Page:Saint-Bernard - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome 2, 1866.djvu/295

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couture et d’un seul tissu, depuis le haut jusqu’en bas, en disant : « Or, c’est un seul et même esprit qui opère toutes ces choses, distribuant à chacun ses dons selon qu’il lui plaît (I Corinth., xii, 11). » En effet : « La charité a été répandue en nous par le Saint-Esprit qui nous a été donné (Rom., v, 5). » Ne la divisons donc point maintenant, cette Église du Christ, et conservons-la entière et sans déchirures, car c’est d’elle que le Psalmiste disait : « La Reine s’est tenue à votre droite, dans un vêtement enrichi d’or, et parée de ses divers ornements (Psalm. cliv, 10). » Tous donc tant que nous sommes, Clunistes, Cisterciens, Clercs Réguliers, simples fidèles même, tout ordre quelqu’il soit, toute langue, tout sexe, tout âge, dans toute condition, en tout lieu et en tout temps, depuis le premier homme jusqu’au dernier, tous, dis-je, nous recevons des dons différents ; chacun reçoit le sien, les uns d’une manière et les autres de l’autre. Voilà pourquoi encore la robe du Christ est une robe traînante ; il faut qu’elle descende jusqu’aux talons, et, selon le mot du Prophète « qu’aucune partie du corps ne se dérobe à sa chaleur (Psalm. xviii, 7). » Elle est d’ailleurs à la taille de celui pour qui elle a été faite, puisque l’Écriture nous le dépeint ailleurs en ces termes : « Il atteint d’une extrémité du monde à l’autre avec une force infinie, et dispose tout avec une égale douceur (Sap., viii, 1). »

Chapitre IV.

Saint Bernard dit que s’il n’est que d’un ordre religieux par sa profession, il est de tous les ordres par la charité.

7. Nous concourons donc tous également à faire la même tunique, de sorte qu’elle est une, quoique La tunique du Christ est une, quoique faite de nous tous. faite de tous ; oui, une, dis-je, bien que tous nous concourions a la faire ; car si ce qui la compose est multiple et varié, néanmoins, « ma colombe, dit l’Époux, ma belle et parfaite amie est une (Cant., vi, 8). » Ainsi je ne suis pas seul et sans vous, mais vous non plus, vous n’êtes pas sans moi, ni tel ou tel non plus sans l’un ou l’autre de nous deux ; mais tous ensemble nous faisons cette robe unique, si toutefois nous avons à cœur de conserver l’unité d’un même esprit par le lien de la paix (Ephes., iv, 3). Non, dis-je, ce n’est ni notre ordre ni le vôtre qui forment seuls cette robe, mais le vôtre et le nôtre font en même temps partie de son tissu, à moins que, ce qu’à Dieu ne plaise, nous attaquant les uns les autres et nous jalousant réciproquement, nous ne nous déchirions mutuellement et nous ne nous mangions les uns les autres, ne permettant point ainsi à l’Apôtre de nous présenter à Jésus-Christ, comme une vierge pure et sans tache (II Corinth., xi, 2). Mais cette unique amie de l’Époux dit dans le Cantique des cantiques : « C’est lui qui a réglé l’amour dans mon cœur (Cant., ii, 4), » pour nous donner à entendre que si elle est une, par la charité, elle est multiple, par les ordres qu’elle renferme. Eh quoi ! parce que je suis Cistercien, damnerai-je les religieux de Cluny ? Que Dieu m’en préserve ! je les aime, au contraire, je les exalte et j’en parle avec éloge. En ce cas, me direz-vous peut-être, pourquoi n’entrez-vous point dans cet ordre que vous avez en si grande estime ? Écoutez, le voici, et c’est l’Apôtre lui-même qui vous répondra, en disant : « Chacun doit demeurer dans la vocation où Dieu l’a appelé (Corinth., vii, 20). » Si vous continuez, en me demandant pourquoi je