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L’Encyclopédie/1re édition/SUPPRESSION

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SUPPRESSION, s. f. (Gramm. & Jurisp.) est l’anéantissement de quelque chose.

La suppression d’une charge est lorsqu’on en éteint le titre.

Suppression d’une communauté ou confrérie, c’est lorsqu’on l’anéantit & qu’on lui défend de s’assembler.

Suppression d’une piece, est lorsqu’on la détourne pour en dérober la connoissance.

On entend aussi par suppression d’un écrit, la condamnation qui est faite de quelque écrit ou de certains termes qui sont dangereux pour le public, ou injurieux à quelque particulier.

Suppression d’un fait, c’est la réticence de ce fait. (A)

Suppression de part, est lorsqu’une fille ou femme cache la naissance de son enfant, ou le fait périr aussitôt qu’il est né, soit en le suffoquant, soit en le jettant dans un puits, riviere, cloaque ou autre endroit, pour en dérober la connoissance au public.

La loi penult. cod. ad leg. corr. de sicariis, qui est de l’empereur Valentinien, déclare ceux qui sont convaincus d’avoir fait périr l’enfant, sujets à la peine capitale.

Les ordonnances de nos rois prononcent aussi la peine de mort contre les meres coupables de ce crime.

L’édit d’Henri II. du mois de Février 1566, veut même que toute femme qui aura célé sa grossesse, soit reputée avoir homicidé son enfant, & qu’elle soit punie de mort. Il est enjoint aux curés de publier cet édit au prône tous les trois mois. Voyez le tr. des crimes, par M. de Vouglans, tit. 17. ch. v. & les mots Accouchement, Enfans, Exposition, Part (A)

Suppression des Écoulemens, (Médecine.) les observations des terribles accidens qui surviennent à la suppression des écoulemens, sont en très-grand nombre, & assez généralement connues ; tous les livres de Médecine en sont remplis, & il est peu de personnes qui ne pussent rapporter comme témoins oculaires des exemples effrayans dans ce genre.

Le danger qui accompagne cette suppression, peut varier suivant la nature des écoulemens, leur ancienneté, le tempérament & la constitution particuliere du sujet ; on peut distinguer en général trois sortes d’écoulemens, eu égard à la gravité & la subitanéité des accidens qu’entraîne leur suppression. Dans la premiere classe, la moins dangereuse, je comprends ceux qu’on appelle communément excrétions, & qui sont des fonctions propres & constamment attachées à l’état de santé, telles sont les excrétions des urines, de la transpiration, des sueurs, de la salive, des regles dans les femmes, & des hémorroïdes dans certains sujets ; leur suppression occasionne plus ou moins promptement des maladies de différent caractere, suivant la nature de l’humeur séparée & l’importance des fonctions auxquelles elle sert, & l’utilité ou la nécessité de son excrétion. Voyez tous ces différens articles. La seconde classe renferme ces mêmes excrétions lorsqu’elles paroissent ou sont augmentées dans le cours de quelque maladie, auxquelles on peut ajouter les hémorrhagies par le nez, les éruptions cutanées, les abcès, les dévoyemens & l’expectoration ; & on peut les considérer sous deux points de vue différens, ou comme symptomatiques, ou comme critiques. Dans le premier cas, leur suppression n’est pas, à beaucoup près, aussi grave ; elle n’est cependant pas toujours exempte de danger ; mais la suppression des excrétions critiques cause mille ravages, & souvent entraîne une mort prochaine. Elle peut être occasionnée par les passions d’ame, & sur-tout par la frayeur subite, par le froid, & sur-tout par des remedes contraires, c’est-à-dire, des astringens trop forts donnés inconsidérément, ou des remedes qui procurent une excrétion opposée : enfin les écoulemens de la troisieme espece, qui méritent par le danger pressant attaché à leur suppression une attention particuliere, sont ceux que la nature établit ou entretient lorsqu’ils sont formés par accident, pour guérir ou prévenir des maladies fâcheuses, pour dépurer le sang, &c. & que l’art, dans les mêmes vues, imite quelquefois ; de ce nombre sont les crevasses qui se font aux jambes des hydropiques, les ulceres familiers aux vieillards & aux personnes cacochymes, les vieux ulceres, les fistules anciennes, les larmoyemens devenus habituels, la teigne, la croute de lait, le fluement des oreilles dans les enfans, les crachats purulens, les cauteres, les setons, &c. Il est inconcevable avec quelle rapidité les symptomes les plus fâcheux, avant-coureurs d’une mort prochaine, succedent à la suppression de la plûpart de ces écoulemens : outre le grand nombre de faits attestés par différens auteurs que je pourrois alléguer en preuve de cette vérité, & qu’on pourra trouver dans les recueils ordinaires d’observations, je n’en rapporterai qu’un seul qui s’est passé sous mes yeux.

Un vieillard cacochyme avoit depuis quelques années un ulcere à la jambe, qu’il n’avoit jamais pu venir à-bout de faire fermer ; après avoir consulté différentes personnes qui, soit par prudence, soit par ignorance, avoient laissé son ulcere dans le même état ; il s’adressa à moi, me priant de le débarrasser d’un mal aussi incommode & desagréable. Je vis le danger qu’il y auroit à se rendre à ses desirs ; cependant pour l’empêcher d’aller chercher ailleurs des secours d’autant plus dangereux qu’ils seroient plus efficaces, je lui promis de le guérir, & demandai pour cela beaucoup de tems ; cependant je l’amusai par des remedes indifférens, qui laisserent continuer l’écoulement avantageux de l’ulcere ; enfin ennuyé & rebuté de ce peu de succès, il a recours à un chirurgien, qui n’étant pas assez éclairé pour sentir les conséquences de ce qu’il faisoit, n’oublia rien pour cicatricer l’ulcere, & il n’y réussit que trop bien ; mais à l’instant que la cicatrice fut parfaitement fermée, le malade tombe comme apoplectique, presque sans pouls & sans connoissance, & avec beaucoup de difficulté de respirer ; ayant été appellé, & arrivant au bout de quelques heures, je trouve le malade au râle, déja le froid de la mort occupoit les parties extérieures ; je n’eus pas de peine à deviner la cause de ce terrible état, & pour m’en assurer, j’examine la jambe, que je trouvai bien cicatrisée ; je fais à l’instant appliquer à l’endroit de l’ulcere un cautere actuel & un large vésicatoire derriere le dos, mais ce fut inutilement ; le malade en parut ranimé pendant quelques momens, mais il retomba bientôt dans l’agonie, qui fut très-courte. Je fis ouvrir le cadavre, & je trouvai les poumons délabrés & remplis d’une grande quantité de pus ; tous les autres visceres me parurent à-peu près dans l’état naturel.

La méthode la plus appropriée & la plus sûre qu’on doit suivre dans le traitement des maladies occasionnées par la suppression de quelque écoulement, est de le rétablir lorsque cela est possible. Les secours qui peuvent remplir cette indication sont différens suivant les especes d’écoulemens ; ils sont exposés à leurs articles particuliers. Voyez Urine, Sueur, Transpiration, Regles, Crachats, Diarrhée, & Diurétiques, Sudorifiques, Emménagogues, Béchiques, Purgatifs, &c. Pour rappeller les écoulemens attachés aux éruptions cutanées, il faut faire reparoître ces éruptions par le moyen des bains un peu chauds, & sur-tout en faisant coucher le malade avec d’autres personnes attaquées de la même maladie. Voyez Peau, maladies de la. Lorsque ces écoulemens viennent de quelque ulcere, d’une fistule, d’un cautere, &c. qu’on a fait inconsidérément cicatriser, le seul moyen de s’opposer aux accidens survenus, est de r’ouvrir ces ulceres par le fer ou les caustiques, ou même, quand le mal est pressant, par le feu ; & si l’on ne peut pas le faire dans l’endroit même de l’ulcere, il faut appliquer les cauteres dans d’autres parties du corps ; on peut en soutenir & presser les effets par les vésicatoires ; mais le succès dépend sur-tout de la promptitude avec laquelle on administre ces secours : le moindre retardement est souvent funeste, & la perte de quelques heures est irréparable. (m)

Suppression, feu de, (Chimie.) feu qu’on met dessous & dessus un vaisseau qui contient les ingrédiens sur lesquels il s’agit d’opérer, ensorte que la matiere contenue dans le vaisseau reçoive une chaleur égale dessus & dessous. (D. J.)