Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1781, tome 1.djvu/429

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annoncé, ce n’étoit plus un homme, c’était un être surnaturel, pour lequel rien n’étoit caché. Le peuple qui voyoit l’honneur rendu à ce fourbe, en étoit trompé encore plus facilement & plus grossièrement.

Ce qui n’étoit chez les grands qu’un astrologue, fut chez le peuple imbécille, un devin, un magicien, un sorcier, dont les paroles furent autant de décrets émanés du ciel. Il ne fut plus permis de rien entreprendre sans le consulter : chaque état, chaque profession couroit lui demander son sort. Le marchand n’entreprenoit plus ni achat, ni voyage, sans interroger ou le sorcier ou son almanach ; le paysan lui demandoit d’abondantes récoltes, la prospérité de son bien, & l’accusoit en même tems des orages qui dévastoient ses champs, & des maladies qui lui enlevoient ses bestiaux. Le malade tourmenté par ses douleurs, désespéré par la longueur de ses souffrances, cherchoit dans les arbres des secours que lui refusoit tout l’art des médecins. L’ignorance & la pusillanimité ne s’en sont pas tenues là. Il ne fut plus permis de se couper les ongles & les cheveux, de se faire saigner & purger, de planter, de tailler la vigne, &c. &c. qu’à des jours marqués directement par telle ou telle conjonction, & les planètes dans leurs cours devinrent la seule règle de la vie.

Telles sont les folies qu’entraînèrent après eux les almanachs à prédictions. Les gens sensés n’y croient plus, mais le peuple, mais le paysan y ajoutent encore foi. C’est donc un service à leur rendre que de les détromper : c’est une obligation indispensable à laquelle sont tenus tous ceux qui sont spécialement chargés de les éclairer & de les conduire. Nous recommandons donc aux curés, aux vicaires, aux personnes instruites de ne négliger aucune occasion d’ouvrir les yeux du peuple sur cette vaine science, & de lui découvrir la folie & la bêtise de ces fourbes qui dans les campagnes se font passer pour sorciers, & qui abusant de la crédulité, trompent & nuisent aux esprits foibles. Qu’on se souvienne cependant d’employer le moins possible la persécution, elle fait trop souvent des prosélites ; c’est par le mépris & le ridicule qu’on décrédite ces fripons.

Il seroit possible cependant de tirer un grand parti de l’almanach, si on le remplissoit d’objets utiles, & d’observations intéressantes pour le voyageur & l’agriculteur. Mais, demandera-t-on, est-il possible de compter sur des annonces que l’on a décriées plus haut ? Sans doute, si ces annonces sont fondées sur une longue suite d’observations météorologiques. Entrons dans quelques détails, & démontrons cette espèce de paradoxe.

Il est de fait que tous les météores ont la plus grande analogie, la liaison la plus étroite avec les productions de la terre & la végétation, comme on peut le voir aux mots Atmosphère, Brouillard, Gelée, Grêle, Frimat, Pluie, Rosée, Tonnerre & Vent. Plus nous acquerrons de connoissances sur ces rapports & ces liaisons, & plus nous pourrons espérer de perfectionner la manière de cultiver. Ces connoissances à la vérité, ne peuvent s’obtenir que par l’étude &