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ciens Chaldéens, touchant ces observations qui ne comprenoient pas moins que 470000 ans. Si je voyois une suite de faits attachés à ces observations, & qu’ils remplissent tout ce long espace de tems, je ne pourrois m’empêcher de reconnoître un monde réellement subsistant dans toute cette longue durée de siecles ; mais parce que je n’y vois que des calculs, qui ne traînent après eux aucune révolution dans les choses humaines, je ne puis les regarder que comme les rêveries d’un calculateur. Voyez Chronologie, & l’Hist. phil. de Brucker.

CHALDRON ou CHAUDRON, s. m. (Comm.) mesure seche d’Angleterre, qui sert pour le charbon, & qui contient trente-six boisseaux en monceau, suivant l’étalon du boisseau qui est déposé à la place de Guildhall à Londres. Voyez Mesure.

Le chaldron doit peser 2000 à bord des vaisseaux. Vingt-un chaldrons de charbon passent pour la vingtaine. Voyez Charbon.

* CHALET, s. m. (Œconomie.) bâtiment plat répandu dans les montagnes de Griers, uniquement destiné à faire des fromages. Voyez Dictionnaire de Trévoux & du Commerce.

CHALEUR, s. f. (Physiq.) est une des qualités premieres des corps, & celle qui est opposée au froid. Voyez Qualité & Froid.

Quelques auteurs définissent la chaleur, un être physique dont on connoît la présence & dont on mesure le degré par la raréfaction de l’air, ou de quelque liqueur renfermée dans un thermometre.

La chaleur est proprement une sensation excitée en nous par l’action du feu, ou bien c’est l’effet que fait le feu sur nos organes. Voyez Sensation & Feu.

D’où il s’ensuit que ce que nous appellons chaleur est une perception particuliere ou une modification de notre ame, & non pas une chose qui existe formellement dans le corps qui donne lieu à cette sensation. La chaleur n’est pas plus dans le feu qui brûle le doigt, que la douleur n’est dans l’aiguille qui le pique : en effet, la chaleur dans le corps qui la donne, n’est autre chose que le mouvement ; la chaleur dans l’ame qui la sent, n’est qu’une sensation particuliere ou une disposition de l’ame. Voyez Perception.

La chaleur, en tant qu’elle est la sensation ou l’effet que produit en nous un corps chaud, ne doit être considérée que relativement à l’organe du toucher, puisqu’il n’y a point d’objet qui nous paroisse chaud, à moins que sa chaleur n’excede celle de notre corps ; de sorte qu’une même chose peut paroître chaude & froide à différentes personnes, ou à la même personne en différens tems. Ainsi la sensation de chaleur est proprement une sensation relative.

Les Philosophes ne sont pas d’accord sur la chaleur telle qu’elle existe dans le corps chaud ; c’est-à-dire, en tant qu’elle constitue & fait appeller un corps chaud, & qu’elle le met en état de nous faire sentir la sensation de chaleur. Les uns prétendent que c’est une qualité ; d’autres, que c’est une substance ; & quelques-uns, que c’est une affection méchanique.

Aristote & les Péripatétîciens définissent la chaleur, une qualité ou un accident qui réunit ou rassemble des choses homogenes, c’est-à-dire, de la même nature & espece, & qui desunit ou sépare des choses hétérogenes, ou de différente nature : c’est ainsi, dit Aristote, que la même chaleur qui unit & réduit dans une seule masse différentes particules d’or, qui étoient auparavant séparées les unes des autres, desunit & sépare les particules de deux métaux différens, qui étoient auparavant unis & mêlés ensemble. Il y a de l’erreur non-seule-

ment dans cette doctrine, mais aussi dans l’exemple qu’on apporte pour la confirmer ; car la chaleur, quand on la supposeroit perpétuelle, ne séparera jamais une masse composée, par exemple, d’or, d’argent, & de cuivre ; au contraire, si l’on met dans un vaisseau, sur le feu, des corps de nature différente, comme de l’or, de l’argent, & du cuivre, quelque hétérogenes qu’ils soient, la chaleur du feu les mêlera & n’en fera qu’une masse.

Pour produire le même effet sur différens corps, il faut différens degrés de chaleur : pour mêler de l’or & de l’argent, il faut un degré médiocre de chaleur ; mais pour mêler du mercure & du soufre, il faut le plus haut degré de chaleur qu’on puisse donner au feu. Voyez Or, Argent, &c. A quoi il faut ajoûter que le même degré de chaleur produit des effets contraires : ainsi un feu violent rendra volatiles les eaux, les huiles, les sels, &c. & le même feu vitrifiera le sable & le sel fixe alkali. Voyez Verre.

Les Epicuriens & autres Corpusculaires ne regardent point la chaleur comme un accident du feu, mais comme un pouvoir essentiel ou une propriété du feu, qui dans le fond est le feu même, & n’en est distinguée que relativement à notre façon de concevoir. Suivant ces Philosophes, la chaleur n’est autre chose que la substance volatile du feu même, réduite en atomes & émanée des corps ignés par un écoulement continuel ; de sorte que non-seulement elle échauffe les objets qui sont à sa portée, mais aussi qu’elle les allume quand ils sont de nature combustible ; & qu’après les avoir réduit en feu, elle s’en sert à exciter la flamme.

En effet, disent-ils, ces corpuscules s’échappant du corps igné, & restant quelque tems enfermés dans la sphere de sa flamme, constituent le feu par leur mouvement ; mais après qu’ils sont sortis de cette sphere & dispersés en différens endroits, de sorte qu’ils ne tombent plus sous les yeux, & ne sont plus perceptibles qu’au tact, ils acquierent le nom de chaleur en tant qu’ils excitent encore en nous cette sensation.

Nos derniers & meilleurs auteurs en Philosophie méchanique, expérimentale, & chimique, pensent fort diversement sur la chaleur. La principale question qu’ils se proposent, consiste à savoir si la chaleur est une propriété particuliere d’un certain corps immuable appellé feu ; ou si elle peut être produite mechaniquement dans d’autres corps en altérant leurs parties.

La premiere opinion, qui est aussi ancienne que Démocrite & le système des atomes, & qui a frayé le chemin à celle des Cartésiens & autres Méchanistes, a été renouvellée avec succès, & expliquée par quelques auteurs modernes, & en particulier par MM. Homberg, Lémery, Gravesande, & surtout par le savant & ingénieux Boerhaave, dans un cours de leçons qu’il a donné sur le feu, & dont on trouvera le résultat à l’article Feu.

Selon cet auteur, ce que nous appellons feu est un corps par lui-même, sui generis, qui a été créé tel dès le commencement, qui ne peut être altéré en sa nature ni en ses propriétés, qui ne peut être produit de nouveau par aucun autre corps, & qui ne peut être changé en aucun autre, ni cesser d’être feu.

Il prétend que ce feu est répandu également par-tout, & qu’il existe en quantité égale dans toutes les parties de l’espace : mais qu’il est parfaitement caché & imperceptible, & ne se découvre que par certains effets qu’il produit, & qui tombent sous nos sens.

Ces effets sont la chaleur, la lumiere, les couleurs, la raréfaction & la brûlure, qui sont autant de signes