Page:Saint-Bernard - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome 2, 1866.djvu/592

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qu’il soit tombé une seule parole inutile de la bouche d’un évangéliste, surtout dans le récit de la sainte histoire du Verbe. Non je ne puis le croire. Tous ces détails sont remplis de mystères divins et débordent d’une céleste douceur, s’ils trouvent un auditeur diligent qui sache sucer le miel qui coule du rocher, et goûter l’huile excellente qu’on recueille dans les endroits pierreux. En effet, la douceur du miel dégoûta des montagnes et le lait ruissela des collines (Joel, III, 18), le jour où les Cieux laissant tomber leur rosée et les nuées faisant descendre le Juste comme une pluie bienfaisante, la terre ouvrit joyeusement son sein et germa son Sauveur (Isa., XLV, 8), alors que le Seigneur répandit sa bénédiction sur nous et que notre terre porta son fruit (Psalm., LXXXV, 13), que la miséricorde et la vérité se rencontrèrent sur une montagne grasse et fertile, et que la justice et la paix se sont donné un baiser (Psalm., LXXXIV, 11). À la même époque, de l’un de ces monts fameux entre tous, (je veux parler de notre saint Évangéliste,) en même temps que dans un récit doux comme le miel il nous raconte le commencement tant désiré de notre salut, comme au souffle du vent du midi, et sous les rayons directs du Soleil de justice, se sont élevées vers nous des senteurs spirituelles. Que Dieu maintenant envoie son Verbe pour les faire fondre devant nous ; qu’il fasse souffler son esprit, pour nous faire comprendre le sens des paroles évangéliques et pour les rendre à nos cœurs plus désirables que l’or et que les pierres précieuses, plus douces que le miel dans ses rayons.

2. Il dit donc : « L’ange Gabriel fut envoyé de Dieu. » Je ne pense pas qu’il soit ici question d’un de ces anges de moindre dignité qui viennent souvent sur la terre y remplir des missions ordinaires ; en effet, ce n’est pas ce que signifie son nom, qui veut dire la force de Dieu, d’ailleurs il ne vient pas, comme c’est l’habitude, sur l’ordre d’un esprit plus grand que lui, mais il est envoyé de Dieu même. Voilà, sans doute, pourquoi il est dit qu’il fut envoyé « de Dieu ; » mais l’Évangéliste se sert peut-être aussi de ces paroles « envoyé de Dieu, » pour que nous ne croyions pas que Dieu, avant de communiquer son dessein à la Vierge, en fit part à d’autre esprit bienheureux que l’archange Gabriel qui fut seul trouvé digne parmi le reste des anges d’une telle grandeur, du nom qu’il a reçu et de la mission qui lui fut confiée. D’ailleurs, V. le Traité à Hugues de Saint-Victorle nom qu’il a n’est point sans rapport avec le message dont il est chargé. En effet, à quel ange convenait-il mieux d’annoncer la venue du Christ qui est la vertu de Dieu, qu’à celui qui a l’honneur de s’appeler la force de Dieu ? Car qu’est-ce que la force, sinon la vertu. Mais n’allez pas croire qu’il n’était ni bien, ni convenable que le maître et l’envoyé portassent le même nom, car s’ils s’appellent de même, ce n’est pas Ce n’est pas dans le même sens que le Christ et l’Ange sont appelés la vertu de Dieu.pour la même raison. En effet, si le Christ et l’ange Gabriel sont également nommés la force ou la vertu de Dieu, c’est en un sens bien différent l’un de l’autre. En effet, ce n’est que nuncupativement que l’Ange est appelé la force de Dieu, tandis que c’est substantivement que le Christ est nommé « la vertu de Dieu (1 Corinth., I, 24), » il l’est effectivement ; car c’est lui que désigne ce plus fort armé de l’Évangile qui survient et qui, de son bras puissant, terrasse le premier fort armé qui, jusque là, avait gardé sa maison en paix, et lui enlève ainsi toutes les richesses qu’il y avait amassées. Quant à l’Ange,