L’Encyclopédie/1re édition/BOYAUDIER

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Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 388-389).

BOYAUDIER, s. m. est un artisan qui prépare & file des cordes à boyau, pour servir aux instrumens de musique, à faire des raquettes, & à d’autres usages.

Ces maîtres composent une des communautés des Arts & Métiers de la ville & faubourgs de Paris : ils ne sont que huit maîtres en tout, qui travaillent dans le même endroit, & ont chacun leur attelier au faubourg S. Martin, auprès de l’endroit appellé Montfaucon.

Voici la maniere dont ces ouvriers s’y prennent pour fabriquer les cordes à boyau : ils se servent pour cela de boyaux de mouton ou d’agneau qu’on leur apporte de la boucherie sans être lavés, & encore tous pleins d’ordure, dans des especes de hottes appellées Bachoux. Voyez Bachou.

La premiere opération est le lavage des boyaux : pour cet effet ils se mettent des bottines aux jambes, pour empêcher l’ordure de tomber dans leurs souliers, & devant eux trois tabliers les uns par-dessus les autres, aussi-bien qu’une bavette devant leur estomac, pour ne point gâter leurs habits. V. Bottine, Tablier & Bavette. Dans cet équipage, ils prennent les boyaux par un bout, les uns après les autres, & les font glisser dans leur main, en les comprimant pour en faire sortir toute l’ordure. À mesure qu’ils les nettoyent, ils les jettent dans un chaudron pour les laisser amortir. Voyez Chaudron & Amortir.

Après avoir laissé amortir les boyaux pendant un tems raisonnable, dont la durée n’a point d’autre regle que le plus ou moins de chaleur qu’il fait, & qui dépend de la prudence de l’ouvrier, on les remet dans un autre chaudron encore pendant un certain tems ; & ensuite on les en tire pour les dégraisser un à un, sur un instrument appellé dégraissoir. Voy. Dégraissoir.

Lorsque les boyaux sont suffisamment dégraissés, & qu’on en a ôté les filandres, que l’on jette dans une tinette qui est auprès du dégraissoir, on les remet encore dans une tinette pleine d’eau ; c’est ce qu’on appelle les mettre blanchir. Voyez Filandres & Blanchir.

Les boyaux ayant suffisamment blanchi, des femmes les retirent de la tinette pour les coudre les uns au bout des autres, afin de leur donner précisément la longueur qu’on veut donner à la corde. Voyez Coudre.

Tout cela fait, les boyaux sont en état d’être filés. On file un boyau seul ou plusieurs ensemble, selon la grosseur que doit avoir la corde. Quand il n’y en a qu’un, ou fait une petite boucle à l’extrémité, & on l’attache par-là au crochet ou émerillon qui est au-haut du roüet ; s’il y en a plusieurs, on les attache ensemble par un nœud, & on les accroche à l’émerillon : pour lors un homme tourne la manivelle du roüet, tandis que l’ouvrier file en reculant à peu près de même que les cordiers. Voyez Rouet.

Quand les cordes sont filées, on les étend à l’air sur des especes de rateaux garnis de chevilles, dont le manche est enfoncé en terre ; & au bout de quelques jours ils les dégrossissent, c’est-à-dire, les rendent plus douces & plus égales : cette opération se fait avec une corde de crin, imbibée de savon noir, avec laquelle ils les frottent rudement depuis un bout jusqu’à l’autre. Voyez Dégrossir.

On donne encore une autre préparation aux cordes à boyau, avant qu’elles soient en état d’être exposées en vente : mais les ouvriers en font un mystere, & prétendent que c’est en cela que consiste tout le secret de leur art. Il y a apparence que ce prétendu secret n’est autre chose que de les frotter d’huile pour les adoucir encore plus & les rendre plus souples ; cependant ils assurent qu’ils ne se servent point d’huile.