Petite grammaire bretonne/Texte entier

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PETITE

GRAMMAIRE BRETONNE

AVEC DES NOTIONS

SUR

L’HISTOIRE LA LANGUE

ET SUR

LA VERSIFICATION

PAR

Emile ERNAULT

PROFESSEUR A LA FACULTÉ DES LETTRES DE POITIERS

Lauréat de l’Institut


SAINT-BRIEUC

IMPRIMERIE-LIBRAIRIE-LITHOGRAPHIE RENÉ PRUD’HOMME


1897

PETITE

GRAMMAIRE BRETONNE

PETITE

GRAMMAIRE BRETONNE

AVEC DES NOTIONS

SUR

L’HISTOIRE LA LANGUE

ET SUR

LA VERSIFICATION

PAR

Emile ERNAULT

PROFESSEUR A LA FACULTÉ DES LETTRES DE POITIERS

Lauréat de l’Institut


SAINT-BRIEUC

IMPRIMERIE-LIBRAIRIE-LITHOGRAPHIE RENÉ PRUD’HOMME

1, Place de la Préfecture


1897

PRÉFACE

I. Sur les cinq départements formés de l’ancienne province de Bretagne, il y en a un où l’on ne parle point breton, c’est l’Ille-et-Vilaine. Dans un autre, la Loire-Inférieure, cette langue n’est connue que de quelques villages voisins du bourg de Batz (presqu’île du Croisic). Le Morbihan et les Côtes-du-Nord sont partiellement bretons de langage. Seul, le Finistère appartient, dans son ensemble, à ce domaine linguistique.


II. Le breton est divisé en quatre grands dialectes :

1o Le léonais ou léonard, parlé dans le Finistère ;

2o Le cornouaillais, dans le Finistère, les Côtes-du-Nord et une petite portion du Morbihan ;

3o Le trécorois ou trégorrois, dans les Côtes-du-Nord et le Finistère ;

4o Le vannetais, dans le Morbihan et une petite portion des Côtes-du-Nord.

Ces dialectes se subdivisent, à leur tour, en un nombre indéfini de sous-dialectes, de variétés et de sous-variétés. Les trois premiers ont entre eux une ressemblance générale suffisante pour qu’on puisse les traiter ensemble ; c’est ce que nous ferons dans cette petite Grammaire.

Le dialecte de Vannes diffère trop des autres pour pouvoir utilement être joint à ceux-ci dans un exposé élémentaire ; il exige une étude spéciale. C’est au vannetais que se rattache le breton du Croisic, qui a développé, d’ailleurs, des traits fort caractéristiques.


III. Le « breton » proprement dit, ou « breton de France » s’appelle aussi « armoricain », « breton armoricain » ou « celtique armoricain », pour le distinguer d’autres idiomes également celtiques ou bretons, parlés hors de l’Armorique ; et « bas breton », par opposition au « haut breton » ou gallo, patois usité dans l’est de la Petite-Bretagne, et qui n’est pas d’origine celtique, mais latine.


IV. De même qu’il diffère aujourd’hui suivant les régions, le breton a varié aussi selon les époques. En examinant les monuments qu’il a laissés, et qui sont d’autant plus rares qu’on remonte plus haut, on constate que son histoire présente trois grandes périodes distinctes :

1o Celle du breton moderne, depuis l’an 1601 environ ;

2o Celle du breton moyen, de 1100 au xviie siècle ;

3o Celle du vieux breton, antérieurement au xiie siècle.

Chacune de ces périodes de la langue admettrait des subdivisions, comme chacun des dialectes. Pas plus que la distinction de ces derniers, la séparation des trois époques n’est absolue. Par exemple, dans les années qui ont précédé et suivi la date approximative de 1601, il s’est fait des compromis entre le moyen breton sur son déclin et le breton moderne qui allait lui succéder. C’est ainsi que sur les confins géographiques de deux dialectes bien tranchés il y a souvent une zone indécise où règne une langue mixte.

Naturellement les deux périodes extrêmes (vieux breton et breton moderne) diffèrent plus entre elles que l’une ou l’autre ne diffère de la période intermédiaire. Le breton moyen fait la transition, à peu près comme parmi les dialectes actuels le cornouaillais, qui touchant d’un côté au dialecte de Léon et de l’autre à celui de Vannes, présente des caractères communs à ces deux types divergents.


V. La date initiale du breton de France ne remonte pas » plus haut que la venue des Bretons en France, au viie siècle après Jésus-Christ. Antérieurement à cette époque, le breton vivait, mais en Grande-Bretagne, où, du reste, il ne s’est pas éteint.

Cet ancien breton insulaire a produit, en effet, deux autres idiomes :

1o Le gallois, très vivace encore aujourd’hui dans la principauté de Galles ;

2o Le cornique, qui se parlait dans la Cornouaille anglaise, et qui a péri vers la fin du siècle dernier ; c’était le plus proche parent de l’armoricain.

Le gallois, le comique et le breton armoricain forment ensemble la branche brittonique ou bretonne des langues néo-celtiques. Ils descendent du celtique ancien qu’on parlait en Grande-Bretagne avant la conquête romaine.


VI. Ce vieux celtique de Grande-Bretagne était apparenté de près aux langues employées, à la même époque, par les Gaulois du continent et par les Irlandais. Mais sur le continent le gaulois, étouffé par le latin, n’a survécu dans aucun langage moderne. Au contraire, l’Irlande, qui n’a jamais été conquise par les Romains, n’a point perdu son parler national, et celui-ci a donné naissance à la branche gaidélique, goidélique ou gaélique des langues néo-celtiques, qui comprend : l’irlandais proprement dit ; le gaélique d’Écosse ; le gaélique de l’île de Man.

VII. La comparaison de toutes ces formes modernes du celtique entre elles et avec les quelques spécimens qui nous restent du gaulois ou vieux celtique, permet de se faire de celui-ci une idée, incomplète sur bien des points, mais suffisante pour en esquisser les traits essentiels et en déterminer les affinités.

Le celtique n’est pas, en effet, un phénomène isolé : c’est un membre de la grande famille linguistique dite ario-européenne ou indo-européenne, au même titre que le latin, le grec, le germain, le slave, l’albanais, en Europe ; l’indien, le persan, l’arménien, en Asie.


VIII. Ce n’est pas à dire que tous les éléments qui composent actuellement la langue bretonne aient une même origine celtique. L’idiome national des Bretons de l’île, sans être détruit par le latin, avait du moins été sensiblement influencé par lui, à peu près comme l’idiome néo-latin qui domine en France a subi des influences germaniques. Lorsqu’une partie de ces Bretons, chassés par l’invasion saxonne, se furent établis en Armorique, ils empruntèrent aussi des mots aux populations romanisées qui se trouvaient en contact avec eux. Le breton de France contient donc une certaine proportion, variable suivant les époques et les régions, de termes et de formes qui proviennent du latin et du français.

Les Celtes anciens et modernes ont, de même, fait passer quelques mots de leurs langues dans celles des peuples avec qui ils ont été en relation.


IX. C’est aux Irlandais que reviendrait d’abord la place d’honneur, dans une histoire générale des littératures celtiques. Plus tard les Bretons ont aussi fait preuve d’une certaine activité littéraire, mais non pas tant ceux de l’Armorique que leurs frères restés dans le pays de Galles. C’est, de nos jours, le gallois qui est l’idiome celtique le plus cultivé, et, par là même, le plus capable et le plus digne de vivre.

Mais le parti que les Bretons demeurés dans l’île ont su tirer de leur idiome, en le rendant propre à tous les usages pratiques, littéraires et scientifiques, prouve que le langage des Bretons de France, qui est le même au fond, serait susceptible, lui aussi, de devenir définitivement l’expression parlée et écrite du génie de la noble race qui en garde encore le dépôt. Pour cela, il faut et il suffit que les personnes intelligentes et instruites appartenant à cette race, ou s’intéressant à son avenir, qui importe beaucoup à l’avenir de notre grande patrie française, ne craignent pas de consacrer à la langue bretonne une étude attentive, que d’ailleurs elle mérite à tous égards. Car pour qui la connaît bien et l’embrasse dans son ensemble, sa richesse n’est pas moins remarquable en ressources d’expression qu’en témoignages précieux sur l’histoire des autres langues dont elle est parente à des degrés divers.




PETITE

GRAMMAIRE BRETONNE


I

ÉCRITURE ET PRONONCIATION

1. L’orthographe capricieuse et incohérente du français ne convient pas au breton. Il vaut bien mieux suivre un système logique de transcription, de cette manière :

a, prononcez comme en français ; â est â long.

b, prononcez comme en français.

ch, prononcez comme en français.

c’h, comme le ch allemand dur et la jota espagnole ; c’est un h aspiré plus rudement, qui rappelle rh dans le hurhau ! des charretiers.

d, comme en français.

e, prononcez é à la fin des syllabes, et ailleurs è, jamais e muet ; é, prononcez ée comme dans fée ; ê est ê long ; eu, eû, comme en français.

f, comme en français.

g, prononcez comme le premier g de gage, jamais comme le second ; gn est n mouillé, comme dans agneau.

h, comme h aspiré du français ; moins sensible en dialecte de Léon.

i, comme en français ; î est î long.

j, comme en français.

k, comme en français.

l, comme en français ; lh est l mouillé, comme dans la prononciation méridionale de fille, bataille (italien gl).

m, comme en français.

n, comme en français.

o, comme en français ; ô est ô long ; ou, oû, comme en français.

p, comme en français.

r, comme en français.

s, prononcez comme le premier s de saisir, jamais comme le second.

t, comme en français.

u, comme en français ; û est û long.

v, comme en français.

w, prononcez comme ou dans oui et w dans l’anglais we.

y, prononcez toujours comme y dans yeux (jamais i voyelle).

z, comme en français.

L’n surmonté d’un trait, , indique que la voyelle qui précède a le son nasal. Outre les voyelles nasales an̄, en̄, on̄, ën̄, du français comment, gamin, mont, commun, le breton possède les sons én̄, eun̄, in̄, oun̄, un̄.

Le tréma peut servir, comme en français, à séparer e, i, u, d’une voyelle précédente : ë, ï, ü. L’apostrophe remplace une voyelle supprimée ; le trait d’union indique la liaison de plusieurs mots.

2. Les inexactitudes qui peuvent se tolérer à l’occasion, sont les suivantes : suppression des accents sur les voyelles ; remplacement de , qui manque à la typographie française, par n ; de w, peu fréquent en français, et même en léonais, par ou (et par o devant a, e) ; de y par i ; de lh par ilh après une autre voyelle que l’i : tron̄pilh trompette, balh ou bailh (animal) ayant une tache blanche au front. On peut se dispenser de redoubler une consonne finale : pennou pen tête, toull ou toul trou.

Du reste, le breton a plusieurs sons qu’il n’est besoin de figurer que dans les études spéciales de linguistique. Tel est ën̄ (français un), dans la prononciation nasalisée du trécorois[1] : lënn (et lahn) plein, mieux leun. C’est la nasale de la voyelle ë (du français me) qui existe aussi en Tréguier, comme variante de a non accentué : , mieux ma mon. Ce dialecte peut donner à k, g, avant e et avant ou après i une nuance palatale (à peu près comme dans le français il acquiert, Tréguier) : kyiky ou qiq viande, s’écrit plus simplement kik ; etc.

L’accent tonique n’est pas marqué par l’écriture. Il se trouve le plus souvent sur l’avant-dernière syllabe, quelquefois sur la précédente ; la dernière ne le reçoit guère que par suite d’une contraction : brasaat, brasât grandir.



II

CORRESPONDANCES DIALECTALES


3. Voici les principaux rapports qui s’observent entre les sons des trois dialectes :

Léon. ae, ea = tréc. e, é : flaer, flear, vler puanteur ; sae robe, brassière, gilet de laine des petits enfants ; laez, leaz, lés lait.

Léon. ao, tréc. ô : kaol, kôl choux.

Léon. é, tréc. i : gér, gir mot ; éd, it du blé.

Léon. ea, tréc. é : beac’h, béc’h fardeau, peine.

Léon. et cornouaillais en, tréc. en : hent, hent chemin.

Léon. et corn, f initial, tréc. v, ou un son approchant : fur, vûr sage.

Léon. ou corn. ou, aou, tréc. o : brezounek, brezonek le breton ; goulou, goulaou, gôlo lumière.

Léon. oun, tréc. on : lounka, lonkan avaler.

Léon. u après k, g, tréc. w, ou : skuîz, skouîs fatigué ; guir, gwîr vrai.

Léon. v initial, tréc. w, ou : var, war, oar sur.

Léon. s initial devant voyelle, tréc. z : seac’h, ^c’h sec.

Léon. z, disparu en tréc. : karantez, karante amour, deiz, dé jour.

Le trécorois use volontiers de contractions et d’abréviations : gouzoug, tréc. gouk cou ; lavaret, lavarout, tréc. laret dire ; anezan, tréc. anean, ’nean, ’nan de lui. Il prononce peu distinctement ou supprime des voyelles non accentuées : aze, tréc. azë, az’ là. Il préfère les consonnes finales dures : kanap chanvre, bét monde, pék de la poix, évach, ivach boisson, kôf ventre, kôs vieux, mots qui en Léon se terminent plutôt par b, d, g, j, v, z. Il laisse tomber fréquemment une consonne finale, après une autre consonne dans le même mot, ou devant la consonne initiale du mot suivant ; il perd souvent le son v : paotr garçon, tréc. pôtr, pot ; dero chêne, tréc. derv, der ; daou vloaz deux ans, tréc. daou ’la.

III

MUTATIONS DE CONSONNES INITIALES


4. La plupart des consonnes initiales souffrent, en certains cas, une ou deux altérations, d’après le tableau suivant :

Radicales K P T S (suivi d’une voyelle) M G GW (tréc.) GU (léon.) B D J V (tréc.) Z (tréc.)
Affaiblies G B D Z V H W V V Z » » »
Renforcées » » » » » K KW KU P T CH F S
Aspirées C’H F Z Z » » » » » » » » »

L’affaiblissement de d en z ; n’a pas lieu dans une partie du pays trécorois. Ce dialecte prononce souvent v au lieu de f l’aspiration de p, et vw l’affaiblissement de gw.

Le g affaibli ne reste pas souvent h : ou ce son tombe entièrement, ou il est remplacé par un c’h d’ordinaire plus doux que les autres (qui pourrait se noter g’h).

5. L’affaiblissement des initiales muables se fait après les mots ou préfixes suivants :

a de, par ; qui ; particule verbale.

da à ; ton, ta, tes ; te^ toi.

endra tant que.

na, ne ne… pas.

pa quand, a-ba depuis,

ra, tréc. da que, signe du subjonctif.

dre par.

e (tréc. i) son, sa, ses (à lui) ; le, lui.

pe quel ?

re trop.

ar re ceux qui sont, les (vieux, etc.)

an hini (féminin) celle qui est, la.

daou, fém. diou, dî deux.

en em se, signe du verbe réfléchi.

en eur en, signe du participe présent,

seul, sul (tréc. sal) d’autant (plus).

var, war sur, divar, diwar dessus.

hanter demi, à moitié.

holl tout.

eil- second ; pour une seconde fois.

dam-, dem-, à demi.

di- non, sans, in-(utile), dé-(gagé).

gour- petit.

peur (tréc. per-) tout à fait.

Exemple : an hini gôz, corn, an hani gous la vieille (premiers mois d’une chanson connue, dont les Hauts Bretons ont fait à la nigousse !)

Une mutation exigée par un mot persiste quand ce mot est tombé dans la prononciation : guelet (tréc. gwelet) voir ; me a vel, me vel, (tréc. me a wel, me wel) moi qui vois, je vois ; tréc. na welan ket, welan ket je ne vois pas.

Après les prépositions citées, l’affaiblissement n’est pas obligé si le nom a pour complément un autre nom : dre vor par mer, dre doul ou tout an alc’houe(z) par le trou de la serrure (littéralement de la clef).

On pourrait citer aussi quelques exemples exceptionnels d’absence de mutation après eil-, hanter, holl, sal.

6. Après les articles, l’affaiblissement a lieu, sauf pour d, au singulier des noms féminins, et au pluriel des noms masculins de personnes : bâz bâton, ar vâz le bâton, plur. ar bizier (tréc. ar béjer) ; eur belek un prêtre, pl. ar veleien ; ar verc’h la fille, pl. ar merc’hed ; an dôen le toit, pl. an tôennou ; an tôer le couvreur, pl. an dôerien.

Restent invariables, par exception, le sing. fém. plac’h jeune fille, et les plur. masc. meriou maires, tadou pères, testou témoins, priedou, priejou époux, conjoints, Turked Turcs ; l’usage est incertain pour breudeur frères, mipien fils (tréc. ar mibien, ar mabo).

De plus, le plur. des noms commençant par k prend c’h au fém. : ar galoun (tréc. -on) le cœur, pl. ar c’halounou (tréc. -ono), et g ou c’h au masc. animé : ar c’hereourien, (tréc. ar gereerien, ar c’hereerien) les cordonniers.

L’h initial n’est pas senti après l’article.

Le d initial tombe dans dôr porte : an ôr.

7. L’article affaiblit les initiales muables de l’adjectif, sauf d : tener tendre, an denera la plus tendre ; kaer beau, eur gaer a vuoch « une belle (de) vache, » comme en français « un drôle d’homme. »

Cet affaiblissement se produit d’ordinaire, dans les adj. ordinaux, même pour le masc. : an drede deiz, tréc. an drede dé le troisième jour.

8. L’adjectif qui suit un nom fém. sing., ou un nom masc. pluriel de personne, s’affaiblit, à moins qu’il ne commence par k, p, t, le nom finissant par une autre lettre qu’une voyelle ou une liquide (l, m, n, r) : ar verc’h vâd la bonne fille, pl. ar merc’hed mâd ; ar botred vâd les bons garçons.

L’adjectif qui commence par d ne s’affaiblit pas après d, t, s, z ; il peut rester intact, après n, même en Léon.

Le mot plac’h maintient aussi l’initiale suivante intacte, ce qui confirme la corrélation entre les règles de l’article et celles de l’adjectif.

La règle ne s’applique pas toujours rigoureusement, -en ce qui concerne les pluriels.

9. La restriction relative aux consonnes k, p, t, est de nature générale. Elle se retrouve pour le préfixe peuz- presque, pour le nom complément qui suit un substantif féminin : poan ben mal de tête, de pen, mais eur votes koad « une chaussure de bois, » un sabot, et pour le nom qui suit, par exception, son adjectif (§ 39).

Il arrive même que le cf se renforce en t après s ou z, sans qu’on ait égard au genre du premier mot : Tréc. bennes Toue d’ac’h « bénédiction de Dieu à vous, » merci ; paour kés Toue « pauvre cher de Dieu. »

10. Ceci permet de comprendre les mutations qui suivent o en, signe du participe présent, e que ; particule verbale ; ma que, où ; si : ces mots, qui se terminaient anciennement par un z, affaiblissent m, g, gw, b, laissent intacts k, p, s, et renforcent d en t : mont, dont aller, venir, o vont hag o tont en allant et venant.

11. L’adj. ou le nom commun s’affaiblit souvent après un prénom masc. ou fém., avec lequel il forme une désignation habituelle : Pipi gôs le vieux Pierre (mais Fanch kôs le vieux François, § 8, 9), Pipi gouer « Pierre paysan » le Jacques Bonhomme breton ; Maria goant la belle Marie, Ian vrâs le grand Jean, sant Ian Vade(z)our saint Jean-Baptiste. L’usage varie quand le second substantif est un nom propre ; et dans les cas comme sant Mark saint Marc, sant Vaze saint Mathieu.

On peut ajouter ici quelques expressions masc, comme vikel vrâs grand vicaire, laer vôr « voleur de mer, » pirate.

12. Régulièrement le second terme d’un nom composé ne s’affaiblit que s’il est déterminé par le premier (à moins que celui-ci ne soit féminin, voir § 9) : môr-vrân corbeau de mer, cormoran.

13. Il y a des affaiblissements spéciaux à quelques locutions, comme bete vreman jusqu’à présent ; dindan boan sous peine ; tréc., ti bî ? chez qui ? (léon. e ti piou ?) ; ober vâd faire le bien, ober mâd (ou ober ervâd) faire bien, bien faire. On dit souvent en Léon hellout pour gellout, gallout pouvoir, et surtout va mon pour ma.

Après dek dix et ses composés, le b seul s’affaiblit : dek vloaz, tréc. deg ’la dix ans. Le son du g se perd quelquefois dans celui du k précédent ; mais en Tréguier cela n’arrive guère que dans dek kwennek dix sous (où l’on n’entend qu’un des deux k consécutifs) ; il y a une distinction nette entre dek gwele dix lits et dek koéle dix taureaux.

14. Le renforcement se fait après les pronoms de la seconde personne d’az, tréc. d’à, plus souvent d’es à ton ; à te, pour le ; az, tréc. a, plus souvent es te, toi ; ez, tréc. ’n es dans ton ; ho votre ; vous (en moyen breton hoz ; voir § 9, 10) :

Tréc. béz eun dén d’es kir sois un homme de parole (littéralement « à ta parole ») ; léon. d’azkuelet (je viens) pour te voir ; me ho pev je vous nourris.

En Léon, 6 et gf se renforcent quelquefois après pemp cinq ; en Tréguier, cela n’arrive que pour pem kwennek cinq sous ; on dit pem buoc’h cinq vaches, pem gat cinq lièvres, etc.

15, L’aspiration se fait après ma, léon. va mon, ma ; me, moi ; am mon ; me, moi ; em, tréc. ’n em dans mon ; he, tréc. ht son, sa (à elle) ; la, elle ; o leur ; les, eux ; et les noms de nombre trois, quatre, neuf : va fen, ma tête, d’am fen à ma tête ; tréc. mar am c’haret si vous m’aimez.

Il en est de même pour hon notre ; nous, en Tréguier : hon c’hi notre chien, hon feden, hon veden notre prière, hon fidin nous prier, hon zât notre père ; le léon. dit hor c’hi ; hor zac’h notre sac, mais hor pidi, hon tâd.

En Tréguier, les liquides l, m, n, r se redoublent souvent dans la prononciation, après he, hi son, sa (à elle) ; la, elle.

16. L’aspiration de k a lieu après l’r des articles, dans les noms et adj. masc. sing., et dans les noms plur., voir § 6 ; de même après le pronom her le, lui : her c’hridi le croire (tréc. hen kridin).

L’r se fait suivre de z au lieu de t ou d dans quelques cas comme leur-zi plancher, dour tom, parfois dour dom, dour zom eau chaude.

17. Certaines confusions peuvent résulter des mutations initiales : ainsi eur c’har = une voiture (kar, m.) ou une jambe (gar f.) ; varv appartient à barv barbe, comme à marv mort ; léon. vin à guin vin comme à min mine ; z, vient de d (surtout en léon.) et de s ; etc.

18. Les consonnes fortes et faibles peuvent s’échanger à la fin des mots, (voir § 2). D’ordinaire les faibles dominent devant une voyelle initiale, et les fortes devant un h, qui alors ne se prononce pas.



IV

ARTICLES


19. L’article défini (le, la, les) est an, devant les voyelles et h, d, t, n ; ar devant les autres consonnes, (y compris y), sauf l ; al devant l. Ar et al se réduisent souvent à ê dans la prononciation trécoroise.

L’article indéfini (un, une) est eun, eur et eul, dans les cas qui exigent respectivement an, ar et al. Sur les mutations, voir § 6, 7, 8, 16.

En, e dans, combiné avec l’article défini, donne en, er, el : en douar dans la terre.

L’article partitif ne s’exprime pas : bara du pain, pesket des poissons. — L’article défini ne se met ni devant un nom déterminé par un autre substantif complément, sans l’intermédiaire d’une préposition : tud an ti, ou an dud euz an ti les gens de la maison ; ni devant les noms de pays : Breiz Izel la basse Bretagne ; ni dans des expressions proverbiales, comme kam ki pa gar « boiteux (est le) chien quand il veut. » Ar gear, tréc. ar gér la demeure, le chez soi ; kear, ker, sans article, la ville.



V

SUBSTANTIFS

20. Le genre des noms détermine souvent leur forme, comme on l’a vu au chapitre des mutations. Il n’est pas toujours conforme au français, dans les mots empruntés : eur mision, eur mont, m. une mission, une montre ; ar vatimant, f. le bâtiment.

21. Les dérivés en ad, iad, qui indiquent la plénitude, une mesure, un coup, ou une maladie, et ceux en ik, qui sont des diminutifs, gardent le genre du simple dont ils sont tirés : tréc. poel f. boisseau, poellad f. boisselée, léon, poezel, poezellad ; dorn m. poing, main, dornad m. poignée, coup de main ; bis m. doigt, bizad m. mal au doigt ; eur gwennegad bara un sou de pain ; bizik m. petit doigt, dornadik petite poignée.

Les dérivés en der, ter, egez, elez, adurez, idigez, oni, ni, qui sont des noms abstraits, sont fém. : brazder grandeur, kasoni haine, kozni vieillesse.

Il en est de même pour -aden (action), -adek (action collective), -ek (réunion d’objets semblables) : lazaden meurtre, lazadek tuerie, koloek paillier, lieu où l’on serre la paille ; monceau de paille.

Le suffixe erez est masc. au sens abstrait : gwalc’herez action de laver ; et fém. quand il désigne le lieu d’une collection ou d’une action (comme -eri, iri, fém.) : kigerez boucherie (et bouchère) ; kigeri boucherie.

22. Les infinitifs sont assez souvent employés comme noms masc. : Ar c’hlask a zo frank, ar c’havet n’e ket stank « le chercher est facile, le trouver n’est pas commun ».

23. Le mot tra chose est fém. seulement pour les articles et l’adj. : eun dra gaer une belle chose ; il prend les noms de nombre et les pronoms masculins (comparez en français les deux genres de « quelque chose »).

24. Le sexe masc. s’exprime quelquefois, pour les animaux, en préfixant les mots marc’h cheval, tarv, tar taureau, tâd père.

Le fém. s’indique par l’addition de -es, -ez : Bretounez, Bretones Bretonne ; niz neveu, nizes nièce. Il y a aussi des fém. en en tirés de noms ou d’adj. : tréc. krennarden courtaude, gamine (léon. krennardez ) ; duen noiraude ; vache noire.

25. Exemples de mots spéciaux pour les deux genres : eontr, tréc. yont oncle, moereb tante (on dit aussi tonton, fém. tantin) ; paeroun (tréc. -on), tâd-paeroun parrain, maerounez (tréc. -ones), mammaeron marraine.

26. Le singulier s’exprime quelquefois, pour les animaux, par pen ou loen suivi du pluriel : pen moc’h, pemoc’h pourceau, loen kézek cheval, littéralement « tête de pourceaux », « bête de chevaux ».

Pour les choses qui pullulent, qui se trouvent en grande quantité à la fois (plantes, insectes, poissons, nuages, etc.), le sing. prend souvent -en qui désigne une portion plus ou moins individualisée de l’espèce : guezen, tréc. gwéen arbre, sivien fraisier, fraise ; kraouen noyer, noix ; éden grain de blé ; bleoen, bleven cheveu. La forme sans en a tantôt le sens général : éd du blé, tantôt le sens pluriel : guez, tréc. gwé des arbres.

27. Le plur. des termes abstraits, et le plus souvent aussi des choses inanimées, se forme du sing. en ajoutant ou, corn, aou, tréc. o ; si la finale est une consonne forte, elle prend le son faible : krip, krîb peigne, kribou ; traou, tréc. treo choses.

Si la finale est o, on ajoute you (écrit d’ordinaire iou). Ce y paraît assez souvent par ailleurs : stalafiou, tréc. stalafo volets. Il peut se combiner avec l et s, z, en lh, ch, j : brezeliou, brezelho guerres ; miziou, mijo mois. Le t précédé de n ou n devient ch : henchou, hinchou, tréc. hincho chemins ; après une voyelle, il devient souvent j : pec’hejou, -jo péchés.

Les singuliers (ou singulatifs) en en ont des plur. en ou : kraouennou des noix (et quelquefois des noyers) ; edennou des grains de blé. Les simples correspondants peuvent aussi avoir leurs plur. : edou des blés, diverses sortes de blé.

Cette différence de sens n’est pas observée dans spilhen épingle, pl. spilhou ; delien feuille, deliou (tréc. delhaven, pl. delha). Inversement, -ennou peut se montrer au plur. de mots qui n’ont pas en au sing., pour exprimer une pluralité restreinte : gér mot, geriou des mots, geriennou quelques mots ; guechennou quelques fois.

La terminaison plur. des diminutifs, igou, peut s’ajouter au sing. ou au plur. du simple : a-vechouïgou parfois, quelques petites fois, tréc. a-wechigo ; tiezigou, tréc. tierigo, tiigo, corn, iiigaou maisonnettes.

Quelques noms d’êtres animés ont aussi -ou : leueou, tréc. loueo, leio veaux, mammou mères ; pabou et pabet papes ; voir § 6. Silien anguille, fait sili^ siliemiou et siliou, tréc. zilio ; dôr portej dôriou et dorojou, tréc. dôrio, dôrejo,

28. Les êtres animés prennent le plus souvent -ed ; •de même les noms d’arbres et quelquefois ceux de monnaies : loened, tréc. loeinet bêtes ; kraouenned noyers (plutôt guez kraoun, tréc. gwé kraou a arbres à noix ») ; dinered et dinerou deniers. Oditor auditeur et auditoire, prend régulièrement -ed au premier sens, et -iou au second.

Gelaouen sangsue, fait gelaou, gelaouenned et f/elq^oued ; dluzen truite, dkiz, dluzed ; karpen carpe, karped ; sardinen sardine, sardined ; gwazien veine, gnjaziennou, gwazied ; mouden motte, butte, moudennou, mouded ; steren, stereden étoile, steredennou, stered ; biz doigt, bizied, biziad.

Rioc’h, buoc’h vache, fait bioclienned (et bioc’hed, buoc’hed ; plus souvent saout) ; kazek jument, kezègenned ; clioar sœur, itron dame, komaer commère, prennent -ezed, ainsi que keniterv cousine, en tréc. kiniterves ; femelen femme, fait femelezed.

29. La terminaison ien s’emploie : 1o pour les noms d’agent en oiir, eur,er : trezer-ien dissipateurs, prodigues (mais trezer-ou, trezer-iou entonnoirs) ; 2o pour les mots en ek (léon. aussi euk, ok) appliqués à des personnes : lagadek homme aux grands yeux, lagadeien (mais lagadeg-ed poissons dits gros-yeux, dorades ; lavreg-oio culottes), auxquels il faut ajouter gnenneien (tréc. gwe-) des sous, kilheien coqs ; 3o pour les mots en is appliqués à des personnes : ôoi^rc’/^/^ bourgeois, bourcliizien, tréc. -ijen ; ¥ pour matez servante, lakez laquais, kalve(z) charpentier : mitizien (tréc. métejen), likizien, kilvizien ; 5^ pour quelques autres noms de personnes, comme diskibl disciple, diskibien (et diskibled), eskop évêque, eskibien (et eskep) ; loicidik vaurien, loiiidien ; paour pauvre, peonen, tréc. pevien, pevion.

Les adjectifs pris comme substantifs ont quelquefois -eien : an dalled ou an dalleien (mieux an dud dally ar re zall ou dall) les aveugles.

Drâf barrière, guichet, fait drefen ; bom levée de terre par la charrue, bemen et bomou. — H y a quelques plur. en on : léon. kere-on cordonniers ; tréc. laer-on (léon. -oun) voleurs ; gad lièvre, gedon. 30. Les noms en ad, iad, désignant celui qui a une qualité, font au plur. idi plutôt que aded, iaded : kleiziad, kleiad gaucher, kleizidi, kleidi. Ceux qui désignent l’habitant d’un heu changent ad^ iad en is : Tregeriad Trécorois, Tregeris, -iz.

31. Antres plur. ajoutant un i final : gwaz, gwazien, tréc. gwa, gwaien oie, gwazi, tréc. gwai ; blei(z) loup, bleizi, bleidi ; melh mulet, poisson, melhi (et melhed) ; guerzid-i (tréc. gwe-) fuseaux ; guez, guiz, tréc. gwis truie, guizi, gwizi. Avec changement d’à en i : bran corbeau, brini ; tréc. drask grive, driski (léon. draskl, plur. ed) ; moualc’h merle, mouilc’hi, tréc, mouelc’hi ; klujar perdrix, klujiri, klujeri ; gars jars, girzi ; levran lévrier, levrini ; karo, karv ; cerf, kirvi, de même taro, tarv taureau, gast femme débauchée, kar charrette, marr marre, grande houe. Avec changement d’e en i : brezel maquereau, brezili, brizili ; kontel couteau, kontilli (tréc. kohtelho) ; kenderv cousin, kindirvi ; ero, erv, erven sillon, irvi ; ènez île, inizi, enizi, enezi ; dred étourneau, dridi ; lestr vaisseau, vase, listri ; lizer lettre, missive, liziri (et lizerou, tréc. liverio) ; mestr, tréc. mest, maître, mistri (tréc. mecho, comme goecho boîtes, vrenecho fenêtres, moncho montres).

Gaour, gavr chèvre, fait givri et gevr ; kastel château, kistilli, kestilli et késtel (tréc. kastelho) ; mantel manteau, mentilli et mentel (tréc. mahtelho, léon. mantellou) ; kloc’h cloche, klec’hi, klec’h et kleier ; kok coq, kigi et keger.

32. Pluriels par changement d’a, o, ou en e : dant dent, dent, tréc. dent ; aerouant démon, erevent ; louarn renard, leern, lern ; danvad brebis, dénvet ; arar, alar charrue, erer, eler ; bastard bâtard, besterd (et bastarded) ; manac’h moine, menec’h ; yar poule, yér, tréc. yir (et yarezed) ; korn corne, kern (et kerniou, kernio, kerniel) ; azen âne, ézen (et azened) ; planken planche, tréc. plénken, léon. plenk, plench ; kavel berceau, kevel (et kavellou, tréc. kavelho) ; rastel râteau ; restel (et rastellou, tréc. rastelho) ; ozac’h, tréc. oac’h, oc’h homme marié, ezec’h ; abostol apôtre, ebestel (et abostoled) ; askorn os, eskern, kador, tréc. kadoar chaise, tréc. keder (et kadoario, léon. kadoriou). Changements en i : maen, mean, men pierre, mein ; oan agneau, ein (et oaned) ; troad pied, treid ; kolen petit d’un animal, kelin ; korden corde, kerdin, tréc. kerden ; kroc’hen peau, krec’hin, tréc. -en ; krogen coquille, kregin (tréc. krogilhen, pl. kregilh), Maout mouton, fait meot (tréc. maouto, surtout au sens de « béliers »).

33. La terminaison plur. ier, quand elle ne s’ajoute pas à e (kleze-ier épées) ou à ou (bezou-ier bagues) est accompagnée de changements de voyelles (a en i ou e ; o en e : yalc’h bourse, ilc’hier ; sac’h sac, sier, seier ; kaz chat, kizier, kicher, tréc. kéjer, de même arc’h coffre, arche, falc’h une faux, fals faucille, garz haie ; roc’h rocher, reier, forc’h fourche, ferc’hier, de même porz cour, grande porte, etc. ; gaou mensonge, fait gevier, geier.

Quelques mots prennent -eier : glao pluie, dour eau (on dit aussi dourou, douriou).

Ti maison, prend en tréc. er ou e, en léon. ez.

34. Autres plur. en ez, e : ael, eal, el ange, elez, ele (et eled) ; greg, tréc. groek femme, gragez, tréc. groage ; bugel enfant, hugale ; roue roi, rouanez, tréc. -ne, et roueed ; aotrou, tréc. ôtro seigneur, monsieur, aotroimez^ tréc. ôtrone.

35. Plur. spéciaux : hreur frère, hreudeur ; kar parent, kerent, tréc. -m^ ; kloarek clerc, ft/oer ; M chien, /cot^n^ kon (dans quelques locutions)^ ordinairement chas ; mardi cheval, kezek ; dén homme, tud (tréc. déno, maris) ; ci^}>/^^^^ gentilhomme, tudjentil ; on a vu moc’h, saout,

36. Les membres doubles du corps préfixent le mot deux : daou-lagad yeux, dt jôd joues, dî har jambes ; daou zoiirn, daou dom, daouarn mains ; an diou vrec’h les bras (mais brecliiou pour les bras d’une civière, etc.)

Il peut y avoir trois nombres, pour les objets qui vont par paires : loer un bas, lero^ re lero paire de bas, lereier plusieurs paires de bas ; botes une chaussure, botOy re voto la paire, botoio, botoicr, boteier plusieurs paires.

On trouve quelques autres pluriels de duels : daouîagadou plusieurs paires d’yeux, et surtout des pluriels de pluriels : bugaleouipusmrs bandes d’enfants, tréc. pôtredo beaucoup de garçons ; le sens se confond parfois avec le plur. : ar mercliedou, ar merc’hejoîi les filles. 37. La place du nom ne suffit pas toujours à indiquer, comme en français, s’il est sujet ou complément direct ; il faut examiner le verbe.



VI

ADJECTIFS


38. L’adj. qualificatif joint au nom se met après lui : môr bihan petite mer (d’où Morbihan). Il est invariable, sauf les mutations initiales (§ 8).

39. Cependant on met avant le nom kôz (vieux) au sens de méchant, mauvais ; briz (tacheté) au sens de demi, gwall terrible, surtout au sens de mauvais (tréc. gwell bôt méchant garçon, et aussi gars dégourdi, gwell zarmoner bon prédicateur), mais tân gwall « feu terrible, » incendie ; hevelep tel, fals faux, et quelquefois berr court, bihan petit (e berr gomzou en peu de mots, bihan dra peu de chose) ; dister chétif, de peu de valeur, gwe(z) sauvage, gwîr vrai, hen̄vel semblable, neve(z) nouveau, holl tout (an holl eüned tous les oiseaux), pell lointain, treuz de travers (voir § 9).

Le mot kaez, keaz, kez, pauvre, cher, fait souvent au plur. keiz : an dud keiz les pauvres gens (voir § 29).

40. On ajoute au positif oc’h pour le comparatif, a, tréc. an̄ pour le superlatif absolu, et, dans une partie du pays trécorois, et, at pour l’exclamatif : tom chaud, tomoc’h plus chaud, an toma, an toman̄ le plus chaud (fém. an d.) ; tréc. tomet, tomat, combien chaud ! Devant ces terminaisons, la consonne finale est dure : pinvidig ou -ik riche, pinvidikoc’h plus riche.

On peut aussi dire muioc’h (tréc. muoc’h) tom, ar muia (tréc. muan̄) tom, et pegen tom ! na tom ! ou toma ! tréc. toman̄ !

Formes spéciales : mâd bon, comparatif guelloc’h et guell, superlatif guella, -an̄ (tréc. gwe-) ; drouk mauvais, gwasoc’h et gwas, gwasa, -an̄ ; les formes régulières matoc’h, etc. existent aussi en Tréguier.

Le comparatif et le superlatif peuvent se mettre avant le nom auquel ils sont joints.

Pour le comparatif d’égalité, on met avant le positif, en tréc. toujours ken, en léon. ken devant une voyelle, n, d, t, kel devant l, ker devant une autre consonne. Au lieu de ken mad, ken braz, ken hir aussi bon, grand, long, on peut dire kerkouls, tréc. kenkouls ; kemen̄t, tréc. kement, kemet ; keit.

Après le comparatif de supériorité, que se rend en léon. par eget, evit, en tréc. evit, ewit, ’vit, ’wit ; après le comparatif d’égalité, par ha, devant une voyelle hag (tellement… que se rend par ken… ken ou ken… ma).

Constructions du superlatif relatif : ar guella dén, an dén gwellan̄, le meilleur homme, ar guella euz, ou tréc. deuz an dud le meilleur des hommes ; ma gwellan̄ mignon mon meilleur ami. L’article ou l’adj. possessif manque seulement dans les exclamations ; là le nom doit suivre : gwellan̄ den ! quel excellent homme !

41. Pour le superlatif absolu, on peut répéter le positif : tom tom très chaud ; ou dire, par exemple, meurbed tom, ou tom meurbed (beaucoup), tom brâz (grandement), tom mâd (bien) ; gwall dom, tréc. gwell dom (terriblement). Il y a aussi une foule d’expressions intensives telles que tom skot (de skot échaudé), tom parat (de paredi cuire) ; ien sklas froid (comme) glace, yac’h pesk sain (comme) poisson, etc., etc.

42. Les formes adjectives peuvent aussi avoir le sens d’adverbes : mâd bien, gwell mieux ; tréc. gwasad e tom ! qu’il fait terriblement chaud !

Le diminutif est en ik comme pour les noms : tomik un peu chaud, tomik mad assez chaud, assez chaudement. On dit même gwelloc’hik ou gwellikoc’h un peu meilleur ; gwellaik a hellan̄ « du petit mieux que je puis. » Il y a bien d’autres locutions expressives, telles que tomik-lom, ou tom-ha-tom tout à fait chaud, tom pe domoc’h, tomoc’h-tom, tom ouz tom ou tomoc’h-toma de plus en plus chaud, gwell ouz gwell de mieux en mieux, etc.



VIII

NOMS DE NOMBRE


43. Les noms de nombre cardinaux sont : unan 1 ; daou, fém. diou, dî 2 ; tri, fém. teir (tréc. taer) 3 ; pevar, fém. peder 4 ; pemp 5 ; c’houeac’h (tréc. -ec’h) 6 ; seiz 7 ; eiz 8 ; nao, nav 9 ; dek 10 ; unnek 11 ; daouzek 12 ; trizek 13 ; pevarzek, parzek 14 ; pemzek 15 ; c’houezek 16 ; seitek 17 ; triouec’h, -ac’h 18 ; naontek 19 ; ugen̄t, tréc. ugent 20 ; unan var nugen̄t, tréc. unan war nugent 21 ; daou fém. di var nugen̄t 22, etc. ; tregon̄t 30 ; unan ha tregon̄t 31 ; daou ha tregon̄t 32… ; daou-ugen̄t (tréc. deügent) 40 ; unan ha daou-ugen̄t 41… ; han̄ter-kan̄t 50 ; unan hag (tréc. ha) han̄ter-kant 51 ; tri-ugen̄t (tréc. trugent) 60 ; unan ha tri-ugen̄t 61 ; dek ha tri-ugen̄t (tréc. -ent) 70 ; unnek ha tri-ugen̄t 71, daouzek ha tri-ugen̄t 72, etc. ; pevar-ugen̄t (tréc. par-ugent) 80, dek ha pevar-ugen̄t 90 ; kan̄t 100 ; unun ha kan̄t 101, daou ha kan̄t 102… ; c’houiec’h-ugen̄t (tréc. -ent) ou kan̄t ugen̄t 120, unnan ha c’houec’h-ugen̄t ou kan̄t unan var nugen̄t 121 ; dek ha chouec’h-ugen̄t ou kan̄t tregon̄t 130, unnek ha c’h. u. ou kan̄t unan ha tregon̄t 131 ; seiz-ugen̄t, tréc. kan̄t deügent 140 ; dek ha seiz ugen̄t ou kan̄t hag han̄ter-kan̄t (tréc. kan̄t han̄ter-kan̄t) 150 ; eiz-ugen̄t 160, etc. ; daou c’han̄t 200 ; daouzek-ugen̄t 240 ; tri c’han̄t ou pemzek-ugen̄t 300 ; pevar c’han̄t 400 ; pevar c’han̄t dek 410 ; pemp kan̄t 500 ; dek kan̄t ou mil 1000 ; unnek kan̄t 1100, etc.

Le nom qui suit ces mots se met au singulier, ou bien au plur. avec a : pem den cinq hommes, pemb a dud cinq personnes.

Les noms de nombre peuvent avoir des diminutifs : hon daouik nous deux (petits) ; pempigo cinq petites pierres, osselets.

44. Nombres ordinaux : ken̄ta (tréc. kentan̄) 1er  ; eil, eilved second ; trede 3e, et trived masc. (tréc. triet), teirved (tréc. taeret) fém. ; pevare et pevarved (tréc. pevaret) masc, pederved fém., 4e ; pemved et pempet 5e ; c’houec’hved et c’houec’het 6e, et ainsi de suite.

On peut dire en tréc. unanvet, unanet (vingt-et-) unième, daouvet, fém. dîvet, (vingt-) deuxième. Dans les noms de nombre composés, on ajoute ved, et au premier terme, s’il s’additionne au second ; et au second, s’il y a multiplication : dekved ha kant 110e ; dek kahtved 1000e.

Ces mots se mettent avant le nom, sauf que kenta peut être aussi après : an eil deiz var nugent le 21e jour. On ne met que le nombre ordinal, dans les dates : an eizved a viz here, le 8 octobre.



VIII

PRONOMS


45. Personnels.

1o Sujets : me je, te tu, hen (tréc. hén) il, hi elle ; ni (tréc. nin, nimp) nous, c’houi vous, i, int ils. Ces mots peuvent aussi s’ajouter, par emphase, aux pronoms régimes, aux verbes, ou aux expressions possessives : d’in(-me) à moi(-même), (pe)sord (a) glevan (me) ? qu’est-ce que j’entends ? Ma dilhad (-me) mes habits (à moi). Dans cet emploi emphatique, on peut remplacer c’houi par hu, et après le verbe hén par han.

2o Compléments directs avant le verbe : am, em me, az, ez (ac’h, ec’h) te, en, hen, her, hel devant l le, he, hi elle, hon (en léon, seulement devant une voyelle, h, n, t, d, hol devant l, ailleurs hor) nous ; ho, devant voyelle hoc’h vous, o les, eux, elles. Ces mois s’emploient avec les modes personnels ; avec l’infinitif, après da à ; et (sauf her) pour rendre les sujets du verbe avoir : am euz avis, m’est avis, aon am eus j’ai peur.

Avec l’infinitif (sans da à) on emploie ma, léon. va me, da te. On met après l’impératif sans négation, han le, hi elle.

3o Compléments directs après le verbe : ac’hanoun, tréc. ânon me, ac’hanod, -oud, tréc. ânout te, anezan, tréc. anean, ’nean, ’nan lui, anezi, tréc. anei, ’nei elle, ac’hanomp, tréc. âmom' nous, ac’hanoc’h, tréc. ânoc’h vous, anezo, aneze tréc. ané, ’ne eux, elles. Ces mots signifient aussi : de moi, de toi, etc.

4o Compléments de prépositions : gan-én, gan-e, gan-in, gan-i avec moi, evid-oun, tréc. vid-on pour moi ; gan-ez, tréc. gan-it avec toi, gant-an, gant-a avec lui, d’ezan, tréc. d’ean, d’an à lui ; d’ezi, tréc. d’éi à elle ; evid-omp pour nous, ganeomp, genemp, tréc. ganim avec nous, ganeoc’h, genoch, tréc. ganec’h, ganac’h avec vous ; gant-o, tréc. gant-e avec eux, elles. Ces formes peuvent s’écrire sans trait d’union.

46. Possessifs.

Les adj. possessifs sont ma, léon. va mon, rfa ton, e, tréc. i son (à lui), he, tréc. hi, devant une voyelle hec’h son (à elle), hon (et hor , hol) notre, ho, devant voyelle hocli votre, o leur ; après da à, on met am, az pour ma, da.

Ma-unan moi-même, ou moi seul, da-unan, etc. ; d’iFi ma-unan à moi-même, tréc. *n eni iinan (moi) seul, ’71 es unan, (toi) seul ; i-unan peu tout seul, i-unanik seulet.

Pron. possessifs ma hini, da hini le mien, la mienne, le tien, la tienne, etc. ; pl. ma re, da re les miens, les miennes, les tiens, etc.

47. Démonstratifs.

Adj. : ar voger-ma, tréc. man, ce mur (-ci) ; ar voger-ze ce mur-là ; ar voger-hoht ce mur là-bas. Pron. : heman, tréc. héme celui-ci, houman, tréc. homan, homon celle-ci, ar reman, tréc. Wé-me ceuxci ; hennez celui-là, f. hoiimiez, tréc. lionnes, pi. ar re-ze, tréc. ’ré-nes ; hen-hohl celmA-k (éloigné), f. hounhont, pi. ar re-hoTit. An dra-man ceci (cette chose), kement-man ceci (cette idée, ce fait) ; an draze, kement’Se cela ; tréc. ze zo kalet cela est dur ; ne c’houlah ket ze je ne veux pas cela. An hini celui, an hini yaouank le jeune, la jeune, pl. ar re.

48. Relatifs et interrogatifs.

Pehini, tréc. pini lequel, laquelle, pl. pere ; piou, tréc. piv, pî qui ; pe quel : tréc. n’onn ket pini je ne sais lequel ; piv e ? qui esl-ce ? Pebez quel (exclamatif ) ; tréc. petore quel, pedvet quantième, petra, peseurt, pesort, ’sord quoi.

Le qui ou que relatif se rend d’ordinaire par a, ha, hag a, ou se supprime. S’il y a une préposition, on tourne ainsi : le marchand dont nous parlons, ar marc’hadour a gomzomp anezan, ou ma komzomp anezan (que nous parlons de lui).

An nep celui qui ou que, ar pez, ce qui, ce que, la chose qui ou que, diminutif ar pezik hon euzy le peu que nous avons.

49. Indéfinis.

Peb unan, pep hini chacun, eun all un autre, an hini ail Tautre, egile, m., eben f. l’autre (tréc. aussi egile ail, iben ail) ; an eil l’un {hag egile, hag eben et l’autre), an eil re les uns, re ail d’autres, ar re ail les autres ; ebed (après le nom), aucun ; bennak (et tréc. bennaket) quelconque, unan bennak quelqu’un, quelqu’une, hùnennoiiy eur re, eiir re bennak quelques-uns, nep, piou-bennak^ kemend-hini quiconque, kemeht, tréc. -ent, -et tout ce qui ou que ; nep hini, hini ebed, hini ’bel, hini aucun, aucune, nep dén, dén ebet^ dén, corn, gour personne ; liez plus d’un, lies hini, meur a (avec le sing.) plus d’un. plusieurs. An unan soi-même, tréc. an dén, ’n en on. Peb a unan chacun un ; beb eil deiz, tréc. bob eil dé tous les deux jours ; bemdeiz, tréc. baonde chaque jour, bep noz, tréc. baonnos chaque nuit, bep gueach, tréc. baivech chaque fois.



IX

VERBES

50. Le verbe a cinq modes, dont quatre sont toujours conjugués de la même façon, savoir : l’infinitif, le participe, l’impératif et le subjonctif. Exemple :

Infinitif.

Kana (tréc. kanan) chanter.

Participe présent.

O[2] kana (tréc. -an), en eur gana (tréc. -an) en chantant.

Participe passé.

Kanet chanté.

Impératif.

Kan[3] chante, kanet qu’il chante, kanomp, kanom chantons, kanit (tréc. kanet) chantez, kanent (tréc. kanent, kanont) qu’ils chantent.

Subjonctif présent et futur.

ra (et tréc. da) {

ganin, ganin que je chante.

gani que tu chantes.

gano qu’il, qu’elle chante.

ganimp, ganfomp (et tréc. ganfeom) que nous chantions.

ganot, ganoc’h, ganfet (et tréc. ganféet) que vous chantiez.

ganint (tréc. ganouint), ganfont qu’ils chantent.

Subjonctif imparfait.

ra ganfen, ganzen, ganjen que je chantasse.

ra ganfez, ganzez, ganjez que tu chantasses, etc.

ra ganfe, -ze, -je.

ra ganfemp, -zemp, -jemp, -fem, etc.

ra ganfec’h, -facli, -zecli, -zac’h, -jec’h, -jac’h.

ra ganfent, -zent, -jent (tréc. -fent, -zent, -jent).

51. L’infinitif peut n’avoir pas de terminaison : koll perdre ; aïisao, ansav reconnaître, avouer ; disken descendre ; gouren lutter ; kas envoyer, apporter ; ou en avoir une autre que a, par exeniple i, (tréc. in) ; al, el, en, oui, et, corn, o ; c’est le participe passé qui contient, suivi de et, le radical de la conjugaison. Les infinitifs en i changent souvent la voyelle précédente : birvi (tréc. bervifi) bouillir ; dibri msinger ; dimizi, dimezi (tréc. dimein) se marier ; diski apprendre ; kridiy kredi croire ; kriski, kreski croître ; midi, medi moissonner ; ^oidi, pedi prier, part, bervet, debret, etc. ; digeri (tréc. diorein) ouvrir ; golei (tréc. golo) couvrir ; guiri, giieri (tréc. gorein) couver ; kregi (tréc. krigih) mordre ; leski brûler ; régi (tréc. rogein) déchirer ; rei (tréc. rein) donner ; seni (tréc. zon) sonner ; skei {corn, skoei, tréc. skein), frapper ; steki (tréc. stokan) toucher, heurter ; tei (tréc. toih) couvrir une maison ; teiri (tréc. torrein) rompre, briser ; trei (tréc. trei7i) tourner ; distrei (tréc. dizrein ) détourner, etc. ; part, digoret (tréc. dioret), goloet, goret, etc.

Principaux infinitifs en en : gorren élever^ part. gorroet ; binnisien, biymigen (tréc. binigah) bénir, part, binniget (tréc. biniet) ; millisieri (tréc. milligah ) maudire, milliget ; kinnisien^ kinnig offrir, kinniget ; dougen porter, douget ; ahtren entrer ; aotren autoriser ; eren lier ; aven (tréc. avein) préparer, antréet, aotréet, etc.

Infinitifs en el : derc*hel, delc’her (et tréc. delc’hen) tenir, part, dalcliet (tréc. aussi derc’het) ; kehderc’hel {tréc. kenderc’hel) mB.iniemr,,kendalc’het (tréc. kendalc’het ) : gervel, gelver appeler, galvet ; mervel, melver mourir, marvet ; leuskel lâcher, laosket (tréc. lôsket) ; teurel, taol jeter, taolet (tréc. ^o/e^) ; chemel^ choum {ivéc : chom) rester, choiimet (tréc. chomet) ; genel enfanter, faire naître ; gueskel et givaska (tréc. -an) presser, serrer ; henvel nommer ; herzel résister, empêcher ; lemel (tréc. lemen) ôter ; menel rester ; ^ével élever, s’élever ; tével se taire, ganet, hanvety etc.

Redek, redet courir, Miredet ; ledek et leda, étendre, ledet ; c’hoarzin^ tréc. c’hoerzin rire, c’hoarzet ; goulen demander, vouloir, goidennet et g’oi^^ei^ ; laerez voler, laeret.

Il y a quelques adjectifs comme digfor^ tréc. dior ouvert, maro, marv mort, qui ont un sens voisin des participes, sans se confondre avec eux : an or zo bel digor la porte a été ouverte (elle s’est trouvée dans cet état, plus ou moins longtemps) ; an or zo bet digoret la porte a été ouverte (on Ta ouverte, on a fait l’action de l’ouvrir).

Le « que » qui précède le subjonctif français ne se rend par ra, tréc. da, que s’il exprime directement un souhait, sans dépendre d’un verbe précédent. Autrement, on dit, par exemple, evit ma kano pour qu’il chante.

52. Dont, donet venir, fait au part, deuet, detU ; à l’impératif deux, tréc. deus viens, deuit, deuet, deut^ venez.

Au subj., au lieu de deito qu’il vienne, on dit plutôt detiyo (et deuy en une syllabe ; deui que lu viennes en a deux). Cette terminaison yo et y rem-^ place également o dans les verbes dont le radical finit en o, comme tro tourne, dizolo découvre ; ou en a, comme lakaat, lakât (et lakout), part, lakaet, lakât (et lakei) mettre.

53. Les formes du subj. imparfait qui ont /"sont préférables en ce sens à celles qui ont z ou j ; ces dernières seraient plus propres à rendre le subjonctif passé : va ganzen ou ganjen que j’aie chanté. Mais la distinction est loin d’être toujours observée.

Le conditionnel s’emploie au lieu de l’imparfait de l’indicatif, après ma, mar, si, et encore pour exprimer l’imparfait du présent d’habitude : ne ganje ket il n’avait pas l’habitude de chanter (en telle et telle circonstance) ; et aussi « il ne voulait pas chanter ».

54. L’impératif et les subjonctifs que nous venons de voir sont partout conjugués personnellement, c’est-à-dire avec une forme spéciale à chaque personne, ce qui dispense le plus souvent d’exprimer le sujet.

L’autre mode qui reste à étudier, l’indicatif, peut presque toujours être traité de même.

Nous en connaissons déjà plusieurs temps. Car l’indicatif futur est identique au subj. présent, sauf la particule ra ou da : kanin, kanin je chanterai, kani tu chanteras, etc. Le conditionnel répond, dans les mêmes conditions, au subj. imparfait : kanfen, kanzen, kanjen je chanterais. Il vaut mieux, encore ici, réserver ces deux dernières formes pour le conditionnel passé : kanfen je chanterais, kanzen, kanjen j’aurais chanté.

L’indicatif imparfait se conjugue comme ces derniers temps, mais sans f m z : kanen, kanez, kane, kanemp, kanec’h ou kanac’h, kanent, tréc. -ent je chantais, tu chantais, etc.

Il n’y a, par ailleurs, que deux temps simples :

Indicatif présent.

Kanah (léon. -ann) je chante.

Kanez, kanes tu chantes, etc.

Kan,

Kanomp, kanom,

Kanit, kanet.

Kanont,

Indicatif passé défini.

Kaniz, kanzoun, kanjon je chantai,

Kanzoud, kanjout tu chantas, etc.

Kanaz, kanas.

Kanzomp, kanjom(p).

Kanzod, kanjot, kanjoc’h,

Kanzonty kanjont.

La conjugaison personnelle est obligatoire dans toutes les phrases négatives, dans beaucoup de ca& où il y a interrogation, et après la plupart des conjonctions. Il faut avoir soin, si l’on exprime le sujet,, de le mettre après le verbe. Car un nom ou pronom qui précède immédiatement un verbe conjugué personnellement en est le complément direct : Doue a garan j’aime Dieu.

55. Il y a une personne, la 3^ du singulier, où la conjugaison personnelle se confond, pour la forme, avec la conjugaison impersonnelle. Celle-ci consiste à mettre le verbe (du mode indicatif) à la 3^ personne du singulier, à la suite de son sujet : me a gar Doue, ou me gar Doue j’aime Dieu. Par conséquent, eun ti a zav veut dire aussi bien « une maison s’élève ly (conjug. impersonnelle) que « il élève une maison > (conjug. personnelle).

La conjug. impersonnelle n’est pas toujours possible, comme on Ta vu. Elle est obligatoire en un seul cas : celui où le sujet est un pronom interrogatif. Ceci n’entraîne d’ailleurs de différence dans la forme du verbe que si cet interrogalif est pluriel : pere a drec’h war ar re ail ? lesquels surpassent les autres ?

Lorsqu’on a commencé une phrase par un adverbe, un complément indirect, ou une proposition incidente, on emploie ensuite de préférence la conjugaison personnelle, en faisant précéder le verbe de la particule e, devant une voyelle ez, ec’h.

56. Il y a encore trois conjugaisons emphatiques, qui sont également propres à l’indicatif.

L’une, très employée partout, laisse le verbe à l’infinitif, en ajoutant les diverses formes du mot d faire » : Kana ran (chanter je fais), je chante.

Un petit nombre de verbes se servent ainsi d’auxiliaires à eux-mêmes : gallout a hellan (pouvoir je puis), je peux.

Une autre conjugaison consiste à ajouter Tinfinitif du verbe être : beza e kanann, bez’ e kanah je chante. Elle est peu usitée en Tréguier.

La tournure « je suis à chanter ». ou « chantant » est aussi beaucoup plus commune qu’en français ; alors on met o kana, ou ’kana^ jamais en eur gana.

57. Verbe auxiliaire beza^ tréc. hean^ corn, bout être.

Formes communes.

Participe.

veza, tréc. o veau élant ; bet été.

Impératif.

Bez sois, tréc. bes ; bezet, tréc. beet qu’il, qu’elle soit ; bezom-py tréc. beomp soyons ; bezit, tréc. beet soyez ; bezefit, tréc. beont qu’ils, qu’elles soient.

Subjonctif présent et futur.

Ba vezinn que je sois, ra vezi, va vezo^ ra vezimp^ ra vezot ou ra viot (ou -oc’h), ra vezint ; tréc. va (on da) vin y ra vi, ra vo, ra vimp ou vefomp, ra viot, viet ou vefel, ra vouint ou vefont.

Subjonctif imparfait.

Ra ven, ra vefen ou ra vizen, ra vijen que je fusse, ra vez, vefez ou vizez, vijes, etc., comme ra ganfen, sauf ra veac’h (et non vac’h). Il vaudrait mieux réserver ra vizen ou vijen pour le subjonctif passé, « que j’aie été j>.

Formes personnelles.

Futur.

Bezinn, tréc. 6m je serai, etc., (voir le subjonctif).

Conditionnel.

Ben^ befen ou bizen^ hijen je serais, etc. (voir subjonctif imparf.) La forme bizen, bijen, veut plutôt dire proprement « j’aurais été > (conditionnel passé).

Ces temps du verbe beza se présentent le plus souvent avec raffaiblissement initial : vezinn, vin, etc. Ils ne conservent guère le b radical que dans une exclamation affirmative démentant une opinion différente : tréc. ’Vo ket brao an amzer hirie, — Bo ; le temps ne sera pas beau aujourd’hui. — Si, il le sera. De même après mar si : mar benn si j’étais.

Le verbe être est plus riche en formes que tous les autres. On peut y distinguer du conditionnel présent et passé (respectivement befen et bizen), un aoriste d’habitude, ben, qui ne se confond pas toujours avec eux.

Il y a trois présents personnels de l’indicatif :

L’un, bezan, hezann, tréc. bean^ bezez, tréc. bées, etc., répond à kanah, kanes pour la forme, mais quant à remploi c’est seulement un présent d’habitude. Il est souvent remplacé en Tréguier par l’aoriste ben, etc. : pa vezan skuiz e kouskan quand (toutes les fois que) je suis fatigué, je dors.

Le second présent implique, en général, l’idée d’un état accidentel : oun, tréc. on je suis, oud, eo tréc. e ; ûmp, oc’h, int. Exemple : Pa ’z oun skuiz, ez ann da gousket comme je suis fatigué, je vais me coucher.

Le troisième présent, qu’on pourrait appeler présent d’actualité, est emaouUy emoun, tréc. emon ; emaoud, emout ; ema, ma, tréc. eman, ’mah (et aussi ediy emedi) ; emaompy emomp ; emaoc’h, emocli ; emaint, eminty tréc. emeint, ’meint. Il met en relief l’instant où quelque chose existe : Ema o trémen, tréc. ’man ’trémen a il est passant », le voilà qui passe.

Autres exemples d’emplois de ces trois présents : Pelec’h ’vez kavet marmouzet ? littéralement « où est (en général) trouvé des singes ? )> Où trouve-t-on des singes ? Er broiou tom, — Pelec’h eo ? Dans les pays chauds. — Où est-ce ? Pelec’h eman ar marmouz em boa guelet duze ? Où est (actuellement) le singe que j’avais vu chez vous ?

On voit que le verbe affirmalif se met au singulier, s’il a pour sujet un nom pluriel. Quand il y a négation, il se met au pluriel, s’il vient après le sujet : tréc. ’dei ket ma breiideur, ou ma breudeur ne deint ket mes frères ne viendront pas. Remarquer aussi les deux nuances de eo, e : tréc. klanv e il est malade ;. givir e c’est vrai ; héhv e c’est lui.

Il y a également trois imparfaits de l’indicatif :

1o bezen, bezez, etc., comme kanen ; c’est, ici, un imparfait d’habitude. Les Trécorois le remplacent par le conditionnel en -zen, vizen, vijen.

2o oanj oaz, oa, oamp, oacli, oant (et tréc. vcan^ voasy etc.) ; c’est l’imparfait ordinaire : krén oan j’étais fort (alors).

3o ez edoim, edoun, emedoun ; (ez) edoz, emedoz ; (ez) edo^ emedo ; (ez) edomp, emedomp ; (ez) edoc’hy. emedoc’h ; (ez) edont, emedoM, formes peu employées en Tréguier, et qui répondent à emaoun, etc. Passé défini.

Oen je fus, oez^ oe, oemp, oec’h et tréc. oejoeli vous fûtes ; oeht^ tréc. oent^ oejont (et tréc. voen^ voes, etc.)

58. Formes impersonnelles.

L’indicatif de beza a quelques formes spéciales à l’impersonnel :

Présent so, zo ; imparfait oa et ioa ; le reste régulier : futur vezo^ etc.

Ainsi on dit me so, me a zo je suis ; pell 2 :0 il y a longtemps ; me e c’est moi ; pell e c’est loin ; pell man il est loin, à présent, et aussi il est, il reste longtemps ; pred eo, mail eOj tréc. poeiid e il est temps ; amzer zo il y a du temps. Cette acception « il y a » fait employer so même devant son sujet : Pelecli zo liou ? Où y a-t-il de l’encre (ou de la couleur) ? Arri zo tud^ il est arrivé du monde. Mais s’il y a négation, et aussi dans quelques autres cas, on remplace so par euZj eus : n’ez euz den, tréc. n’eus dén il n’y a personne.

59. L’indicatif de beza peut se conjuguer emphatiquemenl avec son infinitif : heza ez eo, bez’ ez eOy tréc. beau e il est, sûrement ; beza zo^ tréc. beau zo il y a.

Ce verbe se sert aussi d’auxiliaire à lui-même dans les temps composés, sous les formes suivantes : bed oun, oun bel, me zo bel, emoTi bel j’ai été, etc. ; bed oan, oan bel, ms oa bet^ me a ioa bet j’avais été ; bed oen, oen bet, me oe bet j’eus été ; bed e veziii, vezin bet, me vezo bet j’aurai été ; bed e ven, bed e vefen, bed e vizen, bed e vijen, ou ven bet, vefea bet, vizen bel, vijen bet, ou me ve (vefe, vize, vije) bet j’aurais été, j’eusse été ; ra vezin bet que j’aie été ; ra ven (vefen, vizen, vijen) bet que j’eusse été ; beza bet avoir élé ; veza bet ayant été.

Il s’emploie dans les verbes passifs, comme en français : kared oun, oun karet, me zo karet, emaoïm karety beza ez oun karet je suis aimé ; kared e oan, oan karet y me oa karet, me a ioa karet j’étais aimé ; kared oun bet, oun bet karet, bed oun karet, me zo bet karet j’ai été aimé, etc.

60. Verbe bêza au sens de « avoir ».

Cet auxiliaire forme les temps composés avec le participe passé, comme en français. Il n’est autre que le précédent, combiné d’ordinaire avec des pronoms régimes, ce qui fait qu’on distingue les genres à la 3e personne singulier. Il s’emploie aussi comme verbe actif, pour « avoir, posséder », mais en ce sens son infinitif est toujours kaout, kavet, qui veut dire proprement « trouver ».

Infinitif.

Beza, tréc, beah, et quelquefois eri devezout, en devout avoir.

Participe.

veza, tréc. o veau ayant, bet eu.

Impératif.

Az pez, ezpez, et tréc. bez, be aie.

En defet qu’il ait ( tréc. bezo, beo, qu’il, qu’elle

E defet qu’elle ait. ( ait.

Hor bezety hon bezet, tréc. bezomp, beom ayons.

Ho pezet, ho pet, ho pezit, bezit, tréc. beet, bet ayez.

O defent, tréc. bezont, beont qu’ils, qu’elles aient.

Subjonctif présent ou futur.

Ram bezo, tréc. r’am bo que j’aie.

Raz pezo, tréc. r’az po que lu aies.

Retiy fém. fe devezo, tréc. r’en, fém. r’e deveo, devo, deo, do qu’il, qu’elle ait.

RhoT hezo, tréc. r*hon beo, r’hon bo, r’hon devo.

Rho pezo, tréc. r’ho peo, fho po.

Ro devezo, tréc. r’o deveo, devo, deo, do.

Subjonctif imparfait.

Ram be, r’am befe que j’eusse.

Ram bize, r’am bije, id., ou que j’aie eu.

2e pers. Raz pe, pefe^ pize, pije,

3e masc. Ren defe^ dize, dije, divize, divije,

fém. Re defe, etc.

pl. 1re p. R’hor be, r’hon be, r’hor befe, r’hon befe, tréc. r’hon defe ; rlior bize^ bije, r’hon dije.

2e Rho pe, pefe, pize, pije,

3e Rho de, defe, dize, dije, divize, divije.

Ces formes de subjonctifs sont, en supprimant la particule ra, celles du futur et du conditionnel, pour la conjugaison personnelle. La conjugaison impersonnelle n’en diffère que par Taddilion des sujets avant le verbe : poan am bezo ou me am bezo poan j’aurai de la peine. Il en est de même pour le reste de l’indicatif. En Tréguier, le 6 et le d qui suivent m et n peuvent se supprimer dans tout ce verbe : béc’h ’m o, me ’m o ou me ’m ou béc’h, j’aurai peine.

Les mots am be, az pe, etc., sont aussi des aoristes d’habitude, comme ben : jfam be naon e tebrann, tréc. p’am e fôt e teban quand j’ai faim, je mange. Les mots am bije, etc., expriment l’imparfait de ce temps : p’am ije zechet ecli iven quand j’avais soif, chaque fois que j’avais soif, je buvais.

Indicatif présent d’habitude (répondant à bezann je suis).

am bez j’ai.

az pez,

en devez, fém. e devez,

hor bez,

ho pez,

o devez.

Ce temps se confond en Tréguier avec l’aoriste am be, par suite de la chute du z léonais : an arc’hant n’o de ket a lost l’argent n’a (littéralement « n'ont 1>) pas de queue (par où on puisse le rattraper, quand il file).

Le présent ordinaire est :

Am ou em eiiz, ’m eus j’ai.

Ac’h, ec’h euz, tréc. a teus, e teus, ’teus tu as.

En deuz, en deveuz, tréc. en deus, an eus, ’n eus il a.

E deuz, e deveuz, tréc. a deus, i deus elle a.

Hon euz, hor beuz, tréc. hon eus, hondeus nous avons. ;

Hoc’h euzy tréc. hoc’h eus, hopeus, ’peiis vous avez.

O deuz, deveîtZy o deics ils, elles ont.

L’Imparfait ordinaire est :

Am, em boa, am, em oa, Iréc. ’m oa, ’m a j’avais. Az, ez poa, tréc. e ta, ’ta tu avais. En doa^ en devoa, tréc. en difoa, en oa, ’n a il avait. E doa, e devoa, tréc. i da elle avait. Mor boa, tréc. hon doa, hon a nous avions. Bo poa, tréc. hopa, ’pa, vous aviez. doay devoa, tréc. o defa, o deoa, o da ils, elles avaient.

Le PASSÉ DÉFINI est :

Am, em boe, am, em oe, ’m oe j’eus. Az, ez poe, tréc. e toe, Hoe tu eus. En doe, en devoe, tréc. en oe, en difoe, en deoe il eut. E doe, e devoe, tréc. i doe elle eut. Hor boe, tréc. hon boe, hon doe, hon deoe y nous eûmes. Ho poe, tréc. ’poe vous eûtes. doe, devoe, tréc. o deoe ils, elles eurent.

Le verbe beza a, comme on l’a vu, plusieurs formes qui peuvent également appartenir à « être » ou à « avoir » : tréc. aon en eus da veah laeret il a peur d’être volé ; keû ’n eus da veah laeret il regrette d’avoir volé.

On peut aussi conjuguer l’indicatif d’ « avoir » avec rinfinitif : heza em eux, tréc. beaîi ’m eus j’ai.

Exemples de ce verbe comme auxiliaire des temps COMPOSÉS : am eux selaouet, selaoued em eux, me ’m eux selaouet, bexa ’m eux selaouet j’ai écouté.

61. Verbe auxiliaire ober faire.

Son participe est graet, great, tréc. groet, gret, et la conjugaison suit ce radical gra^ groa.

Comme cela arrive pour les autres radicaux en a, cette voyelle disparaît souvent devant les terminaisons^ et si celles-ci ont un o ou un e, elle se change en e.

Impératif.

Gra, et tréc. grés fais ; graet, great, gret qu’il fasse ; greomp faisons ; grit, gret faites ; graent, gréant, gréent, tréc. greoFit, graiont qu’ils fassent.

Indicatif présent.

Grann, gran je fais ; grex, gra, greomp, grit ou gret, greoht.

Indicatif imparfait.

GraeUy grean, g^rm je faisais ; graex, greax, grès, etc.

Indicatif passé défini.

Grix, grexoun je fis ; grezoud, grejoud tu fis ; greaz, tréc. grès, gras il fit ; grexomp, etc.

On emploie aussi eure il fit, et en tréc. eurejont ils firent.

Indicatif futur.

Grinn, grih je ferai ; gri tu feras ; grao, graio, grai, tréc. grei il fera ; graimp, grimp, Iréc. greinip, grafomp, graféom nous ferons ; greot, greoc’h, Iréc. grafet, gréfetyows ferez ; gmint, Iréc. greint, grafont, graiont ils feront.

Indicatif conditionnel.

Grafen je ferais, grazen, grajen id., mieux j’aurais fait, etc.

Le g initial ne se maintient à l’indicatif que dans les mêmes conditions où reste le b du verbe beza : mar grah si je fais, etc. (voir p. 40),

Exemples de ce verbe : Beza a rann, tréc. bea raïi je fais ; ober a ran, ober ’ran je fais ; kana ran je chante ; kannah ’m eux d’ober a laver j’ai à faire », j’ai à laver du linge ; diskouez d’il em oa gret « te montrer j’avais fait », je t’avais montré ; zenti^ne raje ket il ne voulait point obéir.

Quand ce verbe sert d’auxiliaire avec un infinitif, là terminaison de ce dernier peut tomber quelquefois en Trég. : gall e rafi je puis.

62. Les principales formes verbales qui peuvent se rencontrer par ailleurs sont :

1o Des conditionnels en -hen^ -en^ qui, par conséquent, ressemblent à des imparfaits : me garhe^ garre, gare je voudrais ; me rahe, rae je ferais ; des 2e pers, plur. du futur en hot : kerhot, kerrot vous aimerez.

2o Des imparfaits de l’indicatif et des conditionnels en ien : me garie j’aimais, je voulais, je voudrais ; vien je serais ; anaien je connaissais, de anaout connaître ; taliCy tréc. tele il valait, de talvezout, talvout ; dleien, dlien je devais.

3o Des imparfaits en -/ban et des conditionnels passés en -vijen : tréc. dlefoan je devais, dlevize il aurait dû. Ces formes trécoroises sont propres à des verbes dont l’infinitif est en ont dans ce dialecte.

4o Des premières personnes du plur. en -mp dans la conjugaison du verbe avoir : tréc. ’m eump, corn. deuzomp nous avons, tréc. ’m am nous avions ; et des 3®s pers. pi. du même verbe en -nt : corn, euziht ils ont, doant ils avaient, etc.

Il y a, en outre, beaucoup de changements des voyelles a^ e du radical devant les terminaisons qui ont 0, e, i : karet aimer, karomp ou keromp nous aimons ; karit, kirit, keret vous aimez ; karin, kirin j’aimerai ; kaven, tréc. kéven je trouvais ; kavin, kivin je trouverai ; dliin je devrai ; livirit, leveret, laret, leret dites, etc. Quelquefois aussi la voyelle a s’échange avec e k h S^ pers. sing. de l’indicatif présent : anav, eue il connaît ; dalc’h, tréc. delc’hy derc’h il tient.

63. Aux divers rapports signalés entre l’imparfait de l’indicatif et le conditionnel, il faut ajouter celui-ci : le premier de ces temps remplace Tautre dans une proposition principale qui suit une incidente conditionnelle : tréc. ha pa vijen voîiiet, oan ket kâb d’anpech a c’hoerzin « quand j’aurais été fondu, mis en pièces, je n’étais pas (n’aurais pas été) capable de m’empêcher de rire ».

64. Le verbe mont^ monet aller, se conjugue sur le radical a du participe aet, eat, et, de la même façon que ober sur graety § 61.

L’Impératif est irrégulier :

KaCy kea, ke, tréc. kés, va (on dit aussi avec négation,

tréc. n’a ket, n’es ket ne va pas) ; kerz.

Aet, eaty eet, et tréc. aio qu’il, qu’elle aille.

Eomp, deoM’p, dem{p) allons.

It, et, kit allez.

Aenty eaïit, eent, tréc. eent, eont, aiont qu’ils aillent.

De plus ce verbe se fait précéder de y à l’impersonnel, comme l’imparfait du verbe être : ez a, tréc. ^’h a il va, me a ia, tréc. me ’c'h a, me ha ; ez ae, m^ é, tréc. ecli é il allait, me a iea, me ie, tréc. me *c% é, me hé ; ez eaz, tréc. ec’h éz, ec’h as^ e has il alla, me a ieaz, tréc. me ’cli as, me has ; ez afe^ tréc. ecli afe il irait, me a iafe, tréc. me ’c% afe, me hafe j’irais, etc. Le futur a une forme spéciale : ez <xOy aiOy ai, tréc. ec’h et il ira, mais me a ieloy me a iel (tréc. me ’c'h ei, me hei) j’irai.

65. Le verbe goiczout, tréc. goût, gouveout savoir^ peut, en Tréguier, se conjuguer régulièrement sur le part, gouveet. Il a, de plus, le part. léon. gwezet, tréc. gweet, qu’il suit au passé défini, au futur sauf léon. gwiot (ivéc. givefet) vous saurez, et au conditionnel, sauf qu’il y a léon. goufen et léon. gwizen, gwijen^ à côté de tréc. givefen, gwezen, gwejen. Restent l’imparfait léon. et tréc. gwien je savais, et le présent :

Gouzon, tréc. gonn je sais.

Gouzoud tu sais.

Goar il sait (d’où corn, goaran je sais, etc.)

Gouzomp.

Gouzoc’h.

Gouzont,

Le g initial de toutes ces formes tombe presque toujours : vel ’ouzoc’h comme vous savez ; na ouzont ket, n’ouzont ket, n’oiweont ket ils ne savent pas. Il se maintient, toutefois, dans les mêmes cas que celui de gran et de gallan et le b de ben, § 57, 61. On peut remarquer que, dans ces situations, le présent du verbe être, omiy oud, etc., et la forme euz il y a, se font précéder d’un g : mar ge ret (léon. mar deo’ red) si c’est nécessaire ; geus ou ge si ! (littéralement il y a, cela est) ; de même mar gan si je vais, etc.

Gouzout peut se conjuguer avec lui-même : goud a ouzon je sais.

66. Le mot eme dit, se fait suivre des pronoms régimes : emezoun^ tréc. emeouy ’meouy ’mon me disje, disais-je ; emezoudj emeout dis-lu, emezan, emean dit-il, emeziy tréc, emeij ’mei dit-elle, emezomp, emeomp disons-nous, emezoo*h, emeocli dites- vous, emezo^ emezôy tréc. emeo, emê, ’me, emezint, emeint disent-ils. Le nom qui suit eme affaiblit son initiale muable : eme Ber dit Pierre.

Ce verbe est quelquefois employé à l’impératif emit-hu, tréc. ’mët-hu, et au futur emevezo c’houi direz-vous, emeviot-hu id.

67. L’idée du verbe réfléchi s’exprime en préposant en em, tréc. en im : en em iviskah s’habiller ; je m’habille, en em wiskes ou t’en em ivisk tu t’habilles ; en em zaved en deuz (ou eo) il s’est élevé (mais sevel se lever est neutre, comme bale se promener).

Le verbe pronominal qui indique une action réciproque peut se rendre de la même façon : en em ganna reont ils se battent ; pourêfre plus précis, on peut ajouter an eil egile, l’un l’autre.

En em n’a généralement pas le sens du complément indirect ; on dit plutôt komz an eil d’egile que en em gomz se parler.

68. Le sens général du français on se traduit le plus souvent par une conjugaison spéciale : Indicatif présent : kaner. kaneur on chante.

Indicatif imparfait : kmiet, kaned, quelquefois kanec’h on chantait.

— PASSÉ DÉFINI : kanzeur, kanjeur^ quelquefois kanjot, kanjoc’h on chanta.

— futur : kanoVy kanfer on chantera.

— CONDITIONNEL *. kaufet, kanfed on chanterait ; kanzed, kanjet id . , et mieux on aurait chanté.

Le passé défini, assez peu usilé, peut se remplacer par l’imparfait, ou par le passé indéfini : kaned zo on a chanté.

Dans les radicaux en a, cette voyelle devient e au futur : lekeor on mettra, greor on fera, eor on ira ; on a au présent aer, ear, ér, à l’imparfait aety eat, et.

Le verbe être fait ewr, oar (hoavy voar) on est, au PRÉSENT ordinaire ; bezer^ bezeur^ ber au présent d’habitude ; emaer^ emaeur au présent actuel ; mais en Tréguier on n’emploie guère que ber : c’hoari ver ou ver c’hoari on est à jouer, on joue (actuellement ou habituellement).

Imparfait ordinaire oat, d’habitude bezet (remplacé en tréc. par le conditionnel bijet) ; d’actualité edod on était.

Passé défini : oet^ voed on fut (peut être remplacé par l’imparfait).

Futur : bezor^ bior on sera.

Conditionnel : beed, bied, bel on serait ; bized, bijety id., mieux on aurait été.

Le verbe gouzout fait gouzer, gwier, Iréc. gouveer, corn, goarer on sait ; une autre forme spéciale est gardée par l’expression naouspet on ne sait combien. L’expression « dit-on » se rend par lavarer^ lérer, au sens général, et dans un emploi particulier, répondant assez au français « vous dit-on j>, « on m’a dit », par le tréc. emê (proprement « disent-ils d). 69. Les verbes impersonnels se rendent en breton^, tantôt par des verbes comme c’hoarvezout arriver, advenir, clioarvez il arrive, c’hoarvezoud a ra^ id. ; tantôt par des expressions comme awalcli eo c’est assez, il suffit ; tom eo il fait chaud ; avel a zo il y a du vent, il vente ; glao a ra il fait de la pluie, il pleut ; kiirim a ra il tonne ; kazarc’h ou grizilh a ra il grêle ; ercli a ra il neige. Quelquefois on ajoute un pronom explétif, comme en français, mais il est féminin et régime d’une préposition : divezad eo ou divezad eo anezi il est tard ; deiz voa (anezi) il faisait jour ; tréc. e’hoari ’nez s’en donner, s’amuser ; glao a zo enni il y a apparence de pluie.

Le mot rehkout, rahkout falloir, devoir, n’est pas impersonnel : he^il a refikomp il faut que nous suivions, nous devons suivre.

70. Exemples de quelques expressions spéciales : me fell dHn mond ^rôk « moi il faut à moi aller devant » ^ je veux partir ; tréc. arri e dare « il est arrivé mûr », il est mûr, ou prêt ; arri ’m eux uzet ma zok voilà que j’ai usé mon chapeau ; ’omp paoues leinan « nous sommes à cesser de déjeuner ï), nous venons de déjeuner ; arabad gortoz ar c’hléhved da wasât « défense d’attendre la maladie à empirer », il ne faut pas attendre que la maladie s’aggrave ; mont da graoua aller chercher des noix ; avalaoua, tréc. avaloan cueillir des pommes ; keuneuta ramasser du bois, etc.



X

ADVERBES


71. L’adjectif peut jouer le rôle d’adverbe : stard solide, fort, et solidement, fortement ; deread convenable, convenablement. Quelquefois on met ez, e, devant l’adjectif, pour le transformer en adverbe : e spesial, ispisial spécialement. Il y a aussi d’autres locutions analogues, comme end eün droitement, justement ; er vat bien.

On peut citer par ailleurs : kalz beaucoup, comparatif mui, tréc. mu, et muioc’h, tréc. muoc’h plus, superlatif ar muia, tréc. ar muan le plus ; nebeut, tréc. neubet peu, nebeutoc’h moins, nemeur guère, etc. ; pet combien (de choses) ? avec le sing. ou avec a suivi du plur. ; pegement, id., avec a et le plur. ; ce mot signifie aussi quelle valeur ; pegen combien (avec un adjectif) ; meur a plusieurs, plus d’un (ordinairement avec le sing.) ; kement autant ; hogoz presque ; vardro, tréc. wardro à peu près ; evel comme ; evellen ainsi, comme ceci ; evelse comme cela ; gweach all autrefois, tréc. gwech all goz au temps jadis ; brema, breman maintenant ; hirio, hizio, tréc. herie, hidîv aujourd’hui ; deac’h, tréc. dec’h hier ; varc’hoaz, tréc. arc’hoas, warc’hoas demain ; varlene l’année dernière, tréc. arlene, erlanne ; hiviziken, pelloc’h désormais ; ken (jamais) plus ; biken jamais (au sens futur) : le verbe qui suit ce mot peut se mettre au présent ; biskoaz jamais (au passé), nepred, et tréc. kamed jamais (au présent) ; aliez souvent, comparatif alisoc’h ; neuze alors ; abaoe depuis ; pegeit combien de temps, ou combien loin, quelle distance ; kevred, var eun dro, tréc. war eun dro, ensemble ; abred de bonne heure ; abretoc’h plus tôt ; kentoc’h, tréc. kentoc’h plus tôt, et plutôt ; marteze, marse peut-être, etc.

Adverbes de lieu : ama, amañ ici ; aze là, ahont là-bas, eno là (dans un lieu qu’on ne voit pas), di là, avec mouvement ; ac’han d’ici, ac’halen, ac’hano, ac’hane de là ; tost, nez proche ; araok devant, adre, adrénv derrière ; ebarz dedans, ermeaz, tréc. ermés dehors ; var lein, var c’horre par dessus ; ouc’h krec’hy tréc. otiz kroec’h en haut ; tréc. d’an nec’h, varlaeZy id. ; d’an traon, tréc. d’an traou en bas ; dre holl partout, etc.

Il y a des diminutifs, même pour des adverbes qui ne sont pas en même temps adjectifs : atao toujours^ atavik à peu près toujours ; bremafiik à l’instant ; et des expressions intensives comme bremah-zonn tout prochainement ; breman-zonn Doue, id., etc.



XI

PRÉPOSITIONS


72, Quelques-unes sont en même temps adverbes, comme ebarz dans, araok devant.

Parmi les autres, les principales sont :

A, euz a, euz, tréc. deus, dimeus de.

Adal, adalek de, depuis.

Bete, devant voyelle beteg jusque.

Da à.

Didan, dindan sous.

Dre par, à travers.

Dreist par dessus.

E, en dans.

Enep contre.

Epad pendant, durant.

Etre, entre entre,

Evit pour.

Gant avec, par (après un verbe passif) ; digant d’avec, de la part de.

Goude après.

Hep sans.

Hervez, tréc. herve selon, suivant.

Kent, tréc. kent avant.

Nemet hormis, sinon.

Ouz ouc’h contre, de, à ; diouz, diouc’h, de ; d’après.

Rak, dirak devant.

Les pronoms régimes ne se joignent pas toujours directement à ces mots. Ainsi il faut dire beteg ennoun va bete ou em bete jusqu’à moi, enep d’in ou em enep contre moi ; va goude ou em goude, tréc. ’n em goude après moi. Après hep et rak, on met souvent z : hepzon sans moi, hepzan sans lui.

Il y a beaucoup de prépositions composées, comme davit, davet vers, pour chercher, da gaout, da gaet vers, du côté de, varlerc’h, tréc. warlerc’h après, var va lerc’h, tréc. war ma lerc’h après moi, etc.

Exemples des différentes façons de traduire « à » : donnez-moi roet d’in ; je vais à Brest me ia da Vrest (je vais me promener me ia da vale) ; je vais à la maison, chez moi me ia d’ar ger ; je suis à la maison, me zo er ger ; à Brest en Brest ; (je suis, ou je vais) à la campagne, var ar meaz, tréc. war ar mes ; il passe au Conquet tremen a ra dre Konk ; à droite a zeou, tréc. a deo, gauche a glei(z) ; à trois lieues de Lannion ivar hed ou hed teir leo dioc’h Lanuon, ou teir leo dioc’h Lanuon ; à midi da greiste(z) ; à quelque temps de là aben nebeut goude ; à prix fait he’iue(z) ou dioucli arprizgreat ; prendre à Thameçon kemer, tréc. komer gahd an higen ; à mon avis var va meno ; à dire vrai evit lavaret guir ; fourche à trois dents forc’h tribezec ; à la croix d’or (enseigne) er groaz aour ; unan hag unan ou a unanou un à un ; nao pe zek, tréc. dek de neuf à dix, etc.



XII

CONJONCTIONS


73. Voici les principales : adarre, arre encore, de nouveau, c’hoaz encore, de plus ; eta, ’ta donc ; evel comme ; ha, devant voyelle hag et ; na, devant voyelle nag ni ; ivez, tréc. ive^ ie aussi, de plus ; kennebeut^ tréc. keneubet non plus ; kerkouls, tréc. kenkouls ou Aoî^i5^ aussi bien ; pa quand ; padal, koiilskoude^ kouskoude cependant ; hogen mais, or ; ervâd, avâd mais (après un mot) ; rak car ; rakse c’est pourquoi. On peut y joindre les particules ia oui, nann non.

La conjonction a que » entre deux verbes se rend par penaoz^ penôz (proprement «’comment »), ou 6z, 6, qui se sous-entend souvent, et se supprime toujours devant une négation. Exemple des trois « si » français : Si tu es toujours si paresseux, je ne sais si tu pourras apprendre un métier ; tréc. Ma vez derc’hmat ken diek-ze, n-oTin ket ha te c’hallo ou hag-efi c’halli diskih eur vicher, (La forme du verbe être suffirait à indiquer ici la continuité de l’état).

Dans les locutions conjonctives^ « que » se rend d’ordinaire par ma, qui se supprime devant la négation : gant ma vezo pourvu qu’il soit, gaFit na veto (ket) pourvu qu’il ne soit pas. Quoique se traduit le plus souvent par m^... da : quoiqu’il soit large evitaTi da vean ledan. Que, au sens de pour que, evit ma^ ou simplement ma ; de peur que, gant aon na, ou evit na^ tréc. et corn, bete goxit na. Léon, endra tant que, tréc. endra vu que. Keit ha (ma), e-pad ma^ en pad ma tant que, a-greiz ma pendant que. Daoust savoir si, malgré, etc.


XIII

INTERJECTIONS


74. Les principales sont :

Ai, aiaou, ai Doue ! aïe !

Ai ta, allons ! courage !

Aou ouf !

Ac’han ta, ’han ta, eh bien donc !

Ac’h, fec’h, fae, foei, fi !

Allaz ! siouaz ! hélas !

Mâd ! ma bon, bien !

Tec’h ! diwall place ! prends garde !

Peoc’h, peuc’h paix !

Grik ! mik silence !

Brao ! brao bravo, très bien !

Gwâ ! malheur !

Ho ! ho !

Holla ! holla ta ! holà ! attention !

Arsa, arsa ta ! ça ! allons !

Ha ! ha !

Harao ! haro ! fi donc !

Harz al laer ! au voleur !

D’an tan ! au feu !

Hem zikour ! forz ma bue ! au secours ! à l’assassin !

XIV

VERSIFICATION

75. Il faut considérer : la mesure ou nombre des syllabes, la césure ou coupe après une de ces syllabes, et la rime ou rapport de la finale de plusieurs vers.

76. Les vers bretons ont rarement moins de six syllabes, et quand cela arrive, ils sont d’ordinaire mêlés à d’autres plus longs :

Ni zo bepred

Bretoned

Bretoned, tud kaled.

Nous sommes toujours Bretons, Bretons de race forte.

Brizeux, Telen Arvor (La harpe d’Armorique).

Petra c’hanaz ? Ne gredfe dmi :

Eul logoden.

Qu’enfanta-t-elle (la montagne) ? Personne ne le croirait : une souris.

G. Milin, Marvailhou grac’h-koz (Les contes de vieille).

Gant ann arme razed hi a vije distro

D’à bro.

Avec l’armée des rats elle serait de retour à leur pays.

Ibid.

En hano an Tad,

En hano ar Mab,

En hano ar Spered,

En hano an Drindet.

Au nom du Père, au nom du Fils, au nom de l’Esprit, au nom de la Trinité.

Luzel, Bepred Breizad (Toujours Breton).

77. Les vers de six syllabes peuvent s’assembler en strophes plus ou moins longues :

Pegouls, o ma Jésus !

Vo an de evurus

Ma in me d’ho kwelet

D’ho paies hiniget ?

Quand, ô mon Jésus, sera le jour heureux où j’irai vous voir à votre palais béni ?

Cantique du paradis, dans Mezellour an ineo (Le Miroir des âmes).

Epad eun nozvez han,

Gand eurvad e karah

Gwelet drem gaer al loar,

Ar rouanez dispar ;

Ar stered hep niver
Hadet gand ar Cliroiier,
Egiz da vleunioit tan
Dre volzou an oabl splan.

Par une nuit d’été, avec bonheur j’admire le bel aspect de la lune, cette reine incomparable ; et les étoiles sans nombre semées par le Créateur comme des fleurs de feu, par les voûtes du ciel splendide.

P. Proux}}, Bombard Kerne (La bombarde, le hautbois de Cornouaille).

78. Il en est de même pour les vers de 7, 8 et 9 syllabes. Les plus usités sont ceux de 8 syllabes, et le couplet le plus commun celui de 4 vers.

Na wel med aour o lintri,
Mellezouriou o skedi,
War ann daol eur stal blajoii,
Leun a bep seurt madigou.

Il ne voit qu’or reluisant, brillants miroirs ; sur la table une foule de plats pleins de toutes sortes de friandises.

Ibid.

Eul lifiser loenn ha pemp planken,
Eun dorchen blouz dindan ho penn,
Pemp troaiad douar ivar cliorre,
Sein madoii ar bed er be.

Un drap blanc et cinq planches, un bourrelet de paille sous la tête et cinq pieds de terre par dessus, voilà les biens du monde (qu’on emporte) au tombeau.

Barzaz-Breiz, Chants populaires de la Bretagne, publiés par le vicomte H. de la. Villemarqué.

D’an emgan ma unan ne dann ket, Santez Anna zo ganin kevred.

Je ne viens pas seul au combat ; sainte Anne est avec moi.

Ibid.

79. C*est seulement à partir de 10 syllabes que la place de la césure est fixée, de celle façon : 10 = 4 + 6 et 5 + 5 ; 12 = 6 + 6 ; 13 = 7 + 6, quelquefois 6 + 7 ; 15 = 8 + 7 ; et même 17 = 8 + 9.

80. Les diphtongues peuvent, en général^ compter pour une ou pour deux syllabes ; mais il ne faut pas abuser de cette dernière prononciation, surtout quand on écrit dans un autre dialecte que celui du Léon.

81. On vient de voir que la rime est quelquefois remplacée par une simple assonance : tad, map. Les finales dures s’accordent avec les douces : ket, kevred, puisqu’on pourrait écrire aussi ked et kevret.

Nous n’avons donné d’exemples que de rimes plates ; les rimes croisées ou mêlées autrement sont beaucoup moins fréquentes.

82. Le langage poétique a des inversions spéciales, et quelques formes qui lui sont propres, commme merc’hat filles, pour merc’hed (à la rime). Enfin, il admet plus facilement que la prose le mélange des trois dialectes. Il peut ainsi contribuer à les faire mettre en commun leurs principaux moyens d’expression, ce qui serait très désirable pour l’avenir de la langue bretonne.


TABLE DES MATIÈRES

Pages.
IV. 
 13
 14
VI. 
 23
 26
VIII. 
 28
IX. 
 32
X. 
 56
 58
XII. 
 60
XIII. 
 62
 63
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  1. La variété de ce dialecte dont il est le plus souvent question dans ce livre est celle du « petit Tréguier », qui ressemble moins au léonais que le langage du « grand Tréguier ».
  2. Oc’h devant une voyelle.
  3. Quelquefois aussi en tréc. kanes.