Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/518

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puisque l’amidon et le sucre, les matières odorantes et colorantes qu’on en extrait, jouissent des mêmes propriétés ; le parenchyme libreux y domine seulement ; c’est ce parenchyme qui rend l’aliment plus ou moins grossier, à raison de la quantité qu’il en contient ; car la matière muqueuse plus disséminée, plus fluide dans les racines que dans les semences, est très-disposée, par la combinaison que la simple cuisson opère, à se rassembler, à se concréter, à passer ensuite dans le cours de la circulation, à se mêler avec nos liqueurs, et à prendre bientôt le caractère animal dont elle paroît éloignée dans l’étal naturel.

J’observerai à cet égard que, quoiqu’au moyen de la culture, les racines aient acquis, pour notre usage, un volume extraordinaire, on ne peut cependant cesser de les considérer comme le réservoir de la nourriture destinée à la reproduction de la graine, et devant contenir, sinon les sucs les plus élaborés, au moins les matériaux propres à les constituer. Il paroît qu’en effet les racines étant une fois formées dans les plantes bisannuelles, celles-ci ne tiennent plus leur nourriture de la terre, elles la prennent dans la substance même de la racine qui, devenue porte-graines, se creuse, s’affaisse et s’anéantit.

Il n’est donc pas douteux que les racines ne soient pourvues de sucs aussi affinés que les autres parties des végétaux. Toutes, à la vérité, n’ont pas en réserve une matière nutritive ; les unes, d’abord molles et charnues, deviennent dures et ligneuses en très-peu de temps ; les autres n’offrent, à l’origine de leur formation, que des filets chevelus, que des amas de fibres et non des sucs mucilagineux. Mais nous avons également des semences aussi dures dans leur substance intérieure que dans leur écorce, et que nous tourmenterions inutilement pour en extraire un aliment : il faut absolument y renoncer.

Les racines ont joui, de temps immémorial, de la plus grande célébrité, depuis sur-tout que la culture et l’industrie sont parvenues à les perfectionner et à multiplier leurs variétés ; il existe encore des peuplades qui font consister une partie de leurs ressources alimentaires dans cette partie des végétaux. Démocrite, quia écrit, il y a environ deux mille ans ; Columelle, Varron et Calony tous ces patriarches de l’agriculture leur attribuoient des propriétés merveilleuses ; ils pensoient qu’un jardin potager étoit ce qui rapportoit le plus dans une ferme, et que le produit suffisoit, au delà, pour les besoins du colon. On ne sauroit même douter que l’usage de ces racines ne fût étendu jusqu’aux bestiaux, puisque, dans la distribution de la métairie, ils indiquent les mangeoires pour la nourriture des bœufs pendant l’hiver.

Il seroit superflu d’insister ici sur la nécessité de faire choix, pour les plantes à racines charnues, du sol qui leur convient respectivement, si on veut avoir des récoltes abondantes, et de qualité supérieure ; que, dans des terres trop fortes, elles s’épuisent en feuillages, et grossissent d’autant moins en racines ; que, quand elles ont poussé leurs premières feuilles, il faut les éclaircir, parce que les pieds trop écartés donnent des racines grosses, il est vrai, mais spongieuses et creuses ; que, trop rapprochées, au contraire, elles ne produisent que des racines minces et fibreuses. Tous ces détails sont développés dans cet Ouvrage, aux mots Rave, Chou, Carotte, Betterave, Panais, Pommes de Terre, Topinambour.

Une vérité que nous ne saurions assez reproduire, c’est que les racines charnues, soit farineuses, soit muqueuses, doivent être, après les grains, placées au nombre des substances végétales les plus chargées de parties nourricières ;