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Projet, s. m. (Pêche de corail.) on appelle projet sur la côte de Barbarie, & sur-tout au bastion de France où se fait la pêche du corail, celui des corailleurs qui jette l’espece de filet ou de chevron avec lequel on tire le corail du fond de la mer : il a pour ses peines deux parts, de treize qu’on en fait dans chaque bateau ou barque corailliere du corail qui se pêche chaque jour.

PROJETTER, v. act. (Gram.) former un projet. Voyez l’article Projet. Il est rare que nous apportions une attention & une sagesse proportionnée à la difficulté & aux obstacles des choses que nous projettons. Pour une fois, où ce que nous appellons le hasard, fait manquer notre projet, il y en a cent où c’est la maladresse ; nous sommes plus souvent imprudens ou gauches, que malheureux.

PROLATIO RERUM, (Droit romain.) c’est-à-dire la suspension des affaires. Res prolatæ étoient opposées à res actæ, c’est-à-dire au tems où le sénat s’assembloit, & où l’on rendoit la justice. Prolatio rerum étoit la même chose que justitium indicere, suspendre les affaires.

Il y avoit deux sortes de prolatio rerum, l’un ordinaire, qui étoit le tems fixé pour les vacations, & l’autre extraordinaire, qui n’avoit lieu que dans les grandes extrémités, dans des tems de tumulte & de guerre civile ; alors le sénat, res proferebat, ou justitium indicebat, formule qui signifie que le sénat ordonnoit que toutes les affaires civiles cessassent, & qu’on ne rendît point la justice, jusqu’à ce que la tranquillité fût rétablie. C’est ainsi qu’il en usa, lorsqu’il apprit que César étoit entré avec son armée en Italie. Comme nous n’avons rien dans nos usages qui réponde au rerum prolatio des Romains, on ne peut le rendre en françois que fort difficilement ; mais il faut toujours savoir le sens de cette expression pour entendre les auteurs latins. (D. J.)

PROLATION, s. f. est dans nos anciennes musiques, une maniere de déterminer la valeur des notes semi-breves sur celle de la breve, ou la valeur des minimes sur celle de la semi-breve. Cette prolation se marquoit après la clé, & quelquefois après le signe du mode (voyez Mode.) par un cercle ou un demi-cercle ponctué, ou sans point, selon les regles suivantes.

Regardant toujours la division soû-triple comme la plus excellente, ils divisoient la prolation en parfaite & imparfaite ; & l’une & l’autre, en majeure & mineure, de même que pour le mode.

La prolation parfaite étoit pour la mesure ternaire, & se marquoit par un point dans un cercle quand elle étoit majeure, c’est-à-dire quand elle indiquoit le rapport de la breve à la semi-breve, ou par un point dans un demi-cercle quand elle étoit mineure, c’est-à-dire quand elle indiquoit le rapport de la semi-breve à la minime. Voyez les Pl.

La prolation imparfaite étoit pour la mesure binaire, & se marquoit comme le tems, par un simple cercle quand elle étoit majeure, ou par un demi-cercle quand elle étoit mineure. Voyez les Pl.

Depuis, on ajouta quelques autres signes à la prolation parfaite ; outre le cercle & le demi-cercle, on se servit du chiffre pour exprimer la valeur de trois rondes ou semi-breves, pour celle de la breve ou quarrée, & du chiffre pour exprimer la valeur de trois minimes ou blanches pour la ronde ou semi-breve. Voyez les Fig.

Aujourd’hui toutes les prolations sont abolies ; la division double l’a emporté, & il faut avoir recours à des exceptions & à des signes particuliers, pour exprimer le partage d’une note quelconque en trois autres notes égales. Voyez Valeur des notes. (S)

PROLEGOMENES, en termes de Philologie ; observations préparatoires ou discours qu’on met à la tête d’un livre, & dans lesquels on renferme tout ce

qui est nécessaire pour mettre le lecteur plus à portée d’entendre l’ouvrage & de le lire avec profit.

Ce mot vient du grec προλεγόμενον, qui est formé de πρὸ, devant, & de λέγω, je parle.

L’étude de presque tous les arts & de toutes les sciences demande des instructions préliminaires appellées prolégomenes. Voyez Préliminaires.

Les prolégomenes de la Logique contiennent certaines matieres préalables dont l’intelligence est requise pour concevoir avec plus de facilité la doctrine des prédicamens ou des cathégories. V. Prédicament.

Telles sont les définitions des termes communs, comme les équivoques, les univoques, &c. Voyez Définition, Division, &c.

On les appelle ainsi, parce que Aristote en a d’abord traité avant que d’en venir aux prédicamens, afin de ne point rompre le fil de son discours dans la suite.

PROLEPSE, s. f. (Rhétor.) figure par laquelle on prévient les objections de son adversaire. Cette figure, dit Quintilien, produit un bon effet dans les plaidoyers, particulierement dans l’exorde, où c’est une espece de précaution & de justification que l’orateur juge utile à sa cause. C’est ainsi que Cicéron plaidant pour Cecilius, commence par prévenir l’étonnement où l’on pouvoit être en le voyant accuser, lui qui ne s’étoit occupé jusqu’alors qu’à défendre ceux que l’on accusoit. On prévient quelquefois les juges favorablement par la confession de sa faute, comme lorsque le même Cicéron parlant pour Rabirius, dit que sa partie lui paroît coupable d’avoir prêté de l’argent au roi Ptolomée, &c. (D. J.)

PROLEPTIQUES, προληπτκοὶ, se dit en Médecine des accidens périodiques qui anticipent d’un jour à l’autre, c’est-à-dire dans lesquelles le paroxisme ou accès anticipe le tems ordinaire où il avoit coutume d’arriver. Ce qui arrive dans certaines fievres intermittentes. Voyez Fievre.

PROLETAIRES, s. m. pl. (Hist. rom.) proletarii ; c’est ainsi qu’on nommoit chez les Romains la classe des plus pauvres citoyens dont les biens ne montoient pas à 1500 pieces d’argent. On les distinguoit par ce nom de ceux qui n’avoient pour ainsi dire rien, & qu’on appelloit capite censi. (D. J.)

PROLIFIQUES, en terme de Médec. se dit de ce qui ales qualités nécessaires pour produire la génération.

Les Médecins prétendent pouvoir distinguer si la semence est prolifique ou non. Voyez Semence.

Prolifiques, remedes qui servent à aider la génération en excitant aux plaisirs de Vénus. On les nomme aphrodisiaques. Voyez Aphrodisiaques.

PROLIXITÉ, s. f. (Belles Lett.) c’est le défaut d’un discours qui entre dans des détails minutieux, ou qui est long & circonstancié jusqu’à l’ennui. Voyez Style.

La prolixité est un vice du style opposé à la briéveté & au laconisme ; on la reproche communément à Guichardin & à Gassendi. Ces harangues directes des généraux à leurs soldats, qu’on trouve si fréquemment dans les anciens historiens, & qui ennuient par leur prolixité, sont aujourd’hui proscrites dans les meilleurs histoires modernes.

Si la prolixité rend la prose trainante, elle doit encore être bannie des vers avec plus de sévérité. Là, selon M. Despreaux,

Tout ce qu’on dit de trop est fade & rebutant,
L’esprit rassasié le rejette à l’instant. Art poét. c. j.

En effet, il est une sorte de bienséance pour les paroles comme il en est une pour les habits. Une robe surchargée de pompons & de fleurs seroit ridicule. Il en est de même en Poésie d’une description trop fleurie, & dans laquelle parmi de grands traits, on rencontre des circonstances inutiles. Tel est le récit de la mort d’Hypolite dans Racine, qui n’oublie ni le triste maintien des coursiers de ce héros, ni la pein-