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donc pas s’étonner, si nous devons cette découverte uniquement au hazard, & ainsi être moins fâchés de l’incertitude où nous sommes sur son auteur ; puisqu’il n’a dans cette découverte que le mérite du bonheur, & non celui de la sagacité. Telle est la marche lente & pénible de l’esprit humain. Il faut qu’il fasse des efforts incroyables pour sortir des routes ordinaires, & s’élancer dans des routes inconnues ; encore n’est-ce presque jamais que le hazard qui le tire des premieres pour le conduire dans les secondes. Et l’on ne peut douter que nos connoissances actuelles, soit en physique, soit en mathématique, ne renferment un nombre infini de découvertes, qui tiennent à une réflexion si naturelle, ou à un hazard si simple, que nos neveux ne pourront comprendre comment elles nous sont échappées.

Divers savans tels que Galilée, Képler, Descartes, Grégory, Huyghens, Neuton, &c. ont contribué successivement à porter le télescope au point de perfection où il est aujourd’hui. Képler commença à perfectionner la construction originaire du télescope, en proposant de substituer un oculaire convexe à un oculaire concave. C’est ce qui paroît par sa dioptrique imprimée en 1611 ; car dans cette dioptrique il décrit un télescope composé de deux verres convexes, auquel on a donné depuis le nom de télescope astronomique.

Il y a différentes sortes de télescopes qui se distinguent par le nombre & par la forme de leurs verres, & qui reçoivent leurs noms de leurs différens usages.

Tel est le premier télescope ou le télescope hollandois ; celui de Galilée, qui n’en differe que par sa longueur : le télescope céleste ou astronomique, le télescope terrestre, & le télescope aërien. Il y a encore, comme nous l’avons dit, le télescope composé de miroirs ou de réflexion. Nous allons donner successivement la description de ces différens télescopes, & expliquer les principes sur lesquels sont fondés leurs effets, leurs avantages & les causes d’où naissent leurs différentes imperfections.

Le télescope de Galilée ou allemand, est composé d’un tuyau dont on peut voir la structure à l’article Tube, dans lequel est à l’un de ses bouts un verre objectif concave, & à l’autre un verre oculaire concave.

C’est la plus ancienne de toutes les formes des télescopes, & la seule qui leur ait été donnée par les inventeurs, ou qui ait été pratiquée avant Huyghens.

Construction du télescope de Galilée ou allemand. Au-bout d’un tube est ajusté un verre objectif convexe d’un seul ou deux côtés, & qui est un segment d’une sphere fort grande : à l’autre bout est ajusté de même un verre oculaire concave des deux côtés, mais formé d’un segment d’une moindre sphere, & placé à une telle distance du verre objectif, que le foyer vertical de ce verre oculaire réponde au même point que le foyer réel du verre convexe. Voyez Foyer.

Théorie du télescope de Galilée. Par le moyen de ce télescope tout le monde, excepté les myopes, ou ceux qui ont la vue courte, doivent voir distinctement les objets dans leur situation droite, naturelle, & grossis à-proportion de la distance du foyer virtuel du verre oculaire, à celle du foyer du verre objectif.

Mais pour que les myopes puissent voir distinctement les objets au-travers d’un tel instrument, il faut rapprocher le verre oculaire du verre objectif.

Voici les causes de ces différens effets.

1o . Comme on ne regarde avec le télescope que des objets éloignés, les rayons qui partent du même point d’un objet tombent sur le verre objectif sous des lignes si peu divergentes entre elles, qu’on peut

regarder ces rayons comme paralleles, & conséquemment par la réfraction qu’ils subissent dans ce verre convexe, il faut qu’ils deviennent convergens, comme on l’a vu à l’article Foyer ; c’est-à-dire, qu’ils se rapprochent, en tendant vers un certain point qui se trouve par la construction, ainsi qu’on l’a dit, au-delà du verre oculaire. Or, par la seconde réfraction qu’ils subissent dans ce verre concave, il faut qu’ils deviennent de nouveau paralleles, & que dans cette disposition ils entrent dans l’œil. Voyez Rayon, Concavité, Convexité & Convergent. Et tout le monde, à l’exception des myopes, voyent distinctement les objets dont les rayons entrent parallelement dans l’œil. Voyez Vision & Parallele ; ce premier point ne souffre point de difficulté.

2o . On suppose qu’A (Pl. d’Optique, fig. 41.) est le foyer du verre objectif, & qu’à la droite de l’objet AC, est le rayon le plus éloigné qui passe par le tube : après la réfraction, ce rayon devient parallele à l’axe BI, & conséquemment après une seconde réfraction qu’il subit en passant par le verre concave, il devient divergent, c’est-à-dire, qu’il s’éloigne du foyer virtuel : c’est pourquoi, comme tous les rayons qui viennent de la même extrémité vers l’œil, placé derriere le verre concave, sont paralleles à LE & que ceux qui partent du milieu de l’objet sont paralleles à FG, comme on l’a observé ci-dessus, le centre de l’objet doit être vu dans l’axe GA, & l’extrémité droite doit être vue du côté droit ; savoir dans la ligne LN, ou parallele à ce côté ; c’est-à-dire, que l’on doit voir l’objet droit ou de bout ; ce qui est le second point que nous avions à prouver.

3o . Comme toutes les lignes paralleles à LN coupent l’axe sous le même angle, le demi-diametre de l’objet doit être vu à-travers le télescope sous l’angle AFN, ou EFI : les rayons LE & GI entrant dans l’œil de la même maniere que si la prunelle se trouvoit placée dans le point F. Or si l’œil nud étoit placé dans le point A, il verroit le demi-diametre de l’objet sous l’angle cAb ou CAB ; mais comme on suppose l’objet fort éloigné, sa distance AF ne fait rien à cet égard, & par conséquent l’œil nud, fût-il même dans le point F, verroit le demi-diametre de l’objet sous un angle égal à l’angle A. Ainsi menant FM parallele à Ac, le demi-diametre de l’objet vu de l’œil nu est à celui qui est vu par le télescope, comme IM à IE. Or il est démontré qu’IM est à IE, comme IF est à AB ; c’est-à-dire, que le demi-diametre vu de l’œil nu, est au-demi-diametre vu à-travers le télescope, comme la distance du foyer virtuel du verre oculaire FI est à la distance du foyer du verre objectif AB, ce qui prouve le troisieme point.

Enfin comme les myopes ont la rétine trop éloignée du crystallin, & que les rayons divergens se rassemblent dans l’œil à une plus grande distance que ne font les paralleles, & que ceux-ci deviennent divergens, en rapprochant le verre oculaire du verre objectif, il faut que par le moyen de ce rapprochement les myopes voyent distinctement les objets à-travers le télescope ; ce qui fait la preuve du quatrieme point.

D’où il suit 1o . que pour voir l’objet tout entier, le demi-diametre de la prunelle ne doit pas être plus petit que n’est la distance des rayons LE & GI, par conséquent plus la prunelle est dilatée, plus grand doit être le champ, ou l’étendue que l’on voit par le télescope, & au-contraire plus la prunelle est contractée, plus cette étendue doit être petite. Desorte que si l’on sort d’un lieu obscur, ou que l’on ferme l’œil quelque tems avant de l’appliquer au verre, la vue embrassera une plus grande étendue du premier coup d’œil, qu’elle ne fera dans la suite, & après que la prunelle aura été contractée de nouveau par l’augmentation de lumiere. Voyez Prunelle.