Page:Aristote - Poétique et Rhétorique, trad. Ruelle.djvu/364

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poètes dans leurs interprètes. Ceux dont les œuvres se prêtent à la lecture ont une renommée soutenue. Chérémon, par exemple[1] ; car il est précis comme un logographe. Il en est de même de Lycimnius[2], parmi les poètes dithyrambiques.

Comparés entre eux, les discours écrits paraissent maigres dans les débats, et ceux des orateurs, qui font bon effet à la tribune, semblent être des œuvres d’apprentis[3] dans les mains des lecteurs. Cela tient à ce qu’ils sont faits pour le débat. Aussi les productions destinées à l’action, abstraction faite de la mise en scène, ne remplissant plus leur fonction, ont une apparence médiocre. Ainsi, par exemple, l’absence des conjonctions et les répétitions sont désapprouvées, à bon droit, dans un écrit ; tandis que, dans une œuvre faite pour le débat, les orateurs même peuvent recourir à ces procédés, vu que ce sont des ressources pour l’action.

III. Du reste, il faut varier les expressions pour dire la même chose, ce qui sert à amener les effets dramatiques : « Cet homme vous a volés ; cet homme vous a trompés ; cet homme enfin a essayé de vous livrer. » C’est ainsi, pareillement, que procédait l’acteur Philémon dans la Gérontomanie d’Anaxandride[4], quand il dit : « Rhadamanthys et Palamède, etc…, » et dans le prologue des Eusèbes, quand il dit. « moi ». En effet, si l’on ne met pas d’action en prononçant ces paroles, c’est le cas de dire : « Il porte une poutre[5]. »

  1. Poète tragique. Cp. l. II, ch. XXIII, et Poétique, ch. II et XXIV.
  2. Cp. ch. II et plus loin ch. XIII.
  3. Ἰὃιωτικοί de profanes.
  4. La Folie des vieillards, pièce d’Anaxandride. Cp. Athénée, Deipnosoph., l. XIII, p. 570.
  5. Le discours devient monotone comme le pas d’un homme qui porte un fardeau.