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vantage, car on sent que de toute nouvelle étude sérieuse jaillira une lumière sur une question importante. Les explorations de Madagascar ayant jusqu’ici toujours été restreintes aux parties voisines du littoral et à une région de l’intérieur très circonscrite, il s’agissait d’acquérir des notions exactes sur l’ensemble de l’île ; mais l’espoir d’atteindre ce but était problématique : les voyageurs comme les résidens affirmaient qu’il était impossible de franchir certaines limites. En présence des résultats obtenus par les recherches exécutées prés des côtes, d’importantes découvertes semblaient assurées à l’investigateur instruit qui réussirait à pénétrer dans les contrées encore fermées aux Européens ; — une addition notable à nos connaissances géographiques n’était pas douteuse. Seulement on n’espérait guère voir un homme assez épris de la science pour s’attribuer une pareille tâche et pour ne faiblir ni devant les difficultés ni devant le péril. Ce que personne n’attendait s’est réalisé. Après plusieurs tentatives infructueuses, M. Alfred Grandidier, seul, sans assistance étrangère d’aucun genre, est parvenu à se jeter au cœur du pays, et trois fois, sous différentes latitudes, il a traversé dans toute sa largeur la grande île africaine.

Estienne de Flacourt a tracé le premier la description d’une partie considérable du littoral de Madagascar et présenté le tableau fidèle des ressources naturelles de cette région, des coutumes et de l’état social des habitans. L’œuvre est restée précieuse parce qu’elle offre un ensemble d’observations rapportées avec conscience et recueillies avec sagacité. Des membres de la mission anglaise de Tananarive ont eu le mérite de faire connaître les Ovas et leur territoire ; un Français qui a su vaincre des obstacles que nul encore n’avait vaincus vient aujourd’hui nous rendre le même service à l’égard de vastes étendues de la Grande-Terre jusqu’à présent inexplorées, nous fournir des renseignemens qui permettront sans doute de remonter à l’origine des principaux peuples de Madagascar, nous donner par ses découvertes la possibilité d’éclaircir plusieurs questions d’histoire naturelle et d’entrevoir une époque où la grande île africaine était habitée par des êtres infiniment remarquables dont les espèces sont maintenant éteintes. C’est assez pour captiver l’intérêt, et c’est une satisfaction de tenir d’un compatriote de nouvelles informations d’un caractère vraiment scientifique sur la terre lointaine qu’on a regardée si longtemps parmi nous comme une possession française. Les magnifiques résultats des travaux accomplis en Chine, en Mongolie et au Thibet par l’abbé Armand David[1] nous ont inspiré un peu de fierté pour notre pays : la récente exploration de Madagascar nous ramène à ce sentiment.

  1. Voyez la Revue du 15 février, 15 mars, 15 mai, 15 juin 1871.