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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/478

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aucune jauge, s’il n’a servi un maître jaugeur au moins un an, à peine d’amende ; & en cas qu’il l’ait fait par ordre du maître, celui-ci en est responsable en son nom.

Il y a eu en France des jaugeurs pour les grosses mesures de liqueurs, dès que la police a commencé à y avoir des regles certaines. Il en est parlé dans le recueil des ordonnances de Saint Louis en 1258 ; & ils étoient alors commis par le prévôt des marchands & échevins de Paris. Charles VI. en 1415, en fixa le nombre pour cette ville à six jaugeurs & six apprentifs. Henri IV, par un édit de Février 1596, les créa en titre d’office, tant pour Paris que dans les autres villes, & leur attribua douze deniers par chaque muid. Louis XIII, en 1633, créa deux nouveaux jaugeurs, & augmenta leurs droits ; en 1645, Louis XIV créa huit nouveaux jaugeurs, & les droits de tous ces officiers furent portés à cinq sols par muid de vin, cidre, bierre, eau-de-vie, &c. entrant à Paris par eau ou par terre. On ajoûta encore trente-deux nouveaux jaugeurs en 1689 ; cinquante-deux en 1690, & cinquante-deux autres en 1703, sous le titre d’essayeurs & contrôleurs d’eau-de-vie. Par un édit du mois de Mai 1715, tous les nouveaux offices créés depuis 1689 ayant été supprimés, les jurés-jaugeurs se trouverent réduits à leur ancien nombre de seize. Celui des commis jaugeurs nommés pour les remplacer, fut fixé à 24 par arrêt du conseil, du 12 Septembre 1719 ; enfin les officiers jaugeurs ont été rétablis par l’édit de Juin 1730. Diction. de commerce. (G)

JAUMIERE, s. f. (Marine.) petite ouverture à la poupe du vaisseau proche de l’étambord, par laquelle le timon passe pour se joindre au gouvernail afin de le faire jouer. Cette ouverture a ordinairement de largeur en dedans les deux tiers de l’épaisseur du gouvernail, & en dehors un tiers moins qu’en dedans ; à l’égard de sa hauteur, elle est un peu plus grande que son ouverture intérieure. Lorsqu’on est en mer, on garnit quelquefois cette ouverture de toile gaudronnée, pour empêcher que l’eau n’entre par-là dans le vaisseau ; mais si on ne veut pas prendre cette précaution, on laisse entrer l’eau qui s’écoule par les côtés, sans autre inconvénient.

JAUNE, adj. (Gram. Physiq. & Teint.) couleur brillante, & celle qui réfléchit le plus de lumiere après le blanc. Voyez Couleur & Lumiere.

Il y a plusieurs substances jaunes qui deviennent blanches, en les mettant alternativement pendant quelque tems au soleil & à la rosée, telles sont la cire, la toile de chanvre, &c. Voyez Blanchissement, Poil, &c.

Ces mêmes substances, quoiqu’entierement blanches, si on les laisse long-tems sans les mouiller redeviennent jaunes.

Le papier & l’ivoire présentés au feu deviennent successivement jaunes, rouges & noirs. La soie qui est devenue jaune se blanchit, par le moyen de la fumée du soufre. Voyez Blanc & Blancheur.

Le jaune en teinture est une des cinq couleurs primitives. Voyez Couleur & Teinture.

Pour avoir les jaunes les plus fins, on commence par faire bouillir le drap ou l’étoffe dans de l’alun & de la potasse, ensuite on lui donne la couleur avec la gaude. Voyez Gaude.

La turmeric donne aussi un bon jaune, mais moins estimé cependant. On a encore un bois des Indes, qui donne un jaune tirant sur l’or ; & l’on fait une quatrieme espece de jaune avec de la sariette, mais c’est le moindre de tous.

Le verd se fait ordinairement avec du jaune & du bleu, mêlés l’un avec l’autre.

Avec du jaune, du rouge de garance, & du poil de chevre teint par la garance, on fait le jaune do-

ré, l’aurore, la pensée, le nacarat, l’isabelle & la couleur de chamois, qui sont toutes des nuances du jaune.

Jaune de Naples. (Peinture.) Le jaune de Naples est une pierre seche, & trouée comme nos pierres communes que l’on met dans des fondations avec la chaux & sable pour faire corps ensemble ; elle est cependant friable. Elle se tire des environs du mont Vésuve, proche Naples, & participe beaucoup du soufre ; elle a un sel très-âcre, que l’on ne peut lui ôter qu’en la faisant tremper dans de l’eau, & la changeant d’eau tous les jours ; malgré cela le sel pénetre au travers de la terrine, & paroît tout blanc au-dehors ; il faut aussi la réduire en poudre avant de la mettre tremper, & lorsqu’on la broye sur le porphyre, ne point se servir de couteau de fer pour la ramasser, parce que le fer la fait verdir & noircir ; mais on se sert pour cela de couteau de bois de châtaignier, cette couleur est très-bonne à l’huile comme à l’eau.

Jaune des Corroyeurs, couleur que ces ouvriers donnent aux cuirs ; cette couleur se fait avec de la graine d’Avignon & de l’alun, dont ils mettent une demi-livre de chacun sur trois pintes d’eau, qu’ils font bouillir à petit feu, jusqu’à ce que le tout soit réduit aux deux tiers pour le moins. Voyez Corroyeur.

Jaune d’œuf. Voyez Œuf.

JAUNIR, verb. act. & neut. (Gram.) on dit ce corps jaunit ; on dit aussi jaunir un corps.

Jaunir, en terme de Doreur sur bois, se dit de l’action d’enduire un ouvrage à dorer d’une couche de jaune à l’eau après la couche d’assiette, pour rendre la dorure plus belle.

Jaunir, en terme d’Epinglier, s’entend de la premiere de toutes les façons qu’on donne au fil de laiton. On le met pour cela dans une chaudiere, où il bout pendant quelque tems dans de l’eau & de la gravelle ; on bat ensuite le paquet sur un billot, à force de bras, pour en séparer la rouille & la gravelle ; on le jette ensuite dans de l’eau fraiche, on le fesse encore quelque tems, voyez Fesser ; on le fait sécher au feu ou au soleil, pour le tirer ensuite. Voyez Tirer. Voyez la Planche de l’Epinglier. Voyez aussi celle du laiton, & l’article Laiton.

Jaunir, en terme de Cloutier d’épingle, c’est éclaircir les clous de cuivre ou de laiton, en les secouant dans un pot de grès, avec du vinaigre ou de la gravelle. Voyez Gravelle.

JAUNISSE, s. f. (Médecine.) est une maladie dont le symptome caractéristique est le changement de la couleur naturelle du corps en jaune ; on l’appelle aussi en françois par pléonasme, ictere jaune, en latin icterus flavus, aurugo, morbus regius ; en grec ἰκτερος ; l’étymologie de ce mot vient d’une espece de belette, ἰκτις, ou milan, qu’on appelloit aussi du même nom, & qui avoient les yeux jaunes ; ainsi ictere est synonyme à jaunisse : les anciens l’employoient aussi dans ce sens-là. Hyppocr. passim, & Galien, definit. medical. n°. 276. Le nom d’aurigo lui vient de la ressemblance qu’a la couleur du corps avec celle de l’or, c’est peut-être aussi pour cette raison qu’on l’appelle morbus regius ; cette étymologie a beaucoup excité les recherches des écrivains : c’est avec plus d’esprit que de raison que Quintus Severinus dit,

Regius est vero signatus nomine morbus,
Molliter hic quoniam celsâ curandus in aulâ.

On distingue plusieurs especes de jaunisse, par rapport à la variété des symptomes, à la différence des causes, & à la maniere de l’invasion ; on peut diviser d’abord l’ictere en chaud & en froid, cette division est assez importante en pratique, en pri-