Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 7.djvu/185

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pays & sortir du canton : on dit le cerf forlonge ; quand il a bien de l’avance sur les chiens.

* FORMALISTES, s. m. pl. (Gram.) on donne ce nom à des hommes minutieux dans leurs procédés, qui connoissent toutes les petites lois de la bienséance de la société, qui y sont séverement assujettis, & qui ne permettent jamais aux autres de s’en écarter. Le formaliste sait exactement le tems que vous pouvez laisser entre la visite qu’il vous a faite, & celle que vous avez à lui rendre ; il vous attend tel jour, à telle heure : si vous y manquez, il se croit négligé & il s’offense. Il ne faut qu’un homme comme celui-là pour embarrasser, contraindre & refroidir toute une compagnie. Il est toujours sur le quivive, & il y tient les autres ; il a tant de petits jougs qu’il porte avec une espece de soumission religieuse, que j’ai de la peine à comprendre qu’il ait la moindre notion des grandes qualités sociales. Il n’y a rien qui répugne tant aux ames simples & droites, que les formalités ; comme elles se rendent à elles-mêmes un témoignage de la bienveillance qu’elles portent à tous les hommes, elles ne se tourmentent guere à montrer ce sentiment qui leur est habituel, ni à le démêler dans les autres. Les formalités en quelque genre que ce soit, donnent, ce me semble, un air de méfiance, & à celui qui les observe, & à celui qui les exige.

FORMALITE, (Logique.) Voyez Mode & Modification.

FORMALITÉ, subst. f. (Morale.) Voyez ci-dessus Formalistes.

Formalités, s. f. pl. (Jurispr.) sont de certaines clauses ou certaines conditions, dont les actes doivent être revêtus pour être valables.

Les actes sous seing privé ou devant notaires, entrevifs ou à cause de mort, les procédures & jugemens, sont chacun sujets à de certaines formalités.

On en distingue de quatre sortes ; savoir celles qui habilitent la personne, comme l’autorisation de la femme par son mari, & le consentement du pere de famille dans l’obligation que contracte le fils de famille ; celles qui servent à rendre l’acte parfait, probant & authentique, qu’on appelle formalités extérieures, comme la signature des parties, des témoins & du notaire ; d’autres aussi extérieures qui servent à assurer l’exécution d’un acte, lequel quoique parfait d’ailleurs, ne seroit pas exécuté sans ces formalités, comme sont l’insinuation & le contrôle : enfin il y en a d’autres qui sont intérieures, ou de la substance de l’acte, & sans lesquelles on ne peut disposer des biens, comme l’institution d’un héritier dans un testament en pays de droit écrit, l’obligation où sont les peres dans ces mêmes pays, de laisser la légitime à leurs enfans à titre exprès d’institution.

Les formalités qui touchent la personne se reglent par la loi ou coutume du domicile : celles qui touchent l’acte se reglent par la loi du lieu où il est passé, suivant la maxime locus regit actum : celles qui touchent les biens se reglent par la loi du lieu où ils sont situés ; on peut mettre l’insinuation dans cette derniere classe.

Il y a des formalités essentielles & de rigueur, dont l’observation est prescrite par la loi à peine de nullité de l’acte, comme la signature des parties, des témoins & du notaire.

Mais il y a aussi d’autres formalités ou formes qui, quoique suivies ordinairement, ne sont pas absolument nécessaires, à peine de nullité ; telles que sont la plûpart des clauses de style des greffiers, notaires, huissiers, qui peuvent être suppléées par d’autres termes équipolens, & même quelques-unes être

entierement omises sans que l’acte en soit moins valable. Voyez ci-après Forme. (A)

FOR-MARIAGE ou FEUR-MARIAGE, (Jurisp.) est le mariage qu’un homme ou femme de condition servile, contracte sans la permission de son seigneur, ou même avec sa permission, lorsque le mariage est contracté avec une personne franche, ou d’une autre seigneurie & justice que celle de son seigneur, ou hors la terre sujette à son droit de main-morte.

Ce mariage est ainsi appellé en françois & dans la basse latinité, foris maritagium, eo quod fit foras vel foris.

Quelquefois par le terme de for-mariage on entend l’amende pécuniaire que le serf ou main-mortable doit à son seigneur pour s’être ainsi marié. Voyez Ducange, au mot Foris-maritagium.

En certains lieux le seigneur a droit de prendre pour for-mariage, la moitié, le tiers, ou autre portion des biens de celui qui s’est marié à une personne d’une autre condition, ou d’une autre seigneurie & justice. Ce droit est dû au seigneur, quoique son serf ou main-mortable lui ait demandé congé & permission pour-se marier ; il évite seulement par ce moyen l’amende de soixante sous ou autre somme, suivant l’usage qu’il auroit été obligé de payer pour la peine du for-mariage contracté sans le congé du seigneur.

Ce droit seigneurial paroît tirer son origine des Romains, chez lesquels ceux qu’on appelloit gentiles, c’est-à-dire régnicoles, défendoient à leurs esclaves de se marier avec des étrangers, dans la crainte qu’ils n’abandonnassent leurs offices, ou qu’ils ne détournassent les effets de leur maître pour les donner à des étrangers : ceux qui persistoient à demeurer en la compagnie d’un esclave, malgré l’avertissement que leur avoient donné leurs maîtres, devenoient aussi ses esclaves. Les filles régnicoles (gentiles) qui se marioient à des étrangers, perdoient pareillement leur liberté. Voyez Tertul. lib. II. ad uxorem ; l’auteur du grand coûtum. liv. II. c. xvj. à la fin.

Bacquet, en son traité du droit d’aubaine, ch. iij. rapporte un ancien mémoire tiré des registres de la chambre des comptes, concernant les droits & seigneuries appartenans au roi, à cause du gouvernement & administration générale du royaume, & par souveraineté & ancien domaine, à cause des morte-mains & for-mariage par-tout le royaume de France, & spécialement au bailliage de Vermandois ; lesquels droits devoient être cueillis par le collecteur d’iceux & par ses lieutenans & sergens, que pour ce faire il devoit commettre & ordonner.

L’article 2 de ce mémoire porte, que le roi, en érigeant les duchés & comtés pairies qui sont au bailliage de Vermandois, retint les morte-mains & formariages des bâtards, espaves, aubains & manumis, & qu’il en a joüi paisiblement jusqu’à ce que les guerres & divisions sont venues en ce royaume.

L’article 7 porte que nuls bâtards, espaves, aubains, ni manumis, ne se peuvent marier à personne autre que de leur condition, sans le congé du roi ou de ses officiers, qu’ils ne soient tenus payer soixante sous parisis d’amende, lesquelles amendes ont été souvent supportées pour la pauvreté du peuple, vû les guerres & stérilités du pays ; que quand ils demandent congé, ils se montrent obéissans au roi comme ses personnes liges, & que nul n’en doit être éconduit ; qu’en ce faisant ils échevent l’amende ; mais que nonobstant ce ils doivent for-mariage, pour avoir pris parti qui n’est de condition pareille à eux ; que ce for-mariage s’estime à la moitié des biens en la prevôté de Ribemont & en celle de Saint-Quentin ; à Péronne & à Soissons, au tiers ; & aux autres lieux dudit bailliage, selon l’usage de chaque lieu.