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vaisseaux artériels, & monte en-haut, avec une force proportionnée à la chaleur qui la met en mouvement. Par ce moyen cette vapeur ouvre peu-à-peu les petits vaisseaux roulés en bourgeons, & les épanouissent pour en former des feuilles.

Or comme toutes les vapeurs se condensent par le froid, la vapeur dont il s’agit étant arrivée à l’extrémité des arteres, c’est-à-dire aux bourgeons, & trouvant en cet endroit un air froid, se condense en une liqueur, & sous cette forme, elle retombe par son propre poids vers la racine ; en traversant les vaisseaux veineux, & laissant après elle une partie de sa substance, telle que le tissu de l’écorce puisse la conserver, & la retenir pour sa nourriture.

Cette liqueur continue donc ainsi à circuler, après quoi le froid de l’hiver la congele & la réduit en une sorte de gomme qui demeure stagnante au-dedans des vaisseaux ; elle reste en cet état, jusqu’à ce que la chaleur renaissante du printems la mette en mouvement de nouveau. Alors la plante se remet en vigueur, pousse de nouvelles branches & de nouvelles feuilles, &c.

Cette exposition abregée de l’économie végétale demande d’être expliquée plus au long, parce qu’elle renferme plusieurs points curieux, intéressans, & dignes d’être approfondis. La cause par laquelle la racine oblige à monter la liqueur dont elle s’est chargée, n’est pas encore bien connue. Quelques auteurs l’attribuent à la pression de l’athmosphere, comme l’élévation de l’eau dans les pompes : mais cette opinion est fondée sur une hypothese gratuite, savoir que les petits tuyaux de la plante sont vuides d’air. D’ailleurs la pression de l’athmosphere ne pourroit élever la seve à plus de 32 piés ; au-lieu qu’elle s’éleve beaucoup plus haut, voyez Athmosphere. D’autres ont recours au principe de l’attraction, & croient que la force qui éleve la seve dans les plantes est la même qui fait monter l’eau dans les tuyaux capillaires, ou dans des monceaux de sable, de cendre, &c. Mais cette force ne suffit pas non plus pour élever la seve jusqu’au haut des arbres. Voyez Attraction, Ascension, Capillaire, &c.

On peut donc croire que la premiere réception du suc nourricier, & sa distribution dans le corps de la plante, est produite par différens moyens, ce qui est confirmé par l’analogie des animaux. Voyez Nourriture, Chaleur, Nutrition, &c.

Le mouvement du suc nourricier des plantes est produit comme celui du sang des animaux, par l’action de l’air. En effet, on remarque dans toutes les plantes quelque chose d’assez semblable à la respiration. Voyez Respiration.

Nous devons cette découverte à l’admirable Malpighi qui a observé le premier que les végétaux sont composés de deux suites ou ordres de vaisseaux, savoir. 1. Ceux dont nous avons parlé ci-dessus, qui reçoivent & portent les sucs destinés à la nourriture de la plante, & qui répondent aux arteres, aux veines & aux vaisseaux lactés des animaux. 2. Les trachées ou vaisseaux qui reçoivent l’air ; ce sont de longs tuyaux creux, qui pompent & chassent continuellement l’air, c’est-à-dire qui sont dans une inspiration & une expiration continuelle. Ces trachées, selon la remarque du même auteur, renferment toutes les autres especes de vaisseaux. Voyez Trachée.

De-là il s’ensuit que la chaleur de l’année, & même celle du jour, ou d’une heure, ou d’une minute, doit produire un effet sur l’air renfermé dans ces trachées, c’est-à-dire qu’elle doit le raréfier, & en conséquence dilater les trachées ; ce qui doit être une source perpétuelle d’action pour avancer la circulation dans les plantes. Voyez Chaleur, Raréfaction, &c.

Car par l’expansion des trachées, les vaisseaux qui contiennent les sucs sont comprimés ; par ce moyen les sucs que ces vaisseaux renferment sont continuellement poussés & accélerés, & par cette même impulsion les sucs sont continuellement raffinés, & rendus de plus en plus subtiles, & par conséquent capables d’entrer dans des vaisseaux de plus en plus fins ; tandis que leur partie la plus épaisse est séparée & déposée dans les cellules latérales ou vésicules de l’écorce, pour défendre la plante contre le froid, & contre les autres injures de l’air. Voyez Ecorce.

Le suc nourricier étant ainsi parvenu du bas de la racine jusqu’à l’extrémité des plus hautes branches, & même jusqu’à la fleur, & ayant durant ce tems déposé une partie de la matiere qu’il contient pour nourrir & défendre les parties de la plante, le superflu passe dans l’écorce, dont les vaisseaux s’inserent dans ceux où la seve monte ; & ce superflu redescend ensuite vers la racine à-travers les vaisseaux de l’écorce, pour venir regagner la terre. Telle est la circulation qui se fait dans les plantes. Voyez Circulation de la seve.

Voilà ce qui se passe dans les végétaux pendant le jour, sur-tout lorsque la chaleur du soleil est considérable. C’est ainsi que les vaisseaux destinés à charrier la seve sont comprimés, que la seve est élevée en-haut, & que les vaisseaux qui la contiennent s’en déchargent. Pendant la nuit, les trachées étant resserrées par le froid de l’air, les autres vaisseaux se relâchent, & se disposent ainsi à recevoir de nouveau suc nourricier, pour le digérer & le séparer le lendemain : on peut donc dire en ce sens, que les plantes mangent & boivent pendant la nuit. Voyez Nutrition.

Les vaisseaux ou les parties des plantes ne sont que de la terre liée & conglutinée, pour ainsi dire, avec une huile ; cette huile étant épuisée par le feu, l’air, l’âge, &c. la plante se réduit en poudre, ou retourne de nouveau en terre. Ainsi dans les végétaux brûlés par le feu le plus violent, la matiere des vaisseaux se conserve entiere, & est indissoluble à la plus grande force ; par conséquent cette matiere n’est ni de l’eau, ni de l’air, ni du sel, ni du soufre, mais de la terre seulement. Voyez Terre.

Le suc nourricier ou la seve d’une plante est une liqueur fournie par la terre, & qui se transforme en la substance de la plante ; elle est composée de quelques parties fossiles, de quelques autres fournies par l’air & par la pluie, & de quelques autres encore qui viennent de plantes & d’animaux putréfiés ; par conséquent les végétaux contiennent toutes sortes de sels, de l’huile, de l’eau, de la terre, & probablement aussi toutes sortes de métaux, d’autant que les cendres des végétaux fournissent toujours quelque chose que la pierre d’aimant attire. Voyez Fer, Aimant, &c.

Le suc nourricier entre dans la plante sous la forme d’une eau fine & subtile, qui conserve d’autant plus de sa propre nature qu’elle est plus près de la racine ; plus elle s’éloigne de la racine, plus elle souffre d’altération, & plus elle approche de la nature du végétal. Voyez Digestion.

Par conséquent lorsque le suc nourricier entre dans la racine, dont l’écorce est remplie de vaisseaux excrétoires propres à rejetter les parties excrémenteuses de ce suc ; il est terreux, aqueux, acide, a peu de substance, & ne contient presque point d’huile. Voyez Suc.

Il commence ensuite à se préparer dans le tronc & dans les branches ; cependant il continue encore à y être acide, comme on le voit lorsqu’on perce un arbre dans le mois de Février ; car le suc aqueux qui en découle a un goût acide. Voyez Percer.