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même dans mille autres cas, qui ne sont & ne peuvent être entendus que par des grammairiens véritablement logiciens & philosophes. (E. R. M. B.)

Regime, s. m. (Médec. Hygiene & Thérap.) διάταξις, diæta, regimen, victûs ordinatio. C’est la pratique qu’on doit suivre pour user avec ordre & d’une maniere réglée, des choses dites dans les écoles non-naturelles ; c’est-à-dire de tout ce qui est nécessaire à la vie animale, & de ce qui en est inséparable, tant en santé qu’en maladie. Voyez Non-naturelles, choses.

Cette pratique a donc pour objet de rendre convenable, de faire servir à la conservation de la santé l’usage de ces choses ; de substituer cet usage réglé à l’abus de ces choses qui pourroit causer ou qui a causé le dérangement de la santé, l’état de maladie ; par conséquent de diriger l’influence de ces choses dans l’économie animale, de maniere qu’elles contribuent essentiellement à préserver la santé des altérations qu’elle peut éprouver, ou à la rétablir lorsqu’elle est altérée. Voyez Santé & Maladie.

Ainsi le régime peut être considéré comme conservatif, ou comme préservatif, ou comme curatif, selon les différentes circonstances qui en exigent l’observation. La doctrine qui prescrit les regles en quoi il consiste, fait une partie essentielle de la science de la Médecine en général. Il est traité des deux premiers objets du régime dans la partie de cette science appellée hygiene, & du dernier, dans celle que l’on nomme thérapeutique. Voyez Médecine, Hygiene, Thérapeutique

L’assemblage général des préceptes qui enseignent ce qui constitue le régime, forme aussi une partie distinguée dans la théorie de la Médecine, que l’on appelle diététique ; & l’usage même de ces préceptes est ce qu’on appelle diete, qui dans ce sens est comme synonyme à régime (Voyez Diete) ; ensorte que le régime & la diete paroissent avoir la même signification, puisque ces deux mots doivent présenter la même idée, & qu’il n’y a pas de différence entre vivre de régime & pratiquer la diete, qui n’est autre chose qu’une maniere de vivre, d’user de la vie réglée, & conforme à ce qui convient à l’économie animale. Mais communément on n’étend pas cette signification de la diete à l’usage de toutes les choses non-naturelles ; on la borne à ce qui a rapport à la nourriture seulement, & même souvent à sa privation ; au lieu que le régime présente l’idée de tout ce qui est nécessaire dans l’usage de ces choses, pour le maintien de la santé, & pour la préservation ou la curation des maladies, selon l’application que l’on fait de ce terme.

Il s’agit ici par conséquent en traitant du régime, de rapporter les regles en quoi il consiste, pour déterminer le bon & le mauvais usage de toutes les choses non-naturelles. Il a été fait une exposition générale de ce qu’il importe à savoir pour fixer ces regles, dans les articles Hygiene & Non-naturelles, choses ; il reste à en faire l’application aux différentes circonstances qui déterminent les différences que comporte le régime, tant par rapport à la santé, que par rapport à la maladie, selon la différente disposition qui se trouve dans ces états opposés.

I. Du régime conservatif. D’abord pour ce qui regarde la santé, le régime varie selon la différence du tempérament, de l’âge, du sexe, des saisons, des climats.

1°. Pour bien régler ce qui convient à chaque tempérament, il faut en bien connoître la nature. Voyez Tempérament.

Le tempérament bilieux qui rend le système des solides fort tendu, & susceptible de beaucoup d’irritabilité & d’action, ce qui fait que les humeurs sont ordinairement en mouvement & dans une grande agi-

tation, & produisent beaucoup de chaleur animale,

exige que l’on vive dans un air qui tende plus à être frais & humide, qu’à être chaud & sec ; que l’on use d’alimens humectans, rafraîchissans, d’une boisson abondante, tempérante ; que l’on favorise l’excrétion des matieres fécales & la transpiration ; que l’on évite l’usage des alimens échauffans, des viandes grasses, des mets fortement assaisonnés, épicés, aromatiques, des liqueurs fortes, l’excès des liqueurs fermentées, le trop grand mouvement du corps & de l’esprit, les passions de l’ame, qui causent beaucoup d’agitation, d’éretisme, comme l’ambition, la colere.

Le tempérament mélancolique donnant de la roideur aux fibres, & rendant compacte la substance des solides, ce qui fait que les organes sont moins actifs, que le cours des humeurs est lent, paresseux, que le sang & tous les fluides sont disposés à l’épaississement ; qu’il s’établit une disposition dominante à ce qu’il se forme une sorte d’embarras dans l’exercice des fonctions tant du corps que de l’esprit, il convient en conséquence que ceux qui sont de ce tempérament évitent tout ce qui peut contribuer à épaissir, à engourdir les humeurs, comme l’excès de la chaleur & du froid, les alimens grossiers, de difficile digestion, tels que les viandes dures, coriaces, les légumes farineux ; que l’on ne fasse point usage de liqueurs spiritueuses, coagulantes ; que l’on cherche à vivre dans un air tempéré qui tienne plus du chaud & de l’humide que du froid & du sec, pour opposer les contraires aux contraires ; que l’on vive sobrement d’alimens legers, & que l’on use d’une boisson abondante d’eau pure ou mêlée à une petite quantité de liqueur fermentée ou légerement aromatisée ; que l’on se livre avec modération à l’exercice du corps, sur-tout par l’équitation, les voyages ; que l’on cherche aussi beaucoup à se procurer de la dissipation, par la variété des objets agréables, & en évitant toute contention, tout travail d’esprit, qui ne récréent pas, & qui fatiguent.

Le tempérament sanguin établissant la disposition à former une plus grande quantité de sang, tout étant égal, que dans les autres tempéramens ; ceux qui sont ainsi constitués doivent éviter soigneusement tout ce qui peut contribuer à faire surabonder cette partie des humeurs ; ils doivent s’abstenir de manger beaucoup de viande, & de tout aliment bien nourrissant ; de faire un grand usage du vin, des liqueurs spiritueuses ; de se livrer trop au repos, au sommeil. Il leur est très-utile & avantageux de vivre dans un air tempéré, parce que la chaleur & le froid leur sont également contraires ; de vivre sobrement ; de s’accoutumer de bonne heure à la tempérance, à un genre de vie dur, à des alimens grossiers ; d’user d’une boisson legere, délayante & apéritive ; de favoriser les hémorrhagies naturelles, & de se preserver de tout ce qui peut en causer la diminution, la suppression, & de fuir le chagrin, ainsi que toute affection de l’ame, qui peut ralentir le cours des humeurs.

Comme dans le tempérament phlegmatique ou pituiteux, c’est la sérosité visqueuse, glaireuse qui domine dans la masse des humeurs, dont le mouvement est très-languissant, & que toutes les actions du corps & de l’esprit sont très-paresseuses, il convient donc d’exciter le cours des fluides, en réveillant l’irritabilité, trop peu dominante dans les solides ; d’employer tout ce qui est propre à fortifier les organes, & qui peut corriger l’intempérie froide & humide, par le chaud & le sec. Ainsi on doit dans cette disposition éviter de vivre dans un air humide & froid, de se nourrir d’alimens végétaux, qui n’ont point de saveur forte, tels que la plûpart des fruits & le jardinage crud ou sans assaisonnement ; les viandes rôties, sur-tout les viandes noires, sont préférables, ainsi