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L’étain (à un même degré de feu) est celui de tous les métaux qui se raréfie le plus vîte ; ensuite le plomb, puis l’argent, le cuivre jaune, le rouge, & le fer.

Non-seulement le feu raréfie les métaux, mais il les fond ; les uns ont besoin pour cela d’un degré de feu beaucoup plus grand que les autres. L’étain, d’abord froid comme la glace, ensuite fondu, fait raréfier au pyrometre un lingot de fer, jusqu’à 109 degrés ; le plomb, dans les mêmes circonstances, fait raréfier le même lingot de 217 degrés. Les métaux qui se fondent avant que d’être rougis, n’ont pas encore acquis leur plus grand degré de chaleur dans l’instant de la fusion ; car après cet instant, ils continuent à raréfier encore considérablement les métaux plus durs qu’on plonge dans ces métaux fondus. Cela est au moins vrai du plomb, comme M. Musschenbroek s’en est assûré par des expériences, & il est porté à croire qu’il en est de même de l’or, de l’argent, du cuivre & du fer. Voyez l’article Fusion.

Lorsque le feu volatilise les parties du corps, on dit que ces parties se réduisent en vapeurs, & on donne à cette action le nom d’évaporation. Voyez Évaporation, Fumée, &c.

Après que le feu a dissipé les particules les plus subtiles des corps, il ne reste plus que les plus grossieres, qui par l’action du feu, ont cessé d’être adhérentes les unes aux autres. Voyez Cendres.

Dès que les corps cessent d’être échauffés ou entretenus dans la chaleur qu’ils ont acquise, ils se condensent, & se condensent d’autant plus vîte que le fluide dans lequel ils nagent, contient moins de feu. C’est pour cela que les corps chauds qui se refroidissent, se condensent plus vîte, toutes choses d’ailleurs égales, que ceux qui sont moins chauds, parce que le fluide où ces corps nagent, est plus froid par rapport aux premiers. Les corps qui se raréfient le plus vîte par la présence du feu, sont aussi ceux qui se condensent le plus vîte dès que le feu cesse d’agir. Les fluides, ainsi que les solides, se dilatent par le feu, & se condensent par le froid.

Le fluide qui se dilate le plus & le plus promptement, est l’air ; ensuite l’esprit-de-vin, l’huile de pétrole, celle de térebenthine, celle de navet, le vinaigre distillé, l’eau douce, l’eau salée, l’eau-forte, l’huile de vitriol, l’esprit-de-nitre, le vif-argent. C’est sur la dilatation des fluides par le feu, qu’est fondée la construction des thermometres. V. Thermometre.

Il résulte de ces différens faits, que les corps doivent se raréfier de plus en plus aux approches de l’été, & se condenser à celles de l’hyver ; que les corps doivent se dilater davantage dans les pays plus chauds (c’est pour cela que le pendule d’un horloge se dilate davantage sous l’équateur que près des poles) ; qu’enfin les corps doivent se dilater le jour, & se condenser la nuit.

Au reste il y a des corps solides que le feu condense au lieu de les dilater, comme les bois, les os, les membranes, les cordes-à-boyau, &c.

Un verre épais & vuide que l’on approche subitement du feu, se casse & éclate en pieces, parce que la facilité du verre à être dilaté par le feu, fait que les parties extérieures sont d’abord violemment dilatées à l’approche du feu, tandis que les parties extérieures ne le sont pas encore, ce qui cause la séparation de ces parties. Au contraire quand le verre est mince, il ne se casse pas, parce que la dilatation se fait en même tems à l’intérieur & à l’extérieur.

De l’augmentation du poids des corps par le feu. Le feu en s’introduisant dans les corps, augmente leur poids ; c’est ce que M. Musschenbroek prouve, art. 954-957 de ses Essais de Physique, par différentes

expériences ; on sent combien elles sont aisées à faire, puisqu’il ne s’agit que de peser un corps avant qu’il soit pénétré par le feu, & immédiatement après qu’il l’a été. Nous y renvoyons donc, & nous avertirons seulement que quand même on trouveroit dans certains cas un corps moins pesant après qu’il a été exposé au feu, qu’après qu’il a été refroidi, ou avant qu’il y fût expose, il ne faudroit pas se flater d’en rien conclure contre le principe général que nous avançons ici. Car les corps se dilatent par le feu ; & par conséquent par les lois de l’hydrostatique, ils doivent perdre dans l’air une plus grande partie de leur poids, que quand ils ne sont pas dilatés. Si donc ce surplus qu’ils perdent de leur poids est plus grand que le poids que le feu leur ajoûte, ils paroîtront moins pesans, quoiqu’en effet ils le soient davantage. Mais si on fait l’expérience dans le vuide, alors l’augmentation du poids par le feu sera sensible.

Conséquences sur la matiere du feu, tirées des faits precédens. M. Musschenbroek conclut de-là avec M. Lemery & plusieurs autres (Voyez Chaleur.), que le feu est un corps particulier qui s’insinue dans les autres ; que ce corps est pesant, qu’il est impénétrable, puisqu’il est refléchi par le miroir ardent ; que ses parties sont très-subtiles, par conséquent fort solides & fort poreuses ; qu’elles sont fort lisses & à ressort ; qu’enfin elles peuvent être ou mûes avec beaucoup de rapidité (mouvement nécessaire pour produire la chaleur), ou en repos dans les pores des corps, comme dans ceux de la chaux. Nous passons legerement sur ces conclusions conjecturales.

Il n’y a, dit Boerhaave, aucune expérience par laquelle on ait prouvé que le feu eût changé d’autres corps en véritable feu, quoique ces corps fussent la nourriture même du feu. Si donc le feu n’est pas en état de produire du feu de quelqu’autre matiere étrangere, il ne se trouvera non plus aucune matiere qui puisse le produire ; car il n’y a en effet que le feu qui ait la vertu de produire du feu. Mais tout le feu est-il donc d’une seule & même matiere, ou y en a-t-il de diverses sortes ? nous l’ignorons. Si les écoulemens électriques ne sont que du feu, il y a, selon M. Musschenbroek, différentes sortes de feu.

Il est difficile, selon quelques philosophes, de penser que le feu ne soit autre chose que du mouvement, puisque le mouvement se perd en se communiquant, & que le feu s’augmente au contraire à mesure qu’il se communique. Cette preuve ne nous paroît pas sans réplique ; car 1°. le mouvement peut s’augmenter par la communication, comme il arrive dans le choc des corps élastiques & dans les fluides. 2°. Il ne seroit pas moins difficile d’expliquer, en regardant le feu comme une matiere particuliere, comment une petite portion de cette matiere mise en mouvement, communique son mouvement avec tant de force & de rapidité à un beaucoup plus grand nombre d’autres parties de la même matiere.

Quelques physiciens ont pensé que le feu étoit plus approchant de la nature de l’esprit que de celle du corps ; ils ont nié que ce fût une matiere. Cette opinion soûtenue avec esprit dans une dissertation moderne, est trop erronée pour mériter d’être refutée. D’autres ont crû que la nature du feu étoit de n’avoir point de pesanteur ; les expériences dont nous venons de parler semblent prouver le contraire : & Boyle a, comme l’on sait, écrit un livre de ponderabilitate flammæ. Il est vrai (car pourquoi ne le pas avoüer ?) que ces expériences ne sont pas rigoureusement démonstratives. Car l’excès de pesanteur qu’acquierent les corps calcinés, pourroit venir à la rigueur, non du feu qui est entré dans leurs pores, mais de quelque matiere étrangere qu’il a entraînée & qui s’y est jointe ; mais comme on n’a point non plus de preuves de la jonction de cette matiere