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propre : ce qui fait qu’Arrien, l. III. c. xviij. le nomme Περσιδαὶ Πύλαι, Pilæ Persides, & Strabon Περσίχαι Πύλαι, Portæ Persicæ. C’est ce que nous connoissons à-présent sous le nom de Pas-de-Suse. (D. J.)

SUSOR, (Géog. mod.) petite ville de la Turquie, en Asie, dans l’Anatolie, sur la côte méridionale de la presqu’île qui s’étend depuis Smyrne jusqu’à l’île de Scio. Quelques auteurs la prennent pour l’ancienne Téos, patrie d’Anacréon, & épiscopale suffragante d’Ephèse. (D. J.)

SUSPECT, adj. (Gram.) sur lequel on a des soupçons bien fondés : un auteur suspect, une femme suspecte, une opinion, une doctrine suspecte, une conduite suspecte, des mœurs suspectes ; qui est-ce qui n’est pas un peu suspect en ce monde ?

SUSPENDRE, v. act. (Gram.) c’est attacher quelque chose en-haut : on suspend une cage, un lustre, une cloche ; la terre est suspendue dans l’espace ; au figuré, on dit suspendre un jugement, suspendre son jugement, demeurer suspendu entre la crainte & l’espérance ; suspendre les progrès de la corruption, du luxe, de l’impiété ; suspendre de ses fonctions un prêtre, un officier de justice, &c.

SUSPENS, adj. (Jurisp.) du latin suspensus, est celui qui a encouru la peine de la suspense, c’est-à-dire, que l’on a suspendu de quelques fonctions ecclésiastiques. Voyez ci-après Suspense. (A)

SUSPENSE, s. f. (Jurisprud.) est une interdiction faite à un clerc de faire les fonctions de son ordre pendant un certain tems, à la différence de l’interdiction à perpétuité qui emporte la déposition.

La suspense est une peine propre aux clercs ; elle est plus ou moins grave, selon la qualité des fautes, & elle varie aussi quelquefois selon les usages des églises.

C’est ordinairement la premiere peine que prononce le juge d’église.

Il peut l’ordonner sur un simple interrogatoire de l’accusé.

Le decret d’ajournement personnel emporte suspense contre les clercs.

On distingue la suspense en locale ou personnelle ; elle est locale, quand l’ecclésiastique n’est interdit de ses fonctions que dans un certain lieu, & personnelle, s’il l’est en tout lieu.

Elle peut être générale ou bornée à certaines fonctions, comme pour la prédication seulement, ou pour la confession, ou pour la célébration de la messe.

Elle peut être indéfinie ou bornée à un tems plus ou moins long, auquel cas elle cesse de plein droit après l’expiration du terme.

Un clerc peut aussi être interdit, non des fonctions de son ordre, mais de quelqu’autre droit, comme un chanoine que l’on prive pour un tems du droit de suffrage, ou de l’entrée au chœur, ou du revenu de son bénéfice.

Celui qui n’observe pas la suspense, encourt l’irrégularité. Voyez l’institution au droit ecclés. de M. Fleury, & le mot Irrégularité. (A)

SUSPENSEUR muscle, (Anat.) ce muscle du testicule, autrement nommé cremaster, vient non seulement de la partie inférieure du muscle oblique interne, mais encore de la corde tendineuse, ou ligament de Fallope, qui est formée de l’union des muscles obliques & transverses dans leur partie inférieure.

Le muscle suspenseur descend le long de la tunique vaginale ; à mesure qu’il approche des testicules, les fibres charnues qui le composent, s’écartent, & leur expansion semble former une espece de membrane, que plusieurs anatomistes ont nommé erythroïde ou rougeâtre, laquelle est étroitement unie à la vaginale.

Vésale a le premier décrit par lettres le muscle sus-

penseur du testicule & son origine, Casserius ensuite,

& Cowper beaucoup mieux. (D. J.)

SUSPENSIF, adj. (Jurisprud.) est ce qui a l’effet de suspendre l’exécution d’un jugement ; en général l’appel n’est pas simplement dévolutif, il est aussi suspensif, excepté dans les cas ou le jugement est exécutoire par provision. Voyez Appel, Exécution, Défenses, Jugement, Matiere sommaire, Provision, Sentence provisoire. (A)

SUSPENSION, s. f. en Méchanique, le point de suspension d’une balance est le point où la balance est arrêtée & suspendue. Les points de suspension des poids de la balance sont les points où sont attachés ces poids. Le point de suspension d’une balance à bras égaux est le point de milieu de la balance. Il n’en est pas de même de la balance romaine, dont le point de suspension est fort près d’une de ses extrémités. Voyez Appui, Balance, Levier, Peson, Romaine. (O)

Suspension, (Belles-Lettres.) figure de rhétorique par laquelle l’orateur commence son discours de maniere que l’auditeur n’en prévoit pas la conclusion, & que l’attente de quelque chose de grand excite son attention & pique sa curiosité. Telle est cette pensée de Brebeuf dans ses entretiens solitaires. Il s’adresse à Dieu :

Les ombres de la nuit à la clarté du jour,
Les transports de la rage aux douceurs de l’amour,
A l’étroite amitié la discorde & l’envie,
Le plus bruyant orage au calme le plus doux,
La douleur au plaisir, le trépas à la vie,
Sont bien moins opposés que le pécheur à vous.

Autre sorte de suspension :

Vel pater omnipotens adigat me fulmine ad umbras,
Pallentes umbras erebi, noctemque profundam,
Ante pudor quam te violo, aut tua jura resolvo.

Didon s’arrête à la fin du premier vers ; elle fortifie son serment, elle s’effraye elle-même par des spectres, afin de s’encourager à tenir son serment.

Voici une même suspension dans des vers qui ne le cedent point en beauté à ceux de Virgile ; c’est Clitemnestre qui s’adresse à Oreste qui avoit demandé en mourant que sa cendre fût déposée à côté de celle d’Agamemnon son pere ; elle lui dit : tu veux donc

Que je descende au fond de ces grands monumens,
Où la nuit du trépas, cette nuit immobile,
De l’ombre de ton pere est l’éternel azile.

Suspension, s. f. en Musique ; on appelle ainsi tout accord sur la basse duquel on soutient un ou plusieurs sons de l’accord précédent, avant que de passer à ceux qui lui appartiennent ; comme si la basse passant de la tonique à la dominante, je suspens encore quelques instans sur cette dominante l’accord de la tonique qui la précede, avant que de le résoudre sur le sien, c’est une suspension.

Il y a des suspensions qui se chiffrent & entrent dans l’harmonie ; quand elles sont dissonantes, ce sont toujours des accords par supposition. Voyez Supposition. D’autres suspensions ne sont que de goût ; mais de quelque nature qu’elles soient, on doit toujours les assujettir aux trois regles suivantes.

1°. La suspension doit se faire sur le frappé de la mesure, ou du moins sur un tems fort.

2°. Elle doit toujours se résoudre diatoniquement, soit en montant, soit en descendant, c’est-à-dire que chaque partie qui a suspendu, ne doit ensuite monter ou descendre que d’un degré, pour arriver à l’accord naturel de la note de basse qui a porté la suspension.

3°. Toute suspension chiffrée doit se sauver en descendant, excepté la seule note sensible qui se sauve en montant.