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écoulés entre Gui Aretin & Jean de Muris, la musique ait été entierement privée du rhythme & de la mesure, qui en font l’ame & le principal agrément.

Quoi qu’il en soit, il est certain que les différentes valeurs des notes sont de fort ancienne invention. J’en trouve dès les premiers tems de cinq sortes de figures, sans compter la ligature & le point. Ces cinq sont la maxime, la longue, la breve, la semi-breve & la minime. Toutes ces différentes notes sont noires dans les manuscrits de Guillaume de Machaut ; ce n’est que de plus l’invention de l’Imprimerie qu’on s’est avisé de les faire blanches, & ajoutant de nouvelles notes, de distinguer les valeurs par la couleur, aussi bien que par la figure.

Les notes, quoique figurées de même, n’avoient pas toujours une même valeur. Quelquefois la maxime valoit deux longues, ou la longue deux breves ; quelquefois elle en valoit trois, cela dépendoit du mode. Voyez Mode. Il en étoit de même de la breve par rapport à la semi breve, & cela dépendoit du tems. Voyez Tems ; & de même enfin de la semibreve par rapport à la minime, & cela dépendoit de la prolation. Voyez Prolation.

Il y avoit encore beaucoup d’autres manieres de modifier les différentes valeurs de ces notes par le point, par la ligature & par la position de la queue. Voyez Ligature, Point, Queue.

Les figures qu’on ajouta dans la suite à ces cinq premieres, furent la noire, la croche, la double-croche, la triple & même la quadruple croche ; ce qui feroit dix figures en tout : mais dès qu’on eut pris la coutume de séparer les mesures par des barres, on abandonna toutes les figures de notes qui valoient plusieurs mesures, comme la maxime qui en valoit huit, la longue qui en valoit quatre, & la breve ou quarrée qui en valoit deux ; la semi-breve ou ronde, qui valoit une mesure entiere, fut la plus longue valeur de note qui demeura en usage, & sur laquelle on détermina les valeurs de toutes les autres notes ; & comme la mesure binaire qui avoit passé longtems pour moins parfaite que la mesure à trois tems, prit enfin le dessus, & servit de base à toutes les autres mesures, de même la division soudouble l’emporta sur la division soûtriple qui avoit aussi passé pour la plus parfaite ; la ronde ne valut plus que quelquefois trois blanches, mais toujours deux seulement ; la blanche deux noires, la noire deux croches, & ainsi toujours dans la même proportion jusqu’à la quadruple croche, si ce n’est dans quelques cas d’exception où la division soûtriple fut conservée & indiquée par le chiffre 3 placé au-dessus ou au-dessous des notes. Voyez Planches & fig. les figures & les valeurs de toutes ces différentes especes de notes.

Les ligatures furent en même tems abolies, du moins quant aux changemens qu’elles produisoient dans les valeurs des notes. Les queues, de quelque maniere qu’elles fussent placées, n’eurent plus qu’un sens fixe & toujours le même ; & enfin la signification du point fut aussi bornée à valoir exactement la moitié de la note qui est immédiatement avant lui. Tel est l’état où les figures des notes ont été mises par rapport à la valeur, & où elles sont actuellement.

L’auteur de la dissertation sur la musique moderne trouve tout cela fort mal imaginé ; nous avons exposé au mot Note quelques-unes de ses raisons. (S)

Valeur, s. f. (terme de lettre-de-change.) ce mot signifie proprement la nature de la chose, comme deniers comptans, marchandises, lettres-de-change, dettes, &c. qui est donnée, pour ainsi dire, en échange de la somme portée par la lettre dont on a besoin. Ricard. (D. J.)

Valeur intrinseque, (Monnoie.) ce mot se dit des monnoies qui peuvent bien augmenter ou baisser suivant la volonté du prince, mais dont la vé-

ritable valeur ne dépend que de leur poids & du titre

du métal. C’est toujours sur cette valeur intrinseque des especes qu’elles sont reçues dans les pays étrangers, bien que dans les lieux où elles ont été fabriquées, & où l’autorité souveraine leur donne cours, elles soient portées dans le commerce sur un pié bien plus fort ; mais c’est un mal de plus dans l’état. (D. J.)

Valeur, s. f. (Hydr.) la valeur des eaux est l’estimation de ce qu’elles peuvent produire en un certain tems. L’expérience y est plus nécessaire que la démonstration ; c’est elle qui a fait connoître ce que fournit par minute un ruisseau, une riviere, un pouce d’eau, une ligne ; c’est par son moyen qu’on sait qu’un muid d’eau contient 288 pintes mesure de Paris, & qu’on peut l’évaluer à 8 piés cubes valant chacun 36 pintes 8e de 288. (K)

Valeur, (Morale.) la valeur est ce sentiment que l’enthousiasme de la gloire & la soif de la renommée enfantent, qui non content de faire affronter le danger sans le craindre, le fait même chérir & chercher.

C’est ce délire de l’héroïsme qui dans les derniers siecles forma ces preux chevaliers, héros chers à l’humanité, qui sembloient s’être approprié la cause de tous les foibles de l’univers.

C’est cette délicatesse généreuse que l’ombre d’un outrage enflamme, & dont rien ne peut désarmer la vengeance que l’idée d’une vengeance trop facile.

Bien différente de cette susceptibilité pointilleuse, trouvant l’insulte dans un mot à double sens, quand la peur ou la foiblesse le prononce, mais dont un regard fixe abaisse en terre la vue arrogante, semblable à l’épervier qui déchire la colombe, & que l’aigle fait fuir.

La valeur n’est pas cette intrépidité aveugle & momentanée que produit le desespoir de la passion, valeur qu’un poltron peut avoir, & qui par conséquent n’en est pas une ; tels sont ces corps infirmes à qui le transport de la fievre donne seul de la vivacité, & qui n’ont jamais de force sans convulsions.

La valeur n’est pas ce flegme inaltérable, cette espece d’insensibilité, d’oubli courageux de son existence, à qui la douleur la plus aiguë & la plus soudaine ne peut arracher un cri, ni causer une émotion sensible : triomphe rare & sublime que l’habitude la plus longue, la plus réfléchie & la mieux secondée par une ame vigoureuse, remporte difficilement sur la nature.

La valeur est encore moins cette force extraordinaire que donne la vue d’un danger inévitable, dernier effort d’un être qui défend sa vie ; sentiment inséparable de l’existence, commun, comme elle, à la foiblesse, à la force, à la femme, à l’enfant, seul courage vraiment naturel à l’homme né timide. A votre aspect, que fait le sauvage votre frere ? il fuit. Osez le poursuivre & l’attaquer dans sa grotte, vous apprendrez ce que fait faire l’amour de la vie.

Sans spectateurs pour l’applaudir, ou au-moins sans espoir d’être applaudi un jour, il n’y a point de valeur. De toutes les vertus factices c’est sans doute la plus noble & la plus brillante qu’ait jamais pu créer l’amour propre ; mais enfin c’est une vertu factice.

C’est un germe heureux que la nature met en nous, mais qui ne peut éclore, si l’éducation & les mœurs du pays ne le fécondent.

Voulez-vous rendre une nation valeureuse, que toute action de valeur y soit récompensée. Mais quelle doit être cette récompense ? L’éloge & la célébrité. Faites construire des chars de triomphe pour ceux qui auront triomphé, un grand cirque pour que les spectateurs, les rivaux & les applaudissemens soient nombreux ; gardez-vous sur-tout de payer avec de l’or ce que l’honneur seul peut & doit acquitter. Celui qui songe à être riche, n’est ni ne sera jamais va-