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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 17.djvu/555

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par an ; on donna cependant aussi quelquefois ce nom à l’usure centesime ou à 12 pour 100 par an ; qui étoit la plus forte de toutes, parce qu’elle étoit alors autorisée par la loi, ou du-moins qu’elle l’avoit été anciennement, & qu’elle s’étoit perpétuée par un usage qui avoit acquis force de loi. Voyez l’histoire de la jurisp. rom. de M. Terrasson.

Usure lucrative ou lucratoire, est celle qui est perçue sans autre cause, que pour tirer un profit de l’argent ou autre chose prêtée ; cette sorte d’usure est absolument approuvée par le Droit canonique & civil, si ce n’est lorsqu’il y a lucrum cessans ou damnum emergens, comme dans le cas du contrat de constitution. Voyez Contrat de constitution & Intérêt.

Usure maritime, nauticum fœnus, est l’intérêt que l’on stipule dans un contrat à la grosse ou à la grosse avanture ; cet intérêt peut excéder le taux de l’ordonnance, à cause du risque notable que court le prêteur de perdre son fonds. Voyez au digeste le titre de nautico fœnore. L’ordonnance de la marine, l. III. tit. 5. le commentaire de M. Valin sur cette ordonnance, & le mot Grosse avanture.

Usure mentale, est celle qui se commet sans avoir été expressément stipulée par le préteur, lorsqu’il donne son argent, dans l’espérance d’en retirer quelque chose au-delà du sort principal. Cette usure est défendue aussi-bien que l’usure réelle, mutuum date nihil inde sperantes. Luc. vj.

Usure nautique, voyez Usure maritime.

Usure punitoire ou conventionnelle, est le profit qui est stipulé en certains cas par forme de peine, contre celui qui est en demeure de satisfaire à ce qu’il doit.

Cette sorte d’usure, quoique moins favorable que la compensation, est cependant autorisée en certains cas, même par le Droit canon ; par exemple, en fait d’emphytéose, où le preneur est privé de son droit, lorsqu’il laisse passer deux ans sans payer le canon emphytéotique ; 2°. en matiere de compromis, ou celui qui refuse de l’exécuter dans le tems convenu, est tenu de payer la somme fixée par le compromis ; 3°. en matiere de testament, dont l’héritier est tenu de remplir les conditions ou de subir la peine qui lui est imposée par le testament. Voyez le traité des crimes, par M. de Vouglans, tit. 5. ch. vij.

Usure quadrante, étoit l’intérêt à 3 pour 100 par an, car le terme de quadrans signifioit la troisieme partie de l’as ou somme entiere.

Usure quinquunce, étoit l’intérêt à 5 pour 100 par an, quinquunce étant la cinquieme partie de l’as ou somme entiere.

Usure réelle, est celle que l’on commet réellement & de fait, en exigeant des intérêts illicites d’une chose prêtée ; on l’appelle aussi réelle pour la distinguer de l’usure mentale, qui est lorsque le prêt a été fait dans l’intention d’en tirer un profit illicite, quoique cela n’ait pas été stipulé ni exécuté. Voyez Usure mentale.

Usure semice, étoit l’intérêt à 6 pour 100 par an ; semi étoit la moitié de l’as ou six parties du total qui se divisoit en 12 onces.

Usure septunce, étoit l’intérêt à 7 pour 100 par an, ainsi appellé, parce que septunx signifioit sept partie de l’as.

Usure sextante, c’étoit lorsque l’on tiroit l’intérêt à 2 pour 100 par an, car sextans étoit la cinquieme parties de l’as ou 2 onces.

Usure semi unciale, étoit celle qui ne produisoit que la moitié d’une once par an, ou un demi denier par mois. Voyez Usure centésime & Usure unciale.

Usure trientale ou triente, étoit chez les Romains l’intérêt à 4 pour 100 par an ; en effet,

triens étoit la quatrieme partie de l’as, il en est parlé au code de usuris.

Usure unciale, on appelloit ainsi chez les Romains l’intérêt que l’on tiroit au denier 12 d’un principal, parce que l’as qui se prenoit pour la somme entiere étoit divisé en 12 onces ou parties ; de sorte que l’usure unciale étoit une once d’intérêt, non pas par mois, comme quelques-uns l’ont crû, mais seulement par an, ce qui ne faisoit qu’un denier par mois ; autrement on auroit tiré 100 pour 100 par an, ce qui ne fut jamais toleré ; ainsi l’usure unciale ou centésime étoit la même chose, voyez ci-devant Usure centésime. Voyez aussi Cornelius Tacitus, annal. lib. XV. Gregorius Tolosanus. (A)

USURIER, s. m. (Gram. & Jurispr.) est celui qui prête à usure, c’est-à-dire à un intérêt illicite, soit que ce soit dans un cas auquel il n’est pas permis de stipuler d’intérêt, soit que l’intérêt qui est stipulé excede le taux porté par les ordonnances.

Le terme d’usurier ne se prend jamais qu’en mauvaise part.

On appelle usurier public, celui qui fait métier de prêter à usure.

Les ordonnances de Philippe le Bel en 1311 & 1313, celle de Louis XII. en 1510 & de Charles IX. en 1567, ont défendu le prêt à usure.

L’ordonnance de Blois, art. 202. a pareillement défendu à toutes personnes d’exercer aucune usure, à peine pour-la premiere fois, d’amende-honorable, bannissement, & de condamnation de grosses amendes, & pour la seconde fois de confiscation de corps & de biens.

Ces dispositions ne sont pas toujours suivies à la rigueur, par rapport à la difficulté qu’il y a d’acquérir une preuve complette de l’usure, qui prend toujours soin de se cacher sous quelque forme légitime en apparence. Voyez le tr. des crimes, par M. de Vouglans, & ci-devant le mot Usure. (A)

USURPATEUR, s. m. (Gram. & Jurispr.) est un injuste possesseur du bien d’autrui, & qui s’en est emparé par violence ou du-moins de son autorité privée.

On qualifie d’usurpateur, non-seulement celui qui s’empare induement d’un fonds, mais aussi tous ceux qui s’emparent de quelque droit qui ne leur appartient pas.

Ainsi celui qui prend le nom & les armes d’une famille dont il n’est pas issu, est un usurpateur.

De même celui qui n’étant pas noble, se qualifie d’écuyer ou de chevalier, est un usurpateur de noblesse.

Les sujets rébelles qui veulent s’ériger en souverains, sont des usurpateurs des droits de souveraineté. Voy. Armes, Armoiries, Chevalier, , Famille, Maison, Nom, Noblesse, Souveraineté. (A)

USURPATION, s. f. (Gram. & Jurispr.) est l’occupation de quelque bien ou droit de la part d’un injuste possesseur, qui s’en est emparé de son autorité privée ou même par violence. Voyez Usurpateur.

Usurpation, (Gouvernem.) envahissement injuste de l’autorité, sans en être revêtu par les lois.

Comme une conquête peut être appellée une usurpation étrangere, l’usurpation du gouvernement peut être nommée une conquête domestique, avec cette différence qu’un usurpateur domestique ne sauroit jamais avoir le droit de son côté, au lieu qu’un conquérant peut l’avoir, pourvû qu’il se contienne dans les bornes que la justice lui prescrit, & qu’il ne s’empare pas des possessions & des biens auxquels d’autres ont droit.

Quand les regles de l’équité sont observées, il peut bien y avoir changement de conducteurs, mais non changement de forme & de lois de gouvernement ;