Page:Saint-Bernard - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome 2, 1866.djvu/612

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qu’on lit dans un autre psaume : « Vous surpassez en beauté les enfants des hommes ; une grâce admirable est répandue sur vos lèvres parce que Dieu vous a béni de toute éternité (Psalm. xliv, 3). »

7. Ainsi « le fruit de vos entrailles » que le Dieu a béni de toute éternité « est béni ; » et c’est de sa bénédiction que vous êtes vous-même bénie entre toutes les femmes, attendu que l’arbre qui porte de bons fruits ne saurait être un mauvais arbre. Oui, vous êtes bénie entre toutes les femmes, puisque vous avez échappé à la malédiction qui les atteignit toutes, quand il fut dit à Ève : « Vous enfanterez dans la douleur (Gen., iii, 10), » et à cette autre malédiction encore après la première : « Maudite soit la femme stérile en Israël (Deut., vii, 14) ; » et même vous avez reçu une bénédiction toute particulière pour ne point demeurer stérile et pour échapper en même temps aux douleurs de l’enfantement. Quelle dure et triste nécessité, quel joug accablant pèse sur toutes les filles d’Ève ! Elles ne peuvent être mères sans douleur, ni demeurer stériles sans être maudites. La douleur leur fait appréhender d’avoir des enfants, et la malédiction leur fait craindre de n’en avoir point. Que ferez-vous, ô vierge qui entendez et qui lisez cela ? Si vous devenez mère, ce n’est que dans la douleur ; si vous demeurez stérile, c’est pour être maudite. Quel parti prendrez-vous, ô vierge pudique ? Partout, me répondrez-vous, je ne vois qu’angoisses ; néanmoins j’aime mieux m’exposer à être maudite et demeurer vierge que de commencer par Marie forme le dessein de demeurer Vierge. concevoir dans la concupiscence un fruit que je ne pourrai ensuite mettre au jour que dans la douleur. D’ailleurs d’un côté si je vois la malédiction, je ne vois point de péché, tandis que de l’autre se trouvent la douleur et le péché. Après tout, cette malédiction, qu’est-ce autre chose que le mépris des hommes ? Car si la femme stérile est maudite, cela ne veut dire qu’une chose, c’est qu’elle est un objet d’opprobre et de mépris aux yeux des hommes, encore cela n’a-t-il lieu qu’en Israël seulement, parce qu’elle est regardée comme inutile et improductive. Mais pour moi, je compte pour moins que rien de déplaire aux hommes, pourvu que je puisse me présenter comme une chaste vierge au Christ. Ô Vierge sage, Vierge pieuse, où donc avez-vous appris que Dieu aimait les vierges ? Quelle loi, quels préceptes, quelle page de l’ancien Testament vous a prescrit, conseillé, engagé à ne pas vivre selon la chair dans la chair, et à mener la vie des anges sur la terre ? Où donc aviez-vous lu, bienheureuse Vierge, que « la sagesse de la chair est une mort (Rom., viii, 6), » et « qu’il ne faut point prendre de la chair un soin qui aille jusqu’à contenter tous ses désirs (Rom., xiii, 14) ? » Où aviez-vous vu au sujet des vierges, que « les vierges seules chantent le cantique nouveau et suivent l’Agneau partout où il va (Apoc., xiv, 4) ? » Où aviez-vous vu louer « ceux qui se sont rendus eunuques pour le royaume des Cieux (Matth., xix, 12) ? » Où aviez-vous appris que « si nous vivons dans la chair, ce n’est point selon la chair que nous combattons (II Corinth., x, 3) ; que celui qui marie sa fille fait bien, mais que celui qui ne la marie pas fait mieux encore (Ibid. xxv) ? » Qui donc vous avait fait entendre ces paroles : « Je voudrais que vous fussiez tous comme moi (Ibid. xl), car selon moi, il est bon à l’homme de demeurer dans cet état ; ce n’est point un précepte que je vous fais au sujet de la virginité, mais c’est un con-