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plantes & les animaux transpirent, que les fluides s’évaporent, &c. Personne ne doute non plus que les corps odoriférans n’envoyent continuellement des émanations, & que ce ne soit par le moyen de ces émanations, qu’ils excitent en nous la sensation de l’odeur. Voyez Odeur.

Il y a des corps qui envoyent des émanations continuelles, sans perdre sensiblement ni de leur volume, ni de leur poids, comme la plûpart des corps odoriférans : la perte qu’ils souffrent par l’émission continuelle de ces émanations, est peut-être réparée par la réception d’autres émanations semblables de corps de même espece, repandus dans l’air.

Quant à la loi de l’émission de ces émanations, voyez l’article Qualité. Voyez aussi Emission.

Ces émanations operent avec beaucoup d’efficacité sur les corps qui sont dans la sphere de leur activité ; c’est ce que prouve M. Boyle dans un traité qu’il a fait exprès sur la subtilité des émanations. Il y fait voir 1°. que le nombre des corpuscules qui forment ces émanations, est prodigieusement grand ; 2°. qu’ils sont d’une nature fort pénétrante ; 3°. qu’ils se meuvent avec une grande vîtesse, & dans toutes sortes de directions ; 4°. qu’il y a souvent une ressemblance, & d’autres fois au contraire une différence surprenante du volume & de la forme de ces émanations aux pores des corps dans lesquels ils pénetrent, & sur lesquels ils agissent ; 5°. qu’en particulier dans les corps des animaux, ces émanations peuvent exciter de grands mouvemens dans la machine, & produire par-là de grands changemens dans l’économie animale ; enfin qu’elles ont quelquefois, pour ainsi dire, la faculté de tirer du secours dans leurs opérations, des agens les plus universels que nous connoissions dans la nature, comme de la gravité, de la lumiere, du magnétisme, de la pression de l’atmosphere, &c.

Les émanations peuvent s’étendre à de grandes distances. En voici une preuve qui, selon quelques auteurs, est d’un grand poids. Nos vins deviennent troubles dans les tonneaux, précisément au même tems où les raisins se trouvent à leur degré de maturité dans les pays éloignés d’où le vin nous a été apporté ; mais cette preuve ne paroît pas fort convaincante : car ne pourroit-on pas dire que c’est l’air qui cause cette fermentation, sans avoir recours à des particules qui s’échappent des corps qui fermentent ? Une des meilleures preuves qu’on puisse apporter de la distance à laquelle s’étendent les émanations, c’est qu’on reçoit en plusieurs cas les émanations odoriférantes à la distance de plusieurs lieues. De plus, on prouve encore par plusieurs observations, que la plûpart des émanations retiennent la couleur, l’odeur, & les autres propriétés & effets des corps d’où elles proviennent ; & cela après même qu’elles ont passé par les pores d’autres corps solides. C’est ainsi que les émanations magnétiques pénetrent même les corps les plus solides, sans souffrir aucune altération dans leur nature, ni rien perdre de leur force.

Plusieurs auteurs, à la tête desquels est M. Newton, veulent que la lumiere soit produite par une émanation de corpuscules qui s’élancent du corps lumineux. Si ce système, qui est appuyé sur des preuves très-fortes, étoit vrai, il serviroit à prouver combien les émanations peuvent être subtiles, & à quelles distances énormes elles peuvent s’étendre. Voyez Lumiere & Emission. Voyez aussi, sur les émanations en général, les articles Odeur, Vapeur, Transpiration, Exhalaison, Atmosphere, &c. (O)

EMANCHÉ, adj. en termes de Blason, se dit des partitions de l’écu où les pieces s’enclavent les unes

dans les autres en forme de longs triangles pyramidaux, comme aux armoiries de Vaudrey.

Hotman à Paris, originaires du pays de Cleves, parti émanché d’argent & de gueules.

EMANCIPATION, s. f. (Jurisp.) est un acte qui met certaines personnes hors la puissance d’autrui. Elle n’a lieu communément qu’à l’égard de deux sortes de personnes, qui sont les mineurs, les fils de famille ; quelques-uns y comprennent la femme & les gens de main-morte. Il y a encore d’autres personnes qui peuvent être affranchies de la puissance d’autrui ; mais les actes qui leur procurent cet affranchissement, ne sont pas qualifiés d’émancipation.

Chez les Romains l’émancipation avoit lieu seulement pour deux sortes de personnes, les mineurs & les fils de famille. La premiere se faisoit en vertu de lettres du prince, de même qu’elle se pratique encore parmi nous. Voyez Emancipation de mineur. L’autre, c’est-à-dire celle des fils de famille, se faisoit en diverses manieres. Voyez Emancipation anastasienne, ancienne, contractâ fiduciâ, de la Femme, d’un fils de famille, légale, légitime, justinienne, tacite. (A)

Emancipation anastasienne, étoit celle qui se faisoit en faveur des fils de famille, en vertu d’un rescrit du prince. On l’appelloit anastasienne, parce que cette forme nouvelle fut introduite par une constitution de l’empereur Anastase, au lieu de l’émancipation ancienne ou légitime, dont il sera parlé ci-après. L’anastasienne étoit beaucoup plus simple & plus commode que l’autre, n’y ayant à celle-ci d’autre formalité que de faire insinuer juridiquement un rescrit, par lequel l’empereur émancipoit le fils de famille. Notre émancipation des mineurs par lettres de bénéfice d’âge, revient assez à cette émancipation anastasienne. (A)

Emancipation ancienne ou légitime, étoit la premiere forme dont on usoit d’abord chez les Romains pour l’émancipation des fils de famille. On l’appelloit ancienne & légitime, parce qu’elle dérivoit de l’interprétation de la loi des douze tables. Cette loi portoit, que quand un pere avoit vendu son fils jusqu’à trois fois, le fils cessoit d’être sous sa puissance.

Denis d’Halicarnasse a prétendu que cette loi devoit être prise à la lettre, c’est-à-dire qu’il falloit trois ventes réelles du fils de famille pour opérer l’émancipation, en quoi la condition du fils de famille auroit été plus rude que celle d’un esclave, lequel, après avoir été une fois affranchi, joüissoit pour toûjours de la liberté. Il est vrai que la vente du fils n’étoit pas un véritable affranchissement de toute puissance ; il passoit de celle du pere en celle de l’acheteur. Mais tous les auteurs anciens & modernes conviennent que ces trois ventes du fils de famille étoient simulées, & faites seulement pour opérer l’émancipation.

Au commencement le fils de famille par le moyen de ces ventes, passoit en la puissance de l’acheteur comme s’il fût devenu de condition servile. Dans la suite les jurisconsultes ajoûterent aux trois ventes autant de manumissions de la part de l’acheteur ; & il fut d’usage, qu’à l’exception des fils, les filles & les petits-enfans mâles & femelles seroient émancipés par une seule vente & une seule manumission. On s’imaginoit qu’il en falloit davantage pour le fils, comme étant lié plus étroitement avec le pere.

Ces ventes & manumissions se faisoient d’abord devant le président ou gouverneur de la province ; ensuite on les fit devant le président de la curie.

La forme de ces émancipations étoit, que le pere naturel, en présence de cinq témoins & de l’officier appellé libripens tenant sa balance, faisoit une vente fictive de son fils à un étranger, en lui disant, man-