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expéditif fait perdre beaucoup de tems ; allez plus sensément, vous aurez plutôt fait.

La hardiesse tient mal la place des talens réels ; quelquefois cependant dans les négociations elle ne manque pas d’avoir de l’empire sur les hommes.

Il vaut mieux généralement négocier de bouche que par lettres ; & plutôt par personne tierce, que par soi-même. Les lettres sont bonnes, lorsqu’on veut s’attirer une réponse par écrit, ou quand il est utile de garder par-devers soi les copies de celles qu’on a écrites, pour les représenter en tems ou lieu, ou bien lorsqu’on peut craindre d’être interrompu dans son discours. Au contraire quand la présence de celui qui négocie imprime du respect & qu’il traite avec son inférieur, il vaut beaucoup mieux qu’il parle. Il est encore bon que celui qui desire qu’on lise dans ses yeux ce qu’il ne veut par dire, négocie par lui-même ; enfin il doit se conduire ainsi, lorsqu’il projette de se réserver la liberté de dire & d’interprêter ce qu’il a dit.

Quand on négocie par un tiers, il vaut mieux choisir quelqu’un d’un esprit simple, qui exécutera vraissemblablement les ordres qu’il aura reçus, & qui rendra fidelement la conversation, que de se servir de personnes adroites à s’attirer l’honneur ou le profit par les affaires des autres, ou qui dans leurs réponses ajouteront pour se faire valoir, ce qu’ils jugeront pouvoir plaire davantage. Mais prenez par préférence à tout autre ceux qui souhaitent le succès de l’affaire pour laquelle ils sont employés. Les passions aiguisent puissamment le zèle & l’industrie. Cherchez encore avec soin ceux de qui le caractere convient le plus pour la chose dont vous les voulez charger, comme un audacieux pour faire des plaintes & des reproches, un homme doux pour persuader, un homme subtil pour découvrir & pour observer, un homme fier pour une affaire qui a quelque chose de déraisonnable & d’injuste. Employez par choix ceux qui ont déja réussi dans vos affaires, ils auront plus de confiance & feront tout leur possible pour soutenir l’opinion déja établie de leur capacité.

Quant aux négociations politiques, voyez Négociateur, Ministre, Plénipotentiaire. (D. J.)

Négociation, s. f. (Comm.) se dit du commerce des billets & lettres de change, qui se font dans les bourses & sur les places de change par l’entremise des courtiers ou agens de change, ou par les marchands & banquiers eux-mêmes. Voyez Lettres de change, Bourses, Place de change, Agent de change, Courtier, Banquier, Marchand. Dict. de com. (G)

NÉGOCIER, v. act. & neut. trafiquer, commercer, les marchands négocient en différentes marchandises, les banquiers négocient en argent, en billets, en lettres de change. Voyez Négoce & Commerce. (G)

Négocier une lettre de change, c’est la céder ou la transporter à un autre moyennant la valeur que l’acheteur en donne au cédant ou vendeur, ce qui se peut faire en trois manieres, au pair, avec profit ou avec perte.

On négocie au pair quand on reçoit précisément la somme contenue dans la lettre de change ; la négociation se fait avec profit, quand le cédant reçoit plus que ne porte la lettre ; & elle se fait avec perte, quand on cede une lettre de change pour une somme moindre que celle qui y est exprimée.

Quand le tireur d’une lettre de change reçoit plus que le pair, cela s’appelle avance pour le tireur, on nomme au contraire avance pour le donneur d’argent & perte pour le tireur lorsque le donneur donne moins que le pair. Dict. de comm. (G)

NEGOMBO, (Géog.) forteresse de l’île de Ceylan sur la côte occidentale du pays de la Canelle.

Elle fut bâtie par les Portugais, à qui les Hollandois l’enleverent en 1640. Long. 98. latit. 7. 30.

NEGORES, (Hist. mod.) c’est le nom que l’on donne au Japon à un ordre de bonzes ou de moines militaires, institué comme les chevaliers de Malte, pour défendre la religion. Le P. Charlevoix nous apprend qu’il n’est point de soldats plus aguerris & mieux disciplinés que les negores. Ils font vœu de continence, & l’entrée de leur couvent est interdite aux femmes.

NEGRE, s. m. (Hist. nat.) homme qui habite différentes parties de la terre. Depuis le tropique du cancer jusqu’à celui du capricorne l’Afrique n’a que des habitans noirs. Non-seulement leur couleur les distingue, mais ils different des autres hommes par tous les traits de leur visage, des nez larges & plats, de grosses levres, & de la laine au lieu de cheveux, paroissent constituer une nouvelle espece d’hommes.

Si l’on s’éloigne de l’équateur vers le pole antartique, le noir s’eclaircit, mais la laideur demeure : on trouve ce vilain peuple qui habite la pointe méridionale d’Afrique.

Qu’on remonte vers l’orient, on verra des peuples dont les traits se radoucissent & deviennent plus réguliers, mais dont la couleur est aussi noire que celle qu’on trouve en Afrique.

Après ceux-là un grand peuple basané est distingué des autres peuples par des yeux longs, étroits & placés obliquement.

Si l’on passe dans cette vaste partie du monde qui paroît séparée de l’Europe, de l’Afrique & de l’Asie, on trouve, comme on peut croire, bien de nouvelles variétés. Il n’y a point d’hommes blancs : cette terre peuplée de nations rougeâtres & basanées de mille nuances, se termine vers le pole antartique par un cap & des îles habitées, dit-on, par des géans. Si l’on en croit des relations de plusieurs voyageurs, on trouve à cette extrémité de l’Amérique une race d’hommes dont la hauteur est presque double de la nôtre.

Avant que de sortir de notre continent, nous aurions pû parler d’une autre espece d’hommes bien différens de ceux-ci. Les habitans de l’extrémité septentrionale de l’Europe sont les plus petits de tous ceux qui nous sont connus. Les Lapons du côté du nord, les Patagons du côté du midi paroissent les termes extrèmes de la race des hommes.

Je ne finirois point si je parlois des habitans des îles que l’on rencontre dans la mer des Indes, & de celles qui sont dans ce vaste Océan, qui remplit l’intervalle entre l’Asie & l’Amérique. Chaque peuple, chaque nation a sa forme comme sa langue ; & la forme n’est elle pas une espece de langue elle-même, & celle de toutes qui se fait le mieux entendre ?

Si l’on parcouroit toutes ces îles, on trouveroit peut-être dans quelques-unes des habitans bien plus embarrassans pour nous que les noirs, auxquels nous aurions bien de la peine à refuser ou à donner le nom d’hommes. Les habitans des forêts de Bornéo dont parlent quelques voyageurs, si ressemblans d’ailleurs aux hommes, en pensent-ils moins pour avoir des queues de singes ? Et ce qu’on n’a fait dépendre ni du blanc ni du noir dépendra-t-il du nombre des vertebres ?

Dans cet isthme qui sépare la mer du Nord avec la mer Pacifique, on dit qu’on trouve des hommes plus blancs que tous ceux que nous connoissons : leurs cheveux seroient pris pour de la laine la plus blanche ; leurs yeux trop foibles pour la lumiere du jour, ne s’ouvrent que dans l’obscurité de la nuit : ils sont dans le genre des hommes ce que sont parmi les oiseaux les chauve-souris & les hibous.

Le phénomene le plus remarquable & la loi la