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ANNÉE 1766.

veulent se retirer dans une province méridionale de ses États[1], et y cultiver en paix la raison, loin du plus absurde fanatisme qui ait jamais avili le genre humain, et loin des scélérats qui se jouent ainsi du sang des hommes. L’extrait[2] de la première relation est d’une vérité reconnue : je ne suis pas sûr de tous les faits contenus dans la seconde ; mais je sais bien qu’en effet il y a une consultation d’avocats ; et si je puis, par votre moyen, parvenir à l’avoir, vous ferez une œuvre méritoire. Je sais que vous n’êtes pas trop lié avec le barreau ; mais voilà de ces occasions où il faut sortir de sa sphère. L’abbé Morellet, M.  Turgot, pourraient vous procurer cette pièce. Vous pourriez me la faire tenir par Damilaville, qui la cherche de son côté.

Pourquoi faut-il n’avoir que de telles armes contre des monstres qu’il faudrait assommer ! C’est bien dommage, encore une fois, que Jean-Jacques soit un fou, et un méchant fou ; sa conduite a fait plus de tort aux belles-lettres et à la philosophie que le Vicaire savoyard ne leur fera jamais de bien.

Non, encore une fois, je ne puis souffrir que vous finissiez votre lettre en disant : Je rirai[3]. Ah ! mon cher ami, est-ce là le temps de rire ? Riait-on en voyant chauffer le taureau de Phalaris ? Je vous embrasse avec rage.


6424. — À M.  DAMILAVILLE.
Aux eaux de Rolle on Suisse, par Genève, 23 juillet.

Mon indignation, mon horreur, augmentent à chaque moment, mon cher frère. Vous parlez de courage ; vous devez en avoir, vous et vos amis. Voici une lettre pour Platon[4]. Il faudrait tâcher de prendre un parti[5] ; et si vous me donnez votre parole, je vous réponds du succès, je dis même du succès le plus flatteur. Il faut savoir quitter un cachot pour vivre libre et honoré. Je vous demande en grâce de m’obtenir l’extrait de la consultation, et les noms que j’ai demandés. Voici une lettre de Sirven pour Élie. Adieu. Tous mes sentiments sont extrêmes, et surtout celui de mon amitié pour vous.

  1. Le pays de Clèves. Au moment où Voltaire écrivait, il devait avoir reçu la lettre n° 6409, qui du moins lui était parvenue le 25.
  2. Qui est au bas de la lettre 6415.
  3. Dans la lettre 6413.
  4. C’est la lettre qui suit, à Diderot.
  5. Il s’agissait de quitter la France et d’aller s’établir à Clèves ; voyez la lettre 6409.