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ANNÉE 1767

ment plus outragée que Votre Altesse sérénissime. De tous ceux qu’il a insultés, il n’a osé écrire qu’à votre personne, tant il a compté sur la bonté de votre caractère et sur votre clémence. Pour moi, je ne puis que garder le silence et ne point profaner votre nom par une justification qui est trop au-dessous de ce nom, qui m’est sacré. Cette petite affaire m’avait fait sortir de ma léthargie. Je me suis ranimé au bord de mon tombeau pour renouveler à Votre Altesse sérénissime les protestations de mon inviolable attachement et de mon profond respect.

Le vieux Suisse V.
6963. — DE M. D’ALEMBERT.
À Paris, ce 4 auguste.

Tranquillisez-vous, mon cher maître. Aussitôt votre billet reçu[1], j’ai volé chez Capperonnier, qui est un galant homme ; il m’a dit vous avoir déjà fait une réponse qui a dû calmer vos inquiétudes ; il est aussi indigné que vous et moi de l’insolence du maraud[2] qui s’est avisé de le mettre en jeu. Je sais que le président Hénault pense de même, et je ne doute pas que M. Lebeau, tout janséniste et dévot qu’il est, ne vous donne la liberté que Coge pecus a prise de le citer. Au fond, cette tracasserie vous tourmente plus qu’elle ne vaut, et je ne puis surtout approuver la peine que vous avez prise d’écrire à ce cuistre de collège une lettre[3] dont il se glorifiera, et qui lui fera croire que vous le craignez. Je suis toujours étonné que vous ne sentiez pas votre force, et que vous ne traitiez pas tous les polissons qui vous attaquent comme vous avez fait Aliboron. À votre place, je me serais contenté d’avoir le désaveu du président Hénault, qui, par parenthèse, doit se plaindre à M. de Sartines, de Capperonnier et de Lebeau, et j’aurais ensuite publiquement donné à Coger un démenti bien formel, supposé encore que la chose en vaille la peine : car répondre à cette canaille, c’est lui donner l’existence qu’elle cherche. Capperonnier ignorait, sans votre lettre, que Coger eût écrit, et qu’il y eût une critique de Bélisaire où il est cité.

J’ai reçu et lu avec grand plaisir la Défense de mon oncle, et je vous prie d’en faire mes remerciements à son neveu, qui demeure, à ce qu’on dit, dans vos quartiers. Je ne sais qui est Larcher des gueux auquel le jeune abbé Bazin répond : les coups de gaule qu’il lui donne me divertissent fort ; cependant j’aimerais encore mieux qu’il s’en dispensât, et il me semble voir César qui étrille des porte-faix ; il ne doit se battre que contre Pompée.

La réponse à Warburton[4], dans la petite feuille, est juste ; mais je la voudrais moins amère : il faut pincer bien fort, même jusqu’au sang, mais

  1. Il manque.
  2. Voyez lettre 6966.
  3. Lettre 6955.
  4. Voyez tome XXVI, page 435.