Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/458

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pendiculairement. Il suffiroit de ménager sur un des côtés (le plus commode pour le service de la métairie) une pente d’eau qui se prolongeroit jusqu’au fond de la mare : enfin, le fond & la pente seroient pavés. L’eau ainsi resserrée ayant moins de surface, se conservera plus fraîche, & éprouvera moins d’évaporation, qui a lieu en raison des surfaces, & de leur peu de profondeur. La fraîcheur de l’eau est un point essentiel à la conservation de la santé des bestiaux : plus l’eau est échauffée, moins elle contient d’air, moins elle est digestive, & plus elle est pesante. Pour s’en convaincre, il suffit de prendre un pèse liqueur (voyez sa figure & son usage au mot Distillation) que l’on plonge dans l’eau que l’on vient de faire bouillir : placez le même pèse-liqueur dans la même eau, avant de la faire bouillir, & vous verrez une très-grande différence dans leur pesanteur spécifique. Plus l’eau se corrompt, & plus elle perd de cet air, principe vivifiant. Doit-on après cela être étonné s’il survient des épizooties ?

Si l’on persiste à conserver les mares, qu’elles soient du moins pavées & environnées de murs, ainsi qu’il a été dit ; mais qu’elles soient aussi tenues dans le plus grand état de propreté. J’entends, par ce mot propreté, qu’on n’y laisse croître aucune herbe dont les débris concourent à la putréfaction de l’eau ; qu’on détruise avec le plus grand soin les crapauds, les grenouilles, &, s’il est possible, toute espèce d’insecte. On ne fait pas assez attention que le frai d’un seul crapaud, d’une seule grenouille, après que les œufs sont éclos, se répand en forme de gelée, & qui couvre plusieurs pieds de superficie ; que cette gelée répand au-dehors ce qu’on appelle odeur marécageuse, & qu’elle infecte l’eau. Combien de fois n’ai-je pas vu les animaux forcés de boire une eau verdâtre, boueuse, remplie de vers, &c., & leurs conducteurs avoir la stupidité de penser que cette eau les engraissoit. (Consulter le mot Abreuvoir, afin de ne pas répéter ici ce qui a été dit à ce sujet) Enfin, avant l’entrée de l’hiver, on doit mettre à sec ces mares, & enlever toute la boue, la crasse & le sédiment qui en tapisse le fond. C’est le moyen le plus prompt & le plus sûr de détruire les insectes.

En bonne règle, & par humanité, le gouvernement est dans le cas d’ordonner la suppression de toutes les mares, puisque la santé des hommes & des animaux y est intéressée, surtout dans les provinces où la chaleur est ordinairement forte & vive. Mais où mènera-t-on boire les bestiaux ? comment remplacer ces mares, &c. ? Il est aisé de répondre à toutes les objections que l’on peut faire.

Je réponds, 1°. Il n’est point, ou presque point de pays où l’on ne puisse rassembler les eaux pluviales dans des citernes. (Consultez ce mot, ainsi que celui de Béton) 2°. Il n’est point de pays où l’on ne puisse creuser des puits : il est plus commode, moins coûteux & plus expéditif de pratiquer des mares, cela est vrai ; mais peut on comparer cet avantage avec celui de la santé des hommes & des animaux ! De plus, combien de fois l’eau manquant dans ces mares, est-on obligé de conduire chaque jour, & à plusieurs lieues, les bestiaux pour les abreuver. Le paysan ne voit que le moment présent, il