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le soin que les mères ont de bien ranger les membres des enfants dans le sac à mousse ou berceau indien[1]. Il se compose d’une planchette ayant des deux côtés un morceau de toile ; ces morceaux se lacent au centre. L’enfant est posé le dos sur la planchette, empaqueté avec de la mousse bien choisie, et, les bras serrés le long du corps ; il est solidement lacé, n’ayant la liberté que de mouvoir sa tête. Quand on voyage, la mère porte à dos ce berceau ; lorsque le camp est formé, le berceau est appuyé contre un arbre et l’enfant n’est délivré de ses liens que pour peu d’instants et de temps à autre. Ces petits prisonniers ont une bonté remarquable. On ne les entend pas piailler dans le camp et ils sont strictement obéissants sans être punis corporellement.

Un jour, Kekekouarsis nous arriva fort tourmenté par ses chagrins de famille. Il avait, à la mode indienne, vendu une de ses filles en mariage pour un cheval ; mais son ingrat beau-fils, après avoir emmené sa fiancée, était revenu durant la nuit et avait volé le cheval donné en échange. Kekekouarsis, indigné d’une telle conduite, s’était vengé en allant reprendre secrètement sa fille et, maintenant, il redoutait beaucoup la colère du fiancé ; par peur d’en être attaqué, il venait nous demander un asile pour la nuit, car il craignait d’être maltraité dans l’obscurité en retournant chez lui. Nous y consentîmes volontiers ; mais il paraît que les craintes de Kekekouarsis étaient chimériques ; car le nouvel époux supporta la perte de sa femme avec une si parfaite indifférence qu’il n’essaya jamais de la reprendre.

La Ronde était de retour le 9, Il n’avait, dans sa première journée, trouvé que peu de traces de gibier ; plus loin, les marques de martres étaient devenues assez abondantes, et il avait

  1. Dans un voyage en Laponie (Tour du Monde, 1862, II, page 129 et suiv.), on trouvera la description de patins fort semblables aux raquettes canadiennes, et celle d’un berceau plus simple encore que celui dont il est question ici, mais qui est d’un usage tout aussi peu embarrassant (p. 138 et 139). Un autre berceau des Peaux Rouges est figuré dans le Tour du Monde, 1860, I, p. 372, (Trad.)