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instructions ; seulement en Prusse, l’usage est favorable à l’acquéreur, mais nullement à l’ancien propriétaire. En Angleterre & dans le comtat Venaissin, l’usage est absolument contraire au nôtre ; & la réponse que j’en ai eue de vive voix & par écrit, porte qu’un bail engage également le propriétaire, l’acquéreur, les administrateurs, & autres ayant cause, à laisser joüir les locataires jusqu’au terme convenu ; pourvû que ceux-ci de leur côté observent toutes les clauses du bail : jurisprudence raisonnable & décisive, qui prévient à coup sûr bien des embarras & des procès.

Au surplus, j’ai insinué ci-devant que les propriétaires n’avoient dans le privilége bourgeois qu’un intérêt mal-entendu ; nouvelle proposition que je veux démontrer sensiblement : il suffit d’observer pour cela que si cette prérogative étoit abrogée, & que les locataires fussent pour toûjours délivrés des sollicitudes & des pertes qui en sont les suites ordinaires, ils donneroient volontiers un cinquantieme en sus des loyers actuels. Dans cette supposition qui n’est point gratuite, ce seroit une augmentation de trente livres par année sur une maison de quinze cents livres de loyer, ce seroit soixante francs d’augmentation sur une maison de trois mille livres ; ce qui feroit en cinquante ans cinq cents écus sur l’une, & mille écus sur l’autre : or peut-on évaluer l’avantage du privilége dont il s’agit, & dont l’usage est même assez rare par les raisons qu’on a vûes ; peut-on, dis-je, évaluer cet avantage à des sommes si considérables, indépendamment des pertes que le propriétaire essuie de son côté par les embarras & les frais de procédures, dédommagement des locataires, &c. ?

Sur cela, c’est aux bons esprits à décider si l’usage du privilége bourgeois n’est pas véritablement dommageable à toutes les parties intéressées, & par conséquent, comme on l’a dit, à toute la société.

Mais je soûtiens de plus, que quand il y auroit du desavantage pour quelques propriétaires dans la suppression de ce privilége, ce ne seroit pas une raison suffisante pour arrêter les dispensateurs de nos lois ; parce qu’outre que la plus grande partie des sujets y est visiblement lésée, cette partie est en même tems la plus foible, & cependant la plus laborieuse & la plus utile. C’est elle qui porte presque seule la masse entiere des travaux nécessaires pour l’entretien de la société, & c’est conséquemment la partie qu’il faut le plus ménager, pour l’intérêt même des propriétaires : vérité que notre jurisprudence reconnoît bien dans certains cas ; par exemple, lorsqu’elle permet au locataire de retroceder un bail, malgré la clause qui l’assujettit à demander pour cela le consentement du maître. C’est que les juges instruits par l’expérience & par le raisonnement, ont senti que l’intérêt même du propriétaire exigeoit cette tolérance, le plus souvent nécessaire pour la sûreté des loyers.

Les anciens législateurs qui ont admis la prérogative bourgeoise, ne comprenoient pas sans doute que l’utilité commune des citoyens devoit être le fondement de leurs lois, & devoit l’emporter par conséquent sur quelques intérêts particuliers. Ils ne considéroient pas non plus qu’au même tems qu’ils étoient propriétaires, plusieurs de leurs proches & de leurs amis étoient au contraire dans le cas de la location, que plusieurs de leurs descendans y seroient infailliblement dans la suite, & qu’ils travailloient sans y penser contre leur patrie & contre leur postérité. Article de M. Faiguet.

EXPULSIF, adj. terme de Chirurgie ; espece de bandage dont on se sert pour chasser en-dehors le pus du fond d’un ulcere fistuleux ou caverneux, & donner occasion à la cavité de se remplir de bonnes

chairs, ou pour procurer le recollement des parois. Ce bandage n’est que contentif des compresses graduées nommées expulsives. Voyez Compresse.

On observe dans ce bandage, que les circonvolutions de la bande s’appliquent de façon qu’elles compriment du fond de l’ulcere vers son ouverture. (Y)

EXPULSION, s. f. (Jurisp.) en terme de Palais, signifie la force que l’on employe pour faire sortir quelqu’un d’un endroit où il n’a pas droit de rester. Le procès-verbal d’expulsion est le récit de ce qui se passe à cette occasion : il est ordinairement fait en vertu d’un jugement ou ordonnance qui permet l’expulsion. On expulse un locataire ou fermier qui est à fin de bail & qui ne veut pas sortir, ou faute de payement des loyers & fermages : le jugement qui permet l’expulsion autorise ordinairement aussi à mettre les meubles sur le carreau. On expulse aussi un possesseur intrus, qui est condamné à quitter la joüissance d’un héritage. Voyez Congé, Fermier, Locataire, Résiliation. (A)

Expulsion, s. f. (Medecine.) ce terme signifie la même chose qu’excrétion, évacuation ; c’est l’action par laquelle la nature décharge le corps de quelque matiere récrémentitielle ou morbifique, soit par la voie des selles ou des urines, soit par tout autre organe secrétoire & excrétoire. Voyez les art. Excrétion, Evacuation, Déjection, Crise. (d)

EXSPECTATION, s. f. (Medecine.) c’est un terme emprunté du latin par les Medecins, qui, en général, ne l’employent même que rarement : il est presque affecté à la doctrine de Stahl & de ses sectateurs, dans les écrits desquels on le trouve souvent, soit qu’ils l’adoptent sous certaines significations, soit qu’ils le rejettent sous d’autres.

En effet, ce mot peut être pris dans différentes acceptions, qui ont cependant cela de commun, qu’elles servent toutes à désigner le genre de conduite du malade ou du medecin dans le cours de la maladie, qui consiste en ce que l’un ou l’autre évite, plus ou moins, d’influer sur l’évenement qui la termine, laisse agir la nature, ou attend ses opérations pour se déterminer à agir.

On peut donc distinguer plusieurs sortes d’exspectations : la premiere peut être considérée, par rapport au malade, entant qu’elle a lieu, ou parce qu’il n’y a pas d’autre parti à prendre, ou parce qu’il prend celui-là de propos délibéré, c’est-à-dire, dans le premier cas, lorsqu’il n’est pas à portée de recevoir des secours de l’art, ou qu’il n’est pas en état, en disposition de s’en fournir par quelque cause que ce soit : dans le second cas, lorsqu’il est dans l’idée que les secours sont inutiles ou nuisibles, & qu’il s’obstine à ne vouloir point en recevoir. Comme il y a bien des maladies qui se sont guéries par la nature seule livrée à elle-même, une telle conduite, toute hasardeuse & imprudente qu’elle est, peut être par conséquent suivie d’un heureux succès dans bien des occasions ; c’est par cette considération que Stahl n’a pas craint d’établir dans une dissertation, qu’il existe une medecine interne, c’est-à-dire des moyens de guérir les maladies indépendamment d’aucun secours de l’art ; ergo existit medicina sine medico, conclud cet auteur.

L’exspectation de cette premiere espece peut aussi être considérée, par rapport au medecin, comme ayant lieu dans le cas où il affecte de ne point employer des remedes, des médicamens, dans le traitement des maladies, ou pour mieux dire, lorsqu’il ne les traite point, & qu’il se borne à être spectateur oisif des efforts de la nature, à en attendre les effets.

L’exspectation ainsi conçue à l’égard du malade & du medecin, est une attente pure & simple ; elle n’est autre chose qu’une véritable inaction, de laquelle on ne peut aucunement dire qu’elle soit une méthode de