Page:Saint-Bernard - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome 2, 1866.djvu/593

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s’il est appelé la force de Dieu c’est, ou parce qu’il a pour office d’annoncer la venue de cette force elle-même, on bien parce qu’il devait rassurer une vierge naturellement timide, simple et pudique, que la nouvelle du miracle qui devait s’accomplir par elle allait troubler. En effet, il lui dit : « Ne craignez rien, ô Marie, car vous avez trouvé grâce auprès de Dieu. » Il y a même lieu de croire qu’il eut aussi à donner des forces et du courage au fiancé de cette vierge, homme d’une conscience humble et timorée, quoique notre Évangéliste ne le dise point alors. En effet, c’est lui qui lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre Marie pour épouse. » C’est donc un choix plein d’à-propos qui désigna Gabriel pour l’œuvre qu’il eut à remplir, ou plutôt c’est parce qu’il l’eut à remplir qu’il fut appelé Gabriel.

Où l’ange Gabriel fut envoyé.3. Ainsi l’ange Gabriel fut envoyé de Dieu. Mais où fut-il envoyé ? « Dans une ville de Galilée appelée Nazareth (Luc, I, 26.) « Voyons, comme dit Nathanael « S’il peut sortir quelque chose de bon de Nazareth » (Joan., I, 45). Nazareth veut dire fleur. Il me semble qu’on peut retrouver comme les germes de la pensée de Dieu, tombés en quelque Interprétation et signification du mot Nazareth. sorte du ciel sur la terre, dans les paroles adressées d’en haut aux patriarches Abraham, Isaac et Jacob et dans les promesses qui leur furent faites ; c’est, en effet, de ces germes précieux qu’il est écrit : « Si le Seigneur, Dieu des armées ne nous avait point laissé un germe, nous serions comme Sodome, et nous ressemblerions à Gomorrhe (Isa, I, 9). » Or ce germe a fleuri dans les merveilles qui ont paru quand Israël est sorti d’Égypte, dans les figures et les emblèmes de son voyage à travers le désert, plus tard dans les visions et les prédications des prophètes, et dans l’établissement du royaume et du sacerdoce jusqu’au Christ qu’on peut à bon droit regarder comme le fruit de ce germe et de ces fleurs, selon cette parole de David : « Le Seigneur répandra sa bénédiction sur nous et notre terre portera son fruit (Psalm., LXXXIV, 13), » et cette autre : « J’établirai sur votre trône le fruit de votre ventre (Psalm., CXXXI, 11). » Le Christ doit donc naître à Nazareth, selon la parole de l’Ange, parce qu’à la fleur on espère voir succéder le fruit : mais quand le fruit grossit la fleur tombe ; ainsi lorsque la vérité apparaît dans la chair, les figures passent : voilà pourquoi à Nazareth se Sens mystique du mot Galilée. trouve ajouté le mot Galilée, c’est-à-dire émigration. En effet, à la naissance du Christ, tout ce dont j’ai parlé plus haut et dont l’Apôtre disait : « Toutes ces choses leur arrivaient en figures (1 Corinth., X, 11), » était passé. Et nous qui maintenant jouissons du fruit, nous voyons bien que la fleur a en effet passé et il était prévu qu’elle passerait un jour, alors même qu’elle était pleinement épanouie : c’est ce qui faisait dire à David : « Elle est au matin comme l’herbe qui doit passer, elle s’épanouit le matin et passe durant la journée, le soir elle se flétrit, tombe et se dessèche (Psalm., LXXXIX, 6.) » Or par le soir, il faut entendre la plénitude des temps, alors que Dieu envoya son Fils unique formé d’une femme et assujetti à la loi, en disant : « Voici que je fais des choses nouvelles (Apoc., XXI, 5). » Les choses anciennes ont passé et disparu, de même que les fleurs tombent et se dessèchent quand le fruit commence à prendre de l’accroissement. Aussi est-il dit dans un autre endroit : « L’herbe se dessèche et la fleur tombe ; mais la vertu de Dieu demeure éternellement (Isa.,