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Si ces coquilles & leurs parcelles ont toutes été réduites à l’état de poussière, semblable à celle de la chaux éteinte à l’air ; si cette poussière forme des amas considérables, ou a des bancs de craie : si, enfin, la poussière la plus atténuée a été unie à de l’argile bien pure & bien fine, voilà l’origine de la marne, & le principe de sa fécondité.

Comment ces coquilles ont-elles été arrachées du fond de la mer, des rochers auxquels elles étoient attachées ? comment & quand ont-elles été desséminées sur notre terre, pour y paroître, soit en bancs, soit en masses énormes, soit répandues çà & là ? Ce sont autant de problêmes que je n’entreprendrai pas de résoudre, & desquels on n’a donné, jusqu’à ce jour, aucune solution parfaitement, satisfaisante. Plusieurs hypothèses, publiées sur ce sujet, sont très-ingénieuses ; mais elles ont toujours un côté foible, & ne sont d’aucune utilité pour l’agriculture.

II. Les coquilles, madrépores, coraux ; en un mot, les anciens logemens des animaux, & fabriqués par eux, sont aujourd’hui dans deux états ; ou ils sont fossiles c’est-à-dire, changés en pierre ; ou ils n’ont éprouvé aucune altération. Dans le premier cas, ils forment la pierre calcaire, que nous réduisons en chaux ; (voyez ce mot) & cette chaux sert à bâtir nos maisons, & à amender les terres. Dans le second, c’est-à-dire, lorsque la coquille est telle qu’elle sort de la mer, on trouve un puissant engrais : portée sur nos champs, elle leur communique d’abord le sel marin dont elle est imprégnée ; ensuite elle se décompose peu à peu par l’action des météores, par le frottement de la charrue, &c. & fournit peu à peu la substance calcaire, qui s’unissant avec les débris des végétaux, forme l’humus ou terre végétale par excellence ; (Voyez Terre végétale) en un mot, la seule qui soit véritablement soluble dans l’eau, & la seule qui forme la charpente des plantes.

Il y a plusieurs manières de fertiliser les champs avec des coquilles. 1°. Si elles sont fossiles & en corps solide, en les réduisant en poudre fine, au moyen des bocards, pilons, &c. 2°. Si la nature les a déjà réduites en poussière, & si cette poussière, ou seule, ou unie à d’autres portions terreuses, forme des masses solides, il faut encore recourir aux pilons. 3°. Si la consistance de ces masses est lâche, peu serrée, peu compacte, le frottement, des chocs légers suffiront pour détruire l’adhésion de ces parties ; telles sont les craies. 4°. Enfin, cette poussière est simplement unie à une terre quelconque, sans être solidifiée, telle que la marne, elle se dissoudra sur nos champs par le seul contact de l’air, du soleil, des pluies, &c. Voilà pour les coquilles fossiles, ou réduites à un état de chaux par les mains de la nature.

III. Les coquillages, tels qu’ils existent aujourd’hui, tels qu’on les tire du sein de la mer, ou qu’on les ramasse sur ses bords, deviennent, par l’industrie de l’homme, un excellent engrais, suivant les circonstances & la nature du sol qui doit être engraissé. (Voyez les mots Amendement, Engrais) Il y a plusieurs manière de les employer ; 1°. Ou en les faisant calciner comme la pierre calcaire ; & alors on les réduit en véritable chaux, telle que celle employée pour le