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servir, & aiment mieux s’en tenir à leur vieille carte plane, qui est, comme on l’a vû, très-fautive.

Pour l’usage de la carte plane de Mercator dans la navigation, voyez Navigation.

Carte du globe. C’est une projection qu’on nomme de la sorte à cause de la conformité qu’elle a avec le globe même, & qui a été proposée dans ces derniers tems par MM. Senex, Wilson, & Harris : les méridiens y sont inclinés, les paralleles à égales distances les uns des autres, & courbes ; & les rhumbs réels sont en spirales, comme sur la surface du globe. Cette projection est encore peu connue ; nous n’en pouvons dire que peu de chose, jusqu’à ce que sa construction & ses usages ayent une plus grande publicité ; cependant M. Chambers en espere beaucoup, puisqu’elle est munie d’un privilége du roi d’Angleterre, qu’elle paroît sous sa protection, qu’elle est approuvée de plusieurs navigateurs habiles, & entr’autres du docteur Halley, & qu’elle a subi en Angleterre l’épreuve d’un examen très-sévere. M. Cambers ajoute que la projection en est très-conforme à la nature, & par conséquent fort aisée à concevoir ; & qu’on a trouvé qu’elle étoit exacte, même à de grandes distances, où ses défauts, si elle en eût eu, auroient été plus remarquables. V. Globe. Voyez aussi la Geographie de M. Wolf.

Cartes composées par rhumbs & distances. Ce sont celles où il n’y a ni méridiens ni paralleles, mais qui ne montrent la situation des lieux que par rhumbs, & par l’échelle des milles.

On s’en sert principalement en France, & sur-tout dans la Méditerranée.

On les trace sans beaucoup d’art, & il seroit par conséquent inutile de vouloir rendre un compte exact de la maniere de les construire ; on ne s’en sert que dans de courts voyages. (O)

Carte ou Quarte, s. f. (Commerce.) mesure de grains dont on se sert en quelques lieux de la Savoie, & qui n’est pas partout d’un poids égal.

La carte de Conflans pese 35 livres poids de marc.

Celle de S. Jean de Maurienne, 21 livres aussi poids de marc.

La carte de Faverge, 30 poids de Geneve.

La carte de Miolans, S. Pierre d’Albigny, S. Philippe, vingt-cinq livres poids de Geneve.

Celle de Modane, 24 livres aussi poids de Geneve. Voyez Livre, Marc, Poids. Dict. du Com. (G)

Carte-blanche, se dit dans l’Art militaire pour exprimer qu’un général peut faire ce que bon lui semble sans en avertir la cour auparavant. Ainsi dire qu’un général a carte-blanche, c’est dire qu’il peut attaquer l’ennemi lorsqu’il en trouve l’occasion, sans avoir besoin d’ordres particuliers. (Q)

Carte ou Carde, instrument dont se servent les Perruquiers pour travailler les cheveux destinés à faire des perruques. C’est une espece de peigne composé de dix rangées de pointes de fer de près d’un pouce & demi de hauteur, épaisses de deux lignes, & éloignées les unes des autres par la pointe, d’environ trois lignes. Ces pointes sont enfoncées dans une planche de bois de chêne, assujettie sur une table par des clous, & rangées en losanges.

Il y a des cartes ou cartes de plusieurs grosseurs, sur lesquelles on passe les paquets de cheveux pour les mêlanger, en commençant par les plus grosses, & successivement jusqu’aux plus fines.

* Cartes, s. f. (Jeux.) petits feuillets de carton oblongs, ordinairement blancs d’un côté, peints de l’autre de figures humaines ou autres, & dont on se sert à plusieurs jeux, qu’on appelle par cette raison jeux de cartes. Voyez Lansquenet, Breland, Pharaon, Ombre, Piquet, Bassette, &c. Entre ces jeux il y en a qui sont purement de hasard, & d’autres qui sont de hasard & de combinaison. On

peut compter le lansquenet, le breland, le pharaon, au nombre des premiers ; l’ombre, le piquet, le médiateur, au nombre des seconds. Il y en a où l’égalité est très-exactement conservée entre les joüeurs, par une juste compensation des avantages & des desavantages ; il y en a d’autres où il y a évidemment de l’avantage pour quelques joüeurs, & du desavantage pour d’autres : il n’y en a presqu’aucun dont l’invention ne montre quelqu’esprit ; & il y en a plusieurs qu’on ne joue point supérieurement, sans en avoir beaucoup, du moins de l’esprit du jeu. V. Jeu.

Le pere Ménestrier, Jésuite, dans sa bibliotheque curieuse & instructive, nous donne une petite histoire de l’origine du jeu de cartes. Après avoir remarqué que les jeux sont utiles, soit pour délasser, soit même pour instruire ; que la création du monde a été pour l’Etre suprème une espece de jeu ; que ceux qui montroient chez les Romains les premiers élémens s’appelloient ludi magistri ; que Jesus-Christ même n’a pas dédaigné de parler des jeux des enfans : il distribue les jeux en jeux de hasard, comme les dés, voyez Dés ; en jeux d’esprit, commes les échecs, voyez Echecs ; & en jeux de hasard & d’esprit, comme les cartes. Mais il y a des jeux de cartes, ainsi que nous l’avons remarqué, qui sont de pur hasard.

Selon le même auteur, il ne paroît aucun vestige de cartes à joüer avant l’année 1392, que Charles VI. tomba en phrénésie. Le jeu de cartes a dû être peu commun avant l’invention de la gravure en bois, à cause de la dépense que la peinture des cartes eût occasionnée. Le P. Ménestrier ajoûte que les Allemands, qui eurent les premiers des gravures en bois, graverent aussi les premiers des moules de cartes, qu’ils chargerent de figures extravagantes : d’autres prétendent encore que l’impression des cartes est un des premiers pas qu’on ait fait vers l’impression en caracteres gravés sur des planches de bois, & citent à ce sujet les premiers essais d’Imprimerie faits à Harlem, & ceux qu’on voit dans la bibliotheque Bodleyane. Ils pensent que l’on se seroit plûtôt apperçû de cette ancienne origine de l’Imprimerie, si l’on eût considéré que les grandes lettres de nos manuscrits de 900 ans paroissent avoir été faites par des Enlumineurs.

On a voulu par le jeu de cartes, dit le P. Ménestrier, donner une image de la vie paisible, ainsi que par le jeu des échecs, beaucoup plus ancien, on en a voulu donner une de la guerre. On trouve dans le jeu de cartes les quatre états de la vie ; le cœur représente les gens d’église ou de chœur, espece de rébus ; le pique, les gens de guerre ; le trefle, les laboureurs ; & les carreaux, les bourgeois dont les maisons sont ordinairement carrelées. Voilà une origine & des allusions bien ridicules. On lit dans le pere Ménestrier que les Espagnols ont représenté les mêmes choses par d’autres noms. Les quatre rois, David, Alexandre, César, Charlemagne, sont des emblèmes des quatre grandes monarchies, Juive, Greque, Romaine, & Allemande. Les quatre dames, Rachel, Judith, Pallas, & Argine, anagrame de regina, (car il n’y a jamais eu de reine appellée Argine) expriment les quatre manieres de régner, par la beauté, par la piété, par la sagesse, & par le droit de la naissance. Enfin les valets représentoient les servans d’armes. Le nom de valet qui s’est avili depuis, ne se donnoit alors qu’à des vassaux de grands seigneurs, ou à de jeunes gentilshommes qui n’étoient pas encore chevaliers. Les Italiens on reçû le jeu de cartes les derniers. Ce qui pourroit faire soupçonner que ce jeu a pris naissance en France, ce sont les fleurs-de-lis qu’on a toûjours remarquées sur les habits de toutes les figures en cartes. Lahire, nom qu’on voit au bas du valet de cœur, pourroit avoir été l’inventeur des cartes, & s’être fait compagnon d’Hector & d’Ogier le Danois, qui sont les valets de carreau & de pique, com-