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3421. — 62me ANNÉE — No 42.
Dimanche 18 octobre 1896
PARAIT TOUS LES DIMANCHES
(Les Bureaux, 2 bis, rue Vivienne)
Les manuscrits doivent être adressés franco au journal, et, publiés ou non, ils ne sont pas rendus aux auteurs.)

LE
MÉNESTREL

MUSIQUE ET THÉATRES
Henri HEUGEL, Directeur

Adresser franco à M. Henri HEUGEL, directeur du Ménestrel, 2 bis, rue Vivienne, les Manuscrits, Lettres et Bons-poste d’abonnement.
Un an, Texte seul : 10 francs, Paris et Province. — Texte et Musique de Chant, 20 fr. ; Texte et Musique de Piano, 20 fr., Paris et Province.
Abonnement complet d’un an, Texte, Musique de Chant et de Piano, 30 fr., Paris et Province. — Pour l’Étranger, les frais de poste en sus.
SOMMAIRE-TEXTE


MUSIQUE DE CHANT

Nos abonnés à la musique de chant recevront, avec le numéro de ce jour :

SI J’AI PARLÉ

mélodie nouvelle de Léon Delafosse, poème de Henri de Régnier. — Suivra immédiatement : Il m’aime, m’aime pas, mélodie italienne de P. Mascagni, traduction française de Pierre Barbier.


MUSIQUE DE PIANO

Nous publierons dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique de piano : Antoine Watteau, no 4 des Portraits de peintres’, pièces pour piano de Reynaldo Hahn. — Suivra immédiatement : Les Révérences nuptiales, no 1 de la collection des Vieux maîtres, transcription pour piano de Louis Diémer d’après Boismortier (1732), répertoire de la Société des instruments anciens.

ÉTUDE SUR ORPHÉE

De GLUCK
(Suite)

Nous l’avons dit, les manuscrits de Gluck sont très incomplets, et ne doivent être regardés que comme de simples esquisses. Nul doute que le maître fit exécuter ensuite le détail de sa partition par quelque copiste expert en les pratiques intérieures des orchestres, suivant l’usage constant du xviiie siècle. L’article : Copiste, du Dictionnaire de musique de Jean-Jacques Rousseau, nous donne à ce sujet des notions bien caractéristiques, et qui étonneraient fort les compositeurs accoutumés au travail raffiné de l’orchestration moderne. C’est pourquoi l’on doit considérer les partitions conductrices et les parties d’orchestre comme exprimant de la manière la plus complète la pensée de Gluck, puisqu’elles représentent cette mise au point dernière, exécutée sous sa propre direction. Or, il y a là des divergences considérables, tant avec la version italienne qu’avec les intentions esquissées dans le manuscrit. Tout d’abord, le cornetto est remplacé par les clarinettes, ce qui n’a rien que de normal ; mais, tandis que ces instruments suivent exactement la partie de premier violon pendant les onze premières mesures du prélude, les trombones, au lieu de les soutenir de leurs accords, se taisent pendant toute la durée de cette exposition instrumentale, et n’entrent qu’avec le chœur, doublant les voix d’hommes. Cette disposition est d’autant plus surprenante que, dans son manuscrit, Gluck avait pris la peine (nous l’avons signalé) de noter une partie absolument conforme à celle du 3e trombone d’Orfeo, et que, d’autre part, la sonorité de ce prélude funèbre, réduite aux seuls instruments à cordes auxquels s’unissent simplement les clarinettes et bassons, doublant les premiers violons et les basses, est vraiment bien pauvre. Une autre indication du manuscrit semble corroborer l’intention où était Gluck de faire entendre les trombones dans ce prélude : ce sont les mots déjà mentionnés comme écrits devant la ritournelle finale : Senza les inst. S’il était spécifié que « les instruments » dussent se taire ici, c’est apparemment qu’ils avaient précédemment joué dans la partie correspondante.

Cependant le témoignage de la partition conductrice et des parties d’orchestre est formel : les trombones restaient silencieux pendant le prélude aux représentations données à l’Opéra sous la direction de Gluck. Il nous semble qu’il n’est pas impossible de deviner les raisons pour lesquelles le compositeur s’est résigné à cette suppression, si contraire à sa conception première et au bon effet du morceau : elles sont tout simplement dans la faiblesse des exécutants d’alors. En effet, avant Gluck, les trombones n’avaient fait à l’Opéra que des apparitions si timides qu’on peut avancer que l’auteur d’Orphée en est le véritable introducteur dans l’orchestre français. Il est donc aisé de concevoir que les trombonistes, ayant si peu d’occasions d’exercer leur talent, n’étaient pas de première force, et que, devant la difficulté d’un passage à découvert où il fallait retenir le son et jouer pianissimo, ils aient reculé et obtenu la suppression d’une partie qu’ils étaient incapables d’exécuter. C’est pourquoi, aujourd’hui que les musiciens de nos orchestres ne connaissent plus d’obstacles, nous pensons qu’il serait bon de rétablir à l’exécution les parties de trombones telles qu’elles figurent dans la plus ancienne version de l’œuvre : à l’égard de l’exactitude du texte, ce serait peut-être s’écarter de la lettre, mais assurément ce serait rendre hommage à la conception de l’auteur en ce qu’elle a de plus personnel et de plus spontané.

Nous avons, dans cet examen, négligé complètement les indications de la partition française gravée : c’est que, dès le premier morceau, cette partition nous révèle son insuffisance. On n’y trouve, en effet, aucune trace de la partie de clarinette, et, quant aux trombones, ils ne sont indiqués ni dans le prélude ni pendant le chœur, sauf lorsque survient l’épisode dialogué des dernières mesures ; d’où il résulterait que les trombones, après être restés en silence pendant tout