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La France juive/Texte entier/Tome premier

La bibliothèque libre.
Marpon et Flammarion (p. --tdm).


LA FRANCE JUIVE

ESSAI D’HISTOIRE CONTEMPORAINE


OUVRAGES DU MÊME AUTEUR

LIBRAIRIE BASCHET
Les Fêtes nationales de la France, 1 vol. in-fo avec gravures.

LIBRAIRIE CHARPENTIER
Mon vieux Paris, 1 vol. in-18.

LIBRAIRIE PALMÉ
Le Dernier des Trémolin, 1 vol. in-18.

LIBRAIRIE QUANTIN
Papiers inédits du duc de Saint-Simon.
(Lettres et dépêches de l’ambassade d’Espagne), 1 vol. in-8o.
La mort de Louis XIV (Journal des Anthoine).
1 vol., édition de luxe, petit in-8o.

POUR PARAÎTRE PROCHAINEMENT :
Zéphyrine Mondray dite la Convenance.
(Scènes de mœurs contemporaines).

EN PRÉPARATION :
L’EUROPE JUIVE

Tous droits de reproduction réservés. Pour la traduction, s’adresser à l’auteur.
ÉDOUARD DRUMONT


LA
France Juive

ESSAI D’HISTOIRE CONTEMPORAINE


TOME PREMIER

Treizième Édition
PARIS
C. MARPON & E. FLAMMARION
ÉDITEURS
26, rue racine, près l’odéon


INTRODUCTION


Forsan ex nobis exoriatur ultor !


Taine a écrit la Conquête jacobine. Je veux écrire la Conquête juive.

À l’heure actuelle, le Jacobin, tel que nous l’a décrit Taine, est un personnage du passé égaré au milieu de notre époque ; il a cessé d’être dans le mouvement, comme on dit. Le temps n’est plus que nous ont dépeint les Goncourt, où « ce que l’architecture a de merveilles, ce que la terre a de magnificences, le palais et ses splendeurs, la terre et ses richesses, la forêt et ses ombres étaient les jetons de cette Académie de sang : — la Convention. »

Quand il veut se nantir lui-même, le Jacobin d’aujourd’hui échoue misérablement. Voyez Cazot, voyez Marius Poulet et Brutus Bouchet ; ces purs hirsutes et mal peignés n’ont pas eu la légèreté de touche qu’il fallait pour réussir. Figurez-vous un pick-pocket qui ferait des bleus à ceux qu’il fouillerait, marcherait sur la queue des chiens ou casserait des carreaux au moment d’opérer, tous les regards se porteraient sur lui et la foule le poursuivrait en criant : « hou ! hou ! »

La seule ressource du Jacobin, en dehors de ce qu’il nous extorque par le budget, est de se mettre en condition chez Israël, d’entrer comme administrateur dans quelque compagnie juive où on lui fera sa part.

Le seul auquel la Révolution ait profité est le Juif. Tout vient du Juif ; tout revient au Juif.

Il y a là une véritable conquête, une mise à la glèbe de toute une nation par une minorité infime mais cohésive, comparable à la mise à la glèbe des Saxons par les soixante mille Normands de Guillaume le Conquérant.

Les procédés sont différents, le résultat est le même. On retrouve ce qui caractérise la conquête : tout un peuple travaillant pour un autre qui s’approprie, par un vaste système d’exploitation financière, le bénéfice du travail d’autrui. Les immenses fortunes juives, les châteaux, les hôtels juifs ne sont le fruit d’aucun labeur effectif, d’aucune production, ils sont la proélibation d’une race dominante sur une race asservie.

Il est certain, par exemple, que la famille de Rothschild, qui possède ostensiblement trois milliards rien que pour la branche française, ne les avait pas quand elle est arrivée en France ; elle n’a fait aucune invention, elle n’a découvert aucune mine, elle n’a défriché aucune terre ; elle a donc prélevé ces trois milliards sur les Français sans leur rien donner en échange.

Cette fortune énorme s’accroît par une progression en quelque sorte fatale.

Le Dr Ratzinger l’a dit très justement :

« L’expropriation de la société par le capital mobile s’effectue avec autant de régularité que si c’était là une loi de la nature. Si on ne fait rien pour l’arrêter, dans l’espace de 50 ans, ou, tout au plus, d’un siècle, toute la société européenne sera livrée, pieds et poings liés, à quelques centaines de banquiers juifs. »

Toutes les fortunes juives se sont constituées de la même façon par une prélévation sur le travail d’autrui.

« La spéculation, dit Schæffle, qui fit partie du ministère conservateur de Hohenwarth, en Autriche, a touché, grâce à l’agiotage, deux milliards six cent vingt-six millions de francs en sus du prix d’émission sur les actions des six grands chemins de fer français. Ces actions étaient ensemble au nombre de trois millions et le prix total de leur émission ne s’élevait qu’à 1,529,000,000. »

À ce gain fabuleux, mais qui n’est qu’un détail dans l’ensemble, ajoutez les innombrables affaires financières et industrielles qui ont attiré l’argent des actionnaires avec de pompeuses promesses ; songez à ce qu’ont apporté à ces entreprises des centaines de milliers de petits rentiers, d’ouvriers économes et vous aurez une faible idée de ce que le Juif, maître absolu de la finance, a pu extraire depuis soixante-dix ans de cette France laborieuse, qui recommence toujours un nouveau miel, quand on l’a dépouillée du précédent.

L’emprunt du Honduras, pour prendre un autre exemple que celui des Rothschild, est un de ces faits typiques que les Taine de l’avenir ne se lasseront pas d’étudier. Il ne s’agit pas ici d’une spéculation séduisante, au premier abord, et qui n’a pas réussi ; jamais situation ne fut plus nette. Le Honduras est un minuscule pays de 500,000 habitants, dont le tiers au plus appartient à la race blanche ; il ne possède aucune espèce de ressources, et quand ces gros emprunts furent émis, il était depuis cinquante ans hors d’état de payer un sou d’intérêt sur une dette qui s’élevait à 400,000 francs.

C’est dans de telles conditions que les Bischoffsheim, les Scheyer, les Dreyfus ont pu enlever à l’Épargne, en Angleterre et en France, une somme de 157 millions, cent cinquante-sept millions, sur laquelle le Honduras a toujours affirmé n’avoir absolument rien reçu.[1]

Les hommes mêlés à cette entreprise n’ont jamais été l’objet d’aucune condamnation, ils ont continué à vivre au sein du luxe. Un d’eux était pour la gauche de nos Assemblées, dans la dernière Chambre, le représentant de l’austérité républicaine opposée à la corruption des Cours. C’est dans la villa qu’il possède sur les bords de la Méditerranée que Léon Say va avec sa famille passer ses vacances.

Ce qu’un homme comme Erlanger a pu, dans les mêmes conditions, prélever sur l’Épargne soit directement, soit par les Sociétés financières dont il a été l’instigateur, est inouï. J’ai eu l’idée de résumer cette vie financière en un tableau d’une rigoureuse exactitude, en réduisant les pertes aux proportions les plus modestes. C’est un document d’une importance philosophique considérable.




Certaines de ces affaires, dont les actions valent aujourd’hui zéro, et qui n’ont pu être lancées que par des moyens frauduleux, sont évidemment de pures et simples escroqueries.

Ce détournement énorme de l’argent acquis par les travailleurs ne s’en est pas moins accompli avec une impunité absolue.

Sans doute, il est très explicable que des ministres de la Justice, Francs-Maçons et inféodés aux Juifs, comme les Gazot, les Humbert, les Martin Feuillée, les Brisson, ne trouvent point ces faits repréhensibles. Mais la magistrature a eu à sa tête, avant eux, des hommes d’une intégrité indiscutable, comme les Tailhand, les Ernoul, les Depeyre ; ils n’ont pas agi davantage que les ministres Francs-Maçons.

Regardez le duc de La Rochefoucauld-Bisaccia que je prends ici, sans nulle animosité particulière, comme un personnage représentatif, ainsi que s’expriment les Anglais, comme le représentant de l’aristocratie. Il reçoit parfaitement Erlanger chez lui, la baronne Erlanger fait partie à Deauville de la société selected de la duchesse de Bisaccia. Le duc de La Rochefoucauld ne soupçonne même pas qu’il y ait un commandement de Dieu qui dit :

Le bien d’autrui tu ne prendras,
Ni retiendras à ton escient.

Ne vous payez pas de mots, ne vous arrêtez pas aux apparences, et vous constaterez que le duc de La Rochefoucauld et le prince Kropotkine ont à peu près les mêmes idées sur la propriété, et que la notion du Bien et du Mal est également oblitérée chez les deux. « Choisissez dans le tas, emparez-vous de tout ce qui est à votre convenance ! » dit le chef des Anarchistes. Au fond, c’est exactement ce que fait Erlanger avec l’approbation tacite de la haute société française. Le révolutionnaire a du moins pour excuse d’être vivement ému par les souffrances des déshérités, et de vouloir leur donner le nécessaire. L’aristocratie française admet, au contraire, qu’un seul homme dépouille à son profit des milliers d’êtres humains pour s’assurer le superflu.

Ce symptôme est grave et l’on peut dire que ce qui fait l’immoralité des jours actuels ce n’est pas tant le nombre des coquins qui volent que le nombre des honnêtes gens qui trouvent tout simple que l’on vole.

S’il en est ainsi, c’est que la plupart des catholiques eux-mêmes sont absolument étrangers à l’économie sociale chrétienne. Ils ne se doutent pas que si l’homme a été condamné par Dieu au travail, le devoir de la société, sa raison d’être est d’empêcher qu’on ne le dépouille, soit par la violence, soit par la ruse, du fruit de ce travail.

Si l’ancienne société put vivre tranquille et heureuse sans connaître les guerres sociales, les insurrections, les grèves, ce fut parce qu’elle reposait sur ce principe : « Pas de bénéfice sans travail. » Les nobles devaient combattre pour ceux qui travaillaient ; tout membre d’une corporation était tenu de travailler lui-même et il lui était interdit d’exploiter, grâce à un capital quelconque, d’autres créatures humaines, de percevoir sur le labeur du compagnon et de l’apprenti aucun gain illicite.

C’est une des prétentions sottes de notre temps que de croire qu’il a inventé l’économie politique. Ceux qui s’occupaient alors de ces questions n’étaient point sans doute, comme aujourd’hui, des membres de l’Institut, Malthusiens hypocrites et lubriques, des orateurs de réunions publiques irrités du spectacle de la misère et préoccupés de s’attirer les applaudissements de la foule en flattant ses passions. C’étaient les saints eux-mêmes qui cherchaient à mettre l’harmonie sur la terre, des rois comme saint Louis, discutant au Palais, avec Étienne Boileau, l’organisation du travail, des moines comme saint Thomas d’Aquin s’efforçant de définir le caractère du crédit. Ce crédit, saint Thomas d’Aquin le voulait chrétien et non judaïque, il entendait qu’il fût une aide donnée par un frère à son frère et non une exploitation, un moyen d’opprimer cruellement ceux qui n’ont rien et de dépouiller ceux qui ont peu et qui veulent avoir davantage sans se donner la peine de le gagner. Volontiers il eût appelé l’argent, dont on fait un usage abusif, du nom que le peuple lui donne aujourd’hui, il l’eût appelé l’infâme capital.

Avant lui saint Jean Chrysostome s’était élevé contre l’agent paresseux et avide à la fois qui, sans travail, veut réaliser des gains odieux. « Quoi de plus déraisonnable, avait-il dit, que de semer sans terre, sans pluie, sans charrue ? Aussi tous ceux qui s’adonnent à cette damnable agriculture n’en moissonnent-ils que de l’ivraie qui sera jetée dans les flammes éternelles. Retranchons donc ces enfantements monstrueux de l’or et de l’argent, étouffons cette exécrable fécondité ! »

Les disciples de saint François d’Assise, le sublime mendiant qui aima tant les pauvres qu’il voulut être encore plus pauvre qu’eux, eurent, avec le sûr instinct que donne l’amour, la compréhension très nette de ces problèmes.

Aujourd’hui, grâce au Juif, l’argent auquel le monde chrétien n’attachait qu’une importance secondaire et n’assignait qu’un rôle subalterne est devenu tout puissant. La puissance capitaliste concentrée dans un petit nombre de mains gouverne à son gré toute la vie économique des peuples, asservit le travail et se repaît de gains iniques acquis sans labeur.

Ces questions, familières à tous ceux qui pensent en Europe, sont presque inconnues en France. La raison en est simple. Le Juif Lassalle lui-même a constaté combien était mince le fond intellectuel de la bourgeoisie dont les opinions sont fabriquées par les gazettes. « Celui qui lit aujourd’hui son journal, écrivait-il, n’a plus besoin de penser, d’apprendre, d’étudier. Il est prêt sur tous les sujets et se considère comme les dominant tous. » Il y a soixante ans que Fichte, dans une espèce de vision prophétique qui n’omettait aucun détail, a peint ces lecteurs « qui ne lisent plus de livres, mais seulement ce que les journaux disent des livres, et à qui cette lecture narcotique finit par faire perdre toute volonté, toute intelligence, toute pensée et jusqu’à la faculté de comprendre. »

Or, presque tous les journaux et tous les organes de publicité en France étant entre les mains des Juifs ou dépendant d’eux indirectement, il n’est pas étonnant que l’on nous cache soigneusement la signification et la portée de l’immense mouvement antisémitique qui s’organise partout.

Tandis que le moindre personnage juif est surfait, tambouriné, célébré sur tous les tons, de vrais grands hommes, des patriotes au cœur ardent comme Simoniy, Istold, Onody, Stœcker, sont absolument ignorés de nous. Il faut avoir approché quelques-unes de ces magnifiques individualités, avoir causé avec un de ces penseurs austères illuminés par le génie pour comprendre ce qu’a encore en réserve cette admirable race aryenne qui a déjà rendu tant de services à l’Humanité.

L’âme attristée, desséchée, atrophiée par les basses calomnies, les dénonciations ignobles qui alimentent seules notre vie intellectuelle d’aujourd’hui si étrangement abaissée, se dilate et respire devant les vastes horizons que déroulent ces nobles esprits, devant la conception grandiose qu’ils se font de l’Europe chrétienne.

En tous cas, il m’a paru intéressant et utile de décrire les phases successives de cette Conquête juive, d’indiquer comment, peu à peu, sous l’action juive, la vieille France s’est dissoute, décomposée, comment à ce peuple désintéressé, heureux, aimant, s’est substitué un peuple haineux, affamé d’or et bientôt mourant de faim.

Mon livre se rattache à tous les travaux tentés sous des formes différentes, par les phsychologues et les romanciers, par les critiques et les chroniqueurs au jour le jour, par les Daudet, les Goncourt, les Zola, les Bourget, les Claretie, les Platel, les Scholl, les Maupassant, les Uzanne, les Bonnières, les Fournel, pour peindre ce monde qui change en quelque manière à vue d’œil.

Chacun a le pressentiment d’un immense écroulement et s’efforce de fixer un trait de ce qui a été, se hâte de noter ce qui demain ne sera plus qu’un souvenir.

Ce qu’on ne dit pas, c’est la part qu’a l’envahissement de l’élément juif, dans la douloureuse agonie d’une si généreuse nation, c’est le rôle qu’a joué, dans la destruction de la France, l’introduction d’un corps étranger dans un organisme resté sain jusque là. Beaucoup le voient, en causent à table, s’indignent de rencontrer partout des Sémites tenant le haut du pavé, mais ils aiment la paix et, pour des causes multiples, évitent de coucher leurs impressions sur le papier.

Il eût été plus sage, peut-être, d’imiter cette prudence, mais je me souviens que saint Jean range les timides parmi ceux qui peuplent l’abîme infernal et je ne regrette pas d’avoir publié ce livre. Combien de fois m’est-il arrivé, après quelque séance dans une bibliothèque, de songer à un écrivain dont l’ouvrage, souvent inconnu, m’avait donné la révélation du passé, bien fait voir, bien expliqué un point d’histoire énigmatique ! Ce guide revivait vraiment pour moi, il était immortel ; l’image que je me faisais de ce contemporain des jours disparus cheminait quelque temps avec moi à travers les rues de Paris. Mon livre, mal apprécié dans le présent, me vaudra plus tard quelque ami qui, lui aussi, pensera à moi ; il me saura gré de lui avoir bien fait comprendre comment cette France, la terre des lys, le royaume au manteau bleu comme l’azur du ciel, s’est laissé enjuiver, affubler de la loque jaune.

Je ne me dissimule pas cependant les imperfections de mon travail, imperfections qui tiennent à plusieurs causes.

Tout d’abord l’œuvre latente du Juif est très difficile à analyser, il y a là toute une action souterraine, dont il est presque impossible de saisir le fil. Henri Heine l’a dit très justement : « Les faits et gestes des Juifs, ainsi que leurs mœurs, sont choses inconnues du monde. On croit les connaître parce qu’on a vu leur barbe, mais on n’a vu d’eux que cela, et, comme au Moyen Age, ils sont toujours un mystère ambulant. »

En outre, l’histoire écrite ainsi en présence des événements a des inconvénients si elle a des avantages ; elle donne l’accent précis et comme le rhythme des faits ; elle constitue le plus précieux des témoignages pour l’avenir. En revanche, il lui manque les documents que les chancelleries ne livrent que lorsque le temps a fait de la poussière des hommes et des passions d’une époque. Semblable à ces bâtons sigillaires qui contenaient chacun un fragment d’un acte ou d’une lettre, et qui, en se rejoignant, servaient comme d’un irrécusable témoignage, l’histoire définitive ne se constitue que par le rapprochement des documents d’un pays, avec les documents d’un autre pays.

C’est un simple classement préparatoire, je le répète, que j’ai voulu tenter. Qu’on ne cherche point dans cet ouvrage les Mémoires secrets de la troisième République ; quoique les écrivains juifs aient pénétré sans cesse dans la vie privée de tous pour la déshonorer, et que tout soit permis contre eux, je ne suis pas organisé pour les imiter ; j’ai pris simplement, pour le passé, les documents historiques ; pour le présent, les faits divers, les faits publics, évidents, racontés dans tous les journaux. C’est dans la rue que je vous propose de regarder, en apportant seulement à cet examen la réflexion qui aide à tirer un enseignement du moindre détail, le bon sens du patriote qui cherche à se rendre compte du lamentable état dans lequel est tombé son pays.

En réunissant dans cette étude des raisons et des causes tout l’effort de notre travail et de notre bonne volonté, nous mériterons que ceux qui viendront après nous disent de nous : « Ils n’ont rien pu empêcher, sans doute, mais ils ont bien discerné les sources du mal, et ils les ont signalées avec intelligence et courage, ils n’ont été traîtres ni envers Dieu, ni envers la Patrie, ils n’ont été ni imbéciles, ni lâches. »

Que de gens, aujourd’hui en belle situation, dont la Postérité ne pourra pas dire autant !


8 décembre 1885.


LIVRE PREMIER




LE JUIF


Les faits et gestes des Juifs, ainsi que leur mœurs, sont choses inconnues du monde. On croit les connaître parce qu’on a vu leur barbe, mais on n’a vu d’eux que cela et comme au moyen âge ils sont toujours un mystère ambulant.
Henri Heine.


Les lieux communs sur le Juif. — Le type véritable. — Les Aryens et les Sémites. — Absence de tout idéal et de tout esprit d’invention. — Les variations de Renan. — Une conférence devant Alphonse de Rothschild. — L’oppression du Juif. — Le mépris du goy. — Le Juif civilisé et le Juif nature. — Le Schlossberg. — Impuissance du Juif à comprendre l’art élevé. — L’ignorance des Juifs au moyen âge. — La constitution physique. — Le Juif portugais et le Juif allemand. — La voix de la race. — Daniel Deronda. — Les tribus perdues. — La Femme de Claude. — Les Juifs du Sahara. — Les Juifs chinois. — Les Falachas. — Coningsby. — La solidarité des Juifs. — Les piaillements du Juif. — Pacifico, Levy de l’Enfida, le petit Mortara, Victor Noir, Lipmann, Selikowitch. — La duchesse de Berry et Deutz. — Un cas de conscience jugé par Crémieux. — L’espionnage juif. — La criminalité juive. — Un passage de Maxime du Camp. — Les célébrités du vol. — Les associations de voleurs juifs. — L’affaire Peschard. — Impunité presque absolue accordée aux Juifs aujourd’hui. — Les grands accaparements. — Les rois juifs. — Les réhabilitations. — Levy Bing. — Les révolutionnaires de l’orthographe. — Les Juifs et la peine de mort. — La prostitution juive. — Les hiérodules. — Les Juives. — Influence des prescriptions religieuses. — Le chiffre de la population juive. Chiffres et documents contradictoires. — Le Juif au point de vue nosologique — Les immunités du Juif devant la peste. — L’odeur juive et Victor Hugo. — La névrose juive. — Son caractère particulier. — Les existences romanesques. — Mme de Païva. — Midhat pacha. — Naquet. — La politique et la régénération du cuir chevelu. — L’article 1965. — Le drame juif. — La dégénérescence de la race. — La tristesse juive. — Les crises religieuses du Judaïsme. — La question du Messie. — Israël phare des nations. — Le Juif moderne d’après Renan. — La campagne anti-sémitique. — Ce qui doit se faire se fera.




Il nous faut au début de cette étude essayer d’analyser cet être particulier, si vivace, si complètement différent des autres êtres : le Juif.

La tâche, au premier abord, paraît facile. Nul type n’a une physionomie plus énergiquement caractérisée, nul n’a conservé plus fidèlement la netteté de l’effigie première. En réalité ce qui nous gêne pour le bien comprendre et pour le bien peindre ce sont nos propres idées, le point de vue où nous nous plaçons et qui est absolument distinct du sien.

« Le Juif est lâche, » dit le vulgaire. Dix-huit siècles de persécutions supportées avec une force d’endurance incroyable témoignent que, si le Juif n’a pas la combativité, il a cette autre forme de courage qui est la résistance.

Lorsque nous voyons certains hommes qui sont riches, qui avaient des noms honorés, servir un gouvernement qui outrage toutes leurs croyances, pouvons-nous sérieusement traiter de lâches des gens qui ont tout souffert plutôt que de renoncer à leur foi ?

« Le Juif a le culte de l’argent. » Cette constatation d’un fait évident est encore une phrase déclamatoire dans la bouche de la plupart de ceux qui la prononcent.

Voilà des grands seigneurs, des femmes pieuses, des habituées de Sainte-Clotilde et de Saint-Thomas-d’Aquin qui quittent l’église pour aller faire des salamalecs à un Rothschild qui regarde comme le plus vil des imposteurs le Christ qu’ils adorent. Qui les force à aller là ? L’amphitryon qui les attire a-t-il un esprit extraordinaire ? Est-il un causeur incomparable ? A-t-il rendu des services à la France ? Nullement. C’est un étranger, un Allemand peu parleur, quinteux et qui fait souvent payer en grossièretés à ses hôtes de l’aristocratie l’hospitalité qu’il leur donne par vanité.

Quel motif amène sous ce toit ces représentants de la noblesse ? — Le respect de l’argent. Que vont-ils faire là ? — S’agenouiller devant le Veau d’or.

Ce que nous disions du duc de Larochefoucauld Bisaccia, dans notre introduction, peut s’appliquer au duc d’Aumale. Quand le duc d’Aumale arrive, la mine humble, faire sa révérence à Rothschild, qui l’appelle le vieux sous-off, alors qu’il lui serait si commode de rester chez lui à relire la glorieuse histoire de sa race, le descendant des Condé avoue implicitement que l’action d’avoir gagné beaucoup d’écus dans des spéculations plus ou moins propres équivaut à l’action d’avoir gagné la bataille de Rocroy, puisqu’on ne va que chez ses égaux et qu’il va chez ces gens-là.

Au fond, tous ces mépriseurs d’argent sont bien contents quand ceux qui l’ont ramassé veulent bien les en faire profiter.

Après leur déchéance ils sont les premiers à se railler eux-mêmes :

— Voulez-vous savoir ce que c’est que la voix du sang ? demandait à ses amis un duc français qui, malgré les larmes de sa mère, avait épousé une Rothschild de Francfort, regardez…

Il appelle son petit garçon, tire un louis de sa poche et le lui montre. Les yeux de l’enfant flamboient…

— Voyez, reprend le duc, l’instinct sémitique se révèle de suite…

Laissons donc de côté ces lieux communs. Demandons à un examen plus attentif et plus sérieux les traits essentiels qui différencient le Juif des autres hommes et commençons notre travail par la comparaison ethnographique, physiologique et psychologique du Sémite et de l’Aryen, ces deux personnifications de races distinctes irrémédiablement hostiles l’une à l’autre dont l’antagonisme a rempli le monde dans le passé et le troublera encore davantage dans l’avenir.

Le nom générique d’Aryens ou Aryas, d’un mot sanscrit qui signifie noble, illustre, généreux, désigne, on le sait, la famille supérieure de la race blanche, la famille indo-européenne qui eut son berceau sur les vastes plateaux de l’Iran. La race aryenne rayonna sur le monde par des migrations successives. Les Ario-Pélasges (les Grecs et les Romains) s’arrêtèrent sur les bords de l’Hellespont et de la Méditerranée, tandis que les Celtes, les Ario-Slaves et les Ario-Germains se dirigeaient vers l’Occident en contournant la mer Caspienne et en franchissant le Danube.

Rien, dit Littré, ne peut disputer aux Romains le caractère aryen ; le latin qu’ils parlaient en est le signe assuré. Ce n’est pas sans surprise, mais avec une pleine certitude que l’érudition moderne a reconnu la parenté du latin avec le grec, de tous deux avec le persan et le sanscrit, et a rangé tous ces frères, étonnés de leur fraternité, en un même groupe.

Les chrétiens occidentaux sont les héritiers directs des Romains et, à ce titre, ils entrent dans tous les droits de leurs auteurs. Mais il y a plus ; quand, à la lumière de la linguistique, on examine leurs titres on voit qu’ils ont les leurs propres. Les Italiens, en tant que latins, sont, cela va sans dire, Aryens ; les Celtes de la Gaule et d’Albion le sont aussi ; le celtique est un dialecte de ce parler dont les peuplades se sont répandues jusqu’au fond de l’Occident. C’est aussi de l’une de ces peuplades émigrantes que la Germanie tire sa langue, et dès lors elle est dite aryenne, comme les autres. Pour l’Espagne seule il y aurait lieu de contester ; ce sont des Ibères qui ne tiennent aux Aryens ni par la langue ni par la race ; mais le gouvernement de Rome, par une longue possession et par une civilisation supérieure, les a fait parler latin, et malgré la diversité primordiale, il n’est plus possible de les séparer des Italiens et des Gaulois dont ils sont devenus frères par l’éducation.

Toutes les nations de l’Europe, on le voit, se rattachent donc par les liens les plus étroits à la race aryenne d’où sont sorties toutes les grandes civilisations.

Les Sémites, représentés par des familles diverses : la famille araméenne, la famille hébraïque et la famille arabe, semblent être originairement partis des plaines de la Mésopotamie.

Sans doute Tyr, Sidon, Carthage atteignirent à un moment un haut degré de prospérité commerciale ; l’empire arabe, plus tard, eut une splendeur passagère, mais rien, dans ces établissements éphémères, ne ressemble à ces civilisations fécondes et durables de la Grèce et de Rome, à l’admirable société chrétienne du moyen âge.

La race aryenne ou indo-européenne possède seule la notion de la justice, le sentiment de la liberté, la conception du Beau.

Les civilisations sémitiques si éclatantes qu’elles paraissent, dit très bien M. Gellion-Danglar[2], ne sont que de vaines images, des parodies plus ou moins grossières, des décors de carton peint que certaines gens ont la complaisance de prendre pour des œuvres de marbre et de bronze. Dans ces sociétés artificielles le caprice et le bon plaisir sont tout et sont seulement couverts du nom prostitué de la justice qui n’est rien. Le bizarre, le monstrueux y tiennent la place du beau et la profusion a banni de l’art le goût et la décence. Le Sémite n’est point fait pour la civilisation et pour l’état sédentaire. Au désert, sous la tente, il a sa beauté, sa grandeur propre ; il suit sa voie ; il forme harmonie avec le reste de l’humanité. Ailleurs, il est déplacé, toutes ses qualités disparaissent : ses vices ressortent. Le Sémite, homme de proie dans les sables de l’Arabie, héroïque dans un certain sens, devient un vil intrigant dans la société.

Dès les premiers jours de l’histoire nous voyons l’Aryen en lutte avec le Sémite. Ilion était une ville toute sémitique et le duel entre deux races explique le retentissement particulier qu’eut la guerre de Troie[3].

Le conflit se perpétua à travers les âges et presque toujours c’est le Sémite qui a été le provocateur avant d’être le vaincu.

Le rêve du Sémite, en effet, sa pensée fixe a été constamment de réduire l’Aryen en servage, de le mettre à la glèbe. Il a essayé d’arriver à ce but par la guerre, et Littré[4] a montré, avec sa lucidité habituelle, le caractère de ces grandes poussées qui faillirent donner aux Sémites l’hégémonie du monde. Annibal qui campa sous les murs de Rome fut bien près de réussir. Abdérame qui, maître de l’Espagne, arriva jusqu’à Poitiers, put espérer que l’Europe allait être à lui. Les ruines de Carthage, les ossements de Sarrazins que la charrue rencontre parfois dans les champs où triompha Charles Martel, racontent quelle leçon fut donnée à ces présomptueux.

Aujourd’hui le Sémitisme se croit sûr de la victoire. Ce n’est plus le Carthaginois ou le Sarrazin qui conduit le mouvement, c’est le Juif ; il a remplacé la violence par la ruse. À l’invasion bruyante a succédé l’envahissement silencieux, progressif, lent. Plus de hordes armées annonçant leur arrivée par des cris, mais des individualités séparées s’agrégeant peu à peu en petits groupes, se mettant à l’état sporadique, prenant possession sans éclat de toutes les places, de toutes les fonctions d’un pays depuis les plus basses jusqu’aux plus élevées. Au lieu d’attaquer l’Europe en face, les Sémites l’ont attaquée à revers : ils l’ont tournée ; dans les environs de Wilna, ce Vagina Judeorum[5], se sont organisés des exodes qui ont occupé l’Allemagne, franchi les Vosges et conquis la France.

Rien de brutal, je le répète, mais une sorte de prise de possession douce, une manière insinuante de chasser les indigènes de leurs maisons, de leurs emplois, une façon moelleuse de les dépouiller de leurs biens d’abord, puis de leurs traditions, de leurs mœurs et enfin de leur religion. Ce dernier point, je le crois, sera la pierre d’achoppement.


Par leurs qualités comme par leurs défauts les deux races sont condamnées à se heurter.

Le Sémite est mercantile, cupide, intrigant, subtil, rusé ; l’Aryen est enthousiaste, héroïque, chevaleresque, désintéressé, franc, confiant jusqu’à la naïveté. Le Sémite est un terrien ne voyant guère rien au-delà de la vie présente ; l’Aryen est un fils du ciel sans cesse préoccupé d’aspirations supérieures ; l’un vit dans la réalité, l’autre dans l’idéal.

Le Sémite est négociant d’instinct, il a la vocation du trafic, le génie de tout ce qui est échange, de tout ce qui est une occasion de mettre dedans son semblable. L’Aryen est agriculteur, poète, moine et surtout soldat ; la guerre est son véritable élément, il va joyeusement au-devant du péril, il brave la mort.

Le Sémite n’a aucune faculté créatrice ; au contraire l’Aryen invente ; pas la moindre invention n’a été faite par un Sémite[6]. Celui-ci par contre exploite, organise, fait produire à l’invention de l’Aryen créateur des bénéfices qu’il garde naturellement pour lui. L’Aryen exécute les voyages d’aventure et découvre l’Amérique ; le Sémite, qui aurait eu une si belle occasion de s’arracher fièrement à l’Europe, à la persécution et de démontrer qu’il était susceptible de faire quelque chose par lui-même, attend qu’on ait tout exploré, tout défriché, pour aller s’enrichir aux dépens des autres.

En un mot tout ce qui est une excursion de l’homme dans des régions ignorées, un effort pour agrandir le domaine terrestre est absolument en dehors du Sémite et surtout du Sémite juif ; il ne peut vivre que sur le commun, au milieu d’une civilisation qu’il n’a pas faite.


Le malheur du Sémite, — retenez bien cette observation fondamentale en mémoire de moi, — est qu’il dépasse toujours un point presque imperceptible qu’il ne faut pas franchir avec l’Aryen.

L’Aryen est un géant bon enfant. Il est heureux pourvu qu’on lui conte une de ces légendes dont a besoin son imagination éprise du merveilleux. Ce qui lui plaît ce ne sont pas des aventures dans le genre des sémitiques Mille et une Nuits, où des enchanteurs découvrent des trésors, où des pêcheurs, jetant leurs filets dans la mer, les retirent pleins de diamants. Il est nécessaire, pour qu’il soit touché, que sur la trame de toutes ces fictions se détache un être qui se dévoue, qui combatte pour une cause, qui se sacrifie, qui aille comme Parsifal à travers mille dangers à la conquête du Saint-Graal : la coupe remplie du sang d’un dieu.

L’Aryen est resté l’être candide qui se pâmait au moyen âge en écoutant les chansons de geste, les aventures de Garain le Loherain, d’Olivier de Béthune ou de Gilbert de Roussillon qui, après avoir refusé d’épouser la fille d’un sultan, transperçait cinq mille mécréants d’un seul coup de lance. Il a écouté longtemps la légende de 89 comme il eût écouté le récit d’un cycle chevaleresque. Un peu plus et les rédacteurs de la République française lui auraient fait croire que les membres du gouvernement de la Défense nationale, montés sur des chevaux fougueux, comme les anciens preux, avaient bravé les plus affreux périls pour gagner la bataille de l’emprunt Morgan. Pendant qu’il est naïvement intéressé par ces prouesses, rien n’est plus facile que de lui enlever sa bourse et même de lui enlever ses bottes sous prétexte qu’elles le gêneraient pour marcher dans la voie du progrès.

À l’Aryen, je le répète, on peut tout faire ; seulement il faut éviter de l’agacer. Il se laissera dérober tout ce qu’il possède et tout à coup entrera en fureur pour une rose qu’on voudra lui arracher. Alors soudain réveillé, il comprend tout, ressaisit l’épée qui traînait dans un coin, tape comme un sourd et inflige au Sémite qui l’exploitait, le pillait, le jouait, un de ces châtiments terribles, dont l’autre porte la trace pendant trois cents ans.

Le Sémite, du reste, n’est nullement étonné. Il est dans son tempérament d’être oppresseur, et dans ses habitudes d’être châtié. Il trouve presque une certaine satisfaction quand tout est rentré dans l’ordre normal ; il disparaît, s’évanouit dans un brouillard, se terre dans un trou où il rumine une nouvelle combinaison pour recommencer quelques siècles après. Quand il est tranquille et heureux au contraire, il éprouve ce qu’un académicien de beaucoup d’esprit appelait : la nostalgie du San Benito…

L’intelligence du Sémite si perspicace et si déliée est au fond bornée ; il n’a ni la faculté de prévoir, ni celle de voir au-delà de son nez recourbé sur la terre, ni le don de comprendre certaines petites nuances délicates comme des fleurs et qui sont les seules choses en ce monde qui méritent que l’homme expose sa vie sans regret.

Renan a distingué beaucoup de ces points. « La race sémitique, selon lui, se reconnaît presque uniquement à des caractères négatifs ; elle n’a ni mythologie, ni épopée, ni science, ni philosophie, ni fiction, ni arts plastiques, ni vie civile ; en tout, absence de complexité de nuances, sentiment exclusif de l’unité[7].

La moralité elle-même, dit-il, fut toujours entendue par cette race d’une manière fort différente de la nôtre. Le Sémite ne connaît guère de devoirs qu’envers lui-même. Poursuivre sa vengeance, revendiquer ce qu’il croit être son droit, est à ses yeux une sorte d’obligation. Au contraire, lui demander de tenir sa parole, de rendre la justice d’une manière désintéressée, c’est lui demander une chose impossible. Rien ne tient donc dans ces âmes passionnées contre le sentiment indompté du moi. La religion d’ailleurs est, pour le Sémite, une sorte de devoir spécial, qui n’a qu’un lien fort éloigné avec la morale de tous les jours.

Ailleurs il ajoute encore :

L’esprit des peuples sémitiques manque en général d’étendue et de délicatesse. L’intérêt n’est jamais banni de leur morale. La femme idéale, dont le livre des Proverbes xxxi, 100 et suivant nous trace le portrait, est une femme économe, intéressée, profitable à son mari : mais d’une moralité fort peu élevée. Le plus saint homme chez les Juifs et chez les Musulmans ne se fait pas faute de commettre des crimes atroces pour en arriver à ses fins. La poésie sémitique nous offre à peine une page qui ait un charme de sentimentalité. Quand l’amour s’y exprime c’est sous la forme d’une volupté lascive et brûlante, comme dans le Cantique des Cantiques, ou sous la forme d’une courtoisie de harem comme dans les Moultakar[8].

Tout ceci, il est vrai, est écrit avant les succès inouïs du sémitisme dans ces dernières années. Rien n’est curieux à étudier comme la façon dont cet homme, si bien doué au point de vue artistique, si bas au point de vue du caractère, se met à plat ventre devant ces triomphants.

Il reconnaît, en 1862, dans son discours d’ouverture du cours d’hébreu au collège de France, que les Juifs forment partout une race à part. Dans sa conférence au cercle Saint-Simon, en 1883, il affirme contre toute évidence que le Judaïsme est non une race, mais simplement une religion.

Il faut ajouter que si les Juifs ont quelque intérêt à l’heure présente à faire soutenir publiquement par Renan cette thèse qui est absolument fausse, ils déclarent le contraire entre eux de la façon la plus précise et la plus formelle. Rien de moins équivoque que ce passage des Archives[9].

« Israël est une nationalité. » Nous sommes nés Juifs, « natu, » parce que nous sommes nés Juifs. L’enfant issu de parents israélites est Israélites. La naissance lui fait incomber tous les devoirs d’un Israélite. Ce n’est pas par la circoncision que nous recevons la qualité d’Israélite.

Non, la circoncision n’a aucune analogie avec le baptême chrétien. Nous ne sommes pas Israélites parce que nous sommes circoncis, mais nous faisons circoncire nos enfants parce que nous sommes Israélites. Nous acquérons le caractère d’Israélite par notre naissance et nous ne pouvons jamais perdre ce caractère ni nous en démettre ; même l’Israélite qui renie sa religion, même celui qui se fait baptiser, ne cesse pas d’être Israélite. Tous les devoirs d’un Israélite continuent à lui incomber.

Ajoutons que ces devoirs l’Israélite les remplit presque toujours, il sert sa race dans un autre camp et n’en est que plus utile à Israël. C’est généralement à lui, en effet, que les chrétiens s’abandonnent avec le plus d’ardeur, c’est à celui-là qu’ils confient leurs plus secrètes espérances.

Dans son désir de plaire aux Juifs, Renan ne s’émeut pas pour si peu. Après avoir constaté jadis que les prétendus services rendus à la civilisation par les Juifs d’Espagne se réduisaient à rien, que le rôle philosophique des Juifs au moyen âge avait été celui de simples interprètes, il déclare tout à coup, dans une conférence organisée par la Société des Études juives, que les Juifs sont nos bienfaiteurs.

La conclusion du discours du savant conférencier, disent les Archives israélites du 31 mai 1883, c’est que l’avenir appartient au Judaïsme. C’est à cette religion épurée et débarrassée de ses scories, que l’humanité se ralliera, car elle seule assurera le règne de la justice, cet idéal si superbement décrit par les grands prophètes d’Israël.

L’esprit moderne, ajoute Renan, le monde en se convertissant aux idées de liberté, d’égalité, de tolérance, s’est fait Juif.

Pendant qu’il parle ainsi tenant la main fermée,
On voit le sequin d’or qui luit entre ses doigts.

Alphonse de Rothschild, en effet, préside la réunion, ce qui explique bien des choses ; il boit du lait, il fait le gros dos en apprenant que la véritable égalité c’est qu’il possède trois milliards pendant que tant de Français meurent de faim. Il sourit à l’orateur prosterné devant lui d’un sourire à la fois protecteur et méprisant.

Quel valet ! semble-t-il dire. Quel malheureux ! dirons-nous[10]. N’est-il pas à plaindre ? Vous tous petits et grands qui défendez comme vous pouvez la victime du Calvaire, le Dieu qu’ont prié vos pères, ne vous sentez-vous pas plus heureux que cet apostat qui baise la main du bourreau du Christ pour une poignée d’écus qu’on lui jette avec dégoût ? Croyez-vous que le vieux pasteur dépouillé par Goblet, le pauvre prêtre de Savoie auquel le misérable Isaïe Levaillant a volé son petit traitement, qui disent leur benedicite devant un morceau de pain noir, n’ont pas l’âme plus tranquille au fond que cet académicien riche, bien renté et ami des Rothschild ?

Les défauts du Sémite expliquent que l’antagonisme naturel qui existe entre l’Aryen et lui se perpétue à travers les siècles.

Si vous voulez comprendre l’histoire du moyen âge regardez ce qui se passe chez nous.

La France, grâce aux principes de 89 habilement exploités par les Juifs, tombait en dissolution. Les Juifs avaient monopolisé toute la fortune publique, tout envahi, à part l’armée. Les représentants des vieilles familles, gentilshommes ou bourgeois, s’étaient divisés en deux classes : les uns se livraient au plaisir, avaient pour maîtresses des filles juives qui les corrompaient ou les ruinaient, des marchands de chevaux et des usuriers, juifs également, qui aidaient les filles. Les autres obéissaient à cette attraction de la race aryenne vers l’infini, vers le Nirwana indoue, le paradis d’Odin ; ils se désintéressaient presque du mouvement contemporain, ils se perdaient dans l’extase ; ils n’avaient presque plus pied dans la vie réelle. Si les Sémites avaient eu quelques années de patience ils touchaient au but. Un des rares hommes vraiment sages qu’ils comptent parmi eux, un disciple de Philon, un représentant de l’école juive d’Alexandrie, Jules Simon, leur dirait bien ce qu’il fallait faire : occuper la terre tout doucement et laisser les Aryens émigrer au ciel.

Les Juifs n’ont jamais voulu entendre de cette oreille-là ; au Sémite Simon ils ont préféré le Sémite Gambetta. Sous prétexte que ce Fontanarose avait fait avaler aux Français les bourdes les plus énormes, ils l’ont soutenu, commandité, appuyé ; ils ont cru qu’il allait les débarrasser de ce Christ qu’ils haïssent comme au jour où ils l’ont crucifié. La Franc-Maçonnerie a donné, les journaux juifs ont monté l’opinion, on a prodigué l’or, on a payé largement les commissaires de police qui, jusqu’au dernier moment, refusaient de se rendre coupables d’un crime.

Qu’est-il arrivé ? Ce que nous disions plus haut. L’Aryen agacé, troublé, blessé dans les sentiments de noblesse et de générosité innés chez lui, a senti le rouge lui monter au visage devant le spectacle de malheureux vieillards traînés hors de leurs cellules par des argousins. Il lui a fallu un peu de temps pour réfléchir, pour rassembler ses idées, se recueillir.

— Enfin au nom de quel principe agit-on ? a-t-il demandé.

— Au nom du principe de liberté, ont répondu en chœur les journaux des Porgés, des Reinach, des Dreyfus, des Eugène Mayer, des Camille Sée, des Naquet.

— En quoi consiste ce principe ?

— En ceci : un Juif quelconque sort de Hambourg, de Francfort, de Wilna, de n’importe où, il amasse un certain nombre de millions aux dépens des goym, il peut promener partout ses équipages, son domicile est inviolable, à moins d’un mandat d’amener que naturellement on ne décerne jamais. Au contraire un Français natif, un Français naturel, pour employer le mot de Saint-Simon, se dépouille de tout ce qu’il possède pour le donner aux pauvres ; il marche pieds nus, il habite une chambre étroite et blanchie à la chaux dont ne voudrait pas le domestique du domestique de Rothschild, celui-là est hors la loi ; on peut le jeter dans la rue comme un chien.

L’Aryen réveillé de sa somnolence jugea, non sans raison, que du moment où l’on comprenait ainsi cette fameuse tolérance dont on parlait tant depuis cent ans, il fallait encore mieux donner des coups que d’en recevoir ; il estima qu’il n’était que temps d’arracher le pays à des maîtres aussi peu endurants. « Puisque la robe de bure du moine gêne ta redingote, nous te remettrons la loque jaune, mon vieux Sem. » Telle fut la conclusion de ces méditations. C’est de cette époque que date en France la première constitution du comité anti-sémitique ou, pour être plus précis, anti-juif.

Ce qui se passe en France s’est passé en Allemagne. Les Juifs avaient aidé tant qu’ils pouvaient au Kulturcampft, poussé de toute leur énergie aux vexations contre les catholiques. Le Kulturcampft est fini et la guerre antisémitique commence à peine.

En lisant cet ouvrage jusqu’au bout vous verrez d’ailleurs le même fait se reproduire dans des conditions presque identiques à toutes les époques et dans tous les pays.


Il semble que le Juif, en revenant toujours aux procédés qui le font toujours chasser, obéisse véritablement à une impulsion irrésistible. L’idée de se conformer aux habitudes, aux traditions, à la religion des autres n’entre pas dans ces cervelles. C’est vous qui devez vous soumettre au Juif, vous plier à ses coutumes, supprimer tout ce qui le gêne.

De cette société du passé, remarquez-le, ils veulent bien accepter tout ce qui flatte leur vanité ; ils recherchent avec un grotesque empressement les titres militaires de barons et de comtes qui vont à ces manieurs d’argent comme un chapeau de femme à un singe. Il n’est pas d’abject tripoteur ou de marchand de chaînes de sûreté appartenant de près ou de loin à Israël, qui ne soit au moins chevalier de la Légion d’honneur[11]. Mais là s’arrête la condescendance ; dès qu’un de nos usages les choque il faut qu’il disparaisse[12].

Le droit du Juif à opprimer les autres fait partie de sa religion, il est pour lui un article de foi, il est annoncé à chaque ligne dans la Bible et dans le Talmud.

Tu gouverneras, disent les Psaumes de David (ps.2), tu gouverneras les autres peuples que tu soumettras avec une verge de fer, tu les briseras comme le potier fait un vase.

Il consumera peu à peu les nations devant vous par parties, dit le Deutéronome, car vous ne pourriez les exterminer toutes ensemble, de peur que les bêtes de la terre ne se multiplient trop.

Il vous livrera leurs rois entre vos mains. Vous détruirez jusqu’à leur nom. Rien ne pourra vous résister.

Contre le chrétien, le gentil, le goy (au singulier goy, au pluriel goym), tous les moyens sont bons.

Le Talmud contient, sous ce rapport, des assertions que nos députés si chatouilleux en théologie se garderaient bien de porter à la tribune sous peine de se voir fermer au nez les guichets des banques juives où ils émargent.

On peut et on doit tuer le meilleur des goym.

L’argent des goym est dévolu au Juif ; donc il est permis de les voler et de les tromper[13].

L’évolution sociale du Sémite elle même est absolument différente de la nôtre. Le type de la famille aryenne dans l’état de civilisation est la gens romaine qui devint la maison féodale. Pendant de longues générations la force vitale, le génie s’économisent, puis l’arbre dont les racines plongent dans le sol porte au sommet un homme illustre qui est comme le résumé des qualités de tous les siens. L’être prédestiné met un siècle parfois à se développer, mais de l’extraction la plus humble sort une de ces figures complètes, charmantes et vaillantes, héroïques et lettrées, comme notre histoire en compte tant.

Dans la race sémitique les choses se passent autrement. En Orient, un chamelier, un porteur d’eau, un barbier est distingué par le souverain. Le voilà soudain pacha, vizir, confident du prince, comme ce Mustapha-ben-Ismaïl qui s’introduisit au Bardo en vendant des petits gâteaux et qui, selon l’expression égrillarde de M. Dauphin, procureur général, « rendait à son maître des services de jour et de nuit, » ce qui lui mérita de notre gouvernement, peu scrupuleux comme on sait, la croix de grand officier de la Légion d’honneur.

Il en est de même chez le Juif. En dehors des familles sacerdotales qui constituent une véritable noblesse, la noblesse n’existe pas ; il n’y a pas de familles illustres ; quelques-unes se transmettent du crédit de père en fils, dans aucune on ne se lègue de la gloire.

En moins de vingt ans, si les circonstances lui sont favorables, le Juif atteint tout son développement ; il naît au fond d’une judengasse, il gagne quelques sous dans une première opération, il se lance à Paris, se fait décorer par l’entremise d’un Dreyfus quelconque, achète un titre de baron, se présente hardiment dans un grand cercle, prend les allures de quelqu’un qui a toujours été riche. Chez lui la transformation est en quelque manière instantanée ; il n’éprouve nul étonnement, il ignore absolument certaines timidités.

Prenez un Juif de Russie chez lui, sous sa thouloupe crasseuse, avec ses tirebouchons et ses boucles d’oreille et, après un mois de bains, il s’installera dans une loge à l’Opéra avec l’aplomb d’un Stern ou d’un Gunzburg.

Prenez comme opposition un brave entrepreneur de bâtisse français, enrichi très honorablement, il aura toujours l’air un peu emprunté et gêné, il fuira les milieux trop élégants. Son fils, né dans des conditions meilleures, initié aux raffinements de la vie, sera tout différent. Le petit-fils, si la famille continue en s’élevant à rester honnête et chrétienne, représentera le vrai gentilhomme, il aura une délicatesse de pensée et une noblesse de sentiment que le youtre n’aura jamais.

Par contre, si le Juif arrive tout de suite à l’aplomb il ne parvient jamais à la distinction. À part certains Juifs portugais qui, jeunes, ont de beaux yeux, vieux, une certaine majesté orientale, vous ne trouverez jamais chez aucun d’eux ce je ne sais quoi de calme, d’aisé, de courtois, de digne qui fait qu’un grand seigneur français authentique, un français de race, eût il un vêtement râpé, se reconnaît partout. Le Juif est insolent, jamais fier ; il ne dépasse jamais ce premier degré auquel, d’ailleurs, il atteint très facilement. Les Rothschild, malgré leurs milliards, ont l’air de revendeurs d’habits. Leurs femmes, avec tous les diamants de Golconde, ressembleront toujours à des marchandes à la toilette, non point endimanchées, mais ensabatées.

Il manquera toujours au Juif vis-à-vis du chrétien ce qui est l’attrait des rapports sociaux : l’égalité. Le Juif — qu’on tienne bien compte encore de cette observation — ne sera jamais l’égal d’un homme de race chrétienne. Il rampe à vos genoux, ou il vous écrase sous son talon ; il est dessous ou dessus, jamais à côté.

Ceux de mes lecteurs intelligents entre les mains desquels ce livre tombera n’ont qu’à rappeler leurs souvenirs. Même dans une conversation de dix minutes avec un Juif ce phénomène apparaît. Dès que vous vous abandonnez avec lui à cette familiarité, à cette bonhomie, à cette liberté qui fait le charme des commerces mondains, il vous monte immédiatement sur le dos, il attente à votre cerveau, il vous supprime ; il faut le tenir à la main soigneusement. Que l’on cause avec un millionnaire ou avec un besogneux, il faut lui rappeler à chaque instant qui vous êtes et qui il est…

Une autre cause rend le Juif peu propre aux relations où l’on se propose un autre but que l’intérêt, c’est la monotonie du type ; il n’a point cette culture raffinée, ce superflu intellectuel, chose si nécessaire, qui est le sel de tout entretien ; on ne rencontre que très rarement chez lui ces théories brillantes et chimériques, ces aperçus piquants, ces paradoxes amusants que certains causeurs sèment au hasard dans leurs propos. S’il était fourni de ces idées le Juif se garderait bien de les gaspiller entre camarades et il tâcherait d’en tirer de l’argent, mais en réalité il vit sur la masse. C’est un monocorde, et la causerie la plus longue n’offre nulle surprise avec lui.

Tandis que la race aryenne comporte une variété infinie d’organisations et de tempéraments, le Juif, lui, ressemble toujours à un autre Juif ; il n’a point de facultés, mais une aptitude unique, qui s’applique à tout ; la Thebouna, cette subtilité pratique si vantée par les Moschlim, ce don merveilleux et inanalysable qui est le même chez l’homme politique que chez le courtier et qui le sert si admirablement dans la vie.


C’est le Juif nature qu’il faut voir pour comprendre le Juif civilisé. Le Schlossberg de Presbourg particulièrement donne bien une idée de l’état intermédiaire entre le Juif sordide de la Gallicie et le Juif presque élégant des capitales.

Figurez-vous aux flancs d’une montagne une chaussée qui grimpe aride, poussiéreuse, blanchâtre. À droite et à gauche, des échoppes ou de petites maisons basses comme celles d’Orient, garnies de barreaux comme au moyen âge. Sur la voie publique grouille pêle-mêle au milieu de défroques de toutes sortes, de vieilles ferrailles, de meubles disparates, de tas de légumes, de monceaux d’ordures, une population de sept à huit mille Juifs.

Il y a là des vieux étonnants de laideur à côté de jeunes filles adorablement belles drapées dans des haillons ; la redingote domine néanmoins chez les hommes qui se rattachent au présent par le chapeau haut de forme, et au passé par les pieds nus qui contrastent avec la coiffure.

L’aspect général cependant éveille plutôt le sentiment de la vie moderne qu’une impression d’autrefois. À vrai dire, il semble à chaque instant reconnaître des figures de connaissance, et ce coin de ghetto a l’air d’un petit Paris. Ces deux youtres à mine futée en train de dépecer les décors d’un théâtre, n’est-ce pas Dreyfus et Lockroy ? Cet homme vautré sur un canapé de reps exposé dans la rue et sur lequel on a placé des choux, n’a t-il pas une frappante ressemblance avec Stern, du cercle de la rue Royale ? Regardez cette jeune fille osseuse, qui marche pieds nus, couverte seulement d’une camisole sale et d’un jupon qui ne va que jusqu’aux genoux, c’est Sarah Bernardt enfant. Voici Mlle Isaac qui mord à bouche que veux-tu à une grappe de maïs tout cru. Examinez cette femme qui se pavane sur le pas de sa porte, son allure ne vous rappelle-t-elle pas le mouvement de cou insolent et niais à la fois d’une célèbre baronne, ce cou d’oie enorgueillie qui n’a aucun rapport avec l’ondulation gracieuse et souple de la Lagide au col de cygne qu’a chantée Gautier ? Mettez du velours, des diamants, des vêtements corrects sur tout ce peuple de revendeurs, de receleurs, de prêteurs sur gages et vous aurez une salle de première.

Eux-mêmes semblent avoir la notion de cette situation. À la fois arrogants et humbles ils paraissent attendre philosophiquement le coup de marée qui les portera à la ville ; à la fortune, aux honneurs. Ils ne sont point pressés et ne se trouvent pas malheureux.

Au centre de ce quartier plein de loques s’élève une synagogue dans le style oriental qui est une merveille ; on la montre avec complaisance à l’étranger ; on prend même parfois le goy curieux pour quelque frère arrivé qui veut se rendre compte de la position des frères en retard. J’ai donné là vingt kreutzers à une femme chaussée de bottes énormes qui voulait absolument m’embrasser la main. « Inutile, ma vieille, lui ai-je dit, je suis charmé de t’être agréable ; ton fils sera probablement mon maître et je serais très content de gagner un morceau de pain en collant des bandes dans son journal. »

Un Christ, pliant sous le faix douloureux de la croix, dont l’expression vous arrache des larmes, indique l’endroit où finit ce ghetto libre où les Juifs restent volontairement. Prudents en ce pays, et pour cause, les Israélites n’ont encore que légèrement mutilé ce Christ devant lequel une lampe brûle toute la nuit ; ils se dédommageront quand ils seront ministres, sénateurs, députés, conseillers municipaux, préfets en France en jetant dans le tombereau à ordures les crucifix de nos églises après ceux de nos écoles.

Au bout de la montée on est devant le château de Schlossberg où furent longtemps couronnés les rois de Hongrie et que Marie Thérèse habita. Rien n’est saisissant comme ce burg où l’incendie n’a laissé que les murs ; ouvert à tout vent, béant, formidable encore, il se détache avec un étrange relief sur l’horizon. Au bas le Danube, non plus impétueux comme il était en sortant de Vienne, comme il sera quelques lieues plus loin, mais endormi, morne, semblant opposer comme une inerte résistance aux bateaux à vapeur qui le remontent péniblement. À gauche, l’île d’Au avec ses guinguettes, devant vous des bancs de sable, dans le lointain les grandes îles qu’on appelle le Jardin d’or.

Par un temps brumeux, comme il faisait quand j’allai visiter ce qui fut une demeure royale, le lieu est d’une mélancolie profonde. Le monde féodal avec ses gloires, ses souvenirs héroïques, ses pompes triomphales est en ruines comme ce château abandonné ; le monde nouveau s’agite à quelques pas de vous dans cette cité juive d’où sortiront, jusqu’à l’heure d’une renaissance chrétienne, les millionnaires adulés par une société servile, les artistes acclamés sur la foi de réclames par la foule imbécile et badaude.


Il ne faut point juger en effet du mérite artistique ou littéraire des Juifs par tout ce qu’ils impriment aujourd’hui. Ils diraient volontiers de tous leurs savants ce qu’ils disent du rabbin Eliezer dans la Bibliothèque rabbinique de Bartolocci : « Quand le firmament serait de vélin et quand l’eau de la mer se changerait en encre, elle ne suffirait pas à écrire tout ce qu’il sait. » Des chefs-d’œuvre chrétiens sont laissés dans l’ombre, on bat la grosse caisse au contraire pour tout ce qui porte la marque juive ; on décerne l’épithète d’honneur, l’épithète chover, au moindre plumitif ou au plus affreux barbouilleur qui appartient de près ou de loin à la confrérie.

La vérité est que le Juif est incapable de dépasser un degré très peu élevé. Les Sémites n’ont aucun homme de génie de la taille du Dante, de Shakespeare, de Bossuet, de Victor Hugo, de Raphaël, de Michel-Ange, de Newton, et on ne comprendrait pas qu’ils en eussent. L’homme de génie, presque toujours méconnu et persécuté, est un être supérieur qui donne quelque chose à l’humanité, or, l’essence même du Juif est de ne rien donner. Rien d’étonnant à ce qu’ils s’en tiennent à un talent d’écoulement facile. Leur Corneille c’est Adolphe d’Ennery, et leur Raphaël c’est Worms[14].

En art, ils n’ont créé aucune figure originale, puissante ou touchante, aucune œuvre maîtresse, ils n’admettent que ce qui se vend, ils font le sublime au besoin, le faux sublime bien entendu, mais ils préfèrent le bas, ce qui leur permet à la fois de s’enrichir en flattant les appétits grossiers de la multitude et de servir leur cause en tournant en risée les enthousiasmes, les souvenirs pieux, les traditions augustes des peuples aux dépens de qui ils vivent.

S’agit-il de déchaîner avec une musique de carrefour la bande hurlante des Clodoches ? Strauss, le chef d’orchestre, lève son archet. Veut-on tourner l’armée en ridicule au moment où une guerre terrible se prépare ? Voilà Ludovic Halévy qui invente le général Boum. Est-il opportun pour nos ennemis que tout ce qu’un peuple respecte : l’héroïsme, l’amour honnête, les chefs-d’œuvre immortels soient raillés à outrance ? Offenbach, l’agent prussien, est tout prêt. Est-il utile de déshonorer le théâtre de Racine et de Molière, de mettre la guillotine sur les planches, et d’introduire sur notre scène qui fut glorieuse un personnage qui dise. s. n. d. D ? Le Juif Busnach s’offre à cette tâche[15].

Souhaitez vous que les salles de danse, où la jeunesse d’autrefois prenait ses ébats avec un entrain honnête deviennent un mauvais lieu ? Le Juif Markoswki est votre homme. Simia la Juive, l’androgyne Wolf est là pour prôner toutes ces turpitudes et pour amener les gens du monde[16].

Le coup est double, géminé comme ils disent. Pendant que des Juifs allemands viennent commettre ces infamies en France, d’autres Juifs écrivent en Allemagne : « Voilà où en est la France, voilà sa littérature, voilà ce qu’elle produit ! »

Quand les ancêtres de ces hommes ont-ils prié avec les nôtres ? Dans quel coin de village ou de ville sont donc leurs tombeaux de famille ? Dans quel vieux registre de paroisse trouvez-vous le nom de ces nouveaux venus qui, il y a moins d’un siècle, n’avaient pas le droit d’habiter sur cette terre d’où ils veulent nous chasser maintenant ? En quoi se rattachent-ils aux traditions de notre race ?

Ainsi on répond aux vrais allemands, aux compatriotes de Goethe et de Schiller, en répudiant toutes ces pornographies et toutes ces opérettes. Ils vous disent alors : « Tant pis pour vous, il ne fallait pas recevoir ces gens-là, vous deviez bien supposer qu’ils ne venaient chez vous que pour vous déshonorer et vous trahir.


Ainsi qu’un certain théâtre infime, la peinture et la musique (une certaine peinture et une certaine musique toujours), réussissent aux Juifs, ils s’en assimilent d’autant plus facilement les procédés que, dans l’abaissement actuel du niveau artistique, le mode d’expression, le côté exclusivement formel l’emporte sur l’essence de l’idée.

Notons ce nouveau point encore que vous ne pourrez pas citer un Juif qui soit un grand écrivain français.

Le Juif attrape admirablement le jargon parisien. Heine, Albert Wolff, Halévy dont nous parlions tout à l’heure, beaucoup de nos confrères allemands sont plus parisiens que nous qui sommes nés à Paris. Il y a là effectivement un chic, une allure artificielle, une verve conventionnelle et factice que le Juif s’approprie de suite dès qu’il lui est démontré que ces chroniques, ces opérettes, ces articles Paris sont d’un débit avantageux. En outre sa haine pour tout ce qui est beau et glorieux dans notre passé l’inspire dans cette œuvre de démolition par la raillerie à laquelle les Français applaudissent avec un sourire idiot.

Parler français est autre chose. Pour parler une langue il faut d’abord penser dans cette langue, il y a entre l’expression et la pensée une corrélation étroite. On ne peut pas s’adresser à quelque Leven ou à quelque Reinach pour faire naturaliser son style comme on fait naturaliser sa personne, il faut avoir sucé en naissant le vin de la patrie, être vraiment sorti du sol. Alors seulement, qu’il s’agisse d’attaquer comme Voltaire, Paul Louis, ou Proudhon, de défendre comme Louis Veuillot, votre phrase a un goût de terroir puisé à un fonds commun de sentiments et d’idées.

Quelle preuve plus convaincante de ce fait que Gambetta, dont nous aurons l’occasion d’apprécier plus loin l’étonnante phraséologie ?

Les autres Juifs plus prudents ont évité en partie ce ridicule et se font une langue à eux, la langue bizarre citée maintenant dans presque tous les journaux, et qui délaie dans des périodes insipides et grises un certain nombre de banalités.

En constatant cet envahissement de notre littérature, on songe involontairement au récit du rabbin Benjamin de Tudèle qui, visitant la Grèce au moyen âge, rencontra des hordes de Juifs campés sur le Parnasse. Le contraste n’est-il pas émouvant ? Des bandes sordides de ces circoncis qu’Aristophane méprisait tant, installés parmi ces lauriers roses qui virent, aux heures radieuses de l’Hellade, le dieu à l’arc d’argent, Smynthée Apollon guider le chœur sacré des Muses sœurs !

Cette impuissance à s’assimiler dans sa substance même la langue d’un pays s’étend jusqu’à la prononciation. Le Juif, qui parle si facilement tous les idiomes, garde toujours je ne sais quel accent guttural qui le décèle à un observateur attentif. Richard Andrée a constaté ce fait dans ses Observations intéressantes sur le peuple juif : « Quelque habiles, dit-il, que soient les Juifs pour s’approprier partout la langue du pays, et quoiqu’ils la regardent à la longue comme leur langue maternelle, ils n’arrivent que rarement à la parler assez correctement pour qu’on ne puisse pas les distinguer des indigènes. La plupart de nos Juifs instruits eux-mêmes ont un accent particulier qui les fait reconnaître sans les regarder. C’est une marque de race qui se trouve chez les Juifs de toutes les nations, Rohep (Premier séjour au Maroc) a été frappé du même phénomène. »

Les Juifs, écrit-il, ne peuvent nulle part apprendre complètement la langue du pays qu’ils habitent. On reconnaît de suite le Juif allemand à sa prononciation bizarre, il en est de même des Juifs de l’Afrique septentrionale. On reconnaît le Juif entre cent arabes à son accent, bien qu’il ne diffère pas par sa physionomie et son costume. Rien n’est plus risible que d’entendre un Juif parler l’arabe et la langue des États barbaresques.

Incapable de s’élancer à la découverte dans les régions de l’art, le Sémite n’a pas davantage interrogé les domaines inconnus de la science. Tout ce qui est une exploration de l’infini par l’homme, un effort pour agrandir le monde terrestre est absolument en dehors de sa nature. Il vend des lorgnettes ou fabrique des verres de lunettes comme Spinoza, mais il ne découvre pas d’étoiles dans l’immensité des cieux comme Leverrier ; il ne pressent pas plus un continent à l’horizon comme Colomb[17], qu’il ne devine les lois de la pesanteur dans l’espace comme Newton.

Maintenant qu’ils sont les arbitres de l’opinion, qu’ils dominent dans les académies grâce à la lâcheté des chrétiens, les Juifs nous racontent des histoires de l’autre monde : ils ont gardé le dépôt de la science dans le moyen âge ; ils nous ont transmis les découvertes des Arabes. Rien n’est plus faux, les Juifs ont paru savants en utilisant quelques bribes des livres d’Aristote, mais dès qu’on a été à la source on s’est aperçu que rien ne venait d’eux, malgré leur horreur pour les reliques, ils jouaient simplement le rôle de l’âne de la fable.

Pendant des siècles ils ont monopolisé l’exercice de la médecine qui leur rendait l’espionnage facile en leur permettant de s’introduire partout, et ils ne se sont pas doutés une minute de la circulation du sang. Bail[18], qui leur est pourtant bien favorable, reconnaît qu’ils étaient mille fois plus ignorants encore que leurs contemporains sous le rapport scientifique, ils croyaient que les cieux étaient solides, le firmament, rakiak, était percé d’ouvertures par lesquelles la pluie tombait. Ils regardaient l’os Luz, comme la racine du corps où aboutissaient tous les viscères, et qui ne pouvait être ni brisé ni moulu, ils formulaient des axiomes comme ceux-ci : « un peu de vin et de pain pris à jeun « préserve le foie de soixante maladies, » « c’est un signe certain de pléthore sanguine lorsqu’on rêve à une crête de coq. »

Cela n’empêche pas M. Darmesteter[19], sous-directeur à l’école des Hautes Études, de nous affirmer « que le moyen âge a été chercher au ghetto sa science et sa philosophie. »

Que M. Darmesteter nous parle de « l’action sourde et invisible » des Juifs contre l’Église ; « de la polémique religieuse qui, pendant des siècles, ronge obscurément le christianisme, » à la bonne heure. Mais prétendre que les juifs ont rendu un service quelconque à la science, c’est se moquer de la candeur des jeunes gens chrétiens que Ferry a chargé ce Juif d’instruire.

C’est à l’Aryen qu’on doit toutes les découvertes petites ou grandes, l’imprimerie, la poudre, l’Amérique, la vapeur, la machine pneumatique, la circulation du sang, les lois de la pesanteur. Tous les progrès se sont produits par le naturel développement de la civilisation chrétienne. Le Sémite, il ne faut pas se lasser de le répéter, n’a fait qu’exploiter ce que le génie ou le travail d’autrui avait conquis. Le véritable emblème du Juif c’est le vilain oiseau qui s’installe cyniquement dans le nid construit par les autres.

Maintenant que nous avons indiqué les traits principaux qui sont communs à peu près à tous les Sémites, examinons de plus près la race et l’espèce.

Il y aurait évidemment une étude très complète et très curieuse à faire de la physiologie du Juif. Malheureusement, les éléments sont peu nombreux. Avec leur entregent habituel, leur activité ordinaire, les Juifs se sont fourrés dans toutes les sociétés d’anthropologie, dans toutes les associations qui permettent d’écrire un titre sur une carte de visite, une fois là, ils mettent tout en œuvre pour empêcher qu’on ne s’occupe d’eux d’une façon trop précise.

Les principaux signes auxquels on peut reconnaître le Juif restent donc : ce fameux nez recourbé, les yeux clignotants, les dents serrées, les oreilles saillantes, les ongles carrés au lieu d’être arrondis en amande, le torse trop long, le pied plat, les genoux ronds, la cheville extraordinairement en dehors, la main moelleuse et fondante de l’hypocrite et du traître. Ils ont assez souvent un bras plus court que l’autre[20].

Il est certain que les tribus ont conservé presque intacts les traits qui les distinguaient jadis et dont plusieurs sont indiqués dans la Bible. Gambetta, avec son nez d’une courbe si prononcée, se rattachait à la tribu d’Ephraïm. Il en est de même de Reinach et de Porgès, ce qui explique leur sympathie mutuelle. Camondo noir et velu est de la tribu de Jacob. Henry Aron, avec ses yeux striés de filaments rouges, se réclamait de la tribu de Zabulon. La Kaulla blanche et fine est de la tribu de Juda. Lockroy, avec sa petite tête chafouine, est d’Asser. Les innombrables Lévy, malgré des différences apparentes, appartiennent à la tribu de ce nom. Les tribus se flairent, se sentent, se rapprochent entre elles, mais dans l’état actuel de cette science embryonnaire, on ne peut formuler aucune règle précise.

En dehors de ces nuances de tribus encore mal définies, il faut distinguer dans le Juif deux types absolument distincts : le Juif du Midi et le Juif du Nord, le Juif portugais et le Juif allemand.

Les Juifs du rite portugais, on le sait, prétendent s’être installés en Espagne dès la plus haute antiquité : ils rejettent avec horreur toute solidarité avec les déicides, ils prétendent même que les Juifs habitant Tolède ont écrit alors à leurs frères de Jérusalem pour les détourner de commettre un si grand crime. Beaucoup d’historiens, le Juif Emmanuel Aboab entre autres, dans sa Nomologie, admettent l’authenticité de cette missive dans laquelle Lévi, chef de la synagogue, Samuel et Joseph, Juifs de Tolède, s’adressent au grand prêtre Eléazar, aux hommes sages, Samuel Canut, Anne et Caïphe, Juifs de la Terre Sainte. Graëtz, au contraire, déclare toutes ces assertions erronées, mais il faut remarquer qu’il est allemand, c’est-à-dire animé de sentiments hostiles contre les Portugais[21].

Quoi qu’il en soit, la différence est très considérable entre les deux spécimens de Juifs.

Réchauffé par le soleil de l’Orient, le Juif du Midi est parfois beau physiquement, il n’est pas rare de trouver en lui le type arabe conservé presque dans toute sa pureté. Quelques-uns font songer avec leurs yeux de velours doux et caressants, un peu faux toujours, leur chevelure d’ébène, à quelque compagnon des rois Maures et même à quelque hidalgo castillan, il faut, par exemple, qu’ils conservent leurs mains gantées, la race avide et basse apparaît vite dans ces doigts crochus, dans ces doigts toujours agités par la convoitise, toujours contractés pour le rapt.

Le Juif allemand n’a rien de ces allures. Les yeux chassieux ne regardent point, le teint est jaunâtre, les cheveux couleur de colle de poisson. La barbe presque toujours d’un roussâtre indéfinissable est parfois noire, mais d’un noir vert désagréable et qui a des reflets de redingote déteinte. C’est le type de l’ancien marchand d’hommes, de l’usurier de bas étage, du cabaretier borgne. La Fortune, je l’ai dit, ne les change pas en les touchant de sa baguette. Quand on voit passer certains personnages parisiens, que des purs sang emportent au bois dans un landau décoré d’un tortil de baron, on a des réminiscences de figures entrevues déjà, de négociants en vieux galons, de colporteurs de fil et d’aiguilles. Ceux-là ont été décrits par un coréligionnaire appartenant à une famille bien cotée et presque considérable dans la Juiverie, M. Cerfbeer de Medelsheim.

Le Juif allemand, dit-il, est au moral vaniteux, ignorant, cupide, ingrat, bas, rampant, insolent, au physique il est sale, galeux et déguenillé. Les juives sont impérieuses, crédules, médisantes, acariâtres et fort sujettes à caution en matière de foi conjugale[22].

L’auteur porte ensuite contre les rabbins des accusations que nous ne reproduisons pas, car jamais un écrivain chrétien n’attaque un prêtre, à quelque religion qu’il appartienne, il laisse cela aux écrivains de la presse juive.

Parmi les Juifs allemands, les connaisseurs distinguent encore une variété : le Juif polonais à gros nez et cheveux crépus[23].

À ses entreprises de finance le Juif du Midi mêle un grain de poésie, il vous prend votre bourse, — c’est la race qui veut cela, — mais à l’aide de conceptions qui ne manquent pas d’une certaine grandeur. Comme Mirés, comme Millaud, comme Péreire, il se frotte volontiers aux lettrés, il y a des journaux où l’on écrit quelquefois en français, il recherche l’homme de plume et s’honore de l’avoir à sa table, à la rigueur, si l’écrivain lui avait fait gagner cent mille francs, il lui mettrait cinq cents francs sous sa serviette.

Le Juif du Nord n’a même pas le génie du commerce, c’est le rogneur de ducats d’autrefois, celui qui, ainsi qu’on le disait à Francfort, faisait subir aux écus l’opération de la circoncision. Son confrère du Midi s’agite, se remue, s’ingénie, lui ne bouge pas, immobile et stagnant il attend le moment derrière son guichet, il déprécie les titres comme il dépréciait les monnaies, il s’enrichit sans produire jamais. L’un est la puce sautillante et gaie, l’autre est le pou visqueux et gluant, vivant dans l’inertie aux dépens du corps humain.

Le Sémite religieux, celui qui se souvient encore des jours où il ouvrait sa tente pour prier aux rayons du soleil levant, le Sémite relativement tolérant aussi, est l’homme du Midi. Le haineux, le faiseur de caricatures obscènes, celui qui crache sur le crucifix, est l’homme du Nord.

Les Juifs du Midi cependant ont beaucoup plus souffert que les Juifs du nord, mais ils ont été moins méprisés. Le martyre, comme il arrive, a grandi les descendants des victimes, tandis que l’habitude de vivre dans les humiliations publiques a plongé dans la dégradation les fils des Juifs allemands.

Ne vous y trompez pas cependant, le plus fort, le vrai Juif est le Juif du Nord. Pereire, poète et artiste jusqu’à un certain point, a essayé en vain de lutter contre Rothschild, il a été obligé de renoncer au combat d’où il était sorti fort meurtri. La presse et la banque juives n’ont pris Gambetta sous leur protection, et n’ont travaillé à faire presque passer grand homme le petit secrétaire de Crémieux que parce qu’en dépit de son sobriquet italien, il était Juif allemand d’origine.

Il semble que par une logique assez naturelle, le triomphe momentané du Juif doive s’incarner dans le Juif complet, dans le vrai Juif, dans le Juif le plus rampant, le plus longtemps honni au détriment du Juif déjà décrassé, poli, civilisé, humanisé.

Il ne faudrait pas d’ailleurs attacher plus d’importance qu’il ne convient à ces divisions. Portugais ou Allemands[24], Askenazim ou Sephardim[25], comme on dit à Jérusalem, tous, en dehors de dissentiments passagers, se tiennent étroitement unis contre le goy, l’étranger, le chrétien.

La question religieuse même ne joue qu’un rôle secondaire à côté de la question de race qui prime toutes les autres. Dans ceux mêmes qui ont abandonné le Judaïsme depuis deux ou trois générations, le Juif sait retrouver les siens, il démêle à des signes certains si une goutte de sang juif coule dans leurs veines, parfois même, — ce qui est très bien, — il épargne un ennemi parce qu’il a reconnu que c’était un frère qui avait perdu sa route.

Dans Daniel Deronda[26], cette merveilleuse étude de l’hébraïsme pour laquelle le Juif Lewes avait fait lire à sa compagne, Georges Elliot, le plus grand romancier de l’Angleterre après Dickens, deux ou trois cents volumes d’histoire, ce point est admirablement mis en lumière.

Daniel Deronda est un véritable héros de roman, un patricien beau, jeune, intelligent, éloquent qui ne se doute assurément pas qu’il est de la famille de Jacob, l’attraction de la race le pousse à s’éprendre d’une Juive. Alors intervient Mordecaï un de ces illuminés, un de ces sectaires qui mènent le monde à l’heure actuelle au profit de la cause sémitique. Il a reconnu le coréligionnaire sous le gentleman, il soulève devant lui un coin du voile qui cache cette politique du siècle incompréhensible pour les superficiels et les naïfs.

Daniel ne tarde pas à connaître toute la vérité. Il est le fils d’une cantatrice célèbre, l’Alcharisi a prié un de ses amants, lord Mallinger, d’adopter son fils et de l’élever comme un futur pair d’Angleterre. Tandis que l’enfant grandit, la comédienne poursuit le cours de ses succès, elle épouse un prince allemand, et quand Daniel a l’âge d’homme, elle se décide à lui révéler cette vérité qu’elle croit devoir l’attrister : « Ma mère, répond simplement Daniel, je suis heureux et fier d’être Juif. »

Mordecaï complète son initiation, il énumère à Daniel les services qu’il peut rendre aux siens, l’action qu’il peut exercer, il lui démontre qu’il est nécessaire de rétablir la nationalité d’Israël. Vous ne devineriez jamais pourquoi ? « Pour servir de modèle à l’Europe affranchie. Deronda a compris, il a trouvé selon son expression « sa direction sociale. » Il part pour l’Orient où tout le Sémitisme s’agite en ce moment. Il aura vu probablement Gambetta avant sa mort, il aura causé avec les banquiers juifs et les politiques juifs influents et leur aura dit : « Voyons, vieux frères, tâchez donc de faire tuer sur les rives lointaines quelques milliers de ces imbéciles de Français, cela fera du bien à Israël, à l’Angleterre… et à votre bourse. »

On comprend l’enthousiasme qu’inspirait à Alexandre Weill cette œuvre si, puissante et qui touche à tant de choses. Nul romancier en France ne serait de taille à écrire un livre de cette profondeur. Tout le Judaïsme moderne est là avec son interlopie, ses mœurs cabotines représentées par l’Alcharisi, sa conspiration permanente, sa propagande socialiste personnifiée dans Mordecaï et, dominant tout, la foi ardente dans la mission de la race.

Ainsi d’un bout à l’autre de l’univers, en Amérique comme en Abyssinie, Israël envoie des émissaires pour découvrir les débris des tribus perdues parmi lesquelles Gad et Ioaddé ont complètement disparu, tandis que d’autres ne sont représentées que par des membres peu nombreux. On les cherche avec une impatience qui se comprend, car tant qu’elles seront égarées la famille sera incomplète et on ne peut songer à rebâtir le Temple malgré toute la bonne volonté des Francs-Maçons.

Pour les retrouver le Juif Benjamin, né en Moldavie à Folscherry et mort à Londres le 4 mai 1864, avait visité pendant de longues années l’Égypte, la Syrie, le Diabekes le Kurdistan, Mossoul, Bagdad, la Perse. On l’avait surnommé Benjamin II en souvenir de Benjamin de Tudèle, le célèbre voyageur du XIIe siècle. Le rabbin Mardochée avait cru les apercevoir dans le Sahara, mais la chose n’est pas encore éclaircie. Un autre Juif, M. Wiener, professeur au lycée Bonaparte, a été les chercher dans l’Amérique du Sud, et les fonds du ministère de l’instruction publique sont employés à payer des missions qui poursuivent ce but patriotique. Après avoir fait le bonheur des Juifs de l’Algérie et de Tunisie, nous nous occupons de ceux du Maroc et de ceux de la Chine. C’est toujours cela de retrouvé en attendant que quelque nouveau « Flatters » meure pour aller annoncer aux égarés que leurs coreligionnaires sont les maîtres en Europe[27].

Nul Parisien n’a encore oublié la première de la Femme de Claude, la seule pièce de Dumas qu’on ait réussi à faire tomber complètement. « C’est trop tôt ! C’est trop tôt ! » murmuraient les Juifs gantés de frais, à la fois ravis et effrayés devant l’insolente déclaration de Daniel que Dumas fait parler comme parlait Cagliostro venant annoncer l’avenir[28]. Alphonse de Rothschild, qui n’a jamais brillé par la bravoure, se voyait déjà mis sous clef et obligé de rendre les trois ou quatre milliards qu’il nous a empruntés. Hélas ! La France a des oreilles pour ne pas entendre et Dumas pouvait tout dire sûr qu’il ne serait pas compris.

Elle est superbe, d’ailleurs, la tirade de Daniel et sans avouer complètement tout ce qu’Israël espère, résume admirablement l’action sémitique[29].

Lorsque Cyrus permit aux israélites de retourner en Palestine, seule la tribu de judas reparut, car il ne faut pas compter quelques débris de la tribu de Benjamin. Les onze tribus d’Éphraïm ne furent pas reconstituées. Que sont-elles devenues ? où sont elles ? Les uns les veulent en Asie, d’autres parlent de l’Abyssinie ou d’une oasis du centre de l’Afrique, et voilà que les Mormons s’en prétendent issues, affirmant qu’elles ont abordé en masse à ce continent. Eh bien je crois, après de longues recherches, que je sais enfin la vérité sur ce sujet et que je suis peut-être appelé à reconquérir notre patrie. Nous sommes dans une époque où chaque race a résolu de revendiquer et d’avoir bien à elle son sol, son foyer, sa langue et son temple. Il a assez longtemps que nous autres Israélites nous sommes dépossédés de tout cela. Nous avons été forcés de nous glisser dans les interstices des nations, d’où nous avons pénétré dans les intérêts des gouvernements, des sociétés, des individus. C’est beaucoup, ce n’est pas assez. On croit encore que la persécution nous a dispersés, elle nous a répandus, et nous tenant par la main nous formons aujourd’hui un filet dans lequel le monde pourrait bien se trouver pris le jour où il lui viendrait à l’idée de nous redevenir hostile, ou de se déclarer ingrat. En attendant nous ne voulons plus être un groupe, nous voulons être un peuple, plus qu’un peuple, une nation. La patrie idéale ne nous suffit plus, la patrie fixe et territoriale nous est devenue nécessaire et je pars pour chercher et lever notre acte de naissance légalisé. J’ai donc chance de voir du pays et d’aller de la Chine au Lac Salé et du lac Salé au grand Sahara. Chacun son idéal et sa folie, que Celui qui est nous conduise, et comme nous disons depuis des siècles dans nos jours de fête : l’année prochaine Jérusalem !

Il y a là cependant quelques inexactitudes, toutes les tribus sont retrouvées excepté, comme nous l’avons dit, Gad et Ioaddé, encore croit-on être sur la trace de Gad qui se trouve mêlée aux Nestoriens et aux Afghans[30]. C’est pour cela que Disraëli fit entreprendre à l’Angleterre, sous l’éternel prétexte d’une prétendue offense qui n’avait jamais existé, la guerre de l’Afghanistan qui a coûté tant d’hommes et tant d’argent. M. Gladstone, dans le grand meeting tenu le 8 octobre 1881, à Leeds, flétrissait énergiquement cette expédition désastreuse qui « avait eu pour résultat d’aliéner aux Anglais les Afghans amis, et de détruire la barrière morale qui existait entre l’Angleterre et l’empire Russe. « J’ai le plaisir de vous annoncer, ajoutait-il, que nous nous sommes presque complètement retirés de cette entreprise folle et criminelle et que nous avons pu effacer quelques-uns des souvenirs les plus malheureux et les plus scandaleux inscrits dans les fastes de notre histoire. »

Les événements de 1885 où l’Angleterre, en reculant devant la Russie, perdit tout son prestige dans les Indes, et prépara la chute prochaine de sa domination prouvent à quel point M. Gladstone avait vu juste dans cette question[31].

L’existence des juifs chinois n’est connue que depuis le XVIIIe siècle.

Le P. Ricci, le jésuite, dit M. d’Escayrac de Lauture, le premier et le plus grand missionnaire de son ordre en Chine, fut aussi le premier qui fit mention des Israélites chinois. Le P. Alexi les visita plus tard. Le P. Goyani copia les inscriptions hébraïques de leur synagogue, elles furent perdues, mais recopiées plus tard par le P. Gambit. Les Lettres édifiantes publiées au XVIIIe siècle par les jésuites nous font connaître ce que ces hommes éminents avaient pu apprendre. Depuis cette époque les missions ont été moins florissantes, les missionnaires protestants eux-mêmes ont plus écrit que vu, plus disserté que risqué.

C’est sous la dynastie des Khar (c’est-à-dire il y a deux mille ans au moins), que les Israélites parurent en Chine au nombre de 70 familles ou groupes portant le même nom. Leur nombre paraît s’être réduit, peut-être parce que beaucoup d’entre eux embrassèrent l’islamisme il y a quelques siècles.

Les Israélites occupèrent d’abord plusieurs villes parmi lesquelles Pékin. On ne les rencontre plus aujourd’hui qu’à Khai-Fou, chef-lieu du département du même nom Khai-Fou-Fou, ainsi que de la province et du gouvernement de Khouan, ville jadis immense et très peuplée, fort réduite après une inondation survenue en 1642, située au sud et à deux lieues environ du fleuve Jaune, par 32° 52′ de latitude nord et 1° 56′ 30″de longitude occidentale comptée de Pékin.

Les Israélites chinois ont un respect particulier pour le livre d’Esther qu’ils appellent Ipetha mama (la grande mère). Leurs rouleaux de la Thora n’ont ni points ni virgules, sous prétexte que Dieu a dicté la Loi si vite à Moïse qu’il n’a pu mettre la ponctuation.

Parmi ces dispersés de la famille d’Israël, les Falachas sont peut-être les plus intéressants.

Ils habitent, dit M. Joseph Halévy dans son rapport sur sa mission en Abyssinie, dans les provinces de Chiré, d’Adubo, d’Arguedié, dans le nord, leur teint est noir sans être nègre, ils portent ou des noms hébreux prononcés d’après l’habitude abyssinienne, ou des noms de circonstance, selon la coutume des anciens Hébreux et de la race Queez. Ils prétendent être les descendants des délégués juifs qui formaient un cortège d’honneur pour Maqueda, la fameuse reine de Saba et pour son fils Menilek qui avait le roi Salomon pour père.

Les Abyssins parlent sans cesse de Jérusalem et comptent bien sur la restauration de la nationalité juive.

Quoique les Juifs ne soient guère tendres pour nous, l’histoire d’un exode manqué de ces pauvres gens m’a ému malgré moi. Un jour, Théodoros couche en joue un prêtre Falachas. Épouvantés les malheureux se décident brusquement à se mettre en route pour cette Jérusalem dont le nom revient continuellement dans leurs entretiens. Ils abandonnent leurs cabanes, les vieillards prennent la tête de la caravane en chantant des hymnes et en agitant des branches d’arbres. Personne ne se doute dans la troupe de ce que c’est que le vaste Univers, ils s’attendent tous à rencontrer la mer Rouge et à la franchir à pieds secs comme ont fait leurs pères. Bientôt ils succombent de fatigue, ils voient l’espace s’élargir toujours devant eux, exténués ils s’arrêtent à Axoum, dans le Tigré, et prennent le parti de revenir en arrière.

Hélas ! Les hyènes et les scorpions ont pris possession des huttes abandonnées. Pour punir les fuyards on veut leur arracher leur Pentateuque et ils sont obligés de sacrifier leur dernière vache pour sauver leur précieux livre.

La scélératesse humaine est partout la même. De quelque côté que l’on regarde, on rencontre la tristesse et la persécution. Au bout du monde des gens, dont nous soupçonnons à peine l’existence souffrent, et meurent victimes de la méchanceté des hommes qui se retrouve identique sous toutes les latitudes.


Mais laissons ces Juifs lointains pour revenir à nos Juifs d’Europe.

Les Juifs de race plus que d’observance, comme Deronda, sont presque aussi nombreux que les autres. S’il n’y a pas de Jésuite de robe courte, il y a ce qu’on pourrait nommer des Juifs de robe courte. Disraeli, qui s’y connaissait, les a admirablement peints à maintes reprises travaillant mystérieusement à l’œuvre commune.

Qui ne se rappelle ce passage de Coningsby ou la Nouvelle génération ?

Cette diplomatie mystérieuse, rusée, qui cause tant de soucis à l’Europe occidentale, est organisée et menée à bonne fin principalement par les Juifs, la révolution formidable qui, en ce moment ci, se prépare en Allemagne et qui, dans le fait, ne sera qu’une deuxième Réforme plus importante, et dont on se doute encore si peu en Angleterre, développe son épanouissement entièrement sous les auspices de Juifs qui ont presque monopolisé le professorat en Allemagne. Néander, le fondateur du christianisme spirituel et professeur royal de théologie à l’Université de Berlin, est Juif. Benary non moins illustre, attaché à la même Université, est Juif Wehl, le professeur d’arabe à Heidelberg, est Juif… Mais, quant aux professeurs allemands de cette race, leur nom est légion je crois qu’il y en a plus de dix rien qu’à Berlin.

Il y a quelques années la Russie s’adressa à nous. Or, il n’y a jamais eu d’amitié entre la cour de Saint-Pétersbourg et ma famille. Elle a des relations hollandaises qui généralement ont fourni à ses besoins, et nos réclamations en faveur des Juifs polonais, — race nombreuse et la plus dégradée de toutes les tribus — n’avaient pas été du goût du tzar. Néanmoins, les circonstances amenèrent un rapprochement entre les Romanoff et les Sidonia. Je résolus de me rendre moi-même à Saint-Pétersbourg. Lors de mon arrivée j’eus une entrevue avec le ministre des finances russe, le comte Cancrin : j’eus affaire au fils d’un Juif lituanien. L’emprunt se reliait à des affaires en Espagne où je résous de me rendre en quittant la Russie.

J’eus une audience avec le ministre espagnol, Senor Mendizabal : je me trouvai en face d’un de mes semblables, le fils d’un Nuevo Christiano, un Juif d’Aragon. Par suite des révélations qui transpirèrent à Madrid, je me rendis directement à Paris pour consulter le président du conseil des ministres français. Je trouvai le fils d’un Juif français, un héros, un maréchal de l’Empire et ce n’est que juste, car qui voulez-vous qui soient des héros, sinon ceux qui adorent le Dieu des armées ?

Et Soult est-il Juif ?

Oui, ainsi que d’autres maréchaux de France et non les moins fameux : Masséna par exemple, — son nom réel était Manasseh, — mais revenons à mon anecdote. La conséquence de nos consultations fut qu’on s’adresserait à une des puissances du Nord à titre amiable et médiatif. Notre choix tomba sur la Prusse, et le président du Conseil fit une démarche auprès du ministre prussien qui, quelques jours après, vint assister à notre conférence. Le comte d’Arnim entra dans le salon et je reconnus un Juif prussien. Vous voyez donc, mon cher Coningsby, que le monde est gouverné par des personnages bien différents… à ce que s’imaginent ceux qui ne sont pas dans les coulisses.

Le tableau est intéressant et montre bien comment, sous des formes diverses et des déguisements différents, le Juif est en réalité partout. L’avidité proverbiale de Masséna, les exactions qu’il commit dans toutes ses campagnes tendent à confirmer ce que dit Disraeli de son origine juive, quoique l’acte de baptême du maréchal ait été publié dans l’Intermédiaire (no du 25 novembre 1882). Ney semble également avoir appartenu à la race. Quand à Soult l’opinion me paraît bien hasardée.

Une autre assertion de Disraëli, qui prétend ailleurs que beaucoup de membres de la Compagnie de Jésus ont été juifs est absolument insoutenable. Les Jésuites, auxquels leurs adversaires eux-mêmes n’ont jamais refusé une certaine intelligence, se sont toujours défiés des Juifs comme de la peste. Les règles de l’illustre Société sont formelles à cet égard, elles défendent absolument de recevoir dans la Compagnie quelqu’un qui descende de race juive ou sarrasine en remontant jusqu’au cinquième degré. C’est un empêchement absolu, indispensabilis, pour lequel le P. Général lui même ne peut accorder de dispense. Congregatio declaravit et statuit hoc decretum non essentialis sed indispensabilis impedimenti vim obtinere, sic scilicet ut nullus omnino superior ac ne ipse quidem Proepositus generalis in eo dispensare possit atque ita deinceps integre inviotateque servandum esse[32].

Le seul Juif qui soit jamais entré dans l’ordre à la suite de circonstances tout à fait exceptionnelles n’a pu y rester[33].

Ces prescriptions n’ont rien qui étonnent. Autrefois, en effet, on ne parlait pas à tout instant de sociologie, mais il existait une science sociale basée sur l’expérience, l’observation des faits, l’étude les types, on savait parfaitement quelle était la puissance de l’hérédité.

Les précautions prises contre les Maranes, les Judaïsants, les Sémites en un mot, qui semblent incompréhensibles à un peuple en pleine décadence comme le nôtre, répondaient à de très justes préoccupations de légitime défense sociale. Ne voyons-nous pas, d’ailleurs, la seule nation qui soit encore solide, qui tienne encore debout, l’Allemagne reprendre la question exactement sous la même forme et, sans s’occuper en aucune façon du point de vue religieux, essayer de réagir contre l’invasion sémitique ?

C’est sur ce terrain que se plaçait la Compagnie de Jésus, car elle n’excluait nullement de son sein les infidèles convertis, d’origine aryenne. « Pour les Tartares et les autres Mahométans qui sont, soit en Pologne, soit dans d’autres pays, on laisse à N. R. P. Général de pouvoir dispenser dans les cas de degrés de parenté visés plus haut, car on ne peut alléguer contre eux la même raison »[34].

Le Jésuite, d’ailleurs, est tout l’opposé du Juif Ignace de Loyola, est un pur Aryen. Le héros du siège de Pampelune, le chevalier de la Sainte Vierge, est le dernier des paladins. Il y a du don Quichotte dans ce saint, d’allure très moderne cependant, qui sur le tard vint s’asseoir sur les bancs de l’Université de Paris, comme s’il personnifiait en lui le mouvement en train de s’accomplir dans le monde où la plume désormais allait jouer le rôle que l’épée jouait aux âges antérieurs.

Quoi qu’il en soit de cette erreur, qui prouve que Disraéli connaissait mieux les Juifs que les Jésuites, l’homme d’État anglais n’en est pas moins intéressant à consulter.

Dans Endymion, Disraéli revient encore sur cette diplomatie occulte qui depuis un siècle a mis le monde sens dessus dessous.


Les Sémites exercent aujourd’hui une vaste influence sur les affaires par leur branche la plus petite, mais la plus originale : les juifs. Il n’est pas de race qui soit douée d’autant de ténacité et d’autant de qualités d’organisation. Ces dons lui ont acquis un empire sans précédent sur la propriété et sur le crédit illimité. À mesure que vous avancerez dans la vie et que vous gagnerez de l’expérience en affaires, les Juifs vous contrecarreront en tout. Depuis longtemps, ils se sont faufilés dans notre diplomatie secrète dont ils se sont presque emparés, dans un quart de siècle, ils réclameront leur part ouverte de gouvernement. Or, celles-là sont des races dont les hommes et les corporations, influencés dans leur conduite par leur organisation particulière, doivent entrer dans tous les calculs d’un homme d’État…


Les Juifs de robe courte, on le comprend, rendent des services d’autant plus signalés à la cause qu’ils sont moins en évidence. Dans l’administration, dans la diplomatie, dans les bureaux de journaux conservateurs, sous la robe du prêtre même, ils vivent sans être soupçonnés.

L’armée juive a donc à sa disposition trois corps d’armée :

Les vrais Juifs, les Juifs notoires, comme les appellent les Archives, qui vénèrent officiellement Abraham et Jacob et qui se contentent de réclamer la possibilité de faire leur fortune en restant fidèles à leur Dieu ;

Les Juifs déguisés en libres-penseurs (type Gambetta, Dreyfus, Raynal), qui mettent leur qualité de Juif dans leur poche, et persécutent les chrétiens au nom des glorieux principes de la tolérance et des droits sacrés de la liberté ;

Les Juifs conservateurs qui, chrétiens d’apparence, unis aux deux précédents par les liens les plus étroits, livrent à leurs camarades les secrets qui peuvent leur servir.

Dans ces conditions l’incroyable succès du Juif, quelque invraisemblable qu’il paraisse, la façon inouïe dont il pullule peuvent s’expliquer aisément.

La force du Juif c’est la solidarité. Tous les juifs sont solidaires les uns des autres comme le proclame l’Alliance israélite qui a pris pour emblème deux mains qui se rejoignent et s’entrelacent sous une auréole.

Ce principe est observé d’une extrémité à l’autre de l’univers avec une exactitude véritablement touchante.

On devine quel avantage, au point de vue humain, ce principe de la solidarité donne au Juif sur le chrétien qui, admirable de charité, est étranger à tout sentiment de solidarité.

Nul plus que moi, on peut le croire, n’admire cette fleur sublime que le christianisme a fait éclore dans l’âme humaine, cette charité infatigable, inépuisable, ardente qui donne toujours, qui donne sans cesse, qui donne non point l’argent seulement, mais le cœur lui-même, le temps, l’intelligence.

Ce que je voudrais indiquer dans cette œuvre qui est un travail de rigoureuse analyse, c’est la différence qui existe entre la solidarité du Juif et la charité du chrétien.

Les chrétiens ouvrent leurs bras tout grands à toutes les infortunes, ils répondent à tous les appels, mais ils ne se tiennent pas entre eux. Habitués, ce qui est assez naturel, à se considérer comme chez eux dans un pays qui leur appartient, ils n’ont point l’idée de se former en rangs serrés pour résister au Juif.

Le Juif en a donc assez facilement raison en les frappant isolément. Aujourd’hui, c’est un marchand dont un Juif désire le fonds et que tout le commerce israélite s’entend pour conduire tout doucement à la faillite. Demain, c’est un écrivain qui gêne et que les Juifs réduisent au désespoir et mènent à l’ivrognerie ou à la folie. Une autre fois c’est un grand seigneur porteur d’un beau nom et qui aura rudoyé aux courses un baron suspect, on s’arrange pour procurer au malheureux une maîtresse juive, un coulissier affilié à la bande vient lui proposer une affaire avantageuse, on amorce parfois la victime par un premier gain et finalement elle se trouve à la fois ruinée et notée d’infamie.

Si le marchand, l’écrivain, le grand seigneur s’étaient entendus, s’ils s’étaient unis, ils auraient échappé, ils se seraient défendus mutuellement, chacun aurait apporté un appui à l’autre, mais je le répète,’ils succombent sans se voir, et sans soupçonner même quel a été leur vrai ennemi.

Grâce à cette solidarité tout ce qui arrive à un Juif, dans le coin le plus reculé d’un désert prend les proportions d’un événement. Le Juif, en effet, a une façon de piailler qui n’est qu’à lui. Ce n’est pas en vain qu’on lui a dit : « Croissez et multipliez, innombrable postérité d’Abraham. »

La criaillerie du Juif rappelle toujours ces tumultes du moyen âge, où un infortuné porteur de loque jaune, rossé pour un méfait quelconque, poussait des lamentations affreuses qui agitaient tout le ghetto.

Par malheur pour les oreilles délicates il y a constamment dans le monde un Juif qui crie et qui réclame quelque chose. — Que réclame-t-il ? Ce qu’on lui a pris, ce qu’on aurait pu lui prendre et enfin ce qu’il aurait pu gagner.

Très souvent l’Anglais, qui sent une affaire, se met à crier derrière le Juif et à pousser des aôh aôh gutturaux qui rendent la cacophonie épouvantable.

Qui ne se souvient du Juif Pacifico que Thouvenel, alors autre représentant en Grèce, en un temps où nos représentants n’étaient ni Juifs, ni domestiques de Juifs, menaça, s’il ne se taisait pas, de faire pendre au grand mât d’un de nos navires de guerre ?

Qui ne se rappelle le Juif Lévy de l’Enfida ?

Qui a oublié Mortara, ce petit Juif à propos duquel toute la presse vendue à Israël accabla d’injures un saint pontife qui se contenta de dire au gamin avec son sourire angélique : « Cher enfant, tu ne sauras jamais ce que ton âme m’aura coûté ! »

Le père Momolo Mortara était un type, il exploitait son fils comme Raphaël Félix exploitait Rachel qu’il s’était réservé le droit, dans son traité avec l’impresario américain, de montrer morte et revêtue du peplum dans son cercueil. Dès que le père Mortara avait besoin d’argent, il sentait sa douleur se renouveler et il allait trouver Cavour. Cavour, qui prétendait que l’affaire Mortara l’avait autant aidé à faire l’Italie que Garibaldi, donnait quelques ducats au père éploré, les journaux libéraux français qui applaudissaient à l’unité italienne, comme ils devaient, avec leur patriotisme ordinaire, applaudir à l’unité allemande, entonnaient leur grand air de bravoure contre le fanatisme éternel, le Saint-office, le despotisme papal, ils versaient des larmes sur ce père qu’ils appelaient « une victime sacerdotale. »

La mort de Cavour et l’occupation de Rome par les italiens ruinèrent ce pauvre Mortara qu’on mit au rancart dès qu’on n’eut plus besoin de lui ; accusé d’assassinat, il passa devant la cour d’assises de Bologne le 28 octobre 1871, et il eut la chance d’être acquitté, grâce à l’appui des Francs-Maçons.

L’affaire Victor Noir est encore présente à toutes les mémoires. Victor Salmon, dit Victor Noir, était, selon l’ElbfZeitung, le petit-fils d’un Juif du Palatinat appelé Salme ou Salomon, qui était dans sa jeunesse et jusqu’en 1789 ministre officiant à Kirchheimbolandam. Lorsque le Palatinat devint province française ce Salomon s’engagea, je ne sais à la suite de quelles vicissitudes, dans l’armée italienne, devint officier, abandonna l’armée pour se marier, entreprit un petit commerce, n’y réussit pas et vint se fixer à Paris où il vécut en donnant des leçons.

Comme tous ces descendants d’aventuriers cosmopolites Victor Salomon entra dans le parti de la Révolution. Reporter de vingt-cinquième ordre, il quitte un jour son boulevard et vient insulter et frapper chez lui un prince de la famille impériale. L’autre, un peu moins amolli par le bien être que ses parents, use du droit de légitime défense et tire…

Si le mort avait été chrétien on l’aurait enterré et tout aurait fini là. Le mort s’appelait Salomon et pour arriver à toucher trente mille francs (depuis Judas le nombre trente est propice à ses descendants), les Juifs mettent tout Paris sur pied et sont sur le point de faire faire une révolution.


Un peintre vexé expose une charge d’un goût douteux. Le personnage raillé, maître incontesté du théâtre contemporain, académicien, auteur de vingt chefs-d’œuvre, fort au-dessus de pareilles plaisanteries, hausse les épaules et tout au plus, sur le conseil de ceux que Girardin nommait des « amis mortels, » se prépare paisiblement à intenter un procès. Un Juif se trouve là, éprouve le besoin de faire parler de lui et il se permet, lui incapable de produire une œuvre d’art, de venir abîmer brutalement une création artistique. Toutes les sympathies, qui étaient pour le vétéran des lettres françaises, se retournent immédiatement vers le peintre.

Supposez un élève de nos religieux indigné par la vue de ces ignobles caricatures, où les maîtres qui ont élevé tant de générations d’hommes éminents sont représentés dans des attitudes obscènes, déchirant brusquement une image ordurière. Vous entendez d’ici le commissaire de police :

— Môsieu, la propriété est sacrée, nul n’a le droit de se faire justice lui-même. Il ne vous reste plus, dans la voie où vous vous engagez, qu’à violer des domiciles et à crocheter des serrures. C’est le bagne alors……

Plat comme une punaise devant Lipmann, parce qu’il était Juif, le commissaire de police, — un Lévy ou un Schnerb quelconque, — n’a pas eu une minute la pensée de faire coucher au poste ce Juif sans gêne qui avait détruit volontairement un objet qui ne lui appartenait pas et au sujet duquel un procès était engagé.


Dès que le Juif intervient dans une affaire, vous êtes sûr qu’un effroyable tapage va se produire.

Comment est mort Olivier Pain ? Nul n’en sait rien. Ses amis le regrettent, mais le public ne s’en occupe pas. Par aventure, il se trouve que le prince de Bismarck, qui veut se rapprocher des tories qui viennent de rentrer au pouvoir et isoler la France de l’Angleterre, se dit qu’il ne serait pas mauvais de faire injurier un peu lord Lyons qui est depuis de longues années ambassadeur en France.

Le Juif Goëdschel Selikowitch entre alors en scène. C’est un ancien élève de cette école des Hautes Études devenue peu à peu une espèce de séminaire juif où l’on élève à la brochette des agents révolutionnaires, il a publié une brochure intitulée : le Schéol des Hébreux et le Sest des Egyptiens. C’est tout ce qu’on connaît de lui, en revanche lui connaît les choses les plus cachées, il a vu fusiller Olivier Pain, il l’affirme sur l’honneur, il déclare que cet attentat ne peut rester impuni.

On le croit, on organise des meetings d’indignation, on outrage grossièrement l’Angleterre, la reine, le prince de Galles, des notes diplomatiques sont envoyées. Rochefort jure qu’il va venger sur lord Lyons la mort de Pain. Les Parisiens savent que le pamphlétaire se bornera à aller parier quelques louis aux courses le lendemain, mais les naïfs s’épouvantent, l’ambassade anglaise ferme ses portes…

Un maudit Juif a suffi pour organiser ce charivari Comment le Juif fait-il pour déranger ainsi le monde ? Ne me le demandez pas, je n’en sais rien. C’est son secret, c’est un don spécial chez lui. « Cela lui vient naturellement, » comme au tambourinaire de Numa Roumestan.


A quelque pays qu’il appartienne, le Juif est sûr de trouver le même appui. La patrie, dans le sens que nous attachons à ce mot, n’a aucun sens pour le Sémite. Le Juif, — pour employer une expression énergique de l’Alliance israélite, — est d’un inexorable universalisme.

Je ne vois pas très bien pourquoi on reprocherait aux Juifs de penser ainsi. Que veut dire Patrie ? Terre des pères. Le sentiment de la Patrie se grave dans le cœur à la façon des noms écrits sur un arbre et que chaque année qui passe creuse et enfonce plus profondément dans l’écorce à mesure que l’arbre vieillit de façon à ce que l’arbre et le nom ne fassent qu’un. On ne s’improvise pas patriote, on l’est dans le sang, dans les moelles.

Le Sémite, perpétuellement nomade, peut-il éprouver des impressions aussi durables ?

Sans doute on peut changer de patrie comme certains Italiens l’ont fait au moment de l’arrivée en France de Catherine de Médicis, comme les protestants français au moment de la révocation de l’édit de Nantes. Mais pour que ces transplantations réussissent il faut que le sol moral soit le même à peu près que celui que l’on quitte, il faut que sous l’humus de surface il y ait le fonds chrétien.

La première condition, en outre, pour adopter une autre patrie, c’est de renoncer à la sienne. Or, le Juif a une patrie à laquelle il ne renonce jamais, c’est Jérusalem, la sainte et mystérieuse cité, Jérusalem, qui triomphante ou persécutée, joyeuse ou attristée, sert de lien à tous ses enfants qui chaque année au Rosch Haschana se disent : « l’an prochain à Jérusalem ! »

En dehors de Jérusalem tout pays, que ce soit la France, Allemagne ou l’Angleterre, est simplement pour le Juif un séjour, un lieu quelconque, une agglomération sociale au milieu de laquelle il peut se trouver bien, dont il peut même lui être profitable de servir momentanément les intérêts, mais dont il ne fait partie qu’à l’état d’associé libre, de membre temporaire.


Ici nous touchons à un point que nous avons déjà indiqué et sur lequel nous aurons encore à revenir : l’affaissement incontestable de l’intelligence française, le ramollissement partiel qui se traduit à la fois par un sympathisme vague qui consiste à aimer tout le monde et par une sorte de haine envieuse qui nous pousse à nous détester entre nous. C’est le cas de certains déments qui déshéritent leurs enfants et accablent de bons procédés les étrangers.

Si le cerveau de nos concitoyens fonctionnait de la façon régulière et normale dont fonctionnait le cerveau de leurs pères ils seraient vite convaincus que le Juif n’a absolument aucun motif d’être patriote.

Réfléchisses une minute et demandez-vous pourquoi un Reynal, un Bichofsheim, un Leven seraient attachés à la France des Croisades, de Bouvines, de Marignan, de Fontenoy, de saint Louis, d’Henri IV et de Louis XIV.

Par ses traditions, par ses croyances, par ses souvenirs cette France est la négation absolue de tout le tempérament juif. Cette France, quand elle n’a pas brûlé le Juif, lui a fermé obstinément ses portes, l’a couvert de mépris, a fait de son nom la plus cruelle des injures.

Je sais bien que, selon eux, une France nouvelle serait née dans les massacres de Septembre, qu’elle se serait purifiée de ses vieilles gloires avec le sang qui dégouttait des têtes coupées de vieillards et de femmes, que la révolution aurait été, selon l’expression du Juif Salvador, « un nouveau Sinaï »

Ce sont là des mots sonores mais vides de sens. Un pays reste ce qu’il était en naissant, comme un enfant qui grandit garde sa nature première. La France, l’Allemagne, l’Angleterre ne seront jamais des patries pour les Juifs et ceux-ci ont parfaitement raison, à mon avis, de n’être nulle part patriote et de suivre sous toutes les latitudes une politique distincte, personnelle, la politique juive.

Nos aïeux, qui étaient des gens sensés, savaient parfaitement cela et ils se défendaient. Faites-en autant s’il en est encore temps, mais ne vous étonnez pas, laissez à Victor Hugo, qui a fini par confier ses petits enfants à la garde d’un Juif, les tirades indignées contre Deutz.


Qu’il est charmant, disons-le entre parenthèses, cet épisode ! Comme tous les acteurs sont bien à leur place ! Voilà la descendante des Bourbons, l’Aryenne intrépide, chevaleresque, convaincue que tout le monde est comme elle, respirant de ses fines narines l’odeur de la poudre prête à s’élancer quand résonne le clairon de la Pénissiére.

A qui va-t-elle se confier ? A quelque fils d’artisan du Midi, à quelque enfant de l’enclos Rey, à quelque frère de ce Merault dont Daudet nous a dépeint, dans ses Rois en exil, l’âme enthousiaste et généreuse ? Non, une tête de linotte conduit cet être sans peur. C’est le Juif huileux, gluant, rampant, lippeux qui s’empare de cette confiance. Pas un Français de bon sens n’est là pour dire à la mère de son roi : « Y pensez-vous, princesse, les pères de ce malheureux ont été brûlés, persécutés, chassés par les rois vos augustes ancêtres, il vous hait et il a raison. »

L’autre est là également très nature, très intéressant, très typique. Il promet, sans rire, de rétablir le trône de Saint Louis qui a expulsé les siens, l’autel de ce Christ qu’il considère comme le plus méprisable des fourbes. Il se convertit même comme un simple Bauër. Il vend la princesse parce que c’est l’intérêt de sa religion et cherche par surcroît dans l’opération — sans ce trait la race ne serait pas complète — un tout bedit penefisse.

Les huées éclatent, il laisse passer l’orage avec la tranquillité que montrent ses congénères quand quelque pouf de bourse, quelque vol plus éhonté que les autres leur attirent des malédictions exaspérées. Crémieux prend son attitude des grands jours d’audience et déclare qu’il refuse de défendre cet indigne qui déshonore le peuple juif connu par sa loyauté proverbiale. Deutz ne bouge mie ; puis quand le vacarme est un peu passé, il va trouver Crémieux : Frère, lui dit-il, les injures de toute l’Europe m’émeuvent peu mais je tiens à votre estime et j’ai conscience de l’avoir toujours mérité en agissant au mieux des intérêts d’Israël. »

Crémieux naturellement opine du bonnet et délivre au bon Judas le certificat demandé.

Ce serait dommage d’ailleurs de ne pas donner la harangue que s’adressent mutuellement les deux Gaspard.

Deutz parle comme un brave député de l’Union républicaine, comme son coreligionnaire Gambetta il dirait, volontiers : « le cléricalisme c’est l’ennemi.

Cet écrit, dit-il[35], n’est pas une justification qu’il présente à ses juges, il n’en a pas besoin et sa conscience, le plus intègre et le plus sévère des juges, lui dit assez qu’en étouffant la guerre civile près de se rallumer plus active et plus dévorante, en épargnant le sang de tant de généreux citoyens, en frappant de mort ce parti, irréconciliable ennemi de nos libertés, il a rendu au pays un immense service.[36]

J’ai sacrifié, conclut-il, à mes convictions de citoyen mes intérêts d’homme.

Crémieux, le futur patron de Gambetta, trouve cela fort beau. La définition de l’intention par ce parfait républicain remplirait de joie ce loyal Paul Bert auprès duquel ce pauvre Escobar n’est qu’un enfant.

L’intention, dit le casuiste rouge, est sans aucun doute ce qui constitue l’innocence ou le crime, mais l’intention ne se produit pas tout de suite au grand jour et quand les actes sont de prime abord de nature à soulever la conscience, ce n’est pas l’intention qu’on recherche, ce sont les actes qu’on voit et qu’on juge.

Aux équivoques et aux arguties de Crémieux, on est heureux de pouvoir opposer la lettre adressée par M. Alexandre Dumas à M. Nauroy, le 13 mars 1883.

La scène que décrit Dumas est vraiment dramatique et belle.

Voici, d’ailleurs, la lettre en entier.

Monsieur,

Voici le fait :

J’ai eu pour camarade de collège, et pour ami intime depuis, Henri Didier, député de l’Ariège sous l’Empire, mort en 1868. Il était le petit-fils de Didier, fusillé à Grenoble sous la Restauration, à la suite d’une conspiration bonapartiste, et fils du Didier qui était secrétaire général au ministère de l’intérieur, quand eut lieu l’arrestation de la duchesse de Berry sur la dénonciation de Deutz. C’est ce Didier-là qui fut chargé de payer au dénonciateur les 500,000 francs qu’il avait demandés. Mon ami m’a raconté un jour, en me faisant promettre de ne livrer le fait à la publicité qu’après sa mort, que son père, le jour du paiement, l’avait fait cacher, lui, enfant âgé de dix ans à cette époque, derrière une tapisserie de son cabinet, et lui avait dit : Regarde bien ce qui va se passer et ne l’oublie jamais. Il faut que tu saches de bonne heure ce que c’est qu’un lâche et comment on le paie. Henri se cacha, Deutz fut introduit. M. Didier était debout devant son bureau sur lequel se trouvaient les 500,000 francs en deux paquets de 250, 000 francs chacun. Au moment où Deutz s’approchait, M. Didier lui fit signe de la main de s’arrêter, puis, prenant des pincettes, il s’en servit pour tendre les deux paquets l’un après l’autre à Deutz, après quoi il lui indiqua la porte. Pas un mot ne fut prononcé pendant cette scène que je vous raconte telle qu’elle m’a été racontée par mon ami, le plus honnête homme de la terre. Voici, Monsieur, tous les renseignements que je puis vous donner à ce sujet. j’ignore aussi la date de la mort de Deutz.

Veuilles agréer, Monsieur, l’assurance de mes sentiments les plus distingués.

A. Dumas.


Selon une opinion assez accréditée les pièces fort intéressantes qui composaient le dossier de Deutz aux Archives nationales auraient disparu.

En tout cas la communication de ces pièces a été formellement refusée par le Franc-maçon Ferry à M. Nauroy, comme en témoigne une lettre publiée par celui-ci dans le Figaro du 19 mars 1883[37]. Le prétexte allégué par Ferry, dans une lettre signée de lui, était des raisons de haute convenance. N’est-ce pas joli cette parole sous la plume d’un des membres de ce gouvernement du 4 Septembre, qui a vidé les tiroirs des Tuileries avec un sans gêne de laquais, et livré à la curiosité de tous des papiers d’une nature tout intime ? Pour des documents qui datent de cinquante ans, et qui par conséquent appartiennent déjà à l’histoire, la question, parait-il, est toute différente. Il est vrai qu’il s’agit de Deutz, le coreligionnaire de Rothschild.

Un peu suffoqué par une telle réponse venant de Ferry,

M. Nauroy fit demander dans l’Intermédiaire des renseignements sur Deutz. Mais une nouvelle complication se produisit. M. Faucou, directeur de l’Intermédiaire, reçut des renseignements excessivement curieux, mais, soit par un scrupule qui s’explique, soit par la crainte de se brouiller avec Israël et de perdre sa petite situation à Carnavalet, il se refusa à communiquer ces renseignements à M. Nauroy. Celui-ci eut un moment l’intention de lui faire un procès qu’il aurait naturellement perdu.

Ce qui est certain, c’est que Deutz n’est pas mort ruiné en Amérique. Les trente deniers multipliés par cinq cent mille francs ont prospéré entre ses mains.

Deutz a laissé deux fils qui ont pris le nom de Goldsmith. L’aîné a péri dans un naufrage, le second est fixé à Londres.

Le frère de Deutz s’appelle M. Du… Il ne semble pas avoir demandé l’autorisation de changer de nom, du moins on ne trouve nulle trace de cette autorisation dans le Bulletin des lois, il est plus probable qu’il aura suivi l’exemple de beaucoup de Juifs allemands et qu’il se sera fait naturaliser sous un nouveau nom[38]. M. Du… possède une fortune énorme gagnée à la Bourse, c’est un habitué de nos théâtres, il habite un splendide appartement dans le quartier de l’Opéra.

La sœur de Deutz existe encore et se nomme Mme S.

Les enfants ne sont pas responsables des fautes des parents, telle est la thèse invoquée par M. Faucou, pour refuser à M. Nauroy communication des documents en question. Cette thèse serait juste si les enfants avaient renoncé à l’argent du crime, dans ce cas ils seraient dignes de toutes les sympathies, mais vouloir jouir du bien-être conquis par l’infamie du père et ne pas vouloir supporter le mépris mérité par cette infamie est contraire à toute morale. Dans ces conditions le brave homme, qui résisterait à toutes les tentations pour laisser un nom honorable aux siens, serait une simple dupe, un franc imbécile. Le niveau de la morale publique est tellement bas que la conduite de M. Faucou semblera louable à beaucoup.


Encore une fois il ne faut par juger les Juifs d’après nos idées. Il est incontestable que tout Juif trahit celui qui l’emploie. Cavour disait de son secrétaire le Juif Artom : « Cet homme m’est précieux pour faire connaître ce que j’ai à dire, je ne sais pas comment il s’y prend, mais je n’ai pas plutôt prononcé un mot qu’il m’a trahi avant même d’être sorti de mon cabinet. « Pourquoi Dieu aurait-il créé le Juif, dit à son tour le prince de Bismarck, si ce n’était pour servir d’espions. »

Sédécias empoisonne Charles le Chauve. Le Juif Meïre empoisonne Henri III de Castille, le Conseil des Dix discute, le 9 juillet 1477, la proposition du Juif Salomoncini et de ses frères qui offrent de faire empoisonner Mahomet II par le médecin juif Vatcho[39]. Le Juif Lopes, médecin d’Elisabeth, est pendu pour s’être vendu à Philippe II. Le Juif Lewis Goldsmith sert d’espion à Talleyrand en Angleterre pendant le premier empire, le Juif Michel est guillotiné pour avoir livré à la Russie des documents militaires. Un autre Goldsmith dérobe, il y a trois ans, les plans du grand État major prussien. On sait le rôle qu’a joué la Païva avant la guerre. Qui ne se rappelle les tentatives faites par la juive Kaulla pour surprendre nos plans de mobilisation ? Qui a oublié Esther Guimont et son fameux salon politique ?

Le Juif Gustave Klootz, dont les parents ou les homonymes avaient, je crois, éprouvé quelques désagréments judiciaires à Paris vers 1869, trahit le général Hicks, qui est égorgé avec ses troupes par les soldats du Mahdi. Klootz reçoit une forte somme d’argent et il est nommé général.

Krajewski se confie au Juif Adler qui le vend à la Prusse et le vieux poète polonais est jeté dans une forteresse.

Devant ces faits qu’il serait facile de multiplier à l’infini, il est visible qu’il s’agit non d’un cas isolé qui ne prouve rien contre une collectivité, mais d’une vocation spéciale à une race, la vocation d’Abraham.

Pour les Juifs cela constitue-t-il de l’espionnage ou de la trahison ? En aucune façon. Ils ne trahissent pas une patrie qu’ils n’ont pas, ils font les affaires de la diplomatie, de la politique voilà tout. Les vrais traîtres à leur pays sont les natifs qui laissent des étrangers mettre le nez dans ce qui ne les regarde pas. Les ministres républicains qui, non contents de nommer officier de là Légion d’honneur Oppert de Blowits, allemand de naissance et anglais d’oc- casion, le prennent pour confident, lui livrent le secret de nos arsenaux, sont dignes de tous les mépris. Mais de quel droit empêcheriez vous ce Juif oscillant entre deux patries de favoriser de ses renseignements celle des deux qui paye le mieux ?


Ceci on le comprend rend fort difficile l’étude du Juif au point de vue de la criminalité. Comme dit cet excellent Crémieux, c’est l’intention qui est tout. Le mal que font les Juifs, mal épouvantable, insondable, inconnu, rentre dans la catégorie des crimes commis au nom de la raison d’Etat. Assassiner, ruiner, dépouiller le chrétien constitue pour eux un crime agréable à Dieu. Comme l’explique Eisenmenger dans le Judaïsme dévoilé, c’est ce qu’ils appellent faire un Korban.

Tel juif qui aura, à l’aide de ses coreligionnaires, réduit au désespoir ou au suicide un négociant chrétien dont il veut prendre la place, sera vis-à-vis des siens le plus charitable, le plus serviable, le plus désintéressé des amis.

L’absence de tout document statistique sérieux, l’habileté avec laquelle les Juifs, qui sont tous de connivence entre eux, cachent leurs actes, entourent, je le répète, toute recherche de ce genre de difficultés presque insurmontables.

En 1847, M. Cerfbeer de Medelshein[40] avait donné quelques chiffres intéressants quoique fort en l’air.

Il existe, disait-il, dans les vingt-deux principales prisons du royaume, environ 18.000 condamnés à diverses peines.

Sur ces 18.000 condamnés le nombre des juifs est à peu près de 110. Or la population totale du royaume étant de 34.000.000 d’habitants, la proportion d’un condamné est d’à peu près un demi pour cent sur mille individus.

Les juifs au contraire, étant à peu près 100.000, la proportion des condamnés israélites est donc de plus de un sur mille de leurs coreligionnaires.

Il faut ajouter que les Juifs commettent rarement des crimes violents et qu’en outre soutenus par la Franc-maçonnerie particulière que Bismarck appelle l’Internationale dorée, Golden internationale, ils échappent presque toujours à la loi.

Dans le numéro de la Revue des Deux Mondes, du 15 juillet 1867, Maxime Du Camp a publié quelques renseignements qui ont pris place, plus tard, avec certaines modifications, dans le beau livre Paris, ses organes, ses fonctions et sa vie, renseignements doublement intéressants en ce sens que les Juifs n’ayant pas encore envahi toutes les places, on peut supposer que ces faits ont une base assez exacte. Aujourd’hui que la Franc-maçonnerie a pris possession de la Préfecture, on met tous les crimes commis par les Juifs sur le dos de ceux qui sont signalés comme catholiques. Si vous alliez demander quelques documents sur Israël, le frère *** Caubet, qui est à la solde de l’Alliance, aposterait immédiatement des agents juifs qui attesteraient, sous la foi du serment, qu’ils vous ont vu assassiner votre père.

Il est aisé de comprendre que les innombrables Lévy, Salomon, Mayer, qui peuplent la préfecture de police depuis les commissariats jusqu’au dernier emploi d’inspecteur de la sûreté, n’arrêteront un de leurs coreligionnaires qu’à la dernière extrémité[41].

Voici ce qu’écrivait Maxime Du Camp à une époque déjà bien éloignée de nous moins par les années écoulées que par les changements accomplis.

Les condamnations qui ont atteint les Nathan père, mère, frères et gendres, en tout quatorze personnes, représentaient un total de deux cents années de prison[42]. Ce sont les juifs principalement qui, se livrant à des méfaits humbles, mais incessants, accomplissent ces sortes de fonctions héréditaires ils sont à craindre non pour leur audace, car rarement ils assassinent, mais par leur persistance dans le mal, par l’inviolable secret qu’ils gardent entre eux, par la Patience qu’ils déploient et la facilité qu’ils trouvent pour se cacher chez leurs coreligionnaires. Les voleurs juifs se mettent rarement en lutte ouverte contre la société, mais ils sont toujours à l’état de lutte sourde et astucieuse on dirait qu’ils prennent une revanche, qu’ils sont dans leur droit et qu’après tout ils ne font que ressaisir, lorsque l’occasion se présente, un bien dont leurs ancêtres ont été si souvent et si violemment dépouillés par les nôtres.

Parfois ils se réunissent par bandes et font le vol en grand comme on fait le négoce[43] Ils ont leurs correspondants, leurs entrepôts, leurs acheteurs. C’est ainsi que procédaient les Nathan, dont je, viens de parler, les Klein, les Blum, les Cerf, les Lévy. Tout leur est bon, les plombs détachés des gouttières aussi bien que les mouchoirs enlevés d’une poche. Le chef prend généralement le titre de commissionnaire en marchandises et fait des expéditions vers l’Amérique du Nord, l’Allemagne et la Russie. Le jargon hébraico-germain, qu’ils parlent entre eux, est incompréhensible et sert encore à égarer les recherches. Ils sont les premiers receleurs du monde et dissimulent leur larcin derrière un métier ostensiblement exercé.

Un vieux juif nommé Cornu, ancien chauffeur, se promenait un jour de beau temps aux Champs Elysées. Il est rencontré par deux voleurs grands admirateurs de ses hauts faits qui lui disent :

« Eh bien, père Cornu, que faites-vous maintenant »

« Toujours la grande soulasse, répond-il avec bonhomie, toujours la grande soulasse. »

(La grande soulasse, c’est l’assassinat suivi de vol[44] !

Tout cela n’a guère qu’un intérêt rétrospectif. Cornu n’aurait plus besoin maintenant de faire la grande soulasse, il serait comme ministre aux travaux publics au lieu d’être aux travaux forcés et puiserait à même dans l’aerarium. Nathan apprendrait à la France comment on joue du monseigneur, il serait officier de la Légion d’honneur comme Clément, et deviendrait ainsi le collègue de vieux soldats très honorés d’un tel voisinage. Cerf aurait repris son nom allemand, il aurait une chasse magnifique aux environs de Paris et, comme quelqu’un que vous connaissez, il recevrait l’élite du Jockey. Venus au monde trente ans avant, Hendlé, Cohn, Schnerb, Isaie Levaillant auraient été casseurs de porte dans une des bandes hébraïco-germaines dont parle Maxime Du Camp, ils sont préfets aujourd’hui. Vous me direz peut-être que cela ne les change pas beaucoup d’occupation…..

Après avoir écrit cela, Du Camp a eu de la chance d’entrer à l’Académie. Quiconque a attaqué les Juifs, Toussenel, le savant poète, Capefigue, l’auteur de cinquante volumes excellents, Goncourt même qui commence à peine à sortir de l’ombre, a été tenu en dehors du succès, sur un mot d’ordre la presse juive a fait le silence autour de lui. Dans le cas où la chose est possible, où l’écrivain ennemi n’a pas déjà une notoriété qui le protège, on lui tend simplement un piège dans un quartier où un commissaire juif est de service et le tour est joué.


L’affaire, qui permet d’étudier le plus facilement le Juif, est l’assassinat de l’horloger Peschard à Caen, qui est intéressante comme un roman. Là, tous les accusés sont Juifs allemands. Minder dit Graft, Gugenheim dit Mayer, Louise Mayer ont tous une physionomie caractéristique. Salomon Ulmo, le fourgat, honnête négociant en apparence, en réalité affilié à une bande d’assassins, est particulièrement plein de relief.

Le mot du procès, le mot, de la politique juive dans tous les pays et dans tous les rangs de la société, est dit presque naïvement par Mme Ulmo qui répond textuellement au président. « Dans notre religion, toutes les fois que nous pouvons refaire un catholique, c’est pain bénit. »

Rien de plus régulier, que ces intérieurs de bandits, l’assassinat n’est qu’une spéculation comme une autre et n’exclut pas les vertus domestiques. La famille des Ulmo était admirablement posée à Chaumont, ville qui contient du reste pas mal de Juifs. Le fils, disent les témoins, était fort appliqué aux affaires, il ne fréquentait pas les jeunes gens de son âge et n’allait jamais au café, il avait la soumission la plus aveugle pour son père. La parcimonie la plus incroyable régnait dans ce ménage, la dépense ne s’élevait guère à plus de 35 ou 45 fr. par mois.

L’affaire Peschard remonte au 30 août 1857, elle serait étouffée de suite aujourd’hui. On ne poursuit plus les Juifs, sous le gouvernement actuel, que dans des occasions fort rares et quand il est absolument impossible de faire autrement[45].

Quand la justice fait semblant de s’occuper des Juifs c’est pour leur rendre service. Il y a deux ans, un groupe d’actionnaires assigne le baron d’Erlanger et les débats font connaître force faits qui sont loin d’être propres. Que fait le ministre de la justice pour empêcher l’affaire de suivre son cours ? Il fait déclarer par un substitut qu’une instruction est ouverte contre le baron d’Erlanger et le tribunal est bien forcé de surseoir à la continuation des débats. Inutile de dire que personne n’a jamais entendu parler du résultat de cette instruction qui s’est terminée par une ordonnance de non-lieu.

De cette impunité presque complète des Juifs les preuves s’accumulent chaque jour sous nos yeux.

Est-il nécessaire de rappeler aux Parisiens l’histoire de cette pauvre petite courtisane espagnole, débordante de gaîté et de vitalité, ayant pour l’idée même du suicide une horreur insurmontable et qui passe encore pour s’être jetée par la fenêtre tandis qu’elle a été précipitée du haut du balcon par un Juif qui avait du sang de barbare dans les veines et qui rêvait un mariage princier ? — A la simple inspection des lieux un enfant aurait reconnu l’invraisemblance de cette histoire.

En 1882, une femme, une Smyrniote, est arrêtée dans un grand magasin en flagrant délit de vol. Cette femme se trouve être la belle-sœur d’un acteur d’origine grecque qui lui-même a épousé une comédienne juive qui fatigue Paris du bruit de ses réclames. Parente de juive, il suffit, on déclare que la voleuse est atteinte de cleptomanie, peut-être parce qu’elle venait du pays des Kleptes.

Je suis enchanté, d’ailleurs, pour elle de cette déclaration et je ne suis pas loin d’admettre avec le Dr Lassègue que toutes les voleuses de magasin sont des malades. Imaginez pourtant une femme appartenant à une famille chrétienne et dérobant un objet de dix sous dans un magasin juif et vous verrez si elle sera cleftomane.

Sarah Bernhardt indignée par le livre de Marie Colombier envahit avec trois compagnons l’appartement de sa rivale, armée d’une cravache qui était, comme dit Wolff, le présent d’un illustre guerrier. ». Elle brise tout sur son passage. Il y a manifestement violation de domicile. A-t-on poursuivi ?

Si l’affaire du général Ney n’a jamais été éclaircie c’est qu’il y avait une Juive en cause, et qu’on craignait par dessus toutes les conséquences d’un procès en bigamie. La plupart des faillites des commissaires en marchandises juifs, qui ne sont que des escroqueries dans le genre de celle dont parle Du Camp, sont arrangées. Le goy est fait pour être volé.

Pour ne citer que des faits tout récents, n’avons-nous pas vu deux Juifs de Mayence, les frères Bloch s’établir en 1882, rue d’Aboukir, se faire livrer des marchandises de toutes sortes et s’enfuir en septembre 1883, à la veille d’une échéance de trois cent mille francs ? Au mois d’août 1884 un autre Juif allemand, Mendel, établi rue d’Enghien, disparaît en emportant aux fabricants de la place de Paris pour six cent mille francs de diamants. Essayez donc de faire cela en Allemagne.

Les innombrables changeurs juifs qui lèvent le pied avec les économies des pauvres diables qui ont travaillé toute leur vie pour amasser quatre sous s’en vont tranquilles comme Baptiste. Ce sont probablement des agents de police qui portent leurs sacoches à la gare, prennent leur place au guichet et recommandent au chef de train de ne pas les réveiller en route[46].

Le Juif Jean David, directeur du Crédit national, enlève plus de trois millions aux malheureux qui lui ont confié leurs fonds. Douze cents personnes l’accusent d’abus de confiance et nos incorruptibles magistrats, qui ont refusé un délai de trois jours pour réunir une assemblée d’actionnaires aux directeurs de l’Union générale contre lesquels une seule plainte, plainte absolument injustifiable, avait été déposée, laissent tranquillement partir David. Ce n’est que par défaut qu’il est condamné par la onzième Chambre correctionnelle à dix ans de prison, à 3,000 francs d’amende et à 5 ans de surveillance ce qui, vous pouvez m’en croire, lui est bien égal.

Quand on fit une perquisition chez ce David on y trouva deux cents lettres de députés. Un magistrat honnête, qui prit sur lui de l’arrêter une première fois au moment où il allait fuir, saisit sur lui quarante mille francs, dix mille francs, par une bienveillance excessive encore, furent remis à la femme du misérable, qui porte un nom illustre dans l’histoire des arts, trente mille francs déposés au greffe. Le Domaine refusa de profiter de l’occasion pour rentrer dans les amendes qui lui étaient dues et, grâce aux démarches d’hommes politiques, David put aller jouir tranquillement à l’étranger du produit de ses vols.

Sans doute on rencontre encore, par ci par là, quelques substituts naïfs qui prennent leur mission au sérieux et qui n’hésitent pas à flétrir les tripoteurs, même quand ils sont Juifs. M. le substitut Bulot eut ce courage dans l’affaire de Brelay et d’un second Jean David qui avait été un des acolytes de Gambetta[47].

M. Jean David, disait-il, a une grande situation politique, qui lui imposait d’être d’autant plus circonspect. Quand on a l’honneur de représenter un collège électoral, on est revêtu d’une dignité qui ne vous appartient pas à vous seul, on n’a pas le droit de la compromettre en de semblables promiscuités, et d’être tour à tour le collègue d’un Philippart ou d’un Giros.

Quelque amertume que j’éprouve à m’exprimer ainsi, je suis obligé de constater que M. jean David et M. Brelay ont trop longtemps méconnu ces devoirs. M. Jean David était au Comptoir industriel, aux Forges de Champagne, et président du conseil d’administration des Messageries fluviales.

Au comptoir, il a dirigé la Presse, il est d’ailleurs un des membres du conseil qui ont reconnu à l’audience qu’on avait payé la Presse un prix de fantaisie. Il a vu finir la Banque Européenne et créer le Comptoir, il a suivi jusqu’au bout sa fortune, il a encouru une lourde responsabilité, que vous apprécierez.

Ces passages d’une lettre que je reçois la lui feront comprendre, elle émane d’un actionnaire fort humble. Si un pauvre diable, comme moi et beaucoup de mes camarades, n’avait pas vu sur les prospectus d’émission les noms connus des députés de son propre arrondissement, M. jean David, et surtout M. Brelay, aurait-il souscrit ? Assurément non. Gros et Adam que vous poursuivez comme escroquerie, cela est bien ! Mais n’oublies pas je vous prie, ceux qui prêtent leurs noms pour attirer le pauvre gogo ! Jean David et Brelay, voilà les coupables ! Ils m’ont enlevé les 5, 000 fr. d’économies que j’avais. »

A quoi cela sert-il ? Vous croyez que David va courber la tête sous cette flétrissure méritée ? Allons donc ! Il ricane comme Raynal ricanera plus tard quand on lui parlera des morts du Tonkin, il semble dire : « Ma religion m’ordonne ce que vous condamnez, je n’ai que faire de vos appréciations. « Il est sûr, d’ailleurs, de l’impunité et convaincu de faits punissables du bagne, il se tire d’affaire avec cinq cents francs d’amende, qu’il ne payera probablement pas plus que son homonyme du Crédit national n’a payé les siennes.

Il faut entendre Macé vous raconter comment les mandats, que le parquet lui remettait pour les exécuter immédiatement, étaient repris par Caubet. « Cet homme est Franc-maçon, vous n’exécuterez pas ce mandat ! »

Comment Caubet refuserait-il quelque chose à la Maçonnerie ? Quelles poursuites n’arrêterait-il pas pour les frères ? Quelles infamies ne glisserait-il pas dans le dossier des adversaires ? Il y, a quelques années, assis derrière son pauvre petit comptoir de papeterie de la rue de Seine, il guettait anxieusement le bruit de la sonnette grêle que faisait tinter un enfant qui venait acheter un crayon ou une feuille d’images d’un sou. Aujourd’hui il touche des appointements fabuleux, il est officier de la Légion d’honneur et, au mépris des règlements, il a, à son service privé, toute une domesticité d’agents détournés de leurs emplois, il dit :. François, faites atteler nos chevaux à notre voiture pour conduire notre maison. »


Cette impunité tacitement garantie non seulement permet aux Juifs d’arracher aux malheureux leurs économies, elle explique par l’accaparement cette cherté de toute chose qui pèse lourdement sur les pauvres.

L’article 420 du Code pénal cependant est formel, il punit l’accaparement d’une peine de deux ans de prison.

Comment se fait-il alors qu’on ait permis à Bidermann, qui s’est suicidé au mois d’avril 1883, chez son associé, M. Carlin, d’accaparer les huiles du monde entier. C’était le cas ou jamais d’appliquer les lois existantes.

Tous les journaux ont donné des détails sur cette opération gigantesque.

L’événement commercial de la semaine, disait le journal des Débats, est l’effondrement de cette fameuse « opération » sur l’huile de colza qui tenait en haleine depuis plusieurs mois tous les marchés européens. Un syndicat s’était formé et, soutenu par de grandes puissances financières, avait acheté des quantités considérables d’huile à Paris, à Berlin, à Cologne, à Hambourg et avait, par ses achats continuels poussé les prix de 75 fr. jusqu’à 105 et 110 fr. L’opération avait ainsi acquis 45.000.000 de kilos d’huile. En ces derniers temps, la situation était devenue très tendue.

Ces accaparements formidables, qui troublent si profondément l’équilibre économique et qui donnent à quelques individus une puissance effrayante, sont un des côtés saisissants du règne des Juifs. Il y a des rois comme les appellent les Archives israélites. Éphrussi, propriétaire des 9 marques, est maintenant le roi du blé comme l’était Moïse Friendlender, né à Oldenbourg, en 1822, et mort en 1878 à San Francisco. Moïse Ranger était le roi des cotons, il fit, en 1883, à Liverpool, une faillite de 750, 000 livres, 18,000,750 francs. Stroüsberg, de son vrai nom Baruch Hirsch Stroüesberg était le roi des chemins de fer[48].

L’audace avec laquelle ces gens traitent ces opérations énormes, qui sont de simples parties de jeu pour eux. est incroyable. En une séance Michel Ephrussi achète ou vend pour dix ou quinze millions d’huiles ou de blés. Nul trouble ; assis pendant deux heures près d’une colonne à la Bourse et tenant flegmatiquement sa barbe dans la main gauche, il distribue des ordres à trente courtiers qui s’empressent autour de lui le crayon tendu. Parfois M. de Gontaut-Biron, qui est un habitué de la Bourse, vient le distraire en lui racontant les petits scandales du monde. Le matin il est déjà allé à Chantilly surveiller son écurie et s’assurer que Cunnington donnait un bon ouvrage à Sérénade dans la route des Lions ; il a déjeuné au café Anglais jusqu’à une heure 3/4 ; après la Bourse il va faire un tour au bois et le soir conduit le cotillon dans le faubourg Saint-Germain où, malgré la sordidité de sa naissance, il est le mieux vu des Juifs de Paris et véritablement personna grata.

C’est de cet homme, de la fantaisie qui lui passe par la tète de se mettre à la hausse ou à la baisse, que dépend la question du pain pour des milliers d’êtres humains.


A l’heure présente, il est inutile d’insister sur ce point, nulle recherche sérieuse n’est possible sur la statistique criminelle des Juifs.

Ils ont même inventé, pour les Juifs qui ont eu des chagrins en des temps moins prospères pour Israël, une sorte de réhabilitation spéciale, la réhabilitation ministérielle, qui est aussi légale à peu près que la violation de domicile par décrets. Jadis, un failli n’était réhabilité que quand il avait payé intégralement ses créanciers. M. David Raynal a changé tout cela en faveur de M. Lévy Bing.

Cette fois c’est un des coreligionnaires du failli, M. Alexandre Weill, qui a protesté par une lettre publiée par l’Evènement au mois de juin 1883, avec d’autant plus d’indignation que l’écrivain, Juif fanatique, mais caractère droit, n’est pas de la juiverie tripotante… et qu’ensuite il avait perdu 36,000 francs qui, selon sa pittoresque expression, « n’avaient pas été réhabilités, » pas plus que les douze millions des autres actionnaires.

« Ce que je sais, dit M. Weill en terminant, c’est que M. Raynal, le gendre de Lévy Bing, la cheville ouvrière de cette malheureuse banque, est le frère de M. Raynal, qui dans ce moment-ci est ministre de…….je ne me rappelle plus de quoi. »

Ce David Raynal, un des affidés de Gambetta, est lui-même un personnage extraordinaire. Il figure dans le Bottin de Bordeaux de 1883 avec un nommé Astruc sous la mention suivante :

Astruc (Fernand) et Raynal (David), agents maritimes et transitaires, commissions, consignations, agence de transit de la Compagnie du Canal de Suez et vice versa, sardines à l’huile et à la tomate pour l’exportation, rue Vauban, 10.

On devine quelle indépendance ce ministre, qui est commissionnaire en marchandises, devait apporter dans les négociations avec les compagnies de chemin de fer et autres.


Je reçus un jour la visite de Bing, homme fort remarquable, et qui a toutes les allures d’un respectable vieillard. Il voulait lui aussi, opérer sa petite révolution, c’était la langue qu’il visait et il avait publié un gros volume intitulé la Linguistique dévoilée, dont la conclusion était celle-ci. « L’emploi de la langue phénicienne s’impose nécessairement. » Ne croyez pas à une fantaisie. Le besoin est tel chez les Sémites de tout déranger, de prendre possession de tout, d’imposer aux chrétiens vaincus leur idiome, leurs mœurs, leur façon de voir, que le projet compte de nombreux adhérents.

Un M. de Malberg a patronné cette idée dans le Moniteur Universel, il propose de fonder une académie de polyglottes, « qui s’occupera de la confection de la grammaire et du dictionnaire d’une future langue universelle, aussi simple, aussi intelligible pour tous les peuples, et aussi rapprochée que possible du phénicien, la langue originelle ».

Avant Lévy Bing, le Juif Alexandre Jacob, l’auteur du Maudit, connu sous le pseudonyme poète, et qui fut longtemps correspondant du Temps, s’était efforcé de démontrer dans les Révolutionnaires de l’A. B. C., que l’orthographe était un préjugé et qu’il fallait écrire comme on parlait. Cet apôtre de la fonografie, comme il disait, écrivit d’après son système néografique un pamphlet anti-chrétien : « La France mystique ou tableau des excentricités religieuses de ce temps, » qui lui valut un an de prison. « Notre orthographe, disait-il dans sa préface, a des défauts graves, voilà ce que reconnaîtront toutes les personnes qui ne la défendent pas uniquement par entêtement et par parti pris. »

Cette irrésistible tendance à bouleverser les mots après les idées est un trait absolument juif.


Les Juifs, Jules Simon en tête, sont les plus déterminés adversaires de la peine de mort, non point pour la peine elle-même, puisqu’on l’appliquait fréquemment dans le royaume d’Israël, mais parce que les formalités religieuses nécessaires pour l’exécution d’un Juif, seraient très difficiles à observer à notre époque.

Le corps d’un condamné, en effet, est considéré, avant, l’exécution, comme un cadavre, et d’après les prescriptions de la loi, un cadavre juif ne doit pas être touché par les chrétiens.

L’exécution en 1817, dans une ville d’Alsace, d’un Juif nommé Isaac, fut vraisemblablement la dernière qui se passa selon les règles.

Les dix principaux habitants israélites de la ville demandèrent à monter sur l’échafaud pour former le « minian », les prières publiques devant être faites par des hommes âgés de plus de treize ans.

Le coupable, dégagé de tout lien, marchait d’un pas ferme, et était revêtu du sarguenesse, linceul blanc en forme de longue blouse, dans lequel on ensevelit les morts (un semblable linceul est toujours donné comme cadeau de noces à un mari par sa femme). Il portait le taleth, le voile de lin que l’on porte pendant la prière et les tephilines, philactères qu’on applique sur le front et au bras gauche. Le grand rabbin de Winsenheim l’assistait.

Isaac récita une dernière fois le vidoui, la prière que disent les agonisants et que l’on récite le jour du Grand Pardon, et fut attaché sur la planche par ses coreligionnaires eux-mêmes.

Notez qu’en reproduisant ces détails, je n’obéis à nulle arrière-pensée de raillerie. Cette assistance donnée à un malheureux par ses frères me semble absolument touchante quoiqu’on ne voie pas Rothschild ou Camondo venant attacher un de leurs camarades sur la planche.

Ajoutons que les confréries de pénitents qui ont subsisté presque jusqu’à nos jours étaient constituées précisément pour aider un pauvre diable à franchir doucement un pas difficile. Sous l’empire, quand une exécution devait avoir lieu, on envoyait un service à Wolff, comme pour une première, on prévenait sur les boulevards tous les repréde l’interlopie cosmopolite, tous les cocos et toutes les cocottes. Dans l’appartement du directeur, illuminé à giorno, on buvait et on mangeait dans tous les coins jusqu’à l’heure où le chef de la sûreté venait dire au condamné : « Allons, ma petite vieille, voilà le moment. » L’archevêque de Paris n’a jamais protesté contre ces scandales. M. Darboy s’en est-il souvenu lorsqu’à son tour il a été prisonnier à la Roquette ?

Aujourd’hui, Grévy gracie pêle-mêle, entre deux carambolages, les parricides, les empoisonneurs, les assassins de vieilles femmes et d’enfants. Il a raison. Une société qui supporte les infamies auxquelles nous assistons depuis six ans est déchue même du droit de punir.

Il convient en tout cas de rapprocher le respect montré par le gouvernement de la Restauration pour les usages d’une religion qui est la négation même de la nôtre, de la conduite ignoble que tint à la Roche-sur-Yon, le 22 septembre 1882, un procureur de la République affilié à la Franc-Maçonnerie juive. On n’a pas oublié ces scènes scandaleuses, le magistrat ivre du vin blanc matinal qu’il a bu avec les guichetiers, insultant, raillant, gouaillant cet homme qui va mourir, outrageant le prêtre qui veut consoler ce malheureux, refusant le quart d’heure qu’on lui demande pour célébrer la messe. Avec ses fautes d’orthographe, la lettre écrite à ses parents par Barbier pour annoncer qu’on ne lui a pas permis de recevoir le Saint-Viatique avant son supplice, est un des plus poignants documents que j’aie vus.

Le pauvre prêtre, qui avait essayé de faire son devoir et tenu tête à cet indigne magistrat, fut naturellement destitué par le préfet Calvet. Le procureur de la République fut récompensé.

Voulez-vous encore un exemple d’une tolérance, cette fois presque exagérée, des chrétiens envers les Juifs ? Le 6 février 1875, c’est-à-dire quand les conservateurs étaient encore les maîtres, on apprit que les élèves israélites, nombreux au lycée Charlemagne, se faisaient scrupule d’assister au banquet parce que la viande n’était pas kascher. Le proviseur commanda le repas tout entier chez un restaurateur israélite, tout le monde mangea kascher et « les fils de rabbins, disent les Archives, ont pu prendre part à la Saint Charlemagne qui est la première de toutes puisqu’elle a lieu au lycée qui a pour patron le grand empereur lui-même. »

Aujourd’hui, quand on fait maigre par hasard le Vendredi Saint dans un établissement dépendant de l’État, toute la presse juive ouvre ses écluses de blasphèmes et d’injures. « Poignez vilain, il vous oindra, oignez vilain, il vous poindra. »

Ce sont les Juives qui fournissent le plus fort contingent à la prostitution des grandes capitales. Le fait est indéniable et les Archives israélites l’ont reconnu elles mêmes :

Depuis un quart de siècle, écrivent-elles, et nous ne pouvons choisir une date plus éloignée, les moralistes se demandent avec raison : d’où vient que dans toutes les grandes villes de l’Europe on remarque, parmi les femmes de mauvaise vie, un plus grand nombre de Juives que de chrétiennes ? Cette question est malheureusement motivée, car, à Paris, à Londres, à Berlin, à Hambourg, à Vienne, à Varsovie et à Cracovie, dans ce qu’on est convenu d’appeler le demi-monde, sur les places publiques et même dans les maisons de prostitution, on rencontre plus de Juives que de chrétiennes, en tenant compte de la proportion qui existe entre les deux populations[49].

Le vice cependant a chez les Juives un caractère particulier. Sans savoir si le fait est vrai ou non pour Rappaport, il est certain qu’un père et une mère juifs vendent parfaitement leurs filles quand ils sont pauvres, tandis que dans nos grandes villes, nos pauvres, hélas ! Se contentent, faute de surveillance, de les laisser se livrer au premier venu. Les courtisanes juives se prostituent pour de l’argent, mais froidement, sans l’ombre d’ivresse, avec l’intention bien arrêtée de se marier quand elles auront ramassé un pécule, elles épousent alors un comédien, un négociant, un financier.

L’an dernier, on jugeait à Vienne (Autriche) une bande d’escrocs qui, associés à des filles, avaient fait d’innombrables ravages.

Au cours des débats, l’avocat, chargé de la défense d’une des accusées, le Juif Glaser dit : Toute femme a le droit de vendre son corps et de tâcher d’en tirer le meilleur parti possible.

Le public révolté se mit à pousser des clameurs. Le président exprima son indignation. Glaser était cependant dans la pure tradition sémitique. Les hiérodules, les prostitutions dans les temples de Cypre et de Paphos ne se rattachaient en rien à la religion de la Grèce, elles étaient d’origine exclusivement phénicienne.

La prostituée, d’ailleurs, sert Israël à sa façon, elle accomplit une sorte de mission en ruinant, en poussant au déshonneur les fils de notre aristocratie, elle est un merveilleux instrument d’information pour la politique juive.

La femme juive de la classe aisée vit à l’orientale, même à Paris, fait la sieste l’après-midi, garde je ne sais quoi de fermé et de somnolent. Elle est étrangère aux passions violentes, qui troublent si souvent le cœur de la chrétienne, que la foi ne garde plus, elle est préservée justement par cette absence de tout idéal, qui est la caractéristique des Sémites[50].

Quelle est pour la femme et pour l’homme la grande cause des fautes de l’Aryen, cet éternel échappé du monde réel ? C’est l’aspiration vers l’idéal qui se trompe de chemin, le rêve d’un être supérieur à tous les autres, le chimérique espoir de rencontrer une âme sœur de la nôtre, le besoin de vivre, ne fût-ce que pour quelques heures, dans la région des sentiments purs, des amours ardentes, des tendresses infinies. Ni le Sémite, ni la Sémite, n’ont de ces exaltations.

Vous ne verrez jamais une Juive discuter les questions religieuses sur lesquelles elles sont d’une ignorance absolue. Le Juif a parfaitement compris le danger qu’aurait présenté une instruction où l’aveuglement d’Israël se serait vite révélé et qui, par la comparaison, aurait permis à la femme de constater que l’accomplissement des prophéties et la venue du Christ ne peuvent faire l’objet d’un doute pour les âmes droites. Le cœur de la femme n’ayant point l’entêtement haineux du cerveau de l’homme il serait allé au vrai Dieu dans un élan spontané. Le Talmud interdit formellement aux femmes toute étude de ce genre : « Celui qui enseigne à sa fille la loi sainte est aussi coupable que s’il lui enseignait des indécences. » Ainsi parle le traité Sota (fol. 90 recto).

Si elle ne connaît sa religion que très superficiellement, la Juive ne la pratique pas moins fidèlement, même dans l’existence la plus agitée. Voyez Miss Ada-Isaac Mencken, que Rothschild, nous racontent les Archives israélites, appelait la Déborah inspirée de sa race et qui eut un moment la vogue que devait avoir plus tard Sarah Bernhardt ; elle restait fidèle à sa foi. Après avoir joué trente nuits de suite à San Francisco, elle s’arrêta tout à coup pour célébrer la nuit du Kol nidré et l’alla passer dans un minian polonais. Dès qu’on attaquait ses coreligionnaires quelque part, elle envoyait un article pour les défendre à l’Israélite de Cincinnati.

Ici encore il faut louer le respect dont les Juifs entourent une enfant de leur race, quelle que soit la voie qu’elle suive. Est-elle comédienne, jamais le monde n’a rien contemplé d’aussi beau, on se pâme, on s’évanouit, on crie d’admiration dès qu’elle parait. Rentre-t-elle dans la vie normale, toutes les portes lui sont ouvertes.

La réhabilitation de la femme, qui apparaît à chaque pas dans l’œuvre de Dumas, depuis les Idées de Mme Aubray jusqu’à Denise, procède bien moins du pardon catholique qui efface le péché devant Dieu et en laisse subsister les effets devant les hommes, que de la théorie juive infiniment plus accommodante et qui, à la condition surtout que la pécheresse soit une fille de Sion, lui rend tous ses droits dans la société. Même après que le prêtre avait prononcé les paroles de l’absolution, la femme qui avait failli se heurtait dans la civilisation d’autrefois à la jalouse susceptibilité de l’Aryen sur le point d’honneur, à son besoin inné d’idéal qui ne comprenait que la fleur immaculée. Selon l’expression de Dumas qui rend très bien, comme toujours, ce qu’il veut dire, la virginité n’est qu’un capital qu’on doit défendre, mais qu’on peut reconstituer quand il est perdu, la chute n’est qu’une mauvaise affaire sur laquelle il faut passer l’éponge sans se croire obligé de se désoler toute sa vie.


Qu’il s’agisse d’une actrice, d’un boursier, d’un écrivain, vous retrouverez toujours cette admirable solidarité qui est la vertu dominante de la race juive qui explique, qui justifie, qui légitime presque son succès.

Qu’une feuille immonde porte une accusation contre un catholique, tous les autres catholiques s’enfuient en faisant des gestes désespérés et en disant : je ne le connais pas.

Sur le banc d’infamie, au pied de l’échafaud, les Juifs n’abandonnent pas les leurs et ne permettent pas qu’on insulte à ce sujet « la grande famille ». Quel plus magnifique exemple de cette vaillance intellectuelle que cette affaire Peschard que nous rappelions tout à l’heure ?

M. Bertauld, professeur alors à la Facilité de droit de Caen et avocat de la famille Peschard, s’était laissé aller, devant l’horreur du crime, à des indignations qui ne plurent pas, il avait flétri énergiquement les pratiques ordinaires à Israël.

Cette disparition va les compromettre, s’était-il écrié, mais n’importe, ils sont juifs, et ils disent tout est perdu fors le capital. Aussi Ulmo père vous est au besoin offert en holocauste pour le salut du fils, car le fils sauvé réunira entre des mains toujours fidèles, entre juifs, le dépôt de cette fortune en léthargie. Cette précaution est naturelle à la race de ces hommes.

Ah ! sans mes grandes idées de libéralisme général, je serais tenté d’excuser nos aïeux qui ont traqué cette race au moyen âge.

Aussitôt un tollé général s’élève, tout le monde s’en mêle, le Consistoire central et le Consistoire de Paris se réunissent, on décide qu’on s’adressera au procureur général de Caen pour faire retirer les paroles injurieuses, plusieurs membres du Consistoire se rendent chez le garde des sceaux pour se plaindre du président d’assises qui a laissé passer sans protester des propos horrifiques, des propos qui tendaient ! insinuer que les Juifs aiment l’argent.

Ce pauvre M. Bertauld, on le sait, n’a jamais passé pour un modèle de fermeté de caractère, il n’était point du bois dont on fait les de Harlay et les Mathieu Molé, il était de la cire dont on fait les Dauphin, on se souvient qu’après avoir déclaré jadis que le droit des congrégations était inattaquable, il s’empressa de déclarer le contraire, moyennant une place grassement rétribuée de procureur général à la cour de cassation. Épouvanté du haro qui s’élevait sur lui, il rétracta tout ce qu’on voulut, et pour un peu aurait affirmé que c’était l’infortuné horloger qui avait assassiné les Juifs.

En toute chose les Juifs apportent ce beau zèle à la cause commune[51]. L’aristocratique public des mardis applaudissait à tout rompre au Théâtre français des plaisanteries contre la religion. Une pièce au contraire est-elle jouée où figure un Juif en désagréable posture, on empêche par tous les moyens de la représenter ou on la fait tomber. Ce n’est pas seulement le Consistoire qui intervient, chacun dans sa petite sphère défend la race comme il peut.

Un peu après 1830, on devait représenter à la Gaieté une pièce intitulée le Préteur sur gages où l’usurier était un Juif. Un enfant de 17 ans va trouver le directeur qui était alors le vertueux Marty, celui qui ne consentait à jouer dans un drame qu’à la condition de donner sa bénédiction à la fin, il lui explique la chose. Marty pleure à chaudes larmes, bénit le jeune homme, et l’usurier devient un chrétien.

Sous l’empire, un opéra-comique Don Pedro, où un Juif espagnol avait un vilain rôle, déchaîne une véritable tempête.

Le Juif Fould en arriva à interdire absolument qu’on mit un Juif au théâtre. Dans son remarquable ouvrage, la Censure dramatique et le Théâtre, M. Hallays-Dabot fait remarquer le ridicule de cette mesure.

Le théâtre, écrit-il a ses habitudes, ses mœurs, ses conventions dont il est difficile de ne point tenir compte, l’histoire a ses types que l’on ne peut supprimer d’un trait de plume… Si la personnalité religieuse a droit au respect, condition fondamentale de la liberté de conscience, la première de toutes les libertés, il n’en saurait être de même du type essentiellement humain d’une race qui, en tant que race, appartient à la critique, au roman, au drame par ses éminentes qualités comme par ses défauts naturels.|95}}

Les instructions ministérielles furent néanmoins exécutées, les Juifs disparurent de toutes les pièces. On alla plus loin, on châtra Shakespeare, pour ne pas blesser des circoncis !

Le théâtre de l’Ambigu-comique, raconte encore M. Hallays-Dabot, voulut reprendre un drame, le juif de Venise joué en 1854. Le drame était un arrangement de l’œuvre de Shakespeare. Qu’allait devenir Shylock, l’immortelle création qui fait revivre les siècles d’oppression que la race juive eut à traverser, ses luttes sourdes contre le chrétien, ses joies, ses triomphes, ses humiliations, Shylock la figure saisissante dont le rire sarcastique et les cris de désespoir éclairent tout un côté sombre de la vie du moyen age ? Le vieux juif dus subir la loi commune. Le souvenir de Shakespeare, le côté légendaire du personnage, l’époque et le lieu de l’action, rien ne sauva Shylock. Le farouche circoncis dus dépouiller sa physionomie caractéristique pour devenir un banal usurier vénitien. La pièce fut reprise sous le titre : Shylock ou le Marchand de Venise.

Imaginez qu’on ait jamais fait subir une pareille mutilation à l’œuvre d’un des plus grands génies de l’humanité, pour ne pas froisser les chrétiens, et vous entendez d’ici les protestations de Paul Meurice et de Lockroy.

Mais n’est-ce pas bien Juif tout cela ? La race n’est-elle pas tout entière dans ce contraste : maintenant qu’ils sont les maîtres ils vomissent sur nous tous les excréments qu’avait avalée Ezéchiel ; quand ils n’étaient encore qu’une infime minorité, ils ne supportaient pas qu’on touchât à eux et entonnaient immédiatement le grand air des principes de 89.


Je ne suis pas loin de croire, avec M. Alexandre Weill, que les prescriptions religieuses et hygiéniques à la fois de la loi de Moïse exercent une favorable influence sur la santé morale et physique du Sémite. La circoncision est évidemment un préservatif contre de précoces débauches qui émoussent les sens en les éveillant prématurément. Rien n’est sage et tendre en même temps comme les précautions très fidèlement observées dont les Juifs entourent à certains moments leur compagne :

La femme trois fois sainte et douze fois impure,


comme le dit Alfred de Vigny.

Troubler la physiologie de la femme à certaines heures plus douloureuses encore pour l’âme que pour le corps, s’est troubler la source de la vie, c’est nuire aux générations futures.

Tout en reconnaissant avec quel scrupule les Juifs observent ces préceptes, il faut constater néanmoins que toutes les religions se sont occupées de ces questions. Des livres écrits spécialement pour les ministres du sacerdoce initient à ces secrets mystérieux les prêtres qui, par état, doivent être chastes, et leur permettent de répondre à certaines interrogations d’une nature tout intime. Ces manuels du confesseur, ces livres de médecine morale restaient généralement à l’abri des regards comme les livres de médecine ordinaires. Il a fallu un drôle malpropre comme Paul Bert, un salaud — pour employer une expression de Goncourt dans la Faustin — pour traduire un de ces manuels et profiter de son passage au ministère pour en inonder les campagnes[52].

Pas plus qu’au point de vue de la criminalité, on ne peut accorder aucune créance aux chiffres statistiques sur l’étal civil des Juifs. Le chiffre de 45,000 Juifs en France est définitivement adopté, on n’y peut absolument rien changer, il se reproduit dans toutes les statistiques. Paris serait absolument plein de Juifs, que l’on vous répéterait toujours qu’il y a 45,000 Juifs en France. On refuserait impitoyablement à un examen un élève qui, à cette question : Combien y a-t-il de Juifs en France ? Ne répondrait pas « 45,000, Monsieur. »

Les Juifs eux-mêmes ont pris le bon parti pour couper court à toute investigation gênante : ils ont fait décider par le gouvernement qu’ils dirigent que dans les recensements on ne demanderait plus à personne le culte auquel il appartient.

Nous comprenons l’intérêt des Juifs à rester autant que possible à l’état vague afin de pouvoir arguer de leur infériorité numérique lorsque l’on prouve que dans toutes les insurrections, dans tout journal qui insulte les chrétiens, dans toute mauvaise affaire, il y a un Juif. Il nous sera permis néanmoins de dire qu’ils mentent impudemment dans cette circonstance comme dans beaucoup d’autres.

Dès 1830, dans un discours prononcé à la Chambre, le 4 décembre, M. André affirmait que des hommes distingués parmi les Israélites portaient à 400,000 le nombre de leurs coreligionnaires français.

En 1847, M. Cerfbeer, un de leurs anciens coreligionnaires, avouait 100, 000 Juifs français, en 1867 ou 1869, un orateur déclarait, dans une réunion de l’Alliance, que les Juifs étaient 150,000 en France[53].

Le chiffre de 100 à 120,000 nous est donné par le procès-verbal de l’audience accordée par le Shah de Perse au Comité de l’Alliance israélite[54] ; procès-verbal qui a tout le caractère de l’authenticité, puisqu’il est signé, en outre du président Adolphe Crémieux, de M. Isidore, grand rabbin de France, président honoraire de S.-H. Goldschmidt, vice-président, de M. Leven, secrétaire, de B. Allegri, G. Bedarride, comte de Camondo, Jules Carvallo, Albert Kohn, Abraham Créhange, G. Derembourg, Michel Érlanger, Zaidoc Kahn, grand rabbin de Paris, Léonce Lehmann, Jules Rosenfeld.

Le Shah dit : combien y a-t-il de juifs en France ?

— Sire, de 100, 000 à 420, 000.

— Angleterre ?

— Un peu moins.

— Dans les autres pays de l’Europe ?

M. Albert Cohn, membre du comité central, répond : Sire, en, Allemagne 500.000, dans les États de l’Autriche, 1.200.000, dans la Russie 2.400.000.

Devant une déclaration aussi formelle, il nous est difficile d’admettre le chiffre de M. Franck, qui est d’ailleurs un des rares hommes de valeur du parti israélite qui soit, digne de respect, puisqu’il n’a jamais cherché, ni directement ni indirectement, à faire du mal aux chrétiens, soit en attaquant leur religion, soit en leur volant leur argent, soit en les poussant à des guerres de spéculation.

M. Franck écrit, dans un article des Annales de philosophie chrétienne, reproduit dans les Archives israélites du jeudi 2 novembre 1882.

Dans la population actuelle de la France évaluée en chiffres ronds à 37 millions et demi d’âmes, se trouvent compris soixante mille israélites. Cela fait, si je ne me trompe, un Israélite sur six cent trente chrétiens ou non Israélites.

Quoique l’émigration des Juifs de Russie ait dût augmenter considérablement le chiffre donné par Crémieux, M. Théodore Reinach affirme hardiment, en 1884, que la France ne contient que 63,000 Juifs[55]. L’Annuaire des Archives israélites pour 1885 dit que le chiffre flotte entre 80,000 et 85,000, parmi lesquels 50,000 habitent Paris.

Comme nous l’avons déjà dit, la suppression de l’indication de religion dans les recensements a rendu toute recherche difficile. Donnons seulement, à titre de renseignements très approximatifs, le relevé des produits des pompes funèbres du culte israélite, tel qu’il figure dans la Statistique de Paris dressée par le docteur Bertillon. En 1872, le produit des pompes funèbres avait été de 18,776 fr. 46 c. pour un chiffre de 23,434. En 1880, il a été de 42,288 fr. 95 c. Ce qui tendrait à prouver que le chiffre des Juifs a plus que doublé à Paris.

S’il y a déjà autant d’Israélites à Paris, jugez un peu comme il est vraisemblable qu’il y ait en tout, comme l’affirment les statistiques, 45,000 Israélites en France[56].

En réalité, ce chiffre des Israélites qu’indique le produit des pompes funèbres ne représente guère que le tiers tout au plus de l’élément israélite à Paris, il ne s’applique qu’aux Juifs restés fidèles aux pratiqués de leur religion.

Les Juifs qui ont conservé tous les vices de leur race sans garder même ces principes religieux, qui sont toujours un frein pour le mal, se chiffrent à Paris au moins par, 120 ou 150,000 individus, en province, par 400,000, individus au minimum également, qui, reliés entre eux par la Maçonnerie, s’installent dans tous les comités, mènent le corps électoral et créent cette opinion artificielle que l’on prend pour l’opinion véritable.

C’est l’éternelle histoire des cinq ou six cents misérables, qui ont suffi à imposer à Paris la Commune de 93, la Commune d’Hébert et de Chaumette, l’histoire des délégués de la Société des Jacobins, qui venaient, au moment de la Terreur, fonder un club dans chaque ville. Ces bandits, que personne ne connaissait dans le pays, guillotinaient tranquillement, pour s’emparer de leurs biens, des vieillards, des jeunes filles, de vieux chevaliers de Saint-Louis, couverts de blessures, des gens que tout le monde aimait et respectait dans la contrée.


D’après les observations faites en Allemagne par le Juif Meyer, fort suspect naturellement, la vie moyenne serait de 37 ans pour les Juifs et de 26 pour les chrétiens ce qui donnerait une différence de 11 ans.

Citons encore si vous le voulez, à titre de renseignements, quelques chiffres relevés par le docteur Legoyt, de 1855 à 1859.

Selon lui, à la naissance, la vie moyenne de la population générale se montre supérieure à celle de la population juive (hommes). A tous les autres âges, l’avantage revient à cette dernière.

Quant aux femmes juives, leur vie moyenne n’atteint pas celle de l’ensemble de la population du même sexe jusqu’à l’âge de 60 ans, mais à partir de cette limite, elle leur devient supérieure.

Dans la séance du 1er avril 1882, le docteur Lagneau a présenté à l’Académie des sciences morales et politiques un mémoire assez curieux sur le mouvement de la population chez les Juifs, comparé à celui qu’on remarque chez les catholiques et chez les protestants.

D’après lui, les accroissements des catholiques, des protestants et des Juifs sont entre eux comme 1, 2, 3.

Excepté dans le duché de Bade, dans la Hesse et en Toscane, les Juifs, dans tous les pays, en Russie, en Pologne, en Prusse, en Autriche, en France, présentent l’accroissement le plus rapide. Dans ces deux derniers pays, il est quatre fois et sept fois plus rapide que celui de la population catholique.

M. Lagneau, après avoir constaté l’accélération continue du mouvement ascendant des Juifs, quand un phénomène opposé, accuse du côté des catholiques et des protestants, entre dans les détails.

La natalité des juifs, dit-il, se montre inférieure à celle des protestants, des catholiques et de la plupart des autres habitants en Russie, en France, dans le duché de Bade, en Toscane et dans maints autres pays. Egale à celle des protestants en Prusse, elle est supérieure à celle des autres habitants en Autriche, en Hongrie, en Roumanie.

Dans tous les pays, en Russie, en Prusse, en France, dans le duché de Bade, à Vérone, en Autriche, excepté dans la Bukovine et dans la Galicie, la natalité illégitime des Juifs est de beaucoup inférieure à celle des autres habitants.

Les Archives israélites qui ont reproduit quelques-uns de ces chiffres s’extasient naturellement sur la vertu des Juifs qui ont si peu d’enfants illégitimes, il est permis cependant de se demander sur quelles bases le docteur Lagneau a pu établir son travail pour la France, puisque sur 500,000 Juifs qui existent certainement chez nous, depuis que la République a fait de notre pays une vache à lait pour les Sémites, on persiste à n’en accuser toujours qu’un chiffre dérisoire.


Absolument différent du chrétien dans son évolution comme race et comme individu, le Juif est dans des conditions toutes différentes aussi sous le rapport sanitaire.

Il est sujet à toutes les maladies qu’indique la corruption du sang : les scrofules, le scorbut, la gale, le flux. Presque tous les Juifs polonais ont la « plique » et le disent, beaucoup de Juifs français, élégants et bien vêtus, auxquels nous serrons la main, l’ont également, mais ne le disent pas. Tous se gardent avec soin de recourir à des médecins qui ne soient pas de leur religion, exemple que les chrétiens devraient bien imiter.

Parmi ces banquiers insolents, que d’Autheman rongés, comme le personnage de Daudet, « par le mal immonde, l’araignée aux longues pattes agrippantes, toujours en vie, acharnée sur sa proie. » C’est le mal de l’or, on le croirait, et pour guérir la lèpre héréditaire, ils vont se plonger pendant des journées entières dans les boues de Saint-Amant. L’or juif retourne ainsi à sa source. En revanche, le Juif possède une aptitude merveilleuse à s’habituer à tous les climats. « Il y a des Juifs sous tous les degrés de latitude, depuis le 33° degré de l’hémisphère Sud, jusqu’au 60e degré de latitude Nord, de Montevideo à Québec, de Gibraltar jusqu’aux côtes de la Norvège, d’Alger au cap de Bonne-Espérance, de Jaffa à Pékin ! » Ainsi s’écrie un des leurs, saisi d’un transport d’admiration.

Par un phénomène que l’on a constaté cent fois au moyen âge et qui s’est affirmé de nouveau au moment du choléra, le Juif parait jouir vis-à-vis des épidémies d’immunités particulières. Il semble qu’il y ait en lui une sorte de peste permanente, qui le garantit de la peste ordinaire, il est son propre vaccin et, en quelque manière, un antidote vivant. Le fléau recule quand il le sent[57] !...

Le Juif, en effet, sent mauvais. Chez les plus huppés, il y a une odeur, fetor judaïca, un relent, dirait Zola, qui indique la race et qui les aide à se reconnaître entre eux. La femme la plus charmante, par les parfums mêmes dont elle se couvre, justifie le mot de Martial : qui bene olet male olet.

Le fait a été cent fois constaté, « Tout Juif pue, » a dit Victor Hugo qui s’est éteint entouré de Juifs.

En 1266, raconte le grand poète[58], une mémorable conférence eut lieu devant le roi et la reine d’Aragon entre le savant rabbi Zéckhiel et le frère Paul Cyriaque, dominicain très érudit. Quand le docteur juif eut cité le Toldos Jechut, le Targum, les Archives du Sanhédrin, le Nissachon velus, le Talmud, la reine finit par lui demander pourquoi les juifs puaient.

La question de savoir pourquoi les Juifs puaient a longtemps préoccupé beaucoup de bons esprits[59]. Au moyen âge on croyait pouvoir les purifier de cette odeur en les baptisant. M. Bail prétend que ce fait tient à des causes naturelles et qu’il y a encore en Guinée des nègres qui exhalent une odeur insupportable. Banazzini, dans son Traité des Artisans, attribue la puanteur des Juifs à leur malpropreté et à leur goût immodéré pour la chair de bouc et la chair de l’oie.

La névrose, telle est l’implacable maladie des Juifs. Chez ce peuple longtemps persécuté, vivant toujours au milieu de transes perpétuelles et d’incessants complots, secoué ensuite par la fièvre de la spéculation, n’exerçant guère, en outre, que des professions où l’activité cérébrale est seule en jeu, le système nerveux a fini par s’altérer.

En Prusse, la proportion des aliénés est beaucoup plus forte chez les Israélites que chez les catholiques[60], tandis qu’on n’en rencontre que 24,1 sur 10,000 protestants, 23,7 sur un même nombre de catholiques, les Israélites accusent, sur 40,000 habitants, 38,9.

En Italie, on trouve un aliéné sur 384 Juifs et un sur 778 catholiques. Le Dr Charcot a fait à ce sujet, dans son cours de la Salpêtrière, les plus curieuses révélations à propos des Juifs russes, les seuls dont on puisse parler, car les autres cachent soigneusement leurs maladies dans leurs palais. Les Archives israélites, en constatant « ce détail terrible, déclarent que ce fait peut se passer de commentaires et augmente encore, s’il est possible, la pitié qu’inspirent les malheureux Israélites de Russie. » Soit ! Que les Juifs malades du cerveau se fassent soigner ! Mais pourquoi troubler sans cesse par le trouble de leur propre esprit des peuples qui vivaient tranquilles et heureux tant que la race d’Israël ne s’est pas mêlée activement’à leur existence. Que ce soit Hertzen en Russie, Karl Marx ou Lassalle en Allemagne, on trouve toujours comme en France un Juif prêchant le communisme ou le socialisme, demandant qu’on partage le bien des anciens habitants pendant que leurs coreligionnaires, arrivés nu-pieds, s’enrichissent et ne se montrent pas disposés à partager quoi que ce soit.

Cette névrose semble se transmettre même à ceux dont la mère, seulement est Juive. Dumas, à l’âge de trente ans, a traversé une crise terrible sous ce rapport.

Qui ne se rappelle encore Feghyne, celle étrangère reçue au Théâtre-Français parce qu’elle était d’origine juive, tandis qu’une Française et une chrétienne qui n’aurait pas eu plus de talent qu’elle n’aurait pas été seulement admise dans la loge du concierge ? N’était-elle pas dévorée par la névrose, bien avant que l’accès n’éclatât, la bizarre créature que Tourgueneff a peinte sous le nom de Clara Militch ?

Sarah Bernhardt, avec ses imaginations macabres, son cercueil de satin blanc dans sa chambre, est évidemment une malade[61].

Ne perdez pas de vue cependant que, même dans les conceptions les plus délirantes du Juif, il y a toujours une arrière-pensée d’intérêt personnel, de lucre, même quand il perd la tète, il sauve la caisse. Sarah Bernhardt avec ses excentricités se fait de la réclame. Gambetta, même dans les expéditions les plus saugrenues, comme le Tonkin, a toujours visé à se faire de l’argent, à marcher avec un syndicat.

Cette névrose, le Juif a fini, chose étrange, par la communiquer à toute notre génération. La névrose juive aura eu son rôle dans les destinées du monde. Depuis vingt ans que les Sémites tiennent, comme le disait Disraéli, les fils de la diplomatie secrète, et qu’ils ont réduit les ambassadeurs réels à l’état de personnages de parade, depuis vingt ans qu’ils mènent la politique européenne, cette politique est devenue véritablement déraisonnable et démente. Le mot de Bismarck : « Paris est une maison de fous habitée par des singes » s’applique parfaitement à la Prusse et à l’Europe. Il n’y a plus de trace dans les conseils de souverains d’une conscience, ni même d’une raison d’Etat un peu élevée.

L’histoire de ces dernières années c’est le monde conduit par des fous raisonnant, ratiocinant, ayant, comme il arrive à la veille de la crise suprême, une logique apparente qui déconcerte au premier abord.

La névrose, par cela même qu’elle enlève au Juif tout sentiment de pudeur, toute réflexion, toute notion même de l’énormité de ce qu’il ôse, met en circulation des types qui ne se rapprochent en rien de ceux qu’on a vus auparavant. Il y a dans cet ordre des improvisations de fortunes inouïes, des destinées extravagantes, des gageures gagnées contre le sens commun devant lesquelles on reste littéralement confondu. Le Juif va toujours de l’avant, confiant dans le Mazzal.

Qu’est-ce que le Mazzal ? Ce n’est ni le Fatum antique, ni la Providence chrétienne, c’est le bon sort, la chance, l’étoile, toute vie juive semble un roman réalisé.

Prenez Mme de Païva, elle naît dans une famille de Juifs polonais, les Lachmann[62], elle épouse un pauvre petit tailleur de Moscou, et l’abandonne pour venir à pied à Paris chercher aventure. Elle connaît sur le pavé parisien toutes les extrémités de la misère, toutes les horreurs de l’amour vénal épuisée, elle tombe un jour d’inanition dans les Champs-Élysées et se jure à elle-même que ce sera là que s’élèvera son hôtel lorsque le sort, dans lequel elle a foi, l’aura enfin favorisée. Elle épouse de la main gauche un pianiste juif, le célèbre Herz, qui la présente aux Tuileries comme sa femme légitime, on l’éconduit, elle se promet de se venger.

Herz, ruiné et chassé par elle, s’enfuit en Amérique, elle épouse alors, cette fois régulièrement, le marquis de Païva qui se brûle la cervelle peu après. Maîtresse du comte Henkel, elle manie l’or à pleines mains, elle reçoit les hommes, politiques, les écrivains, les artistes d’un certain ordre dans cette demeure féerique des Champs-Élysées dont les splendeurs n’ont d’égales que celles de la terre seigneuriale de Pontchartrain. Avec l’intelligence de sa race que doublent le ressentiment et la haine, elle organise, quelque temps avant la guerre, l’espionnage prussien contre nous, ce que lui rendent facile ses relations avec beaucoup de célébrités politiques qui venaient raconter là nos affaires en dînant. Elle a préparé la ruine de l’Empire, elle s’élève tandis qu’il s’effondre, la voilà comtesse Henkel de Donnesmarck, achetant les diamants de cette impératrice qui l’a repoussée, faisant reconstruire au fond de la Silésie, par Lefuel, l’architecte des palais impériaux, ce château des Tuileries dont elle a été expulsée.

Artiste jusqu’au bout des ongles, cette fille de paysans a l’instinct de toutes les élégances, l’intuition de l’art en ce qu’il a de plus raffiné. Rongée par la névrose, elle ne goûte point un moment de repos au milieu de tous ces enchantements, elle est obsédée par l’idée qu’on veut l’assassiner pour lui voler ses diamants, elle interdit sous peine de renvoi immédiat qu’aucun jardinier se trouve dans son parc lorsqu’elle s’y promène. Cette femme qui a eu faim et qui a appartenu à tous, est plus despote, plus sévère qu’une archiduchesse, elle fait régner dans l’immense personnel de sa domesticité la discipline la plus rigoureuse, elle chasse un jour un malheureux maître d’hôtel qui s’est permis de sourire en entendant un mot spirituel à table. Puis elle meurt à 56 ans, dans ses Tuileries de Silésie, d’une congestion au cerveau.

Rassemblez tous ces traits jetés à la hâte, essayez d’établir un peu d’ordre dans les péripéties de cette carrière étrange, et de cet ensemble se dégagera une figure d’une essence toute particulière : une Juive.

Quel roman encore que celui de ce fils de rabbin hongrois, qui fut Midhat Pacha ! Pacha, il commence, selon l’usage, par servir les siens, et organise avec Camondo et Sassoon, les écoles juives de l’Orient, puis il s’efforce d’acclimater les doctrines révolutionnaires dans le pays de l’immobilité, et trouve moyen de déranger même ces Turcs immobiles et impassibles que rien ne dérange, il crée le parti de la Jeune Turquie, et il a pour confident et pour agent en Europe un nommé Simon Deutsch[63], orientaliste, courtier politique, porte-drapeau en 1848 de la Légion académique de Vienne, mêlé à l’affaire d’Arnim, vivant à la fois dans les chancelleries et dans les brasseries du quartier latin. C’est sous les yeux de Midhat dans, son konak des bords du Bosphore, que se passe le drame sanglant dans lequel Abdul-Azis est assassiné, il est disgracié, rappelé, condamné à mort, et enfin relégué à Djeddah près de Médine, où il noue de nouvelles intrigues avec le Madhi, ce qui décide le sultan à le faire empoisonner.


Il y a des milliers d’existences semblables chez les Juifs. Si vous voulez voir un joli spécimen d’homme d’Etat juif, prenez Naquet et étudies-le. Celui-là est un inquiet, jeune, il donne le procédé d’un fulmi-coton pour faire sauter les villes, il publie son livre Religion, Propriété, Famille, dans lequel il réclame la communauté des biens et des femmes[64] dans son âge mûr, il se convertit à l’opportunisme, et se met, sous la conduite d’un Barnum qui dirige les tournées, à aller de ville en ville prêcher le divorce. Aujourd’hui il se tourne vers le prince Napoléon[65].

Même arrivé, le Juif reste toujours par quelque point mercanti, faiseur de boniments, truqueur. Naquet ne se contente pas de bouleverser la société, il invente une pommade pour faire briller les cheveux, qu’il a fait dresser sur les têtes. Dans le même numéro de journal qui contient un discours de l’homme politique, on voit — mélange singulier et qui aurait étonné Guizot — une annonce du régénérateur de la chevelure, qui marche sur les traces de Sarah Félix, « la sœur de la grande Rachel, » comme disent les prospectus.

Changement de domicile
macassar naquet
huile végétale seule reconnue infaillible
pour embellir et regénérer les cheveux
1, place de l'opéra, ci-devant palais-royal, 132

Cette vie baroque en apparence, et qui assurément ne ressemble guère à la vie des hommes publics d’autrefois a cependant son unité. Chimiste, conférencier, député, sénateur, Naquet n’en reste pas moins le Rempart d’Israël.

Le divorce par exemple, le guittin, est une idée absolument juive. Un seul orateur catholique a osé le déclarer, c’est Mgr Freppel ; dans la séance du 19 juillet 1884, il s’est écrié : « Le mouvement qui va aboutir à la loi du divorce est, dans le véritable sens des mots, un mouvement sémitique, un mouvement qui a commencé à M. Crémieux, pour finir à M. Naquet. » Il a dit à cette gauche déshonorée : « Allez, si vous le voulez, du côté d’Israël, allez vers les Juifs. Nous restons, nous, du côté de l’Eglise et de la France. »

Mgr Freppel ne savait peut-être pas dire aussi complètement la vérité. Pour être sûr d’avoir la loi qui lui convenait, qui s’adaptait à ses institutions, Israël fit préparer le projet par les rabbins.

Ce fut l’ancien rabbin de Bruxelles, Astruc, qui rédigea les dispositions de la loi et les dicta, en quelque sorte, à la Chambre des députés.

« La commission du divorce, écrit à ce sujet Naquet à Astruc, a accepté votre amendement, elle a admis que (article 295) « les époux divorcés, pour quelque motif que ce soit, ne pourront plus se réunir si, depuis le divorce, l’un ou l’autre a contracté un nouveau mariage[66]. »

Si des hommes honnêtes, éloquents, croyants comme M. Lucien Brun ou M. de Ravignan, étaient au courant de ces questions[67], ou s’ils avaient le courage de les traiter franchement, ils auraient pu placer le débat sur son vrai terrain. Ils n’auraient pas changé le vote évidemment, mais ils auraient montré l’action de cette race qui, non satisfaite de se faire une place prépondérante dans une société qu’elle n’a pas créée, veut en modifier toutes les coutumes et toutes les lois à son point de vue personnel, ils auraient prononcé un de ces discours qui font réfléchir les penseurs, qui préparent l’opinion aux mesures que la France sera obligée de prendre sous peine de périr. Au lieu de cela, ils se renferment dans des généralités pieuses, qui n’ont aucune efficacité parce qu’elles ne s’appliquent à aucune réalité. On comprend le dédain qu’éprouvent pour des contradicteurs aussi nuageux des hommes comme Naquet.

Non content d’avoir introduit dans le Code le divorce juif, Naquet intervient pour défendre les intérêts des tripoteurs dans la discussion sur les compagnies de transports maritimes, en s’opposant à la proposition de Raspail demandant que les membres du Parlement ne fassent pas partie des conseils d’administration.

Enfin Naquet sert la juiverie dans la question qui lui tient le plus à cœur, il fait voter par la Chambre l’abrogation de l’article 1965 du Code civil.

Jusqu’ici, quand un malheureux avait acquis la preuve évidente qu’il avait été volé à la Bourse comme dans un bois, pipé comme dans un tripot par des financiers israélites, il avait la ressource de se réfugier derrière l’exception de jeu, il sauvait parfois ainsi un lambeau de son patrimoine, la dot de sa fille, le pain de ses vieux jours. Grâce à la loi votée à l’instigation de Naquet, l’infortuné goy devra remettre à Shylock jusqu’à son dernier sou. Tout y passera.

Avant 1883, la loi française avait au moins la pudeur de ne pas s’immiscer dans les turpitudes de la Bourse, elle disait aux Nucingen qui voulaient achever leurs victimes, ce qu’elle disait aux filles qui s’acharnaient après leur proie : « Nous ne connaissons pas de tels métiers allez débattre vos vilaines affaires loin du prétoire. » Désormais elle prendra le parti du voleur et lui prêtera main-forte pour mettre tout nu le volé qui aurait conservé sa chemise[68].

Je sais bien que l’abrogation de l’article 1965, a pour elle des autorités considérables : Elle est approuvée par M. Dollfuss, qui dit le Gaulois[69], « a une tête sui generis, » par M. de Verneuil, successeur de M. Moreau, « très brun de peau, avec une raie bien faite au milieu de la tête, » par M. Alfassa, « un gentleman à l’œil bleu et à la moustache blonde sont la parole garde un léger accent exotique il n’en est pas moins de la plus élémentaire probité de n’acheter que ce qu’on peut payer et de ne vendre que ce qu’on possède[70].

Dès qu’il y a jeu, le règlement des paris est une affaire d’appréciation. Quel serait, par exemple, l’appréciation de M. de Verneuil, le successeur de M. Moreau qui a eu un moment de célébrité, dans le cas suivant. Je fais une opération de bonne foi, en calculant toutes les probabilités, le syndic des agents de change reçoit d’un ministre, à titre officiel, une nouvelle que ses fonctions l’obligent de porter de suite à la connaissance du public, il la tient soigneusement cachée pendant une partie de la Bourse et ne la communique qu’à M. de Rothschild. M. de Verneuil se croirait-il obligé de remplir légalement ses obligations avec des adversaires qui auraient joué déloyalement ?

J’ajoute qu’il est difficile de s’expliquer que des agents de change se plaignent des pertes que leur font subir les opérations de jeu puisqu’ils ne peuvent pas s’y prêter. La loi est formelle, en effet.

« Il est défendu aux agents de change de prêter leur ministère pour des jeux de bourse sur quelques effets que ce soit ». (Loi de l’an IV et de l’an X.)

« L’agent de change doit se faire remettre à l’avance les effets qu’il est chargé de vendre ou les sommes nécessaires pour payer ceux qu’il est obligé d’acheter. » (Arrêté du 87 prairial an X, article 43.)

Supposer, dans ces conditions, que les agents de change puissent perdre quelque chose, serait admettre qu’ils violent effrontément une loi existante. C’est une pensée malveillante qu’il est défendu d’avoir vis-à-vis de si honnêtes gens.


Ces existences de modernes qui n’ont rien de commun avec nos existences de jadis, ces destinées bizarres menées bride abattue au milieu des outrances et du bruit avec une sorte d’audace moitié folle et moitié cynique se terminent presque toujours dans le drame.

Le Juif attire le drame, il le porte avec lui dans les pays qu’il envahit et dans les maisons où il se glisse.

Les mariages mixtes, que l’on appelle dans le monde « la culture des ferments, » n’ont point donné jusqu’ici de bons résultats.

Par une loi singulière, il est peu de familles qui se soient alliées aux Juifs dans une pensée exclusive et plus ou moins crûment avouée de sapidité, sur lesquelles ne soit tombée une catastrophe. Un La Moskowa se marie à une Heine et vous n’ignorez pas dans quelles conditions lugubres le malheureux a péri. Un duc de Richelieu épouse également une Heine et va mourir prématurément en Orient. La fille du duc de Persigny épouse un brasseur juif de Prague, Friedmann et s’assoit avec lui sur les bancs de la police correctionnelle. Le pétrole entre dans la maison de Polignac dont un membre s’est uni à une Mirès. Le déshonneur et la ruine pénètrent chez la Panouse avec Mlle Heilbronn. Une Crémieux, parente du président de l’Alliance israélite, est assassinée après une scène de monstrueuse débauche par deux rôdeurs de barrière. L’avocat Bernays est frappé par les frères Peltzer. Le fils Fould publie sous l’Empire des libelles contre son père, et achève tristement une vie brillamment commencée. Le Juif Merton se tue après avoir gagné des millions.

Le comte Batthyani épouse la fille du Juif Schossberger, il est tué en duel par Rosemberg et sa femme se remarie quelques mois après.

Le comte de Wimpfen, dont la mère est une Sina, se brûle la cervelle à Paris où vous savez, après avoir écrit au Juif Hirsch une lettre plus déshonorante peut-être qu’une telle mort.

Au mois de février 1883, un parent du Naquet qui régénère le cuir chevelu, Daniel Naquet, un des Juifs les plus opulents du Midi, se jette du deuxième étage de la maison qu’il habitait à Carpentras, avec son frère et se brise le crâne. Au moment où il rend le dernier soupir, son frère, Justin Naquet, se pend.

Au mois d’octobre 1885, le riche banquier hambourgeois Primsel, l’associé du Dreyfus des guanos, se jette dans la Seine du haut du pont du Pecq.

La mort subite est cependant plus fréquente chez les Juifs que le suicide quoiqu’il augmente dans d’étonnantes proportions qui attestent le progrès que fait chez eux la névrose.

Quel terrible spectacle que la névrose de ce malheureux Paradol, lui aussi d’origine juive, prôné, surfait, salué grand homme par la Franc-maçonnerie et allant se tuer à Washington, terminant tragiquement, à quarante et un an, une existence, bruyante, factice qui, par le côté creux, fait songer à celle de Gambetta, avec moins de vacarme naturellement !

Là encore, la fatalité particulière à la race s’abat impitoyablement sur cette famille, l’anéantit, la déracine en quelque sorte. Le fils se tue à vingt ans, la fille à laquelle Mme de Rothschild, qui fut fort bien dans cette circonstance, puisqu’il s’agissait d’un des siens, avait offert cent mille francs pour sa dot, ne voulut pas affronter la vie ; elle alla chercher, au couvent des Dames de la Retraite, un refuge contre tant de douleurs.

Nous ne voyons naturellement que les événements qui se passent en haut ou qui doivent à quelque circonstance un retentissement particulier, il faudrait, pour être complet, recueillir les innombrables tragédies bourgeoises, les faits qui se produisent dans les sphères plus modestes où partout le juif, même quand il ne fait pas le mal volontairement, traîne après lui je ne sais quelle Ananké.

Le Juif qui, selon le mot d’Hegel, « a été précipité hors de la nature, » a eu beau, par des prodiges d’astuce et de patience, s’imposer à la vie sociale, il en est chassé à chaque instant comme par une force invisible.

Le drame pareil à cette Fatalité antique qui, irrésistible et voilée, s’avance sous les portiques du palais de Mycènes, a forcé déjà la porte de cette orgueilleuse demeure des Rothschild, qui croyaient avoir fait un pacte avec la Fortune. Tout Paris a parlé du suicide du baron James (Jacob) de Rothschild. Quoiqu’ils aient fait payer bien cher cette mort aux chrétiens, les Rothschild n’ignorent pas que le sang d’un suicidé porte malheur à une maison et que la malédiction est sur eux. Ils sentent, au milieu de leurs fêtes, voltiger sur eux comme un grand oiseau noir qui bat des ailes avant de s’abattre sur sa proie.

Le propre du drame qui poursuit le Juif est d’être toujours mystérieux. On ne sait presque jamais le pourquoi de ces scènes terribles, tout reste à l’état d’énigme. Un envoyé quelconque de Rothschild vient chez le magistrat chargé de l’instruction, nomme son maître, fait jeter les pièces au feu, tandis que le magistrat, s’il est de nouvelle couche, baise le plancher où l’envoyé d’un si grand monarque a daigné poser ses pas. Je vous défie bien de rien trouver sur le procès de Michel l’assassin, qui fut jugé sous le Directoire, ou de’savoir la vérité sur l’affaire Ney, sur l’affaire Wimpfen, etc.

La race, d’ailleurs, quoique organisée dans des conditions spéciales pour la conservation, n’en est pas moins vieille. La légende raconte qu’un bouvier de Sicile du temps du roi Guillaume trouva dans la terre un flacon qui contenait de l’or liquide, il le but et revint à la jeunesse. L’or n’a pas fait ce prodige sur les Juifs. Examines le spécimen qui domine à Paris, entremetteurs politiques, boursiers, journalistes, vous les trouverez consumés par l’anémie. Les yeux, qui roulent fiévreux dans des pupilles couleur pain grillé, dénotent les maladies hépatiques ; le Juif, en effet, a sur le foie la sécrétion que produit une haine de dix-huit cents ans.

Il y a des faits d’atavisme très curieux, très saisissants, la race en s’affinant retourne au type premier, au pur oriental. Regardes le jeune Isidore Schiller, le père est allemand, gros, blond, joufflu, le fils, ramassé sur lui même, a la tête très petite, ressemble comme deux gouttes d’eau à ces captifs trapus des bas-reliefs de Ninive ; c’est un vrai contemporain des Menasché et des Yoyaquim.

La plupart, je le répète, sont anémiques au dernier degré. À Paris, ils vivent dans des appartements hermétiquement clos où règne toujours une atmosphère surchauffée, dans les hôtels immenses de Vienne, on les voit rechercher les coins, les cryptes éclairées au gaz même en plein jour. Pressez entre vos doigts ces petits doigts terminés en fuseau, ils dénotent encore certains penchants de la race, mais ils n’ont plus la pince solide et crochue des pères. Pas une goutte de sang, le teint de cire a pris la couleur de la fine porcelaine de Sèvres imperceptiblement bleue, ils tremblent sous notre ciel, ils s’enfuient frileusement vers Nice tandis que de pauvres diables travaillent à faire leurs journaux.

Le jour où les catholiques, las de défendre cette société devenue exclusivement juive, laisseront les affamés marcher sur les maisons de banque comme on a marché sur les couvents, on écrasera ces mendiants d’hier devenus les tyrans d’aujourd’hui, sans que leur sang fasse une tache plus rouge que la viande kasher qu’ils mangent.

Cet état physique peut expliquer en partie la tristesse qui fait le fond du caractère juif, mais n’en est pas le motif unique.

Cette mélancolie tient à des causes qu’il me faut indiquer pour compléter cette étude, quel que soit mon désir de ne pas aborder la question religieuse proprement dite, tant est grand mon respect pour toutes les croyances.

Pour réussir dans leur attaque contre la civilisation chrétienne, les Juifs en France ont dû ruser, mentir, prendre des déguisements de libres-penseurs. S’ils avaient dit franchement : « Nous voulons détruire cette France d’autrefois qui a été si glorieuse et si belle pour la remplacer par la domination d’une poignée d’Hébreux de tous les pays, » nos pères, qui étaient moins ramollis que nous, ne se seraient pas laissés faire. Ils sont restés longtemps à l’état vague, agissant avec la Franc-maçonnerie, s’abritant derrière des phrases sonores émancipation, affranchissement, lutte contre les superstitions et les préjugés d’un autre âge.

Ils ont d’abord célébré leur culte chez eux, puis peu à peu, en gardant les instincts de leur race, ils ont perdu ce qu’il y a de bon dans toute religion, ils ont été envahis par cette sorte de marasme affreux qui prend l’homme qui ne croit plus à rien.

En dehors des fêtes religieuses qui réunissaient toute la famille, des repas de préceptes, de la Circoncision, du Pourim, de Bar Mitzwa, il y avait jadis mille occasions de resserrer les liens de la fraternité, d’échanger des siv loness, des présents. Un Sioum, c’est-à-dire la fin d’un traité du Talmud étudié soit par une société, soit par un particulier, donnait lieu à un repas. Quand on annonçait qu’il y avait Zocher chez quelqu’un, c’est-à-dire qu’un enfant mâle était né, on se rendait chez lui pour le féliciter. Le sabbat qui précède la noce, Spinholtz, et qui se prolongeait jusqu’au samedi suivant, était un prétexte à longues réjouissances et la table était alors surchargée de ces sucreries et de ces gâteaux, dont Henri Heine nous a donné plus d’une fois une énumération enthousiaste. Tout cela pour beaucoup n’est plus guère qu’à l’état de souvenir.

Sans doute, les Juifs sont plus fidèles qu’on ne le croit à leurs pratiques religieuses. Tel écrivain qui, dans une feuille républicaine, vient d’écrire un violent article pour arracher aux déshérités cette foi qui console de tout, qui vient de railler grossièrement nos Sacrements, notre Carême, nos enfants conduits à la première Communion, court à la synagogue pour y remplir ses devoirs. Pendant la Pâque, ils retrouvent chez Van der Ham, 24 bis, rue de Maubeuge, où le service du Seder est admirablement organisé, les négociants et les employés du quartier du centre. C’est à ce restaurant que vont notamment tous les Hollandais et les Allemands.

C’est là que fut dit à un de nos confrères, libre-penseur apparent, qui n’est qu’un Juif fervent, c’est-à-dire fanatique contre le Christ, ce mot charmant qu’ont reproduit les Archives israélites. Il était venu déjeuner le premier jour de la Pâque et au moment de partir, il demanda l’addition à la jeune fille qui le servait.

— Monsieur, répondit la jeune Hollandaise, nous ne prenons pas d’argent aujourd’hui, jour de fête.

— Mais, Mademoiselle, vous ne me connaissez pas, et si je ne revenais pas ?

— Oh, monsieur, quand on fait Pâque, on revient…


Il est incontestable cependant que l’indifférence a pénétré chez beaucoup d’Israélites. Ce n’est point une des premières crises que traverse la religion juive.

Sans aller au vif de certaines questions, ce que les Juifs même devenus chrétiens font rarement, les abbés Leman, Israélites convertis, ont résumé jadis avec infiniment de netteté les phases successives par lesquelles a passé le Judaïsme[71].

A la période d’attente et de tressaillement qui précède a venue du Christ succède une période violente, agitée, pendant laquelle Israël s’obstine à chercher le Messie, sans vouloir s’avouer à lui-même qu’il l’avait crucifié[72].

Bientôt, même en donnant aux prophéties messianiques les interprétations les plus singulières, en supputant de mille manières la prédiction de Daniel sur la période des soixante-dix semaines d’années, on en arrive à désespérer. Les rabbins alors vouent à l’anathème celui qui désormais parlerait de l’apparition du Messie. « Tous les temps qui étaient fixés pour la venue du Messie sont passés, » dit rabbi Rava. « Maudits soient ceux qui supputent les temps du Messie, » déclare le Talmud de Babylone. « Puissent leurs os se rompre, » ajoute rabbi Iochanan.

Si les Juifs de Roumanie entretiennent, à grands frais, à Sada-Gora, la famille d’Isrolska, la famille sacrée d’où doit naître le Messie, si les Juifs de Pologne laissent leur fenêtre ouverte quand il tonne pour qu’il puisse entrer, les Juifs civilisés ne croient plus à la venue du Rédempteur, ils n’admettent plus que ce qu’ils nomment le Messie mythique ; ou plutôt le Messie, le futur roi du monde, c’est Israël.

Michel Weil, grand rabbin, dit expressément que les prophéties n’ont jamais fait mention ni d’un descendant de David, ni d’un roi Messie, ni même d’un Messie personnel. Le véritable Rédempteur, selon lui, serait, « non plus une personnalité, mais Israël transformé en phare des nations, élevé aux nobles fonctions de précepteur de l’Humanité qu’il instruira par ses livres comme par son histoire, par la constance dans ses épreuves non moins que par la fidélité à la doctrine ! »

Je ne relèverai pas une fois de plus ce qu’a d’impudemment orgueilleux la prétention de cette bande de manieurs d’écus d’être le phare de nations qui ont eu Charlemagne, saint Louis, Charles-Quint, Napoléon, les plus grands saints, les plus puissants penseurs, les plus hauts génies, les sociétés les plus admirablement organisées. Il y a évidemment là une véritable démence collective, une sorte de folie des grandeurs sévissant non plus sur un individu isolé, mais sur une race tout entière à laquelle des succès soudains ont monté à la tête.

Ces succès, en tout cas, n’ont pas procuré à Israël le bonheur de l’âme.

A mesure que leur rêve s’accomplissait, la portion d’idéal très relatif de spiritualisme religieux qui était en eux diminuait, leur petit lambeau d’infini décroissait. Ces Nucingen avaient, eux aussi, leur peau de chagrin d’un nouveau genre où la notion de la vie future se rétrécissait et se desséchait pendant que leur vie présente devenait plus brillante et plus large.

Leur romanesque espérance de posséder la terre, de jouir seuls de ce que d’innombrables générations de chrétiens avaient fondé, créé, produit, s’était réalisée contre toute vraisemblance. Avec des prospectus aussi fantastiques que ceux du Honduras, des Galions de Vigo, ou des Bons ottomans, ils avaient tiré de la poche des pauvres, des bas de laine, des paillasses, l’épargne touchante, l’épargne sainte que la vieille femme enveloppait dans un papier de soie et montrait, avec un sourire fier, au mari qui craignait de ne plus pouvoir travailler. Sur ces dépouilles conquises par le fourbe sur le naïf ils avaient acheté des châteaux historiques, des demeures illustres où les grands hommes d’autrefois, à l’heure de la retraite, s’étaient reposés après avoir servi leur pays. Les membres dégénérés de l’aristocratie s’étaient abaissés à venir admirer ces tortils de baron et ces écussons de contrebande dessinés sur le sable des écuries de Ferrières ou de Beauregard. Ils n’avaient eu qu’un signe à faire aux meneurs de la démocratie franc-maçonnique pour être nommés ministres ou députés, comme Raynal et Bischoffsheim.

Malgré tout, un sentiment de déception leur vint : « Ce n’est donc que cela ? » semblaient-ils dire.

Aux balcons des avant-scènes payées par les malheureux qu’ils ont réduits au suicide, sur la terrasse des châteaux qu’ils ont volés ces triomphants, si peu joyeux, sont assaillis par les pensées arides qui vinrent au Schelemo biblique sur la terrasse de son palais de Beth-yaar-ha-Libanon ou dans les allées de son jardin d’Etham.

L’homme n’a aucun avantage sur la bête et l’un et l’autre ont la même fin, tous deux retournent à la poussière.

Un chien vivant vaut mieux qu’un lion mort.

Le meilleur bien pour l’homme c’est de manger, de boire, et de jouir.

Ainsi parle dans l’Ecclésiaste, le Kohelet, fidèle interprète de la morale saducéenne.

La vision de cette mort qui vient à grands pas et après laquelle il n’y a rien, de ce cercueil qu’on monte un jour dans ce magnifique appartement dont les glaces resteront voilées pendant sept jours, de ce cadavre qu’on emporte à moitié pourri, met une ombre sur tous ces fronts[73].

Si les Juifs, en effet, ont gardé au plus profond d’eux mêmes la notion d’un Dieu unique, si leur mission providentielle a été de maintenir et de répandre cette foi dans le monde, la croyance en une vie future est chez eux très confuse et très vacillante, quoique les prières funèbres en fassent mention. Les Pharisiens eurent des tendances spiritualistes, mais les Sadducéens étaient absolument matérialistes. Il est à peine question de l’immortalité de l’âme dans le Pentateuque et le seul texte qui en parle nettement dans l’Ancien Testament est ce verset de Daniel : « Beaucoup de ceux qui dorment dans la poussière se réveilleront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour la honte éternelle. »

La Mischna défend de sonder ces problèmes et l’Agadah rapporte à l’appui de cette défense l’histoire de quatre docteurs Ben-Azai, Ben-Zoma, Akiba et Acher qui osèrent s’aventurer « dans les avenues du Paradis. » L’un d’eux mourut, le second devint fou, Acher apostasia, Akiba seul se tira d’affaire, grâce à son ferme bon sens.

M. Charles de Rémusat a eu parfaitement raison d’écrire à ce sujet :

Le judaïsme, du moins le Judaïsme mosaïque, s’il ne garde pas le silence, sur la vie future en parle si rarement, si obscurément qu’il a presque réalisé le paradoxe d’une religion qui pourrait se passer du dogme sans lequel toute religion est inutile. Le législateur sacré des Hébreux semble avoir borné à ce monde tous les intérêts du peuple de Dieu. On ne peut pas aller aussi loin que saint jean Chrysostome et même que saint Thomas d’Aquin qui veulent que la vie future leur ait été cachée, mais, au moins dans le Pentateuque, elle n’est insinuée qu’en termes équivoques et susceptibles d’une autre interprétation et même dans les livres postérieurs de l’Ancien Testament, elle demeure la plupart du temps supposée plutôt que professée. Au moins faut-il reconnaître avec saint Augustin avec Grotius, Bossuet, Leibnitz, Fleury, que la religion juive ne mettait pas au premier rang, comme article fondamental la certitude d’une vie à venir avec toutes ses conséquences[74].

On devine que dans ces conditions l’horizon est étroit pour les Juifs fermés à ces belles espérances qui sont notre consolation et notre joie[75]. 131 il faut ajouter que les Juifs, toujours au courant de ce qui se passe, non seulement dans le monde des faits, mais dans le monde des idées, sont très vivement préoccupés du mouvement anti-sémitique qui se dessine dans toute l’Europe. On ne saurait croire la fureur dans laquelle les a plongés la création à Paris d’un petit journal très vaillant, très moderne, très au fait des tripotages financiers, l’Anti-Sémitique qui reparaît toujours lorsqu’on le croit disparu.

Bref, les Juifs ont le sentiment confus de ce qui les attend. De 1870 à 1879, ils ont traversé une période d’orgueil délirant. « Quel bonheur d’être nés à une pareille époque ! s’écriait jadis le Juif Wolff, dans le National-Zeitung : « es ist eine lust zu leben ! » Alors que sur les bords de la Sprée les Lasker, les Bleichroeder, les Hanseman dépouillaient de leurs milliards les Prussiens grisés par les lauriers. Quel bonheur ! leur répondaient de France la bande de cosmopolites, en voyant que les places, l’argent, les hôtels, les attelages princiers, les chasses, les loges à l’Opéra, tout était à eux et que le bon peuple se contentait d’un discours bien senti sur les nouvelles couches.

Aujourd’hui, ils ont un peu baissé le ton et ils sentent que quelque chose se concerte entre les chrétiens de tous les pays qui pourrait être plus fort que l’Alliance Israélite universelle.

Dans son essence même, le Juif est triste. Enrichi, il devient insolent en restant lugubre, il a l’arrogance morose : tristis arrogantia, du Pallas de Tacite.

L’hypocondrie, qui n’est qu’une des formes de la névrose, est le seul cadeau qu’ils aient fait à cette France jadis si rieuse, si folâtre, si épanouie dans sa robuste et saine gaîté.

« Le Juif est sombre » a dit Shaftesbury dans ses Characteristics, grand mot et parole plus profonde qu’elle n’en a l’air. C’est une erreur de croire que le Juif s’amuse avec les siens, une erreur même de croire qu’il les aime. Les chrétiens ne se soutiennent jamais, mais ils s’aiment entre eux, ils ont plaisir à se voir. Les Juifs, au contraire, se soutiennent jusqu’à la mort, mais ils ne peuvent pas se sentir, ils se font horreur à eux-mêmes, et dès qu’ils ne sont plus en affaires, ils se fuient comme des damnés. Ils n’ont guère plus d’agrément avec les chrétiens, un mot de respect pour le Christ suffit à les rendre malades, une plaisanterie sur Judas qu’ils accueillent en riant jaune les met hors d’eux-mêmes. Au fond elle est toujours d’actualité, la parole écrite sur la porte des ghettos d’Italie.

Ne populo regni » ceclestis heredi usus cum exhoerede sit.

« Que le peuple héritier du royaume céleste n’ait rien de commun avec celui qui en est exclu. »

Parfois, il y a un fin sourire sur ces visages à la pensée de quelque bon tour joué au chrétien. Le renard, en effet, est la bête allégorique du Juif, le Meschabot schualim, les Fables du renard est le premier livre qu’on mette entre les mains du petit Hébreu. Devenu grand, il se complaît dans la vie à souligner la farce qu’il vient de faire à l’Aryen. Après avoir, par exemple, comme Bleichroeder, organisé la campagne de Tunisie qui coûte à la France la vie de ses enfants, l’argent de ses finances, l’alliance de l’Italie, il se gausse encore de sa victime en se faisant nommer commandeur de la Légion d’honneur par quelque ministre avili.

À ces accès de joie mauvaise succède parfois une expression de naïveté. De la naïveté chez le Juif ! Vous écrierez vous, vous nous la baillez belle ! Oui, il y a chez lui un côté enfantin. Ce représentant de la civilisation en ce qu’elle comporte de plus aigu, de plus raffiné, de plus morbide, a l’astuce du sauvage, il en a aussi la vanité naïve. Sa bouche parfois s’entre ouvre de plaisir devant certains triomphes de gloriole, comme la bouche de ces Africains dont l’œil et les dents brillent du contentement de posséder un morceau de verroterie ou un lambeau d’étoffe voyante.

A l’enterrement de Louis Blanc, je regardais dans la rue de Rivoli se ranger les députations et j’examinais avec un plaisir indicible la façon dont tous ces individus à la barbe jaunâtre et sale se carraient sous le grand cordon bleu du Franc-Maçon. Il y avait, dans tous ces gens à mine basse, une satisfaction puérile d’être là, en face des Tuileries, respectés par les gardiens de la paix, ayant une importance, un rôle dans une cérémonie quasi officielle, portant un costume qui les distinguait des autres. Le Juif est plus souvent ainsi qu’on ne le croit. Quand il vous raconte qu’il a reçu une distinction quelconque, une médaille de chocolat dans une exposition, il vous fixe bien pour voir si vous ne vous moquez pas de lui, ce qui est sa crainte perpétuelle, alors sa face pâle et exsangue s’éclaire d’un rayon de bonheur pareil à celui qui illumine souvent les enfants.

Le seul sentiment qui survive dans ces corrompus et ces blasés c’est la haine contre l’Église, contre les prêtres, contre les religieux surtout.

Reconnaissons-le, comme cette haine est naturelle ! Cet homme né intelligent, riche, portant souvent un nom qui sonne autrement que celui de tous ces nobles de Gerolstein et qui quitte tout pour se faire semblable aux plus pauvres, — cela ne nie-t-il pas, ne supprime-t-il pas tout ce qui enorgueillit le Juif : l’argent ? Ce vœux de pauvreté du moine ne semble-t-il pas une permanente raillerie du vœux de richesse du Juif ?

Cette femme qui a préféré une robe de bure, dont ne voudraient pas des servantes, à la soie et à la dentelle n’est elle point, malgré la douceur de son angélique physionomie, comme une vivante et perpétuelle offense à ce Juif incapable d’acheter avec tout son or ce que possède cette indigente : la Foi, l’Espérance et la Charité[76] ?

En voilà une à qui la mort est bien égale et à qui un cercueil, fût-il en bois blanc, ne fait pas peur.

Simon dit Lockroy[77] pourra insulter ce moine, demander qu’on le chasse de sa cellule. Dreyfus pourra proposer à nos honnêtes républicains d’arracher à ces sœurs de charité le morceau de pain qui leur suffit pour ne pas mourir. Il leur restera toujours le crucifix qu’elles ont au cou, il est en cuivre et les baronnes de la Juiverie n’aiment que ce qui porte le contrôle de la monnaie.

Le fait seul que ces vertus sublimes, ces désintéressements de tout ce qui est matériel, ces abnégations superbes puissent exister, se dresse comme une épine dans le lit du grossier sybarite juif qui, maître de tout, sent qu’il ne peut rien sur ces âmes.

Sur cet état d’esprit du Juif, Renan encore est précieux à consulter. Son portrait du Juif moderne dans l’Ecclésiaste est un morceau délicieux. On voit à l’œuvre le peintre qui a de mystérieuses complaisances pour Judas ; il est préoccupé de mettre toujours une touche caressante à côté d’une vérité un peu rude ; il efface le trait qui blesserait pour ajouter l’épithète qui plaira. Il admire ce parasite « si vite exempt du préjugé dynastique qui sait jouir d’un monde qu’il n’a pas fait, cueillir les fruits d’un champ qu’il n’a pas labouré, supplanter le badaud qui le persécute, se rendre nécessaire au sot qui le dédaigne. »

C’est pour lui, vous le croiriez, que Clovis et ses Francs ont frappé de si lourds coups d’épée, que la race des Capets a déroulé sa politique de mille ans, que Philippe Auguste a vaincu à Bouvines et Condé à Rocroi. Vanité des vanités ! Oh ! La bonne condition pour conquérir les joies de la vie que de les proclamer vaines ! Nous l’avons tous connu, ce sage selon la terre, qu’aucune chimère surnaturelle n’égare, qui donnerait tous les rêves d’un autre monde pour les réalités d’une heure de celui-ci : très opposé aux abus, et pourtant aussi peu démocrate que possible avec le pouvoir à la fois souple et fier, aristocrate par sa peau fine, sa susceptibilité nerveuse et son attitude d’homme qui a su écarter de lui le travail fatigant, bourgeois par son peu d’estime pour la bravoure guerrière et par un sentiment d’abaissement séculaire dont sa distinction ne le sauve pas. Lui qui a bouleversé le monde par sa foi au royaume de Dieu ne croit plus qu’à la richesse. C’est que la richesse est en effet sa vraie récompense. Il sait travailler, il sait jouir. Nulle folle chevalerie ne lui fera échanger sa demeure luxueuse contre la gloire périlleusement acquise, nul ascétisme stoïque ne lui fera quitter la proie pour l’ombre. L’enjeu de la vie est selon lui tout entier ici-bas. Il est arrivé à la parfaite sagesse : jouir en paix, au milieu des œuvres d’un art délicat et des images du plaisir qu’on a épuisé, des fruits de son travail.

Surprenante confirmation de la philosophie de la vanité ! Allez donc troubler le monde, faire mourir Dieu en croix, endurer tous les supplices, incendier trois ou quatre fois votre patrie, insulter tous les tyrans, renverser toutes les idoles, pour finir d’une maladie de la moelle épinière, au fond d’un hôtel bien capitonné du quartier des Champs Elysées, en regrettant que la vie soit si courte et le plaisir si fugitif. Vanité des vanités !

Non, dilettante, ce n’est pas pour qu’un Juif meure de la moelle épinière dans un hôtel du quartier des Champ Elysées que Clovis a combattu à Tolbiac et Philippe Auguste à Bouvines. Si nos pères se sont dévoués, s’ils sont tombés sur les champs de bataille c’est pour qu’il y ait une France comme il y a une Angleterre et une Allemagne, pour que nos enfants prient comme ont prié leurs pères, aient une foi qui les soutienne dans la vie.

Il a plu aux Sémites, ces perpétuels agités, de détruire les bases de l’ancienne société, l’argent qu’ils ont dérobé servira à en fonder une nouvelle, ils ont créé une question sociale, on la résoudra sur leur dos. On distribuera tous ces biens mal acquis à tous ceux qui prendront part à la grande lutte qui se prépare, comme on a jadis distribué des terres et des fiefs aux plus courageux.

En Allemagne, en Russie, en Autriche-Hongrie, en Roumanie, en France même où le mouvement est encore latent, grands seigneurs, bourgeois, ouvriers intelligents, tout ce qui est d’origine chrétienne en un mot, sans observer souvent les pratiques religieuses est d’accord sur ce point. L’Alliance anti-sémitique universelle est constituée et l’Alliance Israélite universelle ne prévaudra point contre elle.

Les Comités pourront en certains pays montrer plus ou moins d’activité, la propagande pourra être plus ou moins longue, le siècle ne finira pas sans que l’histoire voie se renouveler ce fait qui s’est renouvelé constamment : le Juif profitant des divisions qu’il crée pour se rendre maître par la ruse de tout un pays, voulant modifier violemment les idées, les mœurs, les croyances traditionnelles de ce pays et amenant, à force de taquineries et d’insolences, les gens qui se haïssaient la veille à se réconcilier pour lui tomber dessus avec un entrain prodigieux.

Quant à moi, je ne suis que le modeste annonciateur des événements curieux qui approchent. Insulté, diffamé, méconnu, peut-être mourrais-je, quoique je ne le croie pas, avant d’avoir assisté aux choses que j’annonce comme certaines. Qu’importe ! j’aurai rempli mon devoir et accompli mon œuvre. Chaque fait maintenant confirmera la justesse de mes prévisions. « Dans toutes les affaires, dit Bossuet, il y a ce qui les prépare, ce qui détermine à les entreprendre et ce qui les fait réussir. La vraie science de l’histoire est de remarquer dans chaque temps les dispositions secrètes qui ont préparé les grands changements et les conjonctures importantes qui les ont fait arriver. »


LIVRE DEUXIÈME


LE JUIF DANS L’HISTOIRE DE FRANCE


Les événements sont beaucoup moins variés que ne le supposent ceux qui ne connaissent pas ceux qui tiennent les fils.
Disraeli.



I
DES PREMIERS TEMPS À L’EXPULSION DÉFINITIVE EN 1394


Les Juifs dans les Gaules. — Les sentiments religieux délicats et M. Renan. – Les Juifs en Bretagne. — De arrogantia Judeorum. — Les Juifs au moyen âge. — Les mensonges accrédités. — Les écoles, les rabbins et les poètes. — Les Juifs chassés d’Espagne. — Abou Iskak, le poète patriote. — La Kacida en noun. — Les Juiveries du Midi. — La guerre des Albigeois. — La rouelle jaune, — Les mesures de salut spécial. — Le procès du Talmud. — Les élégies. – L’autodafé de Troyes et la Lanterne. — Le Juif d’après Michelet – Les Templiers et les Juifs. — L’ordre du Temple, corrompu par l’argent, devient un instrument des Juifs. – Les sacrilèges. — Les Templiers et la Maçonnerie. — Les lépreux. — La guerre sociale au XIXe siècle. — Le mouvement sémitique. – L’expulsion définitive de 1394. — La grandeur de la France.




I


DES PREMIERS TEMPS À L’EXPULSION DÉFINITIVE EN 1394


Les Juifs étaient venus dans les Gaules à la suite des Romains. Au IVe siècle, vers l’an 353, ils assassinent, sur les bords de la Durance, un officier qui, après avoir gouverné l’Égypte, revenait dans les Gaules par ordre de l’empereur Constance. L’épitaphe du malheureux fut retrouvée et décrite par Pierre Bérenger, médecin provençal. Tillemont, au tome IV de son Histoire des Empereurs, mentionne également ce fait que met en doute cependant dom Liron, dans les Singularités historiques et littéraires.

Si la présence de quelques Juifs, venus en même temps que les Romains, n’est point contestée, il est difficile d’admettre avec Renan que les Juifs aient fait des conversions parmi les personnes « animées de sentiments religieux délicats, » pour employer le style particulier de l’écrivain[78]. L’affirmation que la Synagogue soit restée à côté de l’Église « comme une minorité dissidente » ne repose absolument sur aucun témoignage[79].

La vérité est que les Juifs, plus préoccupés qu’ils ne le disent du compte qu’ils auront à rendre du rôle joué par eux dans les dernières persécutions religieuses et craignant que ce qu’ils appellent « le second séjour des Juifs en France » ne se termine comme le premier, voudraient arguer d’un vieux titre d’habitation dans cette France, sur le sol de laquelle ils ont toujours vécu en nomades, sans contribuer en rien au développement de la civilisation générale.

C’est en Bretagne seulement, où les Juifs furent assez nombreux jusqu’au XIIIe siècle, que l’existence d’une colonie sémitique, venue là à une époque très reculée, pourrait se soutenir. Les signes sculptés dans les grottes de Gavrinis présentent plus d’une analogie avec la hache symbolique gravée sur les monuments égyptiens. Les souvenirs encore vivants dans les traditions du pays, d’une cité fabuleuse qu’on appelait Is, d’un roi entouré d’un luxe tout oriental, qu’on appelait Salomon, reviennent parfois à l’esprit devant ces fontaines ombragées du figuier biblique et qui font songer à Siloë. Alphonse de Rothschild, qui cherche toujours à grouper tous les frères dispersés pour son futur royaume, est venu faire un tour du côté de Carnac, mais l'accueil qu'il a reçu, malgré ses millions, d'une population où la foi est enracinée dans le cœur des habitants, a dû le convaincre que s'il y avait là une tribu, elle était bien perdue pour lui[80].

Dans les Gaules, les Juifs retrouvèrent le mépris dont on les accablait à Rome. Tandis que le christianisme, séparé complètement de toute alliance avec le Judaïsme considéré comme l'expression d'une race distincte, faisait partout de rapides progrès et ralliait à lui toutes les âmes et toutes les intelligences, les Juifs voyaient des peuples absolument étrangers aux préjugés romains redoubler spontanément de sévérité envers eux. Les Burgondes et les Visigoths sont également durs pour eux. Le concile de Vannes, tenu en 465, défend aux ecclésiastiques de fréquenter les Juifs et de manger avec eux. Clotaire II leur retire, en 615, le droit d'intenter une action contre un chrétien, en 633, Dagobert II les expulse de ses États.

Toujours réprimés dans leurs usures, ils reviennent toujours à la charge et dans le commencement de la période Carolingienne nous les trouvons plus puissants que jamais. Charlemagne adjoint un Juif aux ambassadeurs qu'il envoie à Haroun-al-Raschild. Sous des monarques faibles comme Louis le Débonnaire, ils donnent carrière à leur nature envahissante. Alors, comme aujourd'hui, ils ne se contentent pas d'obtenir le libre exercice de leur culte, ils veulent que autres se gênent pour qu'ils ne soient pas gênés eux-mêmes, ils font décréter que les marchés ne se tiendront pas le samedi, ils réclament l'exemption des droits qui pèsent sur les autres commerçants.

Comme aujourd'hui, leur audace révolte chacun et l'archevêque de Lyon Agobard écrit son traité : de insolentia Judeorum. Mettez une traduction moderne et même parisienne à cette protestation, écrivez un livre intitulé : de l'aplomb ou du toupet des Juifs et vous aurez une brochure de la plus immédiate actualité.

Alors comme aujourd'hui ils se faufilent dans le gouvernement. Sédécias a toute la confiance de Charles le Chauve qu'il empoisonne.

Attirés perpétuellement vers l'Orient par l'attraction de la race, les Juifs sont sans cesse en négociations avec les Sarrasins auxquels ils livrent Béziers, Narbonne et Toulouse. C'est à partir de ce dernier méfait que chaque année le jour de Pâques, un Juif recevait trois soufflets à la porte de la cathédrale et payait treize livres de cire.

Jusqu'au douzième siècle leur condition semble toujours aller en s'améliorant. En 1131, quand le pape Innocent II vient en France et célèbre dans cette illustre abbaye de Saint-Denis, dont Suger est l'abbé, la fête de Pâques, la Synagogue, comme le constate Suger dans sa Vie de Louis le Gros, figure dans le cortège immense qui défile devant le saint Pontife le mercredi saint.

Des troupes rangées en bataille, écrit M. Adolphe Vétault dans Suger, formaient la haie et contenaient à grand peine les flots pressés de la foule qui voyait reproduite sous ses yeux, dans une image frappante, l'entrée de Jésus-Christ à Jérusalem dont les cérémonies liturgiques célébraient en ce jour la commémoration. L’analogie fut plus saisissante encore quand, au milieu de ces masses de fidèles, vint à passer la Synagogue de Paris qui voulait rendre honneur au représentant de Celui que les chefs de la Synagogue antique avaient, en des circonstances semblables, voué à la mort. En recevant des mains des rabbins le texte de l’ancienne loi écrit sur un rouleau de parchemin qu’enveloppait un voile précieux, l’apôtre de la loi nouvelle leur dit avec une fraternelle douceur : « Puisse le Dieu tout-puissant arracher le voile qui couvre vos cœurs[81] !

On le voit, la Synagogue avait sa place marquée dans l’organisation de la société d’alors. À moins d’avoir appris l’histoire dans le Manuel de Paul Bert, tout lecteur de bonne foi a pu se convaincre facilement, par le peu que nous avons dit, de l’invraisemblance du roman noir que l’on raconte aux naïfs. Des prêtres très méchants, amis de rois très cupides s’amusant à persécuter des pauvres Juifs à cause de leur religion, — telle est la légende. La vérité, au contraire, est que les Juifs, tant qu’ils ne mirent pas le pays hors de lui par leurs tripotages financiers, leurs trahisons et leurs assassinats d’enfants chrétiens, restèrent relativement plus tranquilles que les chrétiens de la même époque. La foi était cependant aussi vive au commencement du XIe siècle, alors que les monastères s’élevaient de toutes parts, quand le roi Robert le Pieux allait lui-même chanter au lutrin, que cent ans après. La religion n’eut donc aucune part aux mesures dont les Juifs furent l’objet plus tard.

Il est aisé de se rendre compte de cette évidence en étudiant la société juive d’alors. Cette époque fut incontestablement pour Israël la plus brillante qu’il eût connue depuis la destruction du Temple.

Les Juifs de France atteignaient alors le chiffre de 800,000 qu’ils n’atteignent pas encore aujourd’hui chez nous[82]. Ils étaient aussi riches qu’à l’heure actuelle et possédaient déjà la moitié de Paris[83]. Partout des écoles prospéraient, partout des rabbins éminents attiraient à eux la foule. C'est Moise de Coucy, Léon de Paris, Jacob de Corbeil, Eliezer de Beaugency, Samuel de Falaise, Simon de Joinville.

Un fait curieux, d'ailleurs, et qui dénote bien l'incroyable ténacité de cette race, la persistance avec laquelle la tradition orale se transmet chez des gens pour lesquels les siècles ne comptent pas, est l'obstination des Juifs à revenir en maîtres dans les lieux qu'ils ont habités autrefois et d'où on les a chassés. Les moulins de Corbeil, qui appartenaient jadis au Juif Cressent, sont maintenant à Erlanger, presque tous les domaines de l'Ile de France où des Juifs habitaient autrefois appartiennent à des Camondo, à des Ephrussi, à des Rothschild, qui éprouvent une sorte de jouissance indicible à avoir pour commensaux et pour flatteurs les fils dégénérés de cette noblesse qui régnait jadis sur ces pays. Toute une bande de banquiers israélites s'est également abattue sur Enghien et sur Montmorency où leurs ancêtres avaient des maisons autrefois.

Ils sont propriétaires de presque tout le quartier du Temple où se trouvaient des Juiveries aux xiieme et XIIIe siècles, ainsi que du quartier Saint-Paul, où la vieille rue des Juifs rappelle encore un ancien séjour. A part deux ou trois, toutes les maisons de la place Royale, me disait Alphonse Daudet qui a logé là longtemps, sont à des Juifs. Cette belle place qui fut bâtie par Henri IV, qui vit le splendide Carrousel de 1613 où les combattants figuraient des héros de l’Astrée, qui assista aux duels héroïques des raffinés, qui entendit la causerie des grands seigneurs et des hommes d’esprit du commencement du XVIIeme siècle, est possédée maintenant par quelques usuriers ou quelques remisiers véreux. Sic transit gloria mundi ! Ainsi s’accuse une fois de plus le caractère du Juif qui ne se contente pas d’envahir tout dans le présent, mais qui veut déshonorer même le passé.

Citons encore un fait significatif : l’Église Saint Jacques de la Boucherie fut bâtie ou du moins restaurée complètement grâce aux libéralités du légendaire Nicolas Flamel qui passe, avec assez de vraisemblance du reste, pour s’être approprié les sommes qui lui auraient été confiées par les Juifs fugitifs lors de l’expulsion de 1394. En 1797, un Juif, devenu plus tard membre du Consistoire de Metz, achète l’Église, la fait démolir et jette au vent les ossements de l’ennemi d’Israël qui, on le sait, s’était fait enterrer là, la tour seule a résisté aux démolisseurs.

N’est-ce point curieux cette haine fidèlement transmise des pères aux enfants par la tradition orale et qui se réveille après quatre cents ans aussi vivace qu’au premier jour ?

Dans le Midi particulièrement les Juifs étaient presque maîtres.

L’élément sémitique juif et arabe, dit Michelet, était fort en Languedoc, Narbonne avait été longtemps la capitale des Sarrasins en France. Les juifs étaient innombrables. Maltraités, mais pourtant soufferts, ils florissaient à Carcassonne, à Montpellier, à Nîmes, leurs rabbins y tenaient des écoles publiques ils formaient le lien entre les chrétiens et les mahométans, entre la France et l’Espagne. Les sciences applicables aux besoins matériels, médecine et mathématiques étaient l’étude commune aux hommes des trois religions. Montpellier était, plus lié avec Salerne et Cordoue qu’avec Rome. Depuis les Croisades, le haut Languedoc surtout s'était comme incliné à la Méditerranée et tourné vers l'Orient, les comtes de Toulouse étaient comtes de Tripoli.

Tandis qu'aux environs de Paris, sur les bords de la Seine où près des bois, ils possédaient de riantes villas comme celle du Juif Cressent, de Corbeil, qui fut vendue 520 livres parisis, ou celle de Josson, de Coulommiers, dont l'immeuble adossé au château valait 400 livres tournois, ils étaient parfois seigneurs dans le Midi. Ils montraient avec orgueil, à Narbonne, la célèbre Cortada appartenant à la famille des Kalonymes dont le chef prenait héréditairement le titre de Nazi ou roi des Juifs. Au moment de l'arrêt définitif de bannissement, le petit souverain de la Cortada à laquelle les Juifs étaient très attachés, car elle était terre de « franc-alleu » et impliquait ainsi pour eux le droit de posséder des fiefs, était Kalonymus ben Todras, appelé dans les documents du temps Moumet-Tauros. La Cortada fut vendue aux consuls de Narbonne pour le prix de huit cent soixante-deux livres tournois.

Dans le Languedoc « cette Judée de la France, » pour employer l'expression de Michelet, les Juifs portaient des noms vulgaires, Astruc, Bougodas, Crescas, Dileral, Estori, mais en se mêlant à la population le plus qu'ils pouvaient, ils restaient fidèles au souvenir de la patrie, ils donnaient des noms de villes bibliques à celles du pays : Lunel devenait Jéricho, Montpellier, Hac, Carcassonne, Kirrath Jearin, ils se francisaient pour conquérir, ils judaïsaient ce qu'ils croyaient avoir conquis.

Dans le Nord, les rabbins étaient surtout de savants talmudistes. Les Tossaphistes s'attachaient particulièrement au Pentateuque. Le rival de Maïmonide, rabbi Salomon, fils d'Isaac de Troyes et plus connu sous le nom de Raschi, fonde la célèbre école d'exégèse de Champagne. Nicolas de Lire lui emprunta plus tard beaucoup de ses arguments contre l'Église et ses arguments se transmirent à Luther, « Raschi et les Tosaphistes, dit Renan, firent Nicolas de Lire, Nicolas de Lire fit Luther. » Renan lui même a puisé au même arsenal et les quelques objections spécieuses contre le christianisme qui se rencontrent dans ses livres lui ont été soufflées par Neübauer qui lui a fourni presque entièrement les matériaux pour son étude sur les Rabbins de France au commencement du XIVe siècle[84].

Les rabbins, surtout dans le Midi, étaient également poètes, et ici nous pouvons constater la sécheresse du génie juif une fois qu'il n'a plus été inspiré par les oliviers de la patrie et les fraîches vallées du Jourdain. Ceux qu'on a appelés les Pères de la Synagogue, le provençal Berakhia ben Natronaï, le rabbin de Lunel Jehonhatan ben David, Zerakhia Ha Levi, Abraham Bedersi de Béziers, ainsi qu’Isaac de Corbeil, Jechiel de Paris, qui s’essayèrent aussi dans la poésie ne furent guère que des fabulistes de second ordre, des Viennet du moyen âge.

Ces apologues sont de plusieurs sortes, il y a les Skhiehat Dekalin ou Récits des arbres, comme ceux qu’écrivit Iochanan, fils de Zakhar, puis les apologues populaires et naïfs, les Meschelot Khobsem ou Récits des Blanchisseuses.

Les plus réussis de ces courts récits sont les Meschelot Schualim ou Fables des Renards qui jouent, nous l’avons dit, un grand rôle dans l’éducation des petits Israélites en leur apprenant de bonne heure à être malins et à mettre dedans le goy.

Quelques fables de Berakhia : la Mouche et le Taureau, les Deux Cerfs, le Taureau, le Lion et le Bouc sont jolies sans avoir rien d’extraordinaire. Le Faisceau de baguettes d’Isaac de Corbeil est plus piquant, la moralité résume tout le mouvement juif et pourrait être inscrite en épigraphe sous les mains enlacées de l’Alliance israélite universelle.

La fable orientale sera éternellement vraie. Si un homme lie en faisceau plusieurs baguettes, le plus fort des forts ne peut les rompre : au contraire si elles sont séparées le plus faible des faibles les rompra très facilement.

Berakhia, l’auteur de l’Hidoth Isopito, Similitudes ou Enigmes d’Ysopet, fait parfois songer à Florian. Joseph Ezobi de Perpignan, l’auteur du poème Qu’arath kesef, l’Ecuelle d’argent, qu’il composa pour le mariage de son fils Samuel et qu’il lut aux noces semble avoir été un peu le Gresset du XIIIe siècle.

Les Juifs recherchaient surtout les tours de force, les difficultés vaincues, les acrostiches. Abraham Bedersi, auteur de l’Épée flamboyante et de plusieurs petits poèmes qui ont été réunis sous le titre du Divan, avait composé la Pétition des lamed, ainsi désignée parce que dans toute la pièce ne figurait pas une seule des lettres qui dans l’alphabet sont au-delà de L, et que, de plus chaque mot de la pièce renfermait cette dernière lettre.

Sans tomber dans la subtilité, on peut rattacher cette sorte de puérilité dans l’effet et d’indigence dans l’inspiration à l’importance qu’ont pris les mots aux dépens de l’idée, à la stérilité prétentieuse qui règne partout depuis que les Juifs sont les maîtres de notre littérature.

On voit qu’il n’y a rien là qui ait beaucoup avancé l’histoire de la civilisation. Nous sommes loin du large souffle des chansons de gestes, des improvisations pleines de couleur et de naïveté des Trouvères et des Ménestrels, loin de Jean Bodel et de Rutebœuf. Si on les eût laissé faire, les Juifs nous auraient peut-être donné l’opérette quelques siècles plus tôt, c’est tout ce qu’on peut dire de plus élogieux sur leur littérature.


Les jours de l’opérette n’étaient pas encore arrivés, c’est la tragédie qui allait tomber sur tous ces aimables poètes.

C’est par le Midi, où ils paraissaient le plus solidement installés, que commença le malheur des Juifs.

Disons tout d’abord, en remontant un peu en arrière, que l’exemple d’une partie de leurs coreligionnaires chassés d’Espagne et obligés de chercher un asile dans les florissantes juiveries de Toulouse et de Narbonne aurait dû les rendre prudents.

Au XIe siècle, les Juifs étaient tout-puissants en Espagne. Un des leurs, rabbi Samuel Ha Lévi, marchand épicier, se mêla aux guerres civiles qui, par une coïncidence singulière, ont une intensité particulière partout où il y a des, juifs, et devint favori du roi Habous.

Son fils, rabbi Joseph Ha Lévy, Nazi ou Naghid, c’est à dire roi des Juifs, parvint à être vizir du roi Badis.

Ce fils d’épicier tint la conduite que devait tenir plus tard Gambetta, Juif comme lui et fils d’épicier comme lui. Il révolta tout le monde par son insolence (insolentia Judeorum), il insulta grossièrement la religion du pays, et chacun bientôt n’eut plus qu’un désir, celui d’être débarrassé de lui et de la clique qu’il traînait sur ses pas. « Le royaume alors, dit un historien arabe, valait moins que la lampe de nuit quand le jour est arrivé. »

Un poète religieux, le glorieux Abou Iskak Al Elbiri, alla de ville en ville, flétrissant les défaillances, prêchant le dévouement, réconciliant entre eux les « Cindhadjites » et les Berbères longtemps ennemis, récitant partout sa célèbre Kacida rimée en noun, pour exciter les courages. Partout on répétait avec lui le refrain de sa chanson : « Les Juifs sont devenus grands seigneurs… Ils règnent partout dans la capitale et dans les provinces, ils ont des palais incrustés de marbre, ornés de fontaines, ils sont magnifiquement vêtus et dînent somptueusement, tandis que vous êtes pauvrement vêtus et mal nourris. »

Figurez-vous un Déroulède vraiment patriote au lieu de s’être enrégimenté dans le parti de Gambetta par amour pour la réclame banale, un général n’ayant pas peur de la mort, quelques hommes du peuple courageux, tout cela se ruant un matin sur les hôtels des tripoteurs et des financiers juifs, et vous aurez une idée de la scène qui se passa à Grenade le jour du Sabbat, 9 tebeth de l’an 4827 (30 décembre 1066).

Le Gambetta du XIe siècle, qui n’avait pas eu l’idée de mourir à temps, fut massacré avec quatre mille des siens.

La légende a conservé la mémoire du désintéressement superbe que montra Abou Iskak. Quand dans les jardins du persécuteur, la foule vint apporter au poète devant lequel les chefs militaires avaient respectueusement abaissé leurs cimeterres sanglants, les monceaux d’or, les pierreries étincelantes, les colliers précieux, les étoffes chatoyantes, les objets d’art qui par milliers jonchaient le sol, Abou prit une grenade qui pendait à un arbre, l’ouvrit, en humecta ses lèvres et dit : « La chaleur est lourde aujourd’hui, j’avais soif, partagez-vous ces trésors, mes enfants, mais n’oubliez pas de faire votre prière ce soir, car Dieu seul est grand ! »


C’étaient des débris échappés à cette exécution que s’était grossie la colonie juive du Languedoc. Sans être instruits par l’expérience de ce qui venait d’arriver (quelle expérience instruira jamais les Juifs ?), ils recommencèrent leurs intrigues, ils s’efforcèrent de corrompre le pays où ils étaient si bien accueillis, de lui arracher ses croyances, ils rendirent nécessaire la terrible croisade contre les Albigeois.

Quelles étaient au fond les doctrines des Albigeois ? On n’en sait rien, il y avait de tout, des Manichéens, des Gnostiques, des Athées, dans toute affaire où le Juif figure, la confusion est telle qu’une chatte ne reconnaîtrait plus ses petits. Or le Judaïsme était au fond de tous ces troubles. « Les Juifs, dit Michelet, vivante image de l’Orient au milieu du christianisme, semblaient là pour entretenir la haine de la religion. Aux époques de fléaux naturels, de catastrophes politiques, ils correspondaient, disait-on, avec les infidèles et les appelaient. » Ailleurs, l’historien constate encore à quel point le Juif avait perverti les idées de la noblesse albigeoise.

La noblesse du Midi, qui ne différait guère de la bourgeoisie, était toute composée d’enfants de Juives ou de Sarrasines, gens d’esprit bien différent de la chevalerie ignorante et pieuse du Nord, elle avait pour la seconder et en grande affection les montagnards. Ces routiers maltraitaient les prêtres tout comme les paysans habillaient leurs femmes de vêtements consacrés, battaient les clercs et leur faisaient chanter la messe par dérision. C’était encore un de leurs plaisirs de salir, de briser les images du Christ, de leur casser les bras et les jambes. Ils étaient chers aux princes précisément à cause de leur impiété qui les rendait insensibles aux censures ecclésiastiques. Impies comme nos modernes et farouches comme les barbares, ils pesaient cruellement sur le pays, volant, rançonnant, égorgeant au hasard, faisant une guerre effroyable. Les femmes les plus haut placées avaient l’esprit aussi corrompu que leurs maris ou leurs pères, et les poésies des troubadours n’étaient que des impiétés amoureuses[85].

Pierre le Vénérable, abbé de Cluny qui, soixante ans avant la Croisade, avait été envoyé par le Souverain Pontife auprès des Albigeois avec les seules armes de la persuasion, pour les convertir, fait allusion à des faits qui semblent d’hier ou d’aujourd’hui : « J’ai vu, écrivait-il aux évêques d’Embrun, de Die et de Gap, par un crime inouï chez les chrétiens, profaner les églises, renverser les autels, brûler les croix, fouetter les prêtres, emprisonner les moines, les contraindre à prendre des femmes par les menaces et les tourments. » Parlant ensuite à ces hérétieux-mêmes, il leur dit : « Après avoir fait un grand bûcher de croix entassées, vous y avez mis le feu, vous y avez fait cuire de la viande et en avez mangé le Vendredi saint, après avoir invité publiquement le peuple à en manger. »

Ce sont, à peu près, on le voit, les scènes de Montceau-les-mines qui, d’après les journaux républicains eux-mêmes, avaient été organisées par le Juif autrichien Hendlé, préfet de Saône-et-Loire qui, lâche comme ses pareils, passé tranquillement ensuite dans la Seine Inférieure en laissant les pauvres ouvriers, qui avaient été ses instruments inconscients, aux prises avec les tribunaux.

C’est par les écoles sur lesquelles l’abbé Drouais a publié quelques pages excellentes dans son livre : Les Albigeois, que les Juifs étaient arrivés à ce résultat. C’est par le même moyen qu’ils poursuivent le même but maintenant, seulement, plus habiles qu’autrefois, ils ont réussi à faire payer par les chrétiens les écoles où l’on apprend aux enfants à haïr le Christ.

Contre le Sémitisme que toute la chrétienté sentait menaçant, Montfort, l’homme du Nord, l’Aryen au cœur intrépide et droit, marcha, combattit, fut vainqueur. Ce Sémite, qui apparaissait ainsi comme un danger partout et qui ne se mêlait à la vie sociale que pour la dissoudre et la corrompre, il fallait à tout prix permettre à tous de le reconnaître, il fallait savoir à qui l’on avait affaire, n’être plus dupe du masque mensonger que prend le Juif, il était nécessaire de garantir la collectivité. La décision prise en 1215 par le Concile de Latran fut la conséquence de la guerre des Albigeois qui venait d’être terminée par la défaite de Raymond V à Muret (1213). L’obligation imposée aux Juifs de mettre sur leur poitrine une petite pièce d’étoffe jaune n’était pas une humiliation pour eux, c’était une mesure de préservation commandée, non par les préjugés religieux, — jamais on n’y avait pensé auparavant, — mais par l’impérieuse nécessité de préserver les autres. Si vous obligiez maintenant les Juifs à porter une rouelle jaune, vous rendriez service à beaucoup de gens faciles à tromper qui, en les entendant déclamer contre notre religion, s’imaginent qu’ils soutiennent la cause du Progrès tandis qu’ils ne représentent qu’une rancune séculaire[86].

Les choses se gâtaient partout en France pour Israël. Les Juifs n’avaient pu résister, au moment des Croisades, au désir de se mettre en relations avec ces Sémites d’autres pays qu’ils voyaient menacés, de les avertir de ce qu’on tramait contre eux, des préparatifs faits, du chemin qu’on devait suivre.

Je ne m’explique pas comment on a pu contester ces menées attestées par tous les contemporains. Il aurait fallu, avouez-le, que les Israélites eussent une vertu incroyable pour ne pas s’intéresser davantage aux peuples de leur race qu’à ces barons, à ces chevaliers dont toutes les idées choquaient absolument leurs sentiments. Ils allaient naturellement au sultan d’Iconium ou de Tunis, comme Disraëli est allé à Chypre et Gambetta à Élias-Mussali, par le canal de Roustan, à la grande joie de Bismarck qui préférerait un fromage de Hollande à toutes ces pastèques orientales.

Les Juifs se portaient à des excès plus graves, ils ne se gênaient pas pour martyriser des chrétiens et surtout les enfants. Les enfants, ces candides et charmantes créatures dans l’âme desquelles se reflète la pureté du ciel, ont toujours été l’objet de la haine juive. Hérode les fait massacrer, Hérold et les Francs-Maçons juifs les souillent par leur enseignement, les Juifs du moyen âge les saignaient et les mettaient en croix. Chaque âge a ses coutumes et ses procédés.

Affirmer ceci, je le sais, c’est se mettre en désaccord avec la science officielle du moment. Tous les témoignages, tous les monuments commémoratifs élevés pour célébrer un événement dont toute une ville a été spectatrice, tous les documents authentiques, en un mot, sur lesquels s’est basée jusqu’ici la certitude en histoire, n’ont plus aucune valeur aujourd’hui quand ils déplaisent aux Juifs. Pour moi, j’ai infiniment plus de confiance dans le récit d’un ancêtre, qui me raconte ce qui s’est passé de son temps, que dans les dénégations d’un Darmesteter ou d’un Weil, fût il membre de l’Académie des Inscriptions.

Nous traiterons, d’ailleurs, à fond la question du sacrifice sanglant au livre VIe, ce qui est certain c’est que tous les chroniqueurs sont unanimes à nous raconter des assassinats d’enfants chrétiens par les Juifs.

Les hommes d’autrefois n’étaient pas comme les Français dégénérés d’aujourd’hui, des êtres veules et sans ressort, subissant patiemment toutes les infamies, ils entendaient défendre leurs enfants et les protestations étaient énergiques.

La faculté spéciale aux Juifs de pomper toute la richesse d’un pays dès qu’on les laisse à peu près tranquilles s’était développée en outre dans des proportions excessives. De toutes parts des plaintes montaient vers le trône.

Appuyés par le peuple et l’Église, résumant du consentement général toute l’autorité en eux, les Capétiens, ne l’oublions pas, étaient des pères de famille autant que des rois.

Philippe Auguste, à son avènement au trône, dû s’occuper de cette question et il la résolut dans le sens de la pitié pour tous ces malheureux dépouillés qui étaient son peuple.

Il confisqua une partie des biens des Juifs et fit remise aux débiteurs de toutes leurs dettes. Ce qui prouve, quoiqu’on en ait dit, qu’il ne fut guidé, en prenant cette ordonnance, par aucune pensée personnelle, c’est que c’est à peine s’il perçut pour lui le cinquième des sommes reprises.

Napoléon, nous le verrons plus tard, fut obligé d’agir à peu près de même, tout souverain ayant la notion de son droit total et ne se contentant pas de détenir une sorte de gérance dérisoire, devrait, qu’il fût empereur ou roi, se comporter de la même façon aujourd’hui. Il dirait évidemment à tous ces organisateurs de sociétés financières plus ou moins suspectes qui ont ruiné les actionnaires en enrichissant les fondateurs : « Vous n’avez pas acquis les milliards que vous possédez par le travail, mais par la ruse, vous n’avez créé aucun capital, vous avez pris celui qui avait été économisé par les autres, restituez quelques milliards sur les trente ou quarante que vous avez indûment acquis. » Nul ne trouverait mauvais que MM. de Rothschild, par exemple, se contentassent de cinq ou six cent mille livres de rentes. On vit avec cela, même à plusieurs.

Saint Louis, ce chevalier sans peur qui réunit en lui ces deux formes de l’idéal : le Saint et le Paladin, semble avoir voulu juger la question de plus haut encore. Désigné par ses ennemis comme juge en sa propre cause et se condamnant lui-même, le saint roi avait comme une inextinguible soif de justice. Héros antique, il eût comme Hercule

……… promené l’éternelle justice
Dans un manteau sanglant taillé dans un lion.

Héros chrétien, il jette sur elle le manteau fleurdelisé dont les couleurs rappellent à la fois l’azur limpide du firmament et la pureté de la fleur sans tache.

Il voulut savoir enfin quel était le principe mauvais qui déterminait les Juifs à se rendre l’objet de la haine de tous. Sur la demande du pape Grégoire IX dont l’attention avait été également attirée sur ce point, il fit examiner le Talmud dans une assemblée solennelle que présida Guillaume d’Auvergne, et à laquelle les rabbins furent invités à assister.

M. Noël Valois, ancien élève de l’école des Chartes et docteur en droit, qui a publié sous ce titre : Guillaume d’Auvergne, un livre remarquable, a consacré un chapitre fort intéressant à cette discussion.

C’était à Paris, écrit-il, au commencement de l’été (24 juin 1240). La cour de saint Louis, présidée ce jour-là par la reine Blanche, s’était grossie d’un nombre considérable de clercs ou de prélats appartenant aux diocèses voisins. Guillaume n’avait eu garde de manquer au rendez-vous. Quelques volumes couverts de caractères étranges attirèrent l’attention des curieux et l’on sût du converti Nicolas que ces signes étaient de l’hébreu et ces livres le Talmud. Mais bientôt un spectacle plus intéressant captiva l’assistance. La porte de la salle venait de livrer passage à quatre rabbins, qu’un auteur juif, dans son enthousiasme, décore du titre « d’héritage saint », « de sacerdoce royal », c’était Jechiel de Paris, Juda fils de David, Samuel, fils de Salomon et Moïse de Coucy, fils de Jacob, ce dernier célèbre par ses prédications tant en France qu’en Espagne. Suivant le récit hébreu, ils entraient tristes et inquiets dans le palais du roi infidèle, tandis que le peuple juif se dispersait de tous côtés, comme un troupeau sans pasteur. »

Toutes facilités furent laissées aux Juifs pour se défendre et ils le firent avec habileté et courage. Ils n’en furent pas moins forcés de reconnaître que le Talmud contenait des prescriptions contraires, non seulement à toute société chrétienne, mais à toute société civilisée.

On trouva sans doute dans ce livre, examiné avec soin, des assertions plus graves encore que celles que cite M. Noël Valois. On y vit, non sans horreur, que Jésus-Christ est plongé dans l’enfer, dans la boue toujours bouillante, que la sainte Vierge a engendré son divin Fils à la suite d’un adultère commis avec un soldat nommé Pandara, que les églises sont des cloaques, les prédicateurs des chiens aboyeurs.

Ces aménités, qui défrayent encore la polémique de la presse juive, ne choquent même plus les gens du monde aujourd’hui, mais il en était autrement alors.

D’autres passages étaient faits encore pour inquiéter à bon droit.

« Il est ordonné de tuer le meilleur goym.

« La parole donnée au goy n’engage pas[87].

« Chaque jour dans leurs prières les Juifs doivent lancer trois fois des malédictions contre les ministres de l’Église, les rois et les ennemis d’Israël. »

Pour saint Louis, le goy avec lequel on devait se gêner si peu, c’était, après tout, ses sujets, ses barons, c’était lui même et le monarque était peut-être excusable de vouloir défendre tout ce qu’on attaquait si violemment.

Le saint roi cependant montra une mansuétude extraordinaire. Comme Jechiel, le rabbin de Paris, manifestait des craintes pour les siens, un des officiers du roi lui dit : « Jechiel, qui songe à faire du mal aux Juifs ? » Blanche de Castille elle-même manifesta l’intention de protéger les Juifs contre toute violence.

Le Talmud seul fut condamné, et tous les exemplaires qu’on en put saisir furent jetés aux flammes.

Les Juifs ne se découragèrent pas. Ils corrompirent à prix d’argent un mauvais prêtre, comme il y en a malheureusement dans tous les temps, qui se fit leur avocat.

Les noms ont leur destinée. En 1880, c’est un Clément qui fut l’exécuteur des ordres des Juifs en allant expulser de chez eux de saints religieux, en 1246, ce fut un Clément également, Eudes Clément, archevêque de Sens, qui se vendit aux ennemis de Jésus-Christ. Un an après, jour pour jour, après avoir signé ce marché, il fut saisi de cruelles douleurs d’entrailles auxquelles il succomba aussitôt. « Le roi épouvanté, dit M. Noël Valois, s’enfuit avec toute sa famille et ce châtiment jugé miraculeux fut suivi de nouvelles poursuites. »

Dans sa paternelle bonté saint Louis semble ne s’être décidé à des rigueurs contre les Juifs que lorsque la nécessité de garantir ses sujets contre eux le commanda absolument.

L’ordonnance de 1254 défend seulement aux Juifs de se livrer à l’usure, d’attaquer et blasphémer les croyances des Français au milieu desquels ils vivent, elle leur enjoint de se livrer à un travail honnête[88].

C’est dans ce sens encore que Napoléon essayera de résoudre la question, et quand ils auront à leurs trousses toute l’Europe exaspérée, révolutionnée, ruinée par eux, les Juifs modernes, si fiers aujourd’hui, seront bien contents de ne pas trouver en France un souverain plus sévère que saint Louis.

Saint Louis parait même ne pas en avoir voulu à rabbi Jechiel de Paris de l’énergie avec laquelle il avait défendu le Talmud. Guedalia ben Jachim, dans sa Chaîne de la Tradition, raconte à ce sujet une anecdote qui ne manque pas de caractère.

Ce Jechiel qui se mêlait de Kabbale et cultivait les sciences occultes avait au sommet de sa maison une lampe qui, disait-on, brûlait sans huile. En son logis sévèrement clos et défendu contre toute agression, il avait placé un clou enchanté qu’il n’avait qu’à pousser pour faire enfoncer les gens dans le sol dès qu’ils s’approchaient de sa maison.

Un soir on heurte à la porte. Jechiel frappe sur le clou qui, au lieu de rentrer dans le mur, saute dans la chambre. Jechiel comprend que tous ses prestiges magiques sont sans force contre le visiteur, il devine que celui qui vient le voir est un saint, il pense de suite à celui que le peuple, devançant le jugement de l’Église, a déjà salué du nom de saint. « Le roi est là ! » Dit-il, et il se précipite vers la porte et s’agenouille devant le souverain.

— Que venez-vous faire à ma porte, demande le rabbin, ne savez-vous point qu’il y a un génie qui veille sur ma demeure ?

— Je n’ai point peur des démons, répond le roi, et je viens voir ta lampe dont tout Paris parle.

N’est-il pas vrai qu’elle a une certaine couleur cette arrivée du roi qui, cheminant à travers le sombre Paris nocturne du moyen âge, vient visiter ce savant au fond de sa mystérieuse retraite.


Les Juifs, en effet, depuis Philippe Auguste, avaient dû prendre des précautions nouvelles, les temps allaient devenir de plus en plus mauvais pour eux. Leur littérature témoigne de cet état d’esprit. Aux petits vers, aux poèmes badins, aux épithalames que l’on récite au dessert, dans les repas de noces, succèdent les selichas, les plaintives élégies.

Les Juifs partout murmurent maintenant les lamentations de Zerachie Ha Levy, surnommé Haisghari, l’auteur du Ruah hen, Esprit de Grâce.

Hélas ! la fille de Juda est revêtue de deuil parce que les ombres du soir se sont étendues.

Espère en ma bonté, ô ma colombe. je relèverai comme jadis encore mon tabernacle, j’y préparerai une lampe à David ton roi. Et lorsque tu seras reblanchie, je réprimerai ces bêtes féroces qui se sont tenues en embuscade pour te dévorer, ô ma belle colombe dont la voix est agréable.

Partout il faut vendre les petites écoles, scholae inferiores, où l’on enseignait avec tant de joie à blasphémer la religion chrétienne. A Narbonne, l’école de la paroisse Saint Félin est vendue 350 livres tournois, à Orléans, une petite école est cédée pour 140 livres parisis, une autre, plus grande, pour 340 livres.

Pendant des siècles, les Juifs ont attendri le monde sur ces malheurs et aussitôt qu’ils ont eu un semblant d’autorité ils ont fait fermer les écoles des autres.

Je me rappelle encore un vieux prêtre forcé de s’exiler et qui me montrait, avec des larmes dans les yeux, ses appareils scientifiques qui avaient été brisés pendant la traversée. Prenez donc, au moment des expulsions, la collection de la République française du Juif Gambetta, du Rappel du Juif Paul Meurice, de la Lanterne du Juif Eugène Mayer, du Paris du Juif Weil-Picard, des Débats où le Juif Raffalovich partage l’influence avec Léon Say, l’homme des Rothschild ; ils poussent des cris de joie sauvage au spectacle de ces pauvres religieux obligés d’abandonner leur œuvre commencée, de dire adieu à ces élèves qui sont leur unique famille dans le monde.

Il faut rendre cette justice aux Juifs, si insolents et si méprisables dans la prospérité, qu’ils supportent admirablement l’adversité. Dans les persécutions ils furent superbes, les mères souvent jetèrent elles-mêmes leurs enfants dans les flammes de peur qu’on ne les baptisât.

L’exécution de Troyes a laissé sa trace dans un poème élégiaque qui est un des rares monuments en langue vulgaire que nous aient donné les Juifs au moyen âge.

Mout sont a mechief Israël, l’égarée gent
E is ne poet mes s’is, se vont enrayant,
Car d’entre os furet ars meinz proz cors sage et gent
Ki por lor vivre n’oret doné nus rachet d’argent.
……………..
Est finie la version. Que Dieu nous sauve du peuple violent !

L’auteur de cette pièce est Rabbi Jacob, fils de Juda de Lotre (Lorraine) qui composa également une selicha, en hébreu, sur le même sujet.

Les événements de Troyes effectivement avaient vivement frappé les Juifs. Le 26 mars 1288, le jour du Vendredi-Saint, les chrétiens avaient envahi la maison du riche Juif Isaac Châtelain, auteur de poésies élégiaques et l’avaient arrêté ainsi que toute sa famille. Les malheureux offrirent de se racheter à prix d’or, mais on ne consentit à lui accorder la vie que s’ils abjuraient. Ils refusèrent et le samedi 24 avril 1288, an 5048 de l’ère juive, ils montèrent au nombre de treize sur le bûcher. Tous allèrent à la mort avec intrépidité en entonnant le schema et en s’encourageant mutuellement. La femme d’Isaac Châtelain s’élança elle-même dans les flammes, ses deux fils, sa bru et Samson, son gendre, suivirent cet exemple.

Les victimes furent R. Isaac Châtelain, sa femme, set deux filles, la femme du fils aîné « qui était tant belle, » Simson appelé le Kadmon ou le jeune Alakadmenath, Salomon, fils de Phébus, receveur, Baruch Tob Elem d’Avirey, Siméon frère, scribe de Châtillon, Jonah ou Colon, Isaac Cohen, Haïm de Brinon, chirurgien, et Haïm de Chaource.

M. Darmesteter a raconté cette exécution dans les Archives Israélites et naturellement il la désapprouve. Que dit-il de cette note aimable de son ami Mayer, qui figure dans la petite Correspondance de la Lanterne du 4 décembre 1883 ?

Il n’y a pas là l’entraînement d’une polémique où l’on s’excite, où l’expression dépasse parfois la pensée. Un brave homme demande son avis à Mayer sur les assassinais de la Roquette et voilà ce que le Juif répond :

« N. R. — Et vous concluez qu’on a eu tort de fusiller les pauvres calotins en 1871. Nous sommes d’un avis contraire, nous estimons même qu’on a usé de trop de ménagement vis-à-vis d’eux. Ils ne l’avaient pas volé cela ne pouvait faire de martyrs, et cela effectivement n’en a fait aucun. »

Sans doute, on ne peut se défendre d’un sentiment de pitié devant ceux qui souffrent quels qu’ils soient, il est impossible de parcourir, sans avoir le cœur serré, le long martyrologe d’Israël, l’Emek habkha, cette Vallée des pleurs où sont inscrites les victimes de tous les pays[89]. Il est bon cependant d’opposer aux phrases hypocrites des Juifs leur véritable sentiment envers les chrétiens. La chose est d’autant plus frappante, que depuis cent ans pas un de « ces pauvres calotins » n’a dit un mot contre les Juifs, n’a réclamé une mesure de violence contre eux.

Il existe quelque différence, on s’en rend compte une fois de plus, entre l’histoire telle qu’on la comprend dans les académies et dans les salons de faux catholiques, et l’histoire réelle telle que la voient dans les faits les penseurs épris de vérité.

Le courage montré par les victimes de Troyes n’en est pas moins admirable. Pour apprécier comme il convient cette force d’âme, il faut se reporter à l’époque où ces scènes se passèrent. La société était alors absolument religieuse, en se plaçant en dehors des croyances générales, le Juif ne se mettait pas seulement hors la loi, pour employer le mot d’Hegel, que nous avons déjà cité, il se précipitait en quelque sorte « hors de la nature. » Quel espoir de lutter contre tant de forces réunies, avait en effet cette pauvre nation qui, depuis la chute du temple, avait trouvé son Dieu sourd à toutes ses prières ?

L’énergie des Juifs encore une fois fut merveilleuse. Je ne parle pas du courage montré devant les insultes, devant les bourreaux, en face des bûchers, je parle de l’énergie plus rare qu’il faut pour résister à un courant, à l’influence du milieu, au sentiment d’une implacable impuissance.

Rapprochez cette attitude des bassesses que font devant un gouvernement qu’ils méprisent des gens bien posés, riches, qui n’ont qu’à attendre et jugez…

Alors, mais alors seulement, le Juif devient le personnage qu’a peint Michelet dans une page incomparable qui a la vigueur et l’accent de vie étrange d’une eau-forte de Rembrandt.

Au moyen âge, écrit-il, celui qui sait où est l’or, le véritable alchimiste, le vrai sorcier, c’est le Juif, ou le demi-Juif, le Lombard. Le juif, l’homme immonde, l’homme qui ne peut toucher ni denrée ni femme qu’on ne la brûle, l’homme d’outrage, sur lequel tout le monde crache, c’est à lui qu’il faut s’adresser.

Prolifique nation, qui, par-dessus toutes les autres, eut la force, multipliante, la force qui engendre, qui féconde à volonté les brebis de Jacob ou les sequins de Shylock. Pendant tout le moyen-âge, persécutés, chassés, rappelés, ils ont fait l’indispensable intermédiaire entre le fisc et la victime du fisc, entre l’argent et le patient, pompant l’or d’en bas, et le rendant au roi par en haut avec laide grimace… Mais il leur en restait toujours quelque chôse… Patients, indestructibles, ils ont vaincu par la durée. Ils ont résolu le problème de volatiliser la richesse, affranchis par la lettre de change, ils sont maintenant libres, ils sont maîtres, de soufflets en soufflets, les voilà au trône du monde.

Pour que le pauvre homme s’adresse au Juif, pour qu’il approche de cette sombre petite maison, si mat famée pour qu’il parle à cet homme qui, dit-on, crucifie les petits enfants, il ne faut pas moins que l’horrible pression du fisc. Entre le fisc, qui veut sa moelle et son sang, et le Diable qui veut son âme, il prendra le Juif pour milieu.

Quand donc il avait épuisé sa dernière ressource, quand son lit était vendu, quand sa femme et ses enfants, couchés à terre, tremblaient de fièvre en criant : du pain ! tête basse et plus courbé que s’il eût porté sa charge de bois, il se dirigeait lentement vers l’odieuse maison du Juif, et il restait longtemps à la porte avant de frapper. Le Juif ayant ouvert avec précaution la petite grille, un dialogue s’engageait, étrange et difficile. Que disait le Chrétien ? « Au nom de Dieu ! — Le juif l’a tué, ton Dieu ! — Par pitié ! — Quel chrétien a jamais eu pitié du Juif ? Ce ne sont pas des mots qu’il faut. Il faut un gage. — Que peut donner celui qui n’a rien ? Le Juif lui dira doucement : — Mon ami, conformément aux ordonnances du Roi, notre sire, je ne prête ni sur habit sanglant, ni sur fer de charrue… Non, pour gage, je ne veux que vous-même. Je ne suis plus des vôtres, mon droit n’est pas le droit chrétien. C’est un droit plus antique (in partes secando) ; votre chair répondra. Sang pour or.

Les Juifs furent plus durement traités par Philippe le Bel que par aucun de ses prédécesseurs. L’édit de 1306 les expulsa et en même temps ordonna la confiscation de tout ce qu’on put saisir de leurs biens.

Les Juifs cependant n’avaient pas perdu entièrement courage.

L’inexplicable de l’affaire des Templiers qui est restée dans l’histoire comme une énigme dont on n’a jamais su le mot, comme une sorte de mélodrame dont le dénouement est sinistre mais dont la trame n’est pas claire, s’explique parfaitement quand on se rend compte de la manière de procéder des Juifs.

Leur manière d’agir varie peu. Ils n’aiment guère à attaquer ouvertement, ils créent ou plutôt ils corrompent quand elle est créée, car là encore ils ne sont pas inventeurs, une association puissante qui leur sert comme de machine de guerre pour battre en brèche l’organisation sociale qui les gêne. Ordre des Templiers, Franc-maçonnerie, Internationale, Nihilisme, tout leur est bon. Dès qu’ils sont entrés, ils procèdent là comme dans une société financière, où les efforts de tous sont uniquement employés à servir la cause ou les intérêts d’Israël, sans que les trois quarts du temps les gens aient la notion de ce qu’ils font.

Les chevaliers du Temple s’étaient trouvés à maintes reprises en rapport avec les Juifs, pour des affaires d’argent. C’est par les Templiers, en effet, que s’accomplissaient toutes les opérations financières des Croisades dont le mécanisme est encore si peu connu ; ils percevaient les deniers que les abbayes votaient pour aider les armées chrétiennes ; ils avançaient de l’argent aux seigneurs et escomptaient des effets payables à Saint-Jean-d’Acre. Or tout individu, tout corps constitué, tout peuple d’origine aryenne qui se complaît au maniement de l’argent est perdu : l’argent le déprave sans que cette dépravation lui procure aucun avantage.

Tant qu’ils avaient pu acheter directement leurs terres aux nobles qui partaient pour les Lieux Saints, les Juifs agirent eux-mêmes, mais quand la royauté eut commencé à mettre ordre à leurs trafics usuraires, ils furent contraints de se servir des Templiers comme prête-nom. De là la richesse plus apparente que réelle de l’ordre.

Comment les chevaliers du Christ, les héros de Ptolémaïs et de Tibériade en arrivèrent-ils à outrager le crucifix ? M. Mignard s’est efforcé d’expliquer cette progressive décomposition morale de l’ordre dans un très savant travail consacré à la description d’un curieux coffret appartenant au duc de Blacas[90]. Ce coffret, trouvé dans une maison du Temple à Essarois et tout chargé de signes cabalistiques et d’inscriptions arabes, reproduisait les principaux symboles des Gnostiques, les sept signes, l’étoile aux sept rayons. Les doctrines nées dans l’École juive de Syrie, répandues plus tard par Manès, avaient pénétré dans l’ordre du Temple et le Manichéisme vaincu avec les Albigeois avait, trouvé un asile chez ces serviteurs d’abord si dévoués de la foi chrétienne.

Ce qui est certain, ce qui est constaté par tous les témoignages, ce qui ressort à chaque ligne des pièces du procès publiées par Michelet, dans les Documents inédits de l’histoire de France, c’est qu’au moment de la suppression de l’ordre, l’outrage au crucifix faisait partie des cérémonies de l’initiation. Les chevaliers crachaient trois fois sur le crucifix en le reniant : ter abnegabant et horribili crudelitate ter in faciem spuebant ejus. Le frère Guillermy fut obligé pour son initiation de renier et de cracher trois fois sur la croix en signe de mépris pour Notre Seigneur Jésus-Christ qui a souffert sur cette croix : Despiciendo Dominum Jhesum Christum qui passus fuit in ea.

« Crache sur cette croix, disait-on au templier Jean de Thounnes en lui montrant une croix où était l’image du Christ, crache sur cela en mépris de ce que cet objet représente ! Spuas super istum in despectu ejus[91]. »

D’après la déposition de Geoffroid de Thutan du diocèse de Tours, la formule de reniement était : « Je reney Jhesu, je reney Jhesu, je reney Jhesu. »

Le baiser honteux complétait ces cérémonies d’initiation.

Osculatus fuit recipienfem in ore et postea in fine spin dorsi.

Toutes les sociétés qui se proposent de ravaler l’être humain en lui faisant abjurer son origine divine, en lui faisant renier l’Homme Dieu, qui est mort pour nous, éprouvent le besoin de symboliser cette dégradation par un signe visible. Rien ne change sous ce rapport et nous retrouvons le baiser honteux du XIIIe siècle au XVIIe siècle dans un des ordres maçonniques, les Mopses.

On demandait au postulant, comme chez les Templiers, « si son obéissance serait prompte, aveugle et sans la moindre contradiction ; » il répondait : « Oui, grand Mopse. » On lui demandait alors ce qu’il préférait embrasser le derrière du grand Mopse, le derrière du Grand Maître ou le derrière du Diable. « Cette option, on le comprend, laissait perplexes ceux auxquels on proposait ce choix peu attrayant.

Un mouvement d’indignation, écrit l’auteur auquel nous empruntons ces détails, que le récipiendaire manque rarement de faire dans ce moment, oblige le surveillant à le prier avec toute la politesse et toutes les instances possibles de choisir l’un ou l’autre. Cela forme entre eux la dispute la plus originale qu’on puisse imaginer. Le récipiendaire se plaint avec aigreur qu’on pousse la raillerie trop loin et déclare qu’il ne prétend pas être venu là pour servir de jouet à la compagnie. Le surveillant, après avoir inutilement épuisé sa rhétorique, va prendre un doguin de cire, d’étoffe ou de quelque autre matière semblable qui a la queue retroussée comme la porte tous les chiens de cette espèce, il l’applique sur la bouche du récipiendaire et le lui fait ainsi baiser par force. Le doguin destiné à recevoir ce respectueux hommage est toujours placé sur la table du maître de la Loge comme un symbole de la société et c’est là que le surveillant va le prendre[92].

Ce symbolisme naturaliste n’a rien que de très naturel.

N’est-il pas logique, dès qu’on méprise Dieu, de rendre hommage à un chien[93] ?

Philippe le Bel avait la main plus rude que nos souverains modernes, les Templiers s’en aperçurent.

Le grand rêve caressé par les Juifs d’une révolution universelle organisée par en haut par un ordre cosmopolite allié à presque toutes les familles nobles, en bas par les lépreux qui de l’un à l’autre se transmettaient le mot d’ordre, au dehors par les Maures d’Espagne et les Sémites de Tunis avec lesquels leurs coreligionnaires de France étaient en active correspondance, disparut dans les flammes du bûcher de Jacques Molay.

Une tradition constante dans la Franc-Maçonnerie prétend que le 18 mars 1314, date toujours célébrée dans les loges, quelques initiés déguisés en maçons vinrent recueillir les cendres du grand maître dans cette île aux Vaches qui est maintenant la place Dauphine, et firent là le serment d’exterminer les Capétiens et de venger leurs victimes.

Ils mirent du temps à tenir leur serment, mais en tout cas il faut constater que c’est au Temple, la maison mère des Templiers en France, que fut enfermé Louis XVI avant que le fils de saint Louis n’allât à l’échafaud, au Temple également que le petit Louis XVII fut martyrisé par le savetier juif Simon[94].

Nous n’avons pas, je pense, à insister sur l’étroite corrélation qui existe entre la Franc-Maçonnerie et les Templiers qui s’intitulaient eux-mêmes militia templi Salomonis, fratres militiæ Salomonis. Le fait est prouvé par le nom même de certaines loges. Le Manuel ou Tuileur déclare que « si les Templiers ont disparu dans l’ordre civil ils ont laissé des traces dans la Franc-Maçonnerie. » Ragon, une autorité maçonnique, admet également cette filiation[95].

Regghelini est particulièrement explicite à ce sujet.

Plusieurs rites, dit-il, conservent la distribution des anciennes maîtrises provinciales dans leurs dignités, et la commémoration allégorique des Templiers en reconnaissance du dogme et des doctrines qu’ils rapportèrent en Europe avec les chevaliers croisés. Les hauts grades qui, plus particulièrement commémorent les Templiers sont les Chevaliers du Soleil, le grand Écossais, le Patriarche des croisés, le Royal Secret, le Kadosch, tous les élus qui en dérivèrent, l’Ecossais de Clermont et tous ceux de ce chapitre, Chevalier illustre, Templier sublime, Chevalier de l’aigle du maître élu, tous les hauts grades de la stricte observance comme l’Eques professus, le Chevalier de la Charité ou Mage, le Chevalier de l’Espérance, le grand Inquisiteur, le grand Commandeur.

Dans les anciennes et modernes assemblées maçonniques, on conserve la même tenue et configuration des chevaliers croisés, des Templiers, et même d’une grande partie des anciennes corporations. Le Vénérable représente l’ancien magister cathedralis ; il est sur un trône à l’orient d’où arrivèrent le dogme et les doctrines. Les deux Surveillants sont les anciens procuratores placés aux extrémités des colonnes comme dans les anciens chapitres. Les Frères alignés sur les deux colonnes remplacent les Equites et les Frères ecclésiastiques, comme dans les corporations anciennes. Le serment du récipiendaire maçon est un fac-simile de celui que les chevaliers croisés, les Templiers et autres corporations faisaient à l’occasion de leurs vœux.

Il n’est point douteux davantage que les Juifs, d’accord avec le roi de Grenade et le sultan de Tunis, n’aient organisé une conspiration de lépreux pour empoisonner les fontaine et de cette façon jeter partout l’affolement, créer un de ces états de crise, une de ces périodes d’inquiétude vague et de trouble qui ont rendu possible l’immense bouleversement de 93 qui a été si profitable à Israël

De ces faits les preuves abondent. Je sais bien, encore une fois, qu’on est convenu aujourd’hui de déclarer apocryphes tous les documents qui ne sont pas favorables aux Juifs, mais l’homme qui me lit n’est pas tenu d’obéir à ce mot d’ordre, il lui est permis de se servir de sa raison, de juger les événements d’autrefois à la lumière des événements contemporains.

L’existence même d’un soulèvement général de lépreux est attesté par tous les auteurs du temps, par le continuateur de Guillaume de Nangis notamment. « Nous-mêmes, dit-il, dans un bourg de notre vasselage, nous avons de nos yeux vu un de ces sachets. Une lépreuse qui passait, craignant d’être prise, jeta derrière elle un chiffon lié qui fut aussitôt porté en justice, et l’on y trouva une tête de couleuvre, des pattes de crapaud, et comme des cheveux de femme enduits d’une liqueur noire et puante, chose horrible à voir et à sentir. Le tout mis dans un grand feu, ne put brûler, preuve sûre que c’était un violent poison… »

Il y eut bien des discours, bien des opinions. La plus probable, c’est que le roi des Maures de Grenade, se voyant avec douleur si souvent battu, imagina de s’en venger en machinant avec les Juifs la perte des chrétiens. Mais les Juifs trop suspects eux-mêmes, s’adressèrent aux lépreux… Ceux-ci, le diable aidant, furent persuadés par les juifs. Les principaux lépreux tinrent quatre conciles, pour ainsi parler, et le diable, par les Juifs, leur fit entendre que, puisque les lépreux étaient réputés personnes si abjectes et comptés pour rien, il serait bon de faire en sorte que tous les chrétiens mourussent ou devinssent lépreux. Cela leur plut à tous, chacun, de retour, le redit aux autres… Un grand nombre, leurré par de fausses promesses de royaume, comtés et autres biens temporels, disait et croyait fermement que la chose se ferait ainsi[96].

Le sire de Parthenay, lisons-nous dans Michelet, écrit au roi qu’un grand lépreux, saisi dans sa terre, avoue qu’un riche juif lui a donné de l’argent et remis certaines drogues. Ces drogues se composaient de sang humain, d’urine, à quoi on ajoutait le corps du Christ, le tout était séché et broyé, mis en un sachet avec un poids, était jeté dans les fontaines ou dans les puits.

Quoi d’étonnant à ce que les lépreux aient été excités par les Juifs ? Ne retrouve-ton pas là les procédés habituels, la manière, le système constant du Sémite ? Pour les Juifs, les lépreux, les malheureux prolétaires, ces parias, ces lépreux de la civilisation moderne, les moujiks de Russie sont des instruments tout trouvés qu’ils montent, qu’ils agitent, qu’ils trompent, qu’ils déchaînent sur la société avec de grands discours contre les tyrans et qu’ils abandonnent aux répressions impitoyables, lorsqu’Israël a tiré d’une révolution tout le profit qu’on en pouvait tirer.

Ne faites pas attention à ce mélange singulier d’urine et de sang humain, supposez qu’il s’agisse de pétrole, de nitroglycérine ou de dynamite et vous serez en plein mouvement moderne. Que ce soit Naquet prêchant l’emploi du fulmi-coton sous l’Empire, les Juifs Goldeberg, Hartmann ou la Juive Jessa Heffmann employant la nitroglycérine en Russie, vous trouverez toujours le Sémite dans toutes ces affaires spéciales. Le tempérament aryen ne se trouve là nulle part. L’Aryen donne un coup de poignard ou tire un coup de fusil mais ne comprend rien à toute cette chimie.

Les relations des Juifs du XIV avec les étrangers ne sont guère plus discutables. Je ne vois pas très bien sur quelles raisons on a pu s’appuyer pour contester l’authenticité des lettres adressées aux israélites par le roi de Grenade et le roi de Tunis. L’authenticité ne peut faire l’ombre d’un doute[97].

La plus importante de ces lettres, c’est-à-dire la traduction originale en langue française certifiée par cinq notaires royaux et scellée est conservée dans le trésor des Chartes (Archives nationales, carton J, 427, no 18).

Voici, d’ailleurs, le texte de ce document qui n’a pas été jusqu’ici exactement publié :

« A Sanson, fil de Hélias, juif, de par le roy de Grenade. Vous nous avez mandé que vous avez donné’aus meiseaus’par devers Saint-Jacques tout l’or que nous vous avons tramis ». Si vous mandons que ce nous plait que vous les paiez bien, quar vous nous avez mandé que CXV meisel por eus et por les autres ont fait le serement. Et nous avons tramis à Habram et Jacob III sonmiers chargiez d’avoir, si vous mandons que vous les donneis sanz faute. Et vous savez que Jacob et Acarias feirent avec nous convenances entre les mons. Si vous mandons que vous preignes le venin que nous vous avons tramis et le faites metre en citernes, en pois et en fontaines, et se vous n’aves assez de mecines, je vous ça trametra assez. Et nous vous avoiens promis de rendre la terre de promission, et nous vous tendrons convant. Et je vous envoye autre chose que vous giteroiz en l’eau que boit et use li rois, et ne tenez ne esparniez nul avoir à donner à ceus qui donneront et gieteront ces poisons, mas que la besoigne se face hastivement, quar je vous trametra hor et havoir à si grant foison comme vous voudroiz, et ne doutés pas despens ne missions, mas que la besoigne se face. Et cestes lettres soient montrées à Aron le juyf, et vous mettez tuit ensamble à oïr ceste parole. Et tuit estes salués de par le roy de Grenade, qui vous prie que vous soiez tuit d’un acort et d’une volunté.

« De par le roy de Thunes. A mes frères et leur enfans salut. Pansez de bien faire la besoigne que vous savez, quar je vous tramettra assez hor et argent pour les despens. Et si vous me vouliez tramettre vos enfans, je les garderoye comme mon cors. Vous saves que ciz acordement de nous, des Juys et des malades se fit derrèrement le jour de Pasques flories. Ne laissies ne por hor ne argent que n’enpoisonnoiz briefment les crestiens. Et au serement faire furent LXXV Juyf et malades, si comme vous savez. Nous saluons vous et vos frères, quar vous estes nos frères en loy, et nous saluons les petiz et les grans.

« Magister Petrus de Accra, phisicus, juratus ad sancta Dei evangelia dictam litteram manu et lingua arabica scriptam veraciter eaponere, ipsam exposuit in lingam gallicam forma et mode superius declarato, die jovis post festum apostolorum Petri et Pauli, anno Domini Me CCC° vicesimo primo, in presentia vir, nobilis domini Franconis de Aveneriis, militis, domini nestri regia baillivi Matisconensis, in castre Matisconensi, domini-Petri Mau. relli, ejusdem domini regis clerici, judicis majoris ressorti et appel. lationum Lugduni, domini Bartholomei de je., archi4iaconi, ei Guioti de Albaspina, cantoris Matisconensis, Stephani Verinci, Guillelmi de Nuyz, Petri Pule et johaunis de Cabannis, notariorum regiorum.

« Ego vero Guillelmus de Nuys, clericus, auctoritate regia pu. blicus notarius et juratus, expositioni suprascripte, per diclum magistrum Petrum, ut premittitur, facte, una cum Petro Pulede Matiscone, Stephano Verinci et Johanne de Cabanis, clericis, nota. rus regiis et testibus scriptis, interfui vocatus et rogatus, teste hoc signo meo. »

(Seing du notaire.)

« Et ego Perronetus Pule de Matiscone, clericus, auctoritate regia publicus notarius et juratus, suprascripte expositioni dicte littere, per dictum magistrum Petrum, ut premittitur, facte, interfui una cum dictis Guillelmo de Nuys, Stephano Verinci et johanne de Cabannis, clericis, notariis regiis, vocatus et rogatua, teste hoc solito signo meo. »

(Seing du notaire.)

« Et ego vero Johannes de Cabanais, clericus, auctoritate regia publicus notarius et juratus, expositioni suprascripte, per dictum magistrum, ut premittitur, facte, una cum Petro Pule, Guillelmo de Nuis, Stephano Verinci, de Matiscone, clericis, notariis regiis et testibus scriptis, interfui vocatus et rogatus, teste hoc signo meo. »

(Seing du notaire.)

« Et ego, Stephanus Verynci, de Matiscono, clericus, auctoritate regia publicus notarius et juratus, supradicte expositioni dicte littere, per dictum magistrum Petrum, ut dictum est, facte, interfui una cum dictis Guillelmo de Nuiz, Johanne de Cabannis, Petro Pule, notanis regits, vocatus et rogatus, teste hoc solito tigno meo. »

(Seing du notaire.)

Et nos Petrus de Lugnyaco, civis Matisconensis, tenens aigil. Juin commune excellentissimi regis Francie in baillivia Matisconensi censtitutum, cum nobis constat de exposition suprascripte littere, linge arabica scripte, per dictum magistrum Petrum de Acra, ut suprascriptum est, in linga gallicane facte, per fidelem relacionem dictorum notariorum regiorum, quibus super hoc et aliis fidem plenariam adhibemus, si, illum commune predictum presentibuc litteris duximus apponendum. Datum sono et die jovis predictis. »

(Sceau du bailliage royal de Macon, en cire rouge, sur double queue de parchemin.)

D’autres documents en tous cas confirment ces relations.

Pour nous guider dans l’appréciation de ce qui c’est passé, écrit M. Rupert dans son savant ouvrage l’Église et la Synagogue, nous avons sous les yeux un monument tiré des compilateurs des Fastes de Bohème et publié par Marquar et Freher. L’exposé des faits est joint à la lettre de leprosis du pape Jean XXI. Dans cette lettre, qui date de l’année même de 1351, le souverain Pontife reproduit un rapport qui lui est adressé par Philippe, comte d’Anjou et qui parle des divers moyens mis en œuvre par les juifs pour nuire aux chrétiens.

« Enfin le lendemain, dit Philippe, les gens de notre comté ont fait irruption chez les Juifs au sujet des boissons (impotationes) qu’ils avaient composées à l’usage des chrétiens. En se livrant à d’actives recherches dans la maison des juifs, dans une des habitations qui appartenaient au juif Bananias, en un lieu obscur de la maison, dans un petit coffre où se trouvaient ses trésors et ses secrets, on trouva une peau de mouton ou parchemin couverte d’écriture des deux côtés. Le sceau, qui était d’or et du poids de 19 florins, était retenu par un cordon de soie rouge. Sur le sceau était représentée la figure du crucifix, devant lequel un juif se montrait dans une posture si ignominieuse et si déshonnête, que j’ai honte de la décrire.

« Nos gens n’auraient pas fait attention au contenu de la lettre, si tout à coup et par hasard ils n’avaient été frappés de la longueur et de la largeur de ce sceau. Des juifs nouvellement convertis traduisirent la lettre. Bananias lui-même et six autres juifs suffisamment instruits firent la même traduction, non point d’eux mêmes, mais contraints par la crainte et par la force. Séparés ensuite et mis à la torture, Bananias et ses compagnons persévérèrent à présenter la même traduction. Trois clercs instruits dans la science théologique et dans la langue hébraïque traduisirent enfin la lettre en latin. »

La lettre était adressée au prince des Sarrasins, maître de l’Orient et de la Palestine, siège de la nation juive, et dont le pouvoir s’étendait jusqu’à Grenade, en Espagne. On y demandait qu’un traité d’amitié fût conclu entre les Juifs et les Sarrasins, et montrant l’espoir de voir les deux peuples réunis un jour dans la même religion, on priait le prince de vouloir bien restituer aux Juifs la terre de leurs ancêtres. On y lisait :

La nation chrétienne obéit au fils d’une femme vile et pauvre de notre peuple, qui a injustement usurpé notre héritage et celui de nos pères.

Lorsque nous aurons pour toujours réduit cette nation sous le joug de notre domination, vous nous remettrez en possession de notre grande cité de Jérusalem, de Jéricho et d’Ai, où repose l’arche sacrée. Et nous pourrons élever votre trône sur le royaume et la grande cité de Paris, si vous nous aidez à parvenir à ce but. En attendant, et comme vous pourrez vous en assurer par votre noble vice-roi de Grenade, nous avons travaillé à cette œuvre en jetant adroitement dans leurs boissons des substances empoisonnées, des poudres composées d’herbes amères et pernicieuses, en jetant des reptiles venimeux dans les eaux, dans les puits, dans les citernes, dans les fontaines et dais les cours d’eau, afin que les chrétiens, les uns après les autres et chacun suivant sa constitution, périssent prématurément sous les effets des vapeurs corrompues exhalées par ces poisons.

Nous sommes venus à bout de ce projet particulièrement en distribuant des sommes considérables à quelques pauvres gens de leur religion que l’on appelle des lépreux. Mais ces misérables se sont tout à coup tournés contre nous, et se voyant surpris par 1es autres chrétiens, ils nous ont accusés et ont dévoilé tout le fait. Néanmoins, il reste ce point glorieux pour nous, c’est que ces chrétiens avaient empoisonné leurs frères, marque certaine de leurs discordes et de leurs dissolutions.

Cette lettre contient encore un passage significatif.

Vous pourrez bientôt, avec l’aide de Dieu, passer la mer, vous rendre à Grenade, et étendre sur le reste des chrétiens votre magnifique épée avec une main puissante et un bras invincible. Et ensuite vous serez assis sur le trône à Paris, et dans le même temps, redevenus libres, nous posséderons la terre de nos pères que Dieu nous a promise et nous vivrons dans la concorde sous une seule loi et un seul Dieu. Il n’y aura plus jamais à partir de ce temps, ni angoisse, ni chagrins, car Salomon a dit : « Celui qui marche uni avec un seul Dieu, celui-là n’a qu’une volonté avec lui. » David ajoute : « Oh ! qu’il est bon, qu’il est doux d’habiter ensemble comme des frères ! » Notre saint prophète Osée a ainsi parlé par avance des chrétiens : « Leur cœur est divisé et à cause de cela ils périront. »

La haine du crucifix qui est le sentiment dominant du Juif est là tout entière, la politique sémitique est là également très clairement exposée. Se servir d’un prince étranger, que ce soit un Napoléon 1er contre l’Allemagne ou un Guillaume contre la France, comme d’un point d’appui, faire battre les chrétiens entre eux et amener par ces divisions le triomphe d’une race dont tous les enfants se tiennent étroitement par la main, — telle a été la doctrine constante des Juifs et c’est à elle qu’ils ont dû tous leurs succès.

L’Europe évidemment a traversé à la fin du XIIIe siècle et au commencement du XIVe siècle une période de crise analogue à celle que nous traversons en ce moment, où la haute banque, la Franc-Maçonnerie, la Révolution cosmopolite, toutes trois aux mains des Juifs, concourent au même but par des moyens différents. Elle s’est heurtée à cette prétention du Juif d’enlever à la fois aux chrétiens et l’idée religieuse qui aide à se passer d’argent et l’argent d’autant plus nécessaire qu’on ne croit qu’à une vie toute terrestre.

La soudaineté de décision dont Philippe le Bel fit preuve en arrêtant partout les Templiers sauva la chrétienté du Sémitisme, comme la victoire de Charles Martel, à Poitiers, l’avait sauvée du même fléau six siècles auparavant, comme un coup vigoureux et simultané frappé sur les Juifs par tous les souverains d’Europe la sauverait encore aujourd’hui.

Les Juifs, tour à tour chassés et rappelés, apparurent encore quelque temps parmi nous. Sous Philippe de Valois, on essaya d’utiliser leur génie fiscal en en faisant des percepteurs d’impôt. Jean le Bon en arrivant au trône paraît avoir voulu une décisive épreuve et il la tenta dans des conditions de loyauté très frappantes. On assura aux Juifs un séjour de vingt ans et le fils du roi Jean, comte de Poitiers, fut constitué gardien de leurs privilèges. Charles V et Charles VI confirmèrent ces dispositions.

Avec leur incroyable obstination dans le mal, les Juifs continuèrent à poursuivre leurs intrigues multiples. Ils recommencèrent à ruiner le pays par l’usure, ils se procurèrent des hosties pour les profaner, ils égorgèrent des enfants le Vendredi Saint. Naturellement le peuple moins patient qu’à présent hurla, les prédicateurs tonnèrent et les rois durent adopter de nouveau des mesures préservatrices.

Charles VI prit enfin, le 17 septembre 1394, un arrêt d’expulsion définitif, il bannit les Juifs de ses États à perpétuité et leur défendit d’y demeurer sous peine de la vie.

Cette expulsion, comme le fait remarquer dans son livre Des Juifs en France, M. Hallez, qui est pourtant favorable aux Israélites, diffère absolument des précédentes par son caractère comme par ses résultats. « Elle n’eut pas pour mobile l’amour du lucre et l’esprit de pillage et ce qui le prouve c’est que toutes les créances des Juifs durent leur être payées. Il semble qu’on ait voulu exécuter fidèlement les ordonnances qui, depuis le roi Jean, les avaient autorisés à séjourner en France, car il faut bien remarquer que les délais fixés par ces lois étaient presque expirés quand le bannissement fut ordonné. »

Pour permettre aux Juifs de liquider leurs affaires, on prolongea même leur séjour de deux années après lesquelles ils durent décidément quitter la France pour toujours.


Cette date de 1394 est une des dates les plus importantes de notre histoire. Les rois ont tour à tour essayé de la sévérité et de la douceur, il est désormais prouvé que le Juif ne peut s’acclimater en France. Les races les plus diverses, Celtes, Gaulois, Gallo-romains, Germains, Francs, Normands, se sont fondues dans cet ensemble harmonieux qui est la nation française, ils ont assoupli leurs angles, ils ont apporté leurs qualités, ils ont toléré naturellement leurs défauts. Seul le Juif n’a pu entrer dans cet amalgame. La France lui dit : « Mon ami, nous ne pouvons nous entendre, séparons-nous et bonne chance ! »

Il y a là intolérance sans doute, mais non pas intolérance dans le sens religieux du mot, puisque les plus redoutables adversaires du Juif ont été des princes comme Philipe le Bel, plus politique assurément que mystique, il y a intolérance dans le sens que la science prête à ce terme lorsqu’elle dit : « Le sujet ne peut tolérer telle substance. » La France ne peut tolérer le Juif, elle le rend, elle ne le recevra que bien longtemps après enveloppé dans toute une littérature philosophico humanitaire et en sera très malade si elle n’en meurt pas.

Grâce à l’élimination de ce venin, la France, qui est encore plongée dans les horreurs de la guerre de cent ans, va atteindre avec rapidité un degré de prospérité incroyable, elle va devenir la grande nation européenne, régner par les armes, par les lettres, par les arts, par la courtoisie exquise, par le goût, par le charme de sa nature bienveillante et sociable, par son originalité de bonne compagnie qui est si accommodante pour les idées des autres. Elle sera l’arbitre, le modèle, l’envie du monde entier, elle comptera parmi ses fils des généraux glorieux, des ministres illustres, des écrivains incomparables, elle aura des triomphes et des revers, mais l’honneur sera toujours sauf, elle ne sera pas exempte de vices mais de ces vices qui n’abaissent point, et quand elle courra à la bataille ce ne sera ni pour les bons Mexicains, ni pour les bons Tunisiens. Chez elle, tout le monde sera sinon riche, du moins heureux, car le Juif ne sera pas là pour exercer sur le travail d’autrui son parasitisme usuraire. En un mot, à partir de 1394, époque à laquelle elle chasse les Juifs, la France montera toujours. A partir de 1789, époque à laquelle elle les reprend, elle descendra sans cesse…




II


DE 1394 À 1789


Le recueillement du Juif après l’expulsion de 1391. — Le grand silence. — La Kabbale. — Reuchlin. — L’impression du Talmud. — La Réforme. — Nostradamus. — Concini. — Lopez. — Les Juifs en Hollande. — Le monde de Rembrandt. — Les Juifs en Angleterre. — Cromwell et Manassé. — Le drame de Victor Hugo. — Les quatre familles juives du Paris de Louis XIV. — Les Juifs de Metz. — La protection des Brancas. — Les Juifs du Comtat. — Un bon conseil de rabbin. — L’Avignon papale et Mistral. — Les Juifs de Bordeaux. — Montaigne et Alexandre Dumas. — La Princesse de Bagdad. — Les Maranas. — Efforts des Juifs pour s’introduire à Paris. — La requête des marchands et négociants de Paris. — L’araignée d’or juive, die judische goldspinne. — Voltaire et les Juifs. — Les deux agents. — Voltaire financier. — L’ignorance du XVIIIe siècle sur les Juifs. — La colonie juive de Paris. – « Peixotto ». — Le premier cimetière juif. — Louis XVI et les Juifs. — Le mouvement juif latent. — La Franc-Maçonnerie. — L’expulsion des Jésuites. — Les Juifs déguisés : Law, le comte de Saint-Germain, Cagliostro. — La haine des Juifs contre Marie-Antoinette. — Le Juif Angelucci et Beaumarchais. — Marie-Thérèse et les Juifs. — L’affaire du Collier. — L’illuminisme. — La loge Saint-Jean de la Candeur. — Le duc d’Orléans, grand maître de la Franc-maçonnerie est allié des Juifs. — La Passion de Louis XVI. — L’académie de Metz. — L’abbé Grégoire. — Les Juifs et la Constituante. — L’émancipation. — L’ancien régime et le régime actuel. — Le nouveau Sinaï.




DE 1394 A 1789


Que devient le Juif de 1394 à 1789 ? On ne sait trop. Il s’est évanoui, il s’est rasé, comme le lièvre poursuivi, il a changé son plan d’action, modifié ses ruses, éteint beaucoup son ardeur. Il semble alors tout plongé dans la Kabbale[98], absorbé dans la lecture du Zohar ou du Sepher Zetzirah. Il est alchimiste, il tire des horoscopes, il interroge les astres et il peut, en parlant du Grand Œuvre, avoir accès partout. Sur ce sujet il est inépuisable, il sait en effet et les frères errants avec lesquels il s’abouche dans chaque ville savent aussi ce que ce mot de Grand Œuvre cache sous son mystérieux symbolisme. Faire de l’or, régner par le banquier sur ce monde qui ne croit qu’au prêtre et au soldat, à la pauvreté et à l’héroïsme, la politique juive est toujours là. Mais ce projet, sur la réussite duquel on consulte sans cesse les nombres, semble bien chimérique ou plutôt bien lointain. Ce qu’il faut renverser avant de rien entreprendre, c’est la vieille hiérarchie, l’Église, le Moine, le Pape.

Sur quel point agir ? A la France il ne faut pas penser. L’Espagne, que les Juifs ont livrée aux Maures, reconquiert pied à pied le sol de la Patrie et c’est par l’expulsion définitive des Juifs qu’elle se préparera aux grandes destinées qui l’attendent sous Charles-Quint et Philippe II. L’Allemagne est plus propice à un mouvement, elle est divisée et on n’y rencontrera pas cette autorité royale déjà si puissante qui de l’autre côté du Rhin centralise la force et défend les croyances de tous. Autant que la France cependant, l’Allemagne répugne aux Juifs et en brûle quelques-uns de temps en temps.

Le Juif, rendu plus prudent par ses mésaventures, ne s’attaque plus en face au catholicisme, il souffle Luther, il l’inspire, il lui suggère ses meilleurs arguments.

Le Juif, dit très justement M. Darmesteter[99], s’entend à dévoiler les points vulnérables de l’Église et il a à son service, pour le découvrir, outre l’intelligence des livres saints, la sagacité redoutable de l’opprimé, il est le docteur de l’incrédule, tous les révoltés de l’esprit viennent à lui dans l’ombre ou à ciel ouvert. Il est à l’œuvre dans l’immense atelier de blasphème du grand empereur Frédéric et des princes de Souabe ou d’Aragon : c’est lui qui forge tout cet arsenal meurtrier de raisonnement et d’ironie qu’il léguera aux sceptiques de la Renaissance, aux libertins du grand siècle, et le sarcasme de Voltaire n’est que le dernier et retentissant écho d’un mot murmuré six siècles auparavant, dans l’ombre du ghetto, et plus tôt encore, au temps de Celas et d’Origène, au berceau même de la religion du Christ.

« Tout catholique qui devient protestant, a dit Alexandre Weill, fait un pas vers le Judaïsme, Tout protestant, serait il plus juste de dire, est à moitié Juif.

Le protestantisme servit de pont aux Juifs pour entrer non pas encore dans la société mais dans l’humanité. La Bible, laissée au second rang au moyen age, prit sa place plus près des Évangiles, l’Ancien Testament fut mis à côte du Nouveau. Derrière la Bible apparut le Talmud. Reuchlin, l’homme des Juifs, fit campagne pour jeter de nouveau dans la circulation le livre proscrit.

Ce Reuchlin ou Reuchlim parait avoir été corrompu par le médecin de Maximilien qui était Juif. Dès 1494, il s’était montré favorable à Israël dans son livre : de Verbo mirifico, où il avait mis en présence un philosophe de l’antiquité Sidonius, un rabbin Juif Baruch et un philosophe chrétien Capnio (traduction latine de Reuchlin qui signifie petit fumée). Chargé d’examiner le Talmud, il ne trouva rien de répréhensible aux outrages qu’il contenait contre le christianisme.

Le procès du Talmud devint une affaire européenne. La Faculté de Paris s’occupa de cette question pendant quarante sept séances et se montra, comme toute la France d’alors, résolument anti-juive en condamnant Reuchlin. L’Empereur Maximilien, au contraire, donna raison à l’avocat des Juifs. En 1520, l’année même où Luther brûlait la bulle du pape à Wittemberg, la première édition du Talmud s’imprimait à Venise.

Luther cependant que les Protestants représentent selon leur habitude, quand il s’agit des leurs, comme un apôtre de la tolérance, fut dur pour les Juifs, plus dur que ne l’avait jamais été aucun prêtre.

En cendres, s’écriait-il, cendres les synagogues et les maisons des Juifs, et ceux-ci on les parque dans les écuries ! Que de leurs biens on forme un trésor pour l’entretien des convertis, que les Juifs et les Juives robustes on les astreigne aux plus durs labeurs, qu’on leur prenne leur livre de prières, le Talmud, la Bible, et qu’il leur soit défendu, sous peine de mort, même de prononcer le nom de Dieu.

Pas de faiblesse, pas de pitié pour les Juifs ! Que les princes sans forme de procès les chassent ! Que les pasteurs inculquent à leurs ouailles la haine du Juif j’aurais pouvoir sur les Juifs, que je réunirais les plus instruits et les meilleurs d’entre eux et les menacerais de leur couper la langue au fond du gosier pour leur prouver que la doctrine chrétienne n’enseigne pas un Dieu seulement mais un Dieu en trois personnes[100].

L’œuvre de dissolution de la société chrétienne, entreprise par le protestantisme, fut malgré tout profitable au Juif. Elle fut pour lui l’occasion de s’affranchir, du moins en Allemagne, de cette interdiction de l’usure grâce à laquelle l’Église, avec une maternelle sollicitude, protégea pendant des siècles la fortune de l’Aryen travailleur et naïf contre les convoitises du Sémite astucieux et cupide. Un sermon de l’époque cité par Janssen explique admirablement la situation.

Quels maux ne produit pas l’usure ? Rien n’y fait ! Comme chacun voit que les grands usuriers du commerce deviennent riches en peu de temps, tout le monde veut aussi s’enrichir et tirer un rand profit de son argent. L’artisan, le paysan porte son argent à une société ou à un marchand, ce mal n’existait pas jadis, il n’est devenu général que depuis dix ans. Ils veulent gagner beaucoup et souvent ils perdent tout ce qu’ils avaient.

Le tableau de cette époque de transition, dit M. de Bréda[101], n’est pas moins curieux à étudier par son analogie avec ce qui se passe de nos jours : « On perdait le goût du travail, on cherchait les affaires qui rapportaient beaucoup en donnant peu de peine. Le nombre des boutiques et des cabarets augmentait incroyablement jusque dans les campagnes. Les paysans s’appauvrissaient et se voyaient contraints de vendre leurs biens, les artisans sortaient des corporations et, dénués de leur salutaire protection, tombaient dans la misère. Trop de gens à la fois se jetant dans les mêmes affaires de spéculation, la plupart échouaient et formaient un prolétariat irrité. La richesse augmenta rapidement pour quelques-uns, la masse s’appauvrit. »

Sans doute les Juifs s’agitèrent et tâtèrent le sol du côté de la France. Il a bien l’air d’un, agent juif, ce Corneille Agrippa, professeur de sciences occultes, mêlé à toutes les intrigues de son, temps, parlant par énigmes, allant sans cesse de Nuremberg à Lyon, et de Lyon en Italie, faisant des conférences sur le de Verbo mirifico de Reuchlin. Les moines ne se trompaient guère en accusant de Judaïsme l’Her Trippa de Pantagruel, ce Cagliostro du XVIe siècle qui, toujours suivi de son chien noir, errait partout en colportant de singulières paroles.

En Provence, nous trouvons cette étrange figure de Nostradamus assis sur son trépied d’airain et interrogeant la Kabbale sur l’avenir de sa race, se demandant parfois si sa science n’était pas vaine et si la lueur qu’il apercevait était bien l’aurore d’une renaissance :

Etant assis de nuit secrète étude,
Seul reposé sur la celle d’airain,
Flamme exiguë sortant de solitude
Fait espérer que n’est à croire vain.

Au courant du travail mystérieux auquel se livrent les siens, il prédit, avec une précision qui étonne aujourd’hui, les terribles événements qui s’accompliront à la fin du XVIIIe siècle et qui feront sortir Israël de sa tombe.

 
Au révolu du grand nombre septième
Apparaîtra un temps jeune d’hécatombe,

Non éloigné du grand âge millième,
Les enterrés sortiront de leur tombe.

Le prophète de Salons était, d’ailleurs, d’une tribu dans laquelle s’est perpétué longtemps le don de prophétie.

Nostradamus, écrit le savant Haitze dans son livre : la Vie et le Testament de Nostradamus, était provençal, sorti d’une famille noble, quoique Pitton ait voulu dire le contraire dans sa Critique des écrivains de Provence. Cette famille était néophyte, elle fut ainsi comprise dans la célèbre taxe qui fut faite en 1502 sur ces sortes de famille de cette province. C’est en l’article de celles qui habitaient la ville de Saint Remi. Sa tribu était d’Issachar renommée pour le don de la science du temps sur les personnes de laquelle il avait été plus particulièrement répandu. Nostradamus, qui n’ignorait pas son extraction, s’en glorifiait, en faisait parade. Voir ce qui est dit au 32 eme verset du 12 eme chapitre des « Paralipomènes » qui porte que ceux d’Issachar étaient des hommes expérimentés capables de discerner et de remarquer tous les temps.

L’heure en tout cas n’était pas propice encore pour Israël. Louis XII avait étendu aux pays nouvellement réunis à la France l’édit définitif d’expulsion de Charles VI, ce qui contribua sans doute à lui faire donner le surnom de Père du peuple. La Réforme même resta en France militaire, plus désintéressée qu’ailleurs de toute spéculation financière, c’est-à-dire étrangère à tout élément juif.

Quelques Juifs seulement, chassés d’Espagne, arrivèrent alors à prendre pied à Bordeaux, mais avec quelles précautions ils durent agir, quels déguisements ils furent obligés de revêtir. Nous parlerons plus loin de cette intéressante colonie qui, du moins, paya son hospitalité à la France, puisque c’est à elle que nous devons Montaigne. Constatons seulement ici que les nouveaux venus ne se présentèrent aucunement comme Juifs et qu’ils ne firent pendant cent cinquante ans au moins aucun exercice de leur religion. Les lettres patentes d’Henri II autorisant le séjour furent délivrées non à des Juifs mais à de nouveaux chrétiens.

Quelques-uns essayèrent encore d’entrer d’un autre côté et, en 1615, on dut renouveler les édits portés contre eux, mais les Juifs, sous la minorité de Louis XIII, n’en revinrent pas moins en France en assez grand nombre. Ils avaient à la Cour un puissant protecteur. Concini était environné de Juifs. La Galigaï passait pour être Juive d’origine. « Elle vivait constamment, dit Michelet, entourée de médecins juifs, de magiciens et comme agitée de furies. Quand elle souffrait de la terrible névrose particulière à la race, Elie Montalte, un Juif encore, tuait un coq et le lui appliquait sur la tête.

Concini pillait tout, trafiquait, tripotait. La France était en pleines mains juives. Ce tableau ne semble-t-il pas contemporain ? Que fut Gambetta, en effet, si ce n’est, en bien des points du moins, une seconde incarnation de Concini ? Sous le ministère de Farre, on distribuait dans les casernes une brochure intitulée : le Général Gambetta. Ce général de la parole ne vous fait-il pas souvenir de ce comte della Penna (comte de la Plume), de ce maréchal d’Ancre qui n’avait jamais tiré l’épée ?

Notre Concini à nous a pu malheureusement faire tout le mal qu’il a voulu sans avoir trouvé de Vitry. La France n’enfante plus d’hommes comme ce vaillant qui, tranquillement, son épée sous le bras, avec trois soldats aux gardes pour toute compagnie, s’en vint barrer le passage, sur le pont du Louvre, à l’aventurier orgueilleux qui s’avançait suivi d’une escorte nombreuse comme un régiment. — Halte-là ! — Qui donc ose me parler ainsi, à moi ? Et comme le drôle étranger ajoutait un geste à ces paroles, Vitry, l’avant bien ajusté, lui cassa la tête d’un coup de pistolet.

Puis il entra chez le Roi et dit : C’est fait. — Grand merci, mon cousin, répondit Louis XIII à l’humble capitaine, que son courage, ainsi qu’on le voit encore en Espagne, venait de faire le parent du Roi, vous êtes maréchal et duc et je suis heureux de vous saluer le premier de votre nouveau titre.

Par la fenêtre, une grande rumeur arrivait en même temps, c’était Paris qui, enfin vengé de tant de hontes subies, battait frénétiquement des mains.

Aujourd’hui, l’industrie a encore des chevaliers et la Bourse des barons, mais l’héroïsme ne fait plus de maréchaux ni, de ducs. Les Juifs étrangers peuvent tout se permettre chez nous, nul Vitry ne tirera l’épée pour arrêter les oppresseurs de sa patrie. Je connais cependant à Paris un pont, au bout d’une place célèbre, où un colonel qui aurait du poil au menton pourrait gagner un titre plus beau que celui que le hardi capitaine des gardes gagna le 24 avril 1617, sur le pont du Louvre.

Concini à peine tué, on intima l’ordre aux Juifs qui, avec leur activité ordinaire, avaient déjà constitué comme une petite synagogue chez un membre du Parlement, de disparaître immédiatement.

Le seul Juif un peu en évidence, dont on trouve trace à Paris à cette époque, est Lopez. Mais Lopez était-il bien Juif ? Il s’en défendait du moins comme un beau diable et protestait qu’il était Portugais ou tout au moins Mahométan, il mangeait du porc tous les jours au point de s’en rendre malade pour dépister les soupçons.

Malgré toutes les dénégations du pauvre Lopes, je crains bien qu’il n’ait été de la race. Bibelotier, marchand de diamants, banquier, agent politique, finalement conseiller d’État, n’a-t-il pas l’air d’un vrai gouvernant d’aujourd’hui ? Il y a en lui comme un mélange de Proust et de Bischoffsheim.

« Lopes et quelques autres comme lui, nous dit Tallemand des Reaux qui s’est fort égayé sur le personnage, vinrent en France pour traiter quelque chose pour les Moresques dont il estait ».

Henri IV vit là une excellente occasion de créer des embarras intérieurs à l’Espagne et mit Lopes en relations avec le duc de la Force. La mort du roi rompit les négociations, mais Lopes ne se découragea pas, il s’établit marchand de diamants, « il acheta un gros diamant brut, le fit tailler, cela le mit en réputation, de toutes parts on lui envoya des diamants bruts. Il avait chez lui un homme à qui il donnait huit mille livres par an et le nourrissait lui sixième, cet homme taillait les diamants avec une diligence admirable et avait l’adresse de les fendre d’un coup de marteau quand il était nécessaire. »

Dans le Roman des amours du duc de Nemours et de la marquise de Poyanne, le duc consulte sur la beauté des parures « un certain Portugais nommé Don Lope qui s’y connaissait mieux que personne. »

Richelieu, dont le génie a tant de rapports avec celui du prince de Bismarck, avait compris le premier le parti qu’un homme politique pouvait tirer d’une presse qu’il dirigerait et il avait encouragé Renaudot, le créateur du journal en France. Il distingua clairement aussi l’utilité dont pouvaient être ces agents juifs si déliés, si souples, si bien informés qui devaient plus tard comme les Blowits, les Erdan, les Levyson, rendre tant de services au chancelier de fer. Il employa Lopes comme espion, il en fut content, le chargea d’une négociation relative à des vaisseaux en Hollande et au retour il le fit conseiller d’État ordinaire.

Le type ne perd jamais ses droits. Si on couronnait un Juif empereur d’Occident il trouverait moyen de vendre la couronne de fer. Lopes brocanta dans sa mission et de retour à Paris fit une vente qui fut plus courue encore que celle de Rachel et de Sarah Bernhardt. « En Hollande il acheta mille curiosités des Indes et il fit chez luy comme un inventaire, on criait avec un sergent. C’était comme un abrégé de la foire Saint-Germain, il y avait toujours bien du beau monde. »

Ce Lopes parait cependant avoir été relativement honnête homme. On l’accusait d’être l’espion des deux gouvernements, il fut démontré qu’il n’en servait qu’un seul, ce qui, me murmure à l’oreille un anti-sémite, tendrait à prouver qu’il n’était véritablement pas Juif.

C’est Ledoux, maître des requêtes, qui avait mis ce mauvais bruit en circulation. « De fait, dit Tallemant des Reaux, il croyait avoir la conviction entière par le livre de Lopez où il y avait : « Guadamisilles por et senor de Bassompierre tant, de milliers de maravedis, » et autres articles semblables. Lopez pria M. de Rambouillet (le voir ce bon Maistre des requestes. Le Maistre des requestes lui dit : Monsieur, il n’y a rien de plus clair, guadamasilles, etc. M. de Rambouillet se mit à rire : « Hé monsieur, luy dit-il, ce sont des tapisseries de cuir doré qu’il a fait venir d’Espagne pour M. de Bassompierre. »

Richelieu semble avoir traité son conseiller d’État comme on traiterait un Braün ou un Castagnary.

Le cardinal de Richelieu, raconte encore Tallemant, pour se divertir, un jour que Lopes revenait de Ruel avec toutes ses pierreries que le cardinal avait voulu voir exprès, le fit attaquer par de feints voleurs qui pourtant ne luy firent que la peur. Il y allait de tout son bien, aussi la peur fut-elle si grande qu’il fallut changer de chemise au pont de Neuilly, tant sa chemise était gastée. Le chancelier dans le carrosse duquel il était dit qu’il se présenta assez hardiment aux voleurs. Le cardinal eut du déplaisir de lui avoir fait ce tour-là, car il avait joué à faire mourir ce pauvre homme et pour raccommoder cela il le fit manger à sa table. Ce n’estait pas un petit honneur.

On n’épargnait guère, d’ailleurs, les plaisanteries à Lopez.

Un jour l’abbé de Cercey et Lopez faisaient des façons à qui passerait le premier. — Allez donc, Lopez, dit Chasteller, maître des requêtes (ce corps décidément n’aimait pas les Juifs), l’Ancien Testament va devant le Nouveau.

Un autre jour il demandait un prix excessif d’un crucifix. — Hé, lui dit-on, vous avez livré l’original à meilleur marché.

En dépit des railleurs, Lopez, à force de cumuler les métiers divers, n’en arriva pas moins à une fortune considérable qu’il affichait avec le mauvais ton de ses pareils. Il avait six chevaux de carrosse, « et jamais carrosse ne fut tant de fois au-devant des ambassadeurs que celui-là. »

Il possédait une assez belle maison dans la rue des Petits Champs et répétait sans cesse : « Il y a une quantité immense de cheminées dans mon logis. »

En quoi cette phrase sur laquelle s’esclaffent les contemporains est-elle étonnante ? Telle est la réflexion qui viendra à chacun et cet étonnement même indique bien le chemin parcouru de la société polie, raffinée, bien élevée d’alors à la société brutale et grossière d’aujourd’hui.

De nos jours le sentiment de certaines nuances délicates est émoussé même chez les chrétiens. Personne n’est surpris lorsque le baron Hirsch, ayant à sa table des gens qui ont la prétention de représenter le faubourg Saint-Germain dit tranquillement à ses convives au moment où l’on sert les fraises en janvier : « Ne vous gênez pas pour en manger tant que vous voudrez, cela coûte cher, mais je n’y regarde pas[102]. »

Juif ou non, Lopez, qui s’éteignit à Paris le 29 octobre 1649, vécut et mourut en catholique, il fut enterré à Saint Eustache et sur le marbre de son tombeau on mit l’inscription suivante

Natus Iber, vixit Gallus, legemque secutus,
Auspice nunc Christo, mortuus astra tenet.

C’est le maréchal de la Ferté qui acheta la maison de Lopez, comme en témoigne ce passage de Loret.

Le maréchal de la Ferté,
Durant la saison de l’été,
Des villes pour le Roy conqueste
Et pendant l’hiver il acqueste,
À ce qu’on m’a dit aujourd’huis,
Des logis dans Paris pour luy,
Achetant celui de feu Lope,
Non pas le plus beau de l’Europe
Mais bien baste, commode et tel
Qu’il peut passer pour un hôtel.

Si le Juif ne pouvait se faire accepter en France qu’en reniant énergiquement son origine, il avait cessé ailleurs d’être le Paria des anciens jours, il avait trouvé en Hollande plus qu’un asile, un terrain favorable où tous ses défauts fussent impuissants à se développer, où ses qualités puissent se donner carrière.

La destinée de cette race en effet est singulière : seule de toutes les races humaines elle a le privilège de vivre sous tous les climats et, en même temps, elle ne peut se maintenir, sans nuire aux autres et sans se nuire à elle même, que dans une atmosphère morale et intellectuelle spéciale. Avec son esprit d’intrigue, sa manie d’attaquer sans cesse la religion du Christ, sa fureur de détruire la foi des autres qui contraste si étrangement avec son absence de tout désir de convertir les étrangers à la sienne, le Juif est exposé dans certains pays à des tentations auxquelles il succombe toujours, c’est de qui explique la perpétuelle persécution dont il est l’objet. Dès qu’il a affaire à ces grandes cervelles d’Allemands avides de systèmes et d’idées, à ces esprits français épris de nouveautés et de mots, à ces imaginations de Slaves toujours en quête de rêves, il ne peut se contenir, il invente le socialisme, l’internationalisme, le nihilisme, il lance sur la société qui l’a accueilli des révolutionnaires et des sophistes, des Herzen, des Goldeberg, des Karl Marx, des Lassalle, des Gambetta, des Crémieux, il met le feu au pays pour y faire cuire l’œuf de quelques banquiers et tout le monde se réunit à la fin pour le pousser vers la porte.

Sur les têtes solides d’Anglais et de Hollandais, au contraire, le Juif ne peut rien. Il sent d’instinct, avec son nez qui est long, qu’il n’y a rien à tenter sur ces gens attachés à leurs vieilles coutumes, fermes dans les traditions qu’ils ont reçues de leurs aïeux, attentifs à leurs intérêts. Il se contente de proposer des affaires que les indigènes discutent minutieusement et qu’ils font quand elles sont bonnes mais il ne raconte pas d’histoires, il ne dit pas aux fils que leurs pères étaient d’affreuses canailles ou des serfs abjects, il ne les invite pas à brûler leurs monuments, il ne fait là ni emprunt frauduleux, ni Commune ; il est heureux, et les autres aussi.

Cette petite Hollande, industrieuse et commerçante, étrangère elle-même à cet idéal chevaleresque qui est si antipathique aux fils de Jacob, fut vraiment le berceau du Juif moderne. Pour la première fois Israël connut là, non point le succès éclatant qui grise le Juif et qui le perd, mais le calme de longue durée, la vie régulière et normale[103].

C’est Rembrandt qu’il faut, je ne dis pas regarder mais contempler, étudier, scruter, fouiller, analyser si l’on veut bien voir le Juif.

Elève d’Isaackson van Schanenberg et de Jacob Pinas, locataire d’abord puis propriétaire de cette maison de la Joden Breestraet (rue des Juifs), dans laquelle il peignit ses chefs-d’œuvre, Rembrandt vécut constamment avec Israël. Son atelier même, encombré d’objets d’art, véritable capharnaüm d’étoffes et de bibelots, ressemble à ces boutiques de brocanteurs au fond desquelles l’œil un moment désorienté finit par distinguer un vieillard sordide au nez crochu. Son œuvre a la couleur juive, elle est jaune de ce jaune ardent et chaud qui semble comme le reflet de l’or jouant sur une vieille rouelle du moyen âge oubliée dans un coin.

« Qu’ils sont parlants ces Juifs de Rembrandt causant d’affaires au sortir de la synagogue, s’entretenant du cours du florin ou du dernier envoi de Batavia, ces voyageurs qui cheminent leur bâton à la main avec des airs de Juifs errants qui sentent qu’ils vont arriver et s’asseoir quelque part[104] !

Combien plus saisissant cet alchimiste en extase devant le cercle kabbalistique autour duquel sont tracés des caractères mystérieux qui commentent le Sepher ou le Zohar, qui révèlent l’heure et le jour où s’accomplira le Grand Œuvre ! N’est-ce point un Juif encore que ce docteur Faust dont le visage émerge à peine de l’ombre intense ? On voit dans ces ténèbres animées, dans ces ténèbres à la Rembrandt, voltiger des atomes lumineux. Ce silence est bien celui dont parle Fromentin, « ce silence qui n’est point la cessation de tout bruit, mais le commencement au contraire de ces bruits indéterminés que l’âme perçoit seule, » On entend penser cet homme si parcheminé, si desséché, si ossifié qu’il parait à demi mort et qui, par la fenêtre ouverte, interroge le ciel pour y chercher l’étoile d’Israël, l’astre qui doit se lever du côté de la Chaldée après tant d’années d’attente.

Le médecin Ephraïm Bonus, appuyant sa main sur la rampe de l’escalier, dit ces choses d’une autre façon. Coiffé d’un large feutre, vêtu de l’habit de tout le monde, il a vraiment l’allure honnête de quelqu’un qui ne va plus au sabbat tous les soirs, il ressemble plus au Germain Sée d’Yvon qu’à un faiseur de philtres du moyen âge et il semble murmurer lui aussi un ça ira satisfait.

Tout allait mieux en effet pour les Juifs. En Angleterre, ils avaient trouvé l’homme qu’ils aiment, le Schilo, le faux Messie, le chef exclusivement terrestre qui, ne s’appuyant sur aucun droit traditionnel, est bien forcé d’avoir recours à la force secrète que détiennent les Juifs[105]. Cromwell, soutenu par la Franc-maçonnerie puissante déjà mais très occulte et très discrète encore[106], avait été le protecteur zélé des juifs et s’était, efforcé de faire lever l’arrêt de proscription qui pesait sur eux.

On a affirmé que le droit de séjour leur avait été formellement accordé à cette époque, le Dr Tavey dans son Anglica judaïca nie le fait. Dans son curieux livre sur Moses Mendelssohn » et sur la réforme politique des Juifs en Angleterre, Mirabeau, qui fut l’homme des Juifs comme Gambetta, raconte ainsi les négociations qui s’engagèrent à ce sujet.

La haine du papisme qui prévalait alors, ou plutôt qui déployait d’autres fureurs, avait inspiré des dispositions favorables pour les Juifs. Il se fit plusieurs motions parlementaires en leur faveur et si aucune ne fut suivie de succès, elles encouragèrent du moins les juifs d’Amsterdam à faire quelques propositions pour former un établissement de leur nation en Angleterre.

On entra en négociation et Manassé Ben Israël fut choisi pour traiter des conditions. Ce vénérable rabbin vint en Angleterre et détermina Cromwell à prendre en très sérieuse considération les demandes qu’il fit au nom de ses frères.

Alors le Protecteur appela dans son conseil deux juges, sept citoyens et quatorze ecclésiastiques. Il leur demanda s’il était licite de réadmettre les juifs en Angleterre, et dans le cas où ils tinssent pour l’affirmative, sous quelles conditions cette nation devrait être rappelée ? Quatre jours se consumèrent en disputes inutiles de la part des ministres du Saint Evangile et Cromwell les congédia en leur disant qu’ils le laissaient beaucoup plus incertain qu’ils ne l’avaient trouvé.

On ignore le résultat des délibérations particulières du Protecteur. Quelques écrivains à la vérité déclarent positivement qu’il accorda aux juifs la permission de s’établir en Angleterre, mais d’autres soutiennent que cette permission ne leur fut donnée que sous le règne de Charles II, dans l’année 1664 ou 1665.

Manassé ben Israël, auquel Victor Hugo a donné tant de relief dans son drame de Cromwell, remplissait près de Cromwell ce rôle dans lequel excelle le Juif, ce rôle de Reinach auquel on peut tout dire sans craindre d’être gêné par cette conscience qu’on sent vivre au fond de l’âme du plus servile des chrétiens. Par une contradiction très fréquente et plus logique qu’on ne croit, le Protecteur demandait les secrets du ciel à cet homme, qu’il employait aux plus basses négociations de la terre[107].

Sort bizarre ! épier les hommes et les astres !
Astrologue là-haut, ici-bas espion !

Par un changement soudain, Manassé qui entre en scène en déposant un sac d’argent aux pieds de Cromwell, redevient brusquement de subtil entremetteur d’affaires apportant sa part de prise à l’homme au pouvoir, un Kabbaliste, un alchimiste, et quand le Protecteur lui dit : serais je roi ? il répond avec une certaine sincérité :

… Dans sa marche elliptique
Ton asire ne fait pas le triangle mystique
Avec l’étoile Zod et l’étoile Nadir.

Puis la haine du chrétien, la soif du sang du goy reprend le Juif en apercevant Rochester endormi, comme nous le dit le poète, il tente celui avec lequel il parle. Ce pouvoir suprême, Cromwell peut l’avoir, il suffit d’immoler le chrétien. N’est-ce point l’éternel pacte qu’Israël propose aux ambitieux ? Qu’ils frappent l’Église ! Et ils seront grands, on leur donnera en échange des persécutions une éphémère apparence de puissance.

Manassé

Frappe ! tu ne peux faire une action meilleure.
(A part.)
Par une main chrétienne immolons un chrétien !
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
C’est le jour du sabbat, frappe !

Mais Cromwell n’est point un Gambetta ; ce n’est point un de ces généraux de Directoire qui, après avoir massacré les républicains, demandent à la République un peu d’or pour payer les filles, c’est l’intrépide et sombre héros de Worcester et de Naseby, c’est un croyant. Il se réveille comme d’un songe, il tressaille à ce mot de sabbat.

. . . . . . . . . . . . . .C’est jour de jeûne !
Que fais je ? Un jour de veille et de repos divin,
j’allais commettre un meurtre et j’écoute un devin.
Va-t’en ! Juif ! . . . . .

Le poète, le voyant, celui qui est tombé de si haut, l’auteur de la Prière pour tous qui devait abandonner ses petits enfants aux caresses d’un Lockroy, était vraiment possédé par l’esprit de Shakespeare lorsqu’il a écrit Cromwell.

Michelet nous a montré l’usurier qui demande du sang pour de l’or, Shakespeare, lui aussi, a peint dans Shyllock le marchand de chair humaine, le type que Victor Hugo incarne en Manassé est autre. C’est déjà le Juif moderne mêlé aux complots, fomentant les guerres civiles et les guerres étrangères, tour à tour commanditaire de Napoléon et de la Sainte Alliance.

Tout est Shakespearien dans cette scène du IV eme acte, c’est le théâtre tel que l’a compris Shakespeare dans Henri V et avant lui Eschyle dans les Perses, l’histoire toute vivante mise en dialogue et présentée ainsi aux spectateurs assemblés. Écoutez ce que dit « l’espion de Cromwell, banquier des Cavaliers. »

Des deux partis rivaux qu’importe qui succombe ?
Il coulera toujours du sang chrétien à flots,
je l’espère du moins ! C’est le bon des complots.

Des bords de la Seine aux bords de la Sprée ne l’entendez-vous pas depuis près d’un siècle ce monologue ? N’est il pas la conclusion de tous les coups de canon qu’on tire en Europe ? Pourvu que ce soit de l’or et du sang de chrétien qui coule, Israël est toujours d’accord et Berlin, par l’entremise de l’Alliance israélite universelle, donne fraternellement la main à Paris.


Au XVIIe siècle, la France, fort heureusement pour elle, n’en était pas là et n’était même pas entrée dans la voie de conciliation de l’Angleterre.

Sous Louis XIV, au moment où la France est à l’apogée de sa puissance et règne véritablement sur le monde non seulement par les armes mais par l’ascendant de sa civilisation, savez-vous combien Paris possédait de Juifs ?

On ne comptait pas plus de quatre familles de cette religion habitant la capitale et cent cinquante allant et venant[108]. En 1705, il n’y avait en tout que dix-huit individus, a plupart employés aux services et étapes de Metz et autorisés par le Chancelier à faire un séjour dans la capitale.

On ne peut douter, disait le lieutenant général de police, que L’agiotage et l’usure ne soient leur principale occupation puisque s’est (si l’on ose s’exprimer ainsi) toute leur étude et qu’ils se font une espèce de religion de tromper autant qu’ils le peuvent tous les chrétiens avec lesquels ils traitent.

Il est question de loin en loin dans la correspondance des intendants de quelques Juifs isolés, à Rouen notamment, à la date de 1693, d’un nommé Mendez, qui possédait une fortune de 500,000 à 600,000 livres et dont l’expulsion aurait été fâcheuse pour le commerce de la province. Everard Jabach, né à Cologne, banquier et grand collectionneur, de tableaux, parait bien avoir été Juif. On peut, je crois : regarder comme Juif le comédien Montfleury, dont le vrai nom était Zacharie Jacob. C’est lui qui, pour se venger de railleries inoffensives de Molière qui, dans l’Impromptu de Versailles, lui avait reproché « d’être gros et gras comme quatre, » adressa au mois de décembre 1663 une requête à Louis XIV, dans laquelle il accusait le grand comique d’avoir épousé sa propre fille.

Samuel Bernard était-il Juif ? Voltaire affirme que oui. Nous lisons dans une lettre adressée à Helvetius : « J’aimerais mieux que le Parlement me fit justice de la banqueroute du fils de Samuel Bernard, Juif, fils de Juif, mort surintendant de la maison de la reine, maître des requêtes, riche de neuf millions et banqueroutier. »

Mais cette question d’argent, qui avait toujours tant d’importance pour Voltaire, a pu lui inspirer cette épithète de Juif. En 1738, dans son discours sur l’Inégalité des conditions, il consacra à Samuel Bernard, le père, deux vers que le poète fit disparaître de ses œuvres quand le fils, qui portait le titre de comte de Coubert, eut fait disparaître soixante mille livres de la bourse du poète.

S’il ne parait guère douteux que la famille de Samuel Bernard, ait été d’origine juive, les documents publiés par elle prouvent qu’au XVIIe siècle elle était protestante depuis deux ou trois générations. Le père de Samuel Bernard, graveur de talent, se convertit au catholicisme et fut enterre par le clergé de Saint-Sulpice. Samuel Bernard avait épousé en secondes noces Mlle Pauline Félicité de Saint Chamans, il en eut une fille, Bonne Félicité, qui le 22 septembre 1743 épousa Mathieu François Molé, seigneur de Champlâtreux. Le comte Molé, qui fut chargé par Napoléon 1er de diriger les délibérations du grand Sanhedrin de 1807, était donc un descendant de Samuel Bernard.

Sous la Régence, nous voyons apparaître le Juif Dulys, dont les méfaits occupèrent tout Paris.

Enrichi par le Système, ce Juif avait pour maîtresse une actrice nommée Pélissier. Obligé, après avoir ruiné pas mal de monde, de fuir en Hollande où était toute sa fortune, il donna cinquante mille livres à la Pélissier à la condition qu’elle l’accompagnerait, mais celle-ci mangea l’argent avec Francœur, un violon de l’opéra, et ne bougea pas. Dulys furieux envoya alors son valet à Paris pour assassiner Francœur, le coup manqua, le valet fut roué vif, et Dulys contumace subit le même supplice, mais en effigie[109].

Barbier fait observer qu’on aurait dû appréhender la Pélissier et la condamner pour avoir eu des relations avec un Juif. En certaines provinces, effectivement, le fait pour des chrétiens ou des chrétiennes d’avoir eu des rapports avec les ennemis de leur race était assimilé au crime contre nature.

Tous les chansonniers s’égayèrent à ce sujet :

Le héros de la Synagogue,
Qui te mit richement en vogue,
Dans un triste état est réduit.
Tu le fis ta dupe idolâtre,
Sur l’échafaud il n’est conduit
Que pour t’avoir vue au théâtre.
Que Dulys soit mis à la roue
Et que Francœur de lui se joue,
Cela parait impertinent,
Mais, si Thémis voulait bien faire.
Pélissier irait, pour dix ans
Habiter la Salpétrière.

Les Juifs étaient cependant tolérés à Metz où les rois de France en avaient trouvé quelques-uns d’installés. Des lettres patentes données par Henri IV portent qu’il prend sous sa protection « les vingt-quatre ménages juifs descendus des huit premiers établis à Mets sous son prédécesseur. »

Ces Juifs étaient installés dans la rue de l’Arsenal, près du retranchement de Guise ; le duc d’Epernon leur accorda, le 17 février 1614, le droit d’acquérir des maisons dans le quartier de Saint Ferron, mais non ailleurs. Son fils, le duc de Lavalette, fixa l’intérêt qu’ils pouvaient recevoir, et pour purifier le quartier, ordonna que l’enclos qu’ils habitaient serait limité par de grands crucifix en pierre incrustés dans le mur de la dernière maison de chaque rue. Les Juifs de Metz portaient la barbe, un manteau noir et un petit rabat blanc, ils avaient été dispensés du chapeau jaune.

Quelques conversions se produisirent parmi eux. Les frères Weil abjurèrent entre les mains de Bossuet, alors chanoine de l’église cathédrale de Metz. Pendant le séjour de Louis XV à Mets, la dauphine tint sur les fonts une jeune Juive de onze ans, originaire d’un village voisin. Dans ces occasions on faisait tirer le canon et sonner la Mutte.

Au commencement du XVIIIe siècle, les Brancas découvrirent, je ne sais comment, l’existence de ces Juifs et eurent l’idée ingénieuse de s’en faire des revenus.

Le 31 décembre 1715, Louis de Brancas, duc de Villars, pair de France, baron d’Oise, obtint du Régent un arrêt par lequel les Juifs de Metz étaient astreints à un droit de protection à raison de 40 livres par famille.

Cette redevance était abandonnée pour dix ans à Brancas et à la comtesse de Fontaine. Les Juifs protestèrent qu’ils n’avaient nul besoin d’une pareille protection, les Brancas s’obstinèrent à protéger quand même et l’on finit par transiger à 30 livres. Le nombre des familles juives de Mets était de 480 lors du dénombrement de 1717. En 1790, les Juifs étaient environ 3,000.

C’est un des épisodes les plus comiques du XVIIIe siècle que ce débat entre les Brancas et les Juifs, il fait songer à la célèbre ronde du Brésilien :

Voulez-vous ? voulez-vous ? Voulez-vous ?
accepter mon bras ?

— Je vous assure que je vais fort bien tout seul, s’écriait le Juif, quittes ce souci…

— Nenni ! nenni ! répondaient les Brancas, il pourrait vous arriver malheur si vous n’étiez pas protégés, et nous en serions inconsolables.

Israël multiplia en vain, par la suite, les démarches auprès du roi, les Brancas défendirent mordicus le fief qu’ils s’étaient créé. Le brillant duc de Lauraguais, un Brancas toujours, se fit continuer cette redevance et la toucha imperturbablement jusqu’en 1792, il ne lâcha ses protégés malgré eux que devant l’échafaud révolutionnaire.

« Voilà bien des abus dont nous a délivrés 89 ! » s’écrieront les écrivains républicains, et les mêmes écrivains, qui trouvent abominable qu’un descendant de Villars prélève sur des Juifs quelques centaines de louis pour ses menus plaisirs, trouveront très juste qu’à l’aide d’escroqueries financières des Juifs prélèvent des millions sur des chrétiens, qu’un mendiant de la veille soit le riche insolent du lendemain. En toute occasion ceux-là sont pour l’étranger.

Pour moi, je vois différemment. La France devait son salut à l’héroïque soldat de Denain, elle s’acquittait de cette dette envers les neveux de son sauveur, quoi de plus juste ? Tous ces grands seigneurs, d’ailleurs, faisaient honneur à cet argent qu’ils dépensaient de la façon la plus magnifique et la plus large. Les artistes et les lettrés étaient chez eux dans les incomparables demeures de ces patriciens bons garçons. Lauraguais distrayait incessamment Paris par ses aventures, ses amours, ses mots, ses duels, ses brochures, ses épigrammes, ses procès excentriques, les explosions de sa belle humeur de français.

L’opulence n’allait-elle pas mieux à ce grand seigneur de haute mine, à cet amoureux de Sophie Arnould, à ce généreux qui donna la somme nécessaire pour faire disparaître les banquettes qui encombraient la scène, à ce collaborateur de Lavoisier, à ce fantaisiste si original, qu’à ce petit chafouin d’Alphonse de Rothschild qui passe, lugubre, à travers Paris avec son blafard faciès d’allemand ? C’est à toi-même que je le demande, baron, qu’avons nous gagné au change ? Tu prends l’argent comme Lauraguais et tu en prends davantage, seulement Lauraguais, avec ses saillies, m’aurait au moins diverti, et toi tu ne m’amuses pas…

Il n’y a pas de médaille sans revers et de victoire sans inconvénients. La conquête de l’Alsace avait, elle aussi, apporté à la France une quantité considérable de Juifs dont elle se serait bien passée.

Très nombreux en Alsace, les Juifs y étaient fort durement traités. Ils dépendaient non du souverain directement mais des seigneurs qui, cependant, par un contraste singulier, avaient le droit de les recevoir et non de les expulser. Ils devaient payer, outre le droit d’habitation, montant d’ordinaire à 36 livres par an, un droit de réception fixé à peu près à la même somme, ils étaient, en outre, assujettis à des droits de péage. A la suite d’une sédition qu’ils avaient excitée en 1349, ils n’avaient pas la faculté de séjourner à Strasbourg et payaient un impôt toutes les fois qu’ils entraient dans la ville.

La réunion de Strasbourg à la France améliora un peu leur situation. A partir de 1703, dit M. A. Legrelle dans son livre Louis XIV et Strasbourg, les autorités françaises insistèrent pour qu’on se relâchât de ces antiques usages parce que des marchands israélites avaient accepté d’elles la charge de fournitures militaires. La guerre finie, le Sénat dut tolérer encore, pour les mêmes motifs, un fournisseur appartenant à la confession proscrite, Moïse Blien. Ce revirement, dont bénéficia aussi la famille Cerfbeer, attira si bien les Juifs qu’avant 89 on en comptait vingt mille dans le pays, possesseurs de 12 à 15 millions de créances.

Louis XII avait étendu à la Provence les ordonnances qui expulsaient les Juifs de France, mais beaucoup d’entre eut avaient, dans ces régions, suivi le conseil que leur avaient donné leurs coreligionnaires étrangers, et fait semblant de se convertir. En 1489, au moment où il était question d’une expulsion, Chamorre, rabbin de la Jussion d’Arles, avait écrit au nom de ses frères aux rabbins de Constantinople pour demander ce qu’il fallait faire et avait reçu la lettre suivante datée du 21 décembre 1489[110] :

« Bien aimés frères en Moïse,

« Nous avons reçu votre lettre par laquelle vous nous signifiez les travers et les infortunes que vous pâtissez. Le ressentiment desquelles nous a autant touché qu’à vous autres. Mais l’avis des plus grands rabbins et satrapes de notre loi est tel que s’ensuit :

« Vous dites que le roi de France veut que vous soyez chrétiens, faites le puisque autrement vous ne pouvez faire, mais gardez toujours la loi de Moise dans le cœur.

« Vous dites qu’on veut prendre vos biens, faites vos enfants marchands, et par le moyen du trafic vous aurez peu à peu le leur.

« Vous vous plaignez qu’ils attentent contre vos vies, faites vos enfants médecins et apothicaires qui leur feront perdre la leur sans crainte de punition.

« Vous assurez qu’ils détruisent vos synagogues, tachez que vos enfants deviennent chanoines et clercs parce qu’ils ruineront leur Église.

« Et à ce que vous dites que vous supportez de grandes vexations, faites vos enfants avocats, notaires et gens qui soient d’ordinaire occupés aux affaires publiques, et par ce moyen, vous dominerez les chrétiens, gagnerez leurs terres et vous vengerez d’eux. Ne vous écartez pas de l’ordre que nous vous donnons, car vous verrez par expérience que d’abaissés que vous êtes vous serez fort élevés.

V. S. S. V. F. F. Prince des Juifs de Constantinople, le 21 de Casleu 1489.

Il est inutile de dire que cette lettre, elle aussi, est déclarée apocryphe. Nous ne voyons pas, quant à nous, sur quoi on s’appuie pour contester l’authenticité de cette pièce qui résume admirablement la politique juive[111].


Dans le Comtat Venaissin seulement qui était alors terre papale, les Juifs de France avaient trouvé une liberté à peu près complète et une sécurité relative. En plein moyen âge, Avignon put être appelé « le Paradis des Juifs. »

Mistral n’a pas oublié les Juifs dans le tableau plein de couleur et de mouvement qu’il a tracé, dans Nerto, de l’Avignon des Papes.

 
E de cridèsto, de bravado,
De paro-garo et d’abrivado,
Em’un judiéu, de fes que i a,
Qu’alin davans cour esfraia.
Lou pecihoun ! lou capèu jaune !
A la jutarié ! que s’encaune ! –
Cinquanto enfant ié soun darrié,
E d’un pouceu, per trufarié,
Simulant éli l’auriheto

Em’un gueiroun de sa braicto,
lé crido lou vou d’esparpai :
Vaqui l’auriho de toun pai !
Bref des crieries, des défilés bruyants,
Des échauffourées, des alertes,
Et parfois quelque Juif
Qui là-bas, effrayé, décampe…
« Le guenillon ! le chapeau jaunet !
A la juiverie ! qu’il se cache ! »
Cinquante enfants sont après lui,
Et d’un pourceau, par dérision,
Eux simulant l’oreille
Avec un coin de leur braguette,
La volée d’étourdis lui crie
Voilà l’oreille de ton père !

Les Juifs avignonnais, qui comptaient parmi eux des rabbins distingués, semblent avoir formé même pendant assez longtemps une branche particulière différente des Juifs allemands et des Juifs portugais. Au XIVe siècle, le rabbin Roüber leur fit adopter un rituel spécial qu’ils suivirent jusqu’au XVIIIe siècle, époque à laquelle ils se fondirent définitivement avec les Juifs portugais.

Sans doute, de temps en temps, des mouvements populaires éclataient contre eux à la suite d’usures trop criantes, mais le Pape ou le légat intervenait toujours pour calmer les esprits.

Là, comme ailleurs, cependant, les Juifs ne se gênaient guère pour faire des malhonnêtetés aux chrétiens qui contentaient à les accueillir, et pour insulter leurs croyances.

Longtemps on aperçut, à l’entrée de l’église Saint-Pierre d’Avignon, un bénitier qui rappelait un de leurs tours : le bénitier de la Belle Juive. Une Juive, d’une rare beauté, avait trouvé plaisant de pénétrer dans l’église : le jour de Pâques et de cracher dans l’eau bénite. La Belle Juive, aujourd’hui, à la suite de cet exploit, serait nommée inspectrice générale des écoles de France, alors, elle reçut le fouet en place publique, et une inscription commémorative rappela le sacrilège commis et la punition subie.

A Carpentras, nous apprend Andréoli, dans la Monographie de la Cathédrale de Saint-Siffrein, on voyait autrefois dans le parvis de l’église une grande croix de fer avec l’inscription suivante : Horatius Capponius Florentinus, episcop. Carpentor., crucem hanc sumptibus Hebreorum erexit ut, quam irriserant magis conspicuam, verendam ac venerandam aspicerent. 11 febr 1603 ». Les Juifs, un Vendredi Saint, avaient solennellement crucifié par dérision un homme de paille. La croix fut élevée en expiation, et les Juifs durent l’entretenir jusqu’en 1793, époque où elle fut remplacée par un arbre de la liberté. L’homme de paille avait été déposé aux archives de la Cour Episcopale et on le sortait une fois par an.


La colonie juive de Bordeaux avait seule prospéré. Quand l’Espagne, après la défaite définitive des Maures de Grenade, se vit appelée à jouer un rôle en Europe, elle fit ce qu’avait fait la France dès que la monarchie s’était constituée, elle élimina de son sein les éléments qui étaient une cause perpétuelle de trouble. Le 30 mars 1492, le roi Ferdinand d’Aragon et la reine de Castille Isabelle, sur l’avis de l’illustre Ximénès, rendirent un arrêt qui ordonnait à tous les Israélites de sortir du pays.

Quelques familles se réfugièrent alors en Portugal où elles trouvèrent une précaire protection, bientôt elles furent expulsées encore, et Michel Montaigne, dont les parents avaient fait partie de ces persécutés, a raconté les circonstances navrantes de ce nouveau départ dans un chapitre où l’on sent plus d’émotion que dans les pages ordinaires du sceptique.

Quelques-uns de ces proscrits vinrent chercher un asile à Bordeaux. Parmi eux se trouvaient Ramon de Granolhas, Dominique Ram, Gabriel de Tarragera, Bertrand Lopez ou de Louppes, les Goveas qui se firent assez rapidement comme jurisconsultes, médecins, négociants, une place dans la société de Bordeaux[112].

La mère de Montaigne, Antoinette de Louppes ou Antoinette Lopez, était donc Juive et ce fait n’est pas sans intérêt pour ceux qui aiment à expliquer par la filiation le tempérament d’un écrivain. La sagesse terre à terre, la douce ironie de ce narquois et de ce désabusé ne se rattachent-elles point à travers les siècles à la philosophie désenchantée de l’Ecclésiaste ? En dépit de l’éducation et de l’atmosphère chrétienne de l’époque, ne retrouve-ton point, en maints passages des Essais, l’écho des paroles désillusionnées du Koheleth biblique méditant, en se promenant le long de la terrasse du palais d’Etham, sur la vanité des desseins humains, proclamant que les plus belles espérances ne valent pas les jouissances présentes et le bon repas arrosé du vin de l’Engadi ? Le qui sait ? de l’un n’est-il pas parent du peut-être très vague auquel l’autre a l’air de croire si peu ?

Maintenues dans les bornes de la prudence, l’objection discrète aux enseignements de l’Église, la plaisanterie là demi voilée vont plus loin dans Montaigne que la phrase ondoyante et subtile ne le semble indiquer au premier abord. Dans ce récit touchant des souffrances des Juifs de Portugal qui a pour titre : Juifs affligés en diverses manières pour les faire changer de religion mais en vain, on sent la secrète admiration pour ces obstinés qui ont tant souffert sans renier[113]. Ça et là une allusion apparaît dans l’œuvre à des malheurs de famille qu’on tient à faire oublier et à oublier soi-même, pour ne point rappeler aux hommes parmi lesquels on vit, l’origine maudite. Cette vision des bûchers d’Espagne qui hantait l’auteur des Essais dans cette visite à la synagogue de Rome qu’il nous a racontée, ne poursuivait-elle pas dans son château de Montaigne le conseiller au Parlement lorsqu’il écrivait : « C’est mettre ses conjectures à bien haut prix que d’en faire cuire un homme tout vif[114] »

Montaigne et Dumas fils, tous deux d’origine juive par leur mère, sont les deux seuls écrivains français vraiment dignes de ce nom qu’ait produits la race d’Israël fécondée par le mélange de sang chrétien. Sans établir un rapprochement qui serait forcé entre la moquerie souriante et légère du premier, et la raillerie âpre du second, il est permis de constater que tous deux ont été des destructeurs, que tous deux, sous des formes diverses, ont mis en relief les vices et les ridicules de l’humanité sans lui proposer aucun idéal supérieur à atteindre. Tous deux ont été des rieurs et des tristes, des désillusionnés et des désillusionneurs.

Pour Dumas, particulièrement, l’influence exercée par la race constitue comme une diminution du patrimoine intellectuel de notre pays. Nul contemporain n’a été plus préoccupé des questions religieuses, nul n’a pénétré plus avant dans certaines profondeurs de l’être humain. J’avais insisté près d’un des membres les plus éminents de ces congrégations expulsées par la bande de Gambetta, pour qu’il lût ces belles Préfaces qui remuent tant d’idées, et je me souviens de ce qu’il m’écrivait à ce sujet : « Cet homme était fait pour être prêtre. »

Éclairée par la Vérité, cette intelligence si ferme, si virile, aurait pu rendre d’immenses services, lui-même semble avoir eu comme l’intuition de ce qu’il perdait et de ce qu’il faisait perdre aux autres en ne croyant pas, il n’a obéi à aucune ambition basse, à aucune tentation vile, à aucun désir de se mettre bien avec les prétendus libres-penseurs aujourd’hui au pouvoir et dont il a souvent parlé avec un mépris hautain, mais il n’a pu faire le pas décisif, il était aveugle-né et il est resté aveugle.

Qu’elle sera curieuse à étudier plus tard dans le grand écrivain cette sorte de fatalité de race à laquelle il n’a jamais pu se soustraire !

À propos de Shakespeare, l’illustre dramaturge a parlé éloquemment, dans la préface de l’Étrangère, des créateurs qui, en vieillissant, vont se perdre dans les abstractions et se dissoudre, en quelque sorte, dans ce qui est l’essence de leur être. De quelle lueur n’éclaire pas la psychologie de l’écrivain ce million en or vierge de la Princesse de Bagdad ?

Shakespeare, l’Aryen par excellence, s’élance dans le bleu, dans le rêve, dans la féerie, dans la fantaisie presque impalpable de Cymbeline et de la Tempête. La dernière conception artistique de Dumas est de matérialiser à outrance, au lieu de spiritualiser, de donner une forme tangible, palpable, effective à cette préoccupation obstinée de l’or qui hante perpétuellement celui qui a une goutte de sang de Sémite dans les veines. Shakespeare retourne au ciel, Dumas retourne à l’Orient, à Bagdad, l’un, dans l’effort suprême et définitif de son talent, veut saisir le nuage, l’autre veut entasser du métal, beaucoup de métal à la fois et ne trouve rien qui puisse tenter davantage son héroïne que de remuer à pleines mains de l’or, de l’or battant neuf, de l’or vierge. Cela ne fait-il pas songer à la colère qui prit les Athéniens assemblés au théâtre de Bacchus lorsque, dans la pièce d’Euripide, Bellérophon s’écria que l’or devait être adoré ! Le génie aryen se souleva devant ce blasphème, et l’acteur, à moitié lapidé par les spectateurs, dut quitter la scène.


Les Juifs portugais, nous l’avons dit, n’avaient jamais été admis en France comme Juifs, mais comme Nouveaux chrétiens. C’est à titre seulement de chrétiens qu’ils avaient reçu au mois d’août 1550 des lettres patentes qui furent vérifiées à la cour du Parlement et à la Chambre des comptes de Paris, le 22 septembre de la même année et enregistrées seulement en 1574. Le Mémoire des marchands parisiens, qui s’opposèrent en 1767 à l’entrée des Juifs dans les corps de métiers, insiste bien sur cette circonstance.

Il est impossible, dit ce Mémoire, de voir un projet combiné avec plus de finesse et de ruse que celui de l’établissement des Juifs à Bordeaux. Ils se présentèrent d’abord sous une autre qualité que la leur, celle de Nouveaux chrétiens était bien imaginée pour surprendre la religion du roi très chrétien. Henri II leur accorda des lettres patentes. On croirait peut-être qu’ils se sont empressés de les faire enregistrer, rien de cela, vingt-quatre années se passèrent, non pas inutilement pour eux, mais à choisir le lieu le plus propre à leurs vues. Bordeaux est choisi. On croirait peut-être encore qu’ils ont présenté au Parlement de cette ville leurs lettres patentes à enregistrer, leur marche n’est pas si droite, moins connus à Paris qu’à Bordeaux, ils s’adressent à la première de ces deux cours et y font enregistrer leurs lettres patentes en 1574.

Quoi qu’il en soit, les Portugais protestaient avec énergie toutes les fois qu’on les traitait de Juifs. Inquiétés un moment, en 1614, ils firent remontrer au roi « qu’ils habitaient de longue main en la ville de Bordeaux et que la jalousie des biens qu’ils avaient les faisaient regarder comme Juifs, ce qu’ils n’étaient pas, ains très bons chrétiens et catholiques.

Ils se conformaient scrupuleusement à toutes les pratiques extérieures de la religion catholique, leurs naissances, leurs mariages, leurs décès étaient inscrits sur les registres de l’Église, leurs contrats étaient précédés des mots : au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit[115].

Après avoir vécu près de cent cinquante ans ainsi, les Juifs étaient restés aussi fidèles à leurs croyances que le jour de leur arrivée. Dès que l’occasion fut favorable, en 1686, suivant Benjamin Francia, ils retournèrent ouvertement au Judaïsme, ils cessèrent de faire présenter leurs enfants au baptême et de faire bénir leur mariage par des prêtres catholiques.

Des Juifs même dont les familles, depuis deux cents ans, pratiquaient officiellement le catholicisme en Espagne, passèrent la frontière et vinrent se faire circoncire et remarier selon le rite israélite, à Bordeaux, dès que des rabbins y furent installés.

La persistance, la vitalité opiniâtre de ce Judaïsme que rien n’entame, sur lequel le temps glisse et qui se maintient de père en fils dans l’intimité de la maison, est à coup sûr un des phénomènes les plus curieux pour l’observateur.

Les rares esprits qui, en France, sont encore capables de lier deux idées de suite, trouveront là occasion à réflexion sur le mouvement anti-religieux dont l’étude est encore à faire, car les éléments de cette étude, c’est-à-dire la connaissance des origines vraies des persécuteurs sont très incomplets, quoiqu’on s’occupe depuis quelque temps de les rassembler[116]

Parmi les innombrables Juifs étrangers qui se sont faufilés en France à la suite de la grande poussée de 1789, beaucoup se sont installés sans tambour ni trompette et ont vécu de la vie de tout le monde. Soudain l’occasion s’est présentée, la vieille haine contre le christianisme, assoupie chez les pères, s’est réveillée chez les enfants qui, travestis en libres penseurs, se sont mis à insulter les prêtres, à briser les portes des sanctuaires, à jeter bas les croix.


A Bordeaux, comme ailleurs, le développement du mal judaïque suivit son cours psychologique, l’évolution qu’il a partout, sous tous les climats, à toutes les époques, sans aucune exception.

Le 22 mai 1718, M. de Courson, intendant de Bordeaux, constatait la présence de 500 personnes appartenant à la religion israélite. Le rapport remis le 8 décembre 1733 à M. de Boucher, successeur de M. de Courson, mentionnait la présence de 4,000 à 5,000 Juifs. Dès qu’ils s’étaient sentis un peu libres ils avaient trouvé le moyen d’ouvrir sept synagogues.

Avec leur aplomb ordinaire, ils allaient toujours de l’avant. Pour rehausser l’éclat de leurs enterrements, ils se faisaient escorter par les chevaliers du Guet et les sergents.

Nous avons vu les mêmes faits se reproduire dans un ordre identique. Sous prétexte qu’un officier de service s’était conformé au texte strict du règlement et avait refusé de suivre l’enterrement civil du Juif Félicien David, la Franc-maçonnerie juive poussa des hauts cris et s’écria : « La libre-pensée, cette chose sublime, qu’en faites-vous ? » C’est la première étape. Lorsqu’il s’agit de conduire Gam- betta au Père Lachaise, la Franc-maçonnerie oblige des magistrats et des officiers à suivre un enterrement qui soulève l’indignation de tous les honnêtes gens. C’est la seconde étape. Dans quelque temps on empêchera les magistrats, les officiers, les citoyens d’assister à des obsèques religieuses en prétendant qu’il s’agit d’une manifestation cléricale. Ce sera la troisième étape.

Après cette étape il surgit généralement, dans les pays qui ne sont pas tombés complètement en pourriture, un homme énergique qui, armé d’un vigoureux balai, mettra ces gens-là dehors. Alors éclate la scène de protestation, c’est le coup de Sion, comme on dit en argot. « Oh ! Les fanatiques ! Pauvre Israël, victime des méchants ! Tu pleures, mais tu auras ton tour. »

Entre temps les Juifs de Bordeaux ne négligeaient pas le badinage. Le rapport remis en 1733 à M. de Boucher disait : « Les Juifs ont pour domestiques de jolies paysannes qu’ils rendent enceintes pour servir de nourrices à leurs enfants et font porter ceux dont les jeunes paysannes accouchent à la boite des enfants trouvés. »

C’est dans l’ordre : goy, fils ou fille de goy, tout cela est créé pour enrichir et amuser le Juif. Chair à canon, chair à plaisir, bétail d’usine ou de lupanar, c’est entendu. L’histoire d’hier est l’histoire d’aujourd’hui. Quelques femmes de cœur, quelques vierges héroïques parvenaient jadis à recueillir quelques-unes de ces épaves de la misère et de la débauche, à les sauver du désespoir ou de la honte. On empêchera cela.

Le chancelier d’Aguesseau, peu suspect d’être ennemi des lumières, fut frappé pourtant de la façon dont marchaient les Juifs de Bordeaux et essaya de mettre le holà !

A vrai dire les Portugais étaient un peu victimes de leurs coreligionnaires. Les Gradis, les Fernandez, les Silva, les Laneyra, les Ferreyra, les Pereire et Cie, dont le chef Joseph Nunes Pereire se qualifiait de vicomte de la Menaude et de baron d’Ambès dès 1720, étaient à la tête de maisons de banque ou de commerce qui rendaient certains services. Malheureusement voyant la ville ouverte, une nuée de Juifs avignonnais et Allemands s’était ruée sur Bordeaux. La tribu de Juda, à laquelle appartenaient les Portugais, était compromise par la tribu de Benjamin qui s’était vouée avec ardeur à la négociation des vieux habits et des vieux galons et qui n’apportait pas toujours dans ce trafic toute l’honnêteté désirable.

Pour comble de malheur, une querelle violente s’était élevée à propos du vin Kasher sur lequel les rabbins prétendaient percevoir un droit parce qu’ils le préparaient selon le rite, tandis que les rabbins Allemands voulaient préparer eux-mêmes et ne payer aucun droit.

A notre époque, on calmerait ces différends en nommant tous les Juifs en rivalité préfets ou sous-préfets et en les priant de passer leur mauvaise humeur sur les chrétiens, mais le XVIIIe siècle n’en était pas encore là.

Malgré la résistance opposée par les Dalpuget, les Astruc, les Vidal, les Lange, les Petit, Juifs Avignonnais qui prétendaient exercer un commerce sérieux, un arrêt du Conseil du 21 janvier 1734, signé Chauvelin, ordonna l’expulsion définitive sans aucun délai de « tous les Juifs avignonnais, tudesques ou allemands qui sont établis à Bordeaux ou dans d’autres lieux de la province de Guyenne. »

Grâce à cette mesure, les Juifs Portugais purent rester à peu près tranquilles à Bordeaux jusqu’à la Révolution.


Bordeaux était cependant un bien étroit terrain pour les Juifs ; ils essayèrent vainement en 1729 de s’établir à la Rochelle ; un autre arrêt du 22 août 1729, rendu sur les conclusions de d’Aguesseau qu’on retrouve toujours lorsqu’il s’agit de défendre la Patrie, les chassa de la ville de Nevers.

C’était Paris surtout qu’ils ambitionnaient, en 1767 ils crurent avoir trouvé un moyen d’y pénétrer. Un arrêt du Conseil avait statué qu’à l’aide de brevets accordés par le roi, les étrangers pouvaient entrer dans les corps de métiers. Les Juifs, toujours à l’affût, s’imaginèrent qu’il serait facile de se glisser par cette porte.

Les six corps de marchands protestèrent énergiquement. La Requête des marchands et négociants de Paris contre l’admission des Juifs est, à coup sûr, un des documents les plus intéressants qui existent sur la question sémitique.

On ne peut plus, en effet, nous raconter les vieilles histoires de peuples fanatiques excités par les moines, de préjugés religieux. Ces bourgeois sont des Parisiens du XVIIIe siècle, des contemporains de Voltaire, assez tièdes probablement.

Ce qu’ils discutent ce n’est pas le point de vue religieux, c’est le point de vue social. Leurs arguments, inspirés par le bon sens, le patriotisme, le sentiment de la conservation, sont les mènes que ceux des comités de Berlin, d’Autriche, de Russie, de Roumanie et l’on peut dire que leur éloquente requête est la première pièce du dossier anti-sémitique moderne sur lequel statuera définitivement le vingtième siècle commençant, si le procès dure jusque-là.

Les marchands parisiens protestent avec énergie contre l’assimilation qu’on veut établir entre le Juif et l’étranger, l’étranger s’inspire à un fond d’idées qui est commun à tous les civilisés, le Juif, est en dehors de tous les peuples ; c’est un forain, quelque chose comme le circulator antique.

L’admission de cette espèce d’hommes dans une société politique ne peut être que très dangereuse, on peut les comparer à des guêpes[117] qui ne s’introduisent dans les ruches que pour tuer les abeilles, leur ouvrir le ventre et en tirer le miel qui est dans leurs entrailles. Tels sont les juifs auxquels il est impossible de supposer les qualités de citoyen que l’on doit certainement trouver dans tous les sujets des sociétés politiques.

De l’espèce d’homme dont il s’agit aujourd’hui, aucun n’a été élevé dans les principes d’une autorité légitime. Ils croient même que toute autorité est une usurpation sur eux, ils ne font de vœu que pour parvenir à un Empire universel, ils regardent tous les biens comme leur appartenant et les sujets de tous les États comme leur ayant enlevé leurs possessions.

Il arrive souvent qu’en voulant s’élever au-dessus des préjugés, on abandonne les véritables principes. Une certaine philosophie de nos jours veut justifier les juifs des traitements qu’ils ont éprouvés de la part de tous les souverains de l’Europe. Il faut ou regarder les juifs comme coupables, ou paraître reprocher aux souverains, aux prédécesseurs même de Sa Majesté, une cruauté digne des siècles les plus barbares.

Ces marchands du XVIIIe siècle qui sont moins sots que nos boutiquiers d’aujourd’hui, qui consentent à se laisser chasser de chez eux pour faire place à des envahisseurs, Indiquent en des termes dignes de Toussenel, ce don d’agrégation qu’ont les Juifs qui s’attirent entre eux et se coalisent contre ceux qui leur ont donné l’hospitalité. Ce qu’ils écrivent, à propos des fortunes faites honnêtement par le travail, est en quelque sorte comme le testament des vieux commerçants parisiens si probes, si consciencieux, si éloignés de tous les procédés de réclame éhontée qu’en emploie maintenant pour vendre de la camelotte et qui font regarder Paris par les touristes comme un vrai repaire de brigands.

Tous les étrangers sont pressurés de la part des juifs. Ce sont des particules de vif argent qui courent, qui s’égarent, et qui à la moindre pente se réunissent en un bloc principal.

Les fortunes dans le commerce sont rarement rapides quand il est exercé avec la bonne foi qu’il exige, aussi pourrait-on en général garantir la légitimité de celle des Français et particulièrement des marchands de Paris. Les Juifs, au contraire, ont de tout temps accumulé en peu d’années des richesses immenses et c’est encore ce qui se passe sous nos yeux.

Serait-ce par une capacité surnaturelle qu’ils parviennent si rapidement à un si haut degré de fortune ?

Les Juifs ne peuvent se vanter d’avoir procuré au monde aucun avantage dans les différents pays ou ils ont été tolérés. Les inventions nouvelles, les découvertes utiles, un travail pénible et assidu, les manufactures, les armements, l’agriculture, rien de tout cela n’entre dans leur système. Mais profiter des découvertes pour en altérer les productions, altérer les métaux, pratiquer toutes sortes d’usures, receler les effets volés, acheter de toutes mains, même d’un assassin ou d’un domestique, introduire les marchandises prohibées ou défectueuses, offrir aux dissipateurs ou à d’infortunés débiteurs des ressources qui hâtent leur ruine, les escomptes, les petits changes, les agiotages, les prêts sur gages, les trocs, les brocantages, voilà à peu près toute leur industrie.

Permettre à un seul juif une seule maison de commerce dans une ville, ce serait y permettre le commerce à toute la nation, ce serait opposer à chaque négociant les forces d’une nation entière qui ne manquerait pas de s’en servir pour opprimer le commerce de chaque maison l’une après l’autre et par conséquent celui de toute la ville[118].

Si la pratique était dangereuse partout, elle serait encore plus funeste dans cette ville de Paris. Quel théâtre pour la cupidité ! Quelle facilité pour les opérations de leur goût ! Les lois les plus vigoureuses qu’on pourrait opposer à leur admission, toute la vigilance des magistrats de police, les soins particuliers que le corps de ville prendrait pour seconder les vues de l’administration, rien ne serait capable de prévenir les actes fréquents et momentanés de leur cupidité. Il serait impossible de les suivre dans leur route oblique et ténébreuse.

Citons encore la conclusion prophétique de ce mémoire, vrai chef-d’œuvre de raison où l’on sent bien l’âme loyale et patriotique de nos ancêtres :

On demandait à un ancien philosophe d’où il était, il répondit qu’il était cosmopolite, c’est-à-dire citoyen de l’univers. Je préfère, disait un autre, ma famille à moi, ma patrie à ma famille, et le genre humain à ma patrie. Que les défenseurs des juifs ne s’y méprennent pas ! Les juifs ne sont pas cosmopolites, ils ne sont citoyens dans aucun endroit de l’univers, ils se préfèrent à tout le genre humain, ils en sont les ennemis secrets puisqu’ils se proposent de l’asservir un jour.

Ces protestations indignées eurent gain de cause. Un premier arrêt, il est vrai, daté du 25 juillet 1775, avait accordé la mainlevée de marchandises saisies par les gardes des draperies et merceries de Paris chez le Juif Perpignan, et avait permis aux Juifs de continuer leur commerce, mais le Conseil réforma cette décision et un arrêt du 7 février 1777 débouta définitivement les Juifs.

Les Juifs avaient été défendus par Lacretelle, mais il faut avouer qu’ils avaient choisi là un singulier défenseur.

Ce peuple, écrivait-il[119], familier avec le mépris, fait de la bassesse la voie de sa fortune, incapable de tout ce qui demande de l’énergie, on le trouve rarement dans le crime, on le surprend sans cesse dans la friponnerie. Barbare par défiance, il sacrifierait une réputation, une fortune entière pour s’assurer la plus chétive somme.

Sans autre ressource que la ruse, il se fait une ressource de l’art de tromper. L’usure, ce monstre qui ouvre les mains de l’avarice même, pour s’assouvir davantage, qui, dans le silence, dans l’ombre, se déguise sous mille formes, calculant sans cesse les heures, les minutes d’un gain affreux, va partout, épiant les malheureux pour leur porter de perfides secours, ce monstre parait avoir choisi le juif pour agent. Voilà ce que l’inquisition la plus rigoureuse pouvait recueillir sur le peuple juif, et l’on avoue qu’il y a de quoi être effrayé du portrait s’il est fidèle. Il ne l’est que trop ; c’est une vérité dont il faut gémir.

Ce sentiment de répulsion si énergiquement formulé est d’autant plus intéressant que personne, en France surtout, ne paraît se douter de la force réelle du Juif. Voltaire, qui a attaqué surtout l’Ancien Testament en haine du Nouveau, a accablé les Juifs de ses railleries polissonnes, mais il a parlé d’eux comme il parlait de tout sans savoir ce qu’il disait.

La haine de l’auteur de la Pucelle contre Israël était, il faut le reconnaître, inspirée par les mobiles les plus vils et les plus bas. Voltaire fut au XVIIIe siècle, avec le talent, le style et l’esprit en plus, le type parfait de l’opportuniste d’aujourd’hui. Affamé d’argent, il était sans cesse mêlé à toutes les négociations véreuses de son temps. Lorsqu’au moment du centenaire, Gambetta, dans une conférence présidée par le Badois Spuller, vint louer l’ami du roi de Prusse et déclarer qu’il était le père de notre République, il accomplissait véritablement un devoir de piété filiale. Associé aux fournisseurs qui faisaient crever de faim nos soldats et qui les laissaient tout nus, affilié à tous les maltôtiers de son temps, Voltaire, de nos jours, aurait eu Ferrand pour commanditaire, il aurait réalisé un joli bénéfice dans l’emprunt Morgan, il eût damé le pion à Challemel-Lacourt et à Léon Renault dans les négociations financières.

Rien d’étonnant dans ces conditions que Voltaire ait été mêlé de bonne heure aux affaires des Juifs. Ce Français, au cœur prussien, résolut d’ailleurs le difficile problème d’être plus âpre au gain que les fils d’Israël, plus fourbe que ceux qu’il insultait.

Espion d’espion pour le compte de Dubois, telle est la posture, pour employer un mot de Ferry, dans laquelle se révèle d’abord à nous le grand homme cher à la démocratie française. Un curieux fragment de sa correspondance, auquel, seul de nos écrivains, M. Ferdinand Brunetière a fait une légère allusion[120], nous montre le philosophe à l’âge où les nobles sentiments fleurissent dans les natures les moins bien douées, dénonçant à Dubois un malheureux Juif de Metz, Salomon Lévy, qui faisait honnêtement son métier d’espion.

La lettre, adressée à Dubois à la date du 28 mai 1722, est intéressante pour l’ordre des études que nous poursuivons, elle éclaire bien la figure de Voltaire et nous montre également en action le Juif informateur cosmopolite pénétrant partout grâce à sa race[121]. Cela pourrait s’appeler les deux agents et servir de pendant à la lutte des deux policiers de Balzac : Peyrade et Contenson. C’est Voltaire, cependant, qui paraît le plus habile, peut-être parce qu’il est le moins scrupuleux :

« Monseigneur[122],

« J’envoie à Votre Éminence un petit mémoire de ce que j’ai pu déterrer touchant le juif dont j’ai eu l’honneur de vous parler.

« Si Votre Excellence juge la chose importante, oserais-je vous représenter qu’un Juif n’étant d’aucun pays que de celui où il gagne de l’argent, peut aussi bien trahir le roi pour l’empereur, que l’empereur pour le roi. »

Mémoire touchant Salomon Levi, Salomon Levi

« Salomon Lévi, Juif natif de Metz, fut d’abord employé par M. de Chamillart, il passa chez les ennemis avec la facilité qu’ont les juifs d’être admis et d’être chassés partout. Il eut l’adresse de se faire munitionnaire de l’armée impériale en Italie, il donnait de là tous les avis nécessaires à M. le maréchal de Villeroi, ce qui ne l’empêcha pas d’être pris dans Crémone.

« Depuis, étant dans Vienne, il a eu des correspondances avec le maréchal de Villars. Il eut ordre de M. de Torci, en 1713, de suivre milord Marlborough qui était passé en Allemagne pour empêcher la paix et il rendit un compte exact de ses démarches.

« Il fut envoyé secrètement par M. Leblanc à Pirtz, il y a dix-huit mois, pour une affaire prétendue d’État qui se trouva être une billevesée.

« A l’égard de ses liaisons avec Willar, secrétaire du cabinet de l’empereur, Salomon Levi prétend que Willar ne lui a jamais rien découvert que comme à un homme attaché aux intérêts de l’Empire, comme étant frère d’un autre Levi employé en Lorraine lettrés connu.

« Cependant il n’est pas vraisemblable que Willar, qui recevait de l’argent de Salomon Levi pour apprendre le secret de son maître aux Lorrains, n’en eût pas reçu très volontiers pour en apprendre autant aux Français.

« Salomon Levi, dit-on a pensé être pendu plusieurs fois, ce qui est bien plus vraisemblable.

« Il a correspondu avec la compagnie comme secrétaire de Willar.

« Il compte faire des liaisons avec Oppenheimer et Vertenbourg, munitionnaires de l’empereur parce qu’ils sont tous deux Juifs comme lui.

« Willar vient d’écrire une lettre à Salomon qui exige une réponse prompte, attendu ces paroles de la lettre : « Donnez moi un rendez-vous tandis que nous sommes encore libres. »

« Salomon Levi est actuellement caché dans Paris pour une affaire particulière avec un autre fripon nommé Rambau de Saint Maire. Cette affaire est au Châtelet et n’intéresse en rien la Cour. »

Les multiples trafics auxquels se livrait Voltaire ne vont pas sans quelques mésaventures. Mêlé aux affaires du Juif Médina, Voltaire perdit dans la banqueroute du fils de Jacob vingt mille livres qu’il regretta toute sa vie, car il n’avait pas la philosophie des bons souscripteurs des mines de Bingham[123].

Lorsque M. Médina, écrivait-il quelque temps avant sa mort, me fit à Londres une banqueroute de vingt mille livres, il y a quarante-quatre ans, il me dit que ce n’était pas sa faute, qu’il n’avait jamais été enfant de Bélial, qu’il avait toujours tâché de vivre en fils de Dieu, c’est-à-dire en honnête homme, en bon Israélite. Il m’attendrit, je l’embrassai, nous louâmes Dieu ensemble et je perdis quatre-vingts pour cent…

Près d’un demi-siècle s’écoula sans amortir ce cuisant souvenir.

L’affaire d’Abraham Hirsch ou Hirschell affecta le grand homme plus profondément encore. S’il n’y perdit qu’une partie de son honneur, auquel il tenait peu, il y perdit l’amitié de Frédéric à laquelle il tenait beaucoup.

Pour comprendre l’affaire Hirsch, nous n’avons qu’à nous souvenir de l’affaire des bons Tunisiens. C’est la même opération avec des variantes presque insignifiantes.

Sous le gouvernement, des rois de Pologne, la Saxe avait émis des billets qu’on nommait billets de la Slaüer et qui étaient tombés à trente-cinq pour cent au-dessous du taux d’émission. Frédéric II stipula par le traité de Dresde que ces billets seraient remboursés au taux d’émission. Plus probe néanmoins que nos gouvernants, il déclara formellement qu’aucun agiotage n’aurait plus lieu sur ces billets.

C’est le contraire précisément, on le comprend de suite, de ce qui s’est passé pour nos chemins de fer de l’État ou pour le chemin de fer de Bône à Guelma, où les députés, qui étaient dans l’affaire, achetèrent à vil prix aux premiers souscripteurs, les seuls intéressants, des titres démonétisés qui soudain reprirent toute leur valeur lorsque la France eut donné sa garantie.

C’est le contraire également des obligations Tunisiennes. Tombées à rien, grâce à la campagne que le Juif Lévy Crémieux fit contre elles dans la République française, elles furent accaparées par la bande de Gambetta et sont devenues des valeurs de premier ordre maintenant que la France, pour enrichir quelques membres de l’Union républicaine, prend à son compte les dettes du Bey de Tunis qui ne la regardent pas plus que les dettes de l’Empereur de Chine.

Un joaillier juif vit l’opération à faire et vint dire à Voltaire : « Vous êtes bien en cour, achetons de compte à demi des billets de la Slaüer au rabais, et faisons-nous-les rembourser au pair. »

Que se passa-t-il ensuite ? Il est très difficile de le savoir au juste. Un second Juif, Ephraïm Weitel se mêla à l’affaire pour avoir sa part de profit. Voltaire, en échange d’un billet de lui, avait exigé de Hirsch un dépôt de dix huit mille livres de diamants. Il laissa protester sa lettre de change et voulut acheter les diamants à un prix dérisoire. Il demanda en outre à Hirsch de lui apporter une bague et un miroir de diamants pour les examiner, puis, non content de garder encore ce nantissement, il arracha violemment au malheureux Juif une bague qu’il avait au doigt.

Le procès qui s’ensuivit fit un bruit affreux. Voltaire, qui dénonçait volontiers et qui s’arrangeait pour être toujours bien avec les autorités, avait prié M. de Bismarck, un des ancêtres du terrible Chancelier, de faire arrêter Hirsch qui, détenu quelque temps, fut bientôt remis en liberté.

Frédéric II traita l’homme, auquel la France républicaine élève maintenant des statues, avec un mépris mérité : « Vous me demandez, écrivait-il à ce sujet à la margrave de Bayreuth ce que c’est que le procès de Voltaire avec un Juif, c’est l’affaire d’un fripon qui veut tromper un filou. Bientôt nous apprendrons par la sentence qui est le plus grand fripon des deux. »

Chassé de Postdam, Voltaire s’humilie sous l’outrage. « Sire, écrit-il, je supplie Votre Majesté de substituer la compassion aux sentiments de bonté qui m’ont enchanté et m’ont déterminé à passer à vos pieds le reste de ma vie. »

« Je demande bien pardon à Votre Majesté, à votre philosophie, à votre bonté »,

— « Vous avez eu avec le Juif la plus sale affaire du monde, » répond Frédéric, et il ordonne à Voltaire de quitter ses États.

Ces désagréments financiers expliquent l’hostilité que Voltaire témoigna toute sa vie aux Juifs, ses railleries sur leurs règles d’hygiène, ses appellations de circoncis, de déprépucé, qui reviennent à chaque instant sous sa plume.

Ce qui étonne, même quand on connaît l’ignorance de Voltaire, qui se trompe toujours quand il ne ment pas, c’est, je le répète, l’idée qu’il se fait de la force numérique des Juifs.

Nous pensons, écrit-il dans l’opuscule : « Un chrétien contre six Juifs », que vous n’êtes pas plus de quatre cent mille aujourd’hui, et qu’il s’en faut. Comptons : cinq cents chez nous devant Metz, une trentaine à Bordeaux, deux cents en Alsace, douze mille en Hollande et Flandre, quatre mille cachés en Espagne et en Portugal, quinze mille en Italie, deux mille très ouvertement à Londres, vingt mille en Allemagne, Hongrie, Holstein, Scandinavie, vingt-cinq mille en Pologne et pays circonvoisins, quinze mille en Turquie, quinze mille en Perse. Voilà tout ce que je connais de votre population, elle ne se monte qu’à cent huit mille sept cent trente Juifs. Je consens de vous faire don de cent mille Juifs en sus, c’est tout ce que je puis faire pour votre service. Les Parsis, vos anciens maîtres, ne sont pas en plus grand nombre. Vous voulez rire avec vos quatre millions…

Rapprochez ce chiffre donné par un homme, très superficiel sans doute, mais qui était activement mêlé au mouvement de son temps, du chiffre de huit millions de Juifs ouvertement déclaré aujourd’hui[124]. Vous comprendrez bien le grand silence qu’Israël avait fait tout à coup autour de lui pour se consacrer à un travail souterrain contre la société. L’espèce de recueillement dans lequel le Juif était entré avait permis à l’Europe, pendant tout le XVIIIe siècle, de vivre relativement tranquille et de cultiver les Muses en paix avec des intermèdes de petite guerre qui, n’étant ni des conflits de race, ni des luttes de religion, ne tuaient pas grand monde. On se saluait de l’épée avant la bataille, on se serrait la main après et l’on allait ensemble à la comédie.


A la fin du XVIIIe siècle, cependant, quelques Juifs paraissent avoir réussi à s’établir à Paris dans des conditions bien précaires.

En dehors des nomades, plus ou moins receleurs, qui se glissaient entre les mailles de la loi, on tolérait dans la capitale quelques familles juives du rite allemand venues de la Lorraine et de l’Alsace, elles avaient pour syndic chargé de les représenter un nommé Goldsmith, dont les descendants, je crois, ont un hôtel somptueux rue de Monceau, et portent même un titre nobiliaire qu’ils n’ont certes pas gagné aux Croisades, elles étaient soumises à un exempt de police nommé de Brugères et devaient se présenter chez lui tous les mois pour faire renouveler leur permis de séjour, il restait le maître de refuser le visa et d’exiger le départ immédiat de Paris. C’était absolument, on le voit, la mise en carte qu’on applique à certaines catégories de femmes.

Outre ces familles, il existait encore à Paris une petite colonie de Juifs Portugais qui, originaires de Bordeaux, pour la plupart, participaient à la situation privilégiée qu’avaient méritée aux Juifs de cette ville une certaine tenue, un mérite réel et un respect relatif, étonnant chez des Israélites, de la religion de ceux qui leur avaient accordé l’hospitalité.

Le syndic de ces Portugais était un homme auquel la science avait donné une situation à part, Jacob Rodrigue Pereire, l’inventeur d’une méthode pour faire parler les sourds-muets. Louis XV, frappé des expériences auxquelles il avait assisté, avait accordé en 1750 une pension à Rodrigue Pereire, en 1753, l’Académie des Sciences lui avait décerné un accessit pour un mémoire sur cette question : Quels sont les moyens de suppléer à l’action du vent sur les grands vaisseaux ; en 1765 enfin, il avait été nommé interprète du roi pour les langues orientales.

La considération personnelle du syndic s’ajoutait donc à la prévention favorable qu’on avait pour les Juifs Portugais.

Le gouvernement cependant qui connaissait, ou plutôt qui croyait connaître le Juif, tenait la main à ce que derrière ces individualités tolérables l’envahissement ne se produisit pas.

Une lettre de M. Lenoir adressée à Pereire et que la communauté fit imprimer, car, en définitive, elle était pour elle une garantie de certains droits subordonnés à une certaine conduite, témoigne de la sollicitude toujours un peu inquiète avec laquelle la vieille France veillait sur Israël[125].

Tous les Juifs, en général, qui viennent à Paris, Monsieur, écrit M. Lenoir, n’y peuvent séjourner qu’au moyen de passeports limités qui leur sont accordés, car ils sont assujettis à une police toute particulière. Les Juifs espagnols et portugais, connus sous le nom de nouveaux chrétiens ou marchands portugais, ont seuls été dispensés jusqu’à présent de cette règle, mais j’ai pensé que, s’ils n’étaient eux-mêmes assujettis à un règlement particulier, il résulterait de leurs privilèges des inconvénients, notamment en ce que plusieurs Juifs étrangers pourraient prendre faussement la qualité de Juifs portugais et s’introduire dans Paris pour y troubler le bon ordre, ce qui leur serait d’autant plus facile, qu’au moyen de cette fausse qualité, ils ne seraient pas observés comme ils doivent naturellement l’être.

Pour prévenir cet abus, le roi a décidé que tous les Juifs espagnols et portugais, de quelque lieu qu’ils viennent, soient tenus, lorsqu’ils voudront séjourner à Paris, de justifier des certificats du syndic en charge et de six autres notables de leur communauté dûment légalisés qui contiendront leur signalement et attesteront qu’ils sont Juifs portugais.

En présentant leurs certificats et autres pièces d’identité à viser, ils doivent déclarer les causes de leur séjour à Paris, leur demeure et annoncer leur départ trois jours à l’avance.

Toutes ces déclarations doivent être inscrites sur un registre qu’on présentera à toute réquisition.

En parlant des Juifs Portugais à Paris, il nous faut réserver une place à part au célèbre Peixotto. Nous trouverons dans la vie de ce millionnaire bien des noms qui ont été portés par des personnages de notre connaissance, le nom de Dacosta ou d’Acosta qui est celui de l’assassin de nos prêtres, le nom de Catulle Mendès qui, pour décider Sarah Bernhardt à jouer la pièce des Mères ennemies dans laquelle le Juif a un si beau rôle, parodiait la Salutation Angélique et écrivait à la comédienne : « Je vous salue Marie pleine de grâce. »

Peixotto lui-même est un vrai Juif moderne, il a du type que nous coudoyons chaque jour les vices grossiers, la gloriole sotte, l’arrogance, le perpétuel besoin d’être en scène et de faire parler de soi.

En 1775, il commence à faire retentir tout Paris de son procès en séparation avec sa femme.

Le Mémoire pour la dame Sara Mendez d’Acosta, épouse du sieur Samuel Peixotto contre le sieur Samuel Peixotto sur une demande en nullité de mariage et sur le divorce judaïque, nous apprend l’origine du personnage et la façon dont il s’était marié.

Le sieur Peixotto, dit le préambule de ce Mémoire, est né à Bordeaux, au mois de janvier 1741, de parents juifs portugais, en 1761, il fut envoyé par la dame sa mère en Hollande et à Londres. Son père avait été un des banquiers les plus accrédités de l’Europe, et il lui convenait de suivre la même carrière, presque la seule dans laquelle un homme de sa nation puisse se distinguer. Il fut adressé dans la capitale de l’Angleterre au sieur Mendez d’Acosta, maison très connue dans la banque, et liée depuis longtemps à celle de Peixotto par les correspondances de commerce ainsi que par les rapports de nation et de religion.

Il fut bien accueilli, il eut l’occasion de voir la jeune Sara Mendez et l’épousa à la synagogue des Juifs portugais de Londres.

Rien n’était plus régulier qu’un tel mariage. Peixotto soutint néanmoins qu’on avait abusé de son innocence, il fit déclarer cette union nulle en décembre 1775, par un jugement par défaut contre lequel sa femme appela en lui intentant un procès qui, nous apprend Bachaumont, commença à être plaidé le 30 mars 1778.

Peixotto cependant ne paraît pas avoir eu beaucoup à ne plaindre de sa compagne, puisqu’il ne lui reproche que d’être de mauvaise humeur et de commencer à être sur le retour, en outre, d’être acariâtre, minutieuse et contredisante.

C’est plus qu’il n’en faut, parait-il, dans la loi mosaïque pour légitimer le divorce que le Juif Naquet a réussi à imposer à toute force à cette France qui a dû si longtemps sa grandeur morale à son respect pour l’indissolubilité du mariage.

Le rabbin Hillel, dont Peixotto invoque l’autorité, dit bien qu’un mari ne peut répudier sa femme sans cause, mais il prétend que la plus légère cause suffit. Selon lui, c’est un motif très légitime de divorce d’avoir fait trop cuire le dîner de son mari : etiam ob cibum ejus nirnis ardorectum[126].

Avec le sans gêne qui caractérise ces gens-là, Peixotto était l’exemple d’un prince allié à la famille royale pour approuver que l’on n’avait pas le droit de se marier à l’étranger sans la permission du roi, il rappelait l’annulation du mariage du duc de Guise avec Melle de Berghes. A quoi les avocats répondaient, ce qu’ils ne se permettraient plus de dire aujourd’hui, qu’un banquier, « qui n’était pas Français quoique naturalisé, mais Juif, » n’était peut-être pas le duc de Guise.

L’aversion de Peixotto pour les liens du mariage s’expliquait par des raisons que les chroniqueurs du temps ne nous ont point cachées. Les vilains goûts du banquier étaient fort connus à Paris. A la date du 18 octobre 1780, Bachaumont écrit :

Le sieur Parizot, ci-devant directeur des élèves de l’Opéra, auteur et acteur, a un ordre de début pour les Italiens. Lorsqu’il,’est présenté à l’assemblée pour se faire agréer des comédiens, le sieur Michu a témoigné de l’humeur et s’est écrié : « je crois qu’on veut nous infecter de tous les farceurs du boulevard ». Le sieur Volante présent, humilié de la réflexion, lui a dit : « Monsieur Michu, si je ne respectais votre sexe, vous auriez affaire à moi.. » Et toute la troupe de rire, il a en effet la réputation d’un bardache et d’appartenir au plus vilain débauché de France, à un Juif, nommé Peixotto, très riche et qui l’entretient comme sa maîtresse.

Nous avons des mœurs de Peixotto un autre témoignage dans le Parc aux Cerfs ou l’Origine de l’affreux déficit ; mais il est vraiment difficile de parler de l’aventure avec la Dervieux et de la gravure avec plumes de paon qui accompagne le texte.

Je livre le tout aux éditeurs juifs de la rue du Croissant, qui pourront attribuer l’histoire à quelque honnête homme de chrétien et s’attirer ainsi, une fois de plus, l’estime de la Franc-maçonnerie juive.

Le bruit fait par Peixotto ne devait pas cesser de si tôt.

A la suite de quelles circonstances Peixotto alla-t-il se faire baptiser en Espagne, le 18 août 1781, par don Jean Dini de la Guerre, évêque de Siguenza ? Je l’ignore, toujours est-il qu’il offrit à l’église du village de Talence, dans le Bordelais, près duquel il possédait un château, un tableau commémoratif destiné à être placé sur le maître autel et qui était le comble du comique.

Ce tableau avait pour sujet le baptême de Peixotto. Peixotto était en santo benito, l’épée au côté, présenté par son parrain, le roi d’Espagne, à la sainte Vierge. Marie, élevée dans un nuage, tenait dans ses bras l’Enfant Jésus et ouvrait la bouche d’où sortait un ruban couleur de feu sur lequel on lisait ces mots : « Etant de ma famille, il était juste qu’il me fût présenté par le roi catholique[127]. »

Il faut reconnaître que les plus fameux grotesques d’aujourd’hui, Hirsch faisant tracer ses armes sur le sable de son écurie de Beauregard, Ephrussi s’installant bravement dans la glorieuse demeure des de Luynes, Rothschild disant au duc d’Aumale : « Je partage la passion qu’avaient nos ancêtres pour la chasse, » n’approchent pas encore de ce ridicule.

Le curé de Talence, on le comprend, fut indigné de cette charge, il consulta l’archevêque et le tableau fut retiré de l’église.

Peixotto ne se tint pas pour battu, il s’adressa à l’archevêque, il l’assura qu’il était cohen, prêtre-roi, et qu’il devait être placé sur l’autel, qu’il y serait d’autant mieux qu’il appartenait aux deux cultes, La congrégation, rassemblée par Monseigneur en son château de Beauséjour, ne fut pas convaincue et éconduisit Peixotto sans aucun ménagement.

Peixotto, qui voulait absolument être reconnu comme cohen, accumula les preuves qui attestaient qu’il possédait le cohennat de père en fils. Il cita un extrait du registre des Juifs de Bordeaux : « Le zélé Jean Cohen Peixotto fonda le 16 du mois de Nissam, année du monde 5465 (selon la supputation israélite), une synagogue dans sa propre maison et fit présent d’un Pentateuque avec ses ornements. On lui donna la première place par sa qualité de cohen et la prééminence sur tous les autres Israélites. »

Les rabbins de Hambourg et de Londres confirmèrent inutilement ces attestations ; cohen ou non, Peixotto ne put figurer dans l’église de Talence. En tout cas, la Révolution qui immola tant d’illustres victimes, en vertu du principe d’égalité, fut indulgente pour cet ami des privilèges. La Terreur qui tua Malesherbes, André Chénier, Lavoisier, le vieil abbé de Fénelon, un nonagénaire qui avait été le bienfaiteur des malheureux, ne tua pas Peixotto.

Peixotto en fut quitte pour une amende, comme tous les Juifs de Bordeaux, d’ailleurs, à part un seul.

Le 16 décembre 1793, la commission militaire rendait le jugement suivant : Convaincue que l’homme qui idolâtra les rois et eut l’orgueil, même sous l’ancien régime, d’être au-dessus de tous les nobles, ne pourra jamais être l’ami de la liberté, ayant cependant égard à son empressement à acheter des biens nationaux, quoiqu’il ne puisse avoir, en vue que ses propres intérêts, le condamne à une amende de 1,200,000 livres dont 1,000,000 pour la République, et 200,000 livres pour les sans-culottes de Bordeaux. »


Un autre personnage important de la Juiverie en France, au XVIIIe siècle, fut Liefmann Calmer. L’annuaire des Archives israélites nous apprend qu’il était né en 1711, à Aurich, dans le Hanovre. Il s’appelait en hébreu Moïse Eliezer Lipmann, fils de Calonymos ; c’est sans doute la transcription hébraïque qui a fait Liefmann de Lipmann et le nom de Calonymos (en allemand Kallmann), qui est devenu son nom de famille, Calmer.

Calmer se fixa d’abord à La Haye et épousa Rachel Moïse Isaac. Bientôt il quitta la Hollande pour s’établir en France et il y obtint, je ne sais comment, des lettres de naturalité pour lui et pour ses enfants. Calmer ne s’arrêta pas en si beau chemin et ce fut en réalité le premier baron juif qu’il y eut en France.

Le 27 avril 1774, un homme de paille, Pierre Briet, seigneur de Bernapré, acheta des créanciers du duc de Chaulnes, moyennant 1,500,000 livres, la baronnie de Picquigny et vidamé d’Amiens. Bientôt après on déclara que l’acquisition était faite au nom de Liefmann Calmer, grand bourgeois de la ville de La Haye, naturalisé Français et devenu ainsi baron de Picquigny et vidame d’Amiens.

À partir de ce moment, Calmer passa sa vie en procès. Loin de chercher à se montrer conciliant et humble, il avait la prétention d’exercer dans toute leur rigueur ses droits féodaux, il poussa l’impudence jusqu’à vouloir conférer lui-même les prébendes de la collégiale de Saint-Martin de Picquigny. On n’était pas habitué alors à voir les Juifs, comme le fit Crémieux, désigner des évêques, et l’évêque d’Amiens s’éleva avec une rare énergie contre cette incroyable prétention[128].


Malgré tout le tapage fait par Peixotto et par Calmer, la situation des Juifs à Paris était encore bien précaire. Un détail le dit plus que tout le reste, ils ne savaient même pas où se faire enterrer. Ils ensevelissaient leurs morts à la Villette, dans le jardin d’une auberge de rouliers, à l’enseigne du Soleil d’Or. Ils payaient au propriétaire cinquante francs pour le corps d’une grande personne.

Le propriétaire, le sieur Matard, exploitait impitoyablement ces Parias, il les insultait dans leurs plus chères croyances, il faisait écorcher des bœufs et des chevaux dans la terre destinée aux inhumations, il mêlait la chair et les ossements de ces animaux aux cadavres, il troublait les Juifs dans leurs cérémonies funèbres et les menaçait de ne plus recevoir leurs morts.

N’est-ce point saisissant ce contraste d’hier et d’aujourd’hui ? Regardez ces malheureux, qui s’en vont furtivement dans un faubourg perdu de Paris, n’ayant pas même un lieu pour pleurer, pour dire en paix le Kaddish des veuves et des orphelins, pour réciter la prière : « O Éternel, rocher des mondes, Dieu qui vit et subsiste à jamais, toi plein de pitié, toi qui pardonnes les offenses et effaces les iniquités, je t’implore pour l’âme de celui qui vient de mourir. » — Avant qu’un siècle ne soit écoulé, ils seront les maîtres de ce brillant Paris, à travers lequel ils se glissent comme des ombres, ils auront les palais, les chevaux fringants, les loges à l’Opéra, l’autorité, ils auront tout. En ce coin même de la Villette s’élèveront les usines d’Halphen où trois mille ouvriers chrétiens pliant sous le labeur sans trêve, étouffant dans une atmosphère de cinquante degrés, menés au bâton comme les constructeurs des Pyramides, crachent le sang dès quarante ans pour que cet homme ait un peu plus d’or…

j’ai voulu revoir ce cimetière qui existe encore, et j’ai retrouvé 44, rue de Flandres, le Soleil d’Or tel à peu près qu’il était autrefois. Quoique l’hôtellerie ait disparue, l’immeuble a gardé son nom et les quittances du propriétaire, M. de Ribbes, portent comme entête ces mots : Maison du Soleil d’Or.

Au premier abord même, on se croirait toujours dans l’auberge du XVIIIe siècle. Dans l’immense cour, qui a un peu l’air d’une cour de ferme, on aperçoit des poules, des dindons, des canards qui se baignent dans une mare, il semble qu’on n’attende qu’un appel de voyageurs pour mettre tout cela à la broche, une chèvre complète cet aspect rural.

La maison est attenante aux Magasins généraux, et de vastes hangars ont été construits pour déposer le trop plein des marchandises. Au premier étage est installé le bureau de l’inspecteur de la navigation pour le bassin de la Villette.

On ignore dans le quartier qu’il y a là un cimetière. Les Juifs cependant viennent le visiter quelquefois, qui sait peut-être se recueillir comme Abdolonyme, qui, de jardinier devenu roi, allait contempler dans un coin de son palais ses humbles vêtements qui lui rappelaient sa condition première.

Nul lieu n’est plus propre aux méditations. Le mur, noir de salpêtre, tombe en miettes. L’herbe pousse sèche et maigre dans cet enclos aride, qu’ombragent quelques arbres rachitiques. L’humidité a rongé les pierres tombales chargées de caractères hébraïques et rendu la plupart des inscriptions méconnaissables, l’endroit est utilisé maintenant comme lieu de débarras. Dans les coins on dépose des tessons de bouteilles et de la vieille ferraille. Sous la mousse verdâtre nous découvrons quelques inscriptions qui prouvent que le cimetière servait encore aux inhumations pendant la République et les premières années de l’Empire.

Ici repose la bien aimée Judith Delvallée Silveyra, âgée de 36 ans, née à Bayonne, décédée à Pantin, près de Paris, le 9 de tristry de l’an 5.568 de la création du monde, correspondant au 13 vendémiaire de l’an II.

Ici repose le corps d’Abraham Lopez Laguna, né à Bordeaux, décédé le 19 juin 1807, âgé de 58 ans. Le temps, maître de tout, l’a retiré de ce monde avec tous des regrets de la famille.

Nous trouvons encore les noms des Lagonna, des Dacosta, de Salomon Perpignan, l’un des fondateurs de l’école gratuite de dessin.

Le cimetière contient 28 sépultures en tout.

Le corps de Jacob Pereire, qui avait été enterré là, a été exhumé par les soins de la famille en 1878.

On est pris de pitié en songeant à ces funérailles clandestines de jadis : je sais bien qu’ils ont été implacables eux-mêmes pour nos morts dès qu’ils ont été les maîtres, et je dirai plus loin la douloureuse histoire d’un pauvre vieux de 70 ans, que la Franc-maçonnerie juive tua en le jetant dans la neige et auquel elle refusa de dormir son sommeil éternel en cet Ermitage dans lequel il avait rêvé de prier Dieu tranquillement.

N’importe ! on s’émeut involontairement et on s’intéresse aux efforts tentés par les Juifs pour essayer d’avoir une tombe dans cette terre de France qui devait leur appartenir.

Les Juifs Allemands, représentés par Goldsmith, et les Juifs Portugais, représentés par Jacob Pereire, demandèrent à acquérir un emplacement commun pour leurs services funèbres, ce qui donna lieu, pendant toute l’année 1778, à une longue correspondance entre M. Lenoir et Pereire.

Il s’agissait de l’acquisition d’un terrain entre la Villette, Pantin et Belleville. On voulait avoir un demi arpent, espace pouvant contenir environ 200 sépultures, ou bien trois quarts d’arpent, ou mène un arpent entier sauf à n’entourer de murs que les deux tiers ou la moitié du terrain. On exposait qu’il mourait à Paris 12 à 15 Juifs par an, ce qui donne une population d’environ 400 individus.

Lenoir répondait que la terre ne pouvait être achetée que par un Juif naturalisé. Le Juif Calmer était seul dans ces conditions, les autres n’étant que tolérés. Pendant ce temps, Matard faisait chanter ces pauvres gens selon le mot consacré, il demandait une indemnité énorme, 40,000livres, et encore pour ne laisser disposer de son terrain que pendant six ans.

Le projet d’établissement d’un cimetière pour les Juifs de Paris, rédigé par M. Pereire d’après les ordres de M. Lenoir, porte en marge : « lu à l’assemblée tenue le 27 octobre 1778, laquelle était composée de MM. Cerfbeer, Liefmanm Calmer et ses trois fils, J. Goldschmidt, Israël Salom, Silveyra et Pereire. »

Voici le préambule de ce projet :

Messieurs, les enfants d’Israël, que la Providence a conduits et soutenus en France, ne sauraient trop remercier le ciel du bonheur dont il les fait jouir sous un gouvernement qui ne respire que l’ordre, la justice et l’humanité.

Cette dernière vertu que les Juifs ont le plus besoin de trouver partout, et dont on peut dire qu’ils sont depuis la dispersion une vraie pierre de touche chez tous les peuples, ils en aperçoivent les effets spécialement à Paris par les bontés de Monseigneur Lenoir, lieutenant de police, de la manière la plus prompte à exciter toute leur reconnaissance.

En 1780, Jacob Pereire paraît s’être entendu avec Matard pour acheter définitivement un terrain qui pût servir de cimetière aux Juifs du rite Portugais[129], mais M. Silveyra, syndic des Juifs Portugais et agent de la communauté de Bayonne, demanda, le 24 mai 1781, que les Juifs Allemands fussent tenus de se procurer un cimetière spécial.

Ceux-ci s’adressèrent encore à Matard, mais il refusa nettement de leur laisser enterrer personne de leur rite, et voulut même faire exhumer les morts précédents, ce à quoi M. Lenoir s’opposa.

Ce ne fut que cinq ans après les Portugais, que les Juifs Allemands purent avoir leur cimetière. M. Cerfbeer, qui jouissait d’une grande considération dans le parti israélite, avança les fonds et il adressa une nouvelle demande à ce sujet à M. Lenoir, le 22 juin 1785, en y joignant les lettres patentes à lui accordées par Louis XVI, le 15 avril 1775, en vertu desquelles il lui était permis d’acquérir et de posséder dans le royaume[130].

Une difficulté se présenta encore au dernier moment. Calmer avait fait au nom de sa femme l’acquisition, d’un terrain à la Villette ; en voyant que ses coreligionnaires, allaient prendre ce terrain, la femme de Calmer écrivit à M. de Vergennes, ministre des affaires étrangères, pour empêcher cette acquisition et forcer les Juifs à prendre le terrain de la Villette.

Enfin, tous les obstacles furent levés et le 31 mai 1785, Lenoir autorisa M. Cerfbeer à disposer en faveur des Juifs du terrain qu’il avait acheté au petit Montrouge. Ce terrain servait encore en 1804, il a été remplacé par un terrain au Père-Lachaise accordé par la Ville et comme ce second terrain n’a pas tardé à être insuffisant, la Ville en a accordé un autre à Montmartre. Quand les chrétiens gêneront les les Juifs devenus de plus en plus nombreux, on jettera leurs ossements au vent ou on les brûlera, comme le veulent Naquet et Salomon.

Le cimetière de Montrouge était ouvert non seulement aux Juifs de Paris, mais à ceux qui rôdaient autour de la Cour dans la banlieue de Versailles, guettant toujours l’occasion d’un prêt usuraire à faire à quelque gentilhomme pressé d’argent. Ce fut par eux précisément que Louis XVI se trouva un jour en face du Juif que ses ancêtres avaient chassé et que devant lui se posa l’éternelle question sémitique. Telle qu’elle est racontée par les Archives Israélites l’entrevue est saisissante[131].

Un jour de l’année 1787, Louis XVI partait pour la chasse, entouré de toute la pompe qui accompagnait même à la chasse le maître du plus beau royaume du monde, heureux, souriant, de bonne humeur.

Soudain, dans les environs de ce Versailles qui éveille encore dans l’esprit une idée de grandeur et de majesté mélancolique, comme l’impression d’un soleil qui se couche dans la pourpre, au milieu de l’allée de Rocquencourt, le roi aperçoit quatre vieillards à figure étrangère portant un cercueil que recouvre un drap grossier. Une petite troupe d’individus au type oriental, au nez allongé, à la mine humble, suivait. Sur l’ordre du monarque, le capitaine des gardes s’informe, il apprend au roi que ce sont quelques-uns de ces Juifs qui viennent trafiquer à Versailles de matières d’or et d’argent, qui transportent le cadavre d’un de leurs coreligionnaires au cimetière de Montrouge.

La noble pitié, que nous éprouvions tout à l’heure, prend au cœur cet honnête homme de roi, si faible, si incapable de tout acte viril, mais si bon aussi. Le souvenir des infortunés qu’il a croisés en route le suit dans ce palais magnifique où il trône encore dans l’éclat de sa toute-puissance. Il appelle Malesherbes, il le gagne à ses idées généreuses. En 1788, une commission est formée pour rechercher les moyens d’améliorer le sort des Juifs. Présidée par Malesherbes, cette commission appela auprès d’elle quelques Israélites considérés dans leur monde : Furtado et Gradis de Bordeaux, Cerfbeer de Nancy, Jacob Nasard et Jacob Trénel, de Paris.

Hélas ! Le débonnaire, qui s’occupait des misères des autres, était déjà promis à l’échafaud. Le jour du sacre il s’était, selon le cérémonial, couché quelques instants dans un linceul de velours noir qui avait été porté sur le tombeau de Charlemagne, à Aix-la-Chapelle, et moins heureux que le youtre dont la bière indigente l’avait apitoyé, il ne devait mène pas avoir de cercueil. Du premier roi très chrétien qui se fût intéressé aux Juifs, le cadavre mutilé devait aller, sans être même recouvert d’un lambeau de drap, de la planche sanglante de l’échafaud à la fosse de chaux vive de la rue d’Anjou.

A la date du 21 janvier, j’ai cherché quelquefois dans les journaux juifs, la Lanterne de Mayer, la Nation de Dreyfus, les journaux des frères Simond, un mot d’éloge ou de compassion pour cet homme si humain qui avait le premier, en France, essayé d’améliorer la situation d’Israël, je n’ai jamais rencontré que les plus brutales invectives sur ce Capet justement puni, peut-être, pour avoir pensé qu’on pouvait traiter les Juifs autrement que comme des chiens[132].


À cette époque, le Juif qu’on n’admettait nulle part était en réalité partout et cela depuis la Régence. Ce fut un Juif, sans aucun doute, mais un Juif qui cachait soigneusement son origine, que ce Law (Lewis, Levy). Il fonda véritablement en France, sur des ruines qui n’instruisirent personne, cette exploitation financière de la bêtise humaine qui devait prendre plus tard des proportions si énormes. Il fut l’apôtre plein de hardiesse d’un nouveau Credo, le Crédit, la croyance à des valeurs imaginaires qui allait être la foi d’une société plus naïve que l’ancienne et plus facile à tromper, à la condition de faire appel, non à des idées supérieures, mais aux convoitises, à l’amour du gain.

Le succès de l’Écossais en France est un grand événement, il annonce qu’au chrétien sincère et sensé d’autrefois va succéder un type tout à fait inconnu aux siècles passés. le gogo, le badaud, l’actionnaire…

Le Juif étranger a plus le sentiment de cette situation que le Juif français, il paie d’audace et le Juif authentique, qui entre timidement dans le cabinet de M. Lenoir, croise souvent un arrogant personnage que le lieutenant de police reconduit en s’épuisant en serviles courbettes.

— Les gens de M. le comte de Saint-Germain ! crient les laquais dans l’antichambre.

Et parfois peut-être le Juif dit tout bas à son brillant coreligionnaire, en se penchant vers lui comme pour lui demander sa protection : « Tous mes compliments, mon frère Wolff, il est impossible d’être plus talon rouge. »

Ce qu’ils n’avaient pu faire au Moyen Age avec les Templiers, le Juif le faisait avec la Franc-maçonnerie, dans laquelle il avait fondu toutes les sociétés secrètes particulières, qui avaient si longtemps cheminé dans l’ombre.

Après les innombrables volumes publiés sur ce sujet, il me parait inutile de répéter ce que tous les historiens, Louis Blanc, notamment[133], ont écrit sur le rôle joué par la Franc-maçonnerie dans la Révolution. Il n’est plus contesté par personne non plus que la direction de toutes les loges ne fût passée alors aux mains des Juifs. Le Juif portugais Paschales avait fondé, en 1754, une société d’initiés, les Cohens, dont les idées furent vulgarisées par Saint-Martin. En 1776, le Juif Adam Weishaupt créait la secte des Illuminés qui se proposait, pour but principal, la destruction du catholicisme.

L’énigmatique comte de Saint-germain allait de ville en ville, portant le mot d’ordre mystérieux, resserrant le faisceau des loges entre elles, achetant partout ceux qui étaient à vendre, troublant les esprits avec des prestiges ou des sornettes débitées avec un imperturbable aplomb.

Il faut se garder cependant d’attacher à ces préparatifs de la Révolution, indispensables d’ailleurs à étudier, les proportions étranges et fantastiques que leur ont données les dramaturges et les romanciers. Si l’écroulement est formidable, les moyens employés pour détruire l’ancienne France furent en réalité assez simples.

Les Francs-Maçons s’étaient débarrassés du seul ennemi qu’ils eussent sérieusement à craindre dans cette société inattentive et frivole : le Jésuite. Très délié, très perspicace, le Jésuite personnifiait l’esprit français en ce qu’il a de meilleur, le bon sens, l’amour des lettres, l’équilibre de l’intelligence qui firent notre XVIIe siècle si grand dans l’histoire ; très informé, sans l’être aussi bien que le Juif, il avait et il a encore pour lui un certain don de flairer l’aventurier cosmopolite, il le devine d’instinct, comme le P. Olivaint dans Jack de Daudet, devine immédiatement la noblesse de contrebande d’Ida Barency ; il aperçoit le point noir chez les êtres de cette nature, non point à un défaut dans les manières qui quelquefois sont correctes, mais à un certain manque de culture intellectuelle.

Le système d’éducation des Jésuites, en outre, leurs exercices de logique forment des hommes capables de réfléchir, de ne pas se laisser prendre aux mots[134].

A tous ces points de vue, cet adversaire très mêlé aux affaires du monde sans ressentir aucune des passions de la terre était gênant, et l’habileté suprême des Francs-Maçon, fut de l’éloigner du théâtre sur lequel ils allaient agir.

Les Jésuites virent bien le péril qui menaçait la France, puisque, dès 1774, le P. de Beauregard avait annoncé dans la chaire de Notre-Dame qu’une prostituée serait adorée dans ce temple où il venait d’annoncer la parole de Dieu, mais ils ne soupçonnèrent pas, on le croirait du moins, que c’était le Juif qui tenait les cartes. La force du Juif alors était sa faiblesse apparente, comme sa faiblesse aujourd’hui est sa force cyniquement affichée, force colossale sans doute, mais qui ne repose sur rien, en ce sens qu’il suffirait de quelques mouvements du télégraphe pour confisquer dans toute l’Europe cette richesse indûment acquise.

Le succès obtenu par des hommes comme le comte de Saint-germain et Cagliostro n’a rien qui étonne lorsque, sans subir l’impression de ce qui est lointain, on juge ces faits par ce qui se passe sous nos yeux. Il n’est point nécessaire pour comprendre de se livrer à de grandes considérations historiques, il suffit de rapprocher le présent du passé.

L’espèce de fascination exercée par l’étranger a toujours été la même. Il y a des milliers de Français natifs, très considérés et très honnêtes, qui n’entreront jamais dans les grands cercles, lesquels s’ouvriront à deux battants devant des spéculateurs juifs, des négriers, des aventuriers de tous les pays. Un Français viendrait demander à un de nos fameux joailliers de lui vendre à crédit une bague de vingt francs pour son mariage, que le marchand le mettrait à la porte, et le lendemain il remettra pour trois cent mille francs de bijoux à un comte de n’importe qui, marquis de n’importe quoi.

Ce qui est certain, c’est que la société française, qui exigeait des formalités d’un homme de la valeur de Jacob Pereire, accueillait à bras ouverts le fils d’un Juif alsacien nommé Wolff, qui se faisait appeler le comte de Saint Germain.

Il eut un rôle dans toutes les intrigues diplomatiques de son temps, il fut initié à tous les secrets d’État, et dans ces salons sceptiques il ne trouva pas un contradicteur, lorsque ce Juif errant de Cour affirmait, que, doué d’une éternelle jeunesse, il avait été contemporain de Jésus-Christ, et qu’il lui avait rendu de bons offices auprès de Ponce-Pilate. Personne ne mettait en doute qu’il ne sût fabriquer des diamants à volonté. A ceci quoi d’étonnant ? N’avons-nous pas vu Jules Ferry, ce noble esprit émancipé de tous les préjugés vulgaires, convaincu que Mme Cailhava, armée de sa bague magique, allait lui découvrir assez de trésors à Saint-Denis pour combler le déficit que les dilapidations et les vols de la République ont creusé dans le budget de la France.

L’influence de Cagliostro fut plus considérable encore. Celui-là faisait remonter sa généalogie à Charles-Martel, et Frédéric Bulau, dans ses Personnages énigmatiques et Histoires mystérieuses, nous montre ce qu’il faut penser de cette fable.

La vérité est sans doute moins brillante et moins romanesque, mais on reconnaît facilement les points d’appui qu’elle a fournis à l’imagination de Balsamo. Ce qui permit à Balsamo de se donner pour l’un des descendants de Charles Martel, c’est que son arrière grand-père du côté maternel s’appelait Mathieu Martello. D’ailleurs il avait ses raisons pour insister sur sa généalogie maternelle beaucoup plus que sur sa généalogie paternelle, attendu qu’il y eût vraisemblablement rencontré beaucoup de Juifs. Ce Mathieu Martello avait deux filles. La plus jeune Vincenza épousa un certain Joseph Cagliostro, natif de la Nuava et fut la marraine de notre aventurier. Elle lui donna pour nom de baptême celui de son mari, mais, par la suite, Joseph Balsamo prit le nom de famille du mari de la marraine, et y ajouta le titre de comte pour lui donner quelque chose de plus important. Ce changement de nom servit en outre à dérouter la curiosité de ceux qui auraient voulu remonter à sa véritable origine.

Pierre Balsamo, le père de l’aventurier, eut quelques mésaventures en Italie, moins graves en tout cas que celles de l’oncle de Gambetta, qui fut malheureusement pendu, il en fut quitte pour une banqueroute frauduleuse, comme le père de Challemel-Lacourt.

Bien avant l’arrivée de Cagliostro, au moment même où Louis XVI montait sur le trône, la reine Marie-Antoinette qu’Israël poursuivait d’une haine spéciale, nous dirons tout à l’heure pourquoi, avait été déjà attaquée comme reine et comme femme. Le premier de ces pamphlets contre la souveraine infortunée qui devaient se multiplier à l’infini avait été lancé par un Juif. Voici ce que dit à ce sujet M. de Lomenie qui avait eu entre les mains tous les papiers de Beaumarchais, et auquel l’ouvrage intitulé Beaumarchais et son temps ouvrit les portes de l’Académie française.

Le zèle de Beaumarchais ne pouvant pas, à cause de son blâme être utilisé officiellement, c’est toujours en qualité d’agent secret que le gouvernement de Louis XVI l’envoie de nouveau à Londres en 1774. Il s’agissait encore d’arrêter la publication d’un libelle qu’on jugeait dangereux. Il était intitulé : Avis à la branche espagnole sur ses droits à la couronne de France à défaut d’héritiers. Sous cette apparence de dissertation politique, le pamphlet en question était spécialement dirigé contre la reine Marie-Antoinette, on n’en connaissait pas l’auteur, on savait seulement que la publicité en avait été confiée à un Juif italien nommé Guillaume Angelucci, qui portait en Angleterre le nom de William Hatkinson, qui usait d’une foule de précautions pour garantir son incognito et qui avait à sa disposition assez d’argent pour faire imprimer en même temps deux éditions considérables de son libelle, l’une à Londres, l’autre à Paris.

Le titre complet de l’ouvrage que des polémiques récentes ont rendu presque d’actualité paraît avoir été : Dissertation extraite d’un plus grand ouvrage. Avis important à la branche espagnole sur ses droits à la couronne de France à défaut d’héritiers, et qui peut dire même très utile à toute la famille de Bourbon, surtout au roi Louis XVI. 9. A. à Paris. MDCCLXXIV.

D’après le récit de Beaumarchais, l’auteur du Barbier de Séville aurait réussi moyennant une somme de 1500 livres (75,000 francs), à racheter l’édition hollandaise et l’édition anglaise, puis apprenant que le Juif, une fois payé, s’enfuyait avec un exemplaire qu’il comptait faire réimprimer, il l’aurait poursuivi à travers l’Allemagne, l’aurait rejoint dans un bois aux environs de Nuremberg et, le pistolet sur la gorge, lui aurait arraché cet unique exemplaire. C’est à ce moment que Beaumarchais, surpris par des voleurs, aurait été blessé et n’aurait dû la vie qu’à l’arrivée de ses domestiques.

Ceux mêmes qui étaient disposés à croire que Beaumarchais avait dramatisé la situation et exagéré les périls qu’il avait courus n’avaient jamais mis en question la réalité de rachat de la brochure et même de l’aventure d’Allemagne qu’attestait l’hôtelier chez lequel on avait transporté Beaumarchais blessé. Mais une certaine école qui a pris à tâche de déshonorer tous les chrétiens, pour faire des Juifs autant de petits saints, ne doute de rien.

M. d’Arneth, qui a publié à Vienne quelques documents sur Marie-Antoinette d’une authenticité assez contestable, s’avisa de prétendre, dans une brochure intitulée : Beaumarchais und Sonnenfels, que Beaumarchais avait joué une indigne comédie, qu’il avait fabriqué le pamphlet lui-même, que le Juif Angelucci n’avait jamais existé.

M. Paul Huot traduisit cette brochure en 1869, sous ce titre : Beaumarchais en Allemagne, sans que personne prêtât grande attention à ce paradoxe.

Ce qui m’étonne c’est de voir un érudit comme M. Auguste Vitu ne pas craindre d’adopter cette singulière version, dans l’excellente introduction qu’il a mise en tête du Théâtre de Beaumarchais publié par Jouaust.

C’est chose grave, après tout, que d’accuser d’une action aussi basse un écrivain qui, de quelque façon qu’on juge la portée de son œuvre, n’en a pas moins honoré la France par son talent. Sur quoi M. Vitu se fonde-t-il pour accepter les dires de M. d’Arneth ? J’admets pour une minute que Beaumarchais ait été l’homme que nous peint ce dernier d’une plume selon moi calomniatrice. Il avait fait fabriquer un libelle, il avait reçu 75,000 livres pour le racheter, le coup était réussi, il n’avait plus qu’à revenir en France. Pourquoi courir en Allemagne à la recherche d’Angelucci ? Pourquoi, en imaginant l’histoire d’un exemplaire échappé, donner une si piètre idée de son habileté au moment où il ambitionnait des missions diplomatiques ?

A mon avis M. Vitu a manqué de sens critique en se prononçant contre un compatriote, sans rechercher les motifs qui ont probablement fait agir M. d’Arneth.

L’Autriche est depuis de longues années la proie des Juifs. L’aristocratie, charmante et généreuse, mais victime de ses vices, est absolument, sous le joug d’Israël, le véritable ambassadeur d’Autriche à Paris, on l’a vu par les lettres trouvées sur ce pauvre comte de Wimpfen, est le baron Hirsch. M. d’Arneth a voulu disculper Israël d’un des innombrables méfaits qu’on lui attribue en flétrissant un écrivain français. Il eût été digne de M. Vitu de déjouer cette ruse en se livrant à une étude plus approfondie de la question qui lui aurait démontré que M. d’Arneth accumule les invraisemblances à chaque ligne.

En déshonorant Marie-Antoinette, Israël, qui a la rancune tenace et qui poursuit ceux qui l’ont offensé jusque dans leur cinquième génération, se vengeait d’une souveraine qui l’avait persécuté avec une rigueur digne du Moyen Age.

Marie-Thérèse avait été l’implacable ennemie des Juifs, elle avait renouvelé contre eux toutes les prescriptions humiliantes d’autrefois, elle les avait forcés à porter une longue barbe et à coudre sur le bras droit de leur vêtement une petite pièce de drap jaune.

Le 22 décembre 1744, on publiait à Prague et dans tout le royaume de Bohème l’édit suivant :

Pour diverses raisons j’ai résolu de ne plus tolérer à l’avenir les Juifs dans mon royaume héréditaire de Bohème. Je veux donc que le dernier jour de janvier 1745 il n’y ait plus aucun Juif dans la ville de Prague, si on y en trouve encore on les fera chasser par les soldats,

Cependant, pour pouvoir arranger leurs affaires et disposer de leurs effets qu’ils ne pourraient pas emporter avant le dernier janvier, il leur est permis de demeurer encore un mois dans le reste du royaume,

Mais au bout de six mois tous les Juifs sortiront aussi de tout le royaume de Bohême ;

Enfin cette évacuation de tout le pays aura lieu avant le dernier jour du mois de juin 1745. {{interligne} Ce qui montre combien les Juifs étaient déjà puissants partout avec quelle force s’exerçait cette autorité qui, depuis la fondation de l’Alliance israélite universelle, se manifeste avec plus de franchise et d’insolence, c’est la vivacité avec laquelle certains États d’Europe intervinrent en même temps. Les États généraux chargèrent l’ambassadeur de Hollande, le baron Van Barmenie, de s’interposer, Le plénipotentiaire anglais, le chevalier Thomas Robinson, rédigea une note également.

Tout ce qu’ils purent obtenir ce fut de faire reculer jusqu’à la fin de mars l’époque de bannissement, à cette date, 28,000 Israélites durent quitter Prague.

Grâce à de nouvelles recommandations de la Pologne, du Danemark et de la Suède, les Israélites obtinrent l’autorisation de séjourner en Bohème.

L’édit du 26 mai 1745 portait : « Sa Majesté, par un effet de sa clémence naturelle et en considération de la puissante intercession du roi de la Grande-Bretagne et des États généraux des Provinces unies, permet à la nation juive de demeurer jusqu’à nouvel ordre dans le royaume de Bohème et d’y vaquer comme ci-devant aux affaires de commerce et aux autres qui sont propres à cette nation. »

Les Israélites des Pays Bas firent frapper une médaille à cette occasion. Les vexations, les impôts onéreux, les humiliations ne se multiplièrent pas moins sur les Juifs d’Autriche.

Les Juifs agissant par la Franc-maçonnerie se vengèrent sur Marie-Antoinette de ce que Marie-Thérèse leur avait fait endurer.

Jamais, depuis le Christ, Passion ne fut plus douloureuse que celle de la souveraine que le peuple, qui ne comprend rien aux horreurs qu’on l’excite à commettre, avait appris à haïr sous le nom de l’Autrichienne vulgarisé par des pamphlets sans nombre. Quand on relit les détails de cette lente agonie on se demande comment un être humain peut autant souffrir sans mourir, il y a là un raffinement dans l’ignoble, une ingéniosité dans la torture morale, une habileté dans l’art de déshonorer, de remuer le fer dans la plaie, de faire désespérer presque de Dieu qui porte bien la marque juive. C’est au Crucifié du Golgotha, je le répète, et je ne pense pas qu’on voie un sacrilège dans ma comparaison, c’est à la Victime sainte abreuvée de fiel, déchirée par les épines, accablée d’ignominies que l’on songe quand, sans oser plonger jusqu’au fond, on se penche sur les indicibles souffrances de cette malheureuse femme, souffrances particulières et spéciales que ni Louis XVI, ni Mme Elisabeth n’ont subies au même degré.

L’affaire du Collier est une des plus belles affaires que la Franc-maçonnerie juive ait jamais montées, c’est un chef-d’œuvre du genre, il y a tout là-dedans : la satisfaction d’une vengeance, le déshonneur de l’Église par le rôle que joue le cardinal de Rohan, et enfin le tripotage d’argent. Quelle unanimité aussi dans toute l’Europe pour faire du vacarme autour de cette escroquerie d’un caractère si banal en réalité ! Comme on voit que les Juifs conduisent l’intrigue à l’importance que prend tout à coup la chose ! Comme plus tard dans l’affaire Salmon (Victor Noir), tout se met en mouvement à un signal et les plus passionnée sont naturellement ceux qui ne sont pas dans le secret.

Les Juifs, apparaissent partout dans cette spéculation malpropre. Le premier argent remis en billets noirs à Mme La Mothe, par le cardinal, avait été fourni par le Juif Cerfbeer, il était représenté par trois effets de dix mille francs. Les dix premiers mille francs venaient, au dire de Mme La Mothe, de l’ancienne caisse de Poissy et avaient été donnés au cardinal par Cerfbeer à qui il avait fait avoir l’entreprise des fourrages pour le comte de Montbarrey. Les vingt autres mille francs venaient, toujours d’après elle, « de Cerfbeer que le cardinal avait fait soutenir dans son bail[135]. »

Cagliostro cependant ne fut pas dans ces épisodes scandaleux un simple escroc, ni même un thaumaturge vulgaire, il fut une manière de prophète. Le Juif, en effet, et c’est un fait que j’ai remarqué maintes fois, aime à annoncer par des paraboles et des figures le mal qu’il prépare. Dans le plus secret des agents il y a toujours le nabi.

Joseph Balsamo remplit ce rôle d’avertisseur et, afin qu’elle n’en ignorât, vint déclarer à la reine qu’elle appartenait à la Fatalité et que rien ne pouvait la sauver. Gambetta qui, sans compter une origine commune, se rapproche beaucoup de Balsamo, dans des conditions et des milieux différents bien entendu, employait volontiers les mêmes procédés que lui, il faisait volontiers le coup de la carafe, il esbroufait les gens, les déconcertait en leur annonçant d’avance des majorités, en prédisant l’avenir.

Il est évident que, s’il fût tombé sur un vrai Français d’autrefois, sur un brave et loyal soldat ayant du bon sens et du poil, on aurait fusillé notre nabi dans un coin sans que personne y trouvât à redire. La force de la politique juive est précisément de tabler sur ce fait qu’on peut tout se permettre envers les Français, attendu que l’homme de bon sens et de poil qui ferait manquer le coup ne se rencontrera plus jamais.

Au moment où, par le phénomène de la suggestion, Cagliostro faisait apercevoir à la reine une tête coupée dans une carafe, la chute des Capétiens était décidée, en effet. En 1781, l’illuminisme allemand et l’illuminisme français avaient opéré leur fusion au convent de Willemsbad, à l’assemblée des Francs-Maçons de Francfort, en 1785, la mort du roi de Suède et celle du roi et de la reine de France avaient été décrétées[136]. Les plus grands seigneurs de France, le duc de Larochefoucauld, le duc de Biron, Lafayette, les Choiseul, les Noailles poussaient de toutes leurs forces à la Révolution.

L’ouvrage du P. Deschamps, les Sociétés secrètes et la société, contient la curieuse énumération des membres de la Loge de la Propagande, presque exclusivement recrutée dans l’aristocratie. La composition de la Loge de Versailles est peut-être plus intéressante encore. Les inspirateurs occultes de la Maçonnerie, par une ironie assez spirituelle, avaient baptisé cette Loge Saint-Jean de la Candeur, et il fallait effectivement une forte dose de candeur à des grands seigneurs, pour conspirer contre eux-mêmes en s’affiliant à une Société qui allait les dépouiller et les mettre nus comme des petits saints Jean.

M. l’abbé Davin a découvert, au château de Blemont, les procès-verbaux de cette Loge, du 21 mars 1775 au 20 mars 1782. « C’est, nous dit-il[137], un petit in-folio de 340 pages, relié en cuir rouge, orné au dos et aux coins des symboles maçonniques : compas, équerre, pied de roi, fil d’aplomb, niveau, branche d’olivier, il porte ce titre :

Registre
des délibérations et réceptions
faites dans la loge St Jean
de la Candeur
à la gloire du Grand Architecte
de l’Univers
sous les auspices du Sérénissime
Grand Maître

5775

C’est un d’Hozier que ce registre. Les plus beaux noms y sont représentés. Les femmes y coudoient les hommes. On y trouve la sœur marquise de Choiseul-Gouffier, la sœur marquise de Courtebonne, la sœur marquise de Montmaure, la sœur comtesse de Blache, la sœur vicomtesse de Faudoas. On y rencontre, dans l’ordre des inscriptions, le marquis d’Arcinbal, le marquis de Lusignan, le marquis de Hautoy, le marquis de Gramont-Caderausse, le vicomte de la Roche-Aymon, le marquis d’Havrincourt, le comte de Launay, le vicomte d’Espinchel, le marquis de Saint-Simon, le comte de Busançois, le comte de Gouy d’Arcy, le comte de Damas, le vicomte de Grammont, le comte d’Imecourt, le chevalier d’Escars, le vicomte de Béthune, le chevalier de la Châtre, le marquis de Jumilhac, le comte de Clermont-Tonnerre, le marquis de Clermont-Galerande, le marquis de la Ferronnays, le baron de Montesquieu, etc., etc.

Le Sérénissime Grand Maître était le duc d’Orléans. Montjoie nous a décrit les cérémonies auxquelles il dût se soumettre pour être reçu chevalier Kadosch[138].

Pour être admis au grade de chevalier Kadosch, dit-il, Louis-Philippe-Joseph fut introduit par cinq Francs-Maçons appelés Frères, dans une salle obscure. Au fond de cette salle était la représentation d’une grotte qui renfermait des ossements éclairés par une lampe sépulcrale. Dans un des coins de la salle, on avait placé un mannequin couvert de tous les ornements de la royauté, et, au milieu de cette pièce, on avait dressé une échelle double.

Lorsque Louis-Philippe Joseph fut introduit par les cinq Frères, on le fit étendre par terre, comme s’il eût été mort, dans cette attitude il eut ordre de réciter tous les grades qu’il avait reçus, et de répéter tous les serments qu’il avait faits. On lui fit ensuite une peinture emphatique du grade qu’il allait recevoir, et, on exigea qu’il jurât de ne jamais le conférer à aucun chevalier de Malte. Ces premières cérémonies finies, on lui permit de se relever, on lui dit de monter jusqu’au haut de l’échelle, et lorsqu’il fut au dernier échelon on voulut qu’il se laissât choir, il obéit, et alors on lui cria qu’il était parvenu au nec plus ultra de la Maçonnerie.

Aussitôt après cette chute, on l’arma d’un poignard, et on lui ordonna de l’enfoncer dans le mannequin couronné, ce qu’il exécuta. Une liqueur couleur de sang jaillit de la plaie sur le candidat et inonda le pavé. Il eut de plus l’ordre de couper la tête de cette figure, de la tenir élevée dans la main droite, et de garder le poignard teint de sang dans la main gauche, ce qu’il fit !

Alors on lui apprit que les ossements qu’il voyait dans la grotte étaient ceux de Jacques de Molay, grand-maître de l’Ordre des templiers et que l’homme dont il venait de répandre le sang et dont il tenait la tête ensanglantée dans la main droite, était Philippe le Bel, roi de France. On l’instruisit de plus que le signe du grade auquel il était promu consistait à porter la main droite sur le cœur, à l’étendre ensuite horizontalement, et à la laisser tomber sur le genou pour marquer que le cœur d’un chevalier Kadosch était disposé à la vengeance. On lui révéla aussi que l’attouchement entre les chevaliers Kadosch se donnait en se prenant les mains comme pour se poignarder.

Peut-on imaginer spectacle plus singulier que celui de ce prince du sang frappant un roi de France et tenant sa tête ensanglantée dans sa main droite ?

Ces niais de tant d’esprit, ces ambitieux et ces imprévoyants, dupes de gens plus forts qui les menaient, ne se doutaient guère qu’en les conviant à rebâtir le temple de Salomon, qui ne les intéressait aucunement, on les invitait à servir d’instruments à la démolition de ce noble édifice de la vieille France, qui pendant tant de siècles les avait abrités tous : noblesse, tiers état et peuple. On les eût fort étonnés si on leur avait annoncé qu’avant moins de cent ans révolus les plus beaux châteaux du pays appartiendraient à des Juifs...

Quand se seront produites les catastrophes qui nous menacent il sera très instructif de rapprocher de cette liste de grands seigneurs qui ont fait la Révolution la liste des membres du centre droit et du centre gauche qui ont fait la République juive. Les personnalités sont moins brillantes, sans doute, mais il y a là force gens honnêtes dans le sens mondain du mot, des propriétaires, des manufacturiers, des Casimir Périers quelconques, beaucoup plus coupables certainement que le Juif qui crache sur le Christ et le chasse de l’école par haine de race.

Quelles réflexions se feront ces hommes lorsqu’ils seront non seulement condamnés eux-mêmes, mais qu’ils verront, comme les victimes de la Terreur, leurs femmes, leurs filles, vouées à une mort affreuse, et qu’ils se diront. « C’est notre œuvre ! » Voilà ce qu’il serait intéressant de savoir, voilà un spectacle piquant pour un artiste et un, penseur. J’ai deux ou trois amis dans les partis avancés auxquels j’ai été agréable littérairement, qui m’ont toujours promis de me laisser voir cela avant de me fusiller, mais tiendront-ils leur parole ? Seront-ils en état de la tenir ?

Le duc d’Orléans, le chef de la Maçonnerie française, qui conspirait ouvertement contre son cousin, n’avait point l’excuse de l’ignorance, il était intimement lié avec les Juifs et savait que c’étaient eux qui dirigeaient la Maçonnerie, Le comte de Gleicher, dans son livre intitulé : Faits remarquables, raconte que, lors de son voyage en Angleterre, le duc d’Orléans avait reçu du rabbin Falk-Scheck une bague talisman, un Kainaoth qui devait lui assurer le trône, cette bague[139], quoique la prophétie ne se soit pas réalisée pour Philippe Egalité, parait avoir été comme le gage de l’engouement incompréhensible que tous les d’Orléans, à part le fils aîné de Louis-Philippe, ont toujours eu pour les Juifs.


Quelques bien avisés, parmi ceux qu’on n’écoute jamais, eurent ils à ce moment une vague notion de ce qui était réellement en cause : l’empire d’Israël ? On le supposerait, car, à cette époque, on voit paraître quelques publications où le nom du Juif revient assez souvent associé, on ne peut pas dire au martyre du monarque, Louis XVI n’est pas un martyr, quoiqu’on en ait dit, puisqu’il n’a pas accompli son devoir et qu’il n’a pas défendu le peuple dont la garde lui était confiée, mais aux souffrances de ce pauvre honnête homme. On criait notamment dans les rues, en 1790, un canard de quelques feuilles : La Passion et la mort de Louis XVI, roi des Juifs et des chrétiens. — A Jérusalem. L’épigraphe portait : Populus meus, quid feci tibi ?

En tête figurait une gravure curieuse, elle représentait le roi couronné et portant le manteau fleurdelysé mis en croix, à sa droite et à sa gauche le Clergé et le Parlement. Dans le fond l’Assemblée délibère tandis que sur le devant des canons sont braqués sur elle.

Dans le texte, Philippe d’Orléans est Judas Iscariote, Bailly Pilate, Lafayette Caïphe.

« Eti, Eli lamma sabbacthani », mon peuple, mon peuple chéri, pourquoi m’avez vous abandonné ? »

C’est en vain que le pauvre roi adresse cet appel désespéré aux Français. La plèbe conduite par les meneurs étrangers répond : « Il n’est pas notre roi, nous n’en voulons pas pour notre roi, nous ne connaissons d’autres rois que les Césars de faubourg et nos douze cents souverains… A la lanterne ! à la lanterne ! »

Le Nouveau Calvaire, une gravure publiée un peu plus tard et qui se vendait chez Webert, au Palais Royal, Galerie de bois, no 203, formait un tableau complet. N° 1, Louis XVI attaché par les révoltés à une croix que surmonte le bonnet phrygien ; au bas on lit, sur une table de proscription, le nom des trois Rohan, de Condé, de Bouillé, de Mirabeau, de Lambesc. N° 2 et 3 : Monsieur et Monseigneur le comte d’Artois liés par les décrets des factieux. N° 4 : Robespierre à cheval sur la Constitution, suivi de la gent Jacoquine, présente au bout d’une pique l’éponge imbibée du fiel de ses motions régicides. N° 5 : La reine accablée de douleur montre son époux à ses frères et sollicite une prompte vengeance. N° 6 : La duchesse de Polignac au pied de la croix. N° 7 : Monseigneur le prince de Condé tire l’épée et s’apprête à venger son roi[140]. »

L’immense majorité de la nation ne se doutait pas de ce qu’on lui faisait faire. Les Juifs, qui dirigeaient la Franc-Maçonnerie, se gardèrent bien, on le devine, de montrer de quoi il s’agissait et restèrent derrière le rideau.

La question juive, proprement dite, n’inspirait guère de sympathie en France. La Société royale des Sciences et des Arts de Metz avait cependant institué un prix pour le meilleur mémoire sur le moyen d’améliorer le sort des Juifs. Le prix qui devait être décerné en 1787 ne le fut que le 23 août 1788. Ce fut l’abbé Grégoire qui obtint ce prix avec son essai sur la Régénération physique, morale et politique des Juifs.

Le travail de l’abbé Grégoire, disait Roederer dans un premier rapport, résout presque toutes les difficultés. Il s’éclaire de la politique, de l’histoire et de la morale. Une philosophie saine et quelquefois sublime s’y montre avec dignité, avec éclat… mais l’ouvrage est informe et indigeste, les matières y sont mal disposées.

Les remaniements auxquels se livra l’auteur fîrent disparaître quelques-uns de ces inconvénients sans enlever à l’ouvrage son caractère de médiocrité.

Tout en ne cachant pas ses sympathies pour les Juifs, l’abbé Grégoire les défendait un peu à la façon de Lacretelle, il traçait une peinture navrante de la façon dont ils pressuraient les malheureux qui avaient affaire à eux.

Habitants infortunés du Sundgau ! répondez si vous en avez encore la force. Cet effrayant tableau n’est-il pas celui de l’état auquel plusieurs Juifs vous ont réduits ?

Votre contrée, jadis fertile et qui enrichissait vos pères, produit à peine un pain grossier à une foule de leurs neveux, et des créanciers, aussi impitoyables que fripons, vous disputent encore le prix de vos sueurs ? Avec quoi les cultiveriez-vous désormais ces champs dont vous n’avez plus qu’une jouissance précaire ? Vos bestiaux, vos instruments d’agriculteur ont été vendus pour assouvir des vipères, pour acquitter seulement une partie des rentes usuraires accumulées sur vos têtes. Ne pouvant plus solliciter la fécondité de la terre vous êtes réduit à maudire celle de vos épouses qui ont donné le jour à des malheureux. On ne vous a laissé que des bras desséchés par la douleur et la faim et s’il vous reste encore des haillons pour attester votre misère et les baigner de vos larmes, c’est que l’usurier juif a dédaigné de vous les arracher[141].

J’ignore pourquoi les Juifs n’ont pas fait graver ce passage sur le piédestal de la statue qu’ils ont élevée avec notre argent à l’abbé Grégoire[142]. Quant à l’idée d’un homme qui dit : « Voilà la peste, je demande qu’on l’inocule au pays tout entier, » elle rentre dans ces conceptions qu’il m’est impossible de comprendre.

En tout cas les efforts de Grégoire auront eu un résultat. Le tableau qu’il trace d’un coin de la France de 1788 pourra s’appliquer à la France de 1888 tout entière. Avec quelques emprunts nouveaux, deux ou trois sociétés financières et quelques rafles comme celle de l’Union générale, les Juifs nous auront rapidement enlevé le peu qu’ils ont consenti à nous laisser jusqu’ici.

Le sujet de concours proposé par l’Académie de Metz avait inspiré un certain nombre de mémoires et de brochures. Sous ce titre : Le Cri d’un citoyen contre les Juifs, M. de Foissac publia une violente protestation contre la conduite des Israélites en Alsace et en Lorraine.

Dom Chais, bénédictin à Saint-Avold et ancien curé de Charleville, proposa d’utiliser la rapidité des Juifs à la course pour porter des messages administratifs, il demandait aussi qu’on les employât à la récolte du miel dont ils sont très friands. Il ajoutait dans un second mémoire que les Juifs sont des oiseaux de proie auxquels il faut couper le bec et les serres.

M. Haillecourt estimait que, pour assurer le bonheur des Juifs et la tranquillité des chrétiens, il fallait transporter tous les Israélites dans les déserts de la Guyanne.

On voit qu’aucun grand courant d’opinion n’existait en faveur de l’émancipation des Juifs.

Quand la Constituante se réunit, quelques Israélites de Paris, MM. Mardochée, Polack, Jacob Trénel, Goldsmith rentiers, et J. Lazare, joaillier, se groupèrent pour solliciter de l’Assemblée l’émancipation des Israélites de France.

Par un hasard singulier, la Constituante eut à s’occuper le même jour des deux êtres si méprisés jadis, qui tiennent le haut du pavé dans notre société de cabotins et de tripoteurs. Il s’agissait de savoir si les membres de ces deux corporations intéressantes seraient admis aux fonctions publiques. Pour les comédiens la chose souffrit peu de difficultés, mais la discussion fut vive quand on aborda la question des Juifs.

Le débat commencé le 21 septembre 1789 se continua les jours suivants. Un gentilhomme prévoyant, M. de Clermont-Tonnerre, ne manqua pas de prendre la défense des Juifs, un de ses descendants du reste a été, je crois, fortement échaudé dans l’affaire de l’Union générale[143].

M. de la Fare, évêque de Nancy, vint raconter une jolie anecdote qui a été bien souvent rappelée à propos d’autres Juifs[144]. « Un jour, dit-il, que je m’étais transporté au milieu d’une émeute pour essayer de rétablir le calme, un des séditieux s’approcha de moi et me dit : « Ah, Monsieur, si nous venions à vous perdre nous verrions un Juif devenir notre évêque, tant ils sont habiles à s’emparer de tout. »

L’abbé Maury fit entendre quelques paroles de raison et montra, par l’exemple de la Pologne, ce qu’allait devenir la France mise à la glèbe par le Juif.

Les Juifs, dit-il, ont traversé 17 siècles sans se mêler aux autres nations, ils n’ont jamais fait que le commerce de l’argent, ils ont été les fléaux des provinces agricoles. Aucun d’eux n’a ennobli encore ses mains en dirigeant le soc et la charrue. En Pologne, ils possèdent une grande province, eh bien ! Les sueurs des esclaves chrétiens arrosent les sillons où germe l’opulence des juifs ! Qui, pendant que leurs champs sont ainsi cultivés, pèsent des ducats et calculent ce qu’ils peuvent ôter des monnaies sans s’exposer aux peines portées par la loi.

Ils possèdent en Alsace 12 millions d’hypothèques sur les terres, dans un mois ils seront propriétaires de la moitié de cette province, dans dix ans ils l’auront entièrement conquise et elle ne sera plus qu’une colonie juive.

Un représentant de l’Alsace, peu suspect d’idées rétrogrades, mais qui connaissait les Juifs puisqu’il les avait vus à l’œuvre, Rewbel, confirma l’exactitude de ces faits.

Camille Desmoulins, qui parlait des questions sans les connaître, ne manqua pas, comme tous les républicains d’aujourd’hui, de prendre parti pour l’étranger contre ses compatriotes. Rewbel répondit à ce partisan des Sémites, qu’on appelait alors des Africains, quelques lignes qui méritent d’être citées. Après avoir engagé le panégyriste des Juifs à aller faire un petit tour en Alsace, Rewbel ajoutait : « Votre humanité, au bout de quelques heures de séjour, vous portera à employer tous vos talents en faveur de la classe nombreuse, laborieuse et brave de mes infortunés compatriotes opprimés et pressurés de la manière la plus atroce par la bande avide de ces Africains entassés dans mon pays. »

Robespierre, fort avant dans la Maçonnerie, dont son père, Vénérable de la loge d’Arras, avait été un des zélés propagateurs en France — ce qui explique la popularité du fils — se déclara pour les Juifs.

Talleyrand, qui, ainsi que Voltaire, avait l’âme juive, fit de mène, il devinait bien, lui aussi, que les éternels ennemis du Christ étaient derrière tout ce qui se passait, il négociait avec eux pour avoir sa part dans l’immense trafic qui allait se faire sur les biens du Clergé[145].

L’assemblée, fort embarrassée, ajourna la solution. Un décret du 28 juillet 1790 statue seulement que « tous les Juifs connus sous le nom de Juifs portugais, espagnols et avignonnais, continueraient de jouir des droits dont ils avaient joui jusqu’alors et qui leur avaient été accordés par des lettres patentes. »

Le 30 avril 1791, les députés, acquis aux Juifs, revinrent à la charge, mais l’Assemblée déclare nettement « qu’elle n’entend rien préjuger sur la question des Juifs, qui a été et qui est ajournée. »

Le 27 septembre 1791, l’Assemblée eut de nouveau à s’occuper de ce grave sujet. Dupont fit habilement d’une question sociale une question religieuse et s’efforça de se placer sur le terrain de la liberté des cultes.

M. de Broglie essaya de faire mettre dans la loi : « Que la prestation du serment civique de la part des Juifs serait regardée comme une renonciation formelle aux lois civiles et politiques auxquelles les individus juifs étaient partout soumis. »

Un représentant, nommé Prugnon, que les Juifs avaient gagné, s’opposa à cette motion, sous prétexte que les lois civiles des Juifs étaient identifiées avec leurs lois religieuses. D’après Prugnon, c’était la France qui devait se soumettre aux Juifs et non les Juifs à la France[146].

L’assemblée, visiblement fatiguée de ces débats, décréta en ces termes la motion de Dupont :

L’Assemblée nationale, considérant que les conditions nécessaires pour être citoyen français sont fixées par la Constitution et que tout homme qui réunissant les dites conditions prête le serment civique et s’engage à remplir les devoirs que la Constitution impose, a droit à tous les avantages qu’elle assure.

Révoque tous ajournements, réserves, exceptions insérés dans les précédents décrets relativement aux Juifs qui prêteront le serment civique qui sera regardé comme une renonciation à tous privilèges et exemptions précédemment introduits en leur faveur.

Rewbell revint pourtant à la charge et demanda que l’Assemblée, si tendre pour les Juifs, eût quelque pitié pour les chrétiens de l’Alsace.

Les Juifs, dit-il, sont, en ce moment, en Alsace, créanciers de 12 à 15 millions tant en capital qu’en intérêts. Si l’on considère que la réunion des débiteurs ne possède pas 3 millions et que les Juifs ne sont pas gens à prêter 15 millions sur 3 millions de vaillant, on sera convaincu qu’il y a au moins, sur ces créances, 12 millions d’usure.

L’Assemblée décréta que les Juifs seraient obligés de fournir dans le délai d’un mois une justification de leurs créances, afin qu’on pût procéder à une liquidation équitable de ces créances.

Aucune suite naturellement ne fut donnée à cette mesure. Quand vous ferez rendre gorge à un Juif, vous serez singulièrement malin.


Le Juif était en France !

La nouvelle circulait de ville en ville, réveillant l’espérance dans les plus lointains ghettos, faisant éclater les actions de grâces au Saint Béni dans tous les temples, dans toutes les synagogues, dans toutes les schoules. Le 21 octobre 1793, un cantique hébreu, de Moise Enshaim, chanté dans la synagogue de Metz sur l’air de la Marseillaise, proclama le triomphe d’Israël.

Le mot mystérieux, l’incantation décisive de l’Hermès Trismegiste qu’avaient si longtemps cherché au fond de leurs laboratoires les vieux alchimistes du moyen âge penchés sur leurs hiéroglyphes, était enfin trouvé ! Pour décomposer, pour dissoudre cette France dont toutes les parcelles se tenaient si bien, quelques appels à la Fraternité, à l’amour des hommes, à l’idéal avaient été plus puissants que toutes les formules de grimoire.

L’ancienne Kabbale était finie, la nouvelle commençait. Le juif n’allait plus être le sorcier maudit, que Michelet nous montre accomplissant ses maléfices dans les ténèbres de la nuit, il se transforme, il opère en plein jour, la plume du journaliste remplace l’antique baguette. On peut briser le miroir magique, aux apparitions fantastiques de jadis succéderont des prestiges d’un ordre tout intellectuel, qui sans cesse montreront aux pauvres dupes la décevante image d’un bonheur qui fuit toujours.

Que nous parlait-on de ce naïf Shylock réclamant une livre de chair avec une âpreté de mauvais goût ? Ce n’est pas un lambeau du corps de chrétien que demande le Juif, c’est le corps tout entier, c’est le corps de centaines de milliers de chrétiens qui vont pourrir sur les champs de bataille du monde en toutes les guerres qu’il conviendra aux intérêts d’Israël d’entreprendre[147].

Qu’est-il question de quelques ducats à rogner ? Ce sont des milliards que va suer désormais le goy. On va remuer l’or à la pelle dans les banques, les institutions de crédit, les emprunts de toute sorte, emprunts nationaux, emprunts étrangers, emprunts de guerre, emprunts de paix, emprunts d’Europe, d’Asie, d’Amérique, emprunts de Turquie, emprunts du Mexique, emprunts de Honduras, emprunts de Colombie… Ces braves gens de rois d’autrefois ne savaient pas « travailler, » comme on dit en Bourse, ils avaient au fond un cœur paternel, après avoir fait de la France la première nation du monde, a ébloui l’univers de leur grandeur, construit des Versailles et des Fontainebleau, ils s’arrêtaient désespérés devant un déficit de cinquante-deux millions. Laissez faire, le Juif va nous montrer ce qu’on peut tirer des Français ; ils sont de taille à nourrir les Israélites des deux hémisphères, car Jacob est bon frère, et veut que chacun dans la famille ait part à la fête.

L’ensorcellement, d’ailleurs, est complet et le charme pleinement réussi cette fois. Par une hallucination singulière, ce serf de Juif, plus esclave que ne le fut jamais la bête de somme des Pharaons, se croit le plus libre, le plus fier, le plus malin des hommes.

Regardez-le, cependant, vous qui avez conservé votre raison, tel que cet abominable ancien régime l’avait laissé.

Ouvrier des champs ou des villes, il est tranquille sur une terre où il n’y a que des Français comme lui. Paysan, il danse le soir aux musettes, il chante ces belles rondes des aïeux dont un lointain écho parfois nous ravit dans une province reculée. Artisan, il a ses corporations fraternelles, ses confréries, où l’on se réunit pour prier pour les compagnons morts ou pour entendre la messe avant d’aller souper ensemble le jour où l’on reçoit un maître. On aime ce travail qu’on a le loisir de bien faire et qu’on relève par cette jolie préoccupation d’art qui nous enchante dans les moindres débris du passé. La milice, qui prend dix mille hommes par an et ceux uniquement qui ont le goût du régiment, ne pèse pas bien lourdement sur le pays, et c’est gaiement que le village conduit jusqu’à la ville prochaine le soldat des armées du roi.

Regardez maintenant ce Paria de nos grandes cités industrielles, courbé sous un labeur dévorant, usé avant l’âge pour enrichir ses maîtres, abruti par l’ivresse malsaine, il est redevenu ce qu’était l’esclave antique, selon Aristote, un instrument vivant, emphukon organon.

Il faut chauffer cette machine humaine, il faut que ce damné de la vie, auquel les journaux juifs ont enseigné qu’il n’y a plus de ciel, s’arrache un instant à l’affreuse réalité qui lui pèse. On a inventé l’alcool. Plus de ces bons vins frais qui quelquefois montaient à la tête, mais dont la légère ivresse s’envolait dans une chanson, à leur place d’horribles mélanges de vitriol et d’acide acétique qui donnent le delirium tremens au bout de quelques années, mais qui sur le moment galvanisent un peu l’organisme endormi.

N’importe ! l’envoûtement tient toujours. Écoutez ce malheureux, couché ivre dans la rue, qui se relève péniblement pour ne point être écrasé par la voiture d’un Rothschild, d’un Ephrussi, d’un Camondo ; il se souvient dans son délire du jargon biblique que ses exploiteurs lui ont appris à parler et il murmure : « C’est vrai, tout de même, que la Révolution française a été un nouveau Sinaï… »




III


LA RÉVOLUTION ET LE PREMIER EMPIRE




Le Juif pendant la Révolution. — David et Marat. — Le vol du Garde-Meuble. — Les tripotages juifs et le Directoire. — Napoléon Ier était-il Sémite ? — L’Empire et la Franc-Maçonnerie — Le grand Sanhédrin. — Le noble hommage rendu par les Juifs à la Papauté et au Clergé chrétien. — Ingratitude du Juif dès qu’il a été le maître. — Les outrages à Pie IX. — Ce qu’on aurait dû faire en 1806. — L’opinion de Portalis. — L’invasion juive. — Les mesures répressives. — Le décret de 1808. — Obligation imposée aux Juifs de prendre un nom. — Les noms juifs. — Mayer, Meyer et Maier. — Le recensement des Juifs sous Napoléon Ier. — Le maréchal Ney et les Juifs. — Rupture des Juifs avec Napoléon. — Rothschild après Waterloo. — Une erreur de Michelet.




La Révolution et le Premier Empire


Ou est le Juif pendant la Révolution ? — sur les routes. Il cherche un coin qui lui convienne, il pénètre par la brèche ouverte, il prend racine dans celle société dont on vient de briser les cadres. L’occasion est bonne, en effet. Dans les villes à peu près désertes et où l’échafaud a fait tomber la tête des plus honnêtes et des plus intelligents, il n’a plus à craindre cette attention vigilante dont il aurait été l’objet dans ce vieux monde où, anciens et jeunes, chacun se connaissait pour avoir prié ensemble à l’église, se tenait par mille liens traditionnels, se soutenait, s’aimait.

Dès le début, la Révolution eut, comme la République juive d’aujourd’hui, le caractère d’une invasion. L’élément français disparut, comme de nos jours, devant un ramassis d’étrangers qui s’emparèrent de toutes les situations importantes et terrorisèrent le pays. « Toutes les écumes bouillonnèrent, dit M. Forneron[148]. La Suisse nous a donné Marat, Hulin, Clavière, Pache, Saladin ; les pays Wallons ont envové Theroigne, Prolys, Cloots, Pereyra, Fleuriot, tous meneurs de meurtriers ; les déclassés de tous langages ont été accueillis comme des frères par ceux de Paris qui prétendaient fixer les destinées de la Fiance et peut-être celles du genre humain. »

À cette liste, il faut ajouter des Polonais comme Lazowski, des Allemands comme Freys, Trenck et Charles de Hesse ; des Italiens comme Gorani, Dufourni, Manini, Pio et Rotondo ; des Espagnols comme Guzman, Miranda, Maichena. Dans ce flot envahissant, le Juif passe inaperçu.

Pereyra, l’inséparable de Marat, l’ami de Gobel, qui pousse ce malheureux aux sacrilèges comédies que l’on sait, est authentiquement Juif ; d’après une tradition constante, Simon, le bourreau de Louis XVII, était Juif[149].

On a affirmé également que David était d’origine juive, comme le nom tend à le faire supposer, et l’on s’expliquerait ainsi par une haine de race les outrages prodigués au roi et à la reine par un homme que l’ancien régime avait comblé de bienfaits.

Que dites-vous de Marat ? Mara est le vrai nom. La famille a été chassée d’Espagne, elle s’est réfugiée en Sardaigne, puis en Suisse et, ne pouvant s’avouer ouvertement juive, elle s’est faite protestante. Avec la lèpre qui le ronge, la saleté au milieu de laquelle il vit, la haine qu’il témoigne pour la société chrétienne, c’est bien là en effet un fils de judaïsants, un Marane répondant aux bûchers d’Espagne par la guillotine de France.

M. Taine a certainement entrevu cela quand il a parlé des races mêlées qui ont produit cet être monstrueux, mais, lui aussi, il a tourné autour de la question. Ce qu’il a bien mis en relief, dans sa Psychologie des chefs Jacobins[150], c’est l’état mental de Marat, qui commence par la manie de la persécution pour arriver à la manie homicide.

La folie de Marat est cependant spéciale : c’est la névrose juive. Parmi les plus hardis dans leurs doctrines, nul étranger chrétien ne s’aviserait d’aller à Londres, à Berlin, à Saint-Pétersbourg, dire tranquillement : « Il faut faire tomber 270,000 têtes dans ce pays. » On n’oserait pas ; le Juif ose.

Cette audace intellectuelle, cette impudence énorme dont nous avons parlé souvent, car nous la rencontrons à chaque pas, dans les entreprises financières comme dans les entreprises politiques, ont pour base une idée imprimée dans le cerveau depuis des siècles. La religion, qui enseigne au Juif qu’il est supérieur aux autres hommes, qu’il doit anéantir tout ce qui n’est pas lui, que tout ce qui est sur la terre lui appartient, est le puissant véhicule de ces conceptions délirantes d’une forme particulière, elle est le principe premier de ces théories, elle constitue la logique secrète et invisible de ces aberrations incompréhensibles pour les superficiels.

La phrase classique « le hideux Marat » n’est juste qu’à moitié. Sans doute, la bouche sans lèvres, contractée par une sorte de trismus, est féroce, mais les yeux sont beaux ; s’ils étincellent de fureur dans le Marat à la tribune de Simon Petit, ils sont presque doux dans le portrait de Boze et dans celui de Mme Alais. Le Marat à la Bajazet, le Marat coiffé comme d’un turban de ce foulard dont le nœud forme une aigrette, ressemble à une vieille Juive d’Orient.

Regardez attentivement au musée Carnavalet le portrait qui faisait partie de la collection Saint Albin et surtout le buste en biscuit, vous apercevrez bien l’halluciné, le névropathe ; vous y découvrirez, comme dans Robespierre, d’ailleurs, comme dans beaucoup d’acteurs de ces scènes tragiques, cette asymétrie dans les deux côtés du visage qui révèle un être déséquilibré.

La cire modelée presque immédiatement après le coup de couteau de l’héroïne, par Mme Tussaud, fort habile, on le sait, dans ce genre d’ouvrage, et qu’on en chargeait ordinairement, donne la même impression. Cette fois nous avons la main, une main aux doigts effilés, qui n’est point la poigne d’un meurtrier, d’un violent, d’un sanguin qui frappe lui-même, mais d’un scélérat tout théorique. La mort a dégagé soudain sur ce visage calmé la dominante, le fond du Juif, une grande tristesse, presque touchante.

Sans doute il y avait plus d’un Juif parmi ces organisateurs de sociétés des Jacobins qui tombaient on ne sait d’où pour dénoncer, proscrire, envoyer de braves gens à la guillotine. Je ne pense pas qu’alors on ait beaucoup songé à leur demander leurs papiers.

Quand le goût de ces études sur le mouvement juif en France, dont nous ne faisons guère dans cet ouvrage que tracer le plan général, se sera répandu, de patients chercheurs auront l’idée de fouiller les archives départementales à ce point de vue, de s’enquérir de l’époque à laquelle certains habitants sont arrivés dans le pays et, dans la plupart des cas, j’en suis convaincu, ils trouveront une origine sémitique aux familles chez lesquelles la haine du prêtre est héréditaire.

A Paris, le premier soin des Juifs, pour se montrer dignes de leur émancipation, fut de se précipiter sur les diamants de la Couronne ; ils jouèrent le principal rôle dans le vol du Garde-Meuble. J’ai raconté ailleurs ce pillage du Garde-Meuble, si obscur encore, entouré de tant de mystères[151]. On croirait voir là un symbole. Le spectacle de ces trésors, patiemment accumulés pendant d’innombrables générations, couronnes royales, calices offerts par Suger, joyaux donnés par Richelieu, souvenirs magnifiques et glorieux, semés dans les ruisseaux par les fuyards, partagés à la hâte sur la berge de la Seine, enfouis dans quelque mare, trainant dans tous les estaminets, cachés sous des loques, n’est-il pas comme l’image même de tout le passé brillant de cette France, livrée aux hordes de la révolution cosmopolite ?

Comme l’affaire du Collier montée par Cagliostro, le vol du Garde-Meuble eut le caractère propre à toutes les entreprises juives ; il se rattacha par en haut à la politique supérieure de la Franc-Maçonnerie, il servit en bas à faire gagner un peu d’argent à Israël.

Les négociations engagées depuis longtemps entre les Francs-Maçons allemands et les Francs-Maçons français, pour obtenir la retraite de l’armée prussienne, restaient en suspens faute de ressources pécuniaires ; les diamants du Garde-Meuble fournirent les sommes nécessaires à acheter Brunswick.

D’Allonville, dans ses Mémoires secrets, est très explicite sur ce point[152].

La Commune de Paris, écrivait-il, ainsi que Dumouriez n’avait pas tardé à ourdir des intrigues pour essayer de sauver sa sanglante domination. Dohm, dont le nom se rencontre dans toutes les négociations occultes de la Prusse, qui, lors des insurrections de la Belgique, s’était lié avec l’abbé Tondu, journaliste alors à Horve, et depuis ministre des relations étrangères sous le nom de Lobrun ; Dohm en correspondance avec les Jacobins français par un nommé Benoît avait, dès le début de la campagne, fait comprendre à Mme de Ritz, puis à Lucchesini et à Lombard très en crédit près de Frédéric-Guillaume, les avantages qu’il pouvait personnellement tirer d’un accord secret avec la France et ceux que cette puissance procurerait à l’ennemi naturel de l’Autriche : mais la loyauté du monarque prussien et son désir de sauver la famille royale prisonnière mettaient obstacle au vœu très prononcé de ses entours à qui, d’ailleurs, il fallait de l’or et beaucoup d’or afin de les déterminer à satisfaire les désirs de ceux que les monarques avaient en horreur.

Pour franchir ce double obstacle il était nécessaire de ruiner l’armée prussienne et les lenteurs du duc de Brunswick y pourvurent ; de ramasser assez d’argent pour corrompre les ministres prussiens, et les diamants du Garde-Meuble le fournirent.

Billaud-Varennes, parti de Paris après les massacres du 2 et 3 septembre, s’était, dès le 11, rendu à l’armée et avait entamé les négociations dont les sommes promises et non encore payées retardaient seules la conclusion, 2 à 3 millions, fruits du pillage du 10 août, étaient tout ce que la Commune de Paris possédait et ce n’était pas assez. Que ne faites-vous voler le Garde-Meuble ? s’écria Panis, et la chose eut lieu le 16 septembre, par les soins de Tallien et de Danton, ce qui procura, en diverses valeurs, une somme de trente millions.

De premières ouvertures avaient facilité la fuite de Dumouriez d’une position dans laquelle il eût sans ressources été perdu ; d’autres empêchèrent qu’il ne fût déposté lors de la canonnade de Valmy ; et du 22 au 28 les négociations furent, comme nous l’avons déjà dit, suivies avec activité.

Les diamants de la Couronne alimentèrent longtemps le commerce des Juifs d’Allemagne. Danton et Fabre d’Eglantine, que Mme Roland accuse si formellement du vol, eurent leur part du pillage. Quelques Juifs subalternes qui s’étaient laissés prendre passèrent seuls en jugement.

Un des premiers individus coupables du vol du Garde-meuble, dit le Bulletin du Tribunal criminel, qui eut à subir la sanction de la loi, fut un Juif du nom de Louis Lyre, natif de Londres et âgé de 28 ans, exerçant la profession de marchand dans le quartier Beaubourg. il avait été accusé d’avoir participé au pillage commis dans les nuits des 11, 13 et 15 septembre et d’avoir vendu, dans le courant de ce mois, à un certain Moyse Trénel, des perles et des diamants, sa part dans le produit du vol. Il laissa un testament de mort, et le 13 octobre 1792, à dix heures et demie du soir, il subissait sa peine, montrant un courage et un sang froid dignes d’une meilleure cause.

Un autre Juif, demeurant rue des Vieux Augustins, Del campo, qui se faisait appeler Deschamps, fut également exécuté.

Tous les Juifs de Paris étaient dans l’affaire. Nous retrouvons dans les débats les Dacosta, toujours disposés à bien faire, Lyon Rouef, marchand forain et aubergiste, rue Beaubourg, ainsi que sa femme Leyde, Israël, Aaron Hombergue, les Anglés père et fils qui vendent au Juif Benedict Salmon une grande quantité de diamants. Ce Salmon avait déjà profité de l’occasion pour acheter 150,000 francs de perles fines. Quelques-uns paraissent avoir été plus craintifs ou plus scrupuleux que Trénel et Salmon. Nous lisons dans le Thermomètre du jour, rédigé par Dulaure et B. Chapet, à la date du lundi 24 septembre 1792.

« Une trentaine de diamants du Garde-meuble ont été remis dans une lettre au secrétaire-greffier adjoint de la Commune par les sieurs Anselme et You, Juifs, auxquels on les avait proposés pour les acheter. »

Les diamants de la Couronne, en tout cas, n’ont pas de chance avec les républicains et avec les Juifs. La première République les laisse ou les fait voler ; l’Empire et la Monarchie reconstituent ce merveilleux trésor, sous la République actuelle, le Juif Lockroy s’abouche avec les marchands au nez crochu qui se réunissent dans le sous sol du café de Suède et, pour faciliter à Israël une opération lucrative, propose et fait accepter une loi autorisant la vente de tous ces souvenirs du passé.


Ce furent les Juifs qui organisèrent le pillage des églises[153], la destruction des chefs-d’œuvre inspirés par la foi au génie de nos imagiers du moyen âge. Quelle plus magnifique occasion de satisfaire en même temps ses haines et ses cupidités, d’outrager le Christ et de s’enrichir ! Toute l’argenterie des églises, acquise à vil prix, passa entre ces mains rapaces. Le Trésor public, Cambon le constate lui-même, n’eut presque aucune part dans ces spoliations.

Souvent les Juifs achetèrent des églises entières avec une poignée d’assignats et, quand le calme fut rétabli, les louèrent très cher aux fidèles. J’ai raconté déjà comment ils avaient acheté et démoli l’église de Nicolas Flamel, Saint-Jacques de la Boucherie. Deux Juifs, Ottevuere et Stevens, se firent adjuger l’église de Saint-Leu-Saint- Gilles, dans la rue Saint-Denis, et, en 1802, la cédèrent en location aux abbés Morel et Girard qui la désservirent. D’année en année le loyer s’éleva de 3,000 à 10,000 francs. Enfin l’église fut rachetée par la Ville, moyennant 209,312 francs conformément au décret du 120 juillet 1810.

Les mobiliers d’émigrés étaient une autre occasion d’opérations fructueuses. Les membres de la Convention eux mêmes se concertaient avec des Juifs pour s’approprier les dépouilles des proscrits.

Dans les Crimes des sept membres des anciens comités de Salut public et de Sûreté générale, Lecointre, de Versailles, raconte qu’à la vente du château de Montbéliard, son collègue Bernard s’est entendu avec un Juif, nommé Trévoux, pour se faire adjuger, irrégulièrement et presque pour rien, des objets d’une grande valeur.

Il aurait en outre distrait de l’inventaire et fait emballer pour son propre compte une table en marbre bleu, des livres précieux, etc. Il se serait fait attribuer d’office, sans criées, une voiture, 18 lustres, 42 flambeaux de métal, 4 pieds de colonne.


La France corrompue et tripoteuse du Directoire offrait aux Juifs une proie presque aussi belle que la France de la troisième République.

Les Juifs, écrit Capefigue, dans son Histoire des Grandes Opérations financières, une fois Paris ouvert à leurs spéculations, y vinrent de toutes parts et y prirent de toutes mains ; ils débutèrent, d’abord timides, par le petit commerce, la fourniture des chevaux et la petite usure, l’agiotage limité sur les assignats ; ils n’avaient pas encore le pied assez ferme sur le sol pour oser la banque qu’ils laissaient aux Genevois ; ils se contentèrent d’acheter les vieux meubles des châteaux, les reliques des églises, les bijoux confisqués, de prêter quelques louis aux émigrés en échange de bonnes valeurs. Dans quelques départements, ils s’étaient établis sur le sol des cultivateurs, comme des corbeaux sur leur proie ; dans la haute et basse Alsace et dans la Lorraine, ils devenaient maîtres de la propriété foncière par des prêts sur hypothèque et des actes à réméré. A Paris, ils inondèrent les quartiers autour du Temple, devenu, en quelque sorte, leur ghetto. Qu’on les laissât marcher en liberté et dans une période de temps, ils seraient les maîtres du marché industriel et de l’argent.

Le Juif, alors moins dégrossi qu’aujourd’hui, est moitié brigand, moitié banquier ou plutôt commence par être brigand avant de s’établir banquier. C’est le temps du fameux Michel, Michel l’assassin, dont les petites filles ont fini par épouser des ducs et des princes, sans qu’ait disparu encore la sinistre légende qui s’attache à ce nom. Michel avait attiré dans un château des environs de Paris une famille d’émigrés qu’il avait égorgée pour s’emparer de l’argent et des bijoux qu’elle rapportait avec elle. Acquitté par un jury gagné, en dépit de preuves accablantes qui ont disparu avec le dossier complet de cette affaire, il n’en fut pas moins condamné par l’opinion publique.

Simon, qui entretient Mlle Lange, l’hétaïre à la mode, scandalise la ville de son faste et tout Paris bat des mains quand, au Salon de l’an VII, Girodet, dans un coin de son tableau de Danaë, représente le millionnaire en dindon gloussant et la queue en éventail.

Les Juifs cependant inauguraient cette politique qui va désormais être la leur : faire succéder à une révolution où l’on pêche en eau trouble le règne momentané d’un sauveur quelconque qui ratifie par la possession, sous un gouvernement régulier, la propriété de ce qu’on a dérobé. Le roi légitime les eût gênés alors, ils empêchèrent par tous les moyens son retour, il leur fallait un Schilo, comme l’avait été Cromwell, un Messie temporel, l’homme était tout prêt.

Napoléon était-il d’origine sémitique ? Disraeli l’a dit, l’auteur du Judaïsme en France le soutient. Il est certain que les îles Baléares et la Corse servirent de refuge à beaucoup de Juifs chassés d’Espagne et d’Italie qui finirent par se convertir au christianisme et, comme cela avait lieu en Espagne, prirent le nom des grands seigneurs qui leur avaient servi de parrain, Orsini, Doria, Colonne, Bonaparte. Michelet qui, avec son organisation de voyant, avait l’intuition de certaines choses profondes sur lesquelles il n’osait trop insister à cause de son parti, a touché ce point à deux ou trois reprises. « J’ai dit, écrit-il notamment dans son Dix-neuvième siècle, qu’un spirituel Anglais voudrait faire croire Bonaparte Juif d’origine. Et comme la Corse fut autrefois peuplée par les Sémites d’Afrique, Arabes, Carthaginois ou Maures, Maranes, disent les Espagnols, il semble appartenir à ceux-ci plus qu’aux Italiens. »

Franc-maçon certainement et très avant dans les secrets de la Maçonnerie, Jacobin farouche, ami de Robespierre jeune, Napoléon avait tout ce qu’il fallait pour jouer le rôle qu’on attendait de lui. La finance l’adopta, les Michel, les Cerfbeer, les Bedarride le commanditèrent lors de sa première expédition en Italie au moment où les caisses de l’État étaient vides. Il n’avait qu’à paraître pour que tout lui réussit : il prenait en un jour Malte l’imprenable[154], pour revenir en France faire le 18 Brumaire, il traversait tranquillement la Méditerranée sillonnée par les croisières anglaises. La Franc-Maçonnerie avait organisé autour de lui cette espèce de conspiration d’enthousiasme qui flotte dans l’air, se communique de proche en proche et finit par gagner tout un pays. Nous avons eu une répétition de cette espèce de carte forcée avec Gambetta, ce gros homme gonflé de mots qui avait été inepte et malhonnête pendant la guerre et que la France crut un moment être l’homme nécessaire.

Napoléon s’acquitta des obligations qu’il avait envers les Juifs, et s’occupa de faire entrer définitivement dans les lois l’égalité si inconsidérément accordée aux Israélites par la Constituante.

Le 26 juillet 1806, une première assemblée de députés Juifs se réunit à l’Hôtel de Ville, elle était composée des principales notabilités et de quinze rabbins sous la présidence de M. Furtado, de Bordeaux.

Un décret du 22 juillet avait chargé MM. Pasquier, Portalis et Molé de suivre, comme commissaires, toutes les affaires concernant les Juifs. L’assemblée devait résoudre un certain nombre de questions religieuses qui se résumaient en ceci : les Juifs, en acceptant les bénéfices de l’égalité, c’est à dire en entrant dans une société toute constituée à la constitution de laquelle il, n’avaient eu aucune part, daigneraient-ils modifier ce que leur religion avait de contraire à cette société ?

Le programme contenait notamment les interrogations suivantes :

1° La soumission aux lois de l’Etat en matière civile et politique est-elle un devoir religieux ?

2° La polygamie et le divorce sont-ils généralement consacrés et licites chez les Ebreux ?

3° Leur est-il permis de répondre aux appels du service militaire, de cultiver la terre, de s’occuper de travaux mécaniques ?

4° Les Juifs regardent-ils les chrétiens comme frères ou comme étrangers ?

5° L’usure est-elle autorisée à l’égard des nations étrangères ?

Les choses n’allèrent pas aussi aisément qu’on l’aurait cru. Les députés Juifs, sans caractère religieux, estimaient sans doute qu’il fallait tout promettre, quitte à ne rien tenir après, mais les rabbins paraissent avoir été animés de certains scrupules et avoir voulu défendre intégralement la vieille loi mosaïque qui n’assimile jamais le chrétien, le goy, le nacri à un Juif[155],

Un document des Archives : 44Note sur le Conseil des Ministres, séance du 5 septembre 180644, indique certaines difficultés intérieures[156].

Il y a dans l’assemblée quinze rabbins, si ce nombre ne suffit pas, on en peut faire venir trente autres. On joindrait à ces quarante-cinq rabbins trente des principaux membres de l’assemblée, et ces soixante et quinze individus formeraient le Sanhédrin, mais l’assemblée telle quelle est resterait en entier, elle serait seulement augmentée de trente rabbins nouvellement appelés… Ce grand nombre encouragerait les rabbins timides et agirait sur les rabbins fanatiques, en cas de résistance extraordinaire, en les plaçant entre la nécessité d’adopter les explications ou le danger d’un refus dont la suite serait l’expulsion du peuple juif. Ces querelles de famille conduiraient vraisemblablement au but qu’on se propose.

Mais avant de faire venir, pour mettre l’assemblée dans le cas de former dans son sein le grand Sanhédrin, un nombre aussi considérable de rabbins, il faut s’assurer si les quinze rabbins, députés actuels, seront de l’opinion des réponses faites aux questions et à quel point ils tiennent à des vues théologiques. Il serait, en effet, fort ridicule de faire venir à grands frais trente nouveaux rabbins pour déclarer que les Juifs ne sont pas les frères des Français.

Il y eut certainement force négociations secrètes pour arriver à une entente. La lettre adressée à l’Empereur, à la date du 1er avril 1806, par Molé chargé de cette épineuse affaire, en fait foi.

Ayant reçu de quelques juifs des ouvertures délicates et confidentielles, que je crois de nature à être soumises directement à Votre Majesté, j’en sollicite un moment d’audience particulière. Je la supplie de ne voir dans ma demande qu’une preuve de mon zèle ardent pour son service et de mon profond désir de seconder ses desseins dans la mission qu’elle m’a confiée.

Sire, de votre Majesté impériale et royale, le très humble,
très dévoué et très fidèle sujet,
Math. Molé.

A la suite de ces pourparlers, les réponses de l’assemblée générale des députés Juifs, conformes à celles que l’Empereur attendait, ayant été arrêtées dans les séances des 4, 7 et 12 août, M. Molé prit la parole le 18 septembre, pour annoncer la convocation du grand Sanhédrin. La mission de ce Sanhédrin, composé de soixante-dix membres sans compter le président, devait être de convertir en décision doctrinale les réponses déjà rendues par l’assemblée.

« Sa Majesté, avait dit Molé, a voulu qu’il ne restât aucune excuse à ceux qui ne deviendraient pas citoyens, elle vous a assuré le libre exercice de votre religion et la pleine jouissance de vos droits politiques, mais, en échange de l’auguste protection qu’elle vous accorde, elle exige une garantie religieuse des principes énoncés dans vos réponses. »

Les deux tiers des membres du Sanhédrin devaient être des rabbins parmi lesquels prendraient place d’abord ceux qui avaient fait partie de la précédente assemblée, les autres membres devaient être désignés par cette assemblée au scrutin secret. Le grand Sanhédrin se réunit le 4 février 1807 et ses séances durèrent jusqu’au 4 mars de la même année[157].

Elle était faite pour frapper l’imagination, la réunion, après tant de siècles, des descendants de cette race si longtemps proscrite. Pour la première fois depuis la destruction du Temple, un Sanhédrin rassemblait les membres de cette famille errante dans une ancienne chapelle qui, avant de devenir une annexe de l’Hôtel de Ville, avait été longtemps consacrée à saint Jean, le disciple bien aimé du Christ.

Les représentants d’Israël semblent avoir été émus par la solennité de ce spectacle.

Un de leurs premiers actes eut un caractère de grandeur qui n’est point habituel à ce qui sort d’eux.

Ils se rappelèrent les longues persécutions, les années innombrables qui s’étaient succédé toujours emplies d’angoisses aussi vives, toujours menacées de périls aussi redoutables. Ils se souvinrent que, pendant plus de douze cents ans, un homme seul avait constamment parlé pour eux, avait déclaré sans cesse qu’il fallait respecter la liberté de leur conscience, était intervenu auprès des rois pour protéger les persécutés, avait donné l’exemple de la tolérance en accordant aux Juifs, dans ses États, un traitement meilleur que partout ailleurs. Cet homme, toujours le même dans sa doctrine, toujours semblable dans sa bonté, cet homme qui ne meurt jamais, était le Vicaire de Jésus Christ[158]

Après tant d’années, les Juifs, enfin tranquilles, voulurent remercier le représentant du Ciel qui s’était fait si souvent l’avocat des proscrits près des puissants de la terre. Ces remerciements, les membres du Sanhédrin les formulèrent dans une adresse qui est certes une des pages honorables de l’histoire d’Israël.

Dans la séance du 5 février 1807, sur la proposition de M. Avigdor, on arrêta le projet d’adresse suivant :

Les députés israélites de l’empire de France et du royaume d’Italie au Synode hébraïque décrété le 30 mai dernier, pénétrée de gratitude pour les bienfaits successifs que le clergé chrétien a rendus dans les siècles passés aux Israélites de divers États de l’Europe ;

Pleins de reconnaissance pour l’accueil que divers Pontifes et plusieurs ecclésiastiques ont fait dans différents temps aux Israélites de divers pays, alors que la barbarie, les préjugés et l’ignorance réunis persécutaient et expulsaient les Juifs du sein des sociétés ;

Arrêtent :

Que l’expression de ces sentiments sera consignée dans le procès-verbal de ce jour pour qu’elle demeure à jamais comme un témoignage authentique de la gratitude des israélites de cette Assemblée, pour les bienfaits que les générations qui les ont précédés ont reçu des ecclésiastiques des divers pays d’Europe[159].

Ce louable mouvement n’a pas duré. Quand le Pape fut persécuté à son tour, les Juifs l’accablèrent d’outrages dans leurs journaux, ils pillèrent à Rome les effets des soldats qui étaient venus le défendre, ils organisèrent, ce qui peint la race, une ignoble émeute contre le cercueil de Pie IX.

Il convient de rapprocher la déclaration du 5 février 1807 du récit des infamies commises par les Juifs de Rome, récit fait précisément par deux Israélites convertis et devenus prêtres, les abbés Leman, qui ont publié une brochure sous ce titre : Lettre aux Israélites dispersés sur la conduite de leurs coréligionnaires de Rome durant la captivité de Pie IX au Vatican.

Le 20 septembre 1870, racontent les frères Leman, les zouaves pontificaux, défenseurs de Rome, reçurent l’ordre de Pie IX de ne plus continuer leur héroïque défense, et ils quittèrent les remparts pour se réunir, tristes, isolés, un à un, sur la place du Vatican en passant par le pont Saint-Ange. Leurs amis s’empressaient de leur apporter des vêtements civils. Or, à la tête du pont et dans tout son parcours, il y avait des troupes de Juifs qui, au milieu des clameurs et des insultes des révolutionnaires contre les zouaves, leur arrachaient, à eux-mêmes ou aux personnes qui les suivaient, les paquets de voyage, les vêtements, tout ce qu’ils pouvaient saisir, et, comme s’il s’agissait non de rapine mais de politique, les jetaient pardessus le pont dans le Tibre. Mais en bas il y avait leurs mariniers qui, avec leurs barques, recueillaient tout ce qui y était jeté.

Les Juifs pillèrent ensuite les casernes et enlevèrent tout, armes, uniformes, jusqu’à la literie et l’ameublement.

L’an dernier (1872), ajoutent encore les mêmes auteurs, il y eut, à la porte du Gésu, des scènes d’abomination et de férocité. On hurlait contre les chrétiens qui, paisibles et inoffensifs, S’étaient rassemblés pour prier ensemble. A la sortie, on les frappa. Eh bien ! Derrière ces gens qui hurlaient et qui frappaient on reconnaissait les Juifs du ghetto. On les reconnaissait ! Nous avons causé nous-mêmes avec des personnes qui les connaissaient par leurs noms et qui les ont aperçus du haut des fenêtres qui dominent la place du Gesu. Elles les ont vus lancer des balles de plomb « grosses comme des noix, de façon à provoquer l’effusion du sang et attiser la haine. »

Lorsque nous avons demandé des renseignements sur les scènes ignobles qui se sont passées devant le Quirinal et ailleurs, où les choses saintes ont été tournées en ridicule, les prêtre insultés, les madones souillées, les saintes images lacérées, on nous a toujours répondu : les buzzuri et les Juifs !

L’année dernière n’avons-nous pas vu le Juif Lévy, auteur d’un pamphlet odieux contre le Pape, faire déclarer, par le Congrès anticlérical qu’il avait organisé, que la prochaine réunion du congrès aurait lieu à Rome pour mieux braver, l’auguste captif du Vatican ?

Inexorable pour réclamer ce qu’on lui doit, Israël a une singulière façon de payer ses dettes !


En 1807, en tout cas, le cœur des Israélites débordait de reconnaissance. Les actions de grâces en hébreu votées à Napoléon semblent traversées par un souffle de poésie biblique. On croirait entendre un prophète de Sion remerciant un de ces Sin-Akké-Irib ou de ces Schal-Manou-Asir qu’on aperçoit dans les bas-reliefs ninivites précédés de grands Argyraspides et enfonçant dans la poitrine des vaincus

La roue aux dents d’acier au char écaillé d’or.

Napoléon, tous les rois ont été dissipés devant toi, leur sagesse s’est évanouie et ils ont chancelé comme un homme ivre. Au jour d’Austerlitz tu as brisé toute la force de deux Empereurs, la mort marchait devant toi et tu traçais à sa fureur le chemin qu’elle devait suivre, sans s’en écarter. Les générations passées que la mort a dévorées, que l’enfer a englouties ont dit au bruit de tes exploits : parmi les guerriers, parmi les braves, jamais aucun ne lui a ressemblé. Dieu l’a choisi pour gouverner les peuples, lui seul a fait autant de grandes choses que tous les héros des siècles passés.

En invitant les Israélites à se conformer aux lois du pays, en leur demandant « de faire tout ce qui dépendrait d’eux pour acquérir l’estime et la bienveillance de leurs concitoyens, » le Sanhédrin n’avait pu modifier ce tempérament juif sur lequel rien n’a prise, ni les mauvais procédés, ni les bons.

La lutte contre le Sémitisme, qui passa à peu près inaperçue au milieu d’un si grand nombre d’événements prodigieux accumulés en quelques années, n’en tient pas moins une place considérable dans le règne de Napoléon.

Par un phénomène, qui fera le perpétuel étonnement de l’histoire, le petit sous-lieutenant d’artillerie avait fait place soudain à un chef d’empire ayant, non pas seulement le sens de l’autorité totale, absolue, mais les traditions même des monarques d’antique dynastie. Ce parvenu, on est forcé de l’avouer, est le dernier souverain qui ait réellement gouverné la France.

Celui-là certes, pas plus que Bismarck, ne ressemble à ces rois mystiques que les fantaisistes historiens de l’école juive nous montrent poussés à la persécution par le zèle des moines. Il était exclusivement frappé du péril que faisait courir au pays cette infiltration incessante dans l’organisme social d’un élément de décomposition et de trouble.

Tous les hommes éminents de l’époque reconnaissaient, d’ailleurs, que la Constituante avait agi, dans cette question comme dans beaucoup d’autres, avec la précipitation et la légèreté qu’elle apporta à tout.

On eût pu faire sans doute quelque chose pour le Juif, s’inspirer, par exemple, de cette sagesse romaine qui distinguait entre le Citoyen romain et le Latin junior auquel on laissait la disposition de ses biens, auquel on permettait même d’étaler un luxe insolent, mais dont les richesses après la mort revenaient à l’Etat par moitié. Appliqué à des familles comme les Rothschild, ce système aurait donné d’excellents résultats et aurait fait rentrer dans le domaine public les excédants de bénéfices perçus, sans empêcher ces races mercantiles par excellence d’obéir à leur vocation pour les trafics d’argent. Rome avait encore le « Peregrinus » auquel il était défendu d’approcher de Rome, mais, aux plus mauvais jours de son histoire, l’affranchi n’était pas admis à entrer dans la curie d’une cité provinciale. Jamais le Peuple-roi n’aurait compris qu’un étranger, même naturalisé comme Spuller ou Gambetta, fût l’égal du fils des vieux citoyens qui avaient fondé la grandeur romaine.

Au moment de la réunion des députés Juifs en 1806, un jurisconsulte illustre, dont la haute et sereine intelligence était étrangère à toute influence fanatique, Portalis, se prononçait très clairement sur ce point dans un mémoire qui n’a pas moins de 39 pages et qui est un chef-d’œuvre d’impartialité et de bon sens.

L’Assemblée constituante avait cru que, pour rendre les Juifs bons citoyens, il suffisait de les faire participer indistinctement et sans conditions à tous les droits dont jouissent les citoyens français, mais l’expérience a malheureusement prouvé que si on devait pas manqué de philosophie on avait manqué de prévoyance et que dans certains milieux on ne peut se permettre de promulguer utilement de nouvelles lois qu’autant que l’on a travaillé avant tout à préparer et à former de nouveaux hommes.

L’erreur vient de ce qu’on n’a voulu voir qu’une question de tolérance religieuse dans le problème à résoudre sur l’état civil des juifs en France[160].

Les Juifs ne sont pas simplement une secte, mais un peuple. Ce peuple avait autrefois son territoire et son gouvernement : il a été dispersé sans être dissous, il erre sur tout le globe pour y chercher une retraite et non une patrie, il existe chez toutes les nations sans se confondre avec elles, il ne croit vivre que sur une terre étrangère.

Cet ordre de choses tient à la nature et à la force des institutions judaïques. Quoique tous les États aient en général un même objet, celui de se conserver et de se maintenir, chaque État en a pourtant un qui lui est particulier. L’agrandissement était l’objet de Rome, la guerre celui de Lacédémone, la culture des lettres celui d’Athènes, le commerce celui de Carthage et la religion celui des Hébreux.

C’est dans la nature d’une telle législation que les philosophes et les savants ont cherché l’explication de sa durée. On comprend en effet que, quand chez un peuple la religion, les lois, les mœurs et les usages de la vie sont la même chose, il faudrait, pour opérer quelque révolution dans les opinions et dans les coutumes de ce peuple, pouvoir changer à la fois toutes les institutions et toutes les idées reçues dont son existence se compose. Cela ne se peut, nous en avons, on quelque sorte, la preuve dans l’éternité même du peuple dont nous parlons.

La religion n’est ordinairement relative qu’aux choses qui intéressent la conscience, chez les Juifs la religion embrasse tout ce qui fonde et régit la Société. De là les Juifs forment partout une nation dans la nation, ils ne sont ni Français, ni Allemands, ni Anglais, ni Prussiens, ils sont Juifs.

De ce que les Juifs sont moins une secte qu’un peuple, il suit qu’il n’était pas prudent de les déclarer citoyens sans examiner s’ils pouvaient et s’ils voulaient même franchement le devenir ;

Il suit encore qu’il ne saurait être déraisonnable ou injuste de soumettre à des lois exceptionnelles une sorte de corporation qui, par ses institutions, ses principes et ses coutumes, demeure constamment séparée de la société générale.

En assimilant, sans précaution, les Juifs à tous les autres Français, on a appelé une foule de Juifs étrangers qui ont infesté nos départements frontières et on n’a point opéré sur la masse des Juifs plus anciennement établis en France les heureux changements que l’on se promettait du système de naturalisation qui avait été adopté. A cet égard, les circonstances présentes parlent suffisamment d’elles mêmes.

Les Juifs, à ce moment, n’avaient pas encore inauguré leur nouvelle manière, le grand mouvement financier qui sera, comme on dit « la gloire du XIXe siècle, » et qui consiste à faire aller, venir, revenir l’argent, danser et miroiter l’or, à chiffonner et à froufrouter les billets bleus de façon à ce que le regard papillotant et troublé par ces tours de passe-passe n’aperçoive pas que ce mouvement est très simple et qu’il consiste à introduire dans les poches de l’Israélite ce qui est dans les poches du chrétien, ils n’opéraient pas encore sans douleur, ils s’en tenaient au vieux jeu, à la classique usure et, délivrés de toutes les entraves monarchiques, armés de leurs droits de citoyens, ils s’en donnaient à cœur joie.

La malheureuse Alsace râlait sous le Vampire, priait, suppliait, criait, s’agitait, menaçait. Le brave Kellermann, qui avait conduit tant de charges héroïques, sentait son courage l’abandonner devant ce flot de Juifs Allemands qui s’abattaient sur l’infortunée province qu’il gouvernait.

Eperdu, il versait ses chagrins dans le sein de l’Empereur et il écrivait de Colmar, à la date du 23 juillet 1806 :

La masse des créances pour lesquelles ils ont obtenu des inscriptions est effrayante.

Les usures des Juifs sont si énormes qu’elles ont donné lieu à un délit qui ne s’était pas encore présenté dans les cours criminelles de l’Alsace. Ces cours ont eu à juger, depuis quelque temps, des causes pour de fausses quittances qu’on opposait aux Juifs dont la mauvaise foi a seule inspiré l’idée.

Les corps administratifs et judiciaires ont dû transmettre au ministre de Votre Majesté des détails plus étendus sur les maux, qui résultent de l’usure et de la mauvaise foi des Juifs.

L’empereur, avec cette attention qu’apportait aux moindres choses ce puissant cerveau qui embrassait le gouvernement du monde, non point dans son ensemble seulement, mais dans les plus minutieux détails, se faisait adresser des rapports constants sur cette question[161].

Le rapport qui lui fut envoyé à Firckenstein, le 25 août 1807, par Champagny[162], et sur lequel nous lisons : Objet urgent, renvoyé au Conseil d’État, section de l’intérieur, est incontestablement la base du fameux décret du 17 mars 1808.

Le premier moyen de prévenir ces désordres, disait le ministre, c’est de mettre l’autorité en mesure d’interdire toute espèce de trafic à l’homme qui aurait ainsi abusé de la facilité laissée par les lois pour les transactions civils. Ainsi les Juifs du dehors, sur les mœurs desquels on ne pourrait avoir de garanties positives, ne seront admis à venir trafiquer en France qu’après avoir dûment justifié de leurs facultés pour le faire honnêtement, car une présomption fondée porte à croire qu’un Juif incapable de remplir cette condition ne viendrait chercher en France qu’à exercer une industrie illicite et, sans doute, rien ne serait plus contraire aux intentions de Votre Majesté que de voir des Juifs étrangers abuser ainsi, à leur profit, de la protection qu’elle daigne accorder aux Juifs de ses Etats. Ainsi encore aucun Juif, autres que ceux faisant le commerce en gros, manufacturiers ou exploitant par eux-mêmes une propriété rurale, ne pourra faire de commerce sans être muni d’une autorisation expresse, qui sera donnée par l’administration locale, qui pourra être révoquée, et qui toujours dépendra de la certitude acquise qu’il n’abuse pas de ce commerce prétendu, pour de honteuses spéculations. Ces autorisations devront être visées lorsque le Juif trafiquera hors de son domicile, les colporteurs se trouveront soumis, à une surveillance particulière et on empêchera les juifs d’égarer la bonne foi hors des lieux où ils sont particulièrement connus.

Le décret du 17 mars 1808 était conforme à ces indications.

L’article 7 portait :

Désormais et à dater du 1er juillet prochain, nul Juif ne pourra se livrer à aucun commerce, négoce, trafic quelconque, sans avoir reçu, à cet effet, une patente du préfet du département, laquelle ne sera accordée que sur des informations précises et que sur un certificat : 1° du conseil municipal constatant que ledit Juif ne s’est livré à usure, ni à aucun trafic illicite, 2° du Consistoire de la synagogue, dans la circonscription de laquelle il, habite, attestant son bon ordre et sa probité. Cette patente sera renouvelée tous les ans[163].

L’article 16, dans le but d’arrêter le pullulement, disait :

Aucun Juif non actuellement domicilié dans nos départements du Haut et du Bas-Rhin ne sera désormais admis à y prendre domicile. Aucun Juif non actuellement domicilié ne sera admis à prendre domicile dans les autres départements de notre Empire, que dans le cas où il aurait fait l’acquisition d’une propriété rurale et se livrerait à l’agriculture, sans se mêler d’aucun commerce, négoce ou trafic.

L’article 17 stipulait, en outre, que la population juive ne serait point admise à fournir de remplaçants pour la conscription, tout Juif conscrit devait le service personnel.

Napoléon semble avoir été guidé dans ces mesures par une pensée unique, le désir de voir ses Juifs. En ceci, le sûr instinct de son merveilleux génie ne le trompait pas : Tout Juif qu’on voit, tout Juif avéré est relativement peu dangereux, il est parfois même estimable, il adore le Dieu d’Abraham, c’est un droit que nul ne songe à lui contester et comme on sait à quoi s’en tenir sur son compte, il est possible de le surveiller.

Le Juif dangereux, c’est le Juif vague, socialiste en paroles, agent provocateur, espion de l’étranger, il trompe à la fois les ouvriers qui se fient à lui, la police qui le paie et le gouvernement qui l’emploie, il pousse les naïfs dans la Commune, les dénonce ensuite aux Versaillais, s’éclipse quand on veut tirer l’affaire au clair et reparaît quand le calme s’est fait pour déclarer qu’il a souffert pour la bonne cause, c’est l’animal nuisible par excellence et en même temps l’animal insaisissable, il est fourré, en effet, dans tant de choses, qu’on ne sait par quel bout le prendre. Si vous l’arrêtez dans une émeute, il se réclame de sa patrie, la victorieuse Allemagne, qui sait faire respecter ses enfants, si vous essayez de l’expulser, il vous prouve qu’il a été naturalisé à un moment donné. Soldat de l’émancipation des peuples quand la démocratie est en haut, défenseur de l’ordre quand la réaction triomphe, il est le plus puissant agent de trouble que jamais la terre ait produit, et il traverse ainsi la vie avec la joie que donne aux Juifs la conscience d’avoir, sous des formes diverses, toujours fait du mal à des chrétiens.

Pour voir ses Juifs, Napoléon exigea d’abord qu’ils prissent des noms.

Le 20 juillet 1808, paraissait un décret concernant les Juifs qui n’ont pas de nom de famille et de prénoms fixes. En voici les principaux points :

Article 1er : — Ceux des sujets de notre Empire qui suivent le culte hébraïque et qui, jusqu’à présent, n’ont pas eu de nom de famille et de prénoms fixes seront tenus d’en adopter, dans les trois mois de la publication de notre présent décret, et d’en faire la déclaration par devant l’officier de l’état civil de la commune où ils sont domiciliés.

Article 2e : — Les Juifs étrangers qui viendraient habiter dans l’Empire et qui seraient dans le cas prévu par l’article 7 er seront tenus de remplir les mêmes formalités dans les trois mois qui suivront leur entrée en France.

Article 3e : — Ne seront admis comme noms de famille aucun nom tiré de l’Ancien Testament, ni aucun nom de ville. Pourront être pris comme prénoms ceux autorisés par la loi du 1 germinal an XI[164].

Article 4e : — Les Consistoires en faisant le relevé des Juifs de leur communauté seront tenus d’en justifier et de faire connaître à l’autorité s’ils ont individuellement rempli les conditions prescrites par l’article précédent. Ils seront également tenus de surveiller et de faire connaître à l’autorité ceux des Juifs de leur communauté qui auraient changé de nom, sans s’être conformés aux dispositions de la susdite loi.

Seront exceptés des dispositions de notre présent décret les Juifs de nos États ou les Juifs étrangers qui viendront s’y établir lorsqu’ils auront des noms et prénoms connus, et qu’ils ont constamment portés, encore que lesdits noms et prénoms soient tirés de l’Ancien Testament ou des villes qu’ils ont habitées.

Une circulaire aux préfets, signée du ministre de l’intérieur Crettet et datée du 8 septembre 1808, précisa davantage les formalités à accomplir.

Le décret du 20 juillet dernier, disait cette circulaire, impose aux Juif qui n’ont pas de noms de famille ou de prénoms fixes l’obligation d’en adopter.

Il importe que les Juifs soient informés de ce qu’ils ont à faire et que l’exécution du décret ait lieu d’une manière uniforme dans toutes les communes où il en existe.

Je vous invite à prendre un arrêté dans lequel sera imprimé le décret et qui prescrira les dispositions suivantes :

Un registre double, timbré et paraphé par le président du tribunal de première instance, sera ouvert à la mairie de chaque commune où il y a des Juifs, pour recevoir la déclaration de tous ceux qui sont Français et qui sont désignés dans les articles 1 et 5 du décret.

Tout majeur devra faire lui-même sa déclaration, les pères, et à leur défaut les

mères, la feront pour leurs enfants mineurs, les tuteurs pour leurs pupilles.

Le fils majeur sera tenu de prendre le nom de famille de son père existant, les frères et sœurs majeurs n’ayant plus ni père ni mère adopteront tous le même nom de famille.

La déclaration sera faite en ces termes :

Par devant nous, maire de la commune de……canton de…., arrondissement de……, département de…., s’est présenté Aaron qui a déclaré prendre le nom de…. pour nom de famille, pour prénom celui de……. et qui a signé avec nous le…. 1808.

Cette formule sera la même pour les Juifs qui sont dans le cas de l’article 5 du décret en substituant le mot conserver au mot prendre.

Elle sera suivie par les pères ou à défaut par les mères d’enfants mineurs et par les tuteurs avec la modification suivante qui a déclaré donner à Baruch ou à Sara, son fils ou sa fille mineure ou à sa pupille, né à le…… le nom de famille de…….

Il sera fait et reçu sur les deux registres une déclaration particulière pour chaque individu ; chacune sera signée par le maire ou par le déclarant.

Veuillez à cet effet faire ouvrir sans délai un double registre dans les communes où il en doit être établi et m’informer des mesures que vous aurez prises.

Ces registres, dont quelques-uns existent encore, seront intéressants pour reconstituer l’état civil des Juifs qui tendent de plus en plus à se perdre dans la collectivité tout en conservant, au point de vue de leurs intérêts, leur organisation distincte.

Il faut reconnaître néanmoins que, cette fois encore, la mesure du changement de nom ne fut pas exécutée comme elle aurait dû l’être.

Quand on donna des noms aux Juifs d’Autriche, sous Joseph II, on s’en remit de ce soin aux employés subalternes qui trouvèrent là une occasion de bénéfice. En payant quelques florins on avait un joli nom d’oiseau ou de fleur, un nom poétique ou de bon augure, on s’appelait brise du soir ou parfum du matin, Strauss, bouquet, Wolhlgeinch, bonne odeur, Edelstein, pierre précieuse, Goldader, veine d’or. Ceux qui ne payaient rien, en revanche, recevaient des noms ridicules ou désagréables, comme Galgenvogel, gibier de potence, Saenfer, ivrogne, Weinglas, verre à vin. En France, les Juifs furent laissés absolument libres le choisir leurs noms. La plupart, profitant de la tolérance de la loi pour les noms consacrés par l’usage, adoptèrent des noms de lieux, Lisbonne, Paris, Lyon, Marseille, les autres prirent des noms ordinaires, Picard, Flamand, Bourgeois, Clément, Laurent, beaucoup puisèrent dans le calendrier révolutionnaire et s’appelèrent Avoine, Seigle, Froment, Laurier.

Le nom le plus répandu est celui de Mayer[165]. Il est d’origine très reculée et figure dans l’Ancien Testament et dans le Talmud, il plait aux Juifs en évoquant pour eux l’image de quelque chose qui brille. Le vrai mot, en effet, est Meïr (éclatant, rayonnant), et dérive à la fois du mot or et du mot lumière.

Colin, Kahn, Kohn, Cahen sont autant de variations du mot hébreux Cohen (prêtre de la famille d’Aaron).

Les prénoms les plus usités chez les Juifs sont la traduction d’un mot hébreu : Maurice correspond à Moïse, Isidore à Isaac, Edouard à Aaron, James à Jacob, Alphonse à Adam.

La tolérance de la Restauration supprima en fait toutes les formalités qui auraient pu gêner les Juifs. Les tableaux dressés par ordre de l’Empereur, au contraire, sont des chefs-d’œuvre de vigilance, d’attention, de netteté dans les détails, ils contrastent avec le sans-gêne qui règne dans la France actuelle où chacun entre dans la patrie comme dans un moulin. Ils servent encore de plan et de modèle au comité anti-sémitique qui s’efforce de voir un peu clair dans nos affaires.

Les colonnes sont divisées ainsi : négociants, manufacturiers pour leurs commettants ; propriétaires exploitant des biens ruraux, exerçant des arts et métiers, faisant le brocantage, ayant concouru à la conscription, tombés au sort, servant en personne, remplacés, servant ou ayant servi volontairement, élèves fréquentant le écoles publiques ; relevés de créances hypothécaires.

La population juive de l’empire est répartie dans 38 départements, elle est de 78,993 individus, mais les Juifs de pays nouvellement annexés en Hollande et dans le nord ne sont point compris dans ce travail.

Le nombre des juifs est de 46,663 pour toute l’étendue de la France actuelle. On constate, dans le département de la Seine, la présence de 2,733 Israélites, on voit à quel point ils ont multiplié puisque quelques chiffres du Consistoire permettent d’en compter environ 42,000 avérés.

Lyon et le département du Rhône, qui sont infestés aujourd’hui, puisque le Juif Millaud est parvenu à s’y faire élire sénateur, sont presque intacts, on y compte en tout 58 chefs de famille faisant ensemble 495 individus. Nous lisons dans un des états que 40 familles juives se sont établies à Lyon depuis 1790, parmi leurs membres figurent 2 négociants, 2 propriétaires, 9 artisans exerçant des arts et métiers, 15 à 20 enfants fréquentant les écoles publiques.

Les Juifs adressèrent à l’Empereur supplique sur supplique pour être exemptés des rigoureuses dispositions du décret du 17 mars 1808. Les Juifs de la Gironde avaient été exemptés de suite, ceux de la Seine, sur lesquels les renseignements avaient été bons, avaient été l’objet de la même faveur.

Les états dressés à cette occasion nous fournissent encore quelques éclaircissements sur la population juive dans certains départements. Parmi les départements qui ont réclamé l’exemption sans l’avoir obtenue, nous trouvons la Moselle avec 6,506 Juifs, le Rhône 195, la Meurthe 3,489, la Meuse 405, la Côte d’Or 250.

Parmi les départements, qui ont demandé et obtenu l’exemption, figurent la Gironde avec 2,531 Juifs, les Landes 1,598, la Seine 2,733, les Basses-Pyrénées 127, les Alpes-Maritimes 303, l’Aude 4, le Doubs 86, la Haute-Garonne 107, l’Hérault 141, Seine-et-Oise 95, Vosges 345, le Gard 425, les Bouches-du-Rhône 948.

Parmi les départements qui n’ont rien demandé, nous relevons l’Allier avec 5 Juifs, l’Ille-et-Vilaine 11, le Finistère 11, le Loiret 7, Loir-et-Cher 10, Loire Inférieure 11, Marne 2, Pas-de-Calais 63, Seine Inférieure 47, Somme 14, Yonne 27, Ardennes 11, Charente 8, Charente Inférieure 70, Puy-de-Dôme 38, Haute-Vienne 29, Dordogne 1, Var 14, Vaucluse 631, Haut-Rhin 9, 915, Seine-et-Marne 132, Haute-Saône 5, Haute-Marne 44, Bas-Rhin 16, 155, Isère 4.

Les Juifs, cependant, comptaient des amis autour de Napoléon 1er. Ney, originaire de l’Alsace, était-il Juif comme on l’a souvent prétendu ? Ce nom, en tous cas, est assez commun chez les Juifs. La fatalité particulière qui a pesé sur cette famille, le mystérieux des catastrophes qui se sont abattues sur elle, me confirmeraient dans cette opinion. En tous cas, s’il faut en croire l’Allg-z-der-Jud, il portait Israël dans son cœur.

Lorsque le 10 novembre 1806, racontait ce journal, en 1865, le maréchal Ney occupa Magdebourg, il reçut la visite des autorités et des notables de la ville. Le maréchal avait demandé expressément que les notables de toutes les confessions lui fussent présentés. Après qu’ils eurent passé devant lui, il demanda s’il n’y avait point de représentant de la communauté israélite. La ville de Magdebourg, réplique un des assistants, jouit du privilège de ne point avoir de Juifs parmi ses habitants, il n’y en a qu’un ici et est toléré pour des raisons particulières. — Vous voulez parler des Israélites, repartit le maréchal, la France ne connaît pas de Juifs du reste, messieurs, là où domine la France il n’y a plus de privilèges et à partir de ce moment l’égalité des cultes est à Magdeburg l’unique principe admis.

« Il y a aujourd’hui à Magdeburg, disait en terminant le journal israélite allemand, 5,000 de nos coréligionnaires et l’un d’eux est membre du conseil municipal. »

Les Archives, qui rapportent ce fait, ne se prononcent pas nettement sur le fait de l’origine juive de Ney.

« Nous ajouterons, nous disent-elles, que Ney, originaire de Sarrelouis, a longtemps passé pour être d’extraction juive, il n’aura pas fallu beaucoup d’anecdotes comme celle que nous venons de rapporter pour lui faire cette réputation. Nous l’avons prouvé, l’affirmation de Disraeli sur Masséna parait tout au moins hasardée, elle n’est point, cependant, absolument improbable. En ce cas, le petit-fils du maréchal, le duc de Rivoli, qui a épousé récemment une Juive, Mme Heine, veuve elle-même du général duc de la Moskova, qui passait pour descendre des Juifs, aurait obéi à une sorte d’attraction de race que nous avons constatée assez souvent dans le cours de cet ouvrage. Pour le maréchal Soult, la supposition de Disraeli me parait absolument romanesque, quoiqu’il figure dans un Plutarque Juif en même temps que Jules Janin.

D’après le Petit Journal, le premier officier juif de l’armée française aurait été M. Marqfroy, mort il y a trois ans, à Biarritz, âgé de 95 ans.

Il avait fait les dernières campagnes de l’Empire et avait atteint le grade de capitaine.

Le père du défunt était propriétaire du château de Marracq à Bayonne, qu’il vendit à Napoléon 1er, et où celui-ci attira et retint le roi d’Espagne et son fils, plus tard Ferdinand VII.

M. Marqfroy, dans une audience qu’il avait eue de Napoléon 1er avait obtenu de faire admettre ses fils dans une école militaire.

Les écoles de l’Etat étaient jusqu’alors fermées aux Israélites.

Le défunt et son frère furent les deux premiers israélites admis dans, les écoles militaires de France.

Selon M. Kohn, les premiers officiers juifs auraient été MM. d’Alembert, Mardochée et Pollonais, sortis en 1809 le premier de l’École polytechnique, les deux autres de l’école Saint-Cyr[166].

Les Juifs, en présence des nouvelles mesures, se bornèrent en apparence à des doléances, mais le divorce était complet entre eux et l’empereur. Napoléon, qu’il fût ou non d’origine sémitique, personnifiait, même en matière financière, le contraire de l’esprit juif[167]. Par un contraste comme on en rencontre tant dans cet étonnant génie, cet homme si chimérique en certaines questions, ce poète en action à la façon d’un Alexandre ou d’un Antar était, dès qu’il s’agissait des finances publiques, l’économe le plus rigide, le plus méticuleux, le plus probe qu’on eût vu depuis Colbert. Pour des œuvres qui honoraient le nom français, pour des constructions, pour des encouragements aux artistes, pour des fêtes plus éclatantes que toutes celles qu’avait contemplées le monde jusqu’à lui, il jetait l’or sans compter, puis le lendemain il défendait l’argent de son peuple, l’argent des contribuables après tout, avec l’âpreté bourgeoise d’un Louis XII. Il était précisément, si l’on peut se permettre de rapprocher ces deux noms, le contraire de Gambetta, qui disait : « Prenez, pillez, creusez des déficits, je m’en bats l’œil, je ne suis pas d’ici… »

Les Juifs, abrités derrière Ouvrard, avaient profité du moment où Napoléon était occupé à gagner la bataille d’Austerlitz pour abuser de la candeur de Barbé Marbois, ministre du Trésor, et organiser à propos des bons d’Espagne le fameux coup de l’emprunt Tunisien, acheter en baisse, décider ensuite la France à garantir et vendre en hausse. On connaît la scène terrible qui eut lieu au retour, quand Barbé Marbois, sortant en pleurant du cabinet des Tuileries, dit à l’empereur : « J’espère, au moins, que Votre Majesté ne m’accuse pas d’être un voleur. — C’est bien pis, répondit Napoléon, la friponnerie est moins dangereuse encore que la bêtise : la friponnerie a des bornes, la bêtise n’en a pas. »

A partir de 1810, le Juif, qui avait soutenu jusqu’alors Napoléon et qui n’avait plus rien à en attendre de bon, se mit du côté de l’Europe. Le tout puissant Empereur eut contre lui désormais cette force mystérieuse de la finance à laquelle on ne résiste pas, même quand on est Napoléon 1er, ainsi que Léon Say, l’homme de Rothschild, le déclara un jour insolemment à la Chambre.

Admirable pour pousser, prôner, lancer, la Juiverie l’est également pour détruire ou plutôt pour miner, saper, ruiner en dessous. Quand le Juif est contre eux, chef d’empire ou simple individu, journaliste ou chanteuse d’opérette se sentent pris soudain par mille fils lilliputiens qui les empêchent d’avancer, « ils sont contrecarrés en tout, a comme l’explique si bien Disraéli, diffamés, déshonorés, démoralisés, ils ne savent à qui s’en prendre, rien ne leur réussit sans qu’ils comprennent pourquoi. Il faut, pour braver cette puissance occulte, devant laquelle Bismarck a reculé, des hommes comme Napoléon ou des écrivains au cœur droit, à l’âme ingénue qui ont médité la parole du Christ : « Heureux ceux qui souffrent persécution pour la justice car le royaume des cieux leur appartient. »

Sans doute, en entreprenant la campagne de Russie, Napoléon contribua à gâter ses affaires, mais, un peu plus tôt, un peu plus tard, la coalition financière aurait eu raison de lui.

Le futur banquier de la Sainte Alliance, Rothschild montra, lorsque l’heure du dénouement approcha, une activité sans égale, la grandeur même des événements semble avoir élevé au-dessus d’elle-même cette nature de Juif peu portée généralement aux actes d’héroïsme.

Quand le soir tomba sur Waterloo, quand l’Empereur eut essayé en vain d’entrer dans le dernier carré, Rothschild, qui guettait à Bruxelles, fut informé immédiatement de la défaite par les Juifs qui suivaient l’armée pour achever les blessés et dépouiller les cadavres. S’il arrivait le premier, en Angleterre avec la nouvelle, il gagnait vingt millions, il courut à Ostende, mais une tempête effroyable semblait rendre la traversée impossible. Perplexe un moment devant ces vagues qui déferlaient avec fureur, le banquier donna quand même l’ordre du départ.

« N’aie pas peur, aurait-il pu dire au capitaine, tu portes plus que la barque antique, tu portes l’infortune de César et la fortune de Rothschild. »

Bonaparte était mort, écrit Michelet, du siècle de fer était né le siècle d’argent par les emprunts qu’on fit pour la guerre même en pleine paix et pour toute chose. Un juif intelligent Olinde Rodrigues, au nom de Saint-Simon, écrivit l’Evangile de cette nouvelle religion.

Les Juifs, qui jusque-là étaient en République, se constituèrent en double royauté. Les Juifs allemands, plus tard ceux du Midi, créèrent deux réservoirs où se versèrent les capitaux.

Tandis que les premiers faisaient les fonds pour les armées de la Sainte-Alliance, les seconds se donnèrent au second Bonaparte.

Michelet semble indiquer un antagonisme ou du moins une rivalité. En réalité, la paix avait été signée sur les ruines de la France entre les Juifs des deux rites, toujours d’accord malgré les oscillations apparentes de la Bourse, ils allaient monopoliser l’argent de l’univers. Peuples et Rois n’étaient plus que des marionnettes dont les Juifs tenaient les fils. Les nations s’étaient battues jusque-là pour la patrie, la gloire, le drapeau, elles ne se battront plus désormais que pour enrichir Israël, avec la permission d’Israël, et pour la seule satisfaction d’Israël…




IV


LA RESTAURATION ET LA MONARCHIE DE JUILLET




Le compte de liquidation. — L’avénement des Rothschild. — La Restauration reste étrangère à tout sentiment de justice et de prévoyance. — Les banquiers français conspirent contre eux-mêmes. — La famille d’Orléans et l’amour de l’argent. — Rothschild est le vrai ministre de Louis-Philippe. — Le chef d’œuvre de Toussenel. — Les Juifs rois de l’époque. — Le Saint-Simonisme. — La philosophie financière. — Les frères Pereire. — La mort d’un bottier. — Les dernières protestations de l’esprit aryen contre l’invasion sémitique. — Le théâtre et la littérature. — Les Chrétienneries de Petrus Borel. — Le mépris du duc d’Orléans pour les Juifs.




LA RESTAURATION ET LA MONARCHIE DE JUILLET


En 1790, le Juif arrive, sous la première République et sous le premier Empire, il entre, il rôde, il cherche sa place, sous la Restauration et la Monarchie de juillet, il s’assied dans le salon, sous le second empire il se couche dans le lit des autres, sous la troisième République, il commence à chasser les Français de chez eux ou les force à travailler pour lui. En 1890, si, comme je veux l’espérer quand même, il y a encore chez nous assez de force cachée pour nous arracher à la mort, il sera revenu à son point de départ et aura restitué en bloc tout ce qu’il avait pris en détail à des gens trop hospitaliers et trop confiants.

En 1815, tous les discours superbes prononcés depuis 89, tout le sang versé sur les échafauds et sur les champs de bataille, les belles morts des hommes politiques, des héros, des héroïnes, des Girondins, des Montagnards, des Vendéens, le courage des soldats de Sambre et Meuse, des chouans, des grognards, des hussards de Lusoff, des milices écossaises, des Vergniaud, des Saint-Just, des Charrette, des Cathelineau, des Stofflet, des Lannes, des Davout, des Bessières, des Charlotte Corday, des Mme Roland, les capitales de l’Europe prises tour à tour, les charges irrésistibles de cavalerie que menaient, l’éclair aux yeux, les Murat, les Lassalle, les Montbrun, les Nansouty, les Blücher, les Ziéthen, les Platow, Valmy, les Pyramides, Marengo, Austerlitz, Waterloo, le génie de Napoléon, la rouerie de Talleyrand, la ténacité de Wellington — tout cela aboutissait à un compte de liquidation.— Ce formidable mouvement humain venait finir dans la Judengasse de Francfort. L’homme du moment était un Juif servile et rampant encore, qui disait : « y affre moyen » ou « y affre bas moyen. »

Les Aryens s’étaient entretués pendant vingt-cinq ans pour mettre au pinacle un Sémite à mine abjecte qui, pendant qu’on se battait, rognait paisiblement des ducats.

Le compte de liquidation est le triomphe du Juif. En faire ouvrir un est le rêve qu’il caresse sans cesse. Tant qu’un compte comme celui-là dure, on peut être relativement tranquille, dès qu’il est clos, il faut s’attendre à voir recommencer une nouvelle période de guerre qui en ouvrira un autre.

Centralisant entre ses mains toutes les créances particulières d’Allemagne et d’Angleterre, Rothschild mettait en même temps ses fonds à la disposition du gouvernement français, il fournissait l’argent qu’il réclamait et réclamais l’argent qu’il fournissait. Comme le maître Jacques de Volière, il changeait de rôle selon les circonstances, il était tour à tour le plus implacable des créanciers et le plus complaisant des prêteurs. Comment discuter la validité d’une créance avec quelqu’un qui vous oblige ?

Sous la pression de ce Shylock serviable, la France dut payer jusqu’au dernier sou les réclamations les plus improbables, les réparations les plus fantastiques, les dettes les plus chimériques. Tout ce que des armées de 1,500,000 hommes avaient pu causer de dommages réels ou imaginaires dans leur promenade à travers l’Europe revenait à la Restauration, mais grossi par la crasse des mains des Juifs subalternes, par lesquelles ces créances avaient passé avant d’arriver aux mains déjà plus propres, mais toujours aussi avides, de Rothschild. A l’appel d’Israël, le passé même sortait du tombeau et la France dut acquitter la solde d’un régiment de reîtres allemands qu’un principicule quelconque avait fourni à Henri IV.

Ces trafics, en apparence exclusivement financiers, avaient avantage en outre de servir puissamment l’idée juive. Les Juifs disséminés dans toute l’Europe, et auxquels on reprenait avec un bénéfice les créances qu’ils avaient achetées pour un morceau de pain, savaient qu’il y avait en France un des leurs qui traitait d’affaires d’Etat directement avec les ministres.

James de Rothschild, qui s’était installé déjà rue de Provence, n’était déjà plus le petit compagnon d’autrefois, il était baron autrichien, s’il vous plaît, grâce à M. de Metternich. Si la duchesse d’Angoulême, saisie de surprise à la proposition, s’écriait : Fi donc ! Lorsqu’on lui parlait d’admettre Mme de Rothschild en sa présence, le Nucingen qui traverse l’œuvre de Balzac avec son baragouin tudesque était déjà une manière de personnage.

Les Juifs d’outre Rhin, qui s’essayaient timidement encore, il est vrai, à prendre pied à Paris, s’habituaient à regarder la maison Rothschild comme la maison mère du judaïsme français. Avec l’esprit de solidarité qui anime la race, les Rothschild aidaient les nouveaux arrivants, leur fournissaient des fonds pour faire la petite usure, en même temps ils recevaient d’eux de précieux renseignements et organisaient cette police qui est sans égale dans le monde entier[168].

La Restauration ne vit pas le danger de cette invasion juive, que Napoléon avait si bien discernée. La Royauté n’avait plus depuis plus d’un siècle le sens de la France, elle ne comprit rien à la Révolution, ni avant ni après il lui manqua précisément ce qui, à l’origine, avait fait la grandeur et la puissance de cette Monarchie confinée au début dans l’Ile de France.

La force des premiers Capétiens avait été de s’identifier avec le génie français, de protéger les intérêts économiques du pays en même temps que d’agrandir son territoire et d’augmenter son prestige par les armes. Les derniers Bourbons n’avaient pas les goûts belliqueux, à une époque où tout le monde, bon gré mal gré, avait paru sur les champs de bataille, ils ne s’étaient pas battus une seule fois. De ces trois frères descendants de François Ier, d’Henri IV, de Louis XIV, de Louis XV même, si galamment brave à Fontenoy, aucun n’avait su exposer sa vie pour défendre son trône.

Ce qui manquait chez eux plus que tout le reste, ce qui manqua d’une façon si funeste pour nous aux monarchistes de l’Assemblée de 1871, ce fut le principe sans lequel toute monarchie chrétienne est un non-sens, l’esprit de justice. Discite justitiam moniti, dit l’Écriture… Les Bourbons avaient été avertis, mais ils n’en aimaient pas davantage la justice. S’ils avaient été justes, ils auraient fait fusiller, pour venger la conscience humaine, une douzaine de Conventionnels parmi ceux qui avaient montré le plus d’acharnement contre le malheureux Louis XVI, et ils n’auraient jamais touché à un soldat de la Grande Armée.

En toute chose ils apportèrent le même mépris de la justice. Savez-vous ce que reçut de la Restauration, sur le milliard des émigrés, le gentilhomme félon qui avait trahi son roi, abandonné lâchement une femme qui se fiait à lui, Lafayette, le principal auteur de la Révolution ? 450,000 livres de rente…

Pendant ce temps les Chouans, qui avaient tenu la campagne en attendant des princes qui ne paraissaient pas, mouraient de faim dans leurs chaumières sans toits. La famille de Cathelineau avait perdu vingt-trois des siens sur les champs de bataille et la famille de Cathelineau manquait de pain tandis que la sœur de Robespierre recevait une pension de six mille francs !

La conduite tenue envers les Vendéens par Louis XVIII, dominé par Elie, premier duc Decazes et Franc-maçon zélé, est une triste page de l’histoire de la Restauration. Par une véritable vilenie, le roi refusait de reconnaître des grades qu’il avait lui-même accordés et de rembourser les bons que les chefs avaient signés par ses ordres, pour une guerre entreprise en son nom, il ne laissait même pas à la Vendée les avantages que lui avait assurés le traité de la Jaunaie, conclu entre Charrette et le gouvernement républicain.

La veuve de Lescure et de Louis de Larochejaquelein, dit M. Crétineau-joly dans la Vendée militaire, les sœurs de ce dernier, la veuve de Bouchampa furent placées en surveillance au milieu du Bocage. On fouilla dans plusieurs demeures, on osa même, à Saint-Aubin-de-Baubigné, profaner, du contact impie de la police, la maison où étaient nés Henri et Louis de Larochejaquelein, cette maison dont les fenêtres ouvrent sur le cimetière où reposent dans leur éternel sommeil de gloire les deux frères morts pour les Bourbons.

Les conservateurs appellent cela « faire de la politique » ils prétendent qu’il faut des hommes d’une habileté éprouvée pour se livrer à cet exercice, ils arrivent ainsi à déshonorer leur cause et à se faire mettre honteusement à la porte, ce qui ne les empêche pas de recommencer à la prochaine occasion. Les monarchistes de Versailles prennent Decazes fils comme ceux de 1815 ont pris Decazes père.

La justice, encore une fois, est la meilleure des politiques. Si les Bourbons, reconnaissants des services rendus, avaient constitué à leurs fidèles Bretons de petits fiefs moitié militaires, moitié ruraux, que leurs possesseurs auraient eu intérêt à défendre, ils auraient trouvé là un centre stratégique pour réorganiser leur armée et marcher de nouveau sur Paris quand Lafayette, qu’ils avaient gorgé, les chassa encore une fois.

Les Juifs purent donc, sous la Restauration, poursuivre leur œuvre silencieuse. A la petite synagogue de la rue Saint Avoie, dont on s’était contenté jusqu’en 1821, avait succédé le temple de la rue de la Victoire, un nom de rue dans lequel les Juifs se plaisent à voir un présage.

C’est en 1818, seulement, que la question sémitique revint devant les Chambres. Un courageux citoyen, le marquis de Latter, réclama, dans une pétition, la prorogation des décrets de 1808 pour dix nouvelles années. La Chambre des Pairs prononça l’ordre du jour presque sans discussion. Lanjuinais, chose triste à dire pour une mémoire qui mérite par tant d’autres côtés d’être honorée, demanda la parole pour combattre la pétition. A la Chambre des députés la pétition eut plus de succès. Un homme de cœur, M. Paillot de Loynes, conclut au renvoi de la pétition au ministère de la justice et de l’intérieur. Après une légère discussion, la Chambre des députés adopta ces conclusions et le renvoi fut prononcé, mais des influences occultes empêchèrent qu’il fût donné suite à l’affaire.

Les Juifs, il convient de le reconnaître, montrèrent alors un grand esprit politique en faisant très peu parler d’eux. Il y eut là une période de réserve et de préparation.

Avec l’opiniâtreté de cette race, qui est une éternelle recommenceuse, les Juifs, nous l’avons dit, s’étaient installés à l’endroit même où ils étaient quand on les avait chassés au Moyen Age, rue des Juifs, puis de là ils avaient rayonné dans les environs et occupé une partie du quartier Saint-Paul. De nouveaux arrivants, venus d’Allemagne et de Pologne, se groupèrent autour du Mont-de-piété et autour du Temple, ils envahirent graduellement les paroisses Saint-Jean, Saint-François et les Blancs-manteaux jusqu’à Saint Merry, d’un côté, tandis que d’autres, franchissant la rue Saint Antoine, s’établissaient sur la paroisse Saint Gervais. Aujourd’hui, la paroisse Saint-Eustache est presque entièrement contaminée et le flot a pénétré jusque sous les arcades de la rue de Rivoli.

La ferveur régnait dans cette Kehilah renaissante. Les synagogues de la rue du Chaume et de la rue Saint Avoie étaient pleines.

Chaque samedi, la petite lampe s’allumait dans ces demeures pieuses. Pendant un an, quand mourut Mayer de Rothschild, on célébra l’office des morts tous les jours, soir et matin, dans la maison de Salomon Blücher, cousin de James, qui habitait modestement rue de l’Homme Armé.

Le Juif encombrant et bruyant d’aujourd’hui n’existait pas encore. Il n’était question alors ni d’insulter les chrétiens, ni de frayer avec les ducs. Autant, depuis 1870 surtout, affolés par le triomphe et s’imaginant déjà être complètement nos maîtres, ils ont été cyniques, grossièrement blasphémateurs, impitoyables persécuteurs, autant, sous la Restauration, ils prouvèrent qu’ils étaient capables de savoir attendre.

Il leur suffisait d’attendre, en effet. Étant donné le manque absolu de tout esprit élevé dans la bourgeoisie, il était visible qu’elle allait faire par basse envie ce que la noblesse avait fait par légèreté et par ignorance.

Le nombre des banquiers d’origine française était, à cette époque, assez restreint à Paris. « La France, a dit Toussenel, cette grande nation généreuse, est si répulsive par nature à l’ignoble trafic qui force l’homme à mentir, qu’il lui a fallu faire venir de Juda et de Genève d’infâmes mercenaires. »

En face des Rothschild, des Hope, des Baring, les Casimir Périer les Laffitte, les Ternaux, les Delessert, occupaient cependant, dans le monde financier, une situation considérable, réunis, ils auraient pu empêcher à jamais la banque juive, la banque allemande, de s’emparer des finances, d’introduire le vol sur le marché et de ruiner notre pays. Ils avaient été traités avec considération, comme ils le méritaient par leur probité, par cette royauté imprévoyante sans doute, aimant trop les Français pour soupçonner les haines que la Franc-maçonnerie attisait autour d’elle, mais si droite, si pure, si irréprochable au point de vue de l’honnêteté. Ils étaient en relations avec des ministres qui n’étaient point encore, comme ceux d’aujourd’hui, des faiseurs de coups de bourse et des lanceurs de mines sans minerai, mais des hommes irréprochables qui sortaient pauvres des affaires, en gardant souvent, pour tout patrimoine, un nom autour duquel ne s’élevait aucun soupçon.

Quelques mesquines rancunes, le désir ardent de jouer un rôle étouffèrent chez les banquiers tout patriotisme, ils commanditèrent l’opposition, ils renversèrent une royauté dont l’histoire sans doute peut juger sévèrement les faiblesses, mais qui était l’honneur même si on la compare aux gouvernements qui suivirent, qui assurait à notre nation le premier rang en Europe, qui personnifiait par tant de beaux côtés la grande et noble France des ancêtres, cette France dont le vieux roi avait mis les couleurs sur Alger conquise avant de partir pour l’exil.


Une affinité existe entre les d’Orléans et les Juifs. Tous deux adorent l’argent et ce culte commun les rapproche. Les Bourbons, vrais Aryens, ne se doutent point de ce que c’est que la valeur de l’argent, ils en empruntent quand ils n’en ont pas, quand ils en ont ils le donnent de préférence à leurs ennemis, ce en quoi ils diffèrent des Bonaparte, également généreux, mais qui aiment mieux donner à leurs amis, les d’Orléans savent ce que c’est que d’avoir, ils disent comme le poète : oportet habere.

Ces similitudes de tempérament expliquent le rôle prépondérant que joua la maison Rothschild sous la Monarchie de Juillet. En réalité Rothschild fut le premier ministre du règne et garda immuablement cette place sous des présidents de conseil changeants.

Avec le gouvernement de Louis-Philippe le règne du Juif commence. Sous la Restauration on pouvait à peu près connaître le nombre des Juifs. Les frais du culte étant à leur charge, tous étaient inscrits sur le rôle du Consistoire. En 1830, Rothschild fit abroger cette mesure et rendit tout recensement impossible, la religion de Moïse fut désormais salariée par l’État.

Comme le dit Toussenel : « il n’y avait plus de royauté en France et les Juifs la tenaient asservie. »

De ce règne des Juifs pendant dix-huit ans, un chef d’œuvre impérissable est sorti : Les Juifs rois de l’époque.

Pamphlet, étude philosophique et sociale, œuvre de poète, de penseur, de prophète, l’admirable livre de Toussenel est tout cela à la fois et ma seule ambition, je l’avoue, après de longues années de labeur littéraire, serait que mon livre pût prendre place près du sien dans la bibliothèque de ceux qui voudront se rendre compte des causes qui ont précipité dans la ruine et dans la honte notre glorieux et cher pays.

« C’est un raffiné et un délicat par-dessus tout, » m’écrivait un jour M. de Cherville, qui a des points de contact avec l’auteur de l’Esprit des bêtes, qui possède comme lui le sentiment de la nature silvaine, et mon correspondant s’étonnait, avec une naïveté qui m’étonne à mon tour, qu’un si merveilleux écrivain n’ait pas été de l’Académie, comme si un homme pouvait arriver à quelque chose quand il a toute une nation à ses trousses.

Toussenel était plus que cela, c’était un esprit que la contemplation de la Nature avait rendu profondément religieux et qui, s’il ne se fût pas perdu dans les utopies du Phalanstère, fût allé droit au Christ.

Il avait ce qu’ont eu les saints : l’amour et la haine, l’amour des pauvres, des souffrants, des humbles, la haine des coquins, des exploiteurs, des trafiquants de chair humaine.

En ce livre éloquent repasse tout le régime philippiste, plus décent d’apparence que notre République, au fond presque aussi pourri qu’elle. Tous les sâles marchandages sont là, le journal des Rothschild y est raconté dans ses cuisines malpropres et l’on y rencontre les Léon Say, les John Lemoine, les Aron, les Charmes, les Berger, les Raffalowich, les Jacquot du temps se faisant donner des candidatures officielles, des directions, des consulats, des concessions en menaçant toujours de refuser leur précaire appui, en se fâchant quand on propose de les payer non pas ce qu’ils s’estiment, mais ce qu’ils valent.

L’exploitation juive s’étale là dans tout son cynisme. On voit les ministres du roi dépensant, pour construire le chemin de fer du Nord, cent millions, somme énorme pour l’époque où l’on ignorait les gigantesques escroqueries israélites que nous avons pu admirer, puis on les entend, quand tout est fini et qu’il ne reste plus à l’Etat qu’à exploiter, offrir à Rothschild quarante ans d’exploitation pour une somme dérisoire.

Fould est là aussi, faisant concurrence à Rothschild, qui cause la mort de cent personnes par ses refus de renouveler une machine hors de service.

Ce Fould était le fils d’un décrotteur et la Biographie Alsacienne-Lorraine nous conte tout au long les curieuses origines de cette famille.

Dans le siècle dernier, dit-elle, vivait à Nancy, en grand seigneur et considéré, le banquier Cerfbeer de Medelsheim, syndic général des juifs d’Alsace et de Lorraine. Il était père de huit enfants dont quatre fils, auxquels il faisait donner une éducation large et libérale, mais qui, en véritables fils de famille, en profitaient peu et ne plaçaient leurs devoirs qu’après leurs plaisirs.

Au bas de la fenêtre du banquier se tenait un petit décrotteur juif, qui illustrait les souliers des personnes qui se rendaient chez le financier. Celui-ci remarqua cet enfant qui ramassait les papiers qu’on jetait à la rue, et s’exerçait avec un crayon à écrire et à compter. Charmé de cette application et peiné de la paresse de ses fils, il leur fit des reproches, leur cita l’exemple de ce pauvre petit orphelin abandonné, qui acquérait par lui-même l’instruction que des professeurs de toute sorte, expérimentés, chèrement payés, s’efforçaient en vain de leur donner. Puis ouvrant la fenêtre il appela le gagne-petit et lui dit : « Mets-toi là, mon enfant, tu es studieux, tu es sage, désormais tu partageras à cette table les exercices de mon fils, et espère que cela vous servira à tous. »

Ce qui fut dit fut fait, le jeune décrotteur fut installé dans l’hôtel du banquier et profita de l’instruction qu’il recevait si libéralement, devint valet de chambre, factotum de la maison, puis employé, puis caissier. Il épousa une des femmes de chambre de M. Cerfbeer de Medelsheim, et enfin voulut s’établir à son compte et fonda une maison de banque à Paris. Pour cela son bienfaiteur lui fit une avance de trente mille francs, mais ils ne suffirent pas et la nouvelle banque sombra. Une nouvelle somme de trente mille francs fut avancée, qui ne releva pas les affaires, enfin une troisième somme de pareille valeur fut apportée en poste au failli par Mme Alcan, petite-fille de Cerfbeer et nièce du général baron Wolff. Cette fois la fortune sourit aux efforts de Fould et ne le quitta plus. Il s’associa son fils Benoît, qui épousa une demoiselle Oppenheim, de Cologne, d’où la raison sociale Fould et Fould Oppenheim, longtemps connue. Ses autres fils furent Louis et Achille, l’ami et le ministre de Napoléon III, sa fille devint Mme Furtado.

Fould père est mort presque centenaire, il y a une trentaine d’années. Quant à la reconnaissance qu’il aurait dû vouer, lui et sa famille, à ses bienfaiteurs, il ne nous appartient pas d’en parler.

Dans le livre de Toussenel, la nouvelle féodalité juive est peinte de main de maître et, nous ne pouvons résister au plaisir de reproduire le terrible tableau qu’en trace l’illustre écrivain.

Montesquieu a oublié de définir la féodalité industrielle, c’est dommage. Il y avait sur ce sujet de piquantes révélations à attendre de la part du penseur spirituel qui a dit : « Les financiers soutiennent l’Etat, comme la corde soutient le pendu. » La féodalité industrielle, ou financière ou commerciale, ne repose ni sur l’honneur, ni sur les honneurs, comme la République et la Monarchie de Montesquieu. Elle a pour base le monopole commercial, oppresseur et anarchique, son caractère c’est la cupidité, cupidité insatiable, mère de l’astuce, de la mauvaise foi et des coalitions. Toutes ses institutions portent le cachet de l’accaparement, du mensonge et de l’iniquité.

Si le despotisme anarchique n’abat que les superbes et respecte les humbles, il n’en est pas ainsi du despotisme du coffre-fort.

Celui-ci envahit la chaumière du pauvre comme le palais des princes, tout aliment convient à sa voracité. Comme le mercure[169] subtil qui s’insinue par sa pesanteur et sa fluidité à travers tous les pores de la gangue pour s’emparer des plus minimes parcelles de métal précieux qu’elle renferme, comme le hideux ténia, dont les anneaux parasites suivent dans leurs circonvolutions tous les viscères du corps humain, ainsi le vampire mercantile fait courir ses suçoirs jusqu’aux ramifications extrêmes de l’organisme social pour en pomper toute la substance et en soutirer tous les sucs.

Le ton, sous le régime de la féodalité d’argent, c’est l’égoïsme qui cherche vainement à se dissimuler sous le masque d’un philanthrope hypocrite.

Sa devise est : Chacun pour soi.

Les mots de patrie, de religion, de foi n’ont pas de sens pour ces hommes qui ont un écu à la place du cœur.

Une patrie, les marchands n’en ont pas !

« Ubi aurum, ibi patria. » La féodalité industrielle se personnifie dans le juif cosmopolite.

Une religion à la hollandaise foule aux pieds le Christ et lui crache à la face pour acquérir le droit de trafiquer avec le Japonais !

Nul mieux que Toussenel n’a signalé la conquête de tous les États chrétiens par le Juif.

Le Juif, écrit-il, a frappé tous les États d’une nouvelle hypothèque et d’une hypothèque que ces États ne rembourseront jamais avec leurs revenus. L’Europe est inféodée à la domination d’Israël, cette domination universelle que tant de conquérants ont rêvée, les juifs l’ont entre leurs mains, le Dieu de judas a tenu parole aux Prophètes et donné la victoire aux fils des Macabées. Jérusalem a imposé le tribut à tous les États, le produit le plus clair du travail de tous les travailleurs passe dans la bourse des Juifs sous le nom d’intérêts de la dette nationale.

Si les Juifs allemands représentés par Rothschild avaient si vite réussi à accaparer la majeure partie de la fortune publique, il convient de reconnaître qu’ils avaient été puissamment aidés par les Juifs portugais.

L’école Saint-simonienne qui se recruta en grande partie parmi les Juifs, sans exclure cependant les chrétiens d’origine, fut certes une des plus intéressantes tentatives de l’esprit humain.

Le Saint-simonisme fut un essai du Juif pour sortir de sa prison, qui n’était plus qu’un ghetto moral, pour devenir ce qu’Henri Heine appelait un Juif libéré. Sans se rallier au christianisme, le Juif tournait la difficulté en fondant une religion nouvelle.

Sans doute, là encore, la jouissance matérielle, la satisfaction de la vie présente, l’amour du bien-être, le culte de l’argent étaient les éléments dominants, mais une velléité d’organisation sociale apparaissait néanmoins. On ouvrait aux gens de grandes visions sur l’avenir, sans aucune exclusion, je le répète, on conviait tous les fils de la famille humaine à des festins magnifiques, on faisait miroiter devant eux des perspectives de terre promise. Une part même était réservée à ces nobles sentiments de l’âme, à ces principes de respect, de foi, de fraternité sans lesquels l’homme tombe au rang de l’animal.

Artistes, penseurs, écrivains, hommes à projets, les Saints Simoniens ne blasphémaient pas salement, ils n’outrageaient pas bassement ces belles idées qui ont civilisé le monde. En tout ils étaient la négation du Judaïsme que nous voyons à l’œuvre et que l’on peut appeler le Judaïsme franc-maçonnique ou le Judaïsme gambettiste. Les Saints Simoniens se proposaient de résoudre la question sociale, le Gambettiste déclare qu’il n’y a pas de question sociale pas plus qu’il n’y a de bon Dieu. Rien faire sur la terre quand on n’est point né coulissier, rien à espérer dans le ciel. Quand Gambetta ou ses successeurs. Ferry, Tirard, Paul Bert et ceux qui les entourent sont repus, les autres peuvent se brosser le ventre sans avoir le droit de chercher une Providence absente dans un firmament vide.

Le Saint-simonisme, en outre, était profondément artiste, il avait des musiciens comme David, des critiques comme Thoré, des écrivains comme Pierre Leroux, Jean Reynaud, Buchez, Émile Chevalier, Lerminier. Le Gambettiste, ainsi que l’a très justement expliqué Zola, avait et a encore, car il n’est pas tout à fait mort, la haine du boursier pour tout ce qui est la littérature et l’art, il ne peut montrer que des valets de plume comme Laurent ou des histrions comme Coquelin.

Capefigue a discerné, avec sa pénétration habituelle, les caractères qui différencient le Judaïsme fermé du Saint-simonisme que l’on pourrait appeler le Judaïsme ouvert.

L’esprit Saint-simonien et l’esprit judaïque, écrit-il, ont cette similitude que tous deux tendent à la spéculation, à la fortune, mais le Saint-simonisme se colore, se passionne, se poétise. Il fait de la théorie humanitaire sociale tandis que le judaïsme se borne à travailler, spéculer, gagner, l’un fait briller le ducat d’or, le met sous le prisme du soleil, l’autre se contente de le mettre dans sa bourse de cuir sans se laisser jamais éblouir par le faux éclat : Est-il de bon aloi ? voilà tout ce qu’il regarde, apprécie et ce qui le fait se déterminer.

Le propre des Juifs qui ont crucifié le vrai Messie est d’essayer d’en créer de faux. Ni Bazar, ni enfantin ne se trouvèrent à la hauteur du rôle. Les Saints Simoniens non juifs suivirent leurs chimères sur tous les chemins, les Saints Simoniens juifs, comme les Rodrigues et les Pereire, en revinrent vite à l’instinct de la race et se mirent à brasser des affaires.

Les Rothschild, spéculateurs peu spéculatifs de leur nature, s’étaient gardés, on le comprend, de suivre juifs de l’école Saint-simonienne dans leurs tentatives de régénérer le monde. Dans l’immense Paris des idées et des utopies, ils ont toujours été les mêmes que dans leur maison de bois à grillage épais de la Judengasse de Francfort, ils attendent qu’on frappe à la porte pour entrouvrir le judas et demander quel gage on apporte.

Le premier projet des frères Pereire, le chemin de fer de Saint-germain, ne leur avait guère souri, cependant, comme Jacob ne refuse rien à ses frères, ils aidèrent et commanditèrent un peu leurs anciens employés.

Quand le succès fut venu, ils trouvèrent qu’il y avait vraiment quelques bénéfices à réaliser dans cette voie. Seulement, à propos du chemin de fer du Nord, ils prièrent les Pereire de ne s’occuper en rien des détails d’organisation,

Lorsque tout fut fini, quand la France eut dépensé cent millions pour faire cadeau aux Rothschild d’un chemin de fer tout neuf, James fit venir les Pereire et leur tint à peu près ce discours :

« Comme vous vous rendez peu compte de la mission de chaque race ! L’Aryen doit inventer, trouver la vapeur, par exemple, et mourir ensuite de faim dans un grenier, il doit, en outre, sous la forme de contribuables, plus ou moins nombreux, dépenser un certain nombre de millions pour ouvrir le réseau. Alors, mais alors seulement, nous autres Sémites intervenons pour palper les dividendes. Voilà comment on travaille avec le goy. N’est-il pas écrit dans le Talmud que le Juif est un homme et que ceux qui ne sont pas Juifs sont de la semence de bétail ? Le Deutéronome, au verset 11, chapitre vi, ne dit-il pas : Jéhovah, ton Dieu, te donnera des maisons pleines de tous biens que tu n’as pas bâties ? Souvenez-vous de cette leçon par amour de moi et louez le Saint Béni d’être Juifs comme moi sans quoi vous n’auriez pas un sou des sommes qui vous reviennent et que je vais m’empresser de vous verser. »

Les Pereire comprirent alors que le moment ne serait pas venu de rompre avec le Dieu de Moïse, ils se rapprochèrent Davantage de leurs coréligionnaires, mais néanmoins gardèrent dans le Judaïsme, une figure distincte et à part.

Isaac Pereire était un homme d’une haute valeur. Avec sa belle tête de patriarche, ses manières souples et dignes à la fois, il avait l’air vraiment d’un descendant de David. Les mains seules, rapaces et crochues, trahissaient la race.

Par une gaie matinée d’avril je revois encore ce grand vieillard dans ce magnifique hôtel de la rue Saint-Honoré. Devant le cabinet de travail s’étendait une large terrasse ornée de bustes, puis, après avoir descendu quelques marches de marbre, on pénétrait dans ce splendide jardin qui va jusqu’à l’avenue Gabriel et qui exerçait, sur le visiteur sortant de la rue boueuse et maussade, cette attraction particulière aux parcs urbains qu’on découvre entre deux maisons.

Sur un fauteuil, près de la table, était un adorable Pater acheté à une vente la veille. Comme j’examinais cette toile pimpante et fraîche où des gardes françaises, en sablant le champagne, lutinaient de bon cœur des soubrettes peu rebelles et des comédiennes peu farouches, le vieillard me dit de sa voix très chantante et très douce : Est-ce joli ?

Si c’était joli, lui ne le savait plus. Les yeux étaient presque complètement éteints et, pour demander une jouissance dernière à l’art qu’il avait sincèrement aimé, le possesseur de tant de merveilles passait la main pour deviner les contours sur les statues qui décoraient son parc.

Une noble vision de sérénité et de grandeur me venait à l’âme dans ce décor imposant, et considérez cependant ce que c’est que l’association des idées. Tandis que les oiseaux, mis en joie par les premiers sourires du printemps, gazouillaient dans les arbres du jardin, un souvenir obstiné me venait du bottier de mon père. Il habitait un logement haut perché dans une maison triste, sans air, fétide, de la rue Quincampoix. Un jour, ma mère m’emmena avec elle pour savoir pourquoi on n’apportait pas une paire de bottes promise depuis longtemps. Quand nous arrivâmes, dans l’escalier noir, un escalier affreux à la rampe humide que je sens toujours, tant sont vivaces les impressions enfantines, suinter sous mes doigts, tout un monde de commères, de voisins, d’ouvriers commentait la lamentable histoire du malheureux. Avec les économies de toute sa vie, il avait, par l’entremise d’un changeur juif, acheté des actions du Crédit mobilier à l’insu de sa femme, il avait tout perdu et il s’était pendu avec les cordons de son tablier de travail.

Ces menus détails ne troublaient point, je suppose, Isaac Pereire, il était fidèle cependant aux théories humanitaires de sa jeunesse, après avoir commencé par faire son bonheur à lui, il rêvait de faire le bonheur du monde entier.

Volontiers il plaçait dans la conversation le fameux aphorisme :

« Toutes les institutions sociales doivent avoir pour but l’amélioration du sort moral, intellectuel et physique de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre. »

Notez que le Saint-simonisme n’a amélioré ce sort en aucune façon, tout au contraire. Le pauvre chauffeur qui, nuit et jour debout sur sa locomotive, exposé au froid, à la chaleur, le visage fouetté par la neige et par le vent, contracte une de ces terribles maladies que la science demeure impuissante à guérir, est bien inférieur, au point de vue physique et moral, au bon villageois qui vivait paisible dans un coin de la vieille France, ne travaillait pas au delà de ses forces et s’endormait dans la mort avec l’espérance de jouir des béatitudes éternelles.

Il en est de même de la devise célèbre : « A chacun selon sa capacité, à chaque capacité selon ses œuvres. » Que de bas coulissiers juifs, de Francfort ou de Cologne, venus en France à la suite des Rothschild, et qui n’ont ni capacité, ni œuvres bonnes ou mauvaises, possèdent le superflu, tandis les des hommes, qui ont de la capacité et qui ont produit des œuvres, manquent du nécessaire !

Aucune de ces doctrines ne résiste à l’examen, et comme tant d’autres, Isaac Pereire prêchait toujours la participation sans avoir jamais fait participer à rien ceux qui l’entouraient.

Profitons de la circonstance pour faire remarquer le côté blagueur de tous ces prétendus apôtres du Progrès. Voilà, par exemple, un homme comme Isaac Pereire, qui a toute sa vie chanté l’association, la coopération, comment n’a-t il pas eu l’idée de dire : « Tiens, j’ai été journaliste et besogneux dans ma jeunesse, le journal la Liberté n’est qu’une épingle dans une pelote de cinquante millions, je vais en laisser la propriété à tous mes rédacteurs qui s’associeront pour l’exploiter en commun, il y aura là un essai intéressant. »

Ces chercheurs apparents de solutions sociales sont à mille lieues de telles conceptions. Il sont moins avancés, au point de vue du dévouement à leurs semblables, que les Romains de la décadence qui non seulement, ainsi qu’en témoignent d’innombrables inscriptions, affranchissaient leurs esclaves, avant d’expirer, mais leur laissaient de quoi vivre tranquilles. « Après ma mort, dit Trimalcion lui-même, je veux que mes esclaves boivent de l’eau libre. »

Les Pereire cependant sont relativement de braves gens. Ils vivent fort simplement et n’ont même pas, je crois, de loge à l’Opéra, ils font du bien, modérément, mais ils en font et ils le font sans bruit, de famille infiniment plus honorable et plus française que les Rothschild, ils n’ont point, comme ces échappés de ghetto, la fureur de se mettre sans cesse en avant, la grossière impudence de venir écraser de leur faste insolent des familles dont le nom est glorieusement mêlé à notre histoire. Cette attitude leur attire la considération, et, sous le rapport mondain, ils sont aussi respectés que les Rothschild, avec leurs prétentions ridicules, sont honnis, bafoués et méprisés de ceux mêmes qui les fréquentent.


Avec les idées qu’ils remuèrent, les Pereire rendirent au Judaïsme, sous le gouvernement de Louis-Philippe, l’immense service de faire sortir les Juifs de leur isolement, de les mêler de plus près à la collectivité, de bien mettre sur l’horizon la silhouette du Juif humanitaire servant en apparence la cause de la civilisation.

A la vieille usure les Rothschild avaient substitué les emprunts d’Etat, les Pereire créèrent tout un système financier nouveau, bienfaits du crédit, roulement incessant de l’argent, circulation des capitaux, ils enveloppèrent le tout d’un simulacre de philosophie et d’un soupçon de littérature : rapprochement des peuples, amélioration, suppression du paupérisme….

Sans doute les Pereire eux-mêmes n’auraient pas trouvé cela tout seuls. A leurs intimes ils montraient le crâne de Saint-Simon qu’ils avaient pieusement gardé dans leur demeure, on peut dire que ce crâne était un emblème. De ce malheureux crâne vidé, gratté, curé, raclé par les deux frères, étaient sorties toutes les idées de Crédit foncier et de Crédit mobilier, toutes les étiquettes de sociétés qui ont enrichi Israél au XIXe siècle.

Le mérite des banquiers de la rue Saint-honoré fut de voir ce qu’on pouvait tirer de ce thème. Ils fournirent ainsi aux Juifs allemands cette petite histoire, ce romanacero pacifique ou guerrier qu’il faut toujours raconter à l’Aryen pendant qu’on lui prend son magot, la musique nécessaire pour accompagner l’extraction des molaires.

Cette mise en scène n’était pas inutile.

L’envahissement du Juif, en effet, subi docilement aujourd’hui, soulevait alors de violentes protestations.

L’école romantique, qui avait ressuscité littérairement l’ancienne France, redressé beaucoup d’idées fausses, reconstitué avec leur couleur et leur relief les mœurs d’autrefois et l’existence des générations disparues, avait pu se rendre compte, dans son étude du passé, des raisons qui justifiaient la répulsion de nos aïeux pour le Juif.

Dans Victor Hugo, l’épithète d’immonde est presque toujours accolée au nom du Juif.

La société française protestait énergiquement contre l’ennemi qui allait la détruire par la ruse. Tout Paris, révolté par le luxe de mauvais goût que commerçait à afficher Nucingen, battait frénétiquement des mains à la scène de Marie Tudor, où Fabiani-Delafosse disait à Lockroy Gilbert : « Ils sont tous ainsi, ces Juifs. Le mensonge et le vol c’est tout le Juif. »

A l’inauguration du chemin de fer du Nord quelques fanatiques essayèrent de crier : « Vive Rothschild ! Mais aussitôt des sifflets et des huées se firent entendre. A Versailles, la foule s’amassait, en éclatant de rire, devant la Smalah d’Abdel-Kader où Vernet avait représenté Fould sous les traits d’un Juif s’enfuyant avec la cassette.

En ce temps-là on osait ce que personne n’oserait maintenant. On attaquait ouvertement Rothschild, on publiait et on vendait à 75, 000 exemplaires des brochures amusantes et spirituelles qui contiennent d’étonnants détails sur les tripotages de la Juiverie.

Cela s’appelait : Histoire édifiante et curieuse de Rothschild le roi des Juifs, — Rothschild Ier, ses valets et son peuple, guerre aux fripons, etc., et faisait la joie d’un Paris encore indépendant. Les Etrennes à Rothschild, Almanach des mille et un, avaient le même succès.

Il faut mentionner encore dans cet ordre une piquante brochure, parue en 1846, dont toutes les prédictions se sont réalisées et qui semble raconter des événements d’aujourd’hui. Elle avait pour titre : Grand Procès entre Rothschild 1er, roi des Juifs, et Satan, dernier roi des imposteurs : arrêt rendu sur le réquisitoire de Junius, rapporteur général. A la première page, on lisait : Arrêt donné au Forum en faveur de J. Rothschild, se disant roi des Juifs, ci-devant huissier des cours d’Europe, fermier général des travaux publics de France, d’Allemagne, d’Angleterre, etc., etc., suzerain de l’escompte, de l’usure, du prêt sur gages, de l’agiotage, etc., financier, industriel, décoré de l’ordre du Christ, de l’ordre de la Légion d’honneur, etc., etc.

Pour le maintien des privilèges légitimes, monopoles, omnipotence universelle de la maison Rothschild et en particulier dudit James Rothschild Ier.

Dès 1835, avait paru un ouvrage d’un nommé Renault Becourt, dont nous n’avons pu rencontrer que le prospectus, car les Juifs font disparaître tous les livres où ils sont jugés un peu sévèrement.

L’ouvrage était intitulé : Conspiration universelle du Judaïsme, entièrement dévoilée, dédiée à tous les souverains d’Europe, à leurs ministres, aux hommes d’Etat et généralement à toutes les classes de la société menacée de ces perfides projets.

L’auteur signalait déjà l’envahissement progressif qui a pris depuis quinze ans de si formidables proportions.

Depuis l’affranchissement des Juifs de France, disait-il, leur nombre s’est tellement accru que, dans les villes de province où l’on en comptait à peine quelques centaines, ils sont présentement comptés par milliers. De quoi ne se sont pas emparé leurs vues usuraires ? Dans quel genre de commerce n’ont-il pas par leurs ruses sourdes et savamment combinées fait échouer une foule de négociants respectables ? Demandez aux malheureux qui jouissaient, autrefois d’une fortune suffisante oû sont passés leurs biens.

Il est certain que le bien des Français qui, de riches sont devenus pauvres, a dû passer quelque part. Les juifs n’étant pas, que je sache, arrivés couverts d’or du fond de l’Allemagne, il est évident, en dépit de tous les nouveaux systèmes d’économie politique, qu’ils ont dû prendre où elles étaient les richesses dont ils s’enorgueillissent.

Les Juifs, qui ont maintenant à eux la presse presque entière, sauf quelques rares exceptions, n’avaient encore acheté que la Presse, les Débats, le Constitutionnelet le Siècle, qui refusèrent les annonces des brochures désagréables à Rothschild.

Les journaux indépendants de tous les partis, la Réforme, le National, la Démocratie pacifique, le Corsaire Satan, l’Univers, la Quotidienne, la France, rédigés par des plumes vaillantes et françaises, accablaient, de leurs mordantes épigrammes, de leurs révélations indignées, ces Turcarets gonflés d’écus. C’est en vain que les Archives israélites prenaient le ciel à témoin des vertus d’Israël, la terre répondait en racontant ses méfaits.

Au mois de juillet 1845, un esprit charmant, un peu tourné vers l’étrange, mais d’une originalité exquise, Pétrus Borel, écrivait un véritable chef-d’œuvre dans le Journal du Commerce, à propos d’une représentation donnée à grand renfort de réclames, par Rachel et la tribu des Félix, il traitait de haut en bas, avec une fine insolence de lettré, dont la plume laisse des bleus sur la peau comme une cravache de gentilhomme toute cette bande de bohémiens et de chanteurs des rues, qui avait fini par prendre le haut du pavé à Paris.

« Le Juif est de plus en plus envahissant, écrivait-il, sans se douter à quel point il était prophète, dans l’art comme dans la cité, le temps n’est pas loin oû cette race jadis proscrite et brûlée nous aura tellement décimés et soumis que nos villes n’auront plus que dans un petit coin de leurs faubourgs une chrétiennerie où seront relégués dans l’opprobre et dans la misère les restes des derniers chrétiens, comme au moyen age elles avaient chacune une juiverie où pourrissaient les derniers débris de la Judée.

Pauvre malheureux ! Les Juifs, selon leur coutume, le poursuivirent toute la vie, ils le traquèrent comme une bête fauve, il était déjà agonisant lorsqu’ils parvinrent à lui arracher le petit emploi qu’il occupait en Algérie, où il s’était réfugié pour les fuir. Grâce à leurs intrigues, Pétrus Borel, le grand écrivain, mourut d’inanition !

Il y eut là, encore une fois, un mouvement très curieux de défense contre le Sémitisme, sur lequel la place nous manque pour insister comme il conviendrait. Quelqu’un se trouvera, sans nul doute, pour consacrer à ce sujet un chapitre qui sera instructif et pour lequel des renseignements nouveaux seront fournis, cette question, en effet, qui sommeille depuis près de trente ans, ne fait que de rentrer dans la discussion, l’accaparement de tous les journaux par les Juifs l’empêche même de se développer.

Les historiens du XIXe siècle reviendront sur tout cela comme on revient sans cesse sur certains épisodes oubliés ou mal connus du xviiie et du XVIIIe siècle. Quand on étudiera ce point, la plupart des journalistes du règne de Louis Philippe, à quelque opinion qu’ils appartiennent, apparaîtront dans un très beau rôle, très prévoyants, très perspicaces, très politiques, absolument dédaigneux de l’argent que les députés et les hommes d’Etat acceptaient sans honte des Rothschild et des Fould.

Le duc d’Orléans était très frappé aussi de cette invasion d’un nouveau genre et se proposait d’y mettre ordre. Ce prince, si facile d’abord, si affable pour tous et qui traitait les artistes en camarades, ne voulut jamais recevoir Rothschild à sa table. En 1842, quand le baron manifesta le désir d’assister aux courses de Chantilly, le duc d’Orléans refusa de l’admettre dans sa tribune.

Un passage très significatif de l’éloquent auteur des Juif Rois de l’époque, nous montre quels étaient les sentiments du Prince royal sur ce point[170].

Sire, le Prince royal, votre fils bien-aimé, gémissait amèrement des empiétements de cette puissance insatiable des juifs, de ces Juifs, disait-il, qui violentent le pouvoir, écrasent le pays, et font remonter vers le trône innocent les malédictions du travailleur obéré.

Il songeait, dans ses rêves de royauté future, à s’affranchir d’un honteux vasselage, à briser cette nouvelle féodalité si pesante pour les rois et pour les peuples, mais il ne se dissimulait pas les périls de la lutte. Peut-être la royauté succombera-t-elle en cette lutte, disait-il un jour à l’un de nous, car ces banquiers se feront longtemps encore, contre le roi, une arme de l’ignorance de ce même peuple que le roi aura voulu servir ils irriteront ses souffrances par leur presse menteuse, ils videront de nouveau leurs ateliers sur la place publique, ils lanceront contre le palais leurs serfs inoccupés, et pour endormir la fureur de ce peuple, après qu’ils l’auront déchaînée, ils lui jetteront à dévorer une royauté de plus. Je sais que de rudes éventualités nous attendent, mais il n’y a déjà plus à reculer devant les dangers de la guerre, car les dangers de la paix sont plus imminents encore… Il faut que, sans plus tarder, la royauté d’aujourd’hui reprenne le peuple aux Juifs, sinon ce gouvernement périra par ses Juifs.

Le comte de Paris connaissait-il ces nobles paroles lorsqu’il y a quelque temps encore, il s’asseyait avec sa famille à la table de Rothschild, lorsque sa fille faisait ses premiers pas dans le monde à Ferrières ? Quel début pour une fille de France !




V


LA DEUXIÈME RÉPUBLIQUE ET LE SECOND EMPIRE




Crémieux et Goudchaux au pouvoir. — Rothschild sauvé de la banqueroute. — La France change de Juifs. — Le règne des Juifs du Midi. — Pereire, Mirès et Solar. — Retour offensif des Juifs allemands. — L’organisation de la guerre. — Le tentateur tenté. — Mgr Bauer. — Le Juif allemand est partout à la fin de l’Empire. — La dépêche de l’agence Wolff et la déclaration de guerre.






LA DEUXIÈME RÉPUBLIQUE ET LE SECOND EMPIRE



La Révolution de 1848 est la seule en France qui n’ait point été agréable aux Juifs, en attendant celle qui leur sera infiniment moins agréable encore, la bonne, celle qui sera faite contre eux.

Le coup de pistolet de Lagrange faillit bien faire sauter la banque juive, mais comme les grecs qui ne s’asseyent jamais à la table d’écarté qu’avec un roi ou deux de rechange dans la poche de leur gilet, les Rothschild ne se mettent au jeu qu’avec deux ou trois hommes d’État juifs dans la manche. Le vrai roi tombé sous la table, le banquier étala brusquement sur le tapis, devant la galerie qui n’y vit que du feu, un joli lot de rois tout neufs : Crémieux et Goudchaux. Je crois bien qu’il y avait un brelan et que Marie était aussi d’origine juive.

Le premier a joué un rôle assez important dans la Juiverie, un rôle assez néfaste dans notre histoire, pour que nous lui consacrions un chapitre spécial. Goudchaux tripotait dans la petite banque, il exploitait les commerçants parisiens gênés, avec l’aide secrète de Rothschild ; il escomptait ce qu’on nomme, je crois, des broches. C’était une manière de Tirard ; du fabricant de bijoux faux, ministre des finances de la troisième République, qui égare si facilement cent millions au prêteur sur gages de la deuxième, la différence est peu sensible[171].

D’après les Archives israélites (année 1863), ce ne serait que sur les supplications du gouvernement provisoire que Goudchaux aurait daigné accepter le Ministère des finances. Il ne faut voir là, je pense, qu’un nouveau trait de l’effronterie juive, la houtzpa. Ces abaissements, habituels à nos républicains d’aujourd’hui, n’étaient pas dans le caractère des républicains de 1848. Arago a pu faire cette démarche, mais notre glorieux Lamartine, qui reste si grand malgré ses erreurs, avait l’âme trop désintéressée pour tremper dans ces manœuvres ; avec la candeur des Aryens, il laissa Goudchaux s’introduire dans le gouvernement pour garantir les intérêts de la Juiverie, mais il n’eut pas la pensée d’avilir devant la banque israélite le peuple qui venait de briser un trône[172].

Chacun, du reste, demeura fidèle à son rôle. Lamartine, devant les périls de la Patrie, s’écria : « Sauvons la France ! » Goudchaux s’écria : « Sauvons Rothschild ! »

La situation de Rothschild était critique, et il emplissait les antichambres de lamentations non sur ce qu’il perdait, mais sur ce qu’il manquait de gagner. Nulle victime n’était moins intéressante ; ainsi que Capefigue nous l’explique[173], il avait soumissionné, en 1847, un emprunt de 250 millions ; de novembre 1847 à février 1848, il avait pu placer cet emprunt en réalisant même, les cours en font foi, un bénéfice modeste de 18 millions de francs.

Avec l’avidité qui le distinguait, Rothschild n’avait pas trouvé ces 18 millions dignes de lui ; il avait gardé les titres en portefeuille. Quand la Révolution éclata, il refusa cyniquement de verser les 170 millions qu’il devait encore, il fit purement et simplement banqueroute. Il n’est point nécessaire, en effet, d’être très versé dans les questions financières, pour comprendre que la chance de gagner implique qu’on accepte le risque de perdre.

La conduite du gouvernement était toute tracée, il n’avait qu’à empoigner ce banqueroutier et qu’à le déposer à Mazas qui justement venait d’être construit.

Le bon Goudchaux, vous le devinez, se garda bien d’agir ainsi, il considérait comme valable la théorie de Rothschild que la parole donnée au goy n’engage pas le Juif. Non seulement il admit en secret cet homme, qui venait de manquer à ses engagements envers l’Etat, à une nouvelle . émission de 43 millions de rente 5 pour cent à d’excellentes conditions, mais encore il poussa l’amabilité jusqu’à lui fournir les fonds nécessaires au service de l’emprunt grec.

Ici Capefigue tombe frappé d’admiration et nous nous expliquons ce sentiment[174]. Dans l’histoire, je connais peu d’épisodes plus amusants. Le peuple est tout noir de poudre, il meurt de faim sur les pavés qu’il a remués, tous les ateliers sont fermés ; enfin il est vainqueur, il est émancipé, il a assuré la liberté du monde, il a réussi.… à quoi ? À mettre au Ministère des finances un obscur changeur juif : le Goudchaux. Au milieu de tant de misères suppliantes, une misère seule frappe l’âme sensible de l’enfant d’Israël ; dans le Trésor à sec, il trouve moyen de ramasser quelques fonds et il les porte lui-même à M. de Rothschild. Voilà, Lockroy, la comédie que tu aurais dû faire ; tu nous aurais divertis davantage qu’avec le Zouave est en bas.…

Proudhon, d’un mot rude et juste, définit la Révolution de 1848 : « La France, dit-il, n’a fait que changer de Juifs. »

Peu s’en fallut, cependant, que cette Révolution n’eût une influence considérable sur l’avenir de la France. Dès la proclamation de la République, les paysans du Haut et du Ras-Rhin, si cruellement pressurés, s’étaient précipités sur les demeures des Juifs ; à Heyemheim, notamment, ils s’étaient remis en possession de tout ce qui leur avait été dérobé. Traduits devant le jury à Strasbourg et à Colmar, ils furent acquittés au milieu des acclamations et portés en triomphe.

Devant le jury de Colmar, M. de Sèze, avocat à la Cour d’appel, défendit ces accusés, plus intéressants que les victimes, avec un merveilleux talent et flétrit les Juifs dans une des plus énergiques harangues qui aient jamais retenti dans un prétoire français.

Malheureusement le mouvement était isolé, aucun comité anti-sémitique n’existait alors pour permettre à tous les opprimés de s’entendre et d’agir en commun, et la tentative d’émancipation des chrétiens n’eut pas de suites.

Fould maria d’abord la Juiverie avec l’Empire, et, en sa qualité de ministre d’État, maria ensuite l’Empereur et l’Impératrice en prononçant, sans doute, in petto, toutes les formules de malédictions que contient le Talmud sur l’enfant qui devait naître de ce mariage et qui fut l’infortuné Prince Impérial.


Au début de l’Empire, la Juiverie allemande, représentée par Rothschild, s’efiiaça un peu pour laisser le champ libre à la Juiverie bordelaise représentée par les Pereire, les Millaud, les Solar. Le Juif Mirès entre en scène.

Les Juifs du Midi déployèrent les qualités particulières à leur race et que nous avons déjà constatées : le brio, le bagoût, le mouvement. Avec eux l’or, qui s’entasse lugubrement dans les caves de Rothschild comme ramené par le râteau silencieux d’un croupier invisible, sonna, tinta, brilla avec des splendeurs de féerie et des bruits de chanson ; il accompagna, comme le refrain de Marco, la période joyeuse de ce règne qui devait finir dans d’épouvantables catastrophes.

Au roulement des écus s’unissaient les ronflantes déclamations sur le règne de la civilisation, l’ère des progrès, l’amélioration des cités et la moralisation des individus par le gaz.

Pour revoir ce spectacle véritablement éblouissant, si proche de nous par la date, et qui semble déjà perdu dans le lointain des âges, vous n’avez qu’à relire les beaux discours dans lesquels les tripoteurs et les satisfaits d’aujourd’hui flétrissaient ces scandales, ces déchaînements d’appétit, cette déification de la richesse, opposaient à ces corruptions l’austère image de la future République qui réduirait les dépenses, proscrirait le népotisme, respecterait le domicile de chacun !

Un livre d’un grand écrivain, qui du moins, lui, est un honnête homme, les Manieurs d’argent, résume ce mouvement, comme le livre de Toussenel avait résumé le mouvement du règne de Louis-Philippe.

Toussenel, cependant, avait eu le courage d’indiquer le rôle prépondérant du Juif dans ces hontes. M. Oscar de Vallée a laissé ce point dans l’ombre. Le temps avait marché, en eflet, et le Juif était devenu un adversaire qu’on ne pouvait pas braver sans danger. Cette lacune, néanmoins enlève à l’ouvrage toute signification précise et en fait une déclamation à la Sénèque plus qu’une étude prise sur le vif de la société française.

Malgré tout, cette première phase eut une allure pittoresque, un entrain endiablé. Le Juif du Midi n’est pas éloigné de croire que l’Aryen a le droit de manger quelquefois ; il se frotte de lettres comme le Bordelais se frotte d’ail, il n’est point incapable d’apprécier un article de journal.

Le Constitutionnel, ce Voltaire de l’époque, le Pays, ce Paris de l’Empire, ouvrirent leurs caisses à des écrivains qui n’étaient pas sans talent. Millaud fonda l’Histoire qui tomba avant lui et le Petit Journal qui survécut à son neveu Alphonse. Sans avoir les nobles allures des Fermiers généraux, qui s’appelaient Lavoisier ou Beaujon, qui créaient la chimie ou fondaient des hôpitaux, les traitants de l’Empire se plaisaient à la société des artistes, ils furent même littérateurs à leurs heures ; à Solar, qui faisait jouer Clairon et Clairette, Millaud ripostait en donnant au Palais-Royal Ma Nièce et mon Ours.

À quelques-uns, comme à Solar, la fortune était venue sans qu’ils fissent grand chose pour la conquérir, en vertu de cette force secrète, qui amène l’argent au Juif comme le fer à l’aimant. À certains jours, l’auteur de Clairon et Clairette paraissait comme embarrassé de ses millions. Qui ne connaît le mot mélancolique de ce millionnaire malgré lui : « Paix et peu, telle a toujours été ma devise, j’ai toujours vécu dans le bruit et j’ai fini par avoir trop. »

Français déjà à demi, avant la Révolution, les Juifs de Bordeaux s’entouraient de Français ; leurs convives s’appelaient Dumas père, Ponsard, Albéric Second, Méry, Monselet.

Contents de vivre, ils faisaient construire des palais et restauraient de vieux châteaux lorsque les Juifs allemands frappèrent à la porte de la salle du banquet et leur dirent : « Frères, il y a dix ans que vous êtes à table, vous devez être rassasiés, si vous nous laissiez entrer à notre tour. »

Pour les inviter au départ, on pressa légèrement sur la place à l’aide des capitaux allemands. Pereire, qui avait écrasé Mirès, fut à moitié écrasé par Rothschild et l’on vit intervenir sur le marché les banquiers d’Outre-Rhin.

Pour remuer les grosses affaires il faut un levier, un thème. Les Rothschild, à leur première manière, avaient joué des emprunts d’État, les Pereire et les Mirès, en faisant appel aux souscriptions publiques, avaient vidé les petites bourses. Les uns s’étaient appuyé sur la paix sans phrases, la paix à tout prix ; c’était l’époque où courait le mot célèbre : « Nous n’aurons pas la guerre, le roi y est décidé, mais M. de Rothschild n’en veut pas. » Les autres avaient soutenu dans leurs journaux une sorte de paix intermittente, philosophique en même temps, réunissant dans un groupe idyllique les nations sœurs enfin réconciliées, ouvrant des Expositions universelles.

La paix était usée, les Juifs allemands comme base d’opération prirent la guerre ; ils organisèrent, sous des apparences militaires, la plus vaste et la plus admirable spéculation financière qui ait jamais été essayée et réussie.

Qui ne connaît cette célèbre entrevue où, sur la terrasse de Biarritz, Méphistophélès-Bismarck vint tenter l’Empereur en lui offrant des royaumes à partager[175] ?

Le tentateur lui-même avait été tenté, il avait succombé et conclu le pacte. Le Juif, qui est aussi subtil que le Diable, avait été trouver Méphisto et lui avait montré l’Alsace comme Méphisto montrait à Napoléon iii les bords du Rhin.

N’est-elle point toujours d’actualité la fameuse scène du Second Faust ?

— Nous n’avons point d’argent pour payer nos troupes, nos États sont en pleine révolte et notre Chancelier ne sait où donner de la tête ; ainsi parle l’Empereur, comme s’il racontait la situation critique de la Prusse quand le Parlement refusait de voter les impôts.

— Qu’à cela ne tienne, répond le Malin ; pour faire sortir l’argent des entrailles de la terre, il suffit de créer du papier monnaie.

Alors a lieu une fête qui ressemble assez à l’Exposition universelle de 1867, où, comme dans le Second Faust, on voit apparaître la Belle Hélène, et soudain le maréchal entre tout en joie, annonçant que tout va le mieux du monde ; le général vient dire aussi que toutes les troupes ont été payées ; le trésorier s’écrie que tous ses coffres regorgent de richesses.

— C’est donc un prodige ? dit l’Empereur.

— Nullement, dit le trésorier. Pendant que cette nuit vous présidiez à la fête, sous le costume du grand Pan, votre Chancelier nous a dit : « Je gage que pour faire le bonheur général, il me suffirait de quelques traits de plume. » Alors, pendant le reste de la nuit, mille artistes ont rapidement reproduit quelques mots écrits de sa main, indiquant seulement : ce papier vaut dix ; cet autre vaut cent ; cet autre vaut mille, ainsi de suite. Votre signature est apposée, en outre, sur tous ces papiers. Depuis ce moment, tout le peuple se livre à la joie, l’or circule et afflue partout ; l’Empire est sauvé[176].

La scène de Goëthe nous donne à peu près le scénario des événements de 1870. Les Juifs offrirent à Bismarck tout le papier monnaie dont il avait besoin et, pour échanger le papier monnaie contre des espèces sonnantes, ils firent réussir la guerre de France, car la France était le seul pays où il y eût de l’argent « dans les entrailles de la terre. »

La préparation de cette guerre fut admirable de tous points, je le répète. L’Allemagne, en réalité, eut peu de chose à faire et les agents de Stieber, le chef de la police de Berlin, qui lança sur nous des armées d’espions, trouvèrent la besogne toute faite ; le Juif livra à l’Allemagne la France toute garrottée.

À partir de 1865, tout est envahi par le Juif allemand ; le Juif allemand est le maître en tous les endroits où la vie sociale se manifeste. Le Juif Offenbach, uni au Juif Halevy, raille dans le général Boum les chefs de l’armée française. L’excellent père Kugelmann tient cette imprimerie incessamment traversée par les allants et venants, qui causent tout haut et qui livrent toujours, à des oreilles toujours tendues, une nouvelle intéressante, un renseignement utile. Son voisin, Schiller, a à lui les organes plus sérieux, comme le Temps. Wittersheim a l’Officiel ; Dollingen et Cerf, deux Juifs, tiennent les journaux par les annonces. Les correspondants juifs, les Lewita, les Lewisohn, les Deutch, les Jacob Erdan, arrivent à l’heure de la mise en page dans les cabinets de rédaction, s’installent dans un bon fauteuil, lisent les épreuves avant les écrivains et recueillent tranquillement sur leurs carnets tout ce qu’on dit de vive voix et ce qu’on n’écrit pas.

Regardez vers le quartier où l’on travaille : le Juif Germain Sée, en dépit des courageuses pétitions de M. Giraud au Sénat, démoralise la génération qui grandit, en enseignant le matérialisme à la jeunesse. Tournez-vous vers les endroits où l’on s’amuse, et, sous les palmiers en zinc de Mabille, vous apercevrez le Juif Albert Wolf, causant familièrement avec le colonel Dupin et se faisant expliquer, par l’ancien chef des guerrilleros au Mexique, sur lequel il a publié un intéressant article, les côtés faibles de l’armée française.

Entrez aux Tuileries, c’est Adrien Marx qui occupe l’emploi de Racine et qui est historiographe de France ; c’est Jules Cohen qui dirige la musique de la Chapelle ; c’est Wadleufel qui conduit l’orchestre des bals de la Cour. Les Archives israélites demandent qu’on nomme professeur de mathématiques du Prince Impérial un Juif de Bohême nommé Philippe Koralek.

Pénétrez dans la retraite sacrée dont nul, pas même l’Empereur, ne franchit le seuil, vous y verrez une femme agenouillée devant un prêtre et lui confiant ses anxiétés de souveraine et de mère à propos de la guerre qui se prépare.

Ce prêtre est le Juif allemand Jean-Marie Bauer. Jamais, depuis Cagliostro, l’interlopisme juif, qui produit cependant de si curieuses figures, n’a produit un type aussi complet, aussi digne d’intéresser l’écrivain qui, plus tard, s’efforcera de peindre notre siècle étrange.

Un beau matin, ce converti suspect arrive dans cette France dont le clergé, par la hauteur de son esprit, la profondeur de sa science, la dignité de sa vie, est l’admiration du monde entier ; il se met en tête de supplanter le vénérable abbé Deguerry, aumônier de l’Impératrice depuis de longues années, d’occuper ce poste de confiance de préférence à tous les prêtres du pays et il réussit…

Parvient-il à son but à force d’hypocrisie, en affichant d’apparentes vertus ? Nullement ; sa devise à lui, comme à tous les Juifs, est qu’on peut tout se permettre avec les Français ; il organise ces fameux lunchs ecclésiastiques où assistent les futurs conseillers de Paul Bert, ceux qui chantent sans doute avec un prélat connu pour son républicanisme :

Notre paradis est un sein chéri.

Habillé par Worth, il porte un costume de charlatan, il étale un luxe de dentelles qui fait rêver les femmes.

Le siège commence : cet acrobate à bas violets chausse les bottes à l’écuyère, il est aumônier général des ambulances, il galope aux avant-postes, et ses cavalcades l’entraînent toujours si près de l’ennemi qu’il aurait le temps de lui jeter quelques renseignements utiles sur la ville assiégée.

Quand tout est fini, il éclate de rire au nez de ceux qu’il a dupés ; il jette sa robe de Monsignor dans les coulisses d’un petit théâtre, il inspire des publications pornographiques sur les cocodettes du second Empire, il parade à l’Opéra où les plus grands seigneurs admettent ce prêtre indigne dans leur loge ; l’après-midi, vous le rencontrez à cheval au bois de Boulogne, où il fait le salut militaire à Gallifet qui, d’un geste de la main, lui renvoie une bénédiction épiscopale. Enfin, légèrement démonétisé, il finit par aller se marier à Bruxelles[177].

En choisissant un pareil intrigant pour confesseur, la pauvre femme qui a payé si cruellement tant d’imprévoyance obéit au sentiment général, qui éloigne de plus en plus ceux qui ont une action sur les affaires du pays de tout ce qui est Français, de tout ce qui sort du sol.

Vous connaissez le mot de d’Aurevilly. Quelqu’un disait devant lui : Oh ! moi, si je me confessais, je ne voudrais me confesser qu’à Lacordaire. — Monsieur a la prétention d’avoir des remords distingués ? s’écrie l’illustre écrivain catholique.

L’infortunée souveraine avait, elle aussi, des remords distingués.

En d’autres milieux, on avait l’amour des théories vagues, des paradoxes sentimentaux, des spéculations nuageuses.

Quelques mois avant la guerre, Michelet entonnait dans Nos fils, un hymne ardent à « sa chère Allemagne ! » dont il regrette d’être séparé par le pont de Kehl ; il rêvait de faire de ce pont une espèce de pont d’Avignon où tous les peuples danseraient en rond.

Ils sont tous ainsi. Généraux, écrivains, tous se confessent aux Juifs.

Vous avez vu le colonel Dupin, regardez le colonel Stoffel. Lui aussi il reçoit la visite d’un Juif qui vient en sondeur, comme on dit dans l’argot des voleurs. Lisez ce que le colonel mande à Pietri et vous verrez bien à l’œuvre le Juif entremetteur, tâteur de terrain, moitié espion et moitié négociateur.

Le lieutenant-colonel Stoffel écrivait à M. Pietri, à la date du 20 novembre 1868, pendant que M. de Moltke, exécutait son fameux voyage d’étude sur nos frontières.

Je vous disais, dans ma dernière lettre, que j’avais d’assez curieux détails à vous donner ; voici la chose : M. B…, dont j’ai parlé plus haut, est un banquier important de Berlin, correspondant de Rothschild et homme d’affaires de Bismarck. Parti de bas, il est parvenu, à force de constance et de sens pratique, à se faire une position considérable. C’est le seul Juif que Bismarck reçoive familièrement, le seul chez qui il consente à dîner. Il l’emploie comme chasseur aux renseignements, lui donne certaines missions de confiance, etc., etc. Chose à noter dans l’histoire des gouvernements prussiens qui se sont succédé depuis cent ans, ils ont presque tous employé un Juif (déjà du temps de Sieyès), comme instrument plus ou moins occulte. Celui dont je vous parle, sans être précisément un intrigant, aspire à jouer un rôle et à prendre la place de ses devanciers, parmi lesquels le Juif Ephraïm brille au premier rang. Ajoutez que c’est un homme doux, de formes bienveillantes, avec lequel je vis en relations assez suivies et cordiales. Or donc, M. B…, après avoir passé huit jours à Varzin, chez Bismarck, est venu me trouver tout dernièrement, et, si je vous conte les détails de notre entrevue, c’est que tout me porte à croire qu’il était chargé de me sonder ou de connaître mon avis. Il eut soin, comme préambule, de me demander le secret le plus absolu sur notre conversation, et me raconta ensuite longuement ses derniers entretiens avec Bismarck et les dispositions où il avait trouvé celui-ci.

Le ministre, me dit M. B…, désire la paix plus ardemment que jamais ; il fera tout son possible pour la conserver ; il est d’autant plus sincère en s’exprimant ainsi qu’il explique lui-même pourquoi le Nord ne peut ni ne doit désirer aujourd’hui l’annexion des États du Sud ; que l’unité de l’Allemagne se fera tout naturellement d’elle-même, tôt ou tard, et que sa mission à lui, Bismarck, n’est pas d’en hâter le moment, mais bien de consolider l’œuvre de 1866, etc., etc. De tous côtés, on se demande s’il n’existe aucun moyen de rétablir la confiance entre la France et la Prusse, aucun moyen de rassurer les esprits en Europe et faire cesser cette affligeante stagnation des affaires. Une entrevue de l’Empereur avec le roi Guillaume serait regardée par beaucoup de gens comme le moyen le plus efficace d’atteindre ces résultats. Il en a été question à Varzin, et les personnes de l’entourage de Bismarck cherchent à connaître son avis sur la possibilité d’une telle entrevue. Ses intimes m’ont dit qu’il serait enchanté qu’elle pût avoir lieu, mais il ne se dissimule pas que, pour y amener l’Empereur, il serait nécessaire que lui (Bismarck) et le roi s’engageassent à donner des garanties sérieuses, nettement exprimées (par écrit, me disait le banquier), celle de ne rien entreprendre en vue d’arriver à une union avec le Sud. En fin de compte, M. B… m’a demandé ce que je pensais des dispositions de l’Empereur à accepter ou à refuser une entrevue avec de telles garanties données[178].

La confiance de tout ce monde vis-à-vis du Juif était inimaginable. Savez-vous à qui le colonel Stoffel, qui cependant connaît les Juifs, s’adressait pour faire parvenir aux Tuileries ses dépêches secrètes ? au Juif prussien Bleichrœder.

Il faut absolument, écrit-il à Piétri à la date du 20 novembre 1868, que vous me fassiez savoir, par deux mots jetés à la poste, si vous avez reçu un envoi jeudi dernier 19, dans la soirée. C’était un travail pour l’Empereur et un autre pour le ministre, tous deux contenus sous un même pli à cinq cachets, que j’avais confié à M. Bleichrœder, banquier de Berlin se rendant à Paris[179].

Benedetti était à Berlin le locataire d’un Juif auquel, du reste, il oublia en partant de payer son loyer ; c’est ce qu’il a fait de plus spirituel dans sa carrière diplomatique.

La Correspondance slave a raconté, en 1872, comment un patriote tchèque avait remis à M. de Gramont un travail d’un considérable intérêt sur une alliance austro-française. M. de Gramont ne trouva rien de mieux « que de donner ce document à un Juif allemand qui se hâta, naturellement, de le publier dans les feuilles allemandes, au grand profit de son ami Bismarck. »

Dans de telles conditions, l’écrouloment n’a rien qui puisse surprendre ; il fut un coup de Bourse comme la catastrophe de l’Union générale. Tous les appuis étaient sciés d’avance et la Juiverie européenne étant d’un côté et la France de l’autre, il était facile de prévoir qui succomberait.

Tout faillit cependant manquer au dernier moment. Souverain humanitaire, homme au cœur profondément bon, être doué d’une faculté de voyant que neutralisait l’absence de volonté aggravée, cette fois, par une maladie terrible, Napoléon iii résistait tant qu’il pouvait à la pression de l’Impératrice qui, aiguillonnée par le Juif Bauer, s’écriait : « C’est ma guerre ! » Monarque chrétien, Guillaume sentait sa conscience troublée en pensant aux cent mille hommes qui, aujourd’hui, cultivaient la terre tranquillement et qui, dans un mois, quand une parole aurait été prononcée, seraient couchés morts sur les champs de bataille. Jusqu’à l’heure suprême, l’impératrice Augusta fut près de lui une suppliante de la paix ; on dit même qu’elle se jeta une dernière fois aux pieds de son mari, quand tout semblait fini, pour le conjurer de tenter un dernier effort.

Guillaume fit ce que certes l’Empereur n’aurait pas fait ou plutôt n’aurait pu faire à sa place, la candidature du prince de Hohenzollern au trône d’Espagne fut retirée.

Les Juifs allemands désespérés tentèrent le coup de la fausse nouvelle, qui leur a presque toujours réussi, le coup du Tartare, comme on dit chez Rothschild. Une agence juive, l’agence Wolff, annonça que notre ambassadeur avait été grossièrement insulté par le roi de Prusse, et vous voyez d’ici l’entrain avec lequel la presse juive française renvoya le volant.

« On a manqué de respect à notre ambassadeur, on a souffleté la France, mon sang bout dans mes veines ! » ainsi s’écriaient ces républicains qui, aujourd’hui, reçoivent tous les coups de pied diplomatiques, en disant : grand merci[180] !

Quoi qu’il ne soit que le prélude des choses étonnantes que nous allons désormais recueillir à chaque instant dans cette histoire de France, qui n’est plus que l’Histoire juive en France, le fait de cette guerre, déclarée sur une dépêche de Bourse, mérite d’attirer l’attention. Il dit bien l’état psychologique de ce pays, qui n’a plus pour base des institutions traditionnelles, qui est en l’air, soumis à toutes les influences atmosphériques, tantôt montant en haut comme un ballon que le vent soulève, tantôt tombant à plat comme une baudruche dégonflée…


VI


LE GOUVERNEMENT DU 4 SEPTEMBRE. — LA COMMUNE
LA TROISIÈME RÉPUBLIQUE




Les Juifs du gouvernement de la Défense nationale. — L’austérité des Picard. — La continuation de la guerre. — Spuller le Badois et Steenackers le Belge. — Les deux souverains juifs. — Gambetta et Crémieux. — L’intervention d’un troisième Juif. — Les espions juifs pendant la guerre. — Les Juifs pendant le siège. — L’entrée des Prussiens à Paris — Une Bourse dans un camp. — L’ouvrier parisien. — La Commune. — Simon Mayer et la colonne de la Grande Armée. — Comme les hommes de la Restauration, les conservateurs de l’Assemblée de Versailles sont étrangers à tout sentiment de justice. — La répression est à la fois implacable et injuste. — Le talisman des petits papiers. — Les mœurs de la haute démocratie. — Les catholiques se font niaisement l’instrument des haines des hommes du 4 Septembre. — Le duc de Broglie et son ignorance de la réalité. — La curée juive en Allemagne et en France. — Paris, dépeuplé par la Commune, est repeuplé par les Juifs. — Les faux Alsaciens. — Les Juifs prennent la direction du mouvement républicain. — Le manifeste du commerce parisien. — Les Castries et les Sina. — Les idées du comte d’Arnim. — Une insolence de la baronne de Rothschild. — L’embarras de M. Decazes. — Le rétablissement de la Monarchie. — Le comte de Chambord n’a pas voulu régner. — Le 16 Mai. — Le manque d’énergie du gouvernement. — Le testament politique de Fourtou. — Waddington ambassadeur des Juifs. — Le congrès de Berlin. — Les Juifs en Roumanie. — La France chassée de l’Égypte. — Le règne de Gambetta. — Les Juifs préparent une nouvelle guerre contre l’Allemagne. — La grande affaire. — L’attitude du prince de Bismarck. — Roustan entre en scène. — L’expédition de Tunisie. — Nos pauvres soldats. — Le Crédit foncier Tunisien et le fez de Mustapha. — La vertu de Floquet. — Ou cherche de nouveau querelle à l’Allemagne. — L’affaire de la rue Saint Marc. — La dangereuse folie de Déroulède. — La fête de Sedan. — Gambetta disparaît. — L’archi-mime Ferry. — Le Tonkin. — La recherche de l’or. — Toujours les sociétés financières. — Lang-Son. — La convention avec les chemins de fer. — Les chemins de fer sénégalais. — Impuissance absolue de la politique juive. — Le Tohu va bohou talmudique. — La solution de la question sociale.




LE GOUVERNEMENT DU 4 SEPTEMBRE. — LA COMMUNE
LA TROISIÈME RÉPUBLIQUE


Le 4 Septembre, comme ou devait s’y attendre, mit au pouvoir les Juifs français : les Gambetta, les Simon, les Picard, les Magnin, auxquels, s’il faut en croire M. de Bismarck, qui passe généralement pour assez bien informé, il faudrait joindre Jules Favre. C’est un financier juif, Edmond Adam, qui prend possession de la préfecture de police. Camille Sée, le secrétaire général du ministère de l’intérieur, est Juif.

L’ouvrage de M. Busch, le Comte de Bismarck et sa suite pendant la guerre de France, est très explicite à ce sujet. Le 10 février, en parlant de Strousberg, le ministre dit :

Presque tous les membres ou au moins beaucoup de membres du Gouvernement provisoire sont Juifs : Simon, Crémieux, Magnin et Picard, qu’on ne croyait pas Juif, et très probablement aussi Gambetta, d’après le type de son visage ; j’en soupçonne même Jules Favre.

Nous ne savons jusqu’à quel point le fait est exact pour Jules Favre, en tout cas il semble vrai pour Picard. Un Picard figure parmi les députés des notables juifs en 1806. Parmi les Juifs reçus à l’école Polytechnique en 1882, les Archives israélites mentionnent un Picard Berheim, — le fils de l’éditeur du manuel anti-français de Paul Bert. On sait le rôle joué dans l’affaire Tunisienne par le Juif Weill Picard.

Ce n’est pas, comme le prétend M. Henri Rochefort, à un calcul de Napoléon iii, fort au-dessus de ces petitesses, c’est à l’intervention énergique de Fould et de la Juiverie que le frère d’Ernest Picard avait dû de sortir d’un fort mauvais pas[181].

La situation était très simple. La France a passé son existence de nation à gagner des victoires éclatantes et à subir d’affreuses défaites, elle a eu tour à tour Tolbiac, Bouvines, Marignan, Rocroy, Denain, Fontenoy, Austerlitz, Iéna, Solférino et Crécy, Azincourt, Poitiers, Pavie, Rosbach, Waterloo ; elle n’avait qu’à faire ce qu’elle avait toujours fait dans des circonstances analogues, à signer la paix, à soigner ses blessures, à dire : « Je serai plus heureuse une autre fois. »

C’est ainsi que Bismarck, qui raisonnait d’après les principes du sens commun, avait compris les choses. Ainsi qu’il l’a déclaré à maintes reprises, notamment à M. Werlé, maire de Reims[182], il comptait signer la paix à Reims ; après quoi chacun serait rentré chez soi, les uns avec un pied de nez, les autres avec des lauriers, ainsi que cela se voit depuis le commencement du monde.

Deux milliards, c’était bien maigre pour les Juifs, qui traînaient après eux tout un personnel d’affamés, auxquels on avait promis les dépouilles de la France.

Il se produisit alors un des faits qui restera le plus singulier du xixe siècle et, on peut le dire, de tous les siècles. Un monsieur, né de parents restés Italiens, à peine Français lui-même, puisqu’il n’avait opté pour la nationalité française qu’au dernier moment et avec la certitude qu’une infirmité le dispenserait de tout service, doublement étranger, puisqu’il était Juif, et qui, en tout cas, ne représentait que les douze mille électeurs qui l’avaient nommé, vint dire :

« Mon honneur est tellement chatouilleux, mon courage est d’une essences si rare, que je ne puis consentir à ce qu’on fasse la paix et que, de mon autorité privée, je veux continuer une guerre à outrance. »

Dans les civilisations les plus rudimentaires, chez les Cafres et chez les Boschismans, il y a, dans les cas graves, un semblant de consultation du pays ; on demande à la tribu réunie : « Êtes-vous d’avis de prendre vos arcs, vos flèches ou vos tomahawks ? »

Les rois chevelus consultaient leurs leudes, Charlemagne consultait ses pairs ; sous l’ancien régime, on réunissait les États généraux dans les circonstances critiques. À force de marcher dans la voie du progrès, comme on dit, on a rétrogradé au delà des Cafres et, durant cinq mois, un aventurier génois envoya les gens se faire casser les bras et les jambes, pendant qu’il fumait des cigares exquis, et cela sans que nul ne s’avisât de protester.

Il est vrai que Gambetta avait eu un mot spirituel, de cet esprit un peu grossier, particulier aux Juifs, mais qui n’en porte pas moins.

« Comme je vous regarde tous comme des imbéciles, avait-il dit au peuple français, je vais, sur trente-huit millions de citoyens français, choisir un Badois comme secrétaire du gouvernement de la Défense nationale. »

Nul Français non plus ne fut jugé digne, même pour la défense de sa Patrie, de garder le secret de ces dépêches télégraphiques qui avaient alors une importance si considérable ; on choisit un homme qui était né à Lisbonne ; ajoutons que c’était de parents Belges, au dire de Vapereau.

Si l’histoire veut plus tard chercher la trace d’un de ceux qui ont joué le rôle principal dans ce qu’on a appelé, par antiphrase sans doute, le gouvernement de la Défense nationale, elle n’aura qu’à ouvrir le livret du Salon à la rubrique : Sculpteurs et graveurs étrangers sur médailles ou sur pierres fines, elle trouvera là : Steenackers (François-Frédéric), né à Lisbonne, M. H.

Il y eut en réalité, pendant cette période, deux souverains juifs : Le Taïkoun et le Mikado. L’un, Gambetta, s’occupa des intérêts financiers d’Israël, fit les emprunts et les marchés, logea les Juifs dans des places, où, comme Esquiros à Marseille, ils pussent s’enrichir rapidement ; l’autre s’occupa des intérêts généraux de la race et des Hébreux du dehors.

L’émancipation des Juifs d’Algérie, en pleine invasion, mit dans tout son relief le caractère juif, implacablement indifférent à tout ce qui n’est pas de la famille. Nous traiterons cette question à fond au livre iv.

Phénomène plus surprenant encore et qui marque bien l’affaissement du tempérament français ! Pas un de ces officiers, qui allaient se faire tuer pour le bon plaisir des Juifs, n’eut l’idée de monter chez ce vieux youtre, de le secouer dans la légendaire robe de chambre à ramages jaunes qu’il mettait pour haranguer les troupes du haut de son balcon et de lui dire :

« Misérable vieillard, nous avons abandonné le Père commun des fidèles pour venir faire notre devoir en France, nous avons sacrifié toutes nos préférences, toutes nos sympathies, tous nos souvenirs, nous obéissons à des drôles échappés de tous les cafés, vomis par tous les bouges, sortis de tous les cloaques, à des Spuller, à des Pipe-en-Bois, à des repris de justice comme Bordone, à des Polonais équivoques comme de Serres, et tu ne penses qu’à diminuer encore le peu de forces qui nous restent pour affranchir quelques abjects marchands de dattes et de pastilles du sérail ! »

Quand Gambetta et Crémieux eurent fait leur tâche, Jules Simon vint à Bordeaux annoncer qu’il était temps de représenter la grande pièce des cinq milliards pour laquelle l’emprunt Morgan n’avait été qu’un simple lever de rideau.

On a prétendu qu’on ne saurait jamais ce qui s’était dit dans cette entrevue de Bordeaux ; il n’est point malaisé cependant, d’après les faits, de deviner quel a été le canevas du discours. C’est la méthode de Tite-Live.

« Frère, a dû dire Jules Simon, tu t’en es assez donné toi et tes amis, cède la place aux Juifs allemands qui attendent impatiemment leur part de curée ; tu reviendras avec un autre tour dans ton sac et après avoir personnifié merveilleusement, par ton bouillant courage, la guerre à outrance, tu personnifieras avec tes qualités d’organisation et tes connaissances en géographie l’espoir de la revanche. »

Remarquez que dans ces conférences, où se décide le sort de la France, le Français originaire, le Français natif, le fils des Français, qui ont défriché le sol, fait la Patrie, n’intervient en aucune façon. Le dialogue se poursuit entre deux Juifs étrangers ; l’un est Italien et descend d’Allemands qui s’appelaient Gamberlé, l’autre est Suisse, s’appelle Schweizer de son nom primitif, Suisse de son nom d’acte de naissance, Simon de son nom littéraire[183]. Ni le premier, ni le second, n’ont reçu pour gouverner aucune espèce de mandat.

Il ne déplaît pas à l’imagination de se figurer les vrais représentants du pays, qui paye, qui combat, qui meurt, attendant dans une antichambre la fin de cette entrevue israélite.

— J’ai trois de mes enfants tombés pour la Patrie, dit un vieillard à cheveux blancs, faut-il sacrifier le dernier ? Je suis prêt.

— Faut-il aller soigner des blessés ou des varioleux ? interroge la Sœur de Charité ; j’attends vos ordres en priant Dieu pour vous.

— Grand merci, dit Jules Simon, que l’étude de la philosophie a rendu civil ; une prière cela ne fait jamais de mal.

— Dieu ! de quoi ? Est-ce qu’il y a un Dieu ! exclame Gambetta, en s’élançant vers la porte, avec ce mouvement de cavalier seul à la fois ondulant et chaloupeux, qui lui valut ses premiers succès à Bullier. Je me carapatte, je me cavalle, je m’esbigne pour l’instant, mais je reviendrai. Et toi, béguine, prends garde à toi ; je t’en ficherai des congrégations ; n’en faut plus ! Il y a des Jésuites, des Dominicains, des Frères, qui sont allés ramasser les mourants sous les obus pendant que je me brûlais les tibias au feu, je les ferai chasser de leurs cellules ; pour mieux témoigner mon mépris pour le pays, pour mieux déshonorer l’armée, je forcerai des officiers français à venir en grand uniforme pour prendre au collet des religieux et des vieillards.… Là-dessus, bonsoir la compagnie ! Vive le vin et vivent les filles ! Et en route pour Saint-Sébastien !..…

Sous toutes les formes, le Juif ainsi servit Bismarck. L’espion de la Prusse, à Metz, était un commerçant du nom de Mayer, — encore un ! — Découvert par les soldats français, qui brisèrent tout dans sa boutique, il se pendit. L’Allemagne ne fut guère embarrassée pour le remplacer. « On nous fait remarquer, disait le journal le Nord, à la date du 19 août 1870, que la plupart des espions prussiens pris en Alsace sont Juifs. Cet ignoble métier ne saurait être mieux exercé que par les enfants de cette race dégradée qui a eu cette exécrable fortune de produire en Judas le type le plus achevé de la perfidie et de la trahison. » Selon le Journal de Rouen, Régnier « n’était qu’un Juif prussien, paré pour la circonstance d’un nom français. »

L’Illustration nous a peint sous de saisissantes couleurs le Juif allemand dans son rôle d’espion pendant la guerre.

Le Juif, disait ce journal, dans un numéro du 27 septembre 1873, a été le fléau de l’invasion.

Tant que dure la bataille, le Juif reste en arrière. Il craint les coups.

Mais l’ennemi a-t-il fui, le champ de bataille est-il libre, alors le Juif allemand accourt.

Là il est maître et roi. C’est à lui qu’appartiennent tous ces cadavres. Ce n’est pas impunément que le soldat le désigne sous le nom caractéristique de corbeau.

En toute tranquillité, il dépouille les morts, il va de groupe en groupe. À le voir ainsi penché, courant, éperdu, avide, on dirait un parent qui cherche un frère, un ami. Il ne cherche que de l’or. Parfois on entend un gémissement, c’est un blessé qui supplie, mais le corbeau a bien le temps vraiment de s’arrêter pour de semblables vétilles. N’a-t-il pas une mission à remplir ?

Car il ne faut pas oublier ce côté, le digne personnage est fonctionnaire de l’État, il fait partie de l’organisation allemande, il ne se contente pas de voler, c’est là le côté personnel ; il est espion.

C’est le corbeau qui, après la bataille perdue, portera au quartier général tous les papiers trouvés sur les officiers supérieurs.

On voit que ce n’est pas là une sinécure ; d’ailleurs, là ne se bornent pas les fatigues. Il faut aller au-devant de l’armée, s’enquérir des ressources de chaque village, prendre des informations sur la situation et les forces de l’ennemi.

Quelquefois lorsqu’il est pris le Juif est fusillé, mais cela arrive bien rarement. D’abord, à cause de cette inexplicable passion qu’il nourrit pour sa triste personne, il prend toutes ses précautions et ne se hasarde qu’à bon escient. Ensuite, si malgré toutes ses ruses, il tombe dans un piège, il en est quitte pour opérer plus en grand. Il trahit les Allemands comme il espionne les Français ; à l’avenir il tiendra les renseignements en partie double et le métier n’en sera que plus lucratif.

Mais le triomphe, le rêve de cette étrange et repoussante personnalité, c’est l’armistice ; on est alors assez en paix pour n’avoir à redouter ni corde, ni balles ; on est encore assez en guerre pour pouvoir exercer son honnête métier.

Aussi que de profits !

D’abord il y a les réquisitions, qui rapportent quoique l’on soit obligé de céder la plus grosse part, mais on se rattrape avec le soldat ; il est bête le soldat, il donne pour un florin ce qui en vaut cent.

Puis, pour les gens industrieux, il y a encore d’autres ressources.

Nous avons, dans l’ouest de la France, aux environs du Mans, pu constater par nous-mêmes, que les Juifs, que l’armée allemande traînait à sa suite, louaient à la journée des soldats prussiens et se faisaient accompagner par eux dans les villages. Frappant à une maison, les Juifs exhibaient un parchemin crasseux revêtu de timbres plus ou moins authentiques. La traduction de ce papier, on la devine, un mot suffit à la rendre : réquisition. Comment le paysan aurait-il pu résister ; les soldats étaient là comme une preuve menaçante. Ils livraient leurs bestiaux que l’on allait vendre..…

Mais je vois poindre une inquiétude dans l’esprit de mes lecteurs. La Juiverie financière s’enrichit avec l’emprunt Morgan, le Juif anglais, Merton, qui devait finir tragiquement, lui aussi, est chargé d’une mission confidentielle, le Juif Esquiros trône à la préfecture de Marseille et par une réminiscence, sans doute, de son livre les Vierges folles, se fait, pour consentir à s’en aller, allouer une forte indemnité sur les fonds de la police des mœurs. Les Juifs allemands dépouillent nos morts et rançonnent nos paysans ; tout est pour le mieux, mais que deviennent pendant ce temps les petits Juifs restés dans Paris ?

Rassurez-vous, ils se tirent fort bien d’affaire. On refuse du travail à des industriels qui ont cinq ou six cents ouvriers à faire vivre, on en accorde à toutes les filles d’Israël. Les dépositions faites devant la commission des marchés pour l’armement de la garde nationale sont édifiantes sur ce point. Citons seulement quelques lignes de la déposition de M. Berthe.

On n’en finirait pas, dit M. Berthe, si l’on cherchait à énumérer tout ce qui s’est fait pendant le siège. Longtemps j’ai vendu à un concierge de la rue Grenier-Saint Lazare chaque jour 4 ou 500 francs de marchandise qu’il allait porter à l’Hôtel de Ville ; il complétait le fourniment et allait le livrer.

Dans la même maison, une demoiselle de dix-huit à dix-neuf ans, Israëlite, belle-fille, marchande de bons dieux[184], avait su se faire ouvrir les portes de l’Hôtel de Ville et trouver moyen de livrer tous les jours 3 à 400 francs de marchandises.

Et moi, je n’ai jamais pu obtenir un marché ! Cette jeune fille passait devant moi, à l’Hôtel de Ville, comme en me narguant. Elle entrait de suite et il me fallait attendre des heures. J’avais trois ou quatre cents ouvriers à la maison !

J’ai remarqué que les Juifs luttaient avec les fournisseurs comme nombre tout au moins. La plupart des marchés étaient donnés à ces gens-là ; ils sont plus liants, plus patients que nous ; ils savent faire ce qu’il faut, ils font le nécessaire.

La demoiselle dont je parlais, me disait-on, ne veut payer que cela… ce sera mauvais ! tant pis.

J’avoue que nous avons ainsi fourni nous-mêmes de mauvaises marchandises.

Il y avait des Juifs et des Juives bien intrigants qui obtenaient ce que nous ne pouvions pas obtenir. Pour y arriver, il aurait fallu donner pourboires, déjeuners, dîners, et toutes choses qui ne m’allaient pas.

L’armistice signé, le Juif redevint marchand et peu s’en fallut qu’il ne réussît à empêcher le ravitaillement de Paris ; installés à Versailles, les Juifs achetaient à vil prix tout ce qui se présentait sur le marché et le revendaient à des taux exorbitants aux commerçants parisiens. L’ancien Gaulois a tracé un croquis juste de ce monde singulier qui se traînait sur les pas du vainqueur.

Dans les rues, dit-il, circulent les soldats de toutes armes raides et silencieux. Bruyants, au contraire, sont les Juifs allemands qui ont suivi l’armée exerçant leur petit commerce avec l’obstination et l’esprit de suite qui caractérisent la race judaïque. Ces pittoresques échantillons de l’Allemagne commerçante crient en mauvais français leurs marchandises sur le ton le plus aigu ; ils paraissent surtout bien fournis de tabac, à en juger par leur cri perpétuel : « Dabac à fimer et à brisser à deux vrancs la livre ! » Il y en a un notamment dont les intonations sont très comiques ; elles nous rappellent par certains côtés la voix de notre confrère Wolff.

Bismarck, en voyant arriver Jules Favre à Versailles, avait sifflé l’hallali. La Juiverie cosmopolite, qui avait inspiré, commandité, mené, prolongé la guerre, devait figurer dans le triomphe ; elle entra à Paris derrière les cuirassiers blancs. Un écrivain, que je ne connais pas, mais qui sait peindre, M. René de Lagrange, a fixé cette scène avec un accent de vérité incroyable, dans une étude publiée dans un coin du supplément du Figaro et qui, je l’affirme aux historiens futurs, est une des rares pages exactes qu’on ait écrites sur les événements de 1870-1871.

Ce ne fut pas l’armée, écrit M. René de Lagrange[185], que nous aperçûmes en premier lieu, ce fut l’État-major qui, évidemment, faisait l’office d’éclaireurs. Cette avant-garde arrivait au petit trot, jetant un œil inquiet, à droite et à gauche, sur le maigre bandeau de spectateurs qui formait la haie des deux côtés. Les cavaliers qui composaient cette escorte — je les vois encore — étaient presque tous des hommes de haute taille et de puissante stature, se tenant à cheval comme des écuyers de race. Ils portaient, pour la plupart, l’uniforme brillant des cuirassiers. Coiffés de casques dont le cimier portait des animaux chimériques, revêtus de cuirasses ornées d’armoiries en relief ou d’écussons en métal, ces cavaliers étincelaient sous les premiers rayons d’un soleil de mars.

La physionomie de ces soudards aristocratiques était en harmonie avec leurs mâles armures. L’ensemble en était grandiose. Leurs cheveux d’un blond roux, leurs moustaches fortement plantées et d’un jet hardi, leur teint clair et rouge à la fois, leurs yeux bleu de ciel au rayon farouche rappelaient, à s’y méprendre, le portrait de ces mêmes hommes, tracé autrefois par le burin de Tacite : Oculi cœrulei et truces, rutilæ comæ, magna corpora. Il faut être juste, néanmoins, même avec ses adversaires, ces physionomies avaient un grand caractère.

En voyant ces espèces de cavaliers géants, on eût dit ces Burgraves des bords du Rhin, contemporains de Barberousse, tels qu’on les voit sculptés sur la façade du château de Heidelberg ou dans les estampes d’Albert Durer. Tout ce groupe respirait l’Allemagne féodale, l’âge de fer, le règne de la force, le moyen âge militaire. Cette petite escorte, au milieu de laquelle on distinguait le roi de Prusse et M. Bismarck, toute armée qu’elle fût, n’avançait qu’avec précaution, comme nous l’avons dit. Entrer dans ce Paris, dans ce gouffre révolutionnaire à la suite d’un siège de cinq mois et demi, cela semblait peu rassurant. C’était entrer dans le volcan. Avant de risquer l’armée, l’État-major tâtait le terrain, de peur, sans doute, que, malgré toutes les précautions prises, quelque mine chargée de dynamite, ne vint à éclater sous les pas de l’armée d’envahissement. C’était un roi, des princes, des généraux faisant, ce jour-là, fonctions de uhlans.

Ce groupe militaire était immédiatement suivi d’un autre groupe, mais civil, celui-là. Le second groupe était, assurément, plus curieux encore que le premier. Derrière ces Centaures tout bardés de fer et étincelants d’acier, s’avançaient, enfourchés sur leurs chevaux comme des pincettes, des personnages bizarres vêtus de longues houppelandes brunes et ouatées. Mines allongées, lunettes d’or, cheveux longs, barbes rousses et sales, vermiculées en tire-bouchons, chapeaux à larges bords, c’étaient autant de banquiers israélites, autant d’Isaac Laquedem, suivant l’armée allemande comme les vautours. À cet accoutrement, il n’était pas difficile de reconnaître leurs professions.

C’étaient, évidemment, les comptables ou financiers juifs chargés de l’encaissement de nos milliards. Après l’État-major militaire, c’était l’État-major du Ghetto. Nous n’avons pas besoin de dire qu’une frayeur plus accentuée encore se laissait voir sur tous ces visages effarés et sordides.

Lorsque ce double cortège se fut écoulé, il se passa un assez long temps, plus d’une heure, au moins. Nous apprîmes, le lendemain, quelle avait été la cause de cette lacune ; l’État-major en question s’était arrêté à l’Élysée pour y déjeuner. M. Ernest Picard avait eu la gracieuseté d’y faire servir, à ses amis les ennemis, un festin de bienvenue arrosé de vin de Champagne.

Quand ce déjeuner républicain fut savouré et arrosé à souhait, le cortège reprit sa marche pour remonter les Champs-Élysées et se porter au devant de l’armée qui allait y entrer. Nous vîmes de nouveau défiler devant nous les Centaures cuirassés et rutilants, suivis des enfants d’Israël à barbes sales, mais cette fois-ci les physionomies n’étaient plus les mêmes. Le déjeuner avait produit son effet : la face enluminée par le vin des meilleurs crus de France, l’œil en feu, le sirop dans la moustache, l’attitude arrogante, assurés, d’ailleurs, qu’aucune agression n’était à craindre, qu’aucune mine n’éclaterait sous leurs pas, les généraux cuirassés remontaient au grand trot l’avenue[186].

J’ai constaté plus d’une fois, dans mes travaux historiques, l’hésitation qu’on éprouve à adopter le récit qui donne le mieux la note exacte et juste, et c’est pourquoi, je le répète, je ne crains pas de recommander cette page précieuse aux historiens de l’avenir.

J’habitais moi-même alors avenue Montaigne, et forcé de sortir pour un des miens malade, j’ai pu vérifier la scrupuleuse fidélité de ce tableau.

Picard, selon le témoignage des voisins, aurait assisté au commencement du repas et trinqué avec les Allemands, en tout cas, il vint lui-même à l’Élysée veiller à ce que rien ne manquât au déjeuner des vainqueurs.

Aux Juifs allemands s’étaient mêlés pas mal de Juifs français, qui déjà s’occupaient du fameux emprunt et cette Bourse, au milieu d’un camp, avait le plus étrange aspect ; elle était comme l’épilogue lamentable et comique, comme le commentaire sinistre et grotesque de cette guerre juive.

Tout est vrai, encore une fois, dans le récit de M. René de Lagrange, notamment l’épisode de ce malheureux ouvrier qui, fou de douleur patriotique, plongea son couteau dans le poitrail du cheval d’un général et, livré de suite à la Prévôté allemande, fut fusillé, croyons-nous, derrière le Palais de l’Industrie.

Cette exécution sommaire avait le caractère d’un présage et la signification d’un avertissement.

L’ouvrier parisien, tel qu’il était encore, gênait la Franc-Maçonnerie juive. C’était un type bien singulier que celui là. Tout se mêlait dans sa cervelle confuse ; il aimait la France et la Pologne, parce qu’elle avait été persécutée, il détestait ce qu’il appelait, on n’a jamais su pourquoi, le parti prêtre, mais il n’admettait pas, comme Paul Bert, que l’homme fût tout à fait semblable à un chien ; il regardait sans horreur le crucifix qui ornait son humble demeure, il se souvenait de l’avoir placé jadis sur le lit où quelque être cher venait d’expirer, il y suspendait aux Rameaux la branche de buis bénit que l’enfant rapportait ; près du crucifix, parfois, était attachée la croix d’honneur de quelque compagnon de Napoléon ier.

L’ouvrier parisien était, en effet, révolutionnaire et chauvin, il tirait sur la troupe aux jours d'émeute et sentait son cœur battre lorsque quelque régiment défilait dans les faubourgs. Convaincu, par la lecture d’Eugène Sue, que les Jésuites passaient leur vie à accaparer les héritages, il n’en disait pas moins un amical bonjour au Frère qui l’avait instruit. Il s’élevait avec force contre la superstition et aurait été désolé que son fils et sa fille ne fissent pas leur première communion. Le grand jour arrivé, il laissait la mère et l’enfant partir seuls pour l’église, puis, brusquement, jetait l’outil, passait la redingote des dimanches et, caché derrière un pilier, il cherchait le garçon ou la fillette, parmi la foule blanche qui ondulait dans la nef au bruit des cantiques, aux clartés des cierges ; quand il avait reconnu un visage aimé, il se détournait pour essuyer une larme, se trouvait face à face avec un camarade qui pleurait comme lui et disait : « Toi aussi, mon vieux... qu’est-ce que tu veux, cela vous remue »[187].

Habile de ses mains, maître indiscuté dans ces travaux moitié artistiques et moitié industriels où Paris, supplanté maintenant là comme partout par l’étranger, triompha si longtemps sans conteste, l'ouvrier parisien, servi par un goût inné, qui lui tenait lieu de savoir, chômait rarement et vivait relativement heureux.

Par ses qualités, son entrain, sa gaieté, ce type était tout particulièrement un objet de haine pour le Juif allemand ; par son patriotisme qui venait de s’affirmer pendant le siège, il était un obstacle à l’envahissement des étrangers parmi nous ; par sa loyauté, son désintéressement, son amour de tout ce qui était droit et honnête il était un danger pour la future dictature politico-financière du Juif Gambetta. La Commune fut une excellente occasion d’en tuer tant qu’on put. Dénoncés par les meneurs qui les avaient entraînés, par les Barrère qui, depuis, sont devenus ministres plénipotentiaires, victimes de leur courage, ces malheureux jonchèrent de leurs cadavres les rues, les avenues, les squares, les jardins, les parcs.

Vous les avez certainement rencontrés ceux-là, pendant le second siège, allant aux remparts avec conviction, faisant cuire leurs pommes de terre sous les arbres des Tuileries, défilant en bon ordre devant le palais de Rothschild et n’ayant pas la pensée d’y entrer. Pour la basse Juiverie allemande qui gouvernait Paris, l’hôtel de Monsieur de Rôthschild (mettez toujours un accent d’admiration sur l’ô), était un objet de vénération, et sans effort elle imposait le respect de cette demeure à ces multitudes armées[188].

L’Aryen, est-il nécessaire de le répéter, est un être de foi et de discipline et il garde ces sentiments même dans la révolution ; il est né pour être le croisé intrépide et croyant, le soldat de la vieille garde, la victime obscure et intéressante encore d’une Commune. Il est tour à tour le héros de la Chanson de geste, le grognard que célèbre Béranger, le combattant noir de poudre des trois Journées, celui qui

______……… Sur l’or jonché devant ses pas,
Vainqueur, marchait pieds nus et ne se baissait pas.

La Commune eut donc ainsi deux faces :

L’une déraisonnable, irréfléchie, mais courageuse : la face française.

L’autre mercantile, cupide, pillarde, bassement spéculative : la face juive.

Les fédérés français se battirent bien et se firent tuer.

Les communards juifs volèrent, assassinèrent et pétrolèrent pour cacher leurs vols. Certains négociants établis rue de Turbigo organisèrent la dévastation comme une opération commerciale et se retirèrent à New-York deux ou trois fois millionnaires. Comme le Nathan, dont parle Maxime du Camp, les Juifs firent la grande soulasse, seulement l’assassinat suivi de vol fut cette fois compliqué d’incendie.

La Commune eut également deux résultats.

D’abord elle enrichit, dans de modestes proportions, il est vrai, la bohème juive qui, après le passage du gouvernement de la Défense nationale, ne put guère que secouer les tiroirs, mettre la main sur de petites caisses oubliées, dépouiller surtout les palais, les ministères et les hôtels particuliers des chrétiens de leurs objets d’art. (La Commune n’a pas touché une seule fois à une propriété juive ; pas une seule des 150 maisons des Rothschild n'a été incendiée.)

Ensuite, — résultat autrement important, — elle fit égorger trente mille Français par des Français.

Les Allemands, en échange de leur haute et dédaigneuse protection, ne demandèrent qu’une chose à la Commune.

Après avoir détruit la prestige de nos armées, ils étaient offusqués encore de la glorieuse légende de nos ancêtres. Cette colonne, faite de canons pris à des Allemands, qui se dressait dans Paris, les gênait ; malgré leur facile triomphe sur le neveu, ils en voulaient encore à l’Imperator invincible que l’on apercevait drapé dans le manteau des Augustes.

Le matin dans l’azur, le soir dans les étoiles.

Maîtres de Paris, ils n’eussent pas touché à cette colonne, ils ont respecté partout les monuments de nos victoires et les images de nos héros, le tombeau de Marceau, les statues de Fabert, de Kléber, de Rapp. Il y a des choses que les Aryens ne font pas eux mêmes, mais ces choses-là, parfois, ils les font faire par des Sémites comme pour prouver que ceux-ci peuvent être utiles à l’occasion[189].

Qu’elle est émouvante cette scène du 16 Mai sur la place Vendôme ! Cette émotion vague, qui agite une foule assemblée, fait attendre des événements imprévus. On dit dans les groupes que les Invalides vont venir se ranger au pied de la Colonne pour la défendre, ces quelques survivants des grandes batailles, qu’on voyait jadis arriver tous les 5 mai et tous les 15 août pour déposer là des couronnes, ont revêtu leurs uniformes « par la victoire usés, » ils accourent tous :

. . . . . Lanciers, grenadiers aux guêtres de coutil,
Dragons que Rome eût pris pour des légionnaires,
Cuirassiers, canonniers qui traînaient des tonnerres,
Portant le noir colback ou le casque poli,
Tous ceux, ceux de Friedland et ceux de Rivoli.

Rien ne se montre. L’heure a sonné. On attend le signal. Qui le donnera ? Grâce à Dieu, ce n’est pas un Français, c’est un Juif, c’est Simon Mayer.

Ecoutez Maxime Du Camp[190] :

Tout à coup un homme parut sur le couronnement, agita un drapeau tricolore et le lança dans l’espace, afin de bien indiquer que tout ce qui avait été la Révolution française, le premier Empire, la royauté de Louis-Philippe, la seconde République, le second Empire, disparaissait de l’histoire et allait faire place à l’ère nouvelle, symbolisée par la loque couleur de sang, que t’on appelle le drapeau rouge.

L’homme qui eut l’honneur de jeter au vent les couleurs de la France était digne de cette mission : il s’appelait Simon Mayer. Le 18 mars, il s’était noblement conduit à Montmartre. Capitaine au, 169e bataillon, que commandait Garcin, en remplacement du chef élu qui était Blanqui, alors incarcéré ou en fuite, ce Simon Mayer avait héroïquement aidé à l’assassinat du général Lecomte et de Clément Thomas. Cette belle action trouvait sa plus douce récompense à cette heure, sous le soleil, en présence des membres de la Commune attentifs et charmés. On entendit un son de clairon. Un silence énorme, comme dirait Gustave Flaubert, emplissait les rues. Chacun se taisait et tenait invinciblement les yeux attachés sur la colonne en avant de laquelle les cibles se raidissaient. Il était un peu plus de cinq heures du soir, de temps en temps, quelques coups de canon lointains semblaient une salve funèbre tirée du fond des horizons invisibles.

Un homme a vendu un Dieu qui venait porter au monde des paroles de miséricorde et d’amour, il s’appelait Judas, et il était Juif.

Un homme a vendu une femme qui s’était confiée à lui, il s’appelait Simon Deutz, et il était Juif.

Un homme, devant les Prussiens, a donné le signal pour renverser sur un lit de fumier le monument de nos vieilles gloires, il s’appelait Simon Mayer, et il était Juif[191].

Cette trinité sublime, Dieu, la Femme, le Génie, cette triple forme de l’idéal, la Divinité, la Beauté, la Gloire, de tout cela le Juif a fait de l’argent…

Avant de livrer Paris aux Juifs de la haute volée, la basse Juiverie profita de l’occasion pour assouvir un peu sa rancune séculaire. Quand un vénérable prêtre, en cheveux blancs, demanda à Dacosta quel crime il avait commis pour qu’on l’arrêtât, le Juif répondit par un mot typique où l’affectation de l’argot de Paris cache mal la haine qui vient en droite ligne de Jérusalem, « Il y a dix-huit cents ans que vous nous la faites. »

Gaston Dacosta excita particulièrement contre les prêtres Rigault, gamin féroce, sans doute, qui fut comme une manière de petit Néron ivre de toute-puissance, mais qui avait de bons moments et qui aurait fait infiniment moins de mal sans l’acolyte qui le poussait[192].

Quand on se rendit au greffe de Mazas, Gaston Dacosta, qui était aux côtés de Rigault, sans doute pour l’empêcher de faiblir, dressa la liste des otages, sur le dossier de l’un d’eux, il avait écrit d’avance : « Conservez cette canaille pour le peloton d’exécution[193] ! »

Le prénom d’Isidore de François, le directeur de la Roquette, qui présida aux exécutions, tendrait peut-être à faire croire, ainsi qu’on l’a affirmé, qu’il était également de souche israélite. Lui aussi pensait et s’exprimait comme Dacosta. « Voilà quinze cents ans, disait-il en parlant des prêtres, que ces gens-là écrasent le peuple, il faut les tuer leur peau n’est même pas bonne à faire des bottes. »

On aurait pu faire et l’on fera sans doute plus d’une découverte intéressante au point de vue de l’influence du type et de la race, en recherchant la famille de la plupart de ceux qui furent mêlés à ces horreurs, mais la France, alors, avait d’autres préoccupations. Livrée à la Prusse par les Juifs allemands qu’elle avait accueillis, saignée à blanc par Gambetta, déshonorée dans ses glorieux souvenirs militaires par Simon Mayer et les démolisseurs de la colonne Vendôme, elle allait se jeter dans les bras d’autres Mayer et d’autres Simon, elle envoyait le Bamberder à la Chambre, elle décorait le Juif Stern, elle se pâmait d’admiration devant les Rothschild qui allaient l’exploiter à fond.


Pas un homme de la majorité n’entrevit cette situation. Ce qui manqua à ces hommes qu’on appelait des cléricaux, ce fut simplement d’être chrétiens. Pas plus que les politiques de la Restauration, ils ne comprenaient la parole de l’Ecriture que nous avons déjà citée et qu’il faut toujours répéter, car elle est l’alpha et l’oméga de l’homme d’État : Discite justitiam moniti, avertis par les événements, apprenez la justice. » C’est sur la justice que revient sans cesse ce grand docteur en politique, Bossuet, « le seul, dit Doudan, dans son style toujours un peu précieux, qui eût pu faire le discours du trône de Dieu, si Dieu souffrait un gouvernement représentatif… » « Quand je nomme la justice, écrit Bossuet, je nomme en même temps le lien sacré de la société humaine, le frein nécessaire de la licence, l’unique fondement du repos, l’équitable tempérament de l’autorité et le soutien favorable de la sujétion. Quand la justice règne, la foi se trouve dans les traités, la sûreté dans les commerces, la netteté dans les affaires. » Ailleurs, il indique les conditions essentielles de l’équilibre social en une ligne plus éloquente et plus précise en sa sublime familiarité que tous les volumes des rhéteurs : « La Justice et la Paix sont deux intimes amies[194]. » « Justitia et Pax osculatae sunt. »

La justice est le premier besoin des peuples, en même temps que la garantie des intérêts, c’est la satisfaction d’une aspiration innée dans toutes les âmes humaines. La France apporte à cet amour la passion qui lui est propre. Que demande cette nation éprise d’idéal ? la justice. Que cherche-t-elle, même dans ses révolutions ? la chimère, l’ombre, la parodie de cette justice qui lui est nécessaire comme l’air pour respirer. Pourquoi la Royauté française, si chétive dans cette Ile-de-France qui fut son berceau, a-t-elle si vite et si prodigieusement grandi ? C’est que les premiers Capétiens furent, avant tout, des hommes de droiture et de justice. Quelle est l’image de roi restée la plus vivace et la plus populaire ? Est-ce celle de tant de monarques menant de hardies chevauchées et s’élançant au plus épais des rangs ennemis ? Non, c’est l’image d’un justicier assis sous un chêne. Plus que le souvenir du pont de Taillebourg défendu par un homme seul contre toute une armée, le souvenir de ces assises rustiques où chacun, sans intermédiaire, pouvait faire reconnaître directement son droit par celui qui avait la force, est demeuré gravé dans les âmes.

Pourquoi, après une si longue éclipse de la Royauté, alors que depuis de longues années le parti légitimiste n’était plus qu’un brillant état-major sans soldats, le pays appelait-il librement, spontanément, des représentants du principe monarchique ? C’est parce que la Monarchie, toujours tendre aux petits, avait su, à l’occasion, être sévère aux forts.

C’était pour faire justice que le pays, dans son intérêt, avait eu recours aux hommes de la tradition, aux députés du sol, à des hommes dont les familles, la vie ordinaire, le caractère étaient connus de tous et inspiraient confiance, en des temps troublés, à ceux-là même qui, dans les temps ordinaires, leur eussent préféré des bateleurs et des charlatans.

Il manqua à cette époque un homme animé de ce noble amour de la justice, un homme au cœur élevé, à l’âme grande, doux aux égarés, terrible aux pervers qui avaient vendu de sang-froid leur pays, qui prît la direction du parti monarchique et demandât avant tout le châtiment d’un aventurier comme Gambetta, qui s’était permis de conclure des emprunts sans l’autorisation du pays, d’un Ferry, d’un Jules Favre.

Non seulement les catholiques trahirent le mandat de justice qui leur avait été confié contre les hommes du 4 Septembre, mais ils laissèrent la répression de la Commune s’accomplir dans des conditions de sauvage iniquité.

Toute cette phase est, d’ailleurs, une de celles qui arrêteront le plus longtemps les penseurs de l’avenir qui auront là l’occasion d’étudier en action, à l’œuvre, la haute démocratie française, de voir quelle est sa moralité, ses vrais sentiments envers le peuple, la conception qu’elle se fait du Bien et du Mal, de la responsabilité, de l’égalité.

La Monarchie française, nous l’avons dit, exerçait virilement et chrétiennement sa fonction de justice, elle avait des gibets pour les financiers, les Enguerrand de Marigny et les Semblançay, de beaux échafauds de velours noir pour les Nemours, les Saint Pol, les Biron, les Montmorency, les Marilhac.

La Restauration, même dans ses défaillances et sa mollesse, n’eut pas la répression vile : elle ne prit pas le petit soldat, elle prit le maréchal prince de la Moskova, le général Mouton, la Bédoyère allié aux plus nobles familles de France.

La République fut impitoyable aux humbles, et trembla devant ceux qui avaient une apparence de situation, devant tous ceux qui avaient la noblesse bourgeoise, qui possédaient le bouton de jade du mandarin, qui étaient inscrits sur un tableau quelconque.

Tous ceux qui furent passés par les armes à Satory — à part Rossel — furent de pauvres diables, des minus habentes, des gens sans relations. Thiers avait accordé la grâce de Crémieux ; ce fut le général Espivent de la Villeboysnet qui le fit exécuter pour ainsi dire, de son initiative personnelle. Crémieux devait être fusillé en même temps qu’un chasseur à pied. Les membres de la gauche naturellement ne s’occupèrent en aucune façon du pauvre pioupiou chair à canon, bon à tuer, ils intercédèrent pour l’homme intelligent, responsable, pour l’avocat ! Le général Espivent, qui était de vieille race française, ne comprenait pas la démocratie de cette façon, et il déclara nettement qu’il entendait que l’avocat eût le sort du soldat[195].

Cette histoire de la Commune, encore si peu connue et dont la face changera complètement dès qu’on publiera les documents incroyables qui sont en quelques mains[196], fut le triomphe des petits papiers.

Tous les hommes du 4 Septembre, les Jules Simon, les Jules Favre, les Picard, Thiers lui-même, avaient été en relations avec la plupart des chefs de la Commune, et ne s’occupaient qu’à éviter les révélations compromettantes. Les instructions faites une première fois furent refaites à nouveau avec injonction de supprimer certaines accusations. On faisait évader ceux qu’on ne pouvait justifier[197], et il n’était point de jour où l’on ne saisît quelques lettres adressées clandestinement aux prisonniers comme celles que Jules Favre écrivait à Rochefort.

Les captifs se servaient des gages qu’ils pouvaient avoir — ce qui est assez compréhensible — et les avocats prévoyants imitaient ce bon Jolly, sur la tombe duquel Gambetta prononça un si beau discours, et se nantissaient des moindres chiffons de papier des captifs pour s’en servir plus tard contre eux[198].

Quelques pages noircies d’encre étaient alors le meilleur talisman contre la mort violente. Ranc, né malin, se saisit de la cassette de Thiers et Pallain entra dans la vie politique en allant négocier pour la reprendre. La légende rapporte que la cassette fut rendue, mais absolument vide, l’étonnante fortune de ce Pallain qui, malgré son absolue nullité, trouva moyen d’être directeur dans trois ministères à la fois, semblerait indiquer cependant qu’un ou deux papiers étaient restés dans la cassette. Le reste, toujours d’après la légende, aurait sauvé Ranc de toute poursuite après la chute de la Commune, c’est, en tout cas, un fait qui témoigne peu en faveur de l’indépendance de la justice militaire, qu’un homme qui mérite d’être condamné à mort le 13 octobre 1873 puisse se promener tranquillement jusqu’à cette époque et même siéger à la Chambre, sans que nul s’avise de le poursuivre. Ou il était coupable ou il ne l’était pas, dans le premier cas il eût été naturel de le poursuivre de suite, dans le second cas il eût peut-être été plus équitable de ne pas le condamner.

L’historien de l’avenir n’oubliera pas, sans nul doute, de compléter ce tableau par les traits qui éclairent les mœurs de tout ce monde qui criait tant contre la corruption des tyrans. Nous avons constaté, en parlant du gouvernement de la Défense nationale, que la France, sous le rapport des garanties et des droits, avait rétrogradé au delà des tribus Cafres, puisqu’on disposait du sang de ses enfants, de son argent, de ses destinées, sans daigner la consulter. Sous le rapport moral, c’est la lapinière qui parait être le modèle de la haute démocratie française dont des circonstances exceptionnelles mettent en pleine lumière la vie privée.

Cette lapinière a cependant un caractère, particulier, c’est une lapinière dans une étude de procureur, dans un cabinet d’homme de loi, le clapier témoin de ces amours semble être un carton vert. Jules Favre ne se contente pas d’avoir des enfants naturels, il s’ingénie à les faire entrer de force dans le cadre normal, il torture le code à propos d’eux, il commet des faux, il fait fusiller Millière qui a dénoncé ces infamies, il séquestre pendant trois mois, dans la maison de détention Versailles, l’infortuné Laluyé qui connaît trop de secrets intimes pour qu’on le laisse vivre et qui en effet finit par succomber aux mauvais traitements dans une autre prison[199].

Tout ce monde, amis ou ennemis, se tient ainsi par des histoires de doubles ménages, d’adultères entrecroisés, de fils supposés, de précautions légales prises pour transmettre une fortune, un nom, un titre parfois.

À tous ces trafics honteux, à ces marchandages, à ces impunités accordées aux gens dont on a peur, aux gens qui de près ou de loin touchent encore à la bourgeoisie, il faut opposer, pour achever la peinture de l’état d’âme des républicaine de 1871, le plus effroyable mépris de la vie humaine qu’on ait jamais vu à aucune époque.

Dans l’histoire, je cherche avant tout non le détail à scandale, mais le détail à symptôme, non le renseignement à sensation, mais le renseignement à réflexion. J’estime que des faits minuscules sont aussi intéressants pour l’étude d’une époque que des faits importants. Dans les grands faits effectivement, les batailles, les événements extraordinaires, c’est Dieu qui se révèle, dans les petits faits, c’est l’homme qui se trahit. Je regarde, par exemple, comme un excellent document cette conversation que le baron Olivier de Watteville, alors inspecteur général des prisons, eut avec Calmon, alors sous-secrétaire d’État au ministère de l’intérieur, et qu’il m’a autorisé à reproduire

M. de Watteville voulait maintenir l’arrestation d’un M. B. de M. que le gouvernement décora plus tard.

— C’est un de nos agents, laissez-le libre.

— Mais, Monsieur le sous-secrétaire d’État, il a fait fusiller quatorze gardes nationaux réfractaires à la Commune.

— C’était pour mieux cacher son jeu…

— C’est bien consolant, Monsieur le sous-secrétaire d’État, pour les familles des victimes.

Qui a prononcé ce mot affreux ? Est-ce un Sylla pour lequel la raison d’État justifie tout ? Un soldat habitué à risquer sa vie et pour lequel la vie des autres n’a pas plus de prix que la sienne ? Non, c’est un bureaucrate, un centre gauche, un libéral, un représentant des idées modernes, un membre de l’académie des Sciences morales et politiques. Quelle politique et surtout quelle morale on enseigne dans ces endroits-là !

Ce qu’il tomba d’êtres humains dans ces jours terribles, la moisson sanglante que fit la mort, nul ne le saura probablement jamais.

Les écrivains communalistes qui admettent le chiffre de trente mille morts sont plutôt en deçà qu’au delà de la réalité. Les hommes qui par leurs fonctions ont vu les choses de près avouent trente-cinq mille dans l’intimité. M. de Watteville, directeur au ministère de l’instruction publique, le frère de celui dont je parlais tout à l’heure et qui pénétra un des premiers dans Paris, fixe à quarante mille le nombre des victimes tant du côté de la troupe que du côté des insurgés.

On ne s’explique le chiffre dérisoire de six mille cinq cents morts donné sérieusement par M. Maxime Du Camp que par les conditions spéciales dans lesquelles travaille l’écrivain. Pour élever un monument qui, malgré ses imperfections, sera d’un considérable intérêt pour l’avenir, M. Maxime Du Camp a dû s’adresser toujours aux sources officielles et il a trouvé partout le concours le plus empressé, mais sous la réserve de ne point dire certaines choses, de se maintenir toujours dans une certaine convention.

La Franc-Maçonnerie juive, qui voulait dépeupler Paris pour faire place aux étrangers et les hommes du 4 Septembre qui voulaient châtier leurs électeurs révoltés, et, eux aussi, les aller chercher « dans leurs repaires, » eurent chacun de leur côté une idée ingénieuse qui prouve que le Progrès n’est pas un vain mot.

Les étrangers qui conduisaient la Commune changèrent les bataillons de quartier, ils les désorientèrent, les bataillons fédérés du boulevard Malesherbes combattaient à la place de la Bastille, les bataillons de la rue Mouffetard étaient boulevard Malesherbes. Cette mesure facilita les incendies, car des hommes connus dans une rue auraient hésité à allumer le feu chez leurs voisins, elle rendit la répression plus rigoureuse. Une fois vaincus, les soldats de la Commune ne purent échapper aux balles, dans leur quartier ils auraient été au courant des issues, ils auraient trouvé de l’aide pour se cacher. Toutes les portes, au contraire, se fermèrent devant eux et ils tombèrent par centaines sur les trottoirs ou la chaussée.

L’idée des républicains de Versailles était également bonne. Les généraux avaient demandé qu’on fit marcher les gardiens de la paix en tête de chaque colonne. Grâce à leur connaissance de Paris, la ville eût été reprise en quarante-huit heures, et l’on ne fût pas, comme il arriva, resté une journée entière devant un mur qu’on pouvait tourner en quelques minutes. Picard et Jules Favre s’opposèrent à cette mesure et réussirent ainsi à rendre la lutte beaucoup plus longue, l’exaspération plus vive, le massacre plus barbare.

Aux fédérés fusillés à la Petite Roquette, à la caserne Lobau, au parc Monceau, à la porte de Versailles, il faut ajouter mille deux cents hommes qui, pour diverses causes, insubordination, tentative d’évasion, furent passés par les armes non sur le plateau, mais dans les bois de Satory, où l’on exécutait encore le 10 juillet. Il faut encore joindre a ce chiffre ceux que la maladie décima. Les prisons, les Chantiers notamment, furent un enfer. Les malheureux gardés par des gendarmes le fusil chargé n’avaient pas le droit de se lever pour satisfaire leurs besoins, ils croupissaient au milieu de leurs ordures, au moindre mouvement on faisait feu.

Les députés conservateurs laissèrent tout faire, ils ne comprirent pas la parole de l’Ecriture : justitiæ Dei sunt rectæ, ils n’eurent ni les belles miséricordes ni les sévérités nécessaires. Ils causaient familièrement avec des hommes qui avaient usurpé le pouvoir et pénétré violemment dans l’ærarium et ils étaient impitoyables pour les malheureux qui, pressés par la misère, avaient accepté une petite place sous la Commune et barboté quelques sous dans une caisse où les gens du 4 Septembre, tous pauvres avant, tous riches après, n’avaient pas laissé grand chose.

Pour les infortunés de cet ordre ils étaient sans merci, ils ne trouvaient pas de tortures suffisantes pour les punir, ils les expédiaient au delà des mers dans des espèces de cages et regrettaient sans doute de ne pouvoir les envoyer tous au plateau de Satory.

Est-ce donc que le cœur des hommes de la droite fût cruel ou leur intelligence médiocre ? Non, seulement ils avaient le cerveau conformé d’une certaine façon, ils voyaient comme cela, ils étaient imbus des préjugés les plus bourgeois. Un homme, qui occupait une situation dans le monde, comme Jules Favre, pouvait tout se permettre, faire tuer des milliers de créatures humaines sans être jamais inquiété ; l’idée de fusiller un bâtonnier de l’ordre des avocats, un académicien, eût semblé sacrilège à ces gens polis, comme l’idée de livrer au bourreau un cardinal, un ’porporato’, l’eût paru aux souverains d’autrefois.

Les meneurs de l’Assemblée, d’ailleurs, avaient eu la soif du pouvoir et, au contraire, n’avaient jamais eu faim ; l’ambition leur semblait donc excusable dans ses plus abominables malfaisances, tandis que le malheureux, qui avait pris un emploi pour manger, leur paraissait digne de tous les châtiments puisqu’ils ne le comprenaient pas.

La notion de la réalité fut ce qui manqua surtout à ces hommes d’une honnêteté indiscutable, mais d’une expérience pratique nulle, qui, n’étant ni illuminés par en haut, ni renseignés par en bas, devraient fatalement être vaincus par des hommes qui sortaient tout meurtris, tout vibrants, tout fumants, tout souillés parfois de la vie la plus réelle et la plus difficile.

Prenez le plus illustre de ces vaincus, le duc de Broglie. Que pouvait-il savoir du Paris moderne ? Il n’avait probablement jamais mis les pieds ni dans un atelier, ni dans un café, ni dans un lupanar, il n’avait causé, les yeux dans les yeux, ni avec des ouvriers déraisonnant après leur journée faite, ni avec des agitateurs de carrefour, qui remuent la société en bouleversant des dominos, ni avec des filles qui vivent et meurent de la corruption des villes. Il quittait sa maison pleine d’exemples dignes d’être imités, de glorieuses traditions, de sentiments élevés, pour aller en voiture vers un autre salon où il retrouvait la même atmosphère, il n’était jamais sorti d’un monde où l’on parle et où l’on pense noblement, où les faiblesses mêmes se voilent d’apparences idéalistes, où les passions sont rarement basses. En regardant en lui-même, il n’apercevait rien qui fût une dégradation de l’homme, il se voyait tout jeune, travaillant comme s’il avait sa carrière à faire, obstinément fidèle, dans son optimisme généreux, à certaines idées libérales, ayant de l’orgueil, sans doute, mais le bel orgueil des lettres, la louable ambition de rendre des services à son pays.

Evidemment, cet ancien président du Conseil aura été mêlé activement au mouvement d’un siècle où le Juif a tout conduit et conduit tout sans avoir vu le Juif, sans deviner son rôle une minute, sans soupçonner ce que peut contenir de haine contre la vieille société française, contre l’aristocratie, contre le Christ, le cœur d’un Juif allemand, dont les pères ont été pendus entre deux chiens. Si le Juif lui est apparu, ce n’est guère que sous la forme d’un baron déjà débarbouillé, fort honoré d’être en pareille compagnie et s’y tenant à peu près convenablement ; il ne s’est pas douté que celui qui venait de l’appeler obséquieusement « mon cher duc » soudoyait les insulteurs qui allaient criant par les rues : « Demandez la banqueroute de l’Union générale, le suicide de M. Bontoux, l’arrestation du prince de Broglie ! »

Si on interrogeait sur la question juive l’ancien ministre des affaires étrangères, on retrouverait évidemment chez lui les théories tolérantes et larges que lord Macaulay, qui fut un orateur applaudi et un fin lettré, comme le duc de Broglie, développait, en 1831, dans son Essai sur les incapacités politiques des Juifs.

Avec moins d’éloquence et de mérite, la plupart des membres de la droite vivaient comme le duc de Broglie, dans la même sphère irréelle. Je gage bien que le vicomte Othenin d’Haussonville, par exemple, ne savait pas, quand il était député, le quart de ce qu’il a appris en allant parcourir les garnis, les bouges et les bals publics, pour son beau livre de l’Enfance à Paris.

Le premier qui s’occupa sérieusement des questions ouvrières, au point de vue conservateur et chrétien, fut un soldat. Pourquoi ? Parce que ce soldat avait vu la Commune de près, parce que le métier militaire, qui fait vivre au milieu de toutes les classes de la société rassemblées, met de suite un homme de la valeur du comte de Mun en face de la réalité, écarte les préjugés de l’éducation et les conventions de cénacle, constitue comme une admirable école d’observation pour des hommes qui sont organisés pour comprendre et pour penser.

Quoi qu’il en soit, les monarchistes de l’Assemblée de Versailles ne profitèrent de leur situation que pour assumer l’odieux d’une répression impitoyable que désiraient vivement, dans leur cœur, les futurs séides de Gambetta.

Ils frappèrent, à bras raccourcis, sur les petits et sur les humbles. L’usurpation des fonctions surtout, je l’ai dit, trouvait implacables ces naïfs qui n’avaient pas eu le courage de faire passer en jugement les hommes du 4 Septembre.

Les membres de la commission des grâces, Tailhand, Corne et autres Batbie, envoyèrent à la Nouvelle-Calédonie, comme coupable d’usurpation de fonctions, un vieillard qui, je crois, avait accepté sous la Commune d’être quelque chose comme sous-inspecteur des lampes dans un ministère.

Un jour qu’ils ergotaient sur ce cas, Gambetta passa, entendit quelques lambeaux de conversation et frappant vigoureusement, selon son habitude, sur l’abdomen d’un des membres de la commission :

— Bravo ! Messieurs, cria-t-il, avec un gros rire, s’il a usurpé, qu’il soit puni ! Soyons sans pitié pour ceux qui usurpent les fonctions publiques !

Puis il s’éloigna en les regardant d’un air de mépris.


Les années 1872 et 1873 virent donc le triomphe complet d’Israël. Il y eut, d’un bout à l’autre de l’Europe, un hosannah juif qu’accompagnait le bruit des millions. Les Juifs refirent, mais en des proportions prodigieuses, ce que Rothschild avait fait en petit au moment de la liquidation de 1815, ils s’enrichirent en prêtant aux Français, ils reprirent aux Prussiens ce que les Français leur avaient payé. Des cinq milliards quatre au moins restèrent dans leurs mains.

Bismarck n’avait rien à refuser à ceux qui l’avaient commandité pour la guerre ; Thiers était à genoux devant ceux qui donnaient comme une apparence de gloire financière à un pays écrasé sous toutes les hontes de la défaite.

Le roi du moment ce fut le Bleichroeder pour lequel la France devait entreprendre plus tard l’expédition de Tunisie.

C’est dans la seconde partie de ce travail, l’Europe juive, que nous aurons à nous occuper de l’Allemagne qui ne nous intéresse ici que par l’écho qu’eurent chez elle les spéculations dont le principal théâtre était la France.

Une étude fort remarquable, publiée dans la Revue du monde catholique et signée Hermann Kuntz, suffit à nous donner pour le moment l’essentiel pour le portrait et le rôle du personnage.

M. Bleichroeder, dit M. Kuntz, a en la plus grande part dans toutes les affaires financières et d’agiotage de la France nouvelle depuis 1866 à 1870[200]. Lorsque Paris dut payer sa rançon, Bismarck en appela aux lumières de M. Bleichroeder. Il le fit venir à Versailles pour vérifier les fonds avancés par son associé et ami intime, M. de Rothschild, dont la femme jouait l’irascible patriote au point que le pauvre ambassadeur d’Allemagne, comte Harry d’Arnim, crut nécessaire de s’en plaindre peu diplomatiquement. M. Bleichroeder reçut la croix de fer et fut gratifié de la particule, en récompense de cet éminent service. Sa fortune est devenue immense et ne le cède en rien à celle d’un Rothschild. Après son anoblissement, il fut créé aussi premier consul général d’Autriche. En cette qualité, il donna un dîner de cinquante couverts au corps diplomatique. La table, dressée dans une salle à manger décorée par les premiers artistes, était chargée de surtouts, candélabres, etc., en or et argent richement travaillé. Derrière chaque convive se tenait un domestique portant la livrée de la maison, surchargée de broderies d’or. On peut se figurer l’effet que devait produire la description de ce festin somptueux et de l’orfèvrerie estimée à plusieurs millions de M. Bleichroeder en l’an de grâce 1876, au moment où la population de Berlin était aux abois par suite du crack de 1873[201].

L’Allemagne ne tarda pas à comprendre le sens de la scène du Second Faust, dont nous parlions plus haut. Dupe d’une véritable fantasmagorie, elle croyait, avec le papier monnaie créé par le Juif, posséder de l’or réel et s’aperçut bientôt que cet or lui avait glissé entre les mains. Au bout de trois ans elle n’avait plus entre les doigts que des chiffons de papier qui valaient moins que des feuilles mortes, et tout l’or remué était allé s’enfouir dans les poches juives.

Les pertes infligées au peuple allemand, dit M. Kuntz, pendant cette période d’agiotage effréné, sont calculées à trois et même à cinq milliards par les statisticiens. On estime à trois ou quatre cent mille les familles de propriétaires, d’industriels, de petits capitalistes qui ont été ruinées pendant que les journaux les grisaient de gloire et excitaient leur haine contre l’Eglise, les jésuites, les œuvres religieuses.

En échange des milliards qu’ils volaient, les Israélites d’Allemagne organisèrent, en effet, le Culturkampf, qui leur a donné l’agitation anti-sémitique, comme la part qu’ils ont prise chez nous à l’expulsion de pauvres religieux de leurs cellules leur vaudra d’être expulsés de leurs palais.

Agiotage et persécution allaient, d’ailleurs, chez nous aussi, marcher de compagnie. Au préalable, les Juifs préparèrent cet envahissement qui est le complément obligé et en réalité le seul résultat appréciable de toutes les révolutions en France, ils attirèrent vers Paris tous les errants, tous les aventuriers, tous les négociants en mauvaises affaires du monde israélite, ils les casèrent dans les vides qu’avait faits la Commune dans les quartiers populeux.

En juin, juillet, août, septembre 1871, certaines rues semblaient désertes. A la fin de l’année, tout était plein, animé, vivant. Le Parisien pur sang, qui parcourait la ville en observateur, était tout étonné de rencontrer partout des types étranges qu’il n’avait jamais vus, de voir sur toutes les boutiques des noms de Mayer, de Jacob, de Simon.

Grâce à la facilité de la naturalisation, à l’incendie prémédité des actes de l’état civil, à la complaisance d’employés qu’on avait mis dans tous les endroits nécessaires, ces intrus se firent rapidement une sorte d’identité. Une difficulté les gênait, c’était ce diable d’accent allemand, ils jouèrent alors de la corde alsacienne et le bon M. d’Haussonville, avec la candeur qui caractérise notre aristocratie, les aida merveilleusement par cette société des Alsaciens-Lorrains qui, malgré ses louables intentions, nous a causé un mal incalculable.

Que n’aurait-on point fait pour ces Juifs alsaciens qui disaient si patriotiquement, avec l’un d’eux, le rabbin Isaac Bloch, si vertement relevé jadis par l’Univers, que la guerre de Prusse avait été conseillée par le Pape pour faire égorger les honnêtes gens, et que les Prussiens, conduits par la main de Dieu, étaient arrivés heureusement pour punir les coupables et faire sauver les innocents.

Qu’elle est touchante et qu’elle est grande cette généreuse et chère Alsace, qui a payé pour la France tout entière ! Quel cœur ne se sentirait remué en pensant à cette noble province que la guerre a séparée de nous ! Gloire à celle-là qui, silencieuse et digne, se penche sur ses houblonnières pour cacher ses larmes, et, quand elle relève la tête, interroge tristement l’horizon pour y chercher ce qui fut la Patrie !

Gloire à celle-là ! Mais honte à cette Alsace théâtrale qui s’est mise aux gages des saltimbanques, à cette Alsace de vitrine et de café concert que l’on voit partout, posant ou roucoulant des romances avec son éternel nœud dans les cheveux, à l’Alsace pleurarde, intrigante et quémandeuse qui déshonore la plus auguste infortune que jamais la terre ait contemplée.

L’une se recueille et prie, l’autre bat la caisse avec son deuil, vit de l’annexion comme le Savoyard vivait de sa marmotte, organise des représentations à bénéfice et des tombolas bruyantes où les Allemands qui figurent dans le comité mettent comme gros lot un zèbre pour rappeler, disent-ils, avec leur esprit un peu lourd, la rapidité avec laquelle les Français fuyaient en 1870.

L’une a donné Kléber, Kellermann et Rapp à la France ; l’autre se personnifie dans le type grotesque qu’on appelle là-bas le Schmuler, elle a donné des Koechlin Scharwtz, des Scheurer Kestner, des Risler, elle a enfanté des femmes assez mortes à tout patriotisme pour épouser les Floquet et les Ferry, les affameurs de Paris assiégé[202].

L’une doit être respectée et baisée au front comme une mère persécutée, l’autre doit être traitée comme une fille de brasserie éhontée qui salit dans la débauche un costume qui devrait être sacré désormais.

Les envahisseurs ne se contentèrent plus seulement d’être Alsaciens, ils furent Alsaciens Lorrains, ils eurent deux noms comme on a deux mains, pour prendre davantage.

Qu’ils vinssent de Cologne, de Francfort, de Hambourg, de Wilna, tous ces étrangers étaient patriotes fougueux. S’ils n’avaient pas été trahis par les officiers héroïques de Saint-Privat, de Gravelotte, de Bazeilles, on en aurait vu de belles ! La France de saint Louis, d’Henri IV, de Napoléon, de Condé, de Bossuet, de Fénelon avait croupi dans l’ignorance, ils ne voulaient plus de cela, ils n’entendaient plus être tyrannisés par leurs aïeux. Si vous leur demandiez ce que faisait en France leur arrière grand-père ou leur grand-père dans ces époques maudites, s’il était marchand, ouvrier, soldat, dans quelle ville il habitait, ils restaient cois, se sentaient devinés, et murmuraient : « C’est un clérical. »

Leurs opinions, d’ailleurs, trahissaient vite la fausseté des sentiments qu’ils affichaient avec, fracas. S’ils avaient aimé vraiment la France, ils eussent prononcé avec admiration le nom de Louis XIV qui avait réuni l’Alsace au royaume, leur grand homme, au contraire, était Gambetta qui, en prolongeant la guerre, était seul cause de la perte de deux provinces.

L’admirable solidarité des Juifs entre eux, leur esprit d’intrigue, permirent aux nouveaux venus de se débarrasser rapidement de tout ce qui, dans le petit commerce ou la moyenne industrie, était encore de tempérament français, avait gardé le bon sens et le jugement fin de leurs ancêtres. Ils se faufilèrent dans tous les comités et bientôt en eurent éloigné tout ce qui les gênait, ils embrigadèrent leurs ouvriers et les accoutumèrent à recevoir servilement un mot d’ordre. Ils parvinrent ainsi à faire élire dans cette ville, qui se prétendait patriote, des Badois comme Spuller et des Francfortois comme Leven.

Dès 1873, les Juifs avaient pris ouvertement la direction du mouvement républicain à Paris et forcé à les suivre la plupart des négociants qui voyaient clairement qu’on allait à la ruine, mais qui n’osaient résister, dans la crainte que le crédit ne leur fût coupé par les banques israélites. Dans la pétition adressée à M. Feray d’Essonne, par les représentants du commerce parisien, pour le féliciter d’avoir fait acte d’adhésion à la République, figurent 45 juifs parmi 160 signataires.

Nous trouvons là tous ceux qui, au début, ont contribué à donner à la République une apparence rassurante, au point de vue des intérêts : les Beaucaire, les Brunswig, les Cahen, Francfort et Elie, Godchaux, Hirsch, Heymann, Lantz, Lazard, Lyon, Oppenheimer, Rheims, Simon frère et Guesdon, Schwaab, Schwob, Trèves, Wimpfen. On remarquera combien de noms, parmi ceux-là, trahissent une origine allemande. Rien que ceci aurait dû donner l’éveil à la population parisienne et lui montrer où étaient ses véritables intérêts.

Selon leur habitude, les Juifs cherchèrent un faux Messie et l’eurent vite trouvé dans Gambetta. Nous peindrons, au chapitre consacré au personnage, le groupe d’affranchis qui se forma autour de lui et le monde spécial dont il fut le porte parole ou plutôt le docile instrument.

Mac-Mahon ne les gêna pas beaucoup. Fidèles à leur inexplicable engouement pour les demi-étrangers, les conservateurs, au lieu de s’adresser à un brave général, de souche bien française, à Canrobert ou à Ducrot, qui aurait risqué sa vie et aurait gagné la bataille, mirent leur confiance dans ce soldat fourbe qui, lui aussi, « ne parlait jamais et mentait toujours. »

Quoique le type fût affreusement mâtiné chez lui, Mac-Mahon, petit-fils d’Irlandais, peut être considéré comme un représentant de la race celtique au pouvoir.

« Le Grec a écrit Paul de Saint-Victor, fut l’enfant de génie de la famille aryenne. » On peut dire du Celte qu’il a été l’enfant terrible de cette famille.

Les Celtes ont eu des héros, des prophètes, des poètes on n’a jamais compté parmi eux un homme politique. De siècle en siècle sortent de cette race quelques personnages extraordinaires et presque légendaires. C’est un Celte que Du Guesclin, qui réconcilie la France avec la Victoire, c’est une Celte que Jeanne d’Arc, qui sauva la Patrie, elle-même semble avoir eu quelque révélation de cette identité d’origine avec le vainqueur de Cocherel. Quand elle monte à cheval pour aller délivrer Orléans, c’est à Jeanne de Laval, la veuve de Du Guesclin, que celle qu’inspiraient les Fées des fontaines envoie son anneau de jeune fille. C’est un Celte encore que Marceau, né à Chartres, en pleine terre druidique, un Celte comme la Rochejacquelein, qu’il rencontre au milieu de la mêlée, sur la place du Mans. Au moment où ils s’élancent l’un sur l’autre, le sabre haut, les soldats les séparent comme s’ils devinaient que c’étaient deux frères qui allaient combattre entre eux.

La promptitude à se dévouer, cette spontanéité, ce bel élan d’enthousiasme qui suscite tout à coup, du milieu de cette race des êtres d’inspiration d’une grandeur presque surhumaine, tous ces dons précieux sont annihilés par l’absence de toute faculté d’ordre, de mesure. Comme organisation sociale les Celtes livrés à eux-mêmes n’ont jamais pu dépasser le clan.

L’Irlande est morte des divisions de famille à famille, Pendant la guerre de Vendée, Charrette, Stofflet, le prince de Talmont passaient leur temps à se disputer et n’ont jamais pu combiner un mouvement général. Très capables d’accomplir quelque exploit exceptionnel, les Celtes sont hors d’état de poursuivre quelque dessein d’une façon suivie.

Mac-Mahon avait eu toutes les qualités de sa race sur le champ de bataille, il en eut tous les défauts au pouvoir. Il fut invraisemblablement grotesque comme Président, se laissa chasser d’une situation inexpugnable, ne parvint jamais à rien comprendre et finit par capituler honteusement devant quelques avocats qui tremblaient dans leur peau toutes les fois qu’il cherchait son mouchoir, en croyant qu’il allait saisir son épée. Il n’eut ni la souplesse, l’habileté politique d’un Grec comme Thiers, ni le sentiment du devoir, le respect de la parole, la ténacité à soutenir son droit qu’aurait eu un Germain. Thiers l’appelait « le soldat déloyal » et il justifia ce jugement en abandonnant tous ceux qui avaient cru à sa promesse formelle « d’aller jusqu’au bout. »

Avant lui Trochu, un autre Celte, avait agi exactement de même, n’essayant même pas de défendre la souveraine à laquelle il avait adressé des déclarations emphatiques, accumulant pendant des mois entiers mensonges sur mensonges comme un enfant qui est tout heureux de gagner une heure et s’évadant d’une responsabilité qu’il avait cherchée par vanité par un subterfuge digne d’un sauvage[203].

Chez Trochu comme chez Mac-Mahon, les deux hommes qui, pour notre malheur, jouèrent un rôle si considérable dans nos affaires, vous trouvez la même duplicité naïve. Quand le comte de Chambord descend à Versailles chez le conte de Vanssay, le Maréchal refuse de le recevoir ; à l’envoyé du Prince Impérial, au contraire, il répond qu’il est légitimiste ; il trahit tout le monde, il empêche tout par une sorte d’ambition personnelle très confuse qu’il n’ose s’avouer à lui-même. L’ambition est toujours ainsi chez le Celte, elle ne se détache pas en pleine lumière, en plein relief comme les objets dans le Midi, elle est indécise et lunaire comme un paysage d’Ossian.

Les Juifs, près du Maréchal, agirent par le baron Sina, et les Castries. Le baron Sina, richissime Juif de Vienne, qui avait embrassé la religion grecque, avait donné une de ses filles à un Castries, l’autre au prince Ypsilanti, qui avait des droits assez sérieux à la couronne de Grèce. Le beau-père, quand il avait accepté ce gendre absolument ruiné d’ailleurs, se voyait déjà assis sur les marches du trône hellénique et faisant pour le pays un emprunt dont il réglerait lui-même le courtage. Soit que la perspective d’être gouverné indirectement par un Juif, fût-il baptisé, ne leur dit rien, soit qu’ils fussent contents du roi Georges, les Grecs ne montrèrent aucun enthousiasme pour les droits du prince Ypsilanti et le baron mourut sans avoir réalisé son rêve. Mais la famille hérita de l’idée. Gambetta eut l’adresse de persuader aux Sina qu’il ne demandait pas mieux que d’appuyer la candidature du prince Ypsilanti au trône de Grèce et ceux-ci, de leur côté, firent tout ce qu’ils purent pour empêcher Mac-Mahon, qui chaque année allait chasser chez eux, de s’opposer sérieusement à l’établissement d’une République juive en France.

Les innombrables négociations à propos de Dulcigno, les commerces bizarres avec les Kohkinos et les Tricoupis n’ont pas eu d’autres raisons d’être.

Le duc Decazes, associé à beaucoup d’affaires financières, était, lui aussi, sous la domination des Juifs. La mère de la duchesse Decazes, Mme de Lowenthal, mariée au fils d’un banquier juif, avait été à Vienne l’âme damnée du baron de Hirsch[204]. On avait même annoncé les fiançailles de la fille du duc Decazes avec le jeune Lucien de Hirsch.

Le grand malheur de la France, alors, fut de ne pas trouver, pour se mettre à la tête de la politique, de vrais représentants du sol, de tomber dans les mains de cette noblesse particulière très modernisée, très avide d’argent, très mêlée aux spéculations de Bourse et par conséquent très enjuivée.

Le seul, qui fut au-dessus de ces préoccupations et qui eut une valeur morale incontestable, le duc de Broglie, fut constamment trompé par Léon Say.


La France put, cependant, avoir un moment l’ombre d’une espérance, elle avait trouvé un auxiliaire inattendu dans un Prussien aussi admirablement organisé, peut-être, pour la politique que le prince de Bismarck, mais moins viril que lui, affaibli et usé jusque dans les moelles par la passion qu’il eut toujours pour l’essence féminine, le Weibliches weren dont parle Goethe.

L’histoire, plus tard, dramatisera ce court combat entre le Chancelier de fer et le diplomate, comme elle a dramatisé la lutte de Cinq-Mars et de Richelieu, elle rendra ses véritables proportions à cet épisode qui aurait pu avoir des conséquences considérables sur les destinées du monde et qui passa presque inaperçu, grâce à cette presse juive, toute entière cette fois encore du côté du prince de Bismarck, et qui ne laisse apparaître des événements contemporains que ce qu’il en faut pour tromper l’opinion.

Le comte Harry d’Arnim n’était pas un simple favori comme Cinq-Mars, essayant de renverser, pour plaire à une coterie, un ministre supérieur à lui, il était considéré par le prince de Bismarck, lui-même, comme le seul homme qui pût le remplacer. Au commencement de 1872, le Chancelier avait même proposé à l’Empereur de nommer l’ambassadeur de France son ad latus.

Le comte d’Arnim voulait davantage. Secondé par la majeure partie de l’aristocratie allemande, appuyé par l’impératrice Augusta, il rêvait de se substituer à Bismarck et de continuer son œuvre, mais en changeant complètement le plan d’opération.

Le prince de Bismarck, comme il l’a déclaré avec la brutale franchise qui lui est habituelle, encourageait la République juive en France pour que la France fût impuissante, méprisée, déshonorée en Europe, sans s’occuper des dangers que présentait pour le monde le foyer d’infection qu’il laissait grandir.

Le comte d’Arnim, au contraire, voulait guérir la France pour que l’Europe ne tombât pas malade grâce à ce voisinage. Il s’inspirait de la maxime de Philippe II : « Mieux vaut éteindre l’incendie dans la maison de son voisin que de l’attendre dans la sienne. » A la France, une fois en monarchie, soit avec le comte de Chambord, soit avec le Prince Impérial, il offrait la Belgique et Metz en compensation de l’Alsace, tandis que l’Allemagne occupait la Hollande, et devenait une puissance maritime. L’Angleterre qui, en dépit des déjeuners du prince de Galles avec Gambetta, nous a constamment trahis et a fini par prendre Chypre et l’Égypte à notre barbe et à notre nez, était tenue en échec pour longtemps. L’Europe entrait dans une ère de paix et d’ordre qui aurait pu se prolonger un siècle.

Le prince de Bismarck, qui agissait alors de concert avec les Juifs[205], brisa comme verre le malheureux d’Arnim, qui, privé de ses emplois, dépouillé de tous ses titres, alla mourir en Suisse du chagrin d’avoir perdu une si belle partie : Tous ceux qui avaient été mêlés à ce mouvement, qui avait des ramifications partout en Allemagne, s’enfuirent pour échapper aux condamnations rigoureuses que fit pleuvoir sur eux M. de Bismarck, en un pays où les délits politiques sont assimilés à des délits de droit commun, où le régime est le même pour l’écrivain qui a attaqué le Chancelier que pour le voleur qui a dérobé un porte monnaie !

Le comte d’Arnim, d’ailleurs, ne trouva pas en France un conservateur pour le comprendre. Mac-Mahon et le duc Decazes laissèrent la baronne de Rothschild insulter, dans une réception officielle, l’ambassadeur d’une grande puissance qui poursuivait un dessein favorable à la France.

On ne croirait pas à cet aplomb d’une Juive, dont le grand père rognait des écus dans la Judengasse de Francfort, si les documents diplomatiques n’étaient pas là[206].

Le pauvre ambassadeur, qui sent bien que l’affront qu’on lui a fait a été inspiré de Berlin et qu’on obéit à un mot d’ordre de Bleichroeder[207], écrit au duc Decazes :

Il me semble que l’ambassadeur d’Allemagne, engagé à se présenter dans la maison la plus officielle de France, devrait pouvoir compter que les personnes admises, en même temps que lui, à l’hospitalité du chef de l’Etat, soient tenues de ne pas manifester par une attitude d’animosité rancunière et de nonchalance calculée que — pour ce qui le concerne — la paix n’est pas rétablie entre la France et l’Allemagne.

Vous et moi aurions répondu immédiatement : « Monsieur le comte, je suis désolé qu’on ait invité une personne aussi mal élevée, si elle a le malheur de se représenter à l’Élysée, je vous promets de la faire flanquer à la porte par les domestiques. »

L’infortuné Decazes songe à ses actions que Rothschild peut faire baisser le lendemain à la Bourse et il accouche du billet suivant qui, du reste, n’est pas mal tourné :

Paris, le 12 septembre 1873.

C’est au moment où commence mon audience que je reçois, monsieur le comte, votre lettre particulière datée d’hier.

Je ne parviens ni à admettre ou à comprendre qu’une pareille inconvenance ait pu se produire. C’est en vérité, M. le Maréchal, qui plus que tout autre, en serait surtout et directement atteint. Je vais donc l’entretenir de cet incident et prendre ses ordres.

En attendant, votre Excellence voudra bien agréer, avec mes regrets de ce qui ne peut être qu’un malentendu, l’expression bien cordiale de ma plus haute considération.

Quant au faubourg Saint-Germain, il est encore persuadé que la baronne de Rothschild, dont le mari était le banquier de M. de Bismarck et l’associé de Bleichroeder, a obéi à un mouvement de patriotisme, à un accès de chauvinisme français en insultant l’ambassadeur d’Allemagne. Les larmes viennent aux yeux de tous quand on raconte cette histoire. « La bonne baronne, murmurent les femmes, comme elle nous aime ! »

En revanche, les mêmes gens qui passent leur vie avec des Juifs prussiens, qui les invitent à toutes leurs fêtes s’indignent bruyamment dans leur patriotisme quand ils voient la bannière des Socialistes allemands figurer aux enterrements à côté de la bannière des Socialistes français.


Malgré tout la France, la vraie France honnête, patriote, travailleuse désirait tant la Monarchie, elle en avait tant besoin que la restauration de la Royauté fut bien près de se faire.

En réalité, le seul obstacle ce fut le comte de Chambord. Dieu me garde de manquer de respect à cette noble et pure mémoire ! J’ai pleuré à la mort du pauvre petit Prince Impérial plus que la plupart de ceux que l’Empire avait comblés de bienfaits. Je me rappelle, encore les heures de tristesse que j’ai passées dans mon jardinet au moment de la maladie du comte de Chambord, devant mes lys, qui s’affaissant sur leurs tiges, à mesure que les jours s’écoulaient, semblaient comme l’image de cette existence, comme le symbole de cette Monarchie de dix siècles, dans laquelle la France s’était si complètement incarnée.

L’histoire a cependant des droits, elle dira ce que nous disons : « Le comte de Chambord n’a pas voulu régner. Aux âges passés, le matin du sacre, l’archevêque de Reims allait frapper à la porte de la chambre occupée par le roi dans les appartements du Chapitre. — Le roi dort ! Répondait le grand maître des cérémonies. — Eveillez-le, disait l’archevêque. En 1873, la France a frappé à la porte de la chambre du roi, mais le roi ne s’est pas réveillé !

Si quelques écrivains, comme le dit Carlyle, regardent l’histoire comme une réunion de petites fioles étiquetées d’avance et dans lesquelles on fait entrer les faits, d’autres, au contraire, et nous sommes de ce nombre, veulent surtout dans l’histoire étudier des hommes, voir des êtres.

Quelle étude plus passionnante que celle-là quand, sans s’arrêter aux figures de convention que la consigne de chaque parti entend imposer, bon gré mal gré, à l’opinion, on se met dans la peau des gens, on s’efforce de deviner ce qu’ils ont pensé, ce qu’on aurait pensé peut-être à leur place !

Un mot suffit à peindre le comte de Chambord, le mot de Goethe sur Hamlet :

« C’est une âme chargée d’un grand dessein et incapable de l’accomplir. »

Nulle âme de roi ne fut plus haute, plus généreuse, plus droite, mais le tempérament n’y était pas. On voit, comme à travers du cristal, les combats qui se livrent dans ce cœur. Dès que l’occasion se présente, le comte de Chambord s’ingénie à chercher un prétexte, il essaie de gagner du temps, il se pelotonne dans son drapeau[208], comme nous nous pelotonnons dans nos draps quand on vient nous chercher à l’aube, l’hiver, pour une corvée ennuyeuse. Dès qu’il a reculé, il se raisonne, il se ramène lui-même.

À ce manque de déterminisme, il faut, pour demeurer dans l’analyse vivante, joindre l’intervention toute naturelle de la comtesse de Chambord. Laissez de côté toutes les phrases, restez dans la simple humanité, et figurez-vous ce que devait éprouver cette femme dévouée lorsqu’elle voyait son mari, heureux près d’elle, faisant la charité, chassant, mangeant bien et qu’elle se disait : « Demain, tout ce bonheur sera remplacé par des machines infernales, des coups de pistolet, des émeutes. »

— Je suis revenue une fois, disait souvent la duchesse d’Angoulême, mais je ne consentirai pas à revenir une seconde fois.

La comtesse de Chambord avait été élevée avec la duchesse d’Angoulême qui lui racontait sans cesse les scènes du Temple, les infamies républicaines presque inconnues, car c’est à peine si l’histoire a osé les relever, le long martyre du petit Dauphin que la pauvre princesse, blottie derrière la porte, entendait chaque matin hurler de douleur, sous les coups de Simon. « Madame, me disait quelqu’un qui a vécu longtemps à Frosdhorff, avait gardé de ces récits une impression ineffaçable. Le peuple de Paris lui inspirait une véritable terreur. »

Les défauts du comte de Chambord s’aggravèrent encore grâce aux habitudes contemporaines. Autrefois un prétendant dans cette situation eût trouvé quelque compagnon comme en avait eu Henri IV, n’ayant pas sa langue dans sa poche et parlant à son roi en camarade. Notre époque, de laquelle tout héroïsme a disparu, vit, au contraire, dans un perpétuel lyrisme écrit, dans une sorte de lyrisme journalistique, on a la gloire sans être obligé de se donner la peine de l’acquérir. L’avenir sera stupéfait en constatant que le comte de Chambord et le maréchal Mac-Mahon, qui n’ont jamais tenté un effort effectif pour sauver leur pays, ont été accablés de plus d’épithètes flatteuses que tous les sauveurs de peuples ensemble.

Le mensonge de l’adulation vaine a suivi le comte de Chambord jusque dans la mort et beaucoup de gens sont convaincus que ce sont les intrigues des d’Orléans qui ont empêché la restauration de la Monarchie.

Les faits contredisent absolument cette affirmation que suffirait, d’ailleurs, à démentir le caractère du comte de Paris.

Père de famille irréprochable, bon chrétien, travailleur infatigable, le comte de Paris ne répond pas complètement à l’idéal qu’un pays romanesque comme le nôtre se fait d’un souverain, il n’a rien qui monte l’imagination on regrette qu’un peu de flamme et d’enthousiasme ne s’ajoute pas à tant de sérieuses qualités.

Le rêve de celui auquel la naissance a imposé de si grand devoir eût été de vivre de la vie d’un planteur dans la libre Amérique. Chose curieuse, au commencement de 1870, le projet de départ du comte de Paris était définitivement arrêté et il avait fixé au mois de juillet la date de son installation au-delà de l’Atlantique.

On s’attache aux pays pour lesquels on a combattu et le comte de Paris, dont le calme courage avait excité l’admiration de l’armée dans la guerre de la Sécession, a gardé, de son séjour là-bas, un goût regrettable pour des institutions qui ne conviennent pas à la France. « C’est un prince qui n’a pas assez de préjugés, » a-t-on dit de lui, il serait plus juste de dire que c’est un prince qui a ou qui du moins a eu longtemps tous les préjugés du modernisme.

Les d’Orléans, nous l’avons dit, ont toujours accordé à l’argent une importance excessive, avoir pour eux est comme un complément, comme une prolongation d’être. La fréquentation des Yankées, chez lesquels le dieu Dollar est l’objet d’un véritable culte, n’a point modifié ces sentiments. Pour le comte de Paris et les siens, le fait de posséder beaucoup constitue un mérite et c’est sous l’influence de ces idées qu’une famille fermement chrétienne en est arrivée à donner au pays le spectacle démoralisant de la maison de France vivant sur un pied d’intimité avec la maison de Rothschild.

Tel est, je crois, l’impartial portrait d’un prince foncièrement honnête homme que la France, revenue de bien des chimères, sera peut-être bien contente de trouver pour mettre un peu d’ordre dans ce pays ravagé par une horde de bandits. Etant donné un tel homme, sa conduite vis à vis du comte de Chambord n’a pu être que très correcte. Il a été fort heureux, tous ceux qui l’ont approché de près en témoignent, d’être débarrassé de l’héritage de 1830 et de rentrer, non seulement dans la tradition monarchique, mais encore dans la bonne tenue, dans la décence qui conviennent à une famille rangée, à partir de la visite du 5 août 1873, il ne s’est plus considéré que comme un Dauphin.

Le 30 octobre 1873, après la publication de la fameuse lettre qui renversait tous les plans de restauration, Tailhand courut chez le comte de Paris et le trouva entouré des trois ducs : le duc de Broglie, le duc d’Audiffret-Pasquier et le duc Decazes.

— Il n’en veut pas, dit le duc d’Audiffret-Pasquier, monseigneur, à vous la manche.

— C’est impossible, interrompit le duc de Broglie, l’honneur vous le défend. Nous n’avons plus qu’à proroger le Maréchal et à voir venir.

Seul de tous les hommes importants du gouvernement, le duc d’Audiffret-Pasquier, celui que Thiers comparait à un hanneton dans un tambour, intrigua pour diminuer d’avance l’autorité du Roi. Il avait dit dans un banquet auquel assistaient plusieurs curés de Normandie : « Nous le ficellerons comme un saucisson et il lui sera impossible de bouger. »

Ce propos, rapporté au comte de Chambord, éveilla, sans doute, sa défiance contre l’Assemblée, mais au fond il ne demandait qu’à être découragé.

Ce qui frappe dans le comte de Chambord, je le répète, ce qui est vraiment pathétique, c’est l’antagonisme du tempérament qui se dérobe toujours et de la conscience qui pousse sans cesse à l’accomplissement du devoir.

Après la lettre du 27 octobre, qui ne parut que le 30, parce que l’Union la garda trois jours sans vouloir l’insérer et ne se décida qu’au reçu d’un télégramme impératif, on croit tout fini. Le 17 ou le 18 novembre, le comte de Chambord arrive à Versailles.

Qu’elle est émouvante cette journée du 19 novembre 1873, qui décida peut-être du sort de notre pays ! Les députés monarchistes qui se tenaient dans la maison voisine de celle du comte de Vanssay où était descendu le Roi savaient que le comte de Chambord était à Versailles, sans se douter qu’il était à deux pas d’eux... Ils suppliaient M. de Monti, M. de Blacas, M. de la Bouillerie, de leur faire connaître l’endroit où se trouvait l’auguste voyageur, ils s’accrochaient à eux pour les décider à parler.

Quelle était la situation ? Cent députés étaient prêts à se grouper sur la place d’Armes pour faire cortège au Roi ; dès qu’on les aurait vus entrer à l’Assemblée en criant Vive le Roi ! cent cinquante autres se seraient joints aux premiers et auraient poussé le même cri. La royauté reprenait tranquillement possession du palais de Louis XIV, elle était restaurée d’acclamation par les représentants du pays.

Le Roi n’eût rencontré aucune difficulté. Sur un mot de lui, Mac-Mahon serait venu lui présenter ses hommages et prendre ses ordres. Ducrot était tout à lui, Charrette aurait marché à ses côtés. Si le duc de Broglie subissant, comme nous l’avons dit, l’influence de Léon Say, qui déjà flattait Gambetta, l’homme des Juifs, n’avait pas aidé à la restauration autant qu’il l’eut dû, il n’avait guère gêné les royalistes dans leurs préparatifs, il n’aurait eu certes ni la volonté, ni le pouvoir de faire reconduire le Roi légitime à la frontière.

Ajoutons que trois mille zouaves pontificaux, parfaitement organisés et qui pouvaient se rendre à Versailles sans éveiller l’attention, étaient tout disposés à venir faire au Roi une escorte d’honneur. Un arsenal contenait à Rennes les armes de ces régiments.

Mais cela même eût été inutile. Tout aurait été emporté dans un élan d’enthousiasme, dans un large et irrésistible courant. L’âme française, ne l’oublions pas, ne ressemblait pas alors à ce qu’elle est aujourd’hui. Il y a un monde entre la France d’alors et la France actuelle, avilie par l’opportunisme, morte à toute pensée grande, pourrie dans les moelles, préoccupée de sales trafics, de pornographie et de scandales. Les formidables événements de la guerre et de la Commune avaient réveillé le patriotisme dans tous les cours, purifié les sentiments, on croyait encore au relèvement de la Patrie.

Le peuple de Paris, dégoûté des républicains qui avaient égorgé leurs anciens amis, acceptait très bien la restauration. J’ai entendu vingt fois des ouvriers qui allaient à leur travail ou qui en revenaient, dire philosophiquement « qu’ils ramènent leur Chambord et qu’on nous flanque la paix ! »

Le cœur défaillit au comte de Chambord à cette heure suprême ; au lieu d’agir en Roi et de mander le maréchal Mac-Mahon il lui demanda une entrevue.

De ce côté pouvait encore venir l’acte décisif qui eût tout sauvé. Si le Maréchal avait été de la race de ces militaires francs, joviaux et ronds d’autrefois, il aurait parfaitement compris que le comte de Chambord était de ces hommes qu’il faut jeter à l’eau pour les décider à nager. Il lui aurait donné rendez-vous, il l’aurait invité à déjeuner, il lui aurait fait boire un verre de champagne à la santé de la France, il aurait prévenu deux ou trois régiments de cavalerie dont tous les officiers étaient ardemment légitimistes, puis, brusquement, il aurait montré le souverain aux troupes. Cette fois encore on aurait crié à tue tête : Vive le Roi ! Le centre droit et le centre gauche auraient eu beau se réunir pour paperasser pendant des heures entières dans des commissions, ils n’auraient rien pu contre le fait accompli. Nous aurions quelques milliards de dette de moins aujourd’hui, et la France, au lieu d’être un objet de pitié pour les nations, serait redevenue l’arbitre de l’Europe.

Le maréchal Mac-Mahon n’était ni gai, ni franc, il couvait déjà solitairement je ne sais quel songe de présidence à vie, il refusa de recevoir le Roi.

Dans ce pays, qui était jadis le pays des initiatives hardies, des coups de tête, des bravoures endiablées, nul ne bougea. Le seul qui eut vraiment le sentiment de sa mission, le héros que la France attendait, le Prince Impérial était trop jeune, et sans doute il se disait en Angleterre « Si j’étais le comte de Chambord ! »

A partir de cette date on ne trouva plus dans le parti monarchique, pour employer une expression de Saint-Simon, que « cacades, paroles de neige et pistolets de paille. » On retomba dans cette perpétuelle convention qui perd et émascule une époque qui ne demande qu’à être trompée. On parle de soulèvements, de combats, de Vendée sur le papier, on laisse supposer vaguement que l’on conspire pour flatter l’abonné au moment des renouvellements[209]. Bref, on voit cette chose tout à fait falote, Arthur Meyer s’écriant de temps en temps : « Le Roi vient ! Montjoie-Saint-Denis ! En avant les fils des preux ! »

Le pauvre Roi ne songeait pas à venir, il s’en allait au contraire. L’effet que produisit sa mort attesta une fois de plus la place que tenait dans le monde l’idée qu’il représentait. La postérité, sans accepter les hyperboles des journaux boulevardiers, sera respectueuse pour cette figure, elle s’expliquera qu’un tel homme n’ait pas eu le courage de régner sur un peuple qui tue les princes qui ne lui ont fait que du bien et qui adule les tribuns qui l’ont leurré et ruiné.

A des nations chrétiennes, il faut de bons pasteurs de peuples comme furent si longtemps les Bourbons, à des pays affolés et exaspérés par les idées révolutionnaires, il faut des belluaires.

Le comte de Chambord n’était pas de cette race et, tout en encourageant ses partisans dans leurs espérances les plus aventureuses, tout en continuant sans doute de prier pour la France, il s’est peu à peu détaché d’elle. Je dirai presque qu’il s’en est détaché trop, car on eût aimé trouver dans son testament un mot pour tant d’hommes qui avaient défendu sa cause, un remerciement à des écrivains comme ceux de l’Union, un legs, sur 17 millions, pour ces Cercles ouvriers qui sont un si noble essai de socialisme chrétien.

Chose curieuse, ce prince, dont la mère avait été déshonorée par Deutz, fut soigné par deux médecins juifs, car Vulpian n’a été appelé qu’au dernier moment. A-t-il recherché cette expiation par esprit de sacrifice ? Je veux le croire car une telle préférence eût été bien singulière.


Après avoir laissé passer l’occasion et n’avoir travaillé que très mollement à amener la seule solution possible, les hommes d’Etat, qui dirigeaient si malheureusement le parti conservateur, eurent quelques velléités de réagir au 16 Mai et ils auraient réussi s’ils avaient eu la moindre énergie. Qui ne connait, hélas ! les conditions ridicules dans lesquelles le combat fut engagé par des êtres pusillanimes qui, après avoir mis leur épingle au jeu sans trop savoir pourquoi, n’étaient préoccupés que de la retirer ?

Des deux chefs du Seize-Mai, le plus disposé à sacrifier sa vie eût été certainement le duc de Broglie, mais il était gêné par les habitudes d’un tempérament tout littéraire, par cette perpétuelle hésitation d’esprit qui rend les hommes d’une certaine école politique impropres à toute détermination virile. Fourtou, pur gascon, vrai capitan de comédie, était avec plus de rouerie, le modèle du Sulpice Vaudrey de Monsieur le Ministre, le provincial corrompu par la vie de Paris, il ne profita de son passage au ministère que pour « s’en fourrer jusque là. »

Le duc de Broglie était timoré comme un parlementaire, l’autre poltron comme la une, le premier avait peur d’endommager sa doctrine, l’autre tremblait de compromettre sa peau[210]

Toutes les fois qu’il fallut agir ou qu’on leur proposa d’agir pour eux, les hommes du Seize Mai reculèrent. M. Oscar de Vallée me racontait, à ce sujet, un détail qui a son intérêt. On avait annoncé dans le Français sa nomination comme procureur général à la cour de Paris. « Je suis prêt à accepter, dit-il à M. Brunet, mais je vous préviens que mon premier acte de magistrat sera de faire arrêter M. Gambetta et son fameux comité[211]. »

Le gouvernement ne pensait guère à cela. Ces prétendus catholiques, que nous avons vus si durs pour les pauvres diables de la Commune, tremblaient devant cet Italien factieux.

Le vrai coupable, cependant, ce fut le maréchal Mac-Mahon. Il avait lui-même pris l’initiative du Seize Mai que rien ne rendait indispensable à ce moment, il avait répété sur tous les tons qu’il ne reculerait pas, il refusa d’appeler au ministère de la guerre le général Ducrot qui se déclarait prêt à prendre les mesures que nécessiteraient les circonstances.

Le général Ducrot, dans cette triste période de notre histoire, fut le seul qui ait été constamment résolu à se sacrifier au besoin pour le salut du pays. Au commencement de 1873, quand tout était si bien organisé pour le retour de l’Empereur que Napoléon III, pour pouvoir monter à cheval, se soumit à l’opération dont il mourut, Ducrot était l’âme du mouvement qui allait s’accomplir. Il se mit ensuite avec le plus entier dévouement à la disposition du comte de Chambord. Au mois de décembre 1877, il ne demandait qu’à agir en déclarant seulement qu’une fois l’ordre rétabli, il se prononcerait « pour le premier qui serait là ». C’étaient ses propres paroles. Le Prince Impérial, qui attendait impatiemment de l’autre côté du détroit, serait-il arrivé avant le comte de Chambord ? Je le crois. En tout cas, la France eût été sauvée, le Maréchal ne voulut pas qu’elle le fût, il obéit à un sentiment de mesquine jalousie envers un compagnon d’armes en refusant d’appeler le général Ducrot au ministère de la guerre[212].

Ces faits m’ont été confirmés par des confidents intimes, par des amis personnels du général, qui l’ont entendu répéter, à cette époque, qu’il acceptait toutes les responsabilités, ils sont, d’ailleurs, de notoriété publique.

— Vous avez cent fois raison, me dit un des hommes les plus activement mêlés à ces événements et qui s’exprime sur le compte du Maréchal en termes que je ne veux pas reproduire, mais vous avez tort d’être aussi net, cela nuira au succès de votre livre dans un certain monde.

Voilà où ils en sont. La vérité les gêne, comme la lumière gêne les malades, il leur faut la veilleuse qui brûle tristement dans la chambre soigneusement calfeutrée.

Il me semble nécessaire, au contraire, que si la France périt on connaisse le nom de celui qui l’a perdue, nécessaire aussi qu’on rende hommage à ce pauvre général Ducrot, qui dort là-bas dans un coin de la Nièvre. Deux fois vaincu, le grand patriote n’a pas voulu que tout ce bruit militaire, sonneries de clairons, roulements de tambours, qui avait bercé sa vie héroïque retentît autour de son cercueil et c’est simplement qu’il s’en est allé attendre, dans un cimetière de village, la justice tardive de l’histoire.

Fourtou, lui, voulut couronner par un acte mémorable cette belle résistance du parti conservateur, avant de quitter le ministère, il nomma chevalier de la Légion d’honneur le Juif Albert Millaud, auteur de Madame l’Archiduc et autres opérettes grivoises. Ce fut son testament de Brutus et l’adieu aux affaires du représentant de l’ordre et de la religion.


Les Juifs étaient les vrais vainqueurs du 16 Mai et l’occasion se présenta bientôt pour eux de montrer qu’ils étaient les maîtres chez nous.

Pour la première fois, au congrès de Berlin, la France allait se retrouver en face de Europe, qui l’avait si tranquillement laissé mutiler en 1871.

Qui fut chargé de représenter cette revenante ? Un Anglais……

J’ai esquissé ailleurs le portrait de Waddington[213], ce cosmopolite qui rentre dans la catégorie de tous les naturalisés, de tous les Peregrini, de tous les circulatores que nous rencontrerons dans le cours de ce travail. Il a des parents partout, excepté en France, ses cousins sont nombreux en Allemagne, sa sœur a épousé un diplomate prussien, M. de Bunsen, un de ses oncles est colonel dans l’armée anglaise, un autre, Evelino Waddington, est mort au mois d’avril 1883 à Pérouse.

Nul dans le pays ne s’étonna du choix de cet Anglais, pas plus qu’on ne s’était étonné du choix de Spuller comme secrétaire général du gouvernement de la Défense nationale. L’abaissement des intelligences était telle, à ce moment, qu’on ne prêtait même pas attention à ces énormités.

L’attitude prise par Waddington au congrès ne souleva même que de timides protestations.

La conduite à suivre était tout indiquée et le premier Français venu, intelligent et patriote, l’aurait suivie d’instinct.

La Russie, par l’antagonisme latent qui existe entre elle et l’Allemagne, est sinon notre alliée naturelle, du moins la seule nation sur laquelle nous puissions compter. Le tsar Alexandre nous avait rendu un signalé service en 1873, en s’opposant à un retour offensif de l’Allemagne sur nous. Que pouvaient nous faire les conditions du traité de San-Stéfano favorables à la Russie ?

On vit cependant cet étrange spectacle d’un ministre des affaires étrangères, nominalement français, épousant, avec un zèle éperdu, les intérêts de l’Angleterre, la poussant à prendre Chypre, souriant quand elle annonçait d’avance l’intention de nous chasser de l’Égypte et de s’en emparer.

Pour la France, Waddington ne réclamait qu’une chose… l’émancipation des Juifs de Roumanie.

Pour la Roumanie comme pour l’Allemagne, nous renvoyons à notre prochain volume, l’Europe juive, et nous ne prenons de la question que ce qu’elle a de commun avec la France.

Quels que soient les mensonges de la presse juive, chacun, d’ailleurs, est un peu au courant de la situation de cet infortuné pays.

Braves, artistes, hospitaliers, les Roumains, qui descendent des anciens Colons de Trajan, aiment à rappeler que leur nom même constate leur étroite parenté avec les fils de l’ancienne Rome.

Ce ne fut que sous Aurélien en effet que Rome fut contrainte d’abandonner la Dacie aux Barbares et à la Dacie des montagnes substitua, de l’autre côté du Danube, la Dacie du rivage : Dacia ripensis.

Nous ne dirons pas aussi facilement que l’Empereur, écrit éloquemment à ce sujet M. Victor Duruy, un adieu définitif à cette vaillante population romaine de la Dacie Trajane. Digne de son origine et de celui qui lui avait donné ses premières cités, elle a joué dans les Carpates le rôle de Pélage et de ses compagnons dans les Asturies, bravant du haut de cette forteresse inexpugnable toutes les invasions, regagnant pied à pied, tandis qu’elles s’écoulaient vers le Sud ou l’Ouest, le terrain perdu, et reconstituant, après seize siècles de combats, une Italie nouvelle, « Tzarea roumanesca », dont les peuples de race latine saluent l’avènement au rang des nations libres.

Le type italien a pris chez les Roumains une sorte de grâce orientale à la fois mâle et poétique, ils aiment à chanter le soir, à la clarté des étoiles, ces originales mélodies dont le rythme bizarre reste dans l’oreille charmée. Ils seraient, en un mot, parfaitement heureux, comme les Français du reste, si les Juifs n’existaient pas.

Le Juif là ne constitue pas une maladie fixe, un marais plus ou moins étendu et plus ou moins fétide, c’est une sorte d’écoulement perpétuel qu’il est impossible d’arrêter. Le grand réservoir du Sémitisme, la Galicie et les provinces Russes limitrophes déversent incessamment là leurs hordes puantes.

Cent fois on a décrit ces Juifs à tire-bouchon, à houppelande crasseuse ornée d’énormes brandebourgs, laissant tomber la vermine partout où ils passent, offrant un danger constant pour la salubrité publique.

Acharnés sur ce malheureux pays, où leur Messie, disent-ils, doit naître de la famille d’Isrolska, les Juifs ont fait de lui ce qu’ils voudraient faire de la France, ils le dévorent, ils le rongent, ils le sucent, ils l’épuisent. Monopolisant la vente des liqueurs fortes, ils attirent petit à petit à eux tout l’argent, tous les produits, toutes les propriétés de la contrée[214].

Dès qu’un fermier a mis le pied dans un cabaret, il est perdu, tout passe dans l’engrenage : la ferme, le champ, le bétail, les vêtements, l’anneau de mariage, tout. Abruti par le poison qu’on lui verse, l’infortuné signe un engagement qu’on surcharge et qu’on ne lui représente plus que bien longtemps après, lorsqu’il est hors d’état de payer. Alors le Juif fait saisir, et un compère achète à vil prix le petit domaine du pauvre diable.

Tout le petit commerce, écrit M. Ernest Desjardins[215], membre de l’Institut, comme M. Waddington, et peu suspect par nature d’exagération, est entre leurs mains, le lait, la viande, les fruits, l’eau-de-vie surtout, dont ils ne boivent pas et qu’ils frelatent avec du vitriol, trompant les Roumains, empoisonnant du même coup la ville et la campagne.

Ce peuple, dit ailleurs le même écrivain, ne veut ni servir, ni s’instruire, ni cultiver, ni payer, il ne veut participer à aucune charge, ne fait aucun sacrifice, ne se soumet même pas aux lois de police, aux règlements d’hygiène, et avec ses huit cent mille bras ne saisit ai la charrue, ni la pioche, ni le fusil — mais l’argent[216].

Voilà les clients que M. Waddington donna à la France, la protectrice séculaire des opprimés, voilà ceux dont il prit la cause en main, à la stupéfaction de Bismarck qui riait aux éclats à chaque séance où notre ministre remettait la question sur le tapis.

Il y eut après le traité de Berlin des épisodes vraiment touchants dans la douleur de ce peuple que l’Europe condamnait à disparaître devant le Juif.

Il ne s’agissait pas, nous le répétons, d’un nombre déterminé de Juifs à admettre, mais de tous les Juifs auxquels il plairait de s’établir dans ce pays au détriment des propriétaires du sol. D’après la doctrine de Waddington, tout Juif était citoyen roumain.

Un ancien révolutionnaire, un homme qui, pendant son exil en France, avait été l’ami de tous les républicains arrivés, Bratiano dit à la Chambre des représentants cette parole émouvante : « Messieurs, dans ma vie politique j’ai passé par beaucoup de vicissitudes et par beaucoup de malheurs, mais nulle part et jamais je ne me suis senti aussi malheureux qu’à Berlin. »

Pendant ce temps la Juiverie exaltait, et Crémieux, dans une séance de l’Alliance israélite, s’écriait sur un ton dithyrambique :

Ma foi est grande devant notre situation aujourd’hui si belle ! Ah ! laissez-moi reporter tout cela à la conduite si noble, si loyale et si pure qu’a tenue à Berlin notre ministre des affaires étrangères, notre Waddington. (Plusieurs salves d’applaudissements accueillent cette parole de l’orateur.)

Ce mot notre semble indiquer que Waddington est d’origine juive, à moins que Crémieux n’ait voulu dire par là que le ministre des affaires étrangères était à eux parce qu’ils l’avaient payé.

Juif ou payé pour servir les Juifs, Waddington en tous cas n’épargna rien pour défendre sa race ou pour gagner son argent. Il tint la main à la cause du traité de Berlin, qui était la mort de la Roumanie, avec une âpreté toute judaïque. La France, grâce à lui, la généreuse France, joua ce rôle ignoble d’un gendarme étreignant les poignets d’une nation faible, pour permettre au Juif d’entrer de force du vitriol dans la gorge de la moribonde.

Bratiano, avec l’énergie, l’espoir toujours vivace du vrai patriote, entreprit à travers l’Europe un voyage semblable à celui de Thiers allant supplier pour la France vaincue.

L’Autriche, la Russie et la Turquie reconnurent individuellement l’indépendance de la Roumanie. En Angleterre, en Italie, Bratiano avait trouvé partout les ministres vendus aux Juifs, et s’était heurté à d’impitoyables résistances. Les consciences cependant s’étaient révoltées devant les faits qu’il racontait et on lui avait répondu : « Les puissances signataires du traité de Berlin sont solidaires. Que la France se déclare prête à reconnaître l’indépendance de la Roumanie sans exiger l’accomplissement immédiat de la clause léonine relative aux Israélites, et nous en ferons autant. »

Waddington résistait et répondait toujours : « Point de droits de citoyens accordés aux Juifs qui tiennent des maisons de filles, des cabarets d’eau-de-vie empoisonnée, des comptoirs d’usuriers, point de ministre de France accrédité près de la Roumanie. »

En vain on lui disait : « Mais en quoi cette question qui est toute de police intérieure peut-elle intéresser la France ? La liberté des cultes n’est pas même en cause puisqu’il est avéré que la Roumanie est peut-être le pays du monde oû la tolérance est le mieux pratiquée. »

Le Waddington ne bougeait mie et la gauche, presque tout entière mêlée aux spéculations financières et vivant ainsi aux gages des Juifs, trouvait naturellement cette conduite admirable.

Un autre envoyé de la Roumanie, M. Catargi ne fut pas plus heureux. Voici textuellement, d’après les journaux israélites, la réponse cynique que lui fit Gambetta : « J’engage votre gouvernement à s’exécuter, la France ne reconnaîtra pas l’indépendance de votre pays sans que vous ayez reconnu les droits civils à tous les Juifs sans distinction. M. Crémieux y tient. M. Waddington a pris au congrès de Berlin l’initiative de cette question, il y va de l’honneur de la France de ne pas la laisser éluder. Moi-même j’ai donné ma parole à Crémieux de l’appuyer, ainsi je ne peux encore une fois que vous engager à remplir sans délais vos engagements. »

Répétons qu’il ne s’agissait nullement d’une question de liberté religieuse.

M. Ernest Desjardins écrit encore à ce sujet dans sa brochure : Les Juifs en Moldavie :

J’affirme que le motif religieux n’a aucune part dans les mesures prises par le gouvernement, ni dans l’hostilité que la population témoigne aux juifs. La tiédeur des Grecs orthodoxes pour leur culte et l’indifférence des prêtres salariés par l’État rendent impossible le moindre soupçon de persécution religieuse. Ce qu’on hait c’est un peuple étranger dans un pays dont il absorbe la substance, formant un État dans l’État, comme les protestants en France avant les édits de Richelieu.

Mais nous avons de ce fait un témoignage plus significatif encore, celui de M. Ad. Franck qui jouit dans le monde israélite d’une estime méritée.

Dans la réponse qu’il adresse à M. Xavier Roux qui lui avait demandé quelles étaient, selon lui, les causes de l’agitation anti-sémitique qui va grandissant dans toute Europe, le professeur au collège de France déclare qu’en Roumanie comme en Russie les croyances religieuses sont absolument étrangères aux mesures prises contre les Juifs[217].

Le savant auteur de la Kabbale serait bien aimable alors de nous dire au nom de quel principe nous intervenons dans les affaires intérieures d’un peuple qui n’a que le malheur d’être trop faible pour nous prier de nous mêler de ce qui nous concerne.

La Roumanie cependant échappa à moitié au péril.

Un député républicain eut le courage de traiter ce sujet que tout le monde évitait avec le plus grand soin.

« Voilà dix-huit mois, dit M. Louis Legrand dans la séance du 15 décembre 1879, que le traité de Berlin a proclamé indépendant l’Etat de Roumanie. L’Autriche, la Russie, la Turquie, les trois puissances les plus intéressées à l’observation du traité de Berlin, ont immédiatement reconnu l’indépendance de cette petite nationalité. L’Italie vient, à une date récente, de suivre cet exemple. Je demande que la France en fasse autant et noue avec la Roumanie des relations diplomatiques régulières. »

Waddington évita, on le comprend, de dire la vérité et d’expliquer les mobiles qui l’avaient fait agir, il craignait la publication de certains documents qui ne lui auraient pas fait honneur, il se contenta d’ergoter sur la naturalisation par tête et par catégories déterminées qui ne le regardaient aucunement, et dans lesquelles le gouvernement français n’avait aucune espèce de raison de s’immiscer.

Dans la peur d’être démasqué, il finit cependant par céder. Les Juifs, en outre, sentaient que les Roumains étaient à bout de patience, ils n’ignoraient pas qu’il se préparait de ce côté des scènes auprès desquelles les exécutions de Bulgarie et de Russie n’auraient été, pour employer un mot de Retz souvent cité par Maxime du Camp, que « des verdures et des pastorales. »

On prit le parti d’envoyer de ce côté, comme membre français de la commission du Danube, un fonctionnaire dont l’origine sémitique ne me surprendrait pas et qui, en tous cas, fut comme le représentant de la Juiverie française dans cette région. On choisit un nommé Barrères, ancien condamné de la Commune devenu gambettiste. S’il faut le juger d’après la façon rapide dont il s’est enfui sous la Commune dès que la bataille des rues a commencé, je crois qu’au moment d’un grand massacre, ses coréligionnaires de là-bas auraient eu tort de compter sur lui. Du reste, la Juiverie reconnaissante l’a fait depuis passer en Égypte où nous allons le retrouver bientôt[218].

La Juiverie ne fut pas ingrate pour Waddington. En 1883, l’Alliance israélite eut le crédit de retirer l’ancien ministre de l’oubli méprisant dans lequel il était tombé, pour l’envoyer en Russie plaider, avec l’autorité qui peut s’attacher encore au titre d’ambassadeur de France, la cause des Israélites de Russie.

M. Jules Delafosse prononça à cette occasion un discours d’un admirable patriotisme. Laissant toute question politique de côté, il se plaça seulement sur le terrain des intérêts français, il rappela que M. Waddington inféodé à l’Angleterre avait contrecarré au congrès de Berlin tous les projets du seul allié sur lequel nous pouvions compter ; il demanda qu’à cette cérémonie où les nations étrangères déployaient toutes leurs pompes, la France fût représentée par un de ses vrais enfants, par quelque glorieux soldat.

Tout fut inutile. L’Alliance israélite avait parlé, on couvrait la voix de l’orateur, et, des tribunes, on entendait les députés crier en riant : l’Anglais ! l’Anglais.

Waddington s’en alla à Moscou promener à nos dépens sa noblesse de carte de visite et son écusson grotesque où figuraient des fleurs de lis sous une hache d’armes, avec cette devise qui, pour un si oblique personnage, a l’air d’une raillerie : Loyauté !

Pendant son ambassade en Russie, Waddington, convaincu qu’on peut tout se permettre avec nous, fut énorme d’aplomb. Pour empêcher tout rapprochement avec la Russie, l’Allemagne désirait que nous fissions une avanie au gouvernement du czar. Waddington y consentit volontiers et, dans le grand bal officiel qu’il donna, il ne daigna pas inviter le ministre des affaires étrangères, M. de Giers.

Ce fait, que mes lecteurs m’accuseraient peut-être d’inventer par esprit de parti, est absolument authentique, il est mentionné notamment dans le Gaulois du 22 juin 1883, par M. Louis Teste, un écrivain très modéré et très au courant des questions diplomatiques. N’est-ce pas ravissant encore, la France, à la veille de la banqueroute, offrant deux cent cinquante mille francs à un Anglais pour aller faire des insolences à la seule puissance qui ait conservé pour nous une ombre de sympathie ?

L’envoi de M. Waddington à Londres a couronné cet édifice de ridicule. On avait dit que l’ancien élève de Cambridge était fixé là-bas sans esprit de retour et que, la qualité d’Anglais ne se perdant pas, il avait l’espoir d’être nommé pair. Nous n’avons pas eu cette chance, il continue à servir l’Angleterre sur notre dos. C’est lui qui décida le gouvernement français à désavouer et à priver de son commandement le brave amiral Pierre qui mourut de chagrin. Mais son chef-d’œuvre fut le projet d’adhésion de la France à la conférence de Londres pour le règlement de la question égyptienne. Non seulement la France acceptait l’occupation par l’Angleterre de cette Égypte où notre influence avait été si longtemps prépondérante, où nos capitaux français s’étaient engloutis, non seulement elle consentait à la réduction d’une dette garantie par toutes les puissances, mais elle admettait un emprunt primant tous les autres et destiné par l’Angleterre à réparer les dommages qu’elle avait seule causés.

Les Allemands et les Russes, fort heureusement, défendirent mieux nos intérêts que ne l’avaient fait nos ministres, et la conférence avorta piteusement. M. Waddington en fut inconsolable.

Quant à la conduite de Barrère elle fut plus singulière encore. On sait avec quel intérêt toute l’Europe suivait ce qui se passait en Égypte au mois de septembre 1884, au moment où l’on annonçait comme imminente la suspension de l’amortissement de la dette. Pour servir son pays lord Northbrook, en bon Anglais, avait quitté sa grande existence, ses chasses, sa belle résidence de Forham dans le Hampshire. Barrère, le méchant communard devenu ministre de France en Egypte, ne daigna pas se trouver à son poste : « J’ai tiré sur le drapeau français en 1871 devant les Prussiens, est-ce qu’on croit qu’en 1884 je vais aller le défendre au Caire devant les Anglais ? » Ainsi raisonnait sans doute ce diplomate opportuniste.

Le commissaire français de la dette, M. Lechevallier avait également choisi ce moment pour s’adonner à la villégiature.

Partout, d’ailleurs, nous retrouvons des Waddington et des Barrère. Dans un journal anglais le Statist, un diplomate a tracé au mois d’août 1884 un tableau burlesque et navrant pour nous autres qui avons conservé un cœur, français, de ce que fut notre politique extérieure livrée à tous les aventuriers de l’Europe. On se débarrassa peu à peu de tous les hommes de la carrière pour confier nos intérêts à des Juifs de tous les pays, quand un diplomate avait par hasard conclu un traité avantageux, on le désavouait parce qu’il n’avait pas réservé de bénéfices spéciaux à la Juiverie.

En 1880, dit le journal anglais, la France prend en Afrique une attitude militante. Gambetta, préoccupé de ménager l’opinion publique en Italie, expédie à Rome et à Tunis un diplomate de race, rompu aux affaires depuis vingt-cinq ans. Le baron de Billing apaise le ressentiment des Italiens et rapporte un traité excellent. Il est désavoué parce que les aigrefins de l’opportunisme y trouvaient peu de pépites à ramasser. L’invasion de la Tunisie a lieu, le traité du Bardo est imposé au Bey. A qui confie-t-on le soin de le libeller ? A M. Bréard, général de brigade, absolument inconnu, et à M. Roustan, petit agent d’ordre purement commercial.

En Chine, un diplomate fin et habile, M. Bourée, fait un traité aussi avantageux que la convention de Kassar-Saïd rapportée de Tunisie par M. de Billing. Vite, la faction opportuniste s’empresse aussi de le désavouer, et la France se lance dans des négociations absolument bouffonnes conduites par des médecins de la marine, des commandants d’aviso, des douaniers prussiens. C’est un comble. Ne désespérons pas de voir prochainement Courcel ou Saint-Vallier commander des cuirassés.

Deux ans avant de mourir, Gambetta, éprouvant le besoin de remplir les poches des Israélites plus ou moins allemands ou cosmopolites de son entourage, voulait opérer la conversion de la Dette italienne. Au lieu d’envoyer en mission à Rame un inspecteur général des finances, il invente d’y expédier un pique-assiette de Mme Arnaud, de l’Ariège, un Juif espagnol du nom de Ruiz.

On sait l’accueil qui fut fait à ce triste personnage par la Consulta, le marquis Maffei en tête. — A l’apogée de sa carrière, Gambetta désire obtenir une audience de Bismarck. Il lance en éclaireur un député algérien, ancien commissionnaire en douane à Marseille, bientôt suivi par un autre député, rabin à ses heures, émetteur de loteries, et marchand d’angélique de Niort. Le banquier juif Bleichroeder, malgré toute sa bonne volonté, participe à ces ridicules pourparlers qui échouent misérablement.

Les Juifs avaient Waddington à l’extérieur, à l’intérieur ils eurent Léon Say. Léon Say qui passe, à tort ou à raison, pour le frère d’Alphonse de Rothschild, est l’homme du roi des Juifs, Il s’honore de porter sa livrée, il vient chaque matin comme un commis fidèle prendre le mot d’ordre chez lui, il ne fait rien que pour lui, par lui, avec lui. En imposant à la République, les Rothschild n’avaient pas seulement la satisfaction d’être absolument les maîtres du marché financier, ils goûtaient la joie orgueilleuse de voir un de leurs employés gouverner en sous-ordre cette France qu’ils ne daignaient pas gouverner eux-mêmes.

Le vrai maître de la Juiverie en France, en effet, celui dans lequel Israël et la Franc-maçonnerie mettaient leur plus cher espoir, c’était Gambetta.

En échange du pouvoir, les Juifs demandaient à Gambetta quatre choses :

1° Des affaires à brasser ;

2° La persécution religieuse, l’enlèvement des classes de ce Christ qui les offusquait, la fermeture de ces écoles d’où tant d’hommes illustres étaient sortis et oû l’on apprenait aux enfants à devenir de bons chrétiens et de bons Français ;

3° Une loi de sûreté générale qui permit, au moment opportun, de compléter l’œuvre de la Commune, et sous prétexte de récidivistes, de vagabonds, de souteneurs, de chasser beaucoup de Français de la terre natale, afin d’installer à leur place tous les Juifs de Russie, d’Allemagne, de Roumanie qui éprouveraient le besoin de changer de pays ;

4° Enfin ils demandaient la guerre.

Les affaires, Gambetta en organisa tant qu’on en voulut. Il fit le coup de Bône à Guelma, le coup de la fausse conversion avec l’aide de Léon Say, il décida le rachat des chemins de fer d’intérêt local, par l’Etat, qui fut si fructueux.

C’était la répétition purement et simplement de ce qui s’était fait en Allemagne. Le centre avait réussi, il est vrai, à empêcher le rachat de toutes les lignes au compte de l’Empire, mais le prince de Bismarck avait fait racheter, pour le compte de la Prusse, un certain nombre de lignes et les Juifs, sur une opération de douze cents millions, avaient réalisé au moins cinq cents millions de bénéfice. Ils avaient agi comme on devait plus tard agir en France, prévenus d’avance, ils avaient fait tomber les actions, les avaient accaparées et s’étaient fait rembourser au taux de l’émission. Le Parlement prussien, il faut le reconnaître, fut plus honnête que nos députés qui tous, ils ne s’en cachaient pas, avaient une part dans ces tripotages. M. de Maybach ayant proposé de racheter au taux de 23 les actions de la ligne du Rhinnahe, qui n’ont qu’un cours nominal de 8, une telle clameur s’éleva dans l’Assemblée qu’il dut renoncer à son projet. En France, les républicains auraient simplement dit au ministre des travaux publics « Combien y a-t-il de bénéfice pour chacun ? »

La persécution, Gambetta la fit exercer, on sait comment, par les Constans et les Cazot.

La loi de proscription des Français, il chargea Reinach de la préparer et Waldeck-Rousseau de la présenter.

Tout cela, pour les Juifs, était broutille.

Ils aiment, on le sait, à parler par paraboles, par figures que les initiés comprennent à demi-mot. Quelques mois avant la guerre de 1870, vous ne causiez pas avec deux personnes un peu mêlées au mouvement qui se préparait sans qu’on ne parlât de détourner le cours du Nil. Détourner le cours du Nil, c’était faire passer l’influence de la France à l’Allemagne. A partir de 1872, il était question de la grande affaire. Les riches en devisaient à l’Opéra ou au cercle. Les plus besogneux Israël, en prenant une demi tasse, laissaient entendre que les temps étaient proches et qu’eux aussi allaient avoir des châteaux, des hôtels et des chasses.

Grande affaire, en effet, et si grande qu’aucun évènement de l’histoire n’aurait eu un pareil retentissement.

Les milliards, que les malheureux Français avaient versés sans compter pour le budget de la guerre, avaient été gaspillés, on avait tout fait pour semer la division et la haine dans les cœurs, l’armée avait été savamment désorganisée, rien n’était prêt, on le vit bien quand Farre, pour envoyer un régiment en Tunisie, dut prendre des hommes à Brive, des chevaux à Perpignan, des selles à Versailles[219].

Mettez cette désorganisation en face de la redoutable organisation de l’Allemagne et vous devinez le résultat. On aurait eu à peine le temps de faire le petit emprunt et l’ennemi était sur nous, nous serrant à la gorge, tandis qu’un duc de Frigolet ou un Thibaudin quelconque aurait essayé de mettre en branle cette formidable machine de la mobilisation qu’il faudrait un Napoléon pour manier.

C’était l’écrasement, c’est-à-dire dix milliards de rançon.

Comment les payer ? Le Juif était là. Il se chargeait pour le compte de l’Allemagne d’avancer une partie de la somme, seulement la rentrée, on le comprend, ne pouvant se faire en un jour, il aurait pris en quelque sorte le pays en régie pour le compte du vainqueur, il aurait réalisé son rêve d’être le maître, au moins momentané, de cette terre promise qui l’avait si longtemps rejeté hors de ses frontières, de tenir la France à la glèbe. Percepteur nécessaire à l’Allemagne, il aurait exercé une sorte de royauté, peut être obtenu pour Rothschild le titre de vice-roi. Alors tous les Juifs, petits et grands, seraient venus s’asseoir au foyer non plus par milliers, mais par centaines de milliers.

La souriante perspective que M. Alexandre Weill, fort aimable homme du reste, déroulait un jour devant moi, se serait réalisée.

Les Français, vraiment dignes de ce nom, se seraient dispersés à travers le monde comme les Israélites après la destruction du Temple, ou les Polonais après la défaite de Kosciusko.

La masse serait restée travaillant sous le bâton pendant que le Juif aurait chassé, écouté les opéras de Meyerbeer ou les opérettes jouées par Judic.

Grande affaire, encore une fois, car jamais spéculation plus gigantesque ne hanta un cerveau humain.

Cette opération prodigieuse Gambetta ne put la réussir.

Qui sauva la France menée par une bande d’intrigants et d’exploiteurs, trompée, bernée, mystifiée de toutes les façons ?

Ce fut simplement cet instinct vital auquel la France avait déjà dû son salut tant de fois. Elle laissa tout dire, tout oser, elle cria aux gens qui la gouvernaient : « Pillez, volez, trafiquez de tout, » mais à toute velléité de guerre, elle opposa une force d’inertie, obstinée, sourde, inébranlable sur laquelle rien ne put mordre. Ce sentiment de conservation ne vint pas au pays d’une intuition supérieure, il fut tout animal ; comme la bête qui sent l’approche de l’abattoir, la France refusa prudemment d’avancer et rien ne put l’y contraindre.

En vain Gambetta poussa à la ridicule manifestation de Dulcigno, comme si la France, à laquelle on avait arraché Strasbourg, avait un intérêt, un motif quelconque d’enlever une ville à ces braves Monténégrins pour la donner aux Grecs. En vain il excita la Grèce à la guerre et lui donna un gage de notre intention de la soutenir en organisant la ridicule mission Thomassin. En vain il alla tenir des discours belliqueux à Cherbourg ; personne ne bougea.

Ni la France par des fanfaronnades ridicules, ni l’Allemagne par des insolences ne firent le jeu de l’homme des Juifs.

Il convient de s’arrêter ici sur l’attitude prise par le prince de Bismarck vis-à-vis de la France. Nous pouvons dès à présent la juger telle que la jugera l’avenir, dont le Chancelier parait s’être surtout préoccupé.

Le Chancelier de fer eut, en 1873, la pensée de se ruer sur nous. A son point de vue avait-il tort ? Il se produisait alors, nous l’avons dit, une véritable tentative de relèvement. La terrible leçon semblait avoir porté ses fruits. On apercevait chez les nouvelles générations, qu’elles fussent bonapartistes ou royalistes, de l’ardeur, de l’élan, du dévouement. Ces jeunes officiers, qui avaient appris le chemin des sanctuaires, ces vieux aumôniers qui réunissaient autour d’eux des soldats, qui leur parlaient à la fois de leurs devoirs envers Dieu et envers la Patrie, ce retour vers les immortels souvenirs de la France chrétienne, tout cela inquiétait à bon droit l’étranger, et semblait annoncer que la grande nation allait redevenir elle-même.

Dès que rien ne fut plus à craindre et que le triomphe de Gambetta et des Juifs eut jeté la France en pleine décomposition sociale et militaire, le prince de Bismarck cessa de nous menacer et ne parait pas même avoir voulu profiter de trop faciles avantages.

Que se passa-t-il dans cette âme ? Le prince de Bismarck semble avoir agi comme ces politiques supérieurs, qui s’occupent non du résultat immédiat mais de la figure qu’ils feront devant la Postérité et du rôle qu’ils auront dans les annales de l’Humanité.

Avec ce don qu’ont les grands hommes de vivre déjà dans les siècles futurs, le Chancelier se représenta, sans doute, si la France s’écroulait comme nation, les sentiments qui animeraient ceux qui seraient appelés à juger le plus grand procès de l’histoire, il devina que toute une littérature se ferait sur ce thème la France naïve, chevaleresque, généreuse, écrasée par un diplomate allemand, astucieux et retors.

Evidemment, en songeant à nous, Bismarck était hanté à chaque instant par le souvenir des malédictions qui ont poursuivi ceux qui ont détruit la malheureuse Pologne par la violence et la ruse. Il a voulu que sa mémoire restât pure de l’ombre que jettent même sur les succès de tels procédés.

Ce qui est certain, c’est que sa conduite fut très nette. Nul ne pourra prétendre que l’homme d’État allemand ait trompé la France, il lui a dit constamment la vérité. Lors du procès d’Arnim, il rendait publiques des lettres dans lesquelles il déclarait que la République était le gouvernement qui faisait le mieux les affaires de l’Allemagne. Une autre fois, il reconnaissait que la seule force qui existait encore en France était dans les croyances religieuses. En 1883, au moment de la divulgation de la triple alliance entre l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie, les journaux officieux allemands proclamaient nettement « que la République, en rendant la France incapable de se réorganiser, était la meilleure garantie de la paix européenne. »

Dans les plus petits détails, l’Allemagne apporte cette franchise brutale, grossière, mais réelle. En constatant sur un ton méprisant le dégoût que les officiers allemands éprouvent à se trouver en rapport avec Thibaudin, l’homme qui a manqué à sa parole, les « Grenzboten », la Revue officielle du chancelier disait crûment :

L’Allemagne ne peut que souhaiter de voir le général Thibaudin conserver le plus longtemps possible le portefeuille de la guerre.

De même, en effet, que le maintien de la République en France est la meilleure garantie de la paix européenne, de même un homme d’un passé tel que celui du général Thibaudin doit exercer sur l’armée française, où, en raison des dissentiments politiques entre les officiers, la cohésion n’est sauvegardée que par les idées de devoir et d’honneur. – « une action complètement dissolvante. »

La France, encore une fois, n’a pas été trompée, elle a été libre de se sauver elle-même[220], elle a pu avoir à sa tête, au lieu de tous les ignobles drôles qui la déshonorent et la pillent, le plus honnête des hommes et le plus noble des rois, elle n’a pas voulu, elle aussi a réclamé Barabbas.

Devant les provocations incessantes de Gambetta, qu’il était facile d’accepter de façon à rendre une guerre inévitable, l’hôte de Varzin, sous les hêtres centenaires à l’abri desquels il va si souvent demander le calme des méditations, dut certainement considérer longtemps les cinq ou six hypothèses probables.

La France pouvait avoir un réveil comme elle en eut un avec Jeanne d’Arc, se relever brusquement au moment d’expirer, rejeter violemment les traîtres qui l’avaient fait rouler si bas, appeler le Roi à son secours et gagner une suprême bataille.

L’Europe pouvait s’opposer à une destruction totale et exiger qu’il y eût une France. Quelque réduite qu’elle eût été, cette nation éclairée enfin, reconnaissant les auteurs de ses maux, ayant une même foi et une même pensée, était plus dangereuse que cette masse énorme, accessible à tout venant, flottant à tout vent, dirigée par quelques vulgaires tripoteurs, où nul lien n’est plus là pour réunir les citoyens en un faisceau serré, où les secrets d’État sont les secrets de tous les Polichinelles de la Chambre, de la Bourse ou de la rue.

Une France mise à la chaîne des Juifs pour payer la rançon offrait un autre danger et Bismarck qui, après le Culturkampf, avait trouvé après tout qu’il était moins humiliant d’aller à Canossa qu’à Jérusalem, ne se souciait pas de donner à cette race envahissante et malfaisante une si formidable puissance.

Si les Polonais errants avaient troublé l’Europe qui avait si bassement laissé égorger la nation qui l’avait sauvée tant de fois, quels germes d’agitation ne porteraient pas partout les Français désormais sans Patrie[221] ?

Tous ces motifs, sans doute, décidèrent Bismarck. La grande affaire ne passa pas du domaine du rêve dans celui de la réalité.

Faute d’une grande affaire, Gambetta en organisa une petite : la guerre de Tunisie.

Vous avez aperçu bien souvent, dans les livres de voyage, ces Juives d’Afrique à demi vautrées sur des coussins au fond d’une pièce retirée de leur habitation, tenant leurs mains toutes chargées de bagues sur un gros ventre aux chairs flasques. Gênées par l’embonpoint à trente ans, luisantes de graisse, elles n’ont plus qu’une passion, voir s’augmenter le pesant collier de sequins qui entoure leur cou bouffi.

Ce fut avec une de ces Juives, l’Elias Mussali, que le Roustan décida qu’il fallait faire tuer un certain nombre de nos pauvres petits soldats qui ne demandaient qu’à vivre, à achever leur temps, puis à retourner au pays, à entonner de nouveau à la moisson ou aux vendanges les chants joyeux qui avaient bercé leur enfance.

Est-il besoin de raconter toutes ces hontes ? Elles ont été étalées une à une devant le jury lors du procès intenté à l’Intransigeant. Le Marneffe tunisien recevant pour prix de ses complaisances envers l’amant de sa femme la croix de commandeur de la Légion d’honneur, le beau-frère, condamné jadis à vingt ans de bagne, se contentant de la croix d’officier et ayant le droit de dire à nos vieux légionnaires : « je suis des vôtres, » les impudents mensonges de Ferry déclarant jusqu’au dernier moment qu’il s’agissait uniquement de réprimer des Kroumirs qui n’ont jamais existé, les millions dépensés en l’absence des Chambres, les malversations, les concussions, les infamies de toute nature… Vous connaissez tout cela.

On a publié le traité que Léon Renault était allé proposer cyniquement au Bey au nom de quelques Juifs français.

Le Bey répond honnêtement : « Nous avons cent millions en tout d’or et d’argent dans la Régence, vous me proposez d’émettre pour cinq ou six cent millions d’actions : ou vous dépouillerez mes sujets en leur donnant du papier en échange de leur métal, ou vous volerez les Français auxquels je n’ai aucune raison d’en vouloir. »

— Soit ! Tu le prends comme cela, réplique Léon Renault, on va te déclarer la guerre !

— La France, je le sais, est une grande et puissante nation, elle fait parfois la guerre pour un coup d’éventail, mais elle ne la fait pas pour un coup d’agio. Ce serait imiter les Juifs de la capitale qui se disputent pour quelques piastres.

— C’est ce qui te trompe. Les Juifs si méprisés chez toi sont les maîtres chez nous, et puisque tu ne veux pas les enrichir aux dépens de ton peuple, tu vas avoir de mes nouvelles.

Tout cela, encore une fois, a été dit, prouvé, démontré jusqu’à l’évidence, en dépit des précautions prises par le Juif Weil Picard pour acheter le dossier Bhockos.

— Si douze jurés français déclaraient sur l’honneur qu’ils croient ces faits vrais, je serais le premier à demander que M. Roustan s’assît sur le banc des prévenus.

Ainsi parlait le procureur général Dauphin dans un accès de vertu.

Tous ces faits sont vrais, nous le déclarons sur l’honneur, ont répondu les jurés.

Dauphin n’a rien demandé du tout.

Roustan, après être retourné à Tunis une dernière fois pour y assister à un banquet organisé par l’Alliance israélite universelle, a été envoyé comme ministre à Washington, où il empoche, avec un traitement double, les injures que les Yankees ne se font pas faute de lui prodiguer chaque fois qu’ils le rencontrent dans la rue. Vous croyez qu’après le retentissement de ce procès, les scandales vont s’arrêter, du moins pour quelque temps ? Vous ne connaissez pas les républicains. Cambon continue Roustan. Son prédécesseur recevait des pots de vin, il semble avoir de la préférence pour l’eau, il réalise un bénéfice énorme avec la compagnie des Eaux de Tunis et fait arrêter les conseillers arabes qui veulent s’opposer à ces concussions.

L’histoire des biens de Mustapha est un chapitre des annales financières d’une gaieté inénarrable. Une fois débarqué ici, ce pauvre Mustapha, si folâtre au Bardo, tomba dans le bourbier parisien comme un vieux cheval dans un marais plein de sangsues. À bout de ressources, il fut heureux de trouver la Banque Transatlantique qui lui offrit un million et il bénit Allah de lui avoir fait rencontrer des gens si obligeants. Après l’avoir laissé tranquille quelques mois, on finit cependant par lui demander de rembourser.

— Trouvez-nous, au moins, lui dit-on, quelqu’un qui garantisse votre dette.

Le malheureux se désolait, lorsque Volterra et Alfred Naquet vinrent lui parler d’une société philanthropique qui se proposait de mettre de suite en actions, non pas les terrains qu’elle possédait en Tunisie, mais ceux qu’elle pourrait posséder un jour. Mustapha confia ses peines à ces deux bons Juifs qui lui dirent : « Nous sommes ceux que vous cherchez et vous êtes l’homme que nous cherchons. Cédez-nous vos terrains et nous répondrons de votre million. »

Décidément, pensa Mustapha, Paris est une ville bien extraordinaire ! Tout s’y trouve. Il accepta avec joie l’offre qui lui fut faite de garantir sa créance, ce qui était d’autant plus facile à ses nouveaux amis, que ceux qui le menaçaient de le poursuivre et ceux qui lui proposaient de le sauver étaient les mêmes, appartenaient à un seul et même groupe financier.

Mustapha, néanmoins, n’était pas au bout de ses épreuves. Il devait en voir de toutes les couleurs avec ses Juifs et passer avec eux par toutes les vicissitudes. Tant qu’on eut besoin de lui, il traversait les antichambres au milieu d’huissiers inclinés, il s’asseyait à la place d’honneur à la table du conseil et on l’appelait gros comme le bras : Son Excellence le général Mustapha ben Ismaïl. Un peu plus tard, on l’interpellait d’un laconique : « Qu’en dit le général Mustapha ? » A la fin, il était redevenu, comme au temps de sa jeunesse, un simple banabak, on le laissait se morfondre avec les garçons de bureau et on le hélait de la porte d’un dédaigneux : « Hé, Mustapha ! » Son fez, tantôt triomphant, tantôt lamentablement affaissé et affalé comme son maître, racontait ces phases diverses.

La situation, en effet, n’était pas très nette. Les cinquante millions de propriétés, que Saddock avait donnés à son favori, dans ces heures d’épanchement, où l’on ne sait pas toujours ce qu’on fait, étaient des biens habbous, c’est à dire inaliénables. Les uns appartenait au collège Sadiki, les autres constituaient le domaine privé de la famille beylicale.

Ces obstacles n’étaient pas de nature à arrêter des Juifs désireux de faire une affaire. Un ancien fonctionnaire du 4 Septembre qui avait eu Cambon pour secrétaire, se chargea, moyennant un prix convenable, cela va de soi, de le rendre favorable aux prétentions de Mustapha. Cambon déclara qu’il était indispensable qu’on lui envoyât un personnage politique français, gros d’influence et léger de scrupules, qui pût l’aider à peser sur le Bey.

Floquet était tout naturellement désigné pour ce rôle et il s’en alla en Tunisie plaider ce vilain procès, qui avait été déjà perdu par Mustapha devant le tribunal le Charaa, le seul compétent dans l’espèce[222].

Cambon avait la partie belle. « Tu vois, dit-il au Bey, le président de la Chambre lui-même s’intéresse à cette question, si tu ne cèdes pas il t’arrivera malheur et tu seras détrôné. Tu n’as qu’une seule chose à faire, prendre pour arbitre un honnête homme, un homme étranger à cette affaire, républicain désintéressé et pur… le vertueux Naquet[223]. »

Tout allait bien et par statuts déposés chez Me Dupuy, notaire, à la date du 24 mars 1885, la Société foncière tunisienne fut définitivement constituée, elle comptait parmi ses fondateurs, presque tous Juifs : MM. Géry, Thors, Sauner de Beauregard, Bloch, Volterra, Rey, Levy, Césana et Mustapha ben Ismaïl.

Un nouveau point noir ne tarda pas à se montrer. Le fonctionnaire du 4 Septembre trouva que Cambon avait tout pris pour lui et ne lui avait rien laissé et il courut raconter tout au long, dans le Figaro, ces malpropres tripotages. On entendit alors, pendant quelque temps, le duo le plus amusant qui se puisse imaginer entre la Lanterne et le Figaro. La Lanterne louait imperturbablement l’intégrité de Floquet et déclarait qu’un fonctionnaire comme Cambon, qui se prêtait à ces trafics, était le plus méprisable des concussionnaires. Le Figaro, sans défendre Cambon, affirmait, avec quelque raison, qu’il était honteux à Floquet de s’entremettre pour ce Mustapha, qui avait été si longtemps deliciae domini, et de déshonorer ainsi non seulement lui-même — ce qui était peu de chose — mais la Chambre française dont il était le vice-président et dont il fut plus, tard le président[224].

Ils avaient raison tous les deux, l’un pour Cambon, l’autre pour Floquet. Sans doute, sous prétexte de civilisation, on a cruellement rançonné souvent les peuples prétendus barbares, mais jamais aigrefins ne se sont abattus sur un pays avec plus de rapacité, jamais on n’a vu des hommes politiques étaler plus effrontément leur corruption, jamais faits ne furent plus ignominieux que ceux pour lesquels la presse dut ouvrir une rubrique spéciale : Les Odeurs de Tunis.

Ce qu’il faudrait dire, ce sont les souffrances endurées par nos soldats pour permettre aux Juifs de se livrer à ces opérations.

Ce qui a manqué au récit de cette expédition, c’est un écrivain peintre, à la manière de Fromentin, racontant les indicibles souffrances de cette guerre faite pour procurer de l’argent à des boursiers.

Qui n’a senti ses poings se serrer en entendant un officier vous décrire cette marche en colonnes, sous un ciel d’airain, sans un arbre à l’horizon, sans une source, avec le désert à quelques pas ! Sur des chameaux, on porte l’eau nécessaire qui, parfois, est en retard de trois ou quatre lieues et arrive chaude et croupie[225]. Tout à coup, un homme prononce des paroles incohérentes, il rit aux éclats, il est devenu fou ! Un autre, brusquement, tombe comme une masse, on s’empresse autour de lui, il est mort... A la hâte, on improvise un cercueil avec une caisse de biscuits et dans le sable, que la nuit prochaine viendront fouiller les chacals, on enterre le malheureux. Parfois le capitaine dit le De profundis et c’est tout... La Franc-Maçonnerie a défendu à Farre d'attacher des aumôniers au corps expéditionnaire.

Tout soldat isolé est perdu, fait prisonnier, il est livré comme jouet aux femmes des tribus qui le font mourir lentement en lui enfonçant dans les chairs des aiguilles rougies au feu. Un de mes parents, qui est revenu mourant de l’expédition, me racontait l’impression d’horreur qu’il avait éprouvée devant un sous-officier du train qu’on ne pouvait reconnaître. L’infortuné, les yeux arrachés, les oreilles coupées, les parties viriles affreusement mutilées, essayait en vain de tracer son nom sur le papier avec un crayon qu’on lui avait mis dans la main ! Quel tableau pour la plume vengeresse d’un grand écrivain !

Le général juif Lambert, bientôt parent par alliance des Rothschild, est venu exprès pour promener dans les rues de Tunis son uniforme de général et bien prouver que c’est le Juif, si méprisé en Orient, qui maintenant gouverne et commande en France. C’est la vraie guerre juive dont on fait l’essai sur cette terre qui a vu saint Louis mourir sur la cendre les bras en croix, comme son divin Maître : la guerre, où l’on fait tuer les Français pour la Juiverie, en leur ôtant même l’espérance d’une autre vie.

Après tout, les documents scientifiques sont peut-être plus éloquents que les descriptions du plus merveilleux écrivain.

Qui n’a lu ce rapport sur les hôpitaux du docteur Lerehouillet, un ami du gouvernement, un familier du journal le Temps ? Pas de lit, pas de médecin, pas de remède. Sur de la paille, des agonisante se débattent dans les cauchemars de la fièvre typhoïde comme dans un purgatoire anticipé. Dans une salle méphitique où flottent les génies de la Mort se croisent les appels, les gémissements et les râles. On entend s’entrechoquer pêle-mêle toutes les divagations et tous les délires. Celui-ci halette et, la gorge desséchée, crie sans cesse : à boire ! Celui-là n’a plus soif, il boit en imagination l’eau limpide du ruisseau natal, pour la savourer à plus longs traits, il se penche à travers les ajoncs et les herbes, par une de ces associations d’idées qui s’établissent même dans les cervelles en désarroi, il se revoit remontant la colline pour rentrer au village, il s’assied près de la vieille mère, il mange des crêpes de blé noir et des châtaignes, il ouvre la bouche pour sourire à la payse…… et sans souffrance il vient d’exhaler le dernier soupir. Regardez... la tête exprime la sérénité… le pauvre pioupiou semble dormir et, dans sa main raidie, tient encore la petite médaille de la Vierge que le Frère, qui lui a appris l’A B C, lui a remise en partant. Le coquin galonné qui, pour plaire à la gauche, a supprimé nos aumôniers militaires, n’aura pas réussi complètement. Encore un Français qui vient de mourir en chrétien !

Mais, n’est-ce pas, que cette atmosphère putride commence à vous peser ? Allez voir Mantegnis qui est à Camondo, Beauregard qui est à Hirsch. Les ondes jaillissantes qui, semblables à celles de Vaux, « ne se taisent ni de jour ni de nuit, » les frais taillis, les ombrages épais, les merveilles de l’art de tous les siècles embellissent 1’éxistence. La vie est belle, en effet, les actions achetées 125 francs en valent 500, depuis le traité du Bardo et la France se charge de la dette !

Le joli mot fut prononcé par Gambetta ! « Après tout, dit-il à la tribune du Sénat avec un geste d’indéfinissable dédain, combien est-il mort d’hommes ? 1500 Français tout au plus….. »

Cette fois cependant il manqua d’estomac. S’il eût accusé le vrai chiffre, les Juifs l’auraient porté en triomphe[226].

L’épilogue m’a été conté par un de mes amis qui se trouvait, le 19 novembre 1882, sur la route qui conduit de la gare de Gretz au château de Saint-Ouen Mantegnis, propriété du levantin Camondo. « Sur l’omnibus superbement attelé, qui transportait les invités de la gare au château, raconte le Figaro du 22 novembre, étaient installés MM. Gambetta, accompagné de M. Arnaud de l’Ariège, Léon Renault, Antonin Proust, Dugué de la Fauconnerie, Pignatel, Alfassa. »

Ce que le Figaro ne dit pas, c’est l’accès de gaîté qui prit tous ces messieurs, lorsqu’ils aperçurent quelques soldats en congé qui allaient prendre le train.

En Tunisie ! en Tunisie ! s’écrièrent les joyeux compères, auxquels la vue de ces pauvres gars, qui cheminaient le front attristé, avec leurs effets dans un mouchoir de poche à carreaux, venait de rappeler les bénéfices qu’ils avaient réalisés.

Sous ce ciel d’automne mélancolique et pluvieux, ces gaîtés bruyantes, me disait mon ami, étaient sinistres à entendre.

Rendons maintenant la parole au Figaro toujours bien informé.

« Tableau de la journée : 700 pièces dont 450 faisans.

« Et l’on dit qu’il n’y a plus de gibier en France ! ».

Lorsqu’il a fait monter la Rente d’un centime,
________Le soldat peut mourir content,
Car il faut qu’on s’amuse et qu’on chante et qu’on rie
________Car il faut que les Turcarets
Battent monnaie avec les deuils de la Patrie,
________Quittes à déguerpir après,
Il faut que, débridant sa passion fougueuse,
________Tel fat qui n’avait pas un sou
Puisse au bois de Boulogne étaler une gueuse
________Dans sa voiture de marlou,
Il faut que tel gaillard aux gestes hypocrites,
________Pris au piège des concordats,
Puise, un de ces matins, liquider ses faillites
________Avec le sang de nos soldats[227].

Avec la Ligue des Patriotes, Gambetta tenta un suprême effort pour procurer à son pays d’adoption cette guerre qui aurait eu probablement pour résultat de le faire disparaître de la carte de Europe.

En entreprenant cet ouvrage nous avons eu surtout pour but d’apprendre à nos compatriotes à exercer leur intelligence, à rapprocher des idées, à raisonner en un mot comme nos pères l’ont fait avant eux. Par qui ? Pour qui ! Telle est l’interrogation qu’on doit se poser devant tout fait important.

Décomposons donc l’incident de la rue Saint-Marc, et voyons bien qui est en cause. Une fête d’adieu est organisée par la Société de gymnastique allemande. En l’honneur de qui ? La circulaire suivante, envoyée après la scène du premier soir, va nous l’apprendre.

Société allemande de gymnastique à Paris
P. P.

Par suite d’un incident imprévu, le local de réunion n’est malheureusement pas à notre disposition ce soir.

La fête d’adieu en l’honneur, des sieurs jul. Gras et A. Cohen aura par conséquent lieu mercredi prochain 30 août, et nous comptons sur une nombreuse réunion.

Amicalement.

Pour le comité,
Le 2eme secrétaire,
Eugène Wolff.

C’est deux Juifs, probablement, et certainement un, A. Cohen, qu’on veut fêter dans cette société, qui a pour président un Juif, le docteur Mayer et pour secrétaire encore un Juif, Eugène Wolff, parent probablement du Wolff, dont l’agence avait envoyé, en 1870, le fameux récit de l’outrage fait à M. Benedetti.

Mais un exemplaire de cette circulaire s’égare, il est porté, par un étonnant hasard, à un membre de la Ligue des Patriotes, dont le susceptible courage s’émeut et voit là un défi. Ce patriote, à la fibre si sensible, est-il donc un de ces Français d’ancienne date, qui ont conservé au plus profond d’eux-mêmes le souvenir des gloires de la vieille France par une rencontre bizarre, ce fougueux patriote porte le nom juif de Mayer, absolument comme le président de la société allemande.

Là-dessus qui prend feu ? C’est le Juif Laurent dans le journal du Juif Weil Picard, confident du Juif Gambetta.

Tout se passe donc absolument entre Juifs, et la vie de milliers de Berrichons, de Bretons, de Poitevins, de Bourguignons se joue sur une carte, dans une arrièreboutique voisine de la Bourse, entre quelques Israélites. Il est convenu que le premier Mayer fera l’insulteur, et que le second Mayer fera l’insulté, qui bondit au nom de sa mère la France.

Pour faire réussir le coup il faut trouver un imbécile de bonne foi, Déroulède est là. Il est absolument incapable, j’en suis convaincu, d’avoir reçu quoi que ce soit pour jouer le rôle de l’agent provocateur. C’est simplement un type bien actuel, l’homme affolé de réclames[228], ayant le besoin d’être toujours en scène.

Il s’est fait une sorte de profession de son bruyant patriotisme, c’est dans ce rôle que le Paris des premières est habitué à le voir, et il ne peut plus dépouiller ce personnage.

Il est patriote à la ville, à la campagne, le matin, le soir, aux Variétés et aux Boutres, à la Petite Mariée et à la Mascotte. Au Salon, à côté de vieux soldats qui ont vingt campagnes, dix blessures, il se fait peindre par Neuville, la capote enroulée autour du corps, portant dans des étuis de cuir toutes sortes d’instruments, des cartouches, des lorgnettes, un revolver.

Croyait-il vraiment que Gambetta, à la bataille du Mans, avait chargé seul en criant aux fuyards : « Retournez-vous au moins pour voir comment meurt votre général ! » Était il convaincu que, pareil à Jean le Bon, à Poitiers, le chef du gouvernement de la Défense nationale avait combattu deux heures sur un monceau de morts, seul, superbe, fou de douleur et de courage,

Ne gardant qu’un tronçon de trois grandes épées.

Je n’en sais rien, le fait est qu’il parlait de ce Vitellius déclamatoire, comme on ne parlerait ni du Brutus de Philippes, ni du François 1er de Pavie.

Non, non, ils n’ont rien vu, rien regardé qu’eux-mêmes ;
Ce sont leurs intérêts qui sont leurs seuls problèmes.

L’état français n’est rien pour ces esprits mesquins.
Ils ont même érigé sa faiblesse en systèmes,
Ces nouveaux féodaux des temps républicains !

Mais, va ! ta route est bonne, et la leur est mauvaise :
La leur, sans but commun, conduit au désarroi,
Il faut en la suivant qu’on piétine ou qu’on biaise,
Et, pour quiconque tend à la grandeur française,
L’obstacle, ce sont eux ! — Le Ralliement, c’est toi !

Sans doute, si l’on pouvait enfermer deux ou trois heures ce vaniteux dangereux, s’il pouvait se recueillir dans cet isolement qui pèse à ces natures comme le silence du tombeau, il serait effrayé lui-même du danger qu’il a fait courir à son pays, il écouterait celui qui lui dirait : « Voyons, vous êtes un Français, un chrétien, et pour procurer une affaire aux Juifs, vous allez faire tuer des milliers d’êtres qui ont des mères, des femmes, des enfants. Vous savez que rien n’est prêt, que les concussionnaires et les malversateurs de la Chambre ont gaspillé les milliards que nous avions fournis pour la réorganisation de l’armée. Laisant, un homme de votre parti, vous a prouvé que l’effectif de nos régiments était ridicule, vous avez vu Farre à l’œuvre, même dans une affaire ou toute la Juiverie était intéressée, restez tranquille et n’associez pas votre nom à la ruine de votre pays. »

Malheureusement, Déroulède n’avait probablement jamais trouvé personne pour lui parler ainsi, lorsqu’il entreprit sa campagne de la rue Saint-Marc.

Cette équipée, qui ne fut que ridicule, aurait pu être dangereuse si, l’Allemagne, pour des raisons que nous avons déduites, n’avait pas été résolue à la paix, si Paris, devinant d’instinct, sans savoir au juste la vérité, les spéculations cachées là-dessous, ne fût resté profondément indifférent[229].

Il y eut là un capitaine de Landwehr dont le flegme philosophique fut admirable. Figurez-vous un officier de Napoléon 1er, après 1806, qu’on serait venu troubler dans son café ? Vous entendez d’ici les jurons et les défis. Ce brave homme de capitaine, qui est probablement un homme aussi brave que M. Déroulède, s’en alla paisiblement prendre sa choppe ailleurs.

L’Allemagne n’eut point seulement du bon sens, elle eut de l’esprit, ce qui est assez rare chez elle. Maîtresse des municipalités pleines de Juifs d’Outre-rhin qui, ainsi que nous l’avons dit, se donnent pour Alsaciens, elle fit organiser, quelques jours après la démonstration Déroulède, un grand banquet pour célébrer l’anniversaire de Sedan.

Vous voyez d’ici le contraste. En septembre 1870 les cadavres français jonchaient le champ de bataille, les captifs s’acheminaient mornes et sombres vers ces îles de la Meuse où ils restèrent deux jours sans nourriture, au milieu des acclamations et des vivats, le régiment de la garde à cheval défilait en élevant nos drapeaux dans l’air… Douze ans après, à la même date, à la même heure, les républicains sablaient le champagne dans le palais de la Bourse pour célébrer cet heureux jour.

Sur la place, le capitaine de Landwehr, que Déroulède avait empêché de prendre son bock, sans aucune raison plausible, riait dans sa barbe blonde de ce rire à la Barbemuche, particulier aux Allemands et qui se voile parfois d’une sorte de philosophie attristée.

Supposez que Déroulède, au lieu d’être un poseur et un fanfaron de patriotisme, eût eu vraiment au cœur les sentiments d’un patriote, l’amour profond et sincère de son pays, quelle belle occasion s’offrait à lui d’intervenir, de rappeler à la pudeur ces banqueteurs éhontés ! Imaginez un orateur à la parole ardente et chaude allant trouver des ouvriers, des bourgeois, d’anciens soldats et leur disant : « Souffrirez-vous qu’on commémore par des ripailles un semblable anniversaire, qu’on choisisse, pour s’enivrer, le jour où la France a été si douloureusement frappée ? ».

Ces hommes auraient compris, on se serait rué sur les noceurs, on aurait renversé les nappes, Floquet aurait achevé sa digestion dans l’égout et, secoué par la tourmente, l’adjoint Winckam, l’expulseur des sœurs de Charité, un nom bien français encore celui-là, par parenthèse, aurait cassé tous ses bandages.

Déroulède ne trouva pas révoltant le spectacle de cette fête de Sedan et l’on n’entendis pas dans cette circonstance :

Le beau luth éploré qui vibre sous ses doigts.

En aucune circonstance, d’ailleurs, vous ne trouverez le fondateur de la Ligue des Patriotes réclamant une mesure sage et pratiquement utile à la défense du pays. Il y a, par exemple, dans nos codes une lacune qui paraîtrait incroyable, après ce que la guerre de 1870 nous a appris de la façon dont les Prussiens avaient organisé leur service de renseignements, si l’on n’était fixé sur le patriotisme d’une Chambre qui eut longtemps le Badois Spuller pour oracle. Les étrangers, pris chez nous en flagrant délit d’espionnage, ne sont passibles d’aucune peine. Le colonel Massa, qui avait été accrédité jadis par le gouvernement italien comme attaché militaire pour suivre nos grandes manœuvres, fut arrêté quelques années après au moment où il prenait les plans du fort Mont Gilbert, en Savoie. On se contenta de le conduire à Chambéry où il fut mis en liberté. Au mois de septembre 1885, ce fut le général prussien commandant à Mulhouse qui se fit prendre à Belfort.

Au fort du vallon de Servance, dit le Libéral de l’Est, deux messieurs, suivis de deux jeunes gens, examinaient et montaient même sur l’escarpement, le garde s’en aperçut et leur demanda ce qu’ils faisaient là : ils répondirent qu’ils cherchaient le chemin de Saint-Maurice. Le garde le leur indiqua, sans cesser de les surveiller. Au lieu de le prendre, ils montèrent près d’autres affûts et le garde, qui savait l’allemand, entendit :

« Ici on pourrait monter à l’assaut. » Il prévint aussitôt le commandant qui lui dit :

« Prenez des hommes avec vous et arrêtes-les ! Ils parurent surpris. Le plus âgé donna sa carte : C’était le général prussien de Mulhouse, ses fils et son aide de camp. On les fouilla, ils avaient des cartes géographiques. On les fit entrer chez le lieutenant tandis qu’on télégraphiait à la place qui répondit : « Reconduisez-les à la frontière. »

Reconduisez-les à la frontière ! Voilà tout ce que le commandant de la place, dont la conduite me parait singulière en cette affaire, se contente de répondre. Il eût pu se souvenir cependant qu’un officier français, attaché à l’état-major du 15e corps, et pris dans le voisinage du col de Tende, avait été condamné à deux ans de prison.

Un honorable négociant de Mayence, M. Tissot, contre lequel on ne put relever que des racontars sans importance, avait été condamné à cinq ans de prison.

Pourquoi, tandis qu’il célébrait Gambetta en prose et en vers, M. Déroulède n’a-t-il pas songé à lui demander de faire voter d’urgence une loi précise à ce sujet ? Si, au lieu de faire tirer des coups de carabine à Mme Edmond Adam, au polygone de Vincennes, il avait organisé un meeting et ouvert un pétitionnement pour faire résoudre cette question, on aurait dit : « Voilà un homme qui n’est pas un fanfaron de chauvinisme, mais un patriote vigilant et attentif qui s’efforce de nous préserver de ce qui nous a perdu en 1870. »

Quoi qu’il en soit, la France l’avait échappé belle. La Juiverie, d’ailleurs, avait opéré avec moins d’ensemble que de coutume, ce fut peut-être ce qui sauva nos paysans. Tandis que le Mayer de la Société de gymnastique allemande insultait ou n’insultait pas, on n’a jamais su au juste la vérité, que le Mayer de la Ligue des Patriotes s’indignait, qu’un troisième Mayer, le Meyer du Gaulois, parlait vaguement de l’honneur du drapeau français et déclarait qu’il n’y laisserait pas toucher, un quatrième Mayer, celui de la Lanterne, entrait en scène.

Etait-il venu trop tard ? Gambetta avait-il distribué toutes les commandes de semelles en papier et de couvertures en pelure d’oignon destinées à nos malheureux soldats pour la prochaine guerre ? Je l’ignore, toujours est-il qu’il fit ressortir l’étonnant ridicule dont s’était couvert Déroulède.

Ce dernier Mayer, précisément, n’eut pas de chance, pour une fois qu’il avait été honnête Le poète l’alla souffleter et, comme de tous les abbés du monde, l’abbé que les Juifs aiment le moins est encore l’abbé de l’Epée, on dut porter le soufflet devant les tribunaux qui condamnèrent Déroulède à vingt-cinq francs d’amende, — ce qui parut bien léger à ceux qui avaient entendu le souflet et parut, au contraire, exorbitant à ceux qui connaissaient le personnage qui l’avait reçu.

Un bonheur ne vient jamais seul. La France, qui venait d’échapper à une guerre qui aurait été sa ruine, fut mise définitivement quelque temps après à l’abri d’une nouvelle tentative de ce genre. Le jour même où l’année 1882 finissait, il s’éleva, du côté de Ville-d’Avray, un peu de cette poussière que Julien l’Apostat avait lancée vers le ciel dans les plaines de la Perse, en s’écriant : « Tu as vaincu Galiléen ! » Dieu avait touché Gambetta du doigt et ce puissant s’était écroulé, comme ses pareils, dans un drame resté mystérieux. Quomodo cecidit potens...


Derrière le convoi des Romains illustres, marchait un esclave vêtu comme le défunt, chargé de parodier ses gestes, ses attitudes, son port de tête, c’était l’Archi-mime, acteur funèbre et comique à la fois, comme une figure de Danse macabre se promenant dans un carnaval, comme un masque de Mardi-gras qui gambaderait dans un cimetière. Ferry fut l’Archi-mime de Gambetta, il fut un second lui même, mais avec cette différence qui sépare le valet du maître, il plut ainsi à l’Union républicaine et tranquillisa presque le pays. Plus Franc-maçon encore que Juif, au contraire de Gambetta, qui était plus Juif que Franc-maçon, il était l’exécuteur prédestiné des œuvres infâmes de l’intérieur, mais sa bassesse ne se hausse point à des coups comme l’organisation d’une guerre européenne, il n’a point les reins pour pousser cela et ses côtés de pleutre rassuraient ceux qu’effrayait son sans gêne de drôle. Sans doute, il est féroce contre tout ce qui est faible et volontiers implacable contre tout ce qui est noble et généreux, mais au demeurant, c’est plutôt l’homme de la boue que l’homme du sang, et la France en était à regarder cela comme un bien.

À partir de ce moment, semblable au Rhin qui n’est plus qu’un ruisseau quand il arrive à la mer, l’histoire de France n’est plus guère que l’histoire des Ferry et l’histoire des Ferry elle-même n’est guère que l’histoire de la Banque Franco-Égyptienne.

C’est Charles Ferry qui se charge de centraliser tout et de servir de raison sociale. Ancien courtier en fleurs et plumes avant d’être employé chez Watel, il avait eu tout jeune la vocation du commerce. Jadis il était chargé de négocier sur les quais les livres qu’on envoyait à son frère, ce qui n’est pas un crime, mais n’indique pas une situation de fortune bien florissante.

C’est ainsi que j’ai acheté, en souvenir du spirituel auteur des Lettres d’un passant, En chasse, une plaquette réglée en rouge et coquettement imprimée par Jouaust qui porte cette dédicace : A mes chers amis Jules et Charles Ferry, Arthur de Boissieu.

Aujourd’hui M. Charles Ferry est vingt fois millionnaire. Nous le voyons se rendre acquéreur, au mois de septembre 1884, dans la liquidation des biens du général tunisien Ben-Aïad, de l’immeuble situé 43, rue Saint-Georges, et le payer 540,000 francs !

Les journaux racontent le fait. Charles Ferry a l’impudence de nier l’achat, et d’affirmer sur l’honneur qu’il n’a jamais acquis une maison à Paris. On lui met tranquillement sous les yeux l’extrait des Petites Affiches du 10 septembre 1884.

Il vient d’être vendu une maison à Paris, rue Saint-Georges. 43 et 45, adjugée à la requête de :

1° M. Ahmed Bey-Ben Aïad ou Benaiad, à Paris, avenue des Champs Elysées, 99 ; 2° M. Tayer Bey-Ben-Aïad, à Paris, rue Blanche, 49, au profit de Monsieur Charles Ferry, député, à Paris, rue de Rivoli, 244, suivant jugement des criées de la Seine, le 18 juin 1884, moyennant 540,000 francs.

Il n’en est que cela. Nul n’a l’idée d’interpeller ce pauvre hère d’hier sur l’origine de la fortune qu’il possède aujourd’hui. C’est à peine si, devant les cris d’indignation des électeurs des Vosges, Charles Ferry a la pudeur de retirer sa candidature aux dernières élections, et de renoncer momentanément à la vie publique.

Avec Marc Lévy Crémieu, Charles Ferry organise toutes les grandes opérations de la Franco-Égyptienne.

Ce Lévy Crémieu, fort estimé en Israël, car il était tout chargé des dépouilles des goym, fut le véritable ministre des finances de l’opportunisme. Maître des secrets de l’Etat, connaissant tous les évènements à l’avance, il réalisa en quelques années d’énormes bénéfices. D’accord avec Challemel Lacour, il avait entrepris, dans la République française, la campagne à la baisse contre les obligations tunisiennes. Il fut avec Lebaudy, derrière lequel étaient les Rothschild, l’organisateur et le préparateur du Krach que le gouvernement facilita de tout son pouvoir. Enfin, c’est lui qui négocia, avec Tirard et Dugué de la Fauconnerie, l’opération de la conversion. Il avait débuté à Marseille dans le commerce des toiles, puis s’était établi coulissier à Paris et avait fait faillite. Au moment de sa mort, à la fin de janvier 1886, il laissa quinze millions et des propriétés partout, dans la Nièvre, en Seine-et-Marne, en Seine et Oise. Le Gaulois consacra à cet homme de bien un article où débordait l’admiration pour cet écumeur de Bourse qui avait passé sa vie à accumuler les deuils et les ruines autour de lui[230].

Quant à la Banque Franco-Egyptienne, c’est une de ces immenses machines juives qu’il faudrait démonter et analyser pièce à pièce, pour se rendre compte de la situation économique, non seulement de la France, mais du monde entier.

M. Taine, dans le dernier volume des Origines de la France contemporaine, qui doit contenir beaucoup de tableaux statistiques et financiers, compte, parait-il, s’occuper de ces questions, mais je doute qu’il s’en tire. Proudhon, l’auteur du Manuel du spéculateur à la Bourse, y aurait vu plus clair.

La Banque Franco-Égyptienne, qui a pour directeur un Juif avenant d’allures, Edgar May, et qui est presque exclusivement composée de Juifs, fait des affaires ordinaires, comme le Didot-Bottin, où Edmond About avait gagné une partie de sa fortune, les Brasseries et Malteries de France, les Eaux de Constantinople, les Manufactures d’armes de Saint-Étienne, elle trouve que nous n’avons pas encore perdu assez avec le Mexique, et patronne chaleureusement la Barque nationale du Mexique, elle s’occupe de change, et elle a un comptoir à Maurice, où son agent tire sur la maison mère à Paris, et vend ses tirages sur France à 33 0/0 de bénéfice, elle se charge aussi des recouvrements sur l’Égypte. Elle continue là le système des Juifs anglais et levantins, qui ont réussi à dépouiller presque entièrement les malheureux Fellahs en les engageant, par tous les moyens, à emprunter de petites sommes, ils sont incapables de rendre à l’échéance et on les exproprie[231]. C’est toujours la guerre antique dépouillant le plus faible de son lopin de terre, et le réduisant en esclavage, seulement la guerre ici est faite à distance par le Juif cher à Renan, celui qui meurt de la moelle épinière dans un hôtel bien capitonné des Champs-Élysées.

Toutes ces opérations ne sont guère qu’accessoires. La grande affaire de la Banque Franco-Égyptienne, ce sont les syndicats, les agiotages, les coups de Bourse entrepris d’accord avec les hommes du gouvernement.

L’expédition du Tonkin fut une opération de ce genre.

On ne peut évidemment mettre en avant aucun motif patriotique ou élevé. La politique coloniale, qui a sa raison d’être pour les peuples embarrassés d’un trop plein de population, serait insensée pour la France où le nombre des naissances est inférieur à celui des autres nations, et qui est obligée maintenant d’appeler des ouvriers étrangers sur son sol[232] Cette admirable Algérie, qui est à nos portes, qui ne demande qu’à être cultivée, et où personne ne veut aller, est là pour nous démontrer l’inutilité de nos possessions lointaines.

Les Espagnols, les Italiens, les Maltais constituent là-bas une population bien supérieure à la population française. Dans la province d’Oran, il y a 83,000 Espagnols contre 58,000 Français[233]. Nous faisons 920 millions d’affaires avec l’Amérique du Sud, dont nous ne nous sommes jamais occupés, et nous n’en faisons que pour 306 millions avec l’Algérie qui nous a coûté tant d’hommes et tant d’argent.

Le chiffre le plus élevé des marchandises importées de France dans nos établissements français, en Océanie, a été de 618,567 francs ! En Cochinchine, il n’y a guère, en fait de Français, que des fonctionnaires que nous sommes obligés de payer. C’est à peine si nous expédions à toutes nos colonies réunies pour 47 millions de produits par an.

Ces grossières évidences sautent aux yeux de chacun et l’esprit le plus borné les perçoit. En six cents ans, les habitants du Tonkin, qui sont le peuple le plus indigent de l’Asie et qui vivent exclusivement du ris qu’ils récoltent, ne nous achèteront pas pour un million de marchandises.

« Je défie, disait, devant la commission, le vice-amiral Duperré ancien gouverneur de Cochinchine, qu’on me cite un Français pouvant gagner au Tonkin, dans l’industrie, de quoi payer son passage pour revenir en France. »

M. Alcide Bleton, qui avait été chargé, par le ministre de la marine et des colonies, d’une mission commerciale au Tonkin et dont le rapport a été publié, n’a absolument rien vu qu’on pût exporter ou importer dans ce pays. Tout ce qu’on pourrait faire, selon lui, pour gagner un peu d’argent, serait de construire des cambuses pour les employés européens et d’établir des blanchisseries. Au moment où l’Allemagne est menaçante à nos portes, faire tuer nos meilleurs soldats pour arriver à blanchir le linge sale des Annamites et des Tonkinois est une conception bien baroque.

Il n’en est pas moins vrai que nous sommes allés au Tonkin pour faire une affaire.

Sans doute, on aurait pu s’y méprendre. On entendait Tondu, même après Lang-Son, s’écrier dans les corridors : « Jamais je n’abaisserai le drapeau de la France ! L’honneur national avant tout ! Fallût-il sacrifier cinquante mille hommes, que je ne quitterai pas le Tonkin ! » On disait : « C’est excessif mais c’est égal, c’est un lapin que ce Tondu… »

Dietz-Monin et Bozerian tenaient le même langage au Sénat, et les pères conscrits, frappés d’admiration, répétaient : « Ce sont deux crânes que ces deux gaillards, Ils n’ont pas froid aux yeux. »

Tout à coup, M. Andrieux apporta à la commission du Tonkin un document qui montra Tondu et ses amis sous un nouveau jour. Voici quel était le texte de ce papier :


PROJET DE CRÉATION
d’une grande compagnie fermière de l’état dans l’indochine

Article premier. — Le président du conseil, ministre des affaires étrangères, au nom de l’Etat, concède à la société française générale de l’Indo-Chine, représentée par MM. XXX, qui acceptent :

La concession pendant quatre-vingt-dix-neuf ans de toutes les terres, forêts et mines vacantes de la Cochinchine, de l’Annam, du Tonkin et du Cambodge, ayant un caractère domanial.

Le droit exclusif :

D’établir au Tonkin, dans l’Annam et le Cambodge, une Banque d’émission, de prêt et d’escompte, jouissant des droits et privilèges conférés à la Banque de l'Indo-Chine par le décret du 21 janvier 1875 ;

De construire et d’exploiter les voies ferrées dont le gouvernement français ordonnera l’établissement ;

Et de créer et d’exploiter les lignes de transport maritimes et de navigation sur les voies fluviales, les ports, canaux, docks et entrepôts qui pourraient être nécessaires ;

Le recouvrement en espèces et en nature, conformément à la loi annamite de l’impôt foncier et la réalisation en espèces pour le compte de l’État de la partie perçue en nature, moyennant une indemnité à fixer.

A la suite de ce projet était une note écrite de la main de Ferry, signée des initiales de Ferry, constatant que ce traité financier lui était soumis par Tondu, Dietz-Monin, Bozerian et autres députés et sénateurs de cette nuance.

Les choses là sont avouées de tous et ne choquent presque pas. S’il existait jadis des hommes publics qui fissent commerce de leur mandat, ils se cachaient, ils prenaient des précautions infinies, ils détournaient la tête pour ne pas voir les billets de banque ou les paquets d’actions, que des entremetteurs discrets comme la tombe feignaient, à la suite d’une audience, d’avoir oubliés sur le coin du bureau. Souvent même on n’osait pas procéder ainsi, on attendait le jour de l’An pour envoyer à la fille du personnage, qui s’était intéressé à vos affaires, une belle poupée de chez Giroux, et la poupée se trouvait par hasard avoir sur elle cinquante mille francs de diamants. Les diamants, autour d’une tabatière ou d’un portrait, couvrirent ainsi de leurs feux étincelants pas mal de compromis assez sales.

Aujourd’hui, le trafic des consciences se fait ouvertement, franchement, cyniquement. On porte ces marchés chez les jurisconsultes, en les priant de les bien régulariser, afin de ne pas avoir de contestations, on abrite ces turpitudes chez les notaires,

Dont le vieux panonceau balance avec fierté
______Cent ans d’honneur héréditaire.

Avant de découvrir le pot aux roses de Tondu, M. Andrieu avait déjà analysé, dans le Matin, sans indignation trop violente, la plupart des traités relatifs au Tonkin.

Toute la famille Ferry prend part à la curée. C’est M. Bavier-Chauffour, cousin de Jules Ferry, et qui a épousé une nièce de M. Floquet, qui, après avoir dirigé sans succès une banque à Berne, est chargé d’aller représenter dans l’Extrême-Orient les intérêts de toute la tribu[234].

La Correspondance radicale a donné le texte du traité passé par M. Bavier-Chauffour avec la cour d’Annam.

    M. Bavier-Chauffour, à qui sa qualité de parent du ministre créait une situation privilégiée, a pu acheter, sous le régime du traité de 1874, et sans qu’il fut possible d’empêcher ce marché, le traité de Hué n’étant pas ratifié :

1° L’île toute entière de Ké-Bao, pour une période de cens ans : sol, sous-sol, etc., au prix de 60,000 dollars (à 4 fr 55), payable le 31 août 1886. Arrhes, 600 dollars.

2° Le bassin houiller de Hou-Gae, dans la baie d’Allong, au prix de 40,000 dollars, pour la même période, et payable comme précédemment. Arrhes, 400 dollars.

La cour d’Annam prélèvera 1 0/0 sur les bénéfices nets de l’entreprise des sous-sols, et attachera un mandarin à l’exploitation, en qualité de contrôleur financier.

Au bout de cent ans, retour à l’Annam des concessions accordées, à moins de nouvelle entente avec les héritiers de M. Ravier-Chauffour, en tout cas, obligation à la cour de Hué de donner la préférence à ces derniers sur tous autres à égales propositions.

Est, en autre, concédé à M. Ravier-Chauffour le droit de construire des

appontements, des quais, des voies ferrées, etc., de céder, transporter et vendre.

L’exemple des hommes du gouvernement excite chacun. A première nouvelle qu’un traité a été conclu, nous apprenons qu’un groupe de négociants et de financiers, en tête duquel figurent naturellement des Juifs, les Gunzburg, les Ulmann, les Ernest Lévy, s’est réuni au local des Chambres syndicales, rue de Lancry, pour y jeter, comme dit le Gaulois, « les premiers jalons d’une organisation au Tonkin. »

Au premier abord, avec des phrases ronflantes sur la civilisation en plus, la situation semble donc être la même qu’au XVIe siècle.

Trouver de l’or ! c’était l’idée fixe des compagnons de Cortez et de Pizarre, et l’histoire, hélas ! Nous apprend qu’ils ne se firent pas faute de mettre plus d’un malheureux indien sur le gril, pour le forcer à déclarer où étaient ces mines regorgeant de fabuleuses richesses, dont la pensée hantait obstinément le cerveau des envahisseurs.

Dès que vous vous donnez la peine de réfléchir, vous êtes bien vite convaincu qu’il n’existe aucune analogie entre les deux cas.

Les Espagnols ont cherché de l’or, ils en ont trouvé, ils en ont rapporté et les galions des Indes ont permis aux rois d’Espagne de soutenir une lutte de cinquante ans contre le monde. Si vous aviez des doutes à ce sujet, vous n’auriez qu’à vous adresser à M. Duclerc, l’ancien ministre des affaires étrangères. Sous prétexte qu’un galion s’était échoué jadis dans la baie de Vigo, il a trouvé moyen de soutirer quinze millions à des actionnaires qui n’ont jamais revu ni l’argent de Philippe II, ni le leur.

Les circonstances cette fois sont toutes différentes. Il n’y a pas de mines au Tonkin et l’on ne fait la guerre que pour lancer une Société en commandite qui ressemblera à toutes les entreprises précédentes et ruinera tous ceux qui confieront leurs capitaux aux fondateurs.

M. Raoul Duval en causant, au mois d’octobre 1884, avec un journaliste qui était venu le questionner, a eu le courage de dire la vérité sur ce point, il a montré nettement le fond de la question.

On a nommé à grand bruit une commission d’ingénieurs pour régler le système des concessions. Le plus clair produit de celles-ci, vous pouvez en être bien sûr, sera de faire passer dans la poche des concessionnaires l’argent que de naïfs actionnaires ne manqueront pas de leur donner. Comme valeurs de rapport, il n’y a pas de mines dans le delta du fleuve Rouge, dans lequel nous tenons les points occupés par nos troupes sans qu’il soit possible de sortir de leur ligne à moins de risquer la tête[235]. Pour trouver des mines, il faut pénétrer dans la partie montagneuse et très peu accessible qui confine aux provinces chinoises. gne et d’Amérique, situées au centre même des marchés de consommation, font aujourd’hui de mauvaises affaires. Il est vraiment désolant de penser que c’est pour une pareille chimère qu’on épuise les forces de la France et son crédit.

C’est ainsi que toujours nous revenons au système juif. « On vit de ce que l’on est et de ce que l’on crée, » a dit Proudhon. Or le Juif est une négation, il ne crée rien et il veut de l’argent, il est donc fatalement condamné, inévitablement condamné à l’aller chercher où il est, c’est-à-dire. dans la bourse de ceux qui ont travaillé pour en acquérir. Les Castillans, à force d’audace, de supériorité dans le courage, ont pu prendre d’assaut le palais plein d’or de Montezuma[236], les Juifs en reviendront toujours, avec toutes sortes de circuits apparents, à faire le même siège, le siège de l’armoire à glace, dans laquelle le petit rentier, l’ouvrier rangé, le portier serrent leurs économies[237].

La vérité est qu’on a fait tuer dix mille Français au Tonkin et dépensé huit cent millions pour trouver un endroit favorable à la publicité sur lequel il put afficher un prospectus d’émission financière. Tous les emplacements ayant déjà servi, on a cherché de nouveau et on a choisi la muraille de Chine. Nous n’avons pas à revenir sur les invraisemblables détails de cette guerre commencée sans qu’on ait jamais dit pourquoi et poursuivie pendant si longtemps sans avoir été déclarée. On ne comprend rien à la façon dont les choses ont été menées et il semble que cette politique incohérente doive cacher toutes sortes d’infamies secrètes et que l’avenir seul mettra en lumière. Tout le monde se mêle des négociations, excepté ceux que cela regarde. On désavoue et disgracie M. Bourée, qui avait obtenu, avant le commencement de toute hostilité, plus que le traité de Tien-Tsin ne nous donnait après tant d’hommes sacrifiés, et on charge un officier de marine de négocier sur les bases qu’on a refusé d’accepter. Le Times publie ce traité singulier et l’on s’aperçoit qu’il contient précisément tout le contraire de ce que M. Jules Ferry prétendait y trouver. L’inepte Millot fait égorger nos soldats à Bac Lé, faute d’avoir pris les plus élémentaires précautions. Jules Ferry s’écrie solennellement : « Ces choses-là se payent ! » et, après avoir réclamé deux cents millions, il fait conclure par un Anglais un traité où il n’est pas question de la moindre indemnité et par lequel nous abandonnons les îles Pescadores, le seul point qui nous fût utile dans ces parades, le seul où nous gênions les Anglais. Pendant ce temps les Français meurent par milliers sous les balles, du typhus, du choléra, du climat, les hôpitaux sont pleins de malades et vides de médicaments. Enfin, pour couronner l’édifice, le malheureux Herbinger perd la tête à Lang Son et notre fuite éperdue devant des Chinois achève d’enlever à l’armée française le peu de prestige qui lui restait[238].

L’esprit reste confondu quand on songe que toutes ces extravagances sont de l’histoire, que des hommes sont réellement morts par la volonté de pareils fantoches, qu’une Assemblée a approuvé tout cela. Rien peut-être ne donne mieux l’idée de l’endurance de la pauvre humanité, de la façon dont elle subit tout. Les misérables, qui ont ôté la vie à tant d’êtres humains, jouissent tranquillement de leurs millions. À peine remis d’une première terreur qui, il est vrai, avait été forte, Jules Ferry, au moment où l’on discutait l’affaire de Lang Son, riait aux éclats à son banc avec Raynal qui, paraît-il, l’amusait beaucoup en lui racontant les mutilations hideuses qu’on fait subir là-bas à nos soldats prisonniers. On ne croirait pas à tant de cynisme si le compte rendu de cette séance n’était pas là.

M. Clemenceau. — Tout débat est fini entre nous. Nous ne voulons plus vous entendre, nous ne voulons plus discuter avec vous les grande intérêts de la patrie. (Applaudissements.) Nous ne vous connaissons plus, nous ne voulons plus vous connaître. (Nouveaux applaudissements.)

Sur ce que vous avez dit ou fait jusqu’à cette heure, je veux jeter aujourd’hui le voile de l’oubli. (Mouvements divers.) Ce ne sont plus des ministres que j’ai devant moi, ce sont des accusés. (Applaudissements à droite et à gauche.

Voix à gauche et à droite : Ces messieurs rient !

M. le président. — Veuillez, messieurs, garder le silence.

M. Raoul Duval. — Il y a des indignations qui ne peuvent être contenues : M. le président du conseil riait ! (Applaudissements à droite.)

M. Clemenceau. — Oui, des accusés de haute trahison, sur qui, s’il y a un principe de justice en France, la main de la loi s’étendra avant longtemps. (Nouveaux applaudissements à gauche.

M. Gaillard (Vaucluse). — Je constate que M. Jules Ferry rit encore. (Bruit.)

La chute de Ferry est une page d’histoire à regarder, et cette date du 29 mars, qui vit l’effondrement de l’homme des décrets, vaut la peine qu’on s’y arrête.

Sous l’émotion causée par la nouvelle du désastre de Lang Son, cette société, brusquement réveillée, se montra telle qu’elle est comme une de ces vieilles, qu’on rencontre la veille, élégantes encore sous le fard et qui, aux cris : au feu ! Se précipitent dans un escalier et se révèlent ce qu’elles sont réellement, horribles à voir, ridées partout comme de vieilles pommes, cadavéreuses.

Le Paris qu’on aperçut à ce moment nous offre l’image navrante de ce que serait la capitale après une première défaite, même insignifiante, dans une guerre avec l’Allemagne. Il n’y a plus d’autorité, plus de gouvernement, il n’y a plus rien, tout est par terre.

Un seul mot de vérité suffit à frapper à mort cet opportunisme qui avait constamment vécu par le mensonge, qui avait érigé l’imposture en système. Cette vérité, comment Ferry l’a-t-il dit ? Pourquoi ne cacha-t il pas cette dépêche comme il avait caché les précédentes ? Il eut peur. Cet avocat sinistre, qui a tué plus d’hommes qu’un conquérant, qui a tué par la famine savamment organisée pendant le siège, qui a tué par les cours martiales, en 1871, qui a tué par la Tunisie et le Tonkin est obsédé comme par un fantôme, de l’idée fixe qu’il tombera un jour vivant entre les mains du peuple et qu’il payera tout le mal qu’il a fait. Au reçu de la dépêche il se crut perdu et il lâcha tout.

Les masses semblent, ce jour-là, avoir été désarmées par le dégoût. C’est dans ces heures nerveuses, où tout le mouvement de la cité est sur le Forum, où journalistes, compositeurs, mécaniciens, brocheuses, marchandes de journaux, causent pêle-mêle au milieu des imprimeries, que l’on voit combien le peuple a conservé de beaux côtés. Il a l’intuition soudaine des vraies responsabilités. Les ouvriers n’avaient pas lu le Times, qui constatait que c’était les Rothschild qui s’étaient chargés de l’emprunt chinois et avaient fourni ainsi des armes contre nous. Spontanément cependant des groupes se forment dès onze heures du matin, à l’angle de la rue Laffitte et de la rue Lafayette. On s’indigne, on discute bruyamment, on crie : « Chez Rothschild ! chez Rothschild ! »

« Heureusement, dit le Gaulois, d’autres personnes interviennent et dissuadent la foule de mettre ce projet à exécution. »

Sans partager l’opinion du journal juif, il faut noter cette manifestation presque instinctive qui est comme le cri de la conscience publique, un moment lucide, et que les journaux endorment bien vite.

Quel foyer de patriotisme existe encore chez ce peuple qui ne lit que des journaux où l’on déclare que la Patrie n’est qu’un vain mot ! Comme ces prolétaires communient vraiment par la pensée avec nos infortunés soldats perdus à des milliers de lieues de la France, entourés de hordes innombrables, noyés dans des flots de barbares !

De quelle voix poignante on interroge les journalistes qu’on s’imagine savoir quelque chose ! Je vois encore, avec ses taches de rousseur et ses yeux gris, bons et tristes, une humble ouvrière, un de ces êtres souffreteux, mal vêtus, battus par le mari, mangeant à peine pour donner leur part aux enfants. De quel accent plein d’angoisse elle disait : « On a abandonné le trésor de l’armée, quel malheur ! Savez-vous au moins si l’on a sauvé les drapeaux ? »

Le trésor de l’armée ! Qu’est-ce que cela pouvait lui faire à cette pauvre femme, qui avait peut-être quarante sous dans son porte-monnaie crasseux pour passer la semaine, et notre cœur se serrait malgré tout, lorsqu’elle nous répétait. « Savez-vous si l’on a sauvé les drapeaux ? »

Nous reconnaissions la plébéienne du siège qui, par l’hiver rigoureux, claquant des dents, faisant la queue dès quatre heures du matin à la porte des boulangeries, et riant quand même sous la bise, raillait Bismarck et s’écriait : « Comme il doit enrager de voir Paris se défendre comme cela ! »

Les drapeaux ! Ce qu’on appelle la haute société, s’en moquait pas mal. Une véritable fièvre de fêtes et de bals coïncida avec la nouvelle des malheurs qui frappait la Patrie.

La semaine de Pâques, comme d’usage, annonce le Figaro, est en véritable renouveau mondain.

Mardi : Bal blanc chez Mme la duchesse de Maillé.

Mercredi : Bal chez Mme de Châteaubourg et chez la comtesse de Ferronnays.

Jeudi : Matinée dansante chez lime la duchesse de Trévise.

Vendredi : Le bal costumé chez M. Gaillard.

Messieurs les conducteurs de cotillons, à votre poste !

Tous les financiers accourent chez ce Gaillard, qui trouvait l’instant opportun pour donner un bal masqué dans un hôtel qu’il avait eu la pensée bizarre de faire construire sur le plan même du château de Blois.

Les Juifs ouvrent leurs salons à deux battants. Grand bal chez la baronne de Hirsch qui, pour célébrer sans doute la victoire des Célestes, a placé une guirlande de lauriers dans ses cheveux. La toilette est de satin vert mauve ouverte sur une jupe de faille maïs toute pampillée d’or.

« La duchesse de Bisaccia est en toilette de brocart ramagé d’or et d’argent. Duchesse de Maillé en lampas Renaissance.

« Mme Henry Schneider : ravissante toilette Émpire en crèpe blanc à longue ceinture de rubans coquelicot.

« Mme Salomon Goldschmidt : robe de lampas lilas, le devant tout brodé de perles fines, avec grands revers et corsage de velours violine. »

Tous les Rothschild sont sur le pont. Le bal de la baronne Adolphe est plus select, mais celui de la baronne Salomon est plus brillant. Toute l’aristocratie défile dans l’hôtel de la rue Berryer, et l’énumération des grands seigneurs et des grandes dames, qui s’amusent pendant qu’on meurt là-bas, tient deux colonnes dans les journaux bien informés.

Lang-Son, en effet, avait été une aubaine inattendue pour les Juifs, et la bourse avait retrouvé l’éclat des anciens jours.

Un écrivain, dont le tallent inégal a parfois des lueurs superbes,