Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/246

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un livre destiné à exposer les théories modernes de l’électricité : il n’y est question que de cordes qui s’enroulent sur des poulies ; de tubes qui pompent de l’eau, d’autres qui s’enflent et se contractent ; nous pensions entrer dans la demeure paisible et soigneusement ordonnée de la raison déductive ; nous nous trouvons dans une usine ». S’inspirant de Pascal, Duhem établit un parallèle entre deux sortes d’esprits : les esprits amples mais faibles, les esprits profonds mais étroits. Il range les disciples de Maxwell, chez qui l’imagination prime la faculté logique de raisonner, parmi les esprits amples, en compagnie de Shakespeare et de Napoléon. Mais il donne lui-même la préférence aux esprits profonds, tels que Descartes, Newton, et la plupart des physiciens continentaux. « Pour un Français, une théorie physique est essentiellement un système logique ».

Remarquons d’ailleurs, que la logique dont parle ici Duhem n’est nullement celle des « logisticiens » modernes[1]. Duhem classe, en effet, tous les adeptes du calcul symbolique parmi les esprits amples, mais faibles[2]. Il y a plus. Les algébristes, déjà, feraient à l’imagination certaines concessions que Duhem semble regretter un peu. « Les mathématiciens, dit-il, ont imaginé des procédés qui substituent à la méthode purement abstraite et déductive une autre méthode où la faculté d’imaginer ait plus de part que le pouvoir de raisonner. Au lieu de traiter directement des notions abstraites qui les occupent, de les considérer en elles-mêmes, ils profitent de leurs propriétés les plus simples pour les représenter par des nombres, pour les

  1. Voir supra, chapitre iii, ii.
  2. Loc. cit., pp. 120-122.

(La première note a été placée par erreur sur cette page — je la rétablis à la bonne place, page précédente. — ElioPrrl (d))