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skirrhe ou un cancer n’oblige à l’extirper totalement ; & dans ce cas, l’œil artificiel n’a d’autre mouvement que celui qu’il reçoit des paupieres.

On remarque qu’un œil artificiel irrite souvent les parties, & occasionne des inflammations, des fluxions & autres maladies semblables, sur-tout lorsqu’il est mal fait, de maniere qu’il enflamme & affoiblit quelquefois celui qui est sain. Dans ce cas, le malade doit en chercher un autre qui lui convienne mieux, ou même s’en passer tout-à-fait, plutôt que de s’exposer à perdre l’œil qui lui reste. Voyez plus bas Œil artificiel. Heister. (D. J.)

Œil, maladies de cet organe, il n’y point de partie dans le corps humain sujette à autant de maladies que l’œil. La structure particuliere de cet organe, & la nature des parties tant solides que fluides qui le composent, peuvent être viciées de différentes manieres qui n’ont que des rapports éloignés, avec les affections contre nature des autres parties du corps. Quoiqu’on soit peu propre à traiter méthodiquement les maladies de l’œil lorsqu’on n’a point les connoissances lumineuses qui doivent conduire dans le traitement de toutes les maladies, comme nous l’avons observé au mot Oculiste ; il faut néanmoins convenir que la pathologie des yeux mérite une attention spéciale, & que les méthodes curatives doivent être dirigées sur les principes particuliers que fournit l’étiologie particuliere de chaque maladie.

Les parties extérieures de l’œil qui ne constituent pas le globe, ont leurs maladies connues assez souvent sous différens noms qui leur sont propres. Les paupieres sont sujettes à des fluxions & inflammations, comme toutes les autres parties du corps. Elles peuvent être réunies par vice de conformation ou accidentellement contre l’ordre naturel. Les paupieres sont éraillées par la section ou l’érosion de leur commissure. Voyez Ectropion & Lagophthalmie. Les cils éprouvent la chûte & le dérangement. Quand ils entrent dans l’œil & en piquent le globe, cette maladie se nomme trichiase, voyez ce mot. Quelquefois il y en a un double rang. Il survient des ulceres prurigineux le long des bords des paupieres. Voyez Psorophthalmie. Les paupieres peuvent être attaquées de varices, de verrues, de cancers qu’il faut extirper, de tumeurs enkystées, de concrétions lymphatiques dures comme des pierres. Voyez Orgeolet, &c. L’abscès du grand angle de l’œil est une maladie particuliere, voyez Anchilops. Les larmes retenues par l’obstruction du conduit nasal causent une tumeur au grand angle, qui finit par s’ulcerer, voyez Œgilops, & produire une fistule lacrymale. Voyez ce mot à l’article Fistule. Il survient au grand angle de l’œil des excroissances. Voyez Encanthis.

Les graisses qui entourent le globe de l’œil & qui remplissent le vuide qu’il laisse dans l’orbite, sont susceptibles d’un engorgement qui chasse l’œil sur la joue. Voyez Exophthalmie ; maladie qu’on a confondue souvent avec la dilatation du globe. Voyez Hydrophtalmie.

Les muscles de l’œil & les nerfs dont ils tirent la puissance motrice, ont leurs maladies particulieres. Ces organes sont affectés dans les yeux louches. Voyez Strabisme.

La conjonctive est fort souvent attaquée d’inflammation. Voyez Ophthalmie. Dans les ophthalmies invétérées, les vaisseaux restent variqueux. Voyez Varices. Cette membrane est sujette au gonflement œdémateux. Voyez Œdémateux. Il y survient des ulceres. Voyez Staphilome.

La cornée perd sa transparence par des pustules, des cicatrices, des engorgemens lymphatiques. Voyez Taye, Leucoma, Albugo. La cornée

s’abscède. Voyez Hypopion. Les ulceres restent fistuleux, il se forme sur la cornée une excroissance charnue. Voyez Ongle & Ptérygion.

Le globe de l’œil peut être blessé & ouvert par des instrumens piquans, tranchans & contondans. Voyez Plaies des yeux à l’article Plaie. Il augmente de volume par la plénitude excessive que cause la surabondance des humeurs qu’il contient. Voyez Hydrophtalmie. Il souffre atrophie & diminution, le nerf optique devient paralytique. Voyez Goutte sereine. La prunelle se dilate par cette cause, ou par le gonflement du corps vitré, ce qu’il ne faut pas confondre : le corps vitré perd sa transparence, voyez Glaucome, & le crystallin devient opaque, voyez Cataracte, & la nouvelle méthode de guérir cette maladie par l’extraction du crystallin, au mot Extraction. La totalité du globe de l’œil forme quelquefois un cancer, maladie qui requiert absolument l’extirpation complette de cet organe : cette opération, dont les auteurs ont parlé trop superficiellement jusqu’ici, fera le sujet de l’article qui suit. (Y)

Œil, extirpation de l’œil, opération de chirurgie. Les auteurs dogmatiques qui se sont acquis la plus grande réputation sur les maladies de l’œil, sont en défaut sur l’exposition des cas qui exigent l’extirpation. On ne doit pas la tenter dans l’exophthalmie qui vient de cause interne, ni même, dans ce qu’on appelle l’œil hors de la tête, à l’occasion de coups reçus sur l’orbite, à moins que la nécessité de l’extirpation ne soit bien expressément marquée. Covillard, dans ses observations jatrochirurgiques, dit s’être opposé à ce qu’un chirurgien coupât avec des ciseaux l’œil pendant sur la joue, séparé de l’orbite par un coup de bâton de raquette ; & qu’ayant remis l’œil à sa place le plus proprement & promptement qu’il lui fut possible, il continua ses soins & guérit le blessé, sans aucune altération ou diminution de la vue.

Un fait aussi intéressant dans la chirurgie des yeux, mériteroit d’être examiné avec une scrupuleuse attention. Antoine Maître-Jean ne craint point de dire qu’il est faux & exagéré. Ses raisonnemens ne peuvent prévaloir contre l’expérience. Lamzwerde, médecin de Cologne, rapporte un cas semblable. Spigélius, ce fameux anatomiste, qu’on ne soupçonne pas de s’être laissé tromper par les apparences, voulant prouver que les nerfs sont des parties lâches, susceptibles d’être fort étendues, prend le nerf optique pour exemple, & donne le récit d’une blessure faite à un enfant par un coup de pierre, qui lui avoit fait sortir l’œil de l’orbite, au point qu’il pendoit jusqu’au milieu du nez. Un habile chirurgien prit soin de cet enfant ; l’œil se rétablit peu-à-peu, & si bien, qu’il n’en est resté aucune difformité. Guillemeau admet la possibilité de la réduction de l’œil qui a été poussé hors de l’orbite par une cause violente.

On sent assez que ces principes doivent paroître absurdes à ceux qui prendroient le terme de réduction à la lettre, comme si la chûte de l’œil étoit simplement une maladie par situation viciée, pour me servir de l’expression des anciens pathologistes, & qu’on parlât de le remettre comme on réduit une luxation. Il est néanmoins certain que les anciens replaçoient l’œil, & comptoient beaucoup sur une compression violente par le moyen d’un bandage convenable pour le soutenir & favoriser sa réunion.

Ceux qui, à l’exemple de Maître-Jean, n’admettent dans ces faits que ce qu’ils y entrevoient de vraissemblable, auroient peut-être moins douté des principales circonstances qu’on y détaille, s’ils eussent connu bien précisément la disposition relative