mén. t. I, p. 112, 113.

Cotgrave, le seul qui ait fait mention de bigearrer, dit que c’est la même chose que bigarrer, & en ce cas se bigearrer signifieroit se partager, se diviser ; ce qui ne quadre pas mal avec le passage ci-dessus. Mais sans improuver ce sens-là, je crois que se bigearrer signifie être bigearre, ou bizarre, capricieux, fantasque, se cabrer, prendre la chèvre. Quoiqu’il en soit, il n’est pas d’usage.

BIGEMINATUM FOLIUM. Terme de Botanique, se dit quand un pétiole, divisé en deux, soutient, par son extrémité, quatre folioles.

☞ BIGEN. Ville du Japon, dans la presqu’île de Niphon, capitale du petit état de même nom, qui est dans la province ou pays de Jetxingo.

BIGERRIEN, ENNE. s. m. & f. Bigerro, Bigerrus. Ancien nom des habitans du pays de Bigorre, dont M. de Marca s’est servi quelquefois : Bigordan est celui qu’on donne aujourd’hui aux habitans de la même contrée.

BIGÉRIQUE, ou BIGERRIQUE. adj. m. & f. Bigerrinus. Les robes & les manteaux rudes & velus, fabriqués d’une laine grossière, portoient anciennement le nom de bigerriques, du nom du pays de Bigorre où on les travailloit, comme l’on peut voir dans Sévère Sulpice, & dans Fortunat, qui témoignent que S. Martin acheta pour son usage une cape bigerrique ; car c’est ainsi que je veux la nommer, estimant que ces habillemens bigerriques pouvoient être semblabes aux capes qui se fabriquent maintenant en Béarn, d’une laine grossière, pour défendre les pauvres gens contre le froid & les pluies. De Marca. Paulin les appelle en latin pellitæ bigerræ ; Sulpice Sévère, Bigerrica vestis brevis atque hispida, bigerrica palla ; d’autre bigerra.

BIGLE. adj. & s. m. & f. ☞ Qui a un œil ou les deux yeux tournés en dedans ; louche. Strbo, distortis oculis. Il est bigle, c’est un méchant bigle.

Ce mot vient de obliquulus, diminutif de obliquus. Mén. D’autres le font venir de binus oculus, c’est-à-dire, œil double, & qui regarde en deux endroits. Cos.

Bigle, est aussi une espèce de chien de chasse qui vient d’Angleterre, qui sert pour les lièvres & les lapins.

BIGLER. v. n. Regarder en bigle, en louche. Distortis oculis inuteri, aspicere. Cet enfant s’accoutume à bigler.

BIGNARD. Nom de deux Abbayes de Bénédictines proche de Bruxelles ; Bignard la grande, & Bignard la petite. On ne reçoit que des filles nobles parmi les Bénédictines de Bignard la grande. Cette Abbaye fut fondée vers l’an 1133 par Sainte Wiwine, qui en fut première Abbesse.

BIGNE. s. f. Tumeur, bosse au front, qui vient par quelque coup reçu, ou par quelque chute. Tuber, tuberculum. Il est suranné.

BIGNET. Voyez BEIGNET.

☞ BIGNONE. s. f. Genre de plante, qui tire son nom de celui de M. l’Abbé Bignon. Sa fleur est monopétale, irrégulière, ressemblante aux fleurs labiées, le pistil attaché comme un clou à la partie postérieure de la fleur. Il devient dans la suite un fruit ou une filique partagée en deux loges, & remplie de semences aplaties, & garnie de deux ailes membraneuses. Encyc.

☞ BIGOIS. s. f. Nymphe qui avoit écrit dans la Toscane un livre touchant l’art d’interpréter les éclairs. On gardoit ce livre à Rome dans le Temple d’Apollon, avec quelques autres de cette espèce.

BIGORDAN, ou BIGOURDAN, ANE. s. m. & f. Qui est du pays de Bigorre. Bigerrio dans César, Bigerrus dans Pline & dans Paulin. Paulin écrivant à son ami Ausone, parle avec mépris des habits des Bigordans, qu’il insinue avoir été faits de peaux de bêtes. De Marca. Le P. Monet prétend que les Béarnois sont une portion des Bigordans, qu’il nomme Bigordans occidentaux, & les vrais peuples de Bigorre , Bigordans Orientaux. Id. M. de Marca n’est pas de ce sentiment, non plus que Favyn. Vigenère, corrigeant sa première version, met en sa table les Bigerrions pour les Béarnois, à quoi y auroit plus d’apparence, qu’à les prendre pour Bayonne. Néanmoins ces Bigerriones de César sont les Bigourdans. Favyn. Hist. de Nav. p. 62 & 64.

Bigourdan paroît meilleur que Bigordan : il est plus doux, & plus selon l’usage de notre langue, qui change volontiers l’o en ou. Toulouse , Bourdeaux, Bourdelois, Périgourdain, &c. & non pas Tholose, Bordeaux, Périgordain. Quelques-uns écrivent Vigordan, parce que dans ces contrées voisines d’Espagne, comme en Espagne, on ne met point de différence entre le B & l’V consonne. Mais il faut laisser cette prononciation aux Bigordans & aux Gascons.

Le Bigordan. s. m. C’est la langue que parlent les peuples du Bigorre.

BIGORNE. s. m. Espèce d’enclume à deux cornes. Incus bicornis. Ch. Est. Dict.

BIGORNEAU. s. m. Est une petite bigorne dont on se sert sur l’établi : elle a un bout rond & l’autre carré. On se sert de ces espèces d’enclumes dans différens arts & métiers.

BIGORNER. v. a. Forger le fer en rond sur la bigorne. Ferrum rotundare.

BIGORRE. Prononcez Bigore. Pays de France, en Gascone, avec titre de Comté. Bigerrones, Bigerri., Ausone dit Bigeritani. Bigorrensis, ou Bigerrensis Comitatus. J’aimerois beaucoup mieux dire Bigeritanus, ou Bigorritanus Comitatus, puisque ces mots se trouvent dans l’antiquité, & que Bigorrensis, ni Bigerrensis, ne s’y trouvent point. Le Bigorre est presque tout dans les Pyrénées, qui le séparent de l’Arragon, du côté du midi : il a le Béarn au couchant, l’Armagnac propre & l’Estarac au nord, & les montagnes de l’Armagnac au levant. Ce pays a la forme d’une courge de vin : sa longueur qui est de 18 lieues, s’étend du midi au nord : la largeur est de 8 ou 10 lieues. Le nom de la cité des peuples de Bigorre étoit tellement altéré dans les exemplaires des Notices par quantité de diverses leçons corrompues, que les Doctes ont eu de la peine à le remettre en sa pureté, étant tantôt nommé Tursambica, Tralugorra, & quelquefois Tursa Mais les manuscrits plus corrects, & de meilleure foi, lui baillent le nom de Turba, ou de Tarba ; Tarba ubi Casirum Bigorra. Dans cette ville il y avoit un Château appelé Bigorre, comme les Notices l’assurent, qui a donné enfin le nom à toute la Cité ; de sorte qu’elle est nommée Bigorre, & non pas Tarbe, en l’accord des Rois Gontran & Chilperic dans Grégoire de Tours ; & les Evêques Aper & Julien ont souscrit au Concile d’Agde & d’Orléans quatrième, en qualité d’Evêques de la cité de Bigorre ; & Amélius au second de Mâcon comme Evêque de Bigorre, qui est la qualité que Grégoire de Tours lui donne. Le territoire ancien de la Cité avoit les mêmes limites que celui de l’Evêché, & n’étoit pas si étroit & resserré, comme celui qui porte aujourd’hui le titre de Comté de Bigorre, qui a été diminué de la rivière Basse, de la Viguerie, du Mauvaisin, & de ville de Saint Séver, de Rustan, & d’autres pièces qui en ont été détachées en divers temps. Voyez Notitia utriusque Vasconiæ, Auct. Arn. Oihenarto.

Maty a fait Bigorre féminin : M. de Marca en fait autant. Aujourd’hui on le fait masculin. Le Bigorre, & non pas la Bigorre. Tarbe est la capitale du Bigorre.

☞ BIGOT, OTE. adj. Qui contrefait le dévot, qui est scrupuleusement attaché aux pratiques de dévotion. On ne le dit qu’en mauvaise part. Pietatis simulator. Homme bigot, femme bigote, air bigot. On dit substantivement, c’est un vrai bigot, une vieille bigote. Voyez aussi Cagot.

Un bigot orgueilleux, qui dans sa vanité
Croit duper jusqu’à Dieu par son zèle affecté,
Couvrant tous ses défauts d’une sainte apparence,
Damne tous les humains de sa pleine puissance. Boil.

Ce mot vient de l’allemand bey & Gott, ou de l’anglois by God, qui signifie de par Dieu. Cambden rapporte en sa Britannia, que les Normands ont été appelés Bigots, à cause que le Roi Charles donnant la Normandie avec la fille Gilsa à Rollon, les Courtisans ayant averti ce Duc qu’il falloit qu’il baisât les pieds de Charles en reconnoissance d’un si grand bienfait, il répondit en Anglois No so by God, c’est-à-dire, Non par Dieu. Aussi-tôt le Roi & les siens en se moquant, l’appelèrent Bigot, nom qui passa aux autres Normands. Plusieurs autres Histoires & Chroniques apportent la même chose. Voyez Pasquier. Originairement ce mot n’étoit pas odieux, & signifioit seulement, de par Dieu. Dans le procès de la canonisation de S. Wernher, Act. SS. April. Tom. I, p. 722, on trouve beguttæ pour des filles dévotes. Il est du commencement du VIe siècle. Guillaume de Nangis rapporte que les Normands désirant de se faire Chrétiens, s’écrièrent Bigot, Bigot. Le Pere Thomassin, outre l’étymologie que nous venons de rapporter, donne celle que l’on trouve dans Etienne Guichard, qui dérive bigot, quand il se prend pour hypocrite, de l’hébreu, bagad ; transgredi, prævaricari, transgresser, prévariquer.

Bigot, en termes de Marine, est une petite pièce de bois de différente longueur, percée de deux ou trois trous, par où l’on passe le bâtard pour la composition du racage.

Bigot, en Italien Bigontia, est la mesure pour les liquides, dont on se sert à Venise. Le bigot est la quatrième partie de l’amphora, & la moitié de la botte.

BIGOTERE. Quelques-uns disent BIGOTELLE. s. f. Brosse de poche enfermée dans un petit étui, qui sert à retrousser la moustache. Scopula. On en fait aussi d’une pièce de cuir, dont en se bride la nuit pour tenir en état une barbe retroussée. La bigotère est fort peu en usage présentement, parce qu’il y a peu de personne qui laissent croître leur barbe. Les amours, tenoient, l’un la bigotère, l’autre le miroir, & les autres les peignes d’écaille, à la pompe funèbre de Voiture. Saras. Dom Quichotte se leva debout sur son lit, s’enveloppant tout le corps d’une couverture de satin jaune, un de ses bas lui servant de bonnet, le visage parsemé d’emplâtres, & la bigotelle sur la moustache ; & pour dire la vérité, rellemblant proprement à un Lutin qui court le masque. T. IV, c. 48, p. 192.

Ce mot vient de l’espagnol bigotera, & de vigotes, qui signifie de grands crocs de barbe retroussés en garde de poignard, comme on les porte en Espagne.

BIGOTERIE. s. f. Dévotion d’un bigot, qui est fausse, outrée ou superstitieuse. Simulatio pietatis. Toute sa dévotion n’est que bigoterie. Il y a des Savans qui vont jusqu’à l’idolâtrie, & jusqu’à la bigoterie pour l’antiquité, & qui chicanent l’honneur de toutes choses aux Modernes. S. Evr.

BIGOTISME. s. m. Profession que l’on fait de la bigoterie, caractère du bigot.

BIGRE. s. m. Apiarius. C’est le nom que l’on donnoit autrefois à de certains particuliers riverains des forêts, qui avoient soin d’y chercher des abeilles, de les rassembler, & de les élever dans des ruches, pour y faire du miel & de la cire. Les Bigres avoient le droit de couper & d’abattre les arbres où elles se trouvoient, à leur profit, sans en pouvoir être recherchés. Depuis en étendant ce pouvoir, ils avoient le droit de prendre dans les forêts tout le bois dont ils avoient besoin pour leur chauffage ; c’est pourquoi on les appeloit dans quelques endroits Francs Bigres. Le Roi ayant supprimé tous les droits de chauffage par son Edit de 1669, aux exceptions y portées, les Bigres qui n’avoient d’autres titres que l’usage, furent annéantis. On voit dans le Mercure de Février de 1729, une explication du mot bigre. L’Auteur tire l’étymologie de ce nom du mot